Décision

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Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Robert

2025 QCCDCPA 20

 

CONSEIL DE DISCIPLINE

COMPTABLES PROFESSIONNELS AGRÉÉS DU QUÉBEC

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No :

47-24-00461

 

DATE :

19 août 2025

______________________________________________________________________

 

LE CONSEIL :

Me JEAN-GUY LÉGARÉ

Président

Mme CYNTHIA COURTOIS, CPA auditrice

Membre

M. JOCELYN PATENAUDE, FCPA auditeur

Membre

______________________________________________________________________

 

CLAUDE MAURER, CPA, en sa qualité de syndic adjoint de l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec

Plaignant

c.

SYLVAIN ROBERT, anciennement CPA

Intimé

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

INTRODUCTION

  1.                M. Claude Maurer, CPA, en sa qualité de syndic adjoint de l’Ordre des comptables professionnels agréés (l’Ordre), reproche à M. Sylvain Robert, anciennement CPA, d’avoir omis d’aviser la secrétaire de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec qu’il fait l’objet de quatre poursuites pour des infractions punissables de cinq ans d’emprisonnement ou plus.
  2.                Le syndic reproche aussi à M. Robert d’avoir été déclaré coupable de deux infractions criminelles en lien avec l’exercice de la profession de comptable professionnel agréé.
  3.                Finalement, le syndic adjoint reproche aussi à M. Robert, de l’avoir entravé dans l’exercice de ses fonctions à deux dates distinctes.  
  4.                Ce faisant, M. Robert aurait commis des infractions au Code de déontologie des comptables professionnels agréés[1] et au C. prof.[2]
  5.                Le 22 mai 2025, M. Robert enregistre un plaidoyer de culpabilité sur les chefs 1, 2, 4, 6, et 8 de la plainte disciplinaire modifiée portée contre lui.
  6.                Considérant le plaidoyer de culpabilité de M. Robert, le Conseil le déclare, séance tenante, coupable sur les chefs 1, 2, 4, 6, et 8 de la plainte modifiée, le tout suivant les modalités plus amplement décrites au dispositif de la présente décision.
  7.                Toutefois, M. Robert ne reconnaît pas que les infractions criminelles décrites aux chefs 3 et 5 ont un lien avec l’exercice de la profession de comptable professionnel agréé. Il enregistre également un plaidoyer de non-culpabilité sur le chef 7 de la plainte disciplinaire modifiée portée contre lui.

QUESTIONS EN LITIGE

  1.                Le Conseil doit répondre aux questions suivantes :
  1.       Existe-t-il un lien entre les infractions criminelles des chefs 3 et 5 pour lesquelles M. Robert a été déclaré coupable et l’exercice de la profession de comptable professionnel agréé?
  1.                Pour les raisons exposées ci-dessous, le Conseil conclut qu’il y a un lien entre les infractions criminelles pour lesquelles M. Robert a été déclaré coupable et l’exercice de la profession de comptable professionnel agréé.
  1.       Est-il à propos de prononcer contre M. Robert une ou plusieurs des sanctions disciplinaires prévues au Code des professions ?
  1.            Pour les raisons exposées ci-dessous, le Conseil conclut qu’une sanction disciplinaire doit lui être imposée afin de maintenir la confiance du public envers les membres de la profession.
  1.       Le syndic adjoint s’est-il déchargé de son fardeau de preuve concernant les éléments essentiels du chef 7 de la plainte disciplinaire modifiée pour lequel M. Robert a enregistré un plaidoyer de non-culpabilité?
  1.            Pour les motifs exposés ci-après, le Conseil est d’avis que le syndic adjoint s’est déchargé de son fardeau de preuve et déclare M. Robert coupable d’avoir contrevenu aux articles 61 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés et 114 C. prof. sur le chef 7 de la plainte modifiée.

HISTORIQUE DU DOSSIER

  1.            Le 14 août 2024, le syndic adjoint porte plainte contre M. Robert.
  2.            Le 27 août 2024, la secrétaire du Conseil de discipline présente une demande de mode spécial de signification puisque les tentatives de signification à M. Robert sont demeurées infructueuses.
  3.            Le même jour, Me Daniel Y. Lord, Président en chef du Bureau des présidents des conseils de discipline, autorise la signification de la plainte à M. Robert par le biais de deux adresses électroniques de M. Robert.
  4.            Le 1er octobre 2024, la secrétaire du Conseil de discipline présente une seconde demande de mode spécial de signification puisque les significations autorisées le 27 août 2024 ont été infructueuses, les adresses courriel étant invalides.
  5.            Le même jour, Me Lord, autorise la signification de la plainte à M. Robert sous le huis de la porte de son domicile après une nouvelle tentative de signification en mains propres ou par l’entremise d’une personne raisonnable.
  6.            Le 7 octobre 2024, la plainte est signifiée par huissier à M. Robert à son domicile sous pli cacheté adressé à son nom, de façon à en assurer la confidentialité, dans la boîte aux lettres, l’adresse ayant été confirmée par le concierge de l’immeuble.
  7.            Un appel du rôle provisoire est fixé au 2 décembre 2024.
  8.            Le 29 novembre 2024, Mme Nadia Richard, agente de probation à l’Établissement de détention Rivière-des-Prairies, transmet un courriel au greffe du Conseil de discipline de l’Ordre de la part de M. Robert, indiquant que celui-ci est détenu à l’établissement de détention de Rivière-des-Prairies et qu’il ne pourra pas être présent à l’appel du rôle provisoire. Par conséquent, il souhaite reporter cet appel du rôle provisoire en janvier 2025.
  9.            Le syndic adjoint consent à cette demande de remise.
  10.            Dans les circonstances, Me Lord fait droit à la demande de remise présentée par M. Robert et fixe l’appel du rôle provisoire au 21 janvier 2025.
  11.            Le 21 janvier 2025, lors de l’appel du rôle provisoire, M. Robert est absent.
  12.            Me Lord demande à la greffière, Mme Mikaëlla Prévot, d’expliquer les démarches du greffe concernant la signification de l’avis de conférence de gestion.
  13.            Mme Prévot explique qu’à la suite de la demande de remise de M. Robert le 29 novembre 2024, le greffe a transmis à l’huissier, le 13 décembre 2024, une demande de signification à l’Établissement de détention Rivière-des-Prairies afin de signifier l’avis de conférence de gestion. Or, la signification n’a pas pu être effectuée puisque M. Robert n’était pas détenu à cet établissement.
  14.            Le 8 janvier 2025, le greffe du Conseil de discipline demande à l’huissier de signifier par courriel l’avis de conférence de gestion. Le greffe informe alors également Mme Richard de cette signification afin que celle-ci puisse en informer M. Robert.
  15.            L’avocat du syndic adjoint explique que Mme Richard a confirmé, le 4 décembre 2024, que M. Robert serait présent à la conférence de gestion.
  16.            Il informe Me Lord que la partie plaignante n’a jamais eu d’échange direct avec M. Robert.
  17.            Après discussion, l’avocat du syndic adjoint demande de fixer l’audience au fond par défaut en raison de toutes les démarches effectuées.
  18.            Dans les circonstances, Me Lord fixe l’audition sur culpabilité le 17 mars 2025.
  19.            Le 21 janvier 2025, Me Lord désigne Me Jean-Guy Légaré afin de présider le Conseil chargé d’entendre le présent dossier.
  20.            Le 29 janvier 2025, l’avocat du syndic adjoint transmet un courriel au Conseil, demandant la remise de l’audition prévue le 17 mars 2025 en raison d’un conflit d’horaire.
  21.            Dans les circonstances, Me Légaré devance l’audition sur culpabilité au 21 février 2025 et annule la date du 17 mars 2025.
  22.            Le 5 février 2025, M. Robert transmet un courriel au greffe de discipline indiquant qu’il est sans téléphone et sans-abri et il demande de reporter le processus disciplinaire jusqu’à ce qu’il ait les moyens de consulter un avocat.
  23.            Le 11 février 2025, l’avocat du syndic adjoint transmet une lettre brossant un tableau complet du dossier. Il demande au Conseil de reporter l’audience sur culpabilité fixée le 21 février 2025 afin de clarifier la situation de M. Robert et lui permettre de s’organiser[3].
  24.            L’avocat du syndic adjoint propose ainsi de fixer une gestion d’instance postérieurement au 25 mars 2025, ce qui permettra au syndic adjoint de rencontrer M. Robert qui est attendu au palais de justice de Montréal à cette date relativement à un dossier criminel.
  25.            Dans les circonstances, le Conseil fixe une audition le 14 février 2025.
  26.            Le 14 février 2025, le Conseil constate l’absence de M. Robert.
  27.            Le syndic adjoint dépose l’attestation de membre de l’Ordre de M. Robert[4].
  28.            Après avoir entendu les représentations de l’avocat du syndic adjoint et avoir délibéré, le Conseil accorde la demande de remise de l’audition fixée le 21 février 2025 et fixe l’audition sur culpabilité les 13 et 14 mai 2025 en mode hybride afin de permettre à M. Robert d’être présent aux bureaux de l’Ordre s’il ne dispose pas des outils technologues nécessaires afin de participer à l’audition sur culpabilité à distance.
  29.            Le Conseil demande que les procès-verbaux de l’appel du rôle provisoire tenu le 21 janvier 2025 de même que le procès-verbal de l’audition du 14 février 2025 et l’avis d’audition des 13 et 14 mai 2025 soient signifiés à M. Robert.
  30.            Le 13 mai 2025, M. Robert est présent devant le Conseil.
  31.            Le Conseil l’informe de son droit à être représenté par avocat.
  32.            Le Conseil suspend l’audition jusqu’à 15 h 00 afin de permettre à M. Robert de prendre connaissance de la plainte, de la divulgation de la preuve des pièces que le syndic adjoint à l’intention de produire dans le cadre de sa preuve, du Code de déontologie des comptables professionnels agréés et du C. prof., ainsi que des autorités qui lui sont de nouveau communiquées par l’avocat du syndic adjoint.
  33.            Le 13 mai 2025, en fin d’après-midi, M. Robert indique au Conseil qu’il n’est pas en mesure de se positionner complètement par rapport aux chefs de la plainte portée contre lui.
  34.            Dans les circonstances, afin de s’assurer du droit à une défense pleine et entière de M. Robert, le Conseil décide d’entendre la preuve du syndic adjoint le 14 mai 2025 et de reporter la défense de M. Robert au 22 mai 2025.  

