Décision

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COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL

 

 

Dossier :

234386

Cas :

CM-2001-7500, CM-2001-7501 et CM-2002-1681

 

Référence :

2006 QCCRT 0419

 

Montréal, le

24 août 2006

______________________________________________________________________

 

DEVANT LE COMMISSAIRE :

Guy Roy

______________________________________________________________________

 

Neal Bangia

 

Plaignant

c.

 

Nadler Danino S.E.N.C.

Intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

[1]                    Le 3 août 2004, Neil Bangia dépose contre l’intimée une plainte pour harcèlement psychologique en vertu de l’article 123.6 de la Loi sur les normes du travail, (L.R.Q. c. N-1.1.), la LNT. Le 5 octobre 2004, il dépose une plainte en vertu de l’article 122 de la même loi dans laquelle il prétend avoir fait l’objet d’un congédiement le 9 septembre 2004. Le 1er novembre de la même année, il dépose une autre plainte en vertu de l’article 122, il soutient maintenant avoir été congédié le 29 octobre 2004.

[2]                    D’entrée de jeu, la Commission indique au plaignant que l’une des deux plaintes déposées sous l’article 122 sera rejetée puisqu’il n’y a qu’une seule date de rupture du lien d’emploi. L’enquête déterminera la date de fin d’emploi. Si la Commission conclut que le plaignant a été congédié à cause de l’exercice d’un droit prévu à la LNT, une seule plainte sera accueillie.

[3]                    Pour la plainte formulée en vertu de l’article 123.6 de la LNT, l’intimée affirme qu’elle n’en a jamais reçu copie. Me Nadler soutient qu’il a pris connaissance d’une seule plainte de harcèlement psychologique, soit celle déposée par le plaignant le 22 novembre 2004 sous le numéro 601 000 356. Après vérifications, il s’avère que le dossier de cette plainte a été fermé par la Commission des normes du travail, nous n’en tiendrons pas compte.

remarques préliminaires

[4]                    Dans le cadre des procédures, le plaignant requiert de la Commission l’émission d’une citation à comparaître pour obliger un de ses anciens employeurs à venir témoigner. Il veut démontrer qu’il était un bon secrétaire. La Commission refuse d’émettre la citation à comparaître parce que ce témoignage n’est pas pertinent. Le fardeau de preuve du plaignant est de prouver qu’il a été l’objet de harcèlement psychologique. Il allègue aussi que l’intimée l’a congédié parce qu’il a fait des plaintes de harcèlement psychologique ou parce qu’elle a tenté d’éluder l’application de la Loi sur les normes du travail. Conséquemment, sa conduite chez un autre employeur non visé par ses plaintes n’est nullement pertinente.

[5]                    Une autre remarque s’impose. Lors de la présentation de sa preuve, le plaignant, pour soutenir ses allégations, a tenté d’introduire des documents provenant des dossiers clients de l’intimée. Il a aussi reproduit dans ses allégations des informations qui sont directement visées par le secret professionnel de l’avocat dans sa relation avec ses clients. La Commission a fait droit à l’objection de l’intimée et a refusé de prendre connaissance de tout document ou information supplémentaire visés par le secret professionnel de l’avocat. Pour les documents déjà produits au dossier, la Commission reproduit dans la présente décision, les allégations du plaignant en omettant les passages qui relèvent du secret professionnel. La Commission, sauf avec autorisation, ne permet pas l’accessibilité à ces éléments de la preuve. De plus, afin de préserver le secret professionnel, la Commission rend une ordonnance au même effet pour les enregistrements de l’audience.

[6]                    Le plaignant, qui se représente lui-même, consent à plaider par écrit.  Dans son argumentation déposée le 30 juin, il soutient ne pas avoir eu suffisamment de temps pour disposer de tous les points en litige. Il demande une réouverture d’enquête afin de produire un document. La Commission refuse de rouvrir l’enquête, mais lui permet de produire le document et l’invite à ajouter dans sa réplique tous les arguments dont il n’avait pas discuté, ce que le plaignant a fait dans sa réplique du 7 août.

[7]                    Dans sa plaidoirie, il introduit cependant des éléments de preuve qu’il n’a pas soumis à l’audience. L’intimée invite la Commission à tirer ses conclusions des seuls faits présentés lors des journées d’audience et indique n’avoir pas l’intention de répliquer à la nouvelle preuve.

[8]                    Dès le lendemain de la réplique de l’intimée, soit le 22 août, le plaignant requiert de nouveau une réouverture d’enquête, ce qui lui est de nouveau refusé. Malgré ses prétentions, le plaignant a bénéficié de tout le temps nécessaire pour faire valoir les éléments pertinents à son dossier, d’ailleurs c’est ce qu’il a fait dans sa plaidoirie, ses annexes et sa réplique.

La preuve

version du plaignant

[9]                    Le plaignant est engagé par l’intimée le 27 mars 2003 à titre de secrétaire juridique. Il répond à une offre d’emploi parue dans les journaux.  Spécifiquement, il travaille pour Me Nadler, associé de l’intimée. Il est aussi appelé à faire du travail pour d’autres avocats de l’étude.

[10]               Il se décrit comme un secrétaire juridique d’expérience ayant travaillé dans quelques bureaux d’avocats. Il soutient que ses anciens employeurs ont toujours été satisfaits de son travail. En contre-interrogatoire, il admet cependant avoir falsifié son curriculum vitae en n’indiquant pas les employeurs où il a eu des mauvaises expériences et en rallongeant les périodes d’embauche chez les autres de façon à masquer les périodes sans travail.

[11]               L’ensemble de sa preuve est dirigé contre les agissements et propos de Me Nadler. Il prétend que dès les premières semaines Me Nadler est rude avec lui lors des échanges sur le travail qu’il doit effectuer.

[12]               Le plaignant soumet à la Commission un document de onze pages, dans lequel il relate les évènements qui selon son appréciation, constituent du harcèlement psychologique à son endroit. Dans un premier temps, il décrit 12 situations générales qui, selon ses dires, se produisaient de manière répétitive. Il n’est pas en mesure de préciser aucune date où ces événements ont eu lieu. Deuxièmement, il décrit en détail 38 événements précis qui constituent, selon lui, aussi du harcèlement psychologique. Le plaignant reprend dans son témoignage chacun des événements, en les commentant.

allégations générales

[13]               Ceci étant dit, les 12 situations générales sont les suivantes : 

13.1.        Me Nadler m’empêche de m’exprimer en m’interrompant ou en me répondant de façon impolie quand je lui pose des questions.

13.2.        Me Nadler m’accuse d’utiliser de l’indiscrétion dans mes rapports avec les autres secrétaires alors que ces allégations sont complètement mal fondées.

13.3.        Me Nadler essaie de se détacher de moi en ne me parlant jamais sauf quand il a besoin de quelque chose ou veut me réprimander. À noter qu’au janvier 2004, il s’est clairement exprimé qu’il ne désirait pas entretenir une relation amicale avec moi.

13.4.        Me Nadler m’accuse d’être incompétent en prenant quelques cas isolés dans le passé où je ne comprenais pas sa façon unique de faire les choses.

13.5.        Me Nadler raccroche constamment le combiné du téléphone à mon nez.

13.6.        Me Nadler utilise des mots insultants et vulgaires à mon égard.

13.7.        Me Nadler me déprécie en niant la vérité ou l’existence, sans justification, de mon intelligence et de mes capacités en tant qu’un secrétaire d’expérience, d’éducation et d’érudition : il m’oblige d’agir comme un robot en exigeant, entre autres, que j’exécute des tâches absurdes, que j’exécute des tâches sans me permettre d’y appliquer ou de montrer mon discernement et que j’exécute ses ordres verbatim, c’est - à‑dire sans poser des questions, sans faire de suggestions ou autrement dévoiler mes idées, même s’il y a des erreurs ou de problèmes clairs avec ses instructions.

13.8.        Me Nadler me déprécie et me déstabilise en mettant en doute mon jugement et mon intégrité.

13.9.        Me Nadler m’induit en malhonnêteté et en erreur en refusant de me donner les informations nécessaires, ou en me donnant seulement une partie des informations nécessaires pour l’exécution de mes tâches et responsabilités.

13.10.    Me Nadler me dégrade en me lançant toujours ses cassettes de dictée comme si j’étais un chien prêt à aller chercher que ce soit.

13.11.    Me Nadler me déstabilise avec ses allusions (sarcasme, grimaces) injustifiées à un manque de compétence.

13.12.    Contrairement à mon collègue, Francine Léveillée, à qui on a offert des déjeuners pour ses anniversaires et pour les fêtes de secrétaires, Me Nadler ne m’en a jamais offert.

(P-1, reproduite telle quelle.)

[14]               Quant aux 38 situations détaillées, la Commission a cru bon de les regrouper en 4 catégories. En effet, le plaignant décrit des événements qui comportent souvent les mêmes types de reproches. Il est par ailleurs plus simple pour l’analyse et la bonne compréhension de cette affaire de réunir les reproches qui se ressemblent.

catégorie a

[15]               Sous la catégorie A, on retrouve les situations dans lesquelles le plaignant soutient que Me Nadler prononce des paroles qui ne lui sont pas destinées personnellement, mais qui portent atteinte à sa dignité.

15.1.        Le 5 mai 2004, dans le dossier # 1 où je préparais une « Amended Motion to Institute Proceedings in a Landlord and Tenant Matter, » j’indique à Me Nadler que la bonne traduction du mot français résiliation est rescission et non, resiliation. Il répond, « Who gives a fuck?  Just do what I tell you. »

15.2.        Le 22 juin 2004, Me Nadler me dicte une requête introductive d’instance dans le dossier #2  J’attire son attention au fait qu’il n’y pas une adresse formelle (parfois il en utilise une très simple) au début de la procédure. Il me répond, « I don’t give a shit! »

15.3.        Le ou vers la fin de juin 2004, dans le dossier #3, Me Nadler doit envoyer deux mises‑en‑demeure urgentes. J’appelle l’huissier [la préposée] tout en lui expliquant que la livraison doit se faire sur‑le‑champ, peu importe les frais, selon Me Nadler. Toutefois, elle [la préposée] me demande de communiquer à Me Nadler que les frais seront de 75 $. Elle me demande également des consignes au cas où personne ne serait pas sur les lieux pour accepter la signification. Je lui explique que 1) les frais ne font pas objet; et que 2) des personnes sont déjà sur les lieux. Mais elle insiste qu’elle doit avoir l’accord de Me Nadler et ses instructions en cas d’absence des parties. J’en informe Me Nadler en la présence des clients, Monsieur et Madame A. Voici le dialogue :

-The bailiff says it will cost $75 for the service.

-I don’t give a damn.

-Mr. Nadler, what do you want the bailiff to do if he cannot make service?

-I already told you that someone will be there.

-I know but the bailiff is insisting for alternate instructions.

-I don’t give a damn shit what she is insisting.

Ne pouvant plus tolérer l’abus, je transfère l’appel directement à Me Nadler.

Quinze minutes plus tard, arrive l’huissier. Je suis dans le bureau en même temps pour faire signer une lettre à Me Nadler. L’huisier pose la même question à Me Nadler que je lui posais auparavant concernant les instructions quant à la signification si personne ne répond pas. Me Nadler insiste encore une fois, mais il insiste avec un ton beaucoup plus amical et en se servant d’un vocabulaire extraordinairement plus gracieux que celui qu’il avait utilisé avec moi. Toutefois, il acquiesce à la demande de l’huissier « au cas où » et lui dit qu’il peut déposer les mises‑en‑demeures dans la boîte aux lettres en cas d’aucune réponse. Il le fait tout en lui adressant un sourire et lui souhaitant, « Have a nice day! » : un comportement qu’il ne m’eut jamais témoigné. Il est à noter qu’un tel traitement en est un que Me Nadler aurait pu me donner sans m’attaquer verbalement.

