Décision

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Xie c. Bosso

2022 QCTAL 9620

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

596162 31 20211103 G

No demande :

3384334

 

 

Date :

06 avril 2022

Devant la juge administrative :

Pascale McLean

 

Xuping Xie

 

Yanping Rong

 

Locateurs - Partie demanderesse

c.

Jean Bosso

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Le 3 novembre 2021, les locateurs déposent une demande en résiliation au motif que le locataire ne respecte pas le bail en utilisant le logement à plus du tiers pour des fins autres que résidentielles. Aucune demande n’est déposée quant à la condamnation aux frais.

[2]         Les parties sont liées par un bail reconduit du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022, au loyer mensuel de 1 754 $. Il s’agit d’un logement de 9½ pièces, comprenant cinq chambres.

[3]         Les locateurs ont acheté l’immeuble en juin 2019. Depuis ce temps, ils occupent l’un des logements qui comprend également un local au sous-sol, lequel est utilisé à titre de studio d’acupuncture. L’immeuble compte sept unités.

Preuve des locateurs

[4]         Le locateur témoigne que le logement concerné ne sert pas à loger une famille, mais à développer les activités du Centre d’intégration pour personnes ayant des troubles du spectre de l’autisme, aussi appelé Centre d’intégration TSA.

[5]         Pour en faire la preuve, il dépose l’état de renseignements de l’entreprise provenant du Registraire des entreprises du Québec[1]. On y indique que cet organisme est une personne morale sans but lucratif, comprenant de 1 à 5 employés, dont le premier secteur d’activité est d’agir en tant que Centre de travail adapté, notamment pour préparer les jeunes au milieu du travail en leur apprenant l’informatique, la sériation et le classement. Le deuxième secteur d’activité concerne des services de divertissement et de loisirs[2]. L’adresse du domicile du Centre est celle du logement concerné. La directrice générale est madame Yolande Kathalay et monsieur Bosso en est le président.


[6]         Il dépose également des photos du logement qui montre des installations semblables à celles d’une garderie. Chaque chambre comprend deux lits simples pour les enfants.

[7]         Puis, il dépose en preuve un guide de soutien pour les enfants autistes, lequel réfère au Centre d’intégration, à l’adresse du logement concerné[3]. Ce guide émane de l’Office des personnes handicapées du Québec.

[8]         Le locateur reçoit tous les paiements de loyer au nom du Centre d’intégration TSA[4] et non au nom du locataire.

[9]         Le locateur a déjà demandé le loyer au fils du locataire lequel réfère à Yolande Kathalay pour les paiements. C’est avec elle qu’il échange également pour les réparations ou toute autre information liée au logement, affirme-t-il.

[10]     Après son emménagement au logement, en juin 2019, le locateur affirme ne pas avoir rencontré le locataire pendant environ huit mois. À ce moment, il souhaitait ajuster le loyer. Le locataire a refusé.

[11]     Depuis, le locateur soutient avoir rencontré le locataire à trois ou quatre occasions seulement. Il croise uniquement les personnes qui travaillent au logement, soit le fils du locataire et la secrétaire, madame Yolande Kathalay.

[12]     Il ne voit personne vivre au logement.

[13]     Puis, le locateur explique que l’assureur avec qui il faisait affaire au moment de l’achat de l’immeuble a cessé d’assurer les immeubles de plus de cinq logements. Il s’agissait d’une assurance résidentielle.

[14]     Il s’est donc retourné vers un courtier en assurances. Une visite de l’immeuble et des logements a été effectuée, incluant la visite du logement concerné. Plusieurs compagnies ont refusé de l’assurer. Le nouvel assureur a accepté d’assurer l’immeuble, en considérant qu’il est également utilisé à des fins commerciales ce qui a eu pour effet d’augmenter les assurances annuelles de 1992,52 $ à 7746 $[5]. Il considère qu’il s’agit d’un préjudice sérieux découlant des activités exercées par le locataire dans le logement concerné.

