Décision

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Charbonneau c. Hyundai Gatineau

2020 QCCQ 387

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

GATINEAU

LOCALITÉ DE

GATINEAU

« Chambre civile »                                                                        

N° :

550-32-701411-198

 

 

 

DATE :

  7 février 2020

______________________________________________________________________

 

         SOUS LA PRÉSIDENCE DU JUGE STEVE GUÉNARD, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

YOLAND CHARBONNEAU

 

Demandeur                              

c.

 

 

HYUNDAI GATINEAU

 

           Défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]   M. Charbonneau procède à l’acquisition, le 7 janvier 2019, d’un véhicule de marque Subaru Outback 2013 auprès du concessionnaire Hyundai Gatineau.  Le véhicule comporte, à ce moment, 119 253 kilomètres à l’odomètre[1].  La vente s’effectue pour la somme totale de 17 189,92$.

[2]   Il n’est pas contesté que la vente du véhicule comporte, à ce moment, une garantie conventionnelle pour une période d’un mois ou 1 700 kilomètres.

[3]   Au mois de mars suivant, alors que l’odomètre du véhicule indique dorénavant un total d’environ 126 000 kilomètres, M. Charbonneau remarque, alors qu’il se retrouve « coincé » dans un embouteillage, que son véhicule, malgré la froide température environnante, commence à surchauffer.  « Toutes les lumières, y compris le check engine, s’allument. »

[4]   M. Charbonneau range le véhicule dans le stationnement d’une station-service située non loin.  Il prend contact et se rend, peu après, chez la défenderesse.  Les représentants de celle-ci lui mentionnent, d’emblée, que tous les frais associés à la réparation du véhicule seront de sa responsabilité.  « À 100% », lui précise-t-on, et ce, considérant que la garantie conventionnelle d’un mois est dorénavant expirée.

[5]   Très déçu de la situation, M. Charbonneau se rend auprès de deux autres garages, soit tout d’abord au garage Subaru Outaouais et, par la suite, auprès de Réparation Automobile Chelsea.  On l’informe que la problématique de surchauffe du moteur résulte d’une difficulté électrique, celle-ci ayant causé, par le fait même, des dommages irréparables à « l’ordinateur de bord » du véhicule.

[6]   Armé de ce diagnostic, M. Charbonneau relance les représentants de la défenderesse, mais sans succès, le coût estimé des travaux refroidissant les ardeurs de négociation de part et d’autre.

[7]   La défenderesse est absente lors du Procès, bien que dûment appelée.  M. Charbonneau fut donc autorisé à procéder par défaut à son encontre.

[8]   M. Charbonneau, séance tenante, modifie quelque peu à la baisse la somme totale qu’il réclame, et ce, en raison de la réalisation de certaines réparations qui auront coûté, au final, un peu moins chères qu’originalement anticipé.  C’est donc la somme de 2 448,51$ qui est dorénavant réclamée, se déclinant ainsi :

i)      Coût d’inspection chez Subaru Outaouais : 63,21[2]$;

ii)    Réparations effectuées chez M.B. Mécanique : 492,09$[3];

iii)   Réparations effectuées chez Réparation Automobile Chelsea : 1 881,08$[4];

iv)   Déboursé rendu nécessaire pour l’envoi, par courrier recommandé, d’une lettre de mise en demeure (en usant du formulaire de l’Office de la protection du consommateur) : 12,13$[5]

 

ANALYSE

[9]   Bien que le dossier procède par défaut à l’encontre de la défenderesse, il revenait à M. Charbonneau, tel qu’expliqué séance tenante, de démontrer, par prépondérance de preuve, le bienfondé de sa Demande.  Les articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec (CCQ) exposent d’ailleurs ainsi ce principe :

2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

Celui qui prétend qu’un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.

2804. La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante.

 

[10]        En l’espèce, il est manifeste que la garantie conventionnelle était échue en mars 2019 lorsque M. Charbonneau découvre que le moteur de son véhicule récemment acquis surchauffe.

[11]        Qu’en est-il, cependant, de la garantie légale (de qualité et de bon fonctionnement)?

[12]        En effet, le fait que la garantie conventionnelle soit échue n’est pas nécessairement, dans tous les cas, fatal à la position défendue par un consommateur.[6]

[13]        Cette garantie légale découle à la fois tant du Code civil du Québec que de la Loi sur la protection du consommateur[7].

[14]        Les articles 1726 et 1729 CCQ sont ici pertinents et méritent d’être cités :

1726. Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus.

Il n’est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l’acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

1729. En cas de vente par un vendeur professionnel, l’existence d’un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce; cette présomption est repoussée si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l’acheteur.

                                                                                                  [Le Tribunal souligne]

 

[15]        Quant à la Loi sur la protection du consommateur, les dispositions pertinentes sont ainsi rédigées :

37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.

38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.

53. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d’exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l’objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire.

Il en est ainsi pour le défaut d’indications nécessaires à la protection de l’utilisateur contre un risque ou un danger dont il ne pouvait lui-même se rendre compte.

Ni le commerçant, ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu’ils ignoraient ce vice ou ce défaut.

Le recours contre le fabricant peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.

54. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d’exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur une obligation résultant de l’article 37, 38 ou 39.

Un recours contre le fabricant fondé sur une obligation résultant de l’article 37 ou 38 peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.[8]

 

[16]        En l’espèce, la preuve soumise par M. Charbonneau, qui est par ailleurs non contestée et non contredite, démontre de manière prépondérante qu’il est totalement anormal que la problématique électrique identifiée par les garagistes survienne deux mois à peine après l’acquisition d’un véhicule.[9] 

[17]        La présomption énoncée à l’article 1729 CCQ, précité, est donc enclenchée.