PLAINTE

  1.            Comme mentionné précédemment, le syndic adjoint porte plainte contre M. Robert le 14 août 2024.
  2.            Le 22 mai 2025, lors de l’audition, les parties demandent de consentement de modifier la plainte afin de retirer le chef 9.
  3.            Le Conseil fait droit à la demande de modification à la plainte.
  4.            La plainte disciplinaire modifiée est ainsi libellée :

Je, soussigné, CLAUDE MAURER, CPA, ès qualités de syndic adjoint de l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec, déclare solennellement que:

Je suis raisonnablement informé, ai raison de croire et crois que l’intimé membre inscrit au tableau de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec au moment des gestes reprochés a commis les infractions suivantes :

DOSSIER #500-01-235155-220

  1. À Saint-Mathieu-de-Laprairie, entre le ou vers le 22 juillet 2022 et le 18 octobre 2022, en lien avec les chefs d’infraction 1 à 5 au dossier #500-01-235155-220, l’intimé a omis d’aviser la secrétaire de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec qu’il fait l’objet d’une poursuite pour une infraction punissable de cinq ans d’emprisonnement ou plus, contrairement à l’article 59.3 du Code des professions, RLRQ c. C-26;

Dossier #505-01-170215-202

  1. À Saint-Mathieu-de-Laprairie, entre le ou vers le 25 octobre 2022 et le 14 mars 2023, en lien avec le chef 1 au dossier #505-01-170215-202, l’intimé a omis d’aviser la secrétaire de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec qu’il a fait l’objet d’une décision d’un tribunal canadien le déclarant coupable d’un chef d’infraction criminelle, contrairement à l’article 59.3 du Code des professions, RLRQ c. C-26;

Dossier #505-01-180492-221

  1. À Longueuil, le ou vers le 20 octobre 2022, l’intimé a fait l’objet, dans le dossier numéro 505-01-180492-221, d’une décision de la Cour du Québec le déclarant coupable de 2 chefs d’infraction criminelle en lien avec l’exercice de la profession de comptable professionnel agréé, soit d’avoir, alors qu’il était en liberté aux termes d’une ordonnance de mise en liberté dans le dossier 500-01-235155-220 :
  1.       Omis, sans excuse légitime, de se conformer à une condition de cette ordonnance, soit résider à une adresse spécifique située à Saint-Mathieu de Laprairie et être à cette adresse 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, sauf pour fins de travail légitime et rémunéré ou pour urgence médicale, commettant ainsi l'infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire prévue à l'article 145(5)a) du Code criminel (chef #1);
  2.       Omis, sans excuse légitime, de se conformer à une condition de cette ordonnance, soit ne pas se trouver ou aller à une adresse spécifique située à Montréal ou tout autre endroit ou pourrait demeurer la victime, et ce, quelle que soit l'adresse, commettant ainsi l'infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire prévue à l'article 145(5)a) du Code criminel (chef #2),

se rendant ainsi passible des sanctions prévues à l’article 156 du Code des professions, RLRQ c. C-26, le tout comme prévu à l’article 149.1 du Code des professions;

  1. À Saint-Mathieu-de-Laprairie, entre le ou vers le 31 octobre 2022 et le 14 mars 2023, en lien avec les chefs 1 et 2 au dossier #505-01-180492-221, l’intimé a omis d’aviser la secrétaire de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec qu’il a fait l’objet d’une décision d’un tribunal canadien le déclarant coupable de chefs d’infractions criminelles, contrairement à l’article 59.3 du Code des professions, RLRQ c. C-26;

Dossier #505-01-172863-215

  1. À Longueuil, le ou vers le 15 mai 2023, l’intimé a fait l’objet, dans le dossier numéro 505-01-172863-215, d’une décision de la Cour du Québec le déclarant coupable d’un chef d’infraction criminelle en lien avec l’exercice de la profession de comptable professionnel agréé, soit d’avoir, pendant qu’il conduisait un véhicule à moteur, commis l’infraction prévue à l’article 320.14(1)a) et d’avoir causé des lésions corporelles à C. C., commentant ainsi l’infraction punissable sur déclaration sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire prévue à l'article 320.14(2)-320.2 du Code criminel (chef #3), se rendant ainsi passible des sanctions prévues à l’article 156 du Code des professions, RLRQ c. C-26, le tout comme prévu à l’article 149.1 du Code des professions;
  2. À Saint-Mathieu-de-Laprairie et/ou à Montréal, entre le ou vers le 26 mai 2023 et le 10 août 2023, en lien avec le chef 3 au dossier #505-01-172863-215, l’intimé a omis d’aviser la secrétaire de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec qu’il a fait l’objet d’une décision d’un tribunal canadien le déclarant coupable de chefs d’infractions criminelles, contrairement à l’article 59.3 du Code des professions, RLRQ c. C-26;

Entraves au travail du syndic adjoint

  1. À Saint-Mathieu-de-Laprairie, le ou vers le 26 octobre 2022, dans le cadre de ses réponses au questionnaire 4 (portant sur les dossiers 505-01-170215-202 et 505- 01-172863-215) et au questionnaire 5 (portant sur les dossiers 505-01-180491- 223 et 505-01-180492-221), l’intimé a entravé le travail du syndic adjoint Claude Maurer, CPA, notamment :
  1.       En déclarant dans son courriel « j’ai été acquitter sur toute la ligne », alors que :
  1.           Il avait été déclaré coupable le 14 octobre 2022 du chef d’accusation 1 au dossier 505-01-170215-202;
  2.          Il avait été déclaré coupable le 20 octobre 2022, par suite d’un plaidoyer de culpabilité, des chefs d’accusation 1 et 2 au dossier 505-01-180492- 221;
  1.       En déclarant dans son courriel « jai obtenu une absolution inconditionnelle », alors que des peines d’absolution conditionnelle lui avaient été imposées le 20 octobre 2022 aux dossiers 505-01-170215-202 et 505-01-180492-221;
  2.       En répondant « (s)and fondement, aucune accusation » à la 2e question du questionnaire 5 demandant ses commentaires au sujet de la dénonciation dans le dossier 505-01-180492-221 concernant 6 chefs de bris de conditions, alors qu’il avait été déclaré coupable le 20 octobre 2022, par suite d’un plaidoyer de culpabilité, des chefs d’accusation 1 et 2 audit dossier;
  3.       En répondant « (j)’ai été acquitter de toutes les accusations » à la 4e question du questionnaire 4 portant sur les dossiers 505-01-170215-202 et 505-01-172863-215, alors que :
  1.           Il avait été déclaré coupable le 14 octobre 2022 du chef d’accusation 1 au dossier 505-01-170215-202;
  2.          Aucun verdict n’avait été rendu au dossier 505-01-172863-215;

contrevenant ainsi à l’article 114 du Code des professions, RLRQ, c. C-26 ainsi qu’à l’article 61 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés, RLRQ c. C-48.1, r. 6;

  1. À Saint-Mathieu-de-Laprairie, le ou vers le 24 janvier 2023, dans le cadre de sa réponse aux questions 3 et 16 du questionnaire 7, l’intimé a entravé le travail du syndic adjoint Claude Maurer, CPA en mentionnant avoir, conformément à l’article 59.3 du Code des professions, avisé l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec dans les 10 jours à compter du moment où il a été informé des déclarations de culpabilité pour une infraction criminelle aux dossiers 505-01-170215-202 et 505-01-180492-221, alors que cela n’était pas exact, contrevenant ainsi à l’article 114 du Code des professions, RLRQ, c. C-26 ainsi qu’à l’article 61 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés, RLRQ c. C-48.1, r. 6;
  2. [Retiré]

Se rendant ainsi passible des sanctions prévues à l’article 156 du Code des professions, RLRQ, c. C-26.