15.4.        Au début de juillet 2004, Me Nadler me demande de préparer des cartables pour un « closing » qui est survenu il y a quelques mois dans le dossier # 4. Il nous manque les documents reliés à un certain onglet. Me Nadler me dit, « Just pretend that they aren’t there. » Je le demande donc s’il voulait que je change l’index en conséquence et en réponse il se met à crier et à hurler des propos grossiers.

15.5.        Le 6 juillet 2004,, dans le dossier # 5, un dossier de vérification du testament, je ne suis pas sûr si l’initial du décédé est Q ou A. Je pose la question à Me Nadler qui, en réplique, souffle les joues et me réponde, « I don’t give a damn! » En conséquence, je communique avec la cliente qui me révèle que c’est un « A. »

15.6.        Le 9 juillet 2004, l’adresse d’une des parties dans la requête # 6 est redoutable (je le sais parce que je travaillai, dans, le passé, à un comptoir postal) et j’y attire l’attention de Me Nadler qui me réponde, « I don’t give a shit! »  Plus tard, lorsque Me Lyonnais doit préparer une requête pour permission de signifier par courrier recommandé, lui aussi se demande de la validité de l’adresse.

15.7.        Le 29 juillet 2004, je finalise une entente de règlement dans le dossier de B. J’apporte à l’attention de Me Nadler le fait que l’entente, en étant rédigée en langue anglaise et sous la compétence des tribunaux québécois, ne contient pas de clause de langue. Il me répond, « I don’t give a shit. »

15.8.        Le 30 juillet 2004, je remets la poste en mains propres à Me Nadler. Il ne me dit rien. Environ une demi‑heure plus tard, une autre secrétaire, Pamela King, lui apporte une livraison. Il la remercie avec de sourires et beaucoup d’enthousiasme en disant, « What? Is this for me? All for me? Wow! Thank you very much. »

15.9.        Le 29 octobre 2004, dans le dossier # 7, je dis à Me Nadler que je ne possède pas la pièce jointe d’une lettre qui est destinée à l’avocat de la partie adverse. Il me répond, « I don’t care; just send it out. »

(Reproduit tel quel avec remplacement des numéros de dossiers ou des noms de clients.)

catégorie B

[16]               Sous la catégorie B, on retrouve les situations dans lesquelles le plaignant soutient que  Me Nadler commet des gestes qui sont directement dirigés contre lui.

16.1.        Le 28 mai 2004. je m’approche de Me Nadler pour le demander si je peux m’absenter du travail le mardi 1er juin 2004 à cause des réparations qui devaient s’effectuer dans mon appartement. En réponse, il se détourne simplement et me ferme la porte au nez. Choqué, je rouvre la porte et le demande si tout était correct et s’il m’accorderait ma demande. Il répond, « You said that you have to take the day off; there’s nothing I can do. »

16.2.        Le 29 octobre 2004, Je suis congédié. Me Nadler quitte le bureau sans me saluer.

(Reproduit tel quel.)

catégorie C

[17]               Dans la catégorie C, on retrouve des événements dans lesquels le plaignant soutient que  Me Nadler prononce des paroles qui lui sont directement destinées portant atteinte à sa dignité et constituant du harcèlement à son égard.

17.1.        Au début de juin 2004, je demande à Me Nadler quelle méthode d’envoi il voulait utiliser pour envoyer des documents originaux à un client. Méthodiquement et avec froideur, il se laisse aller en arrière dans son fauteuil et me demande, « What do you think? » Je lui réponds que d’habitude nous envoyons les lettres par télécopieur. À ce moment‑ci, il me regarde et hausse les sourcils si comme il me réponde, « By George, he’s got it! [Félicitations sur un découvert divin!] » Je le demande de ne me pas me faire paraître stupide. Je lui explique que je lui posais la question parce qu’à la lettre il indique qu’il envoie des originaux et que même s’il s’agit des originaux, ils étaient facilement remplaçables en cas de perte. Donc, je me demande s’il voulait quand même demander et payer pour les services d’un messager. Il me répond finalement d’envoyer les documents par messager [et non par télécopieur, comme il m’a fait déviner].

17.2.        Le 17 juin 2004, je n’ai pas les coordonnées ni de M. C ni de M. D. Il faut que je les demande à Me Nadler. Les coordonnées ne se trouvent pas dans le dossier et il me renvoie à mon bureau à deux reprises, tout en insistant qu’elles s’y trouvent et que je dois me servir des deux yeux pour accomplir la tâche. Finalement, il communique avec ses clients par téléphone pour me donner leurs coordonnées.

17.3.        Le ou vers le début de juillet 2004, dans le dossier # 8, M. Nadler me demande de changer le nom E en F.  Il me dit que le « e » dans « De » devra être minuscule.  Je tente de lui expliquer que toutes les lettres du nom sont en majuscules puisqu’il se trouve dans l’en‑tête de la procédure, mais il me coupe en me disant, devant sa cliente, Madame G, « Just do as I tell you.  » comme si j’étais un petit enfant.

17.4.        Au début de juillet 2004, dans le dossier # 9, considérant que le paquet de documents que je dois insérer dans des cartables comprend plusieurs pages de format lettre et de format légal, je demande à Me Nadler s’il veut des cartables de format lettre ou de format légal. Il se laisse aller en arrière dans son fauteuil et me répond en me demandant, d’un ton sarcastique, « What do you think?  Take a wild guess. »

17.5.        Le ou vers le 14 juillet 2004, Me Nadler me donne pour instructions de signifier la requête en vérification d’un testament dans le dossier de G. Je l’avertis que je ne peux pas le faire tout de suite puisque certaines parties habitent hors de la province de Québec. Il me répond que je n’ai qu’à les remettre à l’huissier et elle [la représentante] s’en occupera. Je tente de lui expliquer que j’ai tout de même besoin de préparer une requête pour permission de signifier par courrier recommandé, mais il m’interrompe en pleine phrase en me disant, « Just do as I tell you. » Deux jours plus tard, les copies de la requête à l’intention des parties résidant hors de la province de Québec nous sont retournées comme rejetées par l’huissier et Martin Lyonnais s’empresse à me dicter une requête pour permission de signifier par courrier recommandé.

17.6.        Le 28 juillet 2004, Me Nadler se fâche à moi et à Martin Lyonnais parce que nous avons tous les deux mal à comprendre comment exactement il veut facturer le dossier H. Il [Me Nadler] est fâché parce que nous avons préparé un « final invoice for fees and disbursements » détaillé tandis qu’il voulait le document sous forme simple joint à un worksheet détaillé, ce qui n’était même pas possible de point de vue technique, car cette façon de procéder allait au‑delà des limitations du logiciel. J’avais des questions concernant les informations confidentielles du bureau qui étaient dévoilées sur un worksheet, mais il n’en voulait rien savoir et me demandait, « Are you dumb or what? » Finalement, j’ai photocopié le worksheet en faisant les modifications là‑dessous, tout en priant que Me Nadler sera content. Et, enfin, il l’était.

17.7.        Le 28 juillet 2004, Me Nadler s’adresse à moi à propos d’une lettre que lui a été adressée par l’avocat de la partie adverse dans le dossier I. Dans cette lettre, l’avocat se plaint de ne pas avoir reçu sa copie de la déclaration de règlement hors cour. En abordant le sujet, Me Nadler s’approche de moi et me dit, sur le ton de la colère et de façon accusatrice, « Why the hell didn’t you send this out? »  Il appert que j’avais effectivement envoyé le document, mais que l’avocat, qui venait de rentrer de ses vacances, n’avait pas pris connaissance de tout son courrier au moment d’envoyer sa lettre.

17.8.        Le 29 juillet 2004, Me Nadler me dicte une lettre à Rabbi J. Je n’ai pas son prénom ni son adresse et je les demande à Me Nadler. Il me répond, d’un ton de voix rabaissant, « If I didn’t give you a damn address, it means that there isn’t any. »  Son affirmation n’est même pas exacte puisque Me Nadler me donne souvent des consignes consistant en le nom du correspondant et s’attend à ce que je trouve l’adresse moi‑même.

17.9.        Le 2 août 2004, j’émets un rapport préliminaire de facturation dans un dossier de préparation de testament. Me Nadler me le retourne avec la notation qu’il veut remplacer toutes les charges de temps avec un montant global en utilisant le libellé, « Special Corporate Services. One charge in all. » Me Nadler me dit, « Just do it as I have written. » Mais il n’a pas apporté des changements au sujet de la facture et je veux y attirer son attention, mais il me coupe soudainement et me dit, d’un ton très hostile et en gesticulant avec ses mains, « Just do as I tell you. » Et c’est effectivement ça ce que j’ai fait. Pourtant, Me Nadler retourne plus tard avec la facture préparée en main et m’accable d’une remarque tout à fait sarcastique. Il me dit, « The company cannot have a last will and testament » en indiquant que je n’ai pas changé le sujet de la facture. Je voulais lui répondre que soit il veut que j’utilise ma tête, soit il veut que je fasse mot par mot ce qu’il veut : il ne m’a pas demandé de changer le sujet de la facture et il ne me permettait pas de lui en prévenir. De toute façon, Me Nadler cherchait à émettre une facture sous des faux prétextes et les limitations du logiciel empêchent de telles tentatives en ne permettant pas de changer l’en‑tête d’une facture, sans supprimer le compte et en créer un autre.

17.10.    Le 5 août 2004, à 11h38, je téléphone Me Nadler en ce qui concerne le dossier # 10. Je suis en train de préparer une facture dans ce dossier lorsque je me rends compte que la dernière lettre au client fut envoyée à l’attention de K tandis que le compte était immatriculé au nom de L. Je téléphone à Me Nadler et le demande, « In the file of M International, do I address the bill to K or L ? » Me Nadler répond, en utilisant un ton sec et sarcastique, « L is dead » et il ensuite raccroche à mon nez. Me Nadler ne discute jamais de ses dossiers avec moi. Comment veut‑il que j’en sache ?

17.11.    Le 5 août 2004, il est 17h02. Après un jour de préparer les factures, une lettre à la compagnie N que Me Nadler eu édité à plusieurs reprises, ainsi qu’un contrat d’emploi de huit pages, je n’ai pas le temps de faire la cassette qui traîne dans la machine à dicter de Me Nadler. Je m’approche de mon patron et le demande si cela pouvait attendre le lendemain. Sa réplique d’un ton sarcastique était, « Well, it will have to, » laissant entendre que je me reposais sur mes lauriers toute la journée.

17.12.    Le 12 août 2004, je pose une question à Me Nadler et il explose. Voici les détails de cette rencontre que je reproduise de mon journal :

« This entry details an encounter I had with Paul Nadler with respect to my preparation for him of a letter to the Canada Customs and Revenue Agency in the file # 11.

« He asked me to write a letter to Karine Bérard of the Canada Customs and Revenue Agency. To prepare this letter, he asked me to copy the exact same text from a similar letter addressed to Lysanne Renaud of Revenue Canada on April 20, 2004. But after the letter was printed, I noticed that the letter stated, "Votre lettre en date du 29 juillet 2004 adressée à N Canada Inc. à l'attention de O nous a été remise par Monsieur O," while I noticed from a cover letter from the client signed by P that the letter was in fact transmitted to Mr. Nadler by P and not by O.