[15]     La nouvelle police d’assurance indique qu’il s’agit d’un immeuble commercial, en tenant compte de la clinique d’acupuncture, d’un « nursing center » et de 4 logements dont un est occupé par le locateur.

[16]     En contre-interrogatoire, le locateur affirme qu’au moment de l’achat de l’immeuble, il n’a pas eu à donner plus de détails aux assureurs concernant l’usage des logements. Il a conservé le même assureur que l’ancien locateur. Se référant aux baux, il a tout simplement affirmé que les logements sont utilisés pour des fins résidentielles, hormis son bureau d’acupuncture.

Preuve du locataire

[17]     Monsieur Bosso témoigne avoir emménagé dans le logement en juin 2014. Il soutient que le logement est occupé pour moins du tiers à titre de répit pour les enfants autistes, tel qu’indiqué au bail. Le reste du temps, le logement est occupé à des fins résidentielles.

[18]     Il décrit le Centre TSA comme étant un organisme sans but lucratif qui permet à de jeunes autistes de s’amuser la fin de semaine et à donner un répit aux parents. Les activités se déroulent du vendredi 17h au dimanche 19h.

[19]     Il déclare que son fils vit principalement au logement. De son côté, il se promène entre l’Ontario et Montréal. Il est à Montréal surtout les fins de semaine, et ce, depuis cinq ans.

[20]     Il affirme que le locateur souhaite augmenter le loyer depuis l’achat de l’immeuble. C’est ainsi qu’il lui a demandé de quitter les lieux s’il n’est pas d’accord avec le montant de l’augmentation.

[21]     Le locateur est aussi venu le voir pour l’augmentation du loyer au 1er juillet 2021. Il lui a fait part de l’augmentation du coût des assurances.


Plaidoiries

[22]     La procureure des locateurs plaide que l’intention des parties doit être scrutée afin de déterminer la compétence du Tribunal sur le sujet. Ainsi, le bail signé entre les parties est résidentiel, les parties ayant prévu qu’au plus un tiers du logement serait utilisé pour des fins autres que résidentielles.

[23]     Or, le logement étant utilisé pour des fins autres que résidentielles, le locataire contrevient à l’article 1856 C.c.Q., lequel prévoit qu’on ne peut changer la destination du logement. Les activités du Centre d’intégration TSA ne peuvent donc se tenir en vertu d’un bail résidentiel.

[24]     Les locateurs en subissent un préjudice grave en ce que les frais d’assurances ont gravement augmenté depuis la visite du courtier en assurances qui a constaté l’utilisation des lieux.

[25]     La procureure ajoute que le locataire n’a pas de permis d’occupation. Il ne respecte donc pas la réglementation municipale.

[26]     De son côté, le procureur du locataire plaide qu’il n’y a pas de changement de destination des lieux parce que le bail prévoit un usage mixte : résidentiel et la halte-répit. La demande devrait donc être rejetée.

[27]     Toutefois, si le Tribunal en vient à la conclusion qu’il y a changement de destination des lieux, le procureur demande de rejeter la demande en résiliation du bail, car il n’y a pas de preuve de préjudice sérieux, tel que requis par l’article 1863 du Code civil du Québec.

[28]     Il ajoute que l’augmentation du prix de l’assureur ne constitue pas un préjudice sérieux, d’autant plus qu’il n’y a pas de preuve que cette augmentation est due à l’usage du logement à titre de halte-répit, les locateurs ayant eux-mêmes un local dans l’immeuble pour offrir des services d’acupuncture.

LE DROIT

[29]     Les locateurs demandent la résiliation du bail au motif que le locataire a changé la destination du logement en utilisant le logement uniquement pour les activités du Centre d’intégration TSA et non pour l’habitation.

