[1.] Le 30 janvier 1998, monsieur Alain Thériault [le travailleur] dépose un appel à la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles à l’encontre de la décision rendue le 4 décembre 1997 par le Bureau de révision de la région de l’Ile-de-Montréal.
[2.] Par cette décision unanime, le Bureau de révision maintient la décision rendue le 8 octobre 1996 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail [la CSST] laquelle se déclare liée par l’avis émis par le membre du Bureau d’évaluation médicale le 23 septembre 1996 concluant à l’inexistence de limitations fonctionnelles et d’atteinte permanente découlant de la lésion professionnelle du 14 août 1995. Par conséquent, la CSST conclut que monsieur Thériault est capable d’exercer son emploi habituel à partir du 4 octobre 1996.
[3.] Bien que l’appel du travailleur ait été déposé à la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles, la présente décision est rendue par la Commission des lésions professionnelles conformément à l’article 52 de la Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives (L.Q. 1997, c. 27) entrée en vigueur le 1er avril 1998. En vertu de l’article 52 de cette loi, les affaires pendantes devant la Commission d’appel sont continuées et décidées par la Commission des lésions professionnelles.
[4.] La présente décision est donc rendue par la soussignée en sa qualité de commissaire de la Commission des lésions professionnelles.
[5.] Lors de l’audience tenue le 31 mai 1999, le travailleur et son représentant y sont présents de même que la représentante de la CSST. L’employeur est absent, bien qu’il ait été convoqué.
OBJET DE L’APPEL
[6.] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision rendue par la CSST, de déclarer qu’il est porteur d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles en relation avec la lésion professionnelle du 14 août 1995 et qu’il n’a pas la capacité d’occuper l’emploi prélésionnel.
LES FAITS
[7.] Le travailleur est âgé de 29 ans.
[8.] Il est à l’emploi de Concordia Protective Covering Inc. depuis près de deux ans lorsqu’il est victime d’une lésion professionnelle le 14 août 1995.
[9.] Le travailleur précise que c’est en soulevant une boîte avec ses deux bras pour ensuite la déposer sur son épaule qu’il ressent une douleur au coude droit. Il déclare l’événement à son employeur, mais il poursuit son travail.
[10.] Devant la persistance de la douleur, il consulte un médecin le 21 août 1995 lequel complète une attestation médicale. Le diagnostic de la lésion est celui d’épicondylite au coude droit.
[11.] Dans les notes évolutives, l’intervenant de la CSST y consigne à la suite d’une conversation téléphonique avec le travailleur qu’il pense avoir mal forcé ce jour-là en manipulant des boîtes.
[12.] Le Dr André Perreault, médecin ayant charge du travailleur, produit un rapport final le 25 janvier 1996. Il fixe la date de consolidation au 25 janvier 1996 compte tenu de la non amélioration de son état malgré les traitements d’acupuncture.
[13.] Le 12 février 1996, le Dr André Perreault produit un rapport d’évaluation médicale. Il y mentionne notamment que suite à l’événement du 14 août 1995, il ressent une douleur aiguë à la région antéro-postérieure du coude droit à laquelle s’ajoute, compte tenu d’une fragilité personnelle des douleurs au niveau cervical et à la région du trapèze droit qui sont attribuées à un problème personnel. Le travailleur lui dit utiliser très peu son bras droit en raison des douleurs. Ainsi, il lui mentionne que lorsqu’il bouge les doigts, il fait une extension du poignet et il ressent de la douleur au coude. Il se plaint de ne pouvoir lever des charges de plus de deux kilos. Il lui dit être incapable d’essuyer la vaisselle et que lorsqu’il doit lever son bras plus haut que les épaules, une douleur apparaît dans la région du coude. À l’examen, la mesure du tiers proximal des avant-bras gauche et droit est de 26 cm, la force de préhension du côté droit est de 22 kilos et de 54 kilos du côté gauche. La pince pouce-index est de huit livres côté droit et dix-huit livres côté gauche. Quant aux amplitudes articulaires, il les considère normales mais il souligne qu’il y a douleur subjective à tout mouvement. À la lumière de son examen, il suggère que des limitations fonctionnelles soient reconnues pour une période de trois mois où il ne pourra faire aucun travail impliquant l’utilisation de son membre supérieur droit à savoir éviter de faire tout mouvement répétitif avec le coude et le poignet. Il considère également que le travailleur ne peut lever des charges de plus de deux kilos de même que les activités impliquant un travail au-dessus de la hauteur des épaules pendant cette période. Il souligne qu’il est à prévoir que la condition se stabilisera graduellement de sorte qu’il pourra reprendre éventuellement un travail efficace. Il accorde un pourcentage de 2 % de déficit anatomo-physiologique (DAP) pour atteinte des tissus mous au coude droit avec séquelles.