« When I brought this discrepancy to Mister Nadler's attention, all hell broke loose. First he thought that I was telling him that his letter should read, "Votre lettre en date du 29 juillet 2004 adressée à N Canada Inc. à l'attention de P…" and he questioned my intelligence by answering me that I was comparing apples to oranges. When I pointed out that I was talking about who transmitted the letter to our office, he replied, "Ah, don't bother me with that shit. I know what I am doing. Just do as I tell you." »

17.13.    Le 13 août 2004, dans le dossier # 12, Me Nadler me donne mission d’intégrer dans les conclusions d’une requête pour ordonnance de sauvegarde le contenu d’une lettre qu’il vient tout juste de recevoir. Certains changements devaient quand même être apportés au texte. Par exemple, la lettre était rédigée dans le mode indicatif, première personne au pluriel et les conclusions dans la procédure sont rédigées dans le mode subjonctif, troisième personne au singulier. Je tentais de le demander s’il voulait que je fasse les changements nécessaires et il m’interrompe, « Don’t change anything; put it in exactly as is. » Cependant, plus tard je reçois les corrections à faire avec des « x » inscrits à côté des phrases que je voulais corriger dès le début. Quand Me Nadler indique des corrections avec un « x, » c’est pour signifier que j’ai fait une erreur.

17.14.    Entre le 25 et le 27 octobre 2004, dans le dossier # 13, j’attire l’attention de Me Nadler qu’il va falloir demander à l’huissier de produire la réponse le jour même puisque nous risquions de ne pas respecter les conditions de l’échéancier. Il se moque de moi en me répondant, « What are you talking about?!  No one is going to make an issue if the answer is deposited one day late.  Get real! » Ceci est également un exemple de ces tentatives de m’induire en erreur parce que si jamais des problèmes en résultent, il m’en tiendra responsable.

(Reproduit tel quel avec remplacement des numéros de dossiers ou des noms de clients.)

catégorie D

[18]               Dans la catégorie D, on retrouve toutes les autres situations qui selon le plaignant portent atteinte à sa dignité et qui sont des manifestations de harcèlement à son égard.

18.1.        Le ou vers la fin de juin 2004, Me Nadler explose parce que je faisais du travail pour Martin Lyonnais au lieu de faire un projet urgent qu’il a laissé traîner sur la machine à écrire pendant que j’étais à la toilette. Je ne savais pas que le travail était urgent ; il n’y avait aucune indication à cet effet. Aussitôt indiqué, je me mets à sa préparation et commence à taper le plus vaillamment possible. Il cri en publique en me disant que c’était lui qui paye mon salaire et non Me Lyonnais. Il oublie, par contre, qu’il m’a engagé pour répondre à ses besoins ainsi qu’à ceux de son associé.

18.2.        Au début de juillet 2004, durant une évacuation, à la demande d’un pompier qui se présente à la réception ordonnant l’évacuation immédiate de tout le monde, je vais chercher Me Nadler qui est au téléphone, qui ne me prend pas au sérieux et qui fait des gestes impolis avec ses mains. Le pompier, par la suite, le fait sortir.

18.3.        Entre le 19 juillet 2004 et le 6 août 2004, durant les vacances de l’autre secrétaire du bureau, Francine Léveillée, Me Nadler cherchait tout moyen pour éviter que j’écrive des chèques pour le bureau. Par exemple, il me fait appeler les endroits où on devait de l’argent et leur demander si l’émission des chèques pouvait attendre le 9 août 2004, soit la date de retour de Mme Léveillée.

18.4.        Le 29 juillet 2004, j’approche Me Nadler pour lui faire part que je ne puis plus tolérer son traitement à mon égard. Voici le contenu de mon journal quant aux détails de cette rencontre :

« I stopped at the threshold of Paul Nadler's doorway and I asked him, "Mr. Nadler, is this a good time to talk to you?"  As I was posing the question, he looked in my direction and leaned back in his chair, crossing his hands into one. He said nothing. I approached the desk, ready to stand but thought better instead to sit down in a chair that was not tucked-in.

« I started by saying to him, "Since I started here, you wanted me to do things exactly as you wanted.  You never wanted my to take the initiative, use my creativity or try to second-guess you."  He nodded in agreement.  At this point, I explained to him that with this approach of his, questions are bound to arise but that I felt uncomfortable in posing them to him because he would answer me back rudely and I felt that he was psychologically harassing me.  "… and I am trying to figure out if this is part and parcel of your personality or if you are mad at me or if there is something personal against me," I added, before finishing, that my fear of posing questions to him, for risk of being rebuked, may pose problems, notably the incorrect execution of a task.

« Mr. Nadler spoke the rest of the time. He answered back that he was not mad with me, but that he himself noticed the hostile atmosphere.  He said that it wasn't in his personality to be “curt” but that he could not explain why things were this way.  He surmised that it might be the chemistry. He then changed the topic. 

« He then said that he would happily endorse my resignation if I wanted to leave. He said that he wasn't looking for somebody else but that he would not stop me from looking elsewhere.  He said that I did not need to go behind his back.  He just hoped that, when the time would come for me to quit, I would show him the same courtesy (presumably by giving him notice).  His rant then seemed to evolve into a kind of encouragement for me to leave.  He said he would give me a fair letter of recommendation.  He stated that it would praise me for being a diligent worker and being good at the computer.  He said he would not mind if I went to another employer and proffered as a reason for wanting to change my job that my boss is "a son of a bitch."  He said this jocularly but it is an excellent example of what I have to go through.

« I was on the verge of crying.  But I held my composure; I replied, "fine" to him and thanked him for his time before leaving. »

18.5.        Le 8 septembre 2004, durant l’heure de dîner, j’abord la question des vacances avec Me Nadler. Il me dit qu’il doute que je serais toujours en son emploi pour plus longtemps.

18.6.        Le 8 septembre 2004, dans l’après‑midi, Me Nadler me donne des instructions de signifier à l’avocat de M. Q et de sa compagnie une copie de la requête en sauvegarde dans le dossier # 14. Je l’informe que la requête en est une introductive pour M. Q et sa compagnie, mais Me Nadler ne veut rien entendre. Il insiste que je fasse ce qu’il me dit. Le faire, cependant, est impossible. Aucun avocat n’est inscrit dans le dossier ni à la cour. À la demande de Me Nadler, je recherche dans le dossier et entre en communication avec le greffe de la cour. Je crains également que Me Nadler n’ait raison, vu que je connais très peu de ses dossiers grâce à son silence. Finalement, je lui envoie un courriel lui détaillant toutes mes recherches et la situation actuelle du dossier. Le lendemain il m’envoie un courriel où il confirme mes prétentions, mais n’ayant toutefois pas l’air désolé. Depuis cette date‑ci, je décide qu’il serait préférable de communiquer avec Me Nadler par courriel.

18.7.        Le 23 septembre 2004, j’écris à Me Nadler un courriel afin de l’informer que j’ai reçu les rapports d’huissier dans le dossier # 15 et que j’étais en train de les organiser. En réponse, il m’écrit, « Email all documents to me. »  Je lui envoie donc une image de tous les rapports de service et il m’accuse de ne rien comprendre, me disant que « all documents » voulait dire la procédure ainsi que les rapports. Il me donne ensuite comme consigne de classer les documents sans les déposer au registre foncier et j’ai trop peur d’aborder avec lui ma crainte que nous n’allions perdre notre droit de les déposer si nous tardons à le faire.

18.8.        Le 27 septembre 2004, il y a une erreur grammaticale dans l’affidavit de M. R. Me Nadler a écrit au paragraphe 4, « That to my knowledge, the organization known as “S” to whom administration of the building was granted… » .J’ai trop peur d’aborder le sujet avec mon patron.

18.9.        Au début d’octobre 2004, dans le dossier # 16, Me Nadler me donne une série de numéros d’étiquettes qu’il me demande d’insérer dans un tableau d’Excel. Il consiste de vingt pages de format  avec douze étiquettes étendues sur chaque page. Après un certain temps, je remarque que les étiquettes sont les mêmes sur chacune des dix‑neuf pages après la première. J’ai envie d’apporter ceci à l’attention de Me Nadler, mais j’ai trop peur de le faire et choisis plutôt de procéder à l’exécution de la tâche qu’il m’a ordonné d’accomplir.

18.10.    Le 6 octobre 2004, une associée dans notre bureau me demande les noms des petits enfants de Me Nadler afin qu’elle puisse leur acheter des cadeaux. Je tente de demander à Me Nadler ces informations nominatives en lui expliquant que c’était une surprise de la part d’une associée. Il refuse de prendre part à cette complicité en me répondant de demander à la personne qu’elle lui contacte directement.

18.11.    Le 18 octobre 2004, Me Nadler me demande de lui scanner des documents dans le dossier # 17. Je les envoie par courriel et le demande s’il est correct que je classe les originaux. Il ne me donne pas de suivi à ma demande.

18.12.    Le 18 octobre 2004, j’informe Me Nadler qu’il existe un conflit d’horaire pour le 25 octobre 2004 où il y a une présentation de requête prévue à 9h00 et un interrogatoire prévu pour 10h00. Il ne me donne pas de réponse.

18.13.    Le 28 octobre 2004, dans le dossier # 18, Me Nadler me fait préparer deux requêtes dans lesquelles il omet d’indiquer toutes les parties que le cabinet représente. Je pense qu’il le fait expressément, mais je voudrais quand même aborder le sujet avec lui parce que je pense que cela peut engendrer de la confusion chez l’huissier ou le greffier de la cour. Cependant, j’ai trop peur de sa réaction et j’hésite de lui dire que ce soit.

(Reproduit tel quel, avec remplacement des numéros de dossiers ou des noms de clients.)

[19]               À partir du mois de juin 2004, le plaignant soutient que lorsqu’une situation se produit, il prend des notes sur des « post-it » et les retranscrit le soir dans son journal personnel sur son ordinateur. C’est ainsi qu’il est en mesure de rapporter fidèlement les paroles échangées.

[20]               Il soutient que lors de l’événement du 29 juillet 2004, Me Nadler ne l’a pas congédié, mais il croit qu’après cette explication les choses vont changer.

[21]               En contre-interrogatoire, le plaignant reconnaît que jamais il n’a avisé personne chez l’intimée, encore moins Me Nadler, que ses remarques le dérangeaient. Par ailleurs, il souligne que jamais Me Nadler ne l’a insulté directement, c’est l’accumulation des paroles et gestes inappropriés qui l’a amené à faire ses plaintes.

[22]               Il admet aussi que pour la question des repas d’anniversaire, il n’en a jamais vérifié l’exactitude, il a présumé que l’intimée invitait madame Léveillée pour son anniversaire.

[23]               En ce qui concerne la plainte de harcèlement psychologique, il soutient que c’est à la suite de la rencontre du 29 juillet qu’il décide d’en déposer une. Aucune copie de cette plainte n’est transmise à l’intimée.

[24]               Il affirme qu’à la suite du 8 septembre, il n’a communiqué avec Me Nadler que par courriel et que celui-ci ne répondait pas toujours aux courriels.  

[25]               Il soumet des copies de courriels échangés entre lui et Me Nadler. Un courriel confirme que le 31 octobre sera sa dernière journée de travail. Selon les énoncés de ce courriel, le plaignant a été avisé verbalement au début septembre de la date de la fin d’emploi.

version de l’intimée

[26]               L’intimée est une société d’avocats qui partage des bureaux et services avec une autre société d’avocats. Certains coûts sont partagés, à titre d’exemple, les deux études partagent des photocopieurs et un télécopieur, mais chaque société est responsable de son personnel.

[27]               Me Paul Nadler est associé avec Me Simon Danino depuis 1979. Chaque associé a sa secrétaire et est seul responsable des tâches qu’il lui confie. Parce que sa secrétaire (qui travaillait pour lui depuis 15 ans) ne voulait travailler que trois jours semaine, mais que ses besoins étaient toujours de 5 jours, Me Paul Nadler a dû la laisser partir et trouver quelqu’un pour la remplacer. Il fait paraître des annonces dans les journaux. C’est à la suite de ces annonces qu’il fait la connaissance du plaignant.