[30]     Ils fondent leur recours sur l'article 1856 du Code civil du Québec, lequel prévoit ce qui suit :

« 1856. Ni le locateur ni le locataire ne peuvent, au cours du bail, changer la forme ou la destination du bien loué. »

[31]     À ce sujet, l'auteur Pierre-Gabriel Jobin explique ce que constitue un changement de destination en ces termes :

« La loi interdit d'abord au locataire de modifier la forme du bien loué, tel qu'il se trouvait lors de la conclusion du bail ou, tout au moins, lors de la délivrance du bien. Elle lui interdit également d'en changer la destination, ce qui est une source de difficultés plus nombreuses. Le changement s'apprécie en fonction de la destination qui a été prévue par une disposition du bail ou, à défaut, qui est révélée par l'usage antérieur du bien ou son état au moment de la délivrance. Par exemple, le locataire d'un logement ne saurait le transformer en établissement de bains turcs et en salon de massage, ni en maison de chambres, inversement, le locataire d'une salle de cinéma ne saurait la transformer en logement. (...) »[6].

[32]     Or, pour obtenir la résiliation du bail, les locateurs doivent démontrer, selon la balance des probabilités, que le locataire ne respecte pas ses obligations découlant du bail de logement et qu’il en résulte un préjudice sérieux le tout, conformément à l’article 1863 du Code civil du Québec qui se lit ainsi :

« 1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.

(…) » (notre soulignement)


QUESTION EN LITIGE

[33]     Le locataire a-t-il changé la destination des lieux? Le cas échéant, y a-t-il un préjudice sérieux justifiant la résiliation du bail?

Fardeau de la preuve

[34]     Il est pertinent de rappeler que selon les dispositions des articles 2803, 2804 et 2845 du Code civil du Québec, il revient à la partie demanderesse de faire la preuve des faits allégués dans sa demande, et ce, de façon prépondérante, la force probante du témoignage et des éléments de preuve étant laissée à l'appréciation du Tribunal.

[35]     Si une partie ne s'acquitte pas de son fardeau de convaincre le Tribunal ou que ce dernier soit placé devant une preuve contradictoire, c'est cette partie qui succombera et verra sa demande rejetée.

ANALYSE ET DÉCISION

[36]     Avant de déterminer si le locataire a changé la destination du logement, il faut déterminer quelle était l'intention des parties lorsqu'elles ont conclu le bail de 2017.

[37]     Ce bail indique que « le logement est loué à des fins mixtes d’habitation et « utilisation Halte Répi week-end » (sic), mais pas plus du tiers de la superficie totale ne servira à cette dernière fin (art. 1892 C.c.Q). »

[38]     Il faut noter que les situations prévues à l’article 1892 C.c.Q. sont celles qui sont soumises aux règles particulières au bail d’un logement contenues aux articles 1892 à 2000 du Code civil du Québec et qui, incidemment, sont déterminantes pour décider de la compétence du Tribunal lorsque requis.

[39]     La preuve prépondérante démontre qu’au moment de sa conclusion, le bail liant les parties a été contracté à des fins mixtes, dans le respect des règles particulières au logement. Pas plus du tiers devait servir à titre de Halte-Répit, et ce, afin de correspondre à la notion de logement prévue par l'article 1892 C.c.Q.

[40]     Il s'agit donc d'un bail résidentiel ou de logement, contrat relevant de la compétence du Tribunal administratif du logement en vertu de l'article 28 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement.

[41]     Par ailleurs, la conclusion d'un bail résidentiel, ou à usage mixte à vocation principale résidentielle, détermine la compétence du Tribunal, compétence qu'il conserve même lorsque la preuve démontre que les parties ont changé cette vocation en cours de bail, comme c'est indiqué dans l'affaire Bolduc c. Brunet[7] :

« [24]   L'article 1892, alinéa 3, paragraphe 2, limite la compétence juridictionnelle de la Régie du logement au sens de l'article 28 de la Loi sur la Régie du logement. Il ne détermine pas les critères à retenir pour décider si la destination d'un logement a été modifiée. Aussi, la décision unilatérale d'une des parties de changer la destination du logement en cours de bail, comme c'est le cas en l'espèce, n'a pas pour effet de faire perdre compétence à la Régie du logement :