[14.] Il apparaît au rapport d’évaluation médicale que le Dr Cyril Raymond, médecin à la CSST, appose ses initiales avec la mention «conforme».
[15.] Le 25 mars 1996, la CSST rend une décision quant au pourcentage d’atteinte permanente évalué à 2 % par le médecin ayant charge à lequel s’ajoute un déficit de .20 % pour douleurs et perte de jouissance de la vie pour un total de 2,20 % correspondant à une indemnité forfaitaire de 1 434,53 $. Cette décision n’est pas contestée.
[16.] Le 1er juin 1996, le Dr A. Perreault produit un nouveau rapport d’évaluation médicale. Le travailleur lui dit pouvoir manipuler des objets de petits poids comme la manipulation d’assiettes et ne pas avoir de douleur au repos. Cependant, il lui mentionne qu’il ne peut lever des charges de plus de deux kilos à bout de bras et il ressent une douleur à la région postéro-latérale du coude droit. L’examen physique est au même effet que celui de février 1996 quant à la mensuration du tiers proximal des avant-bras. La force de préhension est de dix-neuf kilos à droite et de 49 kilos à gauche, la force pince pouce-index est d’environ dix livres à droite et dix-sept livres à gauche. Il considère que ses amplitudes articulaires sont normales. Compte tenu des limitations fonctionnelles émises sur une base temporaire qui ne se sont pas avérées satisfaisantes, il estime qu’elles devraient être reconnues comme étant permanentes. Il précise que le travailleur ne doit pas lever des charges de plus de deux kilos lorsque son coude est en extension ou des charges de plus de cinq kilos lorsqu’il a le coude fléchi. Il considère que le travailleur n’est plus apte à faire un travail exigeant des mouvements répétitifs au niveau de son membre supérieur droit.
[17.] Le 4 juillet 1996, le Dr James D. Sullivan, chirurgien orthopédiste, examine le travailleur à la demande de la CSST. Le travailleur se plaint de douleurs qui irradient jusqu’à sa colonne cervicale lorsqu’il effectue des mouvements du bras. À l’examen, il note que les mouvements actifs et passifs de la colonne cervicale sont d’ordre normal. Les mensurations aux bras et aux avant-bras, à mi-chemin entre l’épaule, le coude et le poignet, sont à droite de 30cm et 27 cm et à gauche de 30.5cm et 27 cm. À la région droite du coude, l’extension est à 0° et la flexion à 150°. La prosupination est identique des deux côtés soit à 80° dans les deux sens, mais il note que le travailleur accuse une douleur à la palpation du coude droit, surtout à la face externe et une fois rendu aux extrêmes de tous les mouvements mesurés. La palpation de la colonne cervicale et dorsale haute du côté droit seulement, révèle certains points douloureux au nombre de trois ou quatre, non reliés avec la douleur au membre supérieur droit ou au coude. Il considère que l’épicondylite du coude droit est consolidée à ce jour, soit le 4 juillet 1996. Quant au DAP, il réfère au code 102365 pour atteinte des tissus mous au membre supérieur, sans séquelle fonctionnelle ni changement radiologique ce qui correspond à 0 %. Il estime qu’il n’y a aucune nécessité de traitement et qu’il n’y a pas de limitations fonctionnelles découlant de la lésion professionnelle.
[18.] La CSST soumet le litige au Bureau d’évaluation médicale quant à l’existence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles découlant de la lésion professionnelle.
[19.] Le 16 septembre 1996, le membre du Bureau d’évaluation médicale (BEM) émet son avis. Lors de l’examen, le travailleur lui déclare être incapable d’utiliser le membre supérieur droit en raison des douleurs ressenties au coude s’étendant jusqu’à l’avant-bras droit. Ses doigts de la main droite sont raides, la douleur est maintenant présente à l’épaule droite et il se dit incapable d’élever l’épaule à plus de 90°. Il se plaint également de douleurs au cou et des picotements à l’avant-bras droit et parfois à la main.