[28]               Me Nadler confirme avoir engagé le plaignant à titre de secrétaire juridique sur la foi de son curriculum vitae, d’une entrevue et de quelques tests.

[29]               Le plaignant doit effectuer du travail de secrétariat juridique pour lui ainsi que pour Me Martin Lyonnais, avocat engagé en 2002.  À l’occasion, il effectue des tâches pour Me Danino. Cependant, le travail de Me Nadler est prioritaire. C’est ce dernier qui décide  de l’ordre des procédures et du travail à accomplir.

[30]               Paul Nadler soutient que dès le début de la période d’emploi, il a noté des lacunes dans le travail du plaignant, mais a mis cela sur le compte de la période d’adaptation. En effet, il comprend que le plaignant doit se familiariser avec ses méthodes de travail et l’organisation du bureau. 

[31]               Me Martin Lyonnais, jeune avocat chez l’intimée, confirme que lui aussi a eu à expliquer au plaignant sa manière de travailler, mais qu’au fil du temps il n’a pas constaté d’amélioration. Il souligne que pour certaines choses simples, évidentes pour une secrétaire, le plaignant est incapable de les faire ou les comprend après de nombreuses explications.

[32]               Après un certain temps, il décide de prendre des notes sur les lacunes de monsieur Bangia afin d’en parler à son supérieur Paul Nadler.

[33]               Me Lyonnais soutient que les mêmes erreurs surviennent dans les documents que le plaignant a préparés. Les corrections ne sont pas faites. Le plaignant a des problèmes de priorité, entre le travail pour Me Nadler et le travail pour Me Lyonnais.  À maintes reprises, il demande au plaignant de l’avertir lorsqu’il travaille sur des urgences de Me Nadler, et ce, afin de pouvoir planifier les dossiers. Le plaignant ne le fait jamais.

[34]               Me Nadler dicte les lettres et procédures qu’il remet au plaignant pour que ce dernier puisse accomplir ses tâches. Rapidement, il se rend compte que le plaignant ajoute des mots et des paragraphes aux lettres et procédures qu’il dicte. À l’occasion, le plaignant change même les mots. Me Nadler rappelle au plaignant qu’il doit écrire selon ce qui est dicté sans y ajouter quoi que ce soit. Me Lyonnais témoigne dans le même sens, et ajoute que le plaignant improvise dans les dossiers.

[35]               Tant Me Nadler que Me Lyonnais soulignent que cette situation s’est produite à plusieurs reprises. Ils doivent lire et relire toutes les procédures afin de vérifier si le plaignant n’y a pas ajouté quelque chose. Ils rappellent que le plaignant argumente sur le sens des mots qu’ils utilisent et que cela devient de plus en plus pénible. En effet, les discussions sont de plus en plus longues et les explications plus répétées. Me Nadler résume sa pensée comme suit : « tout ce que je veux c’est que le plaignant tape les lettres comme je les dicte, un point c’est tout. C’est moi l’avocat et c’est moi qui est redevable aux clients et devant les tribunaux. »

[36]               Plus le temps passe, plus Me Nadler doit se prêter à des questionnements répétés du plaignant sur certaines procédures. Selon lui, cela n’est pas normal.

[37]               Il constate que le plaignant perd son temps à discuter avec d’autres secrétaires près du photocopieur. Madame Francine Léveillée, secrétaire, et Me Simon Danino, viennent confirmer cette version.

[38]               Me Danino affirme que le plaignant s’absente souvent de son poste de travail, pendant des périodes de plus de 15 minutes. Il voit aussi monsieur Bangia discuter longtemps avec les autres secrétaires, il reçoit plusieurs plaintes des autres avocats.

[39]               Il donne les tâches à sa secrétaire qui travaille près du bureau de monsieur Bangia. Il soutient que le plaignant s’immisce dans les conversations et veut intervenir sur tout en donnant son opinion. Cela nuit au travail.

[40]               Durant l’absence de Me Nadler, Me Danino fait effectuer du travail par monsieur Bangia. Lors de l’envoi de courriels, il veut que les documents y soient joints, ce que le plaignant ne fait pas malgré ses demandes. 

[41]               Le plaignant, habile en informatique, va dépanner les avocats et secrétaires, mêmes ceux de l’autre firme. Me Nadler l’informe qu’il doit travailler pour lui.

[42]               En ce qui concerne les 12 allégations générales, il les contredit toutes. Cependant, il reconnaît utiliser les mots ou expression « I don’t give a shit,  who gives a fuck, I don’t give a damn », mais que jamais ces expressions ne sont dirigées envers le plaignant, ni exprimées devant les clients. Elles sont émises dans des contextes spécifiques qui concernent uniquement la procédure à suivre dans un dossier ou le coût de signification d’une procédure.

[43]               Il soutient qu’il n’a jamais lancé des cassettes au plaignant, mais que la largeur de son bureau faisait en sorte qu’il étirait le bras pour déposer la cassette sur la documentation que venait de prendre le plaignant. Il se souvient qu’une fois la cassette est tombée, mais il n’a pas lancé les cassettes comme le décrit le plaignant.

[44]               Il n’a jamais invité madame Léveillée pour son anniversaire, elle est la secrétaire de Me Danino. Ce dernier seul l’accompagne la journée de sa fête. Ce que confirme Me Danino.

[45]               Quant aux allégations contenues aux 38 situations spécifiques, il reconnaît avoir dit à plusieurs reprises « just do as I tell you ». Il nie avoir élevé le ton à l’endroit du plaignant. Il soutient n’avoir jamais été sarcastique à son endroit.

[46]               Il reconnaît ne pas avoir permis au plaignant de faire les chèques de la société pendant les vacances de madame Léveillée, car il n’avait plus confiance en celui-ci. Il nie avoir dit au plaignant les expressions comme : « Are you dumb or what?; Use your two eyes. »

[47]               Il ne veut pas de relation amicale avec son employé. Il veut qu’il exécute le travail tel que requis et n’a pas besoin de discuter du fond des dossiers avec lui.

[48]               Par ailleurs, Me Nadler ne se rappelle pas de certaines situations alléguées puisqu’elles sont reliées à des tâches quotidiennes d’un secrétaire.

[49]               Au fil des mois, il découvre que le plaignant n’a pas une si grande expérience juridique que cela et qu’il a été congédié par ses deux anciens employeurs.   

[50]               En juillet, il confirme avoir suggéré au plaignant de se trouver un autre emploi parce que cela n’allait plus.  Il lui signifie qu’il lui fera une lettre de recommandation au besoin.

[51]               En septembre, il est surpris de la demande de vacances du plaignant. Il soutient lui avoir déjà annoncé la fin de son emploi. Afin de dissiper toute ambiguïté, il lui confirme que le 31 octobre sera son dernier jour de travail.

[52]               Le 31 octobre, il quitte le bureau plus tôt. Le plaignant n’est pas à son bureau et il ne peut pas le saluer. Il lui laisse un message sur sa boîte vocale. Il lui souhaite bonne chance dans son prochain travail.

[53]               L’intimée a donc congédié le plaignant en raison des lacunes dans son travail, de son entêtement à ajouter des mots aux procédures ou à les modifier, de ses pauses (absences prolongées) et  des pertes de temps à discuter avec les autres.

prétentions des parties

[54]               Chaque partie a repris en détail les points se retrouvant au tableau des événements ainsi que les témoignages afin de soutenir leur thèse. Pour le plaignant, tous les éléments démontrent qu’il a fait l’objet de harcèlement et qu’il a été congédié pour avoir fait une plainte en ce sens.

[55]               Pour l’intimée, la preuve est à l’effet qu’il n’y a jamais eu de harcèlement et que le plaignant a été congédié pour des motifs liés à son comportement et ses lacunes au travail. Elle souligne avoir pris connaissance de plaintes seulement après le départ du plaignant et qu’une plainte ne lui a jamais été signifiée.   

décision et motifs

les plaintes en vertu de l’article 122 LNT

[56]               Le plaignant soutient dans ses deux plaintes fondées sur l’article 122 de la LNT que l’employeur a tenté d’éluder l’application de la Loi en raison du fait qu’il aurait eu deux ans de service continu en mars 2005 soit 5 mois après son congédiement. De plus, il prétend qu’il a été congédié en raison de l’exercice d’un droit, soit ses plaintes de harcèlement.

[57]               Comme elle l’a déjà énoncée, la Commission a indiqué au plaignant que l’une des deux plaintes déposées selon l’article 122 serait automatiquement rejetée puisqu’il n’y a qu’une seule date de rupture du lien d’emploi. La preuve révèle que le plaignant a été congédié et que la date de fin d’emploi est le 29 octobre 2004. Il y a lieu de déclarer sans objet la plainte du 5 octobre 2004, numéro CM-2001-7501, dans laquelle il prétend avoir été congédié le 13 septembre 2004. Il faut donc analyser la plainte portant le numéro de dossier  CM-2001-7500.

[58]               La Commission considère qu’il n’y a pas eu de preuve en ce qui concerne le fait que l’employeur ait tenté d’éluder la Loi. En effet, le simple fait de prétendre que l’intimée l’a avisé de son congédiement 7 mois avant l’atteinte des deux années de service continu, n’est pas suffisant pour établir que l’employeur a tenté de contourner la LNT. Il faut plus. Le plaignant n’a pas démontré d’autres éléments qui peuvent permettre de conclure à un début de tentative d’éluder la LNT. Il y a lieu de rejeter cette plainte (CM-2001-7500). Reste donc l’allégation de congédiement en raison du dépôt d’une plainte de harcèlement psychologique (CM 2002-1681) le 3 août 2004.

[59]               La LNT, à son article 123.4, renvoie au mécanisme de présomption établi par le Code du travail, L.R.Q. c. C-27. Citons l’article 17 de ce Code :

S’il est établi à la satisfaction de la Commission saisie de l’affaire que le salarié exerce un droit qui lui résulte du présent code, il y a présomption simple en sa faveur que la sanction lui a été imposée ou que la mesure a été prise contre lui à cause de l’exercice de ce droit et il incombe à l’employeur de prouver qu’il a pris cette sanction ou mesure à l’égard du salarié pour une autre cause juste et suffisante.

La présomption

[60]               Pour bénéficier de la présomption prévue à la LNT, le plaignant devait en établir les éléments constitutifs, soit son statut de salarié, l'exercice d'un droit qui résulte de la LNT et une mesure exercée à son endroit, de plus, il doit exister une concomitance entre le droit exercé et le congédiement. Si le plaignant bénéficie de la présomption, l’intimée doit, pour la repousser, démontrer l’existence d’une autre cause juste et suffisante justifiant sa mesure ; la cause doit être réelle et ne pas camoufler un prétexte.

[61]               L’intimée a soutenu ne pas être au courant de la plainte et soutient en avoir pris connaissance seulement lors de l’audience du 21 décembre 2005. Le fait que les dirigeants de l’intimée ne soient pas au courant du dépôt de la plainte ne fait pas échec à l’établissement de la présomption. Cependant, cette ignorance est un facteur qui doit être pris en considération dans l’analyse de la vraisemblance des motifs invoqués au soutien de la décision de l’intimée.

[62]               La présomption doit s’appliquer. Le plaignant est un salarié qui a déposé une plainte pour harcèlement psychologique le 3 août 2004 et, de façon suffisamment concomitante, le 13 septembre de la même année, il apprend que son emploi se termine 29 octobre suivant et non le 31 comme le soutient l’intimée.

L'autre cause juste et suffisante

[63]               La présomption étant établie, l’intimée doit assumer le fardeau de démontrer une cause de renvoi autre que l’exercice du droit allégué par le plaignant. Elle doit convaincre la Commission que le motif invoqué est réel et sérieux et qu’il constitue la véritable cause du congédiement et non un prétexte. (Lafrance c. Commercial Photo Service inc. [1980] 1 R.C.S. p. 536.)