Considérant ce qui précède, je porte la présente plainte contre SYLVAIN ROBERT, devant le conseil de discipline de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec.

[Transcription textuelle]

ARGUMENTATION DES PARTIES

  1.            Le syndic adjoint dépose deux plans d’argumentation ainsi qu’un cahier de sources qui réfère à différentes autorités au soutien de sa position[5].
  2.            Le syndic adjoint demande, sur chacun des chefs 3 et 5 de la plainte modifiée, de constater les condamnations de M. Robert à l’égard des accusations criminelles décrites auxdits chefs et de déclarer que ces condamnations ont un lien avec l’exercice de la profession de comptable professionnel agréé.
  3.            Par la suite, le syndic adjoint demande au Conseil de convoquer les parties à une audition afin qu’elles soient entendues sur l’opportunité d’imposer à M. Robert des sanctions à l’égard des chefs 3 et 5 de la plainte modifiée ainsi que sur les sanctions, le cas échéant.
  4.            Le syndic adjoint demande également au Conseil de déclarer M. Robert coupable sur le chef 7 fondé sur l’article 61 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés et sur l’article 114 C. prof., et de prononcer une suspension conditionnelle des procédures quant au renvoi à l’article 114 C. prof.
  5.            De son côté, M. Robert mentionne qu’il a répondu aux questions du syndic adjoint au meilleur de sa connaissance et qu’il a tenté d’éclaircir les différents dossiers malgré la complexité de la situation.
  6.            Il souligne que les actes qui lui sont reprochés par le syndic adjoint aux chefs 3 et 5 de la plainte modifiée sont loin d’avoir la gravité des gestes posés par le comptable professionnel agréé dans l’affaire de M. Nareau[6].
  7.            M. Robert affirme avoir tenté de collaborer avec le syndic adjoint et ajoute que l’entrave alléguée par ce dernier n’était pas intentionnelle.

ANALYSE

Chefs 3 et 5

  1.            M. Robert a-t-il été déclaré coupable des décisions visées à l’article 149.1 C. prof.?
  2.            L’article 149.1 C. prof. prévoit ce qui suit :

149.1. Un syndic peut saisir le conseil de discipline, par voie de plainte :

de toute décision d’un tribunal canadien déclarant un professionnel coupable d’une infraction criminelle;

de toute décision rendue au Québec le déclarant coupable d’une infraction visée à l’article 188 ou d’une infraction à une disposition d’une loi du Québec ou d’une loi fédérale;

3° de toute décision rendue hors Québec le déclarant coupable d’une infraction qui, si elle avait été commise au Québec, aurait pu faire l’objet d’une poursuite pénale en vertu de l’article 188 ou d’une poursuite pénale en vertu d’une disposition d’une loi du Québec ou d’une loi fédérale.

La décision visée au premier alinéa doit, de l’avis du syndic, avoir un lien avec l’exercice de la profession.

Une copie dûment certifiée de la décision judiciaire fait preuve devant le conseil de discipline de la perpétration de l’infraction et, le cas échéant, des faits qui y sont rapportés. Le conseil de discipline prononce alors contre le professionnel, s’il le juge à propos, une ou plusieurs des sanctions prévues à l’article 156.

[Soulignements ajoutés]

  1.            Sur le chef 3 de la plainte modifiée, dans le dossier numéro 505-01-180492-221, M. Robert a été déclaré coupable par la Cour du Québec le 20 octobre 2022 d’avoir omis, sans excuse légitime, de se conformer à une condition à une ordonnance de mise en liberté dans le dossier 500-01-235155-220, soit résider à une adresse spécifique située à Saint-Mathieu de Laprairie et être à cette adresse 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, sauf pour fins de travail légitime et rémunéré ou pour urgence médicale (chef 1).
  2.            De plus, dans le même dossier, M. Robert a également été déclaré coupable, alors qu’il était en liberté aux termes de la même ordonnance de mise en liberté d’avoir omis, sans excuse légitime, de se conformer à une condition de cette ordonnance, soit ne pas se trouver ou aller à une adresse spécifique située à Montréal ou tout autre endroit ou pourrait demeurer la victime, et ce, quelle que soit l'adresse (chef 2).
  3.            Sur les chefs 1 et 2 du dossier numéro 505-01-180492-221, M. Robert a ainsi commis l'infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire prévue à l'article 145(5)a) C. Cr.
  4.            Par ailleurs, en ce qui concerne le chef 5 de la plainte modifiée, dans le dossier numéro 505-01-172863-215, M. Robert a été déclaré coupable par la Cour du Québec le 15 mai 2023 d’avoir, pendant qu’il conduisait un véhicule à moteur, commis l’infraction prévue à l’article 320.14(1)a) C. cr., et d’avoir causé des lésions corporelles.
  5.            Ainsi, M. Robert a commis l’infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire prévue à l'article 320.14(2) - 320.2 C. Cr.
  6.            M. Robert a été déclaré coupable par la Cour du Québec (Chambre criminelle et pénale), un tribunal canadien, des infractions criminelles prévues aux articles 145 (5) a) et 320.14(2) - 320.2 C. Cr.
  7.            Il s’agit de décisions visées par le premier alinéa de l’article 149.1 C. prof.
  8.            Cet article autorise le syndic d’un ordre professionnel à « saisir le conseil de discipline, par voie de plainte » d’une telle décision lorsque « de l’avis du syndic », il y a un lien avec l’exercice de la profession.
  9.            Une fois saisi de la plainte, le conseil de discipline doit, à son tour, statuer sur l’existence ou non d’un lien avec l’exercice de la profession[7].
  10.            L’article 149.1 C. prof. prescrit un régime particulier suivant lequel le Conseil n’a pas à se prononcer sur la culpabilité ou non de M. Robert, comme il appert des passages suivants du jugement du Tribunal des professions dans l’affaire Landry :

[17] Le caractère particulier de l’article 149.1 C. prof. découle également du fait qu’au terme du processus disciplinaire qu’il prévoit le Conseil de discipline n’a pas à décider si le professionnel est ou non coupable de l’infraction. […]

[19] À l’évidence, cette disposition législative est complète en soi. Le législateur a voulu que le syndic puisse saisir le Conseil de discipline par l’entremise d’une plainte. Il s’agit essentiellement d’un véhicule procédural et il ne faut pas pour autant conclure qu’il s’agit d’une plainte de même nature que celle dont il est question aux articles 116 et 129 C. prof.[8]

  1.            Dans l’affaire Thivierge, le Tribunal des professions résume ainsi le mécanisme de ce véhicule procédural :

[54] Au moyen de l’article 149.1 C. prof., le syndic saisit le conseil de discipline, par voie de plainte, d’une des décisions visées à son premier alinéa et dans ces circonstances, le conseil de discipline n’a que deux choses à décider : (1) si la décision visée a un lien avec l’exercice de la profession et (2) si oui, y a-t-il lieu de prononcer contre le professionnel une ou plusieurs des sanctions prévues à l’article 156 C. prof.[9]

  1.            Le Conseil examine maintenant ces deux questions.

A) Existe-t-il un lien entre les infractions criminelles des chefs 3 et 5 pour lesquelles M. Robert a été déclaré coupable et l’exercice de la profession de comptable professionnel agréé?