[20.] À l’examen objectif, le membre du Bureau d’évaluation médicale considère que le travailleur a le facies d’un homme souffrant et qu’il évite de bouger le membre supérieur droit qu’il tient collé sur le tronc. La mobilisation du rachis cervical est ressentie comme douloureuse, ce dont le travailleur exprime ce fait en faisant des grimaces de souffrance. À la palpation des muscles trapèzes et des muscles para-cervicaux, il y a douleurs subjectives mais il n’y a aucun spasme musculaire. Il souligne qu’une légère pression exercée avec l’index sur l’occiput et ensuite une légère traction exercée sur le menton sont ressenties comme douloureuses. Activement, le travailleur évite de faire l’abduction et la flexion à plus de 90° avec le membre supérieur droit. Passivement, il y a une amplitude articulaire complète des épaules, soit une flexion et abduction à 180°, une extension à 40°, une rotation externe à 90° et une rotation interne à 10°. Cependant, la mobilisation passive de l’épaule droite est ressentie comme étant très douloureuse. Les coudes ont une flexion à 140° et une extension à 0°. Les avant-bras ont une pronation à 80° et une supination à 90°. L’effleurement cutané vis-à-vis l’épicondyle du coude droit est ressenti comme douloureux de même que la douleur subjective est présentée lors de mouvements faits avec contrainte. La flexion des doigts et du poignet contre résistance fait apparaître une douleur à la face externe du coude droit ainsi que lors de l’examen de la pronation et de la supination contre résistance. Il souligne qu’il n’y a pas d’atrophie musculaire; l’examen de la sensibilité ne révèle pas de déficit, les réflexes ostéo-tendineux sont présents et symétriques. Il motive son avis en considérant notamment l’événement tel que rapporté par le travailleur alors que le diagnostic posé est celui d’épicondylite pour lequel, le travailleur a bénéficié de traitements par infiltration, physiothérapie et acupuncture. Il réfère à l’évaluation des Drs Perreault et Sullivan et souligne que selon son propre examen objectif, il y a des signes contradictoires et de non-organicité. En rapport avec l’événement du 14 août 1995, il détermine que le pourcentage de DAP est de 0 % correspondant au code 102 365 et qu’il n’y a pas de limitations fonctionnelles.
[21.] Le 11 mars 1997, le travailleur produit une réclamation pour rechute, récidive ou aggravation alléguée du 12 février 1997. Le 9 avril 1997, la CSST refuse la réclamation en regard des problèmes cervicaux et du diagnostic de capsulite à l’épaule droite. Cette décision n’est pas contestée.
[22.] Le 25 juillet 1998, le Dr Jules Gauthier produit un rapport d’expertise médicale à la demande du représentant du travailleur. Le travailleur se plaint alors de douleurs lorsqu’il soulève des charges de plus de deux kilos et qu’il effectue un travail les bras au-dessus des épaules. Il n’utilise pratiquement pas son membre supérieur droit lorsqu’il fait l’entretien ménager du domicile et la conduite automobile. La douleur a tendance à monter au niveau de l’épaule le réveillant à quelques reprises la nuit. Tous les mouvements répétés de flexion et d’extension au niveau du coude droit de même que les mouvements de flexion, d’extension de pronation et de supination répétés avec le poignet droit provoquent une douleur importante au niveau de son coude droit. À l’examen physique, il note les éléments suivants :
- l’extension du coude droit et gauche est normale;
- la flexion de 135°du côté droit comparativement à 150° côté gauche;
- l’extension du poignet droit est de 45° au côté droit comparativement à 60° du côté gauche;
- la flexion est dans les limites de la normale;
- les inclinaisons cubitale et radiale sont dans les limites de la normale;
- la pronation et la supination au niveau du poignet droit est douloureuse à la fois en actif et en passif mais l’amplitude semble bien conservée;
- à l’examen local, il y a douleur exquise au niveau de l’épicondyle droit avec petits cordons myalgiques retrouvés au niveau des extenseurs du poignet qui témoignent de l’atteinte au niveau de son épicondyle droit;
- les mensurations au niveau des bras et des avant-bras sont symétriques;
- les réflexes ostéo-tendineux et la sensibilité au tact et à la piqûre sont bien conservés aux deux côtés.
[23.] À la lumière de son examen, le Dr Gauthier est d’avis qu’il y a limitations fonctionnelles découlant de la lésion et réfère à cet effet à celles émises par le Dr André Perreault soulignant que la condition du travailleur a très peu évolué depuis son accident, soit depuis trois ans. Il évalue le DAP à 5,0 %.
[24.] Lors de l’audience, le travailleur décrit l’événement du 14 août 1995 qui est à l’origine de la lésion au coude droit. Il dit avoir fait une tentative de retour au travail le 16 octobre 1996 qui s’est avérée infructueuse quittant son travail après une heure et demi. Il mentionne que les douleurs cervicales et à l’épaule droite, sont apparues par la suite. Dans ses activités de la vie quotidienne, il affirme utiliser peu son bras droit en raison de la douleur qu’il présente.
[25.] Le représentant du travailleur dépose en liasse une copie des documents médicaux dont deux rapports de consultation du 16 octobre et du 13 novembre 1996. Le rapport de consultation du 16 octobre 1996, indique que le travailleur présente une douleur récidivante à l’épicondyle externe. Le rapport du 13 novembre 1996 précise qu’il y a douleur persistante, que le travailleur a un facies douloureux, avant, pendant et après l’examen. Le site de la douleur selon un schéma, démontre qu’il se situe à la face antérieure du coude. Selon le protocole radiologique du 13 novembre 1996, il n’y a pas de lésion ostéo-articulaire visible. Le protocole radiologique du 19 octobre 1995 demandé pour douleur para-cervicale révèle