[64]               La preuve convainc la Commission que l’intimée a congédié le plaignant pour des motifs qui n’ont rien à voir avec le dépôt de sa plainte pour harcèlement psychologique dont elle ignorait d’ailleurs l’existence. La preuve prépondérante établit que le congédiement du plaignant est lié à des problèmes de comportement et de compétence. Le plaignant ajoute des mots ou change les procédures légales, et ce, malgré les directives claires à l’effet contraire. La Commission retient de la preuve que le plaignant perd son temps au photocopieur, discute longuement avec les autres secrétaires, s’absente de son poste de travail sans raison et tient d’interminables discussions sur les procédures. Le climat de travail avec le plaignant s’est détérioré et une rupture de fin d’emploi est devenue imminente.

[65]               Monsieur Bangia a persisté à vouloir « jouer » à l’avocat et s’est entêté à changer des procédures contrairement aux directives reçues. Il a lui-même reconnu dans les allégations générales que l’intimée lui reprochait son incompétence et ne pas respecter ses « ordres verbatim », il n’avait qu’à se conformer aux directives. L’intimée a fait la preuve d’une cause juste de congédiement.

Les plaintes de harcèlement psychologique

[66]               En matière de harcèlement psychologique, c’est au plaignant que revient le fardeau de prouver qu’il en a fait l’objet.

[67]               Avant d’analyser les plaintes de harcèlement psychologique du plaignant, il est opportun de rappeler les éléments qui permettent de déterminer si nous sommes en  présence de harcèlement psychologique.

La notion de harcèlement psychologique

[68]               Bien que les bases du recours en harcèlement psychologique sont à l’article 81.18 de la LNT,  entré en vigueur le 1er juin 2004, on peut sans aucun doute avancer que cette notion existait bien avant cette date.

[69]               L’article 10.1 de la Charte des droits et libertés de la personne, interdit le harcèlement d’une personne pour l’un des motifs de discrimination prévus à l’article 10 :

Toute personne a droit a la reconnaissance et a I'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l’orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap .  Il y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou préférence a pur effet de détruire ou compromettre ce droit.

10.1.  Nul ne doit harceler une personne en raison de l'un des motifs visés dans l’article 10. 

[70]               De plus, les articles 3 et 2087 du Code civil du Québec obligent un employeur à protéger la santé et la dignité du salarié.

3.  Toute personne est titulaire de droits de la personnalité, tels le droit à la vie, à l'inviolabilité et à l'intégrité de sa personne, au respect de son nom, de sa réputation et de sa vie privée. 

Ces droits sont incessibles.

2087. L'employeur, outre qu'il est tenu de permettre l'exécution de la prestation de travail convenue et de payer la rémunération fixée, doit prendre les mesures appropriées à la nature du travail, en vue de protéger la santé, la sécurité et la dignité du salarié. 

[71]               La Loi sur la santé et la sécurité du travail ( L.R.Q. c. S-2.1) comporte elle aussi des dispositions protégeant la santé et la sécurité du salarié. Les principes qui découlent de la jurisprudence, à l’égard de ces dernières dispositions légales, peuvent servir de guide dans l’interprétation de l’article 81.18 de la LNT

[72]               L’article 81.18 de la LNT définit ainsi le harcèlement psychologique :

Pour l’application de la présente loi, on entend par «harcèlement psychologique» une conduite vexatoire se manifestant par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne pour celui-ci, un milieu de travail néfaste.

Une seule conduite grave peut aussi constituer du harcèlement psychologique si elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif continu pour le salarié.

[73]               Des auteurs ont déjà défini le harcèlement dans des termes similaires à l’article 81.18 de la LNT. Pour la psychiatre Hirigoyen, le harcèlement en milieu de travail se définit comme suit :

Par harcèlement sur le lieu de travail, il faut entendre toute conduite abusive se manifestant notamment par des comportements, des paroles, des actes, des gestes,  des écrits, pouvant porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l'intégrité psychique ou physique d'une personne, mettant en péril l’emploi de celle-ci ou dégrader le climat de travail.

Marie-France Hirigoyen, Le harcèlement moral, la violence perverse au quotidien, Éditions La découverte et Syros, Paris, 1998, 252 pages, p.67.

[74]               Dans un ouvrage plus récent, l’auteure ajoute la notion de répétition à sa définition :

Le harcèlement moral au travail se définit comme toute conduite abusive (geste, parole, comportement, attitude…) qui porte atteinte, par sa répétition ou sa systématisation, à la dignité ou a l'intégrité psychique ou physique d'une personne, mettant en péril l’emploi de celle-ci ou dégradant le climat de travail.

(Nos soulignements.)

Marie-France Hirigoyen, Le harcèlement moral dans la vie professionnelle, Éditions La découverte et Syros, Paris, 2001, 444 pages, p.18.

[75]               Pour Marie-France Chabot, le harcèlement est :

En milieu gouvernemental québécois, selon la Direction de la santé des personnes et des organisations, le harcèlement au sens général du terme se définit comme suit : « Le harcèlement s'entend de tout comportement importun, répété, malséant et blessant, d'une personne envers une autre personne ou groupe de personnes, par le fait ou à I'occasion du travail, et dont I'opportunité était connue de l’auteur ou n'aurait pas dû lui échapper. 

Dans le cadre de cette définition, des propos ou des gestes qui humilient rabaissent, embarrassent ou agressent une ou un groupe de personnes, en portant atteinte à la dignité ou à I'intégrité physique ou psychologique de cette ou de ces personnes, peuvent être une manifestation de harcèlement. De plus dans certaines circonstances, un seul acte grave qui engendre un effet nocif peut être considéré comme du harcèlement. »

On parle ici d’une conduite répétée qualifiée d'importune, malséante et blessante et on fait remarquer qu'à défaut de répétition, la gravité d'un acte unique dont les conséquences sont néfastes peut constituer du harcèlement. Ces notions sont au coeur du phénomène tel qu'il est généralement compris aujourd'hui.

Marie-France Chabot, Cadre psychologique et social du harcèlement psychologique en milieu de travail, formation permanence, Barreau du Québec, juin 2004.

[76]               Les auteurs suggèrent donc la présence de critères pour que l’on puisse prétendre à du harcèlement psychologique. Le législateur a repris ces critères à l’article 81.18 de la LNT. Il y a six  éléments qui découlent de cet article, soit : 

                                   -     une conduite vexatoire;

                                   -     qui se répète;

                                   -     de manière hostile ou non désirée;

              -     qui porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité du salarié et;

                       -     qui entraîne un milieu de travail néfaste;

                       -     une seule conduite peut constituer du harcèlement.

[77]               Exception faite de la seule conduite qui, selon toute vraisemblance, doit être grave, le libellé de l’article 81.18 de la LNT impose la présence de tous les éléments pour que l’on soit en face d’un comportement qualifié de harcèlement psychologique. Ainsi, la conduite vexatoire qui ne porte pas atteinte à la dignité ou à l’intégrité du salarié ne peut répondre à la définition de harcèlement psychologique.

[78]               Il y a lieu de définir chacun des éléments pour saisir ce qui constitue du harcèlement psychologique.

La conduite vexatoire

[79]               Les auteurs Poirier et Rivest définissent la conduite vexatoire par le caractère vexatoire de celle-ci :

Une conduite a un caractère vexatoire lorsqu’elle est humiliante ou abusive pour la personne qui la subit. La personne sera diminuée, dénigrée tant sur le plan personnel que professionnel.

Le caractère vexatoire fait référence au résultat de la conduite. Il implique qu’une telle conduite blesse quelqu’un dans son amour-propre, contrarie, cause du tourment.

Guy Poirier, Robert L. Rivest collaboration Hélène Fréchette, Les nouvelles normes de protection en cas de harcèlement psychologique au travail : une approche moderne, Éditions Yvon Blais, 2004, 155 pages, pages 57 et 58.

[80]               La conduite est donc la manifestation de gestes, de paroles, de comportements ou attitudes qui humilient ou blessent quelqu’un dans son amour-propre et qui cause des tourments.

Qui se répète

[81]               Bien qu’une seule conduite puisse être du harcèlement psychologique, la règle générale veut que les gestes, paroles, comportements ou attitudes se répètent dans le temps afin qu’il y ait harcèlement psychologique. Il faut donc une certaine continuité temporelle. Le harcèlement sous-entend un ou des comportements qui reviennent, qui se reproduisent, et ce, sur une période donnée. Le décideur doit évaluer chaque cas selon les circonstances particulières propres à la cause. C’est ainsi que des gestes, paroles ou comportements au départ anodins peuvent à cause de l’effet répétitif devenir significatifs et graves.

[82]               La Commission est d’accord avec l’auteure Francine Lamy, lorsqu’elle énonce qu’en matière de harcèlement psychologique, la situation doit être étudiée globalement :

…on ne remet pas son compteur à zéro chaque fois que l’on arrive au travail.  Les gestes, les mesures, les commentaires, les attitudes sont reçus et vécus en continuum.  Certes chaque élément est pertinent et doit être examiné, mais il est essentiel d’apprécier l’ensemble puisque sauf exception, c’est la répétition qui cause la vexation et crée le harcèlement.

Francine Lamy, Définir le harcèlement et la violence psychologique en milieu syndiqué : les hésitations des uns, les difficultés des autres, dans Développements récents en droit du travail 2003, Service de la formation permanente du Barreau du Québec, no 190, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2003, aux pages 207-208.

[83]               L’analyse de l’affaire doit se faire globalement afin d’y déceler le caractère harcelant ou non des comportements, paroles ou gestes.

De manière hostile ou non désirée

[84]               L’autre caractéristique essentielle pour qu’il y ait harcèlement psychologique, est le fait que les gestes, paroles, comportements ou attitudes doivent être hostiles ou non désirés.

[85]               Selon les dictionnaires usuels, le mot hostile réfère à un sentiment d’inimitié, d’opposition, voire à un comportement d’ennemi.  Quant à la notion de non désiré, elle réfère à une manifestation qui n’a pas été souhaitée par la victime du harcèlement, et ce, qu’elle ait exprimé ou non sa désapprobation avant l’événement.

[86]                 Dans leur ouvrage précité, les auteurs Poirier et Rivest écrivent :

Par conséquent, le caractère « non désiré » n’exige pas de démontrer un refus apparent ou tout à fait clair de la victime. En effet, il est fréquent que la victime ne manifeste que très timidement son refus, par crainte de représailles. 

Guy Poirier, Robert Rivest,  Les nouvelles normes de protection en cas de harcèlement psychologique au travail : une approche moderne, précité p.60.

[87]               Cependant dans certains cas, la Commission considère que la présumée victime est en mesure de signifier, même timidement, sa désapprobation afin de faire cesser les comportements non désirés, et que son silence pourrait être un facteur important dans l’analyse du bien-fondé de la plainte. 

Qui porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité du salarié

[88]               La conduite vexatoire doit nécessairement porter atteinte soit à la dignité, soit à l’intégrité physique ou psychologique du salarié.  La Cour suprême s’exprime ainsi sur la notion de dignité :

53.  ...La dignité humaine signifie qu'une personne ou un groupe ressent du respect et de l'estime de soi. Elle relève de l'intégrité physique et psychologique et de la prise en main personnelle. La dignité humaine est bafouée par le traitement injuste fondé sur des caractéristiques ou la situation personnelles qui n’ont rien a voir avec les besoins, les capacités ou les mérites de la personne.

La dignité humaine est bafouée lorsque des personnes ou des groupes sont marginalisés, mis de côté et dévalorisés [.. .].