« La compétence rationae materiae ne doit pas dépendre de l'usage effectif du local, puisqu'elle risquerait de varier au gré du locataire qui pourrait choisir le tribunal compétent en utilisant le local à des fins autre que résidentielles, pour plus ou moins d'un tiers de sa superficie totale selon qu'il veuille s'adresser à la Cour du Québec ou à la Régie du logement » ». (notre soulignement)

[42]     Ceci dit, différents critères sont utilisés pour déterminer s’il y a changement de destination des lieux loués. À ce sujet, la juge administrative applique le critère de la superficie dans l’affaire F.L. en sa qualité de liquidateur (Succession de M.L.) c. Arezki Ferrah[8] :

« [85]   On comprend donc qu'il y a de multiples facteurs qui sont considérés dans la détermination de l'article 1856 C.c.Q.

[86]   En l'occurrence, la preuve révèle que le logement est utilisé sur plus d'un tiers pour les fins de l'exploitation de la garderie. En ce sens, il y a changement de destination du logement puisque l'habitation est devenue l'accessoire de l'exploitation de la garderie.

[87]   Le calcul de superficie soumis par les locataires est incomplet en ce qu'il ne tient pas compte de certains lieux qui servent à leur exploitation (cuisine, salle de bain).

[88]   Ainsi révisé, le calcul permet de conclure que les locataires utilisent les lieux selon un pourcentage qui n'autorise pas la qualification essentiellement résidentielle. »

[43]     En l’instance, la preuve prépondérante démontre que le locataire a changé unilatéralement, en cours de bail, la destination du logement en l’utilisant à plus du tiers pour des fins autres que résidentielles, soit pour l’usage du Centre d’intégration TSA.

[44]     En agissant de la sorte, le locataire contrevient aux dispositions de l'article 1856 C.c.Q.

[45]     À ce sujet, les photos déposées en preuve sont éloquentes[9]. Le salon est transformé en espace de jeux et les cinq chambres comprennent deux lits simples. Sur le profil du locataire déposé en preuve, ce dernier écrit avoir créé ce centre pour dix utilisateurs, ce qui correspond aux dix lits disponibles. D’ailleurs, monsieur Bosso admet pouvoir accueillir jusqu’à dix usagers.

[46]     Aucune chambre ne semble occupée par quelqu’un qui y vit.

[47]     Au Registraire des entreprises du Québec, l’état des renseignements de l’organisme fait état que l’adresse est celle du logement concerné. La directrice générale est madame Yolande Kathalay et monsieur Bosso en est le président. Madame Kathalay est celle qui veille à l’entretien du logement durant la semaine.

[48]     Un guide en soutien à la famille pour les parents d’un enfant ou d’un adulte handicapé réfère au Centre d’intégration TSA à l’adresse du logement concerné[10].

[49]     La preuve non contredite démontre que le loyer est payé par le Centre d’intégration TSA et non par le locataire.

[50]     Le Tribunal accorde beaucoup de crédibilité au témoignage du locateur qui affirme qu’il ne voit pas le locataire et son fils habiter les lieux. Son témoignage est détaillé et précis, appuyé d’une preuve documentaire étoffée.

[51]     Notamment, il affirme qu’il fait affaire principalement avec madame Kathalay concernant le logement, laquelle n’y habite pas. Il dépose les échanges de messages texte qui démontrent que c’est elle qui veille à l’entretien du logement[11].

[52]     Le bail prévoit que le « le logement est loué à des fins mixtes d’habitation et à titre de halte-répit les fins de semaine. » Le bail prévoit également que pas plus du tiers de la superficie totale ne servira à cette dernière fin. Il appert de la preuve prépondérante que l’ensemble du logement sert aux activités du Centre d’intégration TSA, soit à des fins autres que le logement.