  1.            À cette étape, le Conseil doit considérer la nature des infractions dont M. Robert a été reconnu coupable, leur gravité, de même que les circonstances entourant leur commission, et ce, en relation avec les qualités essentielles à l’exercice de la profession de comptable professionnel agréé[10].
  2.            Rappelons que M. Robert a été déclaré coupable de bris de conditions et conduite d’un véhicule avec capacité affaiblie causant des lésions corporelles.
  3.            La gravité objective intrinsèque de ces infractions ne fait pas de doute. Cette gravité se reflète notamment dans la durée des peines imposées et dans l’ordonnance de probation prononcée à l’égard de M. Robert.
  4.            Ces infractions vont clairement à l’encontre des valeurs fondamentales, des attributs et des qualités requises pour l’exercice de la profession de comptable professionnel agréé.
  5.            Le comportement de M. Robert heurte de plein fouet les qualités fondamentales d'honnêteté, d'intégrité, de sincérité et de probité attendues de l'exercice de la profession de comptable professionnel agréé.
  6.            En effet, l'omission de se conformer à une promesse ou un engagement contracté dans le cours du processus judiciaire visant des accusations criminelles graves dénote, pour un comptable professionnel agréé, un manque certain d'intégrité et de sincérité.
  7.            Dans ce contexte, l'exercice de la profession se veut un gage de confiance qui s'adresse autant à la clientèle qu'aux personnes à qui sont destinées les opinions, les attestations, les certifications et les vérifications professionnelles.
  8.            Le public est en droit de s'attendre à de hauts standards d'intégrité et de probité quand il traite avec des professionnels de la comptabilité pour la protection de ses intérêts patrimoniaux et la conduite légitime de ses affaires.
  9.            Par ailleurs, la conduite irresponsable et insouciante de M. Robert par rapport à l’alcool au volant porte atteinte à la confiance du public. Or, non seulement, M. Robert a-t-il conduit avec les facultés affaiblies mais il a, de plus, causé des lésions corporelles à une personne, ce qui lui a valu une peine d’emprisonnement de cinq mois, le retrait de son permis de conduire, l’interdiction de conduire tout véhicule à moteur pendant une période de 12 mois et une période de probation de 12 mois.
  10.            Il s’agit d’infractions objectivement graves mettant en cause la protection du public.
  11.            L'objectif de protection du public exige que le Conseil intervienne face à de tels comportements de la part d'un professionnel. 
  12.            Or, dans le présent cas, M. Robert est à la source des bris de conditions et de conduite affaiblie causant des lésions corporelles et, en ce sens, les infractions touchent le cœur de l’exercice de sa profession.
  13.            Certes, les infractions criminelles ont été commises dans la sphère de la vie privée de M. Robert et non dans sa sphère professionnelle.
  14.            Il s’agit toutefois de gestes qui, s’ils avaient été posés dans l’exercice de la profession de comptable professionnel agréé, auraient constitué sans équivoque des infractions disciplinaires graves.
  15.            Il convient de noter que l’exercice d’une profession n’est pas restreint à la pratique de la profession[11].

[101] Rappelons que la protection du public « ne passe pas exclusivement par le prisme des actes portant directement atteinte à la santé ou à la vie des membres du public. Elle passe aussi par le prisme plus large du professionnalisme, lequel réfère aux différentes qualités que l’on doit retrouver chez un professionnel […] ».[12]

  1.            Le Conseil est convaincu que les condamnations de M. Robert vont à l’encontre des valeurs de la profession de comptable professionnel agréé et conclut que le lien entre les infractions criminelles dont M. Robert a été déclaré coupable et l’exercice de la profession de comptable professionnel agréé est établi.
  2.            Ainsi, le Conseil passe à la seconde étape du cadre d’analyse prescrit par le Tribunal des professions.

B) Est-il à propos de prononcer contre M. Robert une ou plusieurs des sanctions disciplinaires prévues au C. prof.?

  1.            Le Tribunal mentionne ce qui suit au sujet de cette deuxième étape :

[80] Si le Conseil conclut à l’existence d’un lien entre la commission des infractions criminelles et l’exercice de la profession visée, il y a alors lieu d’aborder la seconde étape de l’exercice prévu aux articles 55.1 et 149.1 C. prof. À cette deuxième étape, le décideur prend en compte la pratique spécifique du professionnel visé afin de décider s’il est opportun d’imposer des sanctions et, le cas échéant, lesquelles.[13]

[Soulignement ajouté]

  1.            Dans le présent cas, il appert que M. Robert n’est plus inscrit au tableau de l’Ordre depuis le 21 février 2024.
  2.            En conséquence, le Conseil doit-il nécessairement conclure qu’il n’est pas opportun de lui imposer une sanction disciplinaire?
  3.            Le Conseil fait sienne la réponse apportée à cette question par le conseil de discipline du Barreau dans l’affaire Thivierge :
  1.       Est-ce à dire qu’à cette deuxième étape, le Conseil doit faire abstraction de la gravité intrinsèque des infractions criminelles commises, des circonstances de leur perpétration et de l’importance du critère d’exemplarité applicable en matière de sanction pour décider s’il est opportun d’imposer une sanction à l’intimé?
  2.       Le Conseil ne le croit pas.
  3.       Tout comme le Conseil ne croit pas qu’un professionnel, qui n’est plus membre de son ordre professionnel ou n’exerce plus ses activités professionnelles, doit nécessairement échapper à l’imposition d’une sanction en vertu de l’article 149.1 du Code des professions.
  4.       Le Conseil comprend plutôt du jugement du Tribunal des professions que la prise en compte de la pratique in concreto du professionnel doit se faire uniquement à la deuxième étape du processus prévu à l’article 149.1 du Code des professions et non au stade de la détermination de l’existence d’un lien entre l’infraction commise et l’exercice de la profession.
  5.       Ainsi la pratique in concreto d’un intimé au moment des événements et sa situation professionnelle lors de l’audition font partie d’un ensemble de facteurs à considérer pour décider s’il est opportun de lui imposer une sanction et, le cas échéant, décider quelle sanction devrait lui être imposée. Chaque cas est un cas d’espèce.[14]
  1.            À cette étape, l’objectif n’est pas de punir à nouveau M. Robert, comme l’indique le conseil de discipline de l’Ordre des infirmières et infirmiers dans l’affaire Côté :

[83] D’entrée de jeu, il est important de souligner qu’il n’est pas de la juridiction du Conseil de punir à nouveau l’intimé pour les infractions criminelles qu’il a commises. La Cour du Québec, chambre criminelle et pénale a déjà prononcé diverses sentences contre l’intimé pour ces crimes, allant de l’emprisonnement au sursis en passant par l’amende. Le rôle du Conseil est de déterminer si, en l’espèce, la protection du public commande de lui imposer une sanction disciplinaire en plus des sentences déjà prononcées contre lui. [15]

  1.            Il importe de rappeler que la perception du public est une composante de la protection du public[16].
  2.            Le public attend des comptables professionnels agréés, en qui il place sa confiance, que ceux-ci maintiennent de hauts standards tant en ce qui concerne le savoir-faire que le savoir-être.
  3.            En contrepartie du privilège d’utiliser le titre de comptable professionnel agréé, les membres de l’Ordre portent une lourde responsabilité. Dans le cadre d’un appel portant sur les sanctions imposées à un dentiste, le Tribunal des professions écrit :
  1.             En contrepartie des privilèges conférés par la loi, notamment le droit exclusif au titre et le pouvoir tout aussi exclusif de poser certains actes, les membres des ordres professionnels portent une lourde responsabilité, et en particulier les professionnels de la santé parce que leurs interventions concernent la santé et l’intégrité physique et psychologique des gens.
  2.             C’est précisément parce que le public sait que le professionnel doit répondre à des exigences serrées tant du point de vue académique que personnel avant de pouvoir pratiquer sa profession qu’il lui voue généralement une grande confiance, s’en remet à lui et en devient en quelque sorte, par la force de la situation, le captif. Dans un tel contexte, tout compromis sur la protection du public n’est pas acceptable.[17]

[Soulignements ajoutés]

  1.            Il est manifeste que les infractions commises par M. Robert minent cette confiance. Les gestes qu’il a posés sont aux antipodes du comportement attendu d’un comptable professionnel agréé.
  2.            Au moment M. Robert pose ces actes, il est membre de l’Ordre.
  3.            D’un point de vue déontologique, l’atteinte aux valeurs de la profession, la nature et la gravité des actes posés par M. Robert par rapport aux attentes du public à l’égard d’un comptable professionnel agréé amènent le Conseil à conclure qu’une sanction disciplinaire doit lui être imposée afin de maintenir la confiance du public envers les membres de la profession.
  1.     Le syndic adjoint s’est-il déchargé de son fardeau de preuve concernant les éléments essentiels du chef 7 de la plainte disciplinaire modifiée pour lequel M. Robert a enregistré un plaidoyer de non-culpabilité?