Law c. Ministre de l’emploi et l’immigration, [1999] 1 R C S 497, 530.  

[89]               Récemment, au sujet de la notion d’intégrité, l’arbitre François Hamelin reprenait les principes établis par la Cour suprême :

[177]       Dans l’affaire Hôpital Saint-Ferdinand, la Cour suprême du Canada a récemment cerné avec précision ces notions de        « dignité » et d’ « intégrité ». Au sujet de l’atteinte à l’intégrité physique et psychologique d’une personne, Mme la juge L’Heureux-Dubé précise qu’il doit s’agir d’atteintes durables et permanentes.

a)   L’intégrité de la personne

L’article 1 de la Charte garantit le droit à l’« intégrité » de la personne. La majorité de la Cour d’appel a été d’avis, contrairement à l’interprétation du premier juge, que la protection de l’art. 1 de la Charte s’étend au-delà de l’intégrité physique. Je suis d’accord. En effet, la modification législative effectuée en 1982 (voir la Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne, L.Q. 1982, ch. 61, en vigueur lors du présent litige), qui a, inter alia, supprimé l’adjectif « physique » qui qualifiait auparavant le terme « intégrité », indique clairement que l’art. 1 vise à la fois l’intégrité physique, psychologique, morale et sociale. La question est plutôt de déterminer ce qu’il faut entendre par la notion d’« intégrité. ».

Le Petit Robert 1 (1989), à la p. 1016, définit ainsi le mot intégrité : « 1o (1530). État d’une chose qui est demeurée intacte. V. Intégralité, plénitude, totalité. L’intégrité d’un tout, d’un ensemble. Intégrité d’une œuvre. « L’intégrité de l’organisme est indispensable aux manifestations de la conscience » (Carrel). L’intégrité du territoire. REM. Intégrité est plus qualitatif qu’intégralité, réservé généralement à ce qui est mesurable ». Au regard de cette définition, la Cour supérieure a fait les commentaires suivants dans Viau c. S.C.F.P. [1991] R.R.A. 740 , à la p. 745 :

En appliquant cette notion aux personnes, on constate qu’il est un seuil de dommages moraux en deçà duquel l’intégrité de la personne n’est pas atteinte. On passera ce seuil lorsque l’atteinte aura laissé la victime moins complète ou moins intacte qu’elle ne l’était auparavant. Cet état diminué doit également avoir un certain caractère durable, sinon permanent.

Cette orientation donnée à l’interprétation de la notion d’intégrité prévue à l’art. 1 de la Charte m’apparaît appropriée. Le sens courant du mot « intégrité » laisse sous-entendre que l’atteinte à ce droit doit laisser des marques, des séquelles qui, sans nécessairement être physiques ou permanentes, dépassent un certain seuil. L’atteinte doit affecter de façon plus que fugace l’équilibre physique, psychologique ou émotif de la victime. D’ailleurs, l’objectif de l’art. 1, tel que formulé, le rapproche plutôt d’une garantie d’inviolabilité de la personne et, par conséquent, d’une protection à l’endroit des conséquences définitives de la violation.

La preuve en l’instance, comme l’a précisé le juge de première instance, n’a pas démontré que les bénéficiaires de l’Hôpital aient subi un préjudice permanent, donnant lieu à des séquelles d’ordre psychologique ou médical. Il n’a pas été établi, en effet, que l’état des bénéficiaires s’était détérioré d’une façon notable suite à la grève. Le juge du procès a plutôt conclu à un préjudice d’inconfort temporaire, qu’il a qualifié de « détresse psychologique mineure ». Malgré la conclusion au contraire de la majorité de la Cour d’appel, il m’est difficile, dans ces circonstances, de voir dans cette caractérisation du préjudice par le premier juge, que j’accepte comme prouvée, une atteinte au droit à l’intégrité de la personne garanti à l’art. 1 de la Charte.

                        (Nos soulignements.)

Centre hospitalier régional de Trois-Rivières (Pavillon Saint-Joseph) c.  Syndicat des infirmières et infirmiers Mauricie/Cœur-du-Québec, le 5 janvier 2006.

[90]               On doit en conclure que pour que l’on soit en face d’une situation qui porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité, la preuve doit démontrer que l’atteinte a laissé des marques, des séquelles qui, sans nécessairement être physiques ou permanentes, affectent de façon plus que fugace l’équilibre physique, psychologique ou émotif de la victime.

Qui entraîne un milieu de travail néfaste

[91]               En plus de porter atteinte à la dignité ou à l’intégrité, la conduite doit obligatoirement entraîner un milieu de travail néfaste, soit un milieu nuisible, malsain, dommageable. Un milieu qui ne permet pas la réalisation des objectifs liés au contrat de travail de façon saine est un milieu néfaste.

Les manifestations de harcèlement, selon quel point de vue?

[92]               Les balises étant exposées, reste maintenant à déterminer le prisme à travers lequel les conduites doivent être analysées afin de les considérer comme du harcèlement. Doit-on prendre la vision du plaignant ou un modèle plus neutre.

[93]               Il est bon de rappeler, comme le souligne Marie-France Hirigoyen, que certaines personnes se complaisent dans le rôle de victime, et ce, soit par malice, soit en raison d’un trait de personnalité ou d’une maladie. Cette notion s’appelle également la victimisation :

« Il faut tenir compte du fait que certaines personnes peuvent se complaire dans une position de victime. Dans ce cas, elles ne cherchent pas à trouver une issue à leur situation difficile, car cela leur confère une identité et une occasion de se plaindre. Cette position victimaire a donné un sens à leur mal de vivre et, pour maintenir ce mode d’existence, il leur faudra poursuivre sans fin leur agresseur afin d’obtenir une réparation qui s’avérera toujours insuffisante. (…). Certains règlent ainsi des comptes personnels ou trouvent là une occasion d’obtenir des avantages matériels. Parfois la position de victime dans laquelle se complaît la personne vient d’un autre traumatisme qui était resté en suspens. Par exemple, une personne maltraitée dans son enfance peut chercher inconsciemment le conflit avec toute personne en position d’autorité, ce qui l’amène à rejouer, à l’âge adulte, la même situation de souffrance. Pour sortir de cette répétition, il est nécessaire, si elle va en thérapie, d’établir des liens entre les deux situations, afin que la personne puisse voir comment le fait de rester victime n’est qu’une recherche d’issue au premier traumatisme. Il y a beaucoup à gagner à se poser en victime. Cela permet de se soustraire à ses responsabilités lorsqu’on est en difficulté ou qu’on a commis des erreurs, cela amène à se faire plaindre. Quels que soient les éléments de réalité, tout est de la faute de l’autre : « Ce n’est pas de ma faute, c’est la faute d’Untel qui a monté une cabale contre moi ! » Cela évite de se poser des questions ou de se culpabiliser, et permet parfois d’obtenir de la commisération et peut-être même l’impunité. »

                        (Nos soulignements.)

Marie-France Hirigoyen, Le harcèlement moral dans la vie professionnelle, Éditions La découverte et Syros, Paris, 2001, 444 pages, p. 83 et 84.

[94]               Dans le même ouvrage, madame Hirigoyen élabore aussi sur les caractéristiques des personnes de personnalité paranoïde. Il ressort que ce type de personnalité aura tendance à exagérer la situation, ne cherchera pas à trouver une solution au problème et, contrairement aux vraies victimes de harcèlement moral, ne doutera aucunement de ses agissements :

Le risque majeur de fausse allégation de harcèlement moral vient en premier des paranoïaques qui trouvent là un support crédible à leur sentiment de persécution. Dans la plupart des cas, le diagnostic est évident. Une personne se plaint de façon très théâtrale d’une autre personne qui lui aurait causé un préjudice, puis le sentiment de persécution s’étend à l’entourage de l’agresseur présumé, et enfin à tous ceux qui émettent des doutes sur la réalité du harcèlement. En même temps, le paranoïaque adresse à différents responsables des courriers immodérés accusant son persécuteur, avec des mots violents soulignés ou écrits en très gros caractères. Dans leur présentation, au départ, les paranoïaques sont des personnes plutôt discrètes qui ne s’animent que lorsqu’elles parlent des persécutions qu’elles subissent. Si on émet des réserves sur certains de leurs propos, ces personnes peuvent devenir violentes. Avec raison, chacun craint de se retrouver confronté à l’une d’entre elles. 

(…)

Dans une paranoïa évidente comme celle-ci, le diagnostic est aisé, mais devient plus problématique lorsque la personne est plus discrète et moins quérulente. Le discours est alors plus subtil et s’adapte à l’interlocuteur de façon à devenir crédible. À la différence des vraies victimes, une personne ayant un caractère paranoïaque ne cherchera pas à faire évoluer la situation vers un accord mais, au contraire, cherchera à maintenir sa plainte contre son harceleur-victime désigné, qui, si personne n’intervient, pourra le rester à vie.

(…)

La paranoïa est du domaine de la médecine et de la psychiatrie. Il revient aux médecins du travail d’en faire le diagnostic …

(…)

Il me semble important de redire qu’il faut se garder de toute généralisation. Certes, il est des victimes qui ont des pathologies paranoïaques, cela ne veut aucunement dire que toutes les victimes sont paranoïaques. La réticence qu’il y a à écouter les salariés harcelés vient souvent de la crainte d’avoir affaire à de fausses victimes, en particulier des paranoïaques procéduriers. On se méfie de ceux-ci à juste titre car, avec un paranoïaque, on ne peut pas argumenter, les différends ne peuvent donc jamais se régler à l’amiable. Rencontrer un paranoïaque, c’est s’assurer d’entrer dans un processus sans fin de procédures.

Alors que tous deux se disent persécutés par quelqu’un d’autre, le diagnostic entre un paranoïaque et une vraie victime de harcèlement moral se fait par la tonalité générale de la plainte. Les vraies victimes de harcèlement moral sont dans le doute, s’interrogent sur leurs propres agissements, et cherchent des solutions pour mettre fin à leur tourment. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elles laissent la situation s’enliser et qu’elles ne réagissent pas suffisamment tôt. Elles veulent avant tout trouver une issue qui rétablisse leur dignité. Les paranoïaques au contraire ne doutent pas. Ils affirment et accusent.

Marie-France Hirigoyen, Le harcèlement moral dans la vie professionnelle, précité p. 87 à 90)

[95]               Comme on vient de le voir, il est périlleux de prendre, comme unique point d’analyse, la seule perception du plaignant. Ce point de vue peut être celui d’une victime ou d’une personne ayant des problèmes de victimisation ou souffrant de paranoïa. De plus, chaque personne, en raison de ses traits de personnalité, de son éducation, de sa religion et de son milieu de vie, réagit différemment à une même situation voire à une même conduite. 

[96]               L’appréciation de la conduite par une personne possédant une vision tronquée de la réalité, peut mener à des aberrations.  En effet, cette seule perception ferait en sorte que chaque plainte devrait être accueillie puisque la conduite constituerait toujours du harcèlement pour la présumée victime, sinon pourquoi s’en plaindrait-elle ?

[97]               Dans l’arrêt Habachi, la Cour d’appel, sous  la plume de la juge Deschamps, s’exprime  ainsi :

L'expression « conduite non sollicitée » utilisée par le juge Dickson semble faire référence uniquement à la perception de la victime. Pourtant, tel que déjà mentionné, il ne serait pas prudent de prendre comme baromètre la perception subjective des victimes.