[53]     Le locataire dit y habiter la fin de semaine et son fils y habite durant la semaine. Cette allégation est contredite par le locateur qui ne voit personne y habiter, ce dernier habitant le même immeuble.

[54]     Le Tribunal constate que s’il y a habitation des lieux, celle-ci est devenue l’accessoire de l’exploitation principale du logement qui est dédiée aux activités du Centre d’intégration TSA.

[55]     Ainsi, la preuve prépondérante démontre un changement de destination du logement.

[56]     Le locataire argue qu’il a transformé le logement en toute connaissance de cause de l’ancien locateur. Les activités du Centre d’intégration TSA ont été révélées dès la signature du bail.

[57]     Le Tribunal en convient. Toutefois, le bail précise que les activités du Centre d’intégration TSA doivent représenter tout au plus le tiers de l’utilisation du logement. Or, la preuve prépondérante révèle qu’il sert presque exclusivement aux activités du Centre. Hormis le témoignage contredit du locataire, il n’y a aucune preuve que le logement est utilisé à des fins résidentielles. Les photos mises en preuve ne permettent pas de conclure à un usage résidentiel.


[58]     Aussi, contrairement à ce qui est plaidé par le locataire, la preuve ne démontre pas que le Centre d’intégration exploité dans le logement est protégé par un droit consenti par l’ancien locateur de l’immeuble, pas plus que par le locateur actuel. La présence de ce Centre dans le logement tient du privilège consenti au locataire et son exploitation à la tolérance du locateur.

[59]     La preuve prépondérante démontre ainsi qu’au moment de la conclusion, le bail liant les parties a été contracté à des fins mixtes d’habitation et de halte-répit week-end, en considérant que pas plus du tiers de la superficie totale ne servira à cette dernière fin, en application de l’article 1892 C.c.Q., le but étant que les règles particulières au bail d’un logement puissent s’appliquer.

[60]     Le Tribunal conclut qu’il y a changement de destination des lieux loués, ce qui constitue un non-respect des obligations du locataire en vertu du bail.

La résiliation du bail et le préjudice sérieux

[61]     Ceci étant, est-ce que la résiliation du bail est la sanction appropriée à une telle contravention?

[62]     Le locateur doit faire la preuve d’un préjudice sérieux pour obtenir la résiliation du bail du locataire, le tout suivant l’article 1863 C.c.Q., précité.

[63]     Les auteurs Gagnon et Jodoin résument l'état du droit entourant ce type de demande :

« Pour obtenir la résiliation en cours de bail, la partie requérante (locataire ou propriétaire) doit d'abord alléguer et prouver la faute, c'est-à-dire un événement ou comportement qui contrevient aux obligations contractuelles ou légales du cocontractant. Elle doit en outre établir que cette situation lui cause un préjudice sérieux. Il n'existe par ailleurs aucune définition légale permettant de définir le préjudice sérieux. Selon les circonstances, on tiendra compte du nombre de fautes commises, de leur gravité, ou encore des effets de la contravention sur le bien-être ou le patrimoine de la victime. »[12]

[64]     La procureure des locateurs fait valoir que le locataire n’a pas fait la preuve de l’obtention d’un permis d’occupation pour effectuer les activités du Centre. Il ne respecte donc pas la réglementation municipale. Or, même s'il était établi que le locataire y contrevient, quel est le préjudice sérieux réellement subi par les locateurs en raison de ce défaut? Le Tribunal ne dispose pas de la preuve pour établir la nature du préjudice et, surtout, de sa gravité. L’argument des locateurs à ce sujet est donc écarté.

[65]     Puis, la procureure des locateurs soumet comme argument principal que le préjudice sérieux provient de l’augmentation drastique des frais de la couverture d’assurances de l’immeuble.