Le fardeau de la preuve

  1.            Le Conseil doit déterminer si la preuve présentée par le syndic adjoint est claire et convaincante pour déclarer M. Robert coupable sur le chef 7 de la plainte modifiée.
  2.       La Cour d’appel[18] a rappelé le fardeau de preuve qu’une partie plaignante doit rencontrer en matière disciplinaire :

[66] Il est bien établi que le fardeau de preuve en matière criminelle ne s’applique pas en matière civile. Il est tout aussi clair qu’il n’existe pas de fardeau intermédiaire entre la preuve prépondérante et la preuve hors de tout doute raisonnable, peu importe le « sérieux » de l’affaire. La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt F.H. c. McDougall, a explicitement rejeté les approches préconisant une norme de preuve variable selon la gravité des allégations ou de leurs conséquences.

[67] Cependant, la preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités. Comme démontré plus haut, le Conseil avait bien à l’esprit cette norme et la proposition des juges majoritaires qui soutient le contraire est, avec égards, injustifiée.

[68] Comme le rappelle la Cour suprême, « aussi difficile que puisse être sa tâche, le juge doit trancher. Lorsqu’un juge consciencieux ajoute foi à la thèse du demandeur, il faut tenir pour acquis que la preuve était, à ses yeux, suffisamment claire et convaincante pour conclure au respect du critère de la prépondérance des probabilités. 

[Références omises]

  1.       Par conséquent, le Conseil devra décider de la culpabilité ou de l’acquittement de M. Robert en fonction de chacune des dispositions invoquées. Un arrêt de la Cour d’appel rappelle ce principe en ces termes[19] :

[84] D’une part, les éléments essentiels d’un chef de plainte disciplinaire ne sont pas constitués par son libellé, mais par les dispositions du code de déontologie ou du règlement qu’on lui reproche d’avoir violées (Fortin c. Tribunal des professions, 2003 CanLII 33167 (QC CS), [2003] R.J.Q. 1277, paragr. [136] (C.S.); Béliveau c. Comité de discipline du Barreau du Québec, précité; Béchard c. Roy, précité; Sylvie POIRIER, précitée, à la p. 25).

  1.       Compte tenu de ce qui précède, le Conseil analysera la preuve soumise en regard de chacune des deux dispositions de rattachement invoquées au soutien du chef 7 de la plainte disciplinaire modifiée portée par le syndic adjoint contre M. Robert.
  2.       Le syndic adjoint reproche à M. Robert, d’avoir, le 26 octobre 2022, dans le cadre de ses réponses au questionnaire no 4 (portant sur les dossiers 505-01-170215-202 et 505- 01-172863-215) et au questionnaire no 5 (portant sur les dossiers 505-01-180491- 223 et 505-01-180492-221), entravé son travail.
  3.       Ce faisant, M. Robert aurait contrevenu aux dispositions de rattachement ainsi libellées :

Code des professions, RLRQ c. C-26

114.  Il est interdit d’entraver de quelque façon que ce soit un membre du comité, un inspecteur, un enquêteur ou un expert, dans l’exercice des fonctions qui lui sont conférées par le présent code, de le tromper par des réticences ou par de fausses déclarations, de refuser de lui fournir un renseignement ou document relatif à une vérification ou à une enquête tenue en vertu du présent code ou de refuser de lui laisser prendre copie d’un tel document.

Code de déontologie des comptables professionnels agréés, RLRQ c. C-48.1, r. 6;

61. Le membre doit s’assurer de l’exactitude et de l’intégrité des renseignements qu’il fournit à l’Ordre. Il doit en tout temps respecter ses engagements envers l’Ordre liés au contrôle de l’exercice de la profession.

  1.       Avant de statuer sur la culpabilité de M. Robert en fonction de la preuve administrée sous le chef 7, le Conseil résume les principes applicables en matière d’entrave.
  2.               Dans Marin c. Ingénieurs forestiers[20], le Tribunal des professions rappelle que l’obligation qui incombe au professionnel de remettre les documents demandés par le syndic ou de collaborer à son enquête en est une de résultat.
  3.               Les tribunaux ont d’ailleurs confirmé à plusieurs reprises qu’il est de première importance pour un professionnel de collaborer et de donner suite aux demandes du syndic de son ordre professionnel.
  4.               Les contraventions d’un professionnel à cette obligation compromettent le fonctionnement du système disciplinaire, ébranlent la confiance du public et portent ombrage à l’ensemble de la profession.
  5.               Lorsqu’un professionnel n’apporte pas toute sa collaboration au syndic de son ordre professionnel, c’est le système disciplinaire au complet qu’il met en péril[21]. Le processus disciplinaire repose sur l’entière collaboration du professionnel avec le syndic de son ordre et de ses collaborateurs[22].
  6.       La confiance du public envers la capacité d’un ordre de veiller à sa protection est minée lorsque cet ordre n’est pas en mesure d’enquêter sur un dossier disciplinaire en raison de la non-collaboration d’un professionnel. En répondant de manière inadéquate et incomplète ou de manière fausse à la partie plaignante, la partie intimée paralyse son processus d’enquête et transmet au public l’impression qu’il n’est pas protégé.
  7.       L’infraction d’entrave a fait l’objet de plusieurs jugements et décisions.
  8.       Dans la décision Gauthier c. Rancourt[23], le conseil de discipline, citant un article de doctrine, écrit :

[41]  Me Ariane Imreh, dans son article intitulé L’obligation de répondre au syndic de son ordre professionnel écrit qu’une fois le fardeau de la preuve du syndic rempli, les justifications qui s’offrent au professionnel pour excuser un manquement à son obligation de collaborer avec le syndic (ou dans ce cas-ci avec l’inspectrice) sont relativement restreintes. Elle rappelle que l’on doit considérer l’obligation de répondre comme prioritaire, cette règle ne devant souffrir d’aucune exception, sauf en cas d’impossibilité absolue. Elle ajoute que les justifications basées sur la charge de travail et la maladie ne satisfont pas habituellement les instances disciplinaires, à l’exception des rares cas où le professionnel a fait preuve de diligence et que son omission résulte d’un concours de circonstances hors de son contrôle.

[42]  L’intimée devait privilégier ses obligations envers son Ordre. Même si elle avait une charge de travail importante, la preuve démontre qu’elle gérait elle-même son horaire. De plus, elle pouvait en tout temps demander à sa directrice, Mme Houle, de lui donner l’occasion de s’absenter de ses tâches pour la durée de l’inspection. Or, l’intimée n’en a jamais fait la demande.

[43]  La preuve démontre que l’intimée a eu toutes les opportunités pour fixer une rencontre selon ses disponibilités.

[44]  Dans les circonstances du présent cas, nous sommes loin d’une impossibilité d’agir.

[45]  Le conseil note qu’à la date de l’audience, la visite d’inspection n’a toujours pas eu lieu.

[46]  Le comportement de l’intimée paralyse le processus de vérification et de surveillance de son Ordre.

[47]  Le Conseil est d’avis que l’intimée a, par son défaut de collaboration à la tenue d’une visite d’inspection, entravé l’inspectrice dans l’exercice de ses fonctions, contrevenant ainsi à l’article 114 du Code des professions.

[Références omises]

  1.       Dans l’affaire Serra[24], le Tribunal des professions analyse l’infraction d’entrave selon divers cas de figure et y distingue l’entrave « active » de l’entrave « passive ».
  2.       Dans le présent dossier, le Conseil est en présence d’une entrave « active » puisque le syndic adjoint reproche à M. Robert de lui avoir transmis des informations fausses ayant entravé son enquête.
  3.               Selon les conclusions du Tribunal des professions dans l’affaire Serra[25], cette distinction s’avérera particulièrement importante au moment d’évaluer la sanction devant être imposée selon la nature de l’entrave mise en preuve.
  4.       Puisque le chef 7 de la plainte modifiée reproche à M. Robert une infraction d’entrave, le Conseil examine comment cette notion d’entrave a été définie dans diverses décisions.
  5.       Dans la décision rendue dans Gallien[26], le conseil de discipline de l’Ordre des denturologistes du Québec en propose une définition et identifie diverses situations d’entrave, et ce, en ces termes :

[49]  La définition du mot « entraver » a été analysée dans la cause Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Renaud qui reprend celles retenues dans Acupuncteurs c. Jondeau où le Tribunal des professions reprend les définitions du dictionnaire pour définir le mot entraver ainsi: « Selon le second sens que lui donnent le Petit Robert ainsi que le Multi Dictionnaire de la langue française, entraver signifie freiner, gêner l’action de, pour l’un, le Petit Robert suggère embarrasser, enrayer, gêner, obstruer, contrarier en guise de mot ayant un grand rapport de sens avec entraver. »

[50]  Voici quelques exemples d’entraves :

• La falsification ou reconstitution d’un dossier transmis au syndic sans en faire mention;

• Ne pas donner accès à sa comptabilité;

• Refuser de rencontrer le syndic qui équivaut à un refus de collaborer avec le syndic;

• Fournir de fausses informations au syndic;

• Refus de répondre au syndic;

• Défaut de respecter un engagement de transmettre des renseignements et documents;

• Refus de remettre des dossiers.