[18]        Certes, le véhicule en question est un modèle 2013 - comportant donc 6 ans d’usure au moment de la vente.  Certes, le véhicule comporte un peu plus de 119 000 kilomètres à l’odomètre lors de l’achat.

[19]        Ceci étant, il n’est pas question ici d’un véhicule acheté, pour quelques centaines de dollars, qui tombe en ruine.  En effet, le véhicule est ici acquis - d’un vendeur professionnel - pour la somme totale de 17 189,92$.

[20]        Ainsi donc, le Tribunal est d’opinion, à la lumière de la preuve entendue, que la garantie légale est ici applicable.

[21]        Qu’en est-il de la somme réclamée?

 

LE PRÉJUDICE SUBI

[22]        Les articles 1607, 1611 et 1613 CCQ énoncent les principes applicables ainsi :

1607. Le créancier a droit à des dommages-intérêts en réparation du préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel, que lui cause le défaut du débiteur et qui en est une suite immédiate et directe.

1611. Les dommages-intérêts dus au créancier compensent la perte qu’il subit et le gain dont il est privé.

On tient compte, pour les déterminer, du préjudice futur lorsqu’il est certain et qu’il est susceptible d’être évalué.

1613. En matière contractuelle, le débiteur n’est tenu que des dommages-intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir au moment où l’obligation a été contractée, lorsque ce n’est point par sa faute intentionnelle ou par sa faute lourde qu’elle n’est point exécutée; même alors, les dommages-intérêts ne comprennent que ce qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution.

 

[23]        Le principe de restitution intégrale consiste en un objectif d’indemniser valablement un demandeur, sans l’appauvrir mais sans l’enrichir non plus.  Il s’agit, souvent, d’un exercice délicat.

[24]        Quant au préjudice subi, la preuve, également non contredite, démontre le lien entre ladite problématique électrique identifiée en mars 2019 et les travaux rendus nécessaires.

[25]        Ainsi donc, le coût réclamé quant à l’inspection effectuée chez Subaru Outaouais sera accordée intégralement.  Il en va de même du déboursé pour l’envoi de la mise en demeure.

[26]        Ceci étant, il est indéniable que les travaux effectués apportent tout de même une plus-value au véhicule en question.  En effet, il est reconnu que l’indemnisation prononcée doit tenir en compte la plus-value que les travaux peuvent apporter au bien ainsi réparé.

[27]        Le Professeur Patrice Deslauriers, sur le sujet de l’indemnisation résultant d’une atteinte à un bien[10], abonde dans le même sens et rappelle ce qui suit :

Un élément extrêmement important et inhérent au concept de la restitutio in integrum [la restitution intégrale] est que le créancier ne peut jamais s’enrichir au moyen de dommages-intérêts.  C’est pourquoi, lorsqu’il s’agit d’un bien qui n’était pas destiné à la revente ou à la spéculation, le créancier aura le droit de réclamer, en cas de perte totale, le montant suivant : le coût de remplacement du bien neuf duquel on soustrait la dépréciation (…)

Dans l’hypothèse où le bien n’a été que partiellement endommagé, encore là, une somme sera allouée pour sa remise en état à condition que la preuve en soit faite.  Toutefois sera soustraite la portion représentant la plus-value du bien remis à neuf.

                                                                                                  [Le Tribunal souligne]

 

[28]        Considérant les circonstances en l’espèce, le Tribunal est d’opinion que la somme accordée à M. Charbonneau en lien avec les réparations effectuées doit être réduite de 30%, et ce, afin de prendre en compte la nécessaire plus-value que les travaux apportent à un véhicule qui comporte déjà, au moment de ceux-ci, 6 ans d’usure.

[29]        Conséquemment, la somme réclamée pour les réparations (totalisant 2 373,17$) sera réduite d’une telle proportion.  Ainsi, les chefs de réclamation concernant les réparations seront accueillies pour une somme de 1 661,22$.

[30]        Par conséquent, la réclamation du demandeur sera accueillie partiellement, et ce, pour une somme totale de 1 736,56$.  À celle-ci s’ajouteront les intérêts au taux légal, l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 CCQ ainsi que les frais de justice[11].

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE partiellement la Demande;

CONDAMNE la défenderesse à payer au demandeur la somme de 1 736,56$, avec l’intérêt au taux légal ainsi que l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, et ce, à compter du 30 avril 2019, soit la date de la mise en demeure;

LE TOUT, avec les frais de justice en faveur du demandeur.

 

 

 

 

__________________________________

STEVE GUÉNARD, J.C.Q.

 

 

 

Date d’audience :      4 février 2020

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Pièce P-1, soit le contrat de vente.

[2] Pièce P-4.  

[3] Pièce P-7.

[4] Pièces P-5, P-8 et P-9.

[5] Voir en Pièce P-6, tant quant à ladite lettre que relativement à la preuve de ce déboursé.

[6] Voir notamment McLaughlin c. Scuderia Autos inc, 2017 QCCQ 7707; Hassani c. 3248224 Canada inc, 2017 QCCQ 12810.

[7] RLRQ c P-40.1.  Celle-ci est applicable en l’espèce par l’application de l’article 2 L.p.c.

[8] Voir également les articles 271 et 272 L.p.c. quant aux recours qui sont disponibles pour le consommateur.

[9] Par analogie Thimothée c. Autos KLP inc, 2017 QCCQ 7465.

[10] Patrice DESLAURIERS, L’indemnisation résultant d’une atteinte à un bien, Collection de droits 2013-2014 du Barreau du Québec, vol.4 2013, EYB 2013 CDB 98.

[11] Conformément à l’article 340 du Code de procédure civile.

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