Tout en écartant la motivation du harceleur ou son intention, les faits reprochés doivent pouvoir être objectivement perçus comme non désirables. La jurisprudence des tribunaux des droits de la personne n'est pas uniforme en ce qui a trait au modèle à adopter. Mon collègue Jean-Louis Baudouin, sous sa plume d'auteur (La responsabilité civile, 5e éd., Éditions Yvon Blais, 1998, No 466), approuve l'approche adoptée par la juge de première instance qui est celle de la « tolérance qu'une personne raisonnable aurait à l'endroit d'un acte posé envers une femme qui lui est proche telle sa soeur, sa fille ou sa mère ». J'estime, quant à moi, qu'il         n'est pas pertinent d'ajouter un facteur subjectif - un proche -         là où la recherche vise justement à déterminer le                   caractère objectivement acceptable d'une conduite donnée.
Comme le critère est objectif, il devrait y avoir convergence de perspectives, que l'étude soit faite en fonction de la personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances que la victime ou suivant celles de l'auteur du comportement reproché. L'évaluation de la conduite devrait être la même. Je ne vois donc pas l'utilité de se reporter, comme point de repère, à la réaction d'une personne vis-à-vis une victime qu'elle chérit. Seules les attitudes et les gestes qui peuvent être perçus comme non désirés par une personne raisonnable, soit un modèle neutre et abstrait, devraient être sanctionnés.

(Reproduit tel quel.)

(Nos soulignements.)

Fred Habachi c. Commission des droits de la personne du Québec, [1999] RJQ 2522

[98]               Bien que cette décision vise la Charte, la Commission croit que le passage suivant du juge Baudouin est pertinent quant à l’objectif visé par la disposition sur le harcèlement psychologique parce qu’il confirme les difficultés d’application d’un modèle qui se baserait uniquement sur la perception d’une présumée victime :

Je ne pense pas par contre que l’on puisse, en droit, qualifier de harcèlement une simple blague, un simple geste, une simple parole, une simple tentative de flirt ou une simple insinuation à connotation sexuelle, à moins évidemment, hypothèse toujours possible, que ceux-ci soient d’une exceptionnelle gravité. La présence d’une protection législative contre des abus qui, sans aucun doute, méritent sanction ne doit pas être banalisée et, pour autant, empêcher les contacts sociaux tolérables et courants. Le rôle de la loi n’est pas de réprimer le mauvais goût, mais seulement les conduites socialement intolérables. Elle ne doit pas non plus empêcher les gens de discuter sur les motifs mêmes de discrimination potentielle comme les opinions politiques, la couleur, l’orientation sexuelle ou le sexe, pour ne prendre que quelques exemples. Tout est question de fait et de jugement. Par contre, et il me paraît important de le souligner, il n’est pas exclu, pour autant, que ces mêmes agissements, objectivement peu graves, et qui ne sauraient donc se qualifier de harcèlement, puissent, par ailleurs, constituer une atteinte de type différent aux droits de la personne, par exemple, une discrimination portant atteinte à la dignité de celle-ci. Ainsi, l’individu qui fait une remarque grossière et désobligeante sur la couleur de la peau de son interlocuteur peut violer les droits de ce dernier et porter atteinte à sa dignité, mais n’est pas, pour autant, coupable de harcèlement.

(Nos soulignements.)

Fred Habachi c. Commission des droits de la personne du Québec, [1999] RJQ 2522 .

[99]               La conduite vexatoire doit s’apprécier de façon objective en fonction de la personne raisonnable, normalement diligente et prudente, placée dans les mêmes circonstances.

[100]           La doctrine et la jurisprudence ont développé le critère de la victime raisonnable, un modèle « subjectif-objectif ». La Cour suprême, dans l’arrêt Law, précité, se prononce comme suit :

60.  Comme l'a dit le juge L'Heureux‑Dubé dans Egan, précité, au par. 56, le point de vue pertinent est celui de la personne raisonnable, objective et bien informée des circonstances, dotée d'attributs semblables et se trouvant dans une situation semblable à celle du demandeur.  Bien que j'insiste sur la nécessité de se placer dans la perspective du demandeur, et uniquement dans cette perspective, pour déterminer si la mesure législative sape sa dignité, j'estime que le tribunal doit être convaincu que l'allégation du demandeur, quant à l'effet dégradant que la différence de traitement imposée par la mesure a sur sa dignité, est étayée par une appréciation objective de la situation.  C'est l'ensemble des traits, de l'histoire et de la situation de cette personne ou de ce groupe qu'il faut prendre en considération lorsqu'il s'agit d'évaluer si une personne raisonnable se trouvant dans une situation semblable à celle du demandeur estimerait que la mesure législative imposant une différence de traitement a pour effet de porter atteinte à sa dignité. 

61. Je me dois d'insister sur le fait que je n'appuie ni n'envisage, de quelque façon que ce soit, une application de la perspective susmentionnée d'une manière qui aurait pour effet de détourner l'objet du par. 15(1).  Je suis conscient de la controverse qui existe au sujet du parti pris inhérent à certaines applications de la norme de la « personne raisonnable ».  Il est primordial de souligner que la perspective appropriée n'est pas seulement celle de la « personne raisonnable » -- une perspective qui, mal appliqué, pourrait servir à véhiculer les préjugés de la collectivité.  La perspective appropriée est subjective‑objective.  L'analyse relative à l'égalité selon la Charte tient compte de la perspective d'une personne qui se trouve dans une situation semblable à celle du demandeur, qui est informée et qui prend en considération de façon rationnelle les divers facteurs contextuels servant à déterminer si la loi contestée porte atteinte à la dignité humaine, au sens où ce concept est interprété aux fins du par. 15(1). »

(Nos soulignements.)

[101]           Quant à la doctrine, Francine Lamy s’exprime ainsi :

Aussi, à notre avis, l’adjudicateur devrait examiner l’ensemble de la preuve afin de déterminer si une personne raisonnable, placée dans la même situation que la victime, estimerait qu’il y a eu harcèlement psychologique au sens où l’entend le nouvel article 81.18 de la Loi sur les normes du travail.  Dans cette perspective, la perception de la victime est pertinente, mais non déterminante.  En revanche, le modèle de comparaison, celui de la personne raisonnable, doit adopter son point de vue, sa position, ses attributs : il s’agira ainsi d’apprécier la preuve selon le modèle subjectif objectif de la victime raisonnable. 

(Nos soulignements.)

Francine Lamy, Définir le harcèlement et la violence psychologique en milieu syndiqué : les hésitations des uns, les difficultés des autres, précitée  pages 226 et 227.

[102]           En utilisant le point de vue de la personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances, on évite de focaliser uniquement sur le point de vue d’une personne ayant des problèmes de victimisation ou souffrant de paranoïa ou ayant des caractéristiques ou croyances personnelles  particulières.

[103]           Les paramètres étant établis, qu’en est-il des plaintes de harcèlement psychologique logées par monsieur Bangia ? En fonction de ces paramètres, puisqu’il a le fardeau de preuve, le plaignant a-t-il prouvé avoir été l’objet de harcèlement psychologique ?

[104]           Dans le présent litige, bien que l’on ait référé principalement à l’exposé du plaignant, la preuve de part et d'autre a été faite essentiellement au moyen de témoignages. La Commission, dans l'appréciation des témoignages, applique les critères reconnus par la jurisprudence, soit : la vraisemblance d'une version, l'intérêt d'un témoin à rendre un témoignage, l'absence de contradiction sur des points essentiels entre plusieurs témoins qui relatent un même événement, la corroboration, la préférence normalement accordée au témoignage d'un témoin crédible qui affirme l'existence d'un fait au témoignage de celui qui se contente d'en nier l'existence.

[105]           Pour une meilleure compréhension la Commission a réuni les allégations par catégories, c’est ainsi qu’elle en disposera.

allégations générales

[106]           Excluant les allégations des paragraphes 13.6 et 13.10 sur lesquelles nous reviendrons, ces allégations sont vraiment des affirmations générales qui ne sont pas supportées par la preuve.

[107]           Nous l’avons vu précédemment, l’élément répétitif doit être présent pour que l’on soit en présence de harcèlement, à moins qu’il ne s’agisse d’un seul événement grave. Dans le présent dossier, il n’y a pas eu d’événement unique grave pouvant constituer à lui seul du harcèlement. Il faut donc que le plaignant fasse la démonstration qu’il y a eu des événements répétés qui ouvrent la porte à un début de harcèlement. Le plaignant ne l’a pas fait.

[108]           En l'espèce, la preuve est inexistante. En effet, le plaignant utilise des termes vagues dans lesquels il insinue que Me Nadler agi de façon telle que sa dignité est attaqué. Cependant, il ne prouve aucun fait spécifique, aucune séquelle, aucun élément répétitif temporel et encore moins que les conduites étaient vexatoires. Il ne suffit pas d’affirmer que l’on fait l’objet de harcèlement, encore faut-il en prouver les éléments constitutifs pour chacun des allégués. Il n’y pas de harcèlement psychologique dans les allégations générales.

catégorie a

[109]           Dans la catégorie A, le plaignant rapporte les paroles de Me Nadler lors de certaines situations. En espèce, il faut souligner qu’il n'a jamais signifié son désaccord quant à la façon que Me Nadler avait de s'exprimer ni sur le vocabulaire qu’il utilisait.

[110]           Les paroles qu’il reproche sont des expressions telles que: « Who gives a fuck?;  I don’t give a shit !; I don’t give a damn;  I don’t care; just send it out. »

[111]           Bien qu’il s’agisse d’expressions que certains pourraient qualifier de grossières, il ne fait pas de doute que le sens qu’il faut leur donner dans le contexte où elles ont été utilisées est le même, soit : « je m’en fous. » Toute personne raisonnable, normalement diligente et prudente, placée dans les mêmes circonstances aurait conclu que ces paroles n’étaient pas dirigées contre elle, mais qu’elles expriment que l’auteur ne se soucie pas du prix ou de la manière dont des documents vont être envoyés. Ces expressions sont probablement aussi le reflet de l’exaspération de Me Nadler face aux demandes répétitives du plaignant. En effet, la Commission croit Me Nadler et les autres témoins lorsqu’ils affirment que le plaignant posait sans cesse des questions sur des éléments qui allaient de soi. La Commission ne peut qualifier de harcèlement les paroles prononcées et dans le cas en l’espèce, l’exaspération ou bien des manifestations d’impatience n’en sont pas non plus. Il n’y a pas de preuve de harcèlement dans les éléments sous cette catégorie.

catégorie B

[112]           Sous la catégorie B, on retrouve les situations dans lesquelles le plaignant soutient que  Me Nadler prononce des mots ou commet des gestes qui portent atteinte à sa dignité. Il y a deux événements sous cette rubrique et aucun ne constitue du harcèlement.

[113]           La Commission croit la version de Me Nadler  lorsqu’il soutient ne pas avoir vu le plaignant lorsqu’il a quitté et qu’il lui a laissé un message. En effet, le plaignant s’absente souvent de son poste de travail pendant de longues minutes. De toute façon, le simple fait de ne pas saluer le plaignant à une seule occasion, lors de sa dernière journée de travail, ne saurait constituer du harcèlement. 

[114]           Quant à la porte fermée au nez du plaignant, la preuve ne convainc pas la Commission qu’un tel événement s’est produit tel que le décrit le plaignant. À tout le moins, il s’agit d’une perception erronée de la situation. Rien ne permet de croire que Me Nadler  a refermé la porte avec l’intention que lui porte le plaignant. La Commission rappelle que le plaignant, à plusieurs occasions lors de son témoignage, a signalé en utilisant le mot « assumption » qu’il avait présumé telle ou telle chose. Ce n’est pas avec des suppositions que l’on fait une preuve.

catégorie C

[115]           Dans la catégorie C, on retrouve les situations dans lesquelles le plaignant soutient que  Me Nadler prononce des paroles qui lui sont destinées et qui portent atteinte à sa dignité. La Commission inclut l’allégation du paragraphe 13.6 dans cette catégorie.