[Transcription textuelle sauf références omises]

  1.       Par ailleurs, pour déterminer si le professionnel a commis une infraction d’entrave, il faut tenir compte du contexte.
  2.       C’est la conclusion retenue par la Cour supérieure dans Villeneuve c. Tribunal des professions[27] :

[51]  La jurisprudence a refusé de condamner pour entrave en diverses occasions. Par exemple, dans l’affaire Villeneuve c. Tribunal des professions, la Cour supérieure maintient la décision du Tribunal des professions qui a acquitté l’intimé d’entrave en s’expliquant comme suit :

[33]  Une instance disciplinaire ne peut statuer sur une plainte d’entrave au syndic sans tenir compte du contexte.

[34]  L’analyse du contexte porte largement sur l’interaction entre le syndic et le professionnel.

[35]  Ce faisant, le Tribunal des professions n’excède pas sa compétence.

[36]  Au départ, tant le syndic que le professionnel sont présumés de bonne foi.

[37]  Mais l’analyse du contexte peut révéler des indices de mauvaise foi, de malveillance, d’intransigeance, de déraisonnabilité, etc.

[38]  Aussi, sans que la bonne foi de quiconque soit mise en doute, l’analyse du contexte peut révéler des quiproquos, des malentendus, des ambiguïtés, etc.

[39]  Quand le reproche en est un d’entrave au syndic, l’analyse du contexte ne peut faire abstraction des faits et gestes du syndic. Le droit professionnel ne confère pas à celui-ci une présomption de perfection et d’infaillibilité.

[40]  Les propos qui précèdent ne remettent pas en question la jurisprudence bien établie qui interdit à un professionnel visé par une plainte de transformer l’instance disciplinaire en forum pour remettre en question les méthodes d’enquête du syndic. Autrement dit, dans une instance disciplinaire, il n’y a qu’un seul professionnel visé par la plainte, et ce n’est pas le syndic.

[41]  Mais, lorsqu’accusé d’entrave au syndic, le professionnel peut faire la preuve d’un contexte démontrant qu’il n’y a pas eu d’entrave vu le comportement du syndic.

[Soulignements ajoutés et références omises]

  1.       Néanmoins, cette obligation de collaborer est réitérée par le Tribunal des professions comme étant une obligation de résultat dans son jugement rendu dans l’affaire Chené[28] :

[61]  Le professionnel doit collaborer et fournir le renseignement ou le document relatif à la vérification ou à l'enquête tenue par le syndic. Les articles 114 et 122 du Code des professions ne prévoient pas de délai.

[…]

[66]  Le fait que la visite de la syndique soit imprévue ne vient en aucun cas diminuer l'obligation du professionnel. Ce sont des dossiers complets qu'on a demandés. Il a remis des dossiers incomplets. Et l'un d'eux n'a pas été remis du tout. Il avait une obligation de résultat dont il ne s'est pas déchargé.

[67]  L'ensemble du dossier laisse plutôt voir la désinvolture de l'appelant et son comportement constitue une entrave. L'appelant n'a pas pris son obligation au sérieux. Il doit être déclaré coupable.

[Soulignements ajoutés]

  1.       En ce qui a trait à la preuve d’intention, dans le jugement Morris c. Médecins (Ordre professionnel des)[29], le Tribunal des professions statue :

[136] L’accusation d’entrave en matière disciplinaire n’exige pas la preuve d’une intention malhonnête ou spécifique. Le syndic n’a pas à prouver la mauvaise foi.

Application du droit aux faits

  1.       Dans le cadre du chef 7 de la plainte disciplinaire modifiée, le Conseil doit déterminer si la preuve du syndic adjoint permet de conclure que M. Robert a entravé son enquête.
  2.       Il doit donc décider de l’acquittement ou de la culpabilité de M. Robert en fonction des dispositions de rattachement invoquées.
  3.       L’infraction reprochée à M. Robert prend appui sur les déclarations fausses faites par M. Robert au syndic adjoint.
  4.       La preuve démontre que le 3 août 2022, dans le cadre de son enquête portant sur les dossiers no 505-01-170215-202 (action indécente) et no 505-01-172863-215 (conduite causant des lésions corporelles) le syndic adjoint transmet à M. Robert le questionnaire no 4[30].
  5.       Le 11 août 2022, le syndic adjoint transmet à M. Robert le questionnaire no 5 portant cette fois sur les dossiers no 505-01-180491-223 (intimidation) et no 505-01-180492-221 (bris de conditions)[31].
  6.       Le 5 octobre 2022, n’ayant pas reçu de réponse à ses lettres des 3 et 11 août 2022, le syndic adjoint transmet une lettre de rappel à M. Robert, joignant de nouveau lesdites lettres ainsi que les questionnaires nos 4 et 5[32]. Il lui demande de lui faire parvenir ses réponses au plus tard le 14 octobre 2022.
  7.       Le 18 octobre 2022, n’ayant toujours pas reçu de réponse de la part de M. Robert, le syndic adjoint transmet une lettre d’avis final à M. Robert, joignant les lettres des 3 et 11 août 2022, les questionnaires nos 4 et 5 ainsi que la lettre de rappel du 5 octobre 2022[33]. Il lui demande de répondre à ses demandes au plus tard le 26 octobre 2022.
  8.       Le 26 octobre 2022, M. Robert transmet un courriel au syndic adjoint en joignant les questionnaires nos 4 et 5 complétés[34].
  9.       Dans son courriel du 26 octobre 2022[35], M. Robert écrit ce qui suit :

Bonjour j’ai été acquitter sur toute la ligne, j’ai obtenu une absolution inconditionnelle. Il ne me reste que mon dossier de facultés affaiblies. Le procès est prévu pour le 16 novembre prochain !!!

[Transcription textuelle]

  1.       Or, la preuve démontre que le 14 octobre 2022, dans le dossier no 505-01-170215-202, M. Robert a été déclaré coupable sur le chef 1 d’avoir commis une action indécente dans un endroit public[36].
  2.       D’ailleurs, le 24 janvier 2023, M. Robert a reconnu au syndic adjoint avoir été déclaré coupable le 14 octobre 2022 sur le chef 1 dans le cadre du dossier no 505-01-170215-202[37].
  3.       Par ailleurs, la preuve démontre également que le 20 octobre 2022, dans le cadre du dossier no 505-01-180492-221, M. Robert a enregistré un plaidoyer de culpabilité et a été déclaré coupable par le Tribunal des chefs 1 et 2 portant sur des bris de conditions[38].
  4.       De même, dans le courriel du 26 octobre 2022 qu’il transmet au syndic adjoint (précité) M. Robert affirme qu’il a « obtenu une absolution inconditionnelle »[39].
  5.       Or, de nouveau la preuve démontre que le 20 octobre 2022, dans le dossier no 505-01-170215-202 portant sur une action indécente dans un endroit public, le Tribunal impose plutôt à M. Robert une peine d’absolution conditionnelle[40].
  6.       De même, toujours le 20 octobre 2022, dans le dossier no 505-01-180492-221 portant sur les bris de conditions, le Tribunal impose à M. Robert une absolution conditionnelle[41].
  7.       Pour ces deux dossiers, no 505-01-170215-202 et no 505-01-180492-221 le Tribunal impose globalement à M. Robert, le 20 octobre 2022, 12 mois de probation et lui impose de compléter 100 heures de service communautaire sur une période de 10 mois[42].  
  8.       Par conséquent, il ne fait aucun doute pour le Conseil que le 26 octobre 2022, M. Robert induit le syndic adjoint en erreur.
  9.       D’ailleurs, le 24 janvier 2023, M. Robert a reconnu au syndic adjoint avoir reçu, le 20 octobre 2022, une absolution conditionnelle dans ces deux dossiers[43].
  10.       Également, le syndic adjoint reproche à M. Robert de l’avoir induit en erreur le 26 octobre 2022 en répondant à la seconde question du questionnaire no 5 demandant ses commentaires au sujet de la dénonciation dans le dossier no 505-01-180492-221 concernant les six chefs de bris de conditions : « sand fondement, aucune accusation »[44].
  11.       Or, il appert de la preuve que le 20 octobre 20222, dans le dossier no 505-01-180492-221 à la suite de son plaidoyer de culpabilité, le Tribunal avait déclaré M. Robert coupable des chefs 1 et 2 de bris de conditions[45].
  12.       Enfin, le syndic adjoint reproche à M. Robert de l’avoir induit en erreur le 26 octobre 2022 en répondant à la quatrième question du questionnaire no 4 portant sur les dossiers no 505-01-170215-202 (action indécente) et no 505-01-172863-215 (conduite causant des lésions corporelles)[46].