[66]     En effet, la couverture d’assurances de l’immeuble ne visait qu’un usage résidentiel durant l’année qui a suivi l’achat. Les locateurs ont ensuite pris les démarches auprès d’un courtier en assurances pour obtenir une assurance adéquate de leur immeuble. En tenant compte de l’usage, autre que résidentiel, tant pour son bureau d’acupuncture que pour le Centre d’intégration TSA, les frais de la couverture d’assurances annuelle sont passés de 1 992,52 $ à 7 746 $[13], ce qui représente une augmentation notable.

[67]     À cela, le procureur du locataire plaide que les locateurs étaient informés des activités du Centre d’intégration lors de l’achat. De plus, cette activité n’a pas été déclarée pour obtenir la première couverture d’assurances.

[68]     À ce sujet, il appert de la preuve que les locateurs ont tout simplement continué l’assurance qui était en vigueur au moment de l’achat. C’est au moment du renouvellement de leur couverture d’assurances et après vérification auprès du courtier d’assurances qu’ils ont dû modifier leur couverture d’assurances afin que leur contrat reflète les activités qui se tiennent dans l’immeuble.

[69]     Le procureur du locataire plaide de plus qu’il est impossible de savoir si l’augmentation des frais de la couverture de l’assurance est due aux activités du Centre d’intégration TSA ou au bureau d’acupuncture des locataires. Ainsi, le préjudice sérieux des locateurs ne serait pas prouvé. Le Tribunal ne peut retenir cet argument.


[70]     Bien que des activités autres que résidentielles se tiennent dans ces deux logements de l’immeuble, l’augmentation importante de la couverture d’assurances démontre un préjudice sérieux. Le logement du locataire est d’une superficie importante et est disposé sur deux étages, contrairement au bureau d’acupuncture qui se trouve au sous-sol.

[71]     Le Tribunal fera donc droit à la demande des locateurs et résiliera le bail.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[72]     ACCUEILLE la demande des locateurs;

[73]     RÉSILIE le bail entre les parties.

 

 

 

 

 

 

 

 

Pascale McLean

 

Présence(s) :

les locateurs

Me Magali Fournier, avocate des locateurs

le locataire

Me Yorrick Bouyela, avocat du locataire

Date de l’audience : 

3 février 2022

 

 

 


 


[1] Pièce P-6.

[2] Pièce P-6.

[3] Pièce P-5.

[4] Il s’agit plus précisément du Centre d’intégration pour personnes ayant des troubles du spectre autistique. Voir pièce P-6.

[5] Pièce P-8.

[6] Jobin, Pierre-Gabriel, Le louage, 2e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1996, pp.43-44.

[7] 2011 QCRDL 38805; voir aussi : Morissette c. Grégoire, 2014 QCRDL 38747; Sylvie Bolduc c. Anne Brunet, R.L. 31-090512-016G, le 19 octobre 2011. Voir : aussi Kokkalakis c. Daassi, 31-080828-005 G, j. a. A. Mailfait, le 26 janvier 2009; Berthiaume c. Bolduc, 16-001129-003 G, j. a. P. Leblanc, 4 janvier 2001; Hamel-Lebrun c. Chouinard, 2011 CanLII 150584.

[8] 2011 QCRDL 38805; voir aussi : Morissette c. Grégoire, 2014 QCRDL 38747; Sylvie Bolduc c. Anne Brunet, R.L. 31-090512-016G, le 19 octobre 2011. Voir : aussi Kokkalakis c. Daassi, 31-080828-005 G, j. a. A. Mailfait, le 26 janvier 2009; Berthiaume c. Bolduc, 16-001129-003 G, j. a. P. Leblanc, 4 janvier 2001; Hamel-Lebrun c. Chouinard, 2011 CanLII 150584.

[9] Pièce P-3.

[10] Pièce P-5.

[11] Pièce P-9.

[12] Gagnon, Pierre et Jodoin, Isabelle, Louer un logement, 2e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2012, p. 27.

[13] Pièce P-8.

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