[116]           Un nombre important d’allégations porte sur le fait que Me Nadler  a demandé au plaignant d’effectuer le travail selon ses directives, just do it as i tell you.

[117]           Dans Centre hospitalier régional de Trois-Rivières (Pavillon Saint-Joseph) c.  Syndicat des infirmières et infirmiers Mauricie/Cœur-du-Québec, précité, l’arbitre Hamelin réaffirme le pouvoir de direction d’un employeur :

 [249]       Rappelons que le traditionnel droit de direction de l’employeur, qui lui confère le pouvoir de diriger et de contrôler les activités de son entreprise, est un pouvoir de nature discrétionnaire et qu’à ce titre, la doctrine et la jurisprudence reconnaissent une liberté d’action assez large à l’employeur, qui inclut le droit à l’erreur à la condition que celle-ci ne soit pas abusive ou déraisonnable.

[250]       C’est ainsi que dans la direction et le contrôle de son personnel, l’employeur possède une discrétion étendue lorsqu’il s’agit d’établir et de faire respecter les procédures de travail, les règles et les usages du milieu de travail, d’évaluer le rendement des salariés et de contrôler la qualité du travail qu’ils accomplissent : tout cela fait partie de l’exercice normal du droit de direction et il est entendu qu’il peut en résulter du stress et des désagréments. Tout cela fait partie de la normalité des choses. Ce n’est donc qu’en cas d’exercice déraisonnable du droit de direction que l’on peut parler d’abus de droit.

[251]       En somme, l’exercice discrétionnaire du droit de direction de l’employeur ne peut constituer un abus que s’il est exercé de manière déraisonnable et cet abus ne peut constituer du harcèlement que s’il satisfait aux éléments essentiels de la définition qu’en donne le législateur à l’article 81.18 de la LNT.

[118]           Le lien de subordination entre un employeur et un salarié impose à ce dernier d’exécuter son travail selon les directives et le contrôle de son employeur. Il peut discuter de certaines modalités, mais c’est son patron qui a le dernier mot, dans la mesure que tout soit raisonnable.

[119]           La Commission est d’avis que le plaignant a pris des libertés soit en incorporant au texte ou modifiant les énoncés qu’on lui avait dictés. Il n’a jamais obtenu de ses supérieurs la liberté de le faire, bien au contraire, il a été averti à plusieurs reprises de ne rien ajouter. Il s’est entêté à vouloir mettre sa touche personnelle alors qu’il n’encourt aucune responsabilité professionnelle, c’est l’avocat qui est redevable envers son client. Il est possible que ce type de comportement puisse, à la longue, amener des réponses plus sèches, mais elles ne constituent pas du harcèlement, mais plutôt l’exercice du pouvoir de direction. Le plaignant n’avait qu’à obéir aux directives claires qui sont loin d’être déraisonnables compte tenu du contexte de travail.

[120]            Quant aux expressions: « By George, he’s got it!; What do you think?; Take a wild guess; Are you dumb or what? »  Me Nadler nie les avoir utilisées. Il nie aussi avoir utilisé un ton sarcastique avec le plaignant. La Commission préfère sa version à celle de monsieur Bangia. Au niveau de la crédibilité, la Commission a eu l’occasion d’apprécier le comportement des témoins de l’intimée à l’audience. Notamment Me Nadler a témoigné sans hésitations, de manière posée et calme, sans hostilité ou agressivité envers le plaignant. Il a été corroboré par les autres témoins qui n’ont rien à gagner dans cette cause. C’est leur version qui prévaut pour les évènements de cette catégorie.

[121]           La Commission ajoute que même en retenant la version du plaignant selon laquelle Me Nadler a effectivement prononcé les paroles en question, ce ne saurait constituer du harcèlement psychologique dans le dossier en cause. Dans un contexte de travail, il y a toujours des situations plus stressantes que d’autres. Elles peuvent engendrer à l’occasion des réactions plus vives, mais il faut justement les remettre dans leur contexte afin d’y retrouver une intention malveillante. Avec les interminables questionnements du plaignant sur des évidences ou sur des futilités, il apparaît normal que l’on ait échappé des expressions similaires. Ces remarques isolées, non répétitives, sont des manifestations d’étonnement ou d’exaspération et non d’inimitié ou d’hostilité. Le plaignant n’a pas prouvé de harcèlement psychologique sous cette catégorie.

catégorie D

[122]           Dans la catégorie D, on retrouve toutes les autres situations qui, selon le plaignant, sont des manifestations de harcèlement à son égard.

[123]           La Commission a déjà annoncé qu’elle préfère la version de l’intimée à celle du plaignant, la version des témoins de l’intimée vaut aussi pour les évènements de cette catégorie.

[124]           En effet, que ce soit le fait que Me Nadler, qui est au téléphone, ne sorte pas immédiatement à la demande du plaignant lors de l’évacuation à cause d’une alarme d’incendie, mais qu’il le fasse lorsque requit par un pompier ou le fait qu’on ne lui donne pas la responsabilité de faire les chèques, dans tout cela, il n’y a absolument rien dans ces allégations qui se rapprochent un tant soit peu du harcèlement psychologique. 

[125]           Ce n’est pas parce qu’on harcèle le plaignant qu’on ne lui donne pas la responsabilité des chèques, mais bien parce qu’il ne suit pas les directives quant aux procédures. Que fera-t-il avec les chèques ? L’intimée n’a plus confiance en lui et c’est son droit légitime de ne pas lui donner cette responsabilité.

[126]           Par ailleurs, le plaignant décrit des situations dans lesquelles il soutient avoir eu peur de parler à Me Nadler. Il n’a donc jamais avisé quiconque chez l’intimée de telles situations, alors qu’il aurait pu le faire. À titre d’exemple, il dit : « J’ai trop peur d’aborder le sujet avec mon patron. » Comment peut-il considérer le fait d’avoir peur de parler constitue du harcèlement ? Comment son état d’esprit peut-il constituer du harcèlement ? Comment peut-on considérer que son silence puisse constituer du harcèlement ? Peut-être est-ce la conséquence pour le plaignant de sa perception de la situation, mais en soi ce n’est pas du harcèlement.  En effet, dans certains cas, on peut facilement comprendre qu’une victime de harcèlement ait peur de rencontrer ou confronter son harceleur, mais cet état d’esprit ne constitue pas du harcèlement en soi, mais les conséquences du harcèlement subi. Lorsqu’établies, ces conséquences peuvent influencer la détermination des dommages, mais il faut en premier lieu établir le harcèlement. Dans le présent dossier, la Commission considère que toutes les allégations du plaignant relativement à ses peurs de parler à Me Nadler ne sont pas appuyées par des manifestations de harcèlement psychologique.

[127]           De plus, le plaignant fait état que Me Nadler n’a pas donné suite à certains courriels. Ce dernier soutient ne pas se rappeler de ces événements. Dans le cours normal des activités quotidiennes, un courriel peut ne pas obtenir une réponse immédiate ou être oublié, cela ne constitue pas pour autant du harcèlement. En l’espèce, les éléments constitutifs de harcèlement ne sont pas présents pour ces allégations.   

[128]           Quant à l’allégation contenue au paragraphe 13.10, le plaignant, lors de son témoignage, fait une démonstration à la Commission.  Il lance un objet sur une distance de plus de 10 pieds. Il souligne que c’est ainsi que Me Nadler lui lançait les cassettes qu’il avait dictées. De plus, au point 10 de la pièce P-1, il emploie l’expression « comme si j’étais un chien prêt à aller chercher que ce soit ». En contre-interrogatoire, il modifie son tir en soutenant maintenant que Me Nadler lui lançait les cassettes sur une distance équivalant à la largeur de son bureau, soit environ 3 pieds. La Commission ne croit pas le plaignant sur cet aspect. Elle préfère la version de Me Nadler qui a clairement indiqué, en allongeant le bras, qu’il déposait avec un mouvement de la main les cassettes sur les dossiers que monsieur Bangia tenait. Il a même ajouté qu’une fois, une cassette est tombée par terre. On est loin de la démonstration initiale du plaignant et encore plus loin de ce que l’on fait lorsque l’on joue avec un chien.

[129]           Il reste maintenant l’événement du 29 juillet. Selon toute vraisemblance, c’est l’élément déclencheur qui a amené monsieur Bangia à rédiger un journal et à déposer une première plainte de harcèlement. C’est à cette date que Me Nadler le rencontre et lui fait part qu’il est prêt à l’aider dans une recherche d’emploi et que la chimie entre eux ne fonctionne pas. C’est le début de la fin pour monsieur Bangia.

[130]            Me Nadler affirme qu’il a toujours cru que le plaignant s’améliorerait, mais ce ne fut pas le cas. Il affirme que le plaignant n’a jamais indiqué qu’il était harcelé contrairement à ce que dernier écrit dans son tableau des événements « At this point, I explained to him that with this approach of his, questions are bound to arise but that I felt uncomfortable in posing them to him because he would answer me back rudely and I felt that he was psychologically harassing me ».

[131]           Me Nadler soutient que le 29 juillet, il indique au plaignant qu’il ne le garderait pas à son service longtemps. Il lui suggère de se trouver un emploi ailleurs et qu’il endosserait une lettre de recommandation. Le plaignant a même la possibilité de prendre du temps de travail pour aller passer des entrevues ou planifier des recherches d’emploi. 

[132]           La Commission est convaincue que le plaignant n’a pas été surpris par les propos de Me Nadler. Il sait depuis un certain temps que ses jours sont comptés. D’ailleurs, c’est lui qui initie la rencontre du 29 juillet. Il a compris, depuis un certain temps, que les choses ne vont pas bien. C’est donc à cette période que le plaignant commence à tout noter pour monter un dossier contre l’intimée. Le 29 juillet, lorsque son emploi est définitivement remis en question, il note en détail les événements dans son journal. Il soutient faire l’objet de harcèlement psychologique. Curieusement, malgré cela, il mentionne qu’il voulait rester à l’emploi et travailler pour Me Nadler, son présumé harceleur. Cela apparaît incompatible avec les prétentions d’une personne réellement harcelée. Pour l’événement du 29 juillet, de nouveau, la Commission préfère la version de Me Nadler à celle du plaignant.

[133]           En définitive, pour contrer son congédiement, ou à tout le moins, pour tenter d’en tirer profit, le plaignant a accolé une signification de harcèlement psychologique à des évènements qui n’en constituent pas. À moins que tout cela ne soit lié à une perception subjective différente de celle d’une personne raisonnable placée devant les mêmes événements.

[134]           Le plaignant ne s’est donc pas déchargé de son fardeau de preuve. Il n’a pas réussi à prouver les éléments constitutifs de harcèlement, et ce, pour aucun de ses allégués. Il n’y a pas eu de harcèlement psychologique de la part de Me Nadler.

EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail

DÉCLARE                     sans objet la plainte déposée le 5 octobre 2004 portant le numéro de dossier CM-2001-7501.

REJETTE                      la plainte déposée le 1er novembre 2004 portant le numéro de dossier CM-2001-7500 et la plainte déposée le 3 août 2004 portant le numéro CM-2002-1681.   

ORDONNE                   qu’à l’exception de la Commission, d’un membre de son personnel ou d’un juge d'un tribunal saisi d'un recours découlant des dispositions prévues au titre VI du livre V du Code de procédure civile, les documents suivants:

            - pièces produites sous P-1, P-4, P-9, P-12, P-15, E-1, E-4 et E-7;

            - les fichiers contenant les enregistrements de l’audience;

                                          ne soient pas accessibles à quiconque, sauf sur autorisation, du commissaire soussigné ou de la présidente de la Commission.

 

 

 

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Guy Roy

 

Me Paul Nadler

Représentant de l’intimée

 

 

Date de la dernière audience :

5 juin 2006

Date de réception des dernières notes

21 août 2006

 

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