4. Je constate que les dossiers #505-01-170-215-202 et #505-01-172863-215 étaient présentés en Cour le 14 juillet 2022. Que s’est-il déroulé à cette date ? Quelles sont les prochaines étapes et dates de Cour dans ces dossiers ?

Ma caution a été payer pour me faire libérer. J’ai été acquitter de toutes les accusations.

[Transcription textuelle]

  1.       Or, la preuve démontre que le 14 octobre 2022, M. Robert a été déclaré coupable dans le dossier no 505-01-170215-202 sur le chef 1 d’action indécente[47].
  2.       D’ailleurs, le 24 janvier 2023, M. Robert a reconnu au syndic adjoint qu’il avait été déclaré coupable sur ce chef, l’induisant ainsi en erreur le 26 octobre 2022[48]
  3.       De plus, aucun verdict n’avait alors été rendu dans le dossier no 505-01-172863-215 portant sur l’accusation de conduite causant des lésions corporelles[49].
  4.       Pour le Conseil, la preuve démontre que les informations fournies par M. Robert au syndic adjoint le 26 octobre 2022 ne sont pas le reflet de la réalité.
  5.       Ceci est particulièrement surprenant lorsqu’il affirme dans son courriel du 26 octobre 2022 qu’il a été « acquitter sur toute la ligne » et qu’il a « obtenu une absolution inconditionnelle » et que seul son dossier de facultés affaiblies demeure pendant[50] alors qu’en réalité, le Tribunal lui a imposé une absolution conditionnelle, six jours auparavant, soit le 20 octobre 2020 pour ses dossiers portant sur une action indécente dans un endroit public et de bris de conditions[51].
  6.       De même, le Conseil ne peut retenir les explications de M. Robert qui affirme qu’il a fait erreur sur la notion d’absolution conditionnelle qui lui avait été imposée par le Tribunal par rapport au terme absolution inconditionnelle utilisée dans son courriel au syndic adjoint du 26 octobre 2022.
  7.       Or, dans son courriel du 26 octobre 2022, M. Robert affirme avoir été « acquitter sur toute la ligne » et que seul son dossier de facultés affaiblies demeure pendant.
  8.       Cependant, 12 jours auparavant, soit le 14 octobre 2022, M. Robert a été déclaré coupable par le Tribunal sur le chef 1 du dossier no 505-01-170215-202 portant sur une action indécente.
  9.       Cette fois, il ne peut y avoir de doute.
  10.       Le Conseil ne peut retenir la position de M. Robert suivant laquelle il a commis une erreur en transmettant son courriel le 26 octobre 2022 ou en répondant aux questionnaires du syndic adjoint.
  11.       En effet, les informations fournies par M. Robert au syndic adjoint sont contemporaines et il avait en mains toutes les informations au sujet desquelles il est questionné par le syndic adjoint au moment de remplir les questionnaires nos 4 et 5.
  12.       Par ailleurs, les questions du syndic adjoint sont simples et ne portent pas à confusion.
  13.       Dans le courriel qu’il transmet au syndic adjoint le 24 janvier 2023 en joignant ses réponses au questionnaire no 7, M. Robert s’exprime ainsi :

Je suis pleinement collaboratif mais la situation est complexe et nécessiterait des explications par téléphone. Comme mentionné dans le questionnaire, je suis victime d'un système désuet, sexiste et corrompu. Au terme de cette aventure juridique, il ne devrais rien y avoir à mon dossier car je vais en appel. Je vous demande d'être patient car en m'imposant quelques sanctions que ce soit vous deviendriez partie prenante de cette injustice. Je suis très ouvert à vous parlez de vive voix pour vous expliquez le tout et répondre à toutes vos question.

[Transcription textuelle]

  1.       M. Robert affirme qu’il est victime d’une injustice et qu’il va porter en appel le jugement concernant sa condamnation pour avoir commis une action indécente en public[52]. Toutefois, la preuve démontre que ce ne sera pas le cas.  
  2.       M. Robert affirme que de fausses accusations ont été portées contre lui et il défend ses comportements.
  3.       Toutefois, indépendamment de ses perceptions, M. Robert devait répondre clairement aux questions du syndic adjoint et ne pas chercher à l’induire en erreur.
  4.       Le Conseil juge que M. Robert n’est pas en mesure de fournir des explications plausibles justifiant les fausses déclarations faites dans son courriel du 26 octobre 2022 et en remplissant les questionnaires nos 4 et 5 qu’il retourne au syndic adjoint le même jour[53].
  5.       Suivant l’analyse de la preuve administrée devant le Conseil, il appert que le 26 octobre 2022, M. Robert a induit le syndic adjoint en erreur.
  6.       Après analyse de la preuve résumée précédemment, le Conseil décide que le syndic adjoint s’est déchargé de son fardeau de preuve et qu’il a présenté une preuve prépondérante pour entraîner sous le chef 7 de la plainte disciplinaire modifiée une déclaration de culpabilité de M. Robert pour avoir contrevenu à l’article 61 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés pour avoir omis de s’assurer de l’exactitude et de l’intégrité des renseignements fournis à l’Ordre.
  7.       Suivant cette même preuve, le Conseil décide que le syndic adjoint s’est déchargé de son fardeau de preuve et qu’il a présenté une preuve prépondérante pour entraîner sous le chef 7 de la plainte disciplinaire modifiée une déclaration de culpabilité de M. Robert pour avoir contrevenu à l’article 114 C. prof. pour avoir entravé son enquête le 26 octobre 2022, dans le cadre de ses réponses au questionnaire no 4 (portant sur les dossiers 505-01-170215-202 et 505- 01-172863-215) et au questionnaire no 5 (portant sur les dossiers 505-01-180491-223 et 505-01-180492-221).
  8.       En vertu de la règle interdisant les condamnations multiples[54], le Conseil ordonne la suspension conditionnelle des procédures quant au renvoi à l’article 114 C. prof.

EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, UNANIMEMENT :

LE 22 MAI 2025 :

Sur le chef 1 :

  1.       A DÉCLARÉ l’intimé, M. Sylvain Robert, anciennement CPA, coupable d’avoir contrevenu à l’article 59.3 C. prof.

Sur le chef 2 :

  1.       A DÉCLARÉ l’intimé, M. Sylvain Robert, anciennement CPA, coupable d’avoir contrevenu à l’article 59.3 C. prof.

Sur le chef 4 :

  1.       A DÉCLARÉ l’intimé, M. Sylvain Robert, anciennement CPA, coupable d’avoir contrevenu à l’article 59.3 C. prof.

Sur le chef 6 :

  1.       A DÉCLARÉ l’intimé, M. Sylvain Robert, anciennement CPA, coupable d’avoir contrevenu à l’article 59.3 C. prof.

Sur le chef 8 :

  1.       A DÉCLARÉ l’intimé, M. Sylvain Robert, anciennement CPA, coupable d’avoir contrevenu aux articles 114 C. prof. et 61 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés.
  2.       A PRONONCÉ la suspension conditionnelle des procédures quant au renvoi à l’article 114 C. prof.

ET CE JOUR :

Sur le chef 3 :

  1.       CONSTATE l’existence d’une décision d’un tribunal canadien déclarant l’intimé, M. Sylvain Robert, anciennement CPA, coupable d’une infraction criminelle, soit une décision visée par le premier alinéa de l’article 149.1 C. prof.
  2.       DÉCLARE que cette décision a un lien avec l’exercice de la profession de comptable professionnel agréé en regard des infractions décrites dans la plainte disciplinaire.
  3.       DÉCIDE qu’il est à propos d’imposer à l’intimé, M. Sylvain Robert, anciennement CPA, l’une des sanctions prévues à l’article 156 C. prof.

Sur le chef 5 :

  1.       CONSTATE l’existence d’une décision d’un tribunal canadien déclarant l’intimé, M. Sylvain Robert, anciennement CPA, coupable d’une infraction criminelle, soit une décision visée par le premier alinéa de l’article 149.1 C. prof.
  2.       DÉCLARE que cette décision a un lien avec l’exercice de la profession de comptable professionnel agréé en regard des infractions décrites dans la plainte disciplinaire.
  3.       DÉCIDE qu’il est à propos d’imposer à l’intimé, M. Sylvain Robert, anciennement CPA, l’une des sanctions prévues à l’article 156 C. prof.

Sur le chef 7 :

  1.       DÉCLARE l’intimé, M. Sylvain Robert, anciennement CPA, coupable d’avoir contrevenu aux articles 114 C. prof. et 61 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés.
  2.       PRONONCE la suspension conditionnelle des procédures quant au renvoi à l’article 114 C. prof.
  3.       ORDONNE à la secrétaire du Conseil de discipline de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec de convoquer les parties à une audition sur sanction à une date à être déterminée.

 

___________________________________

Me JEAN-GUY LÉGARÉ

Président

 

 

 

___________________________________

Mme CYNTHIA COURTOIS, CPA auditrice

Membre

 

 

 

___________________________________

M. JOCELYN PATENAUDE, FCPA auditeur

Membre

 

 

Me Alexandre Racine

Avocat du plaignant

 

Sylvain Robert, anciennement CPA

Intimé (agissant personnellement)  

 

Dates d’audience :

14 février, 13, 14 et 22 mai 2025

 


[2]  RLRQ, c. C-26.

[3]  Pièce DR-1.

[4]  Pièce P-1.

[5]  Fardeau de preuve, faute disciplinaire et déclarations de culpabilité multiples : Guy Cournoyer, « La faute déontologique : sa formulation, ses fondements et sa preuve » dans S.F.C.B.Q. vol. 416, Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire (2016), Cowansville Éditions Yvon Blais; Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Goulet, 2023 QCCDCPA 21; Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Bastings, 2021 QCCDCPA 13; Psychologues (Ordre professionnel des) c. Vallières, 2018 QCTP 121; Auger c. Monty, 2006 QCCA 596. Aveux extrajudiciaires : Psychologues (Ordre professionnel des) c. Fernandez De Sierra, 2005 QCTP 134; Médecins (Ordre professionnel des) c. Feldman, 2008 CanLII 88699; Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Goulet, 2023 QCCDCPA 21. Chefs 1, 2, 4 et 6 : A omis d’aviser la secrétaire de l’Ordre des CPA - article 59.3 : Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Murray, 2021 QCCDCPA 12; Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Cadet, 2018 CanLII 110024 (QC CPA); Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Trottier, 2018 CanLII 1724 (QC CPA); Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Fortin, 2019 CanLII 107570; Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Vézina, 2019 CanLII 13595; Jean-Michel Montbriand « Les obligations d’autodénonciation imposées aux membres des ordres professionnels au Québec » dans Barreau du Québec, Service de la formation continue, Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire (2025), vol 576, Montréal (QC), Éditions Yvon Blais, 2025, 253. Chefs 3 et 5 : A fait l’objet de décisions le déclarant coupable d’infractions criminelles en lien avec l’exercice de la profession de CPA - 149.1 du Code des professions : Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Nareau, 2018 QCTP 60; Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Poitras, 2024 QCCDCPA 11; Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Tosques, 2024 QCCDCPA 18; Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Larouche, 2020 QCCDCPA 6; Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Vézina, 2019 CanLII 13595 (onglet 15); Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Picard, 2019 QCCDBQ 023. Chefs 7 et 8 : Entrave - 114 du Code des professions et 61 du Code de déontologie des CPA : Bégin c. Comptables en management accrédités (Ordre professionnel des), 2013 QCTP 45; Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Dahan, 2018 CanLII 76872; Simoni c. Podiatres, 2002 QCTP 91; Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Goulet, 2023 QCCDCPA 21; Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Cadet, 2018 CanLII 110024 (QC CPA).

[6]  Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Nareau, supra, note 5.

[7]  Id., paragr. 25.

[8]  Landry c. Avocats (Ordre professionnel des), 2012 QCTP 107.

[9]  Avocats (Ordre professionnel des) c. Thivierge, 2018 QCTP 23.

[10]  Id., paragr. 79 ; Thivierge c. Bellemare, 2021 QCCA 678, paragr. 14 ; Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Nareau, supra, note 5, paragr.38.

[11]  Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Nareau, supra, note 5, paragr. 32.

[12]  Physiothérapie (Ordre professionnel de la) c. Lafrenière, 2021 QCCDOPPQ 4, paragr.101. Ouellet c. Médecins (Ordre professionnel des), 2006 QCTP 74, paragr. 52.

[13]  Avocats (Ordre professionnel des) c. Thivierge, supra, note 9, paragr. 80; Thivierge c. Bellemare, supra, note 10, paragr. 14.

[14]  Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Thivierge, 2021 QCCDBQ 115, paragr. 62-66.

[15]  Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Côté, 2015 CanLII 75237 (QC CDOII), paragr. 83.

[16]  Salomon c. Comeau, 2001 CanLII 20328 (QC CA), paragr. 75.

[17]  Dentistes (Ordre professionnel des) c. Dupont, 2005 QCTP 7, paragr. 76, 77.

[18]  Bisson c. Lapointe, 2016 QCCA 1078.

[19]  Tremblay c. Dionne, 2006 QCCA 1441.

[20]  2002 QCTP 29.

[21]  Arpenteurs-géomètres (Ordre professionnel des) c. Savoie (C.D. Arp., 1998-02-26), AZ-98041049.

[22]  Bell c. Chimistes, 2004 QCTP 65 ; Audioprothésistes (Ordre professionnel des) c. Laplante, 2017 CanLII 50535 (QC OAPQ).

[23]  2016 CanLII 15503 (QC CDPPQ).

[24]  Serra c. Médecins (Ordre professionnel des), 2021 QCTP 2; Voir aussi : Anthony Battah et Fedor Jila, « Les sanctions en matière d'entrave au travail du syndic : fini, les tapes sur les doigts! », Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire, Service de la formation continue du Barreau du Québec, Yvon Blais, 2017.

[25]  Supra, note 24.

[26]  Denturologistes (Ordre professionnel des) c. Gallien, 2017 CanLII 68330 (QC ODLQ).

[27]  2017 QCCS 663.

[28]  Chené c. Chiropraticiens (Ordre professionnel des), 2006 QCTP 102; Benhaim c. Médecins (Ordre professionnel des), 2019 QCTP 115; Podiatres (Ordre professionnel des) c. Bochi, 2019 QCTP 75; Weigensberg c. Chimistes (Ordre professionnel des), 2019 QCTP 90.

[29]  2017 QCTP 44.

[30]  Pièce P-9.

[31]  Pièce P-11.

[32]  Pièce P-16.

[33]  Pièce P-17.

[34]  Pièce P-18.

[35]  Ibid.

[36]  Pièce P-36.3

[37]  Pièces P-23.1 (réponses aux questions 1 et 5) et P-40 : Avis de dénonciation d’aveux extrajudiciaires du 5 février 2025, section A.

[38]  Pièce P-39.3.

[39]  Pièce P-18.

[40]  Pièces P-39.2 (plumitif) et P-39.4 (procès-verbal).

[41]  Pièces P-39.2 (plumitif) et P-39.4 (procès-verbal).

[42]  Pièce P-36.5

[43]  Pièces P-23,1 (réponses aux questions 4 et 17) et P-40 : Avis de dénonciation d’aveux extrajudiciaires du 5 février 2025, section A. 

[44]  Pièce P-18.1.

[45]  Pièces P-39.2 (plumitif) et P-39.3 (procès-verbal).

[46]  Pièce P-36.3.

[47]  Pièces P-23,1 (réponses aux questions 1 et 5) et P-40 : Avis de dénonciation d’aveux extrajudiciaires du 5 février 2025, section A. 

[48]  Pièces P-23.1 (réponses aux questions 4 et 17) et P-40 : Avis de dénonciation d’aveux extrajudiciaires du 5 février 2025, section A. 

[49]  Pièce P-37 (Verdicts rendu les 15 mai et 19 octobre 2023). 

[50]  Pièce P-18 (courriel de M. Robert au syndic adjoint). 

[51]  Pièces P-36.2, P-36.4 et P-39. 

[52]  Pièce P-23. 

[53]  Pièce P-8.

[54]  Kienapple c. R., [1975] 1 R.C.S. 729. Voir aussi le jugement du Tribunal des professions : Psychologues (Ordre professionnel des) c. Vallières, 2018 QCTP 121 ainsi que l’arrêt de la Cour d’appel : Charest c. R., 2019 QCCA 1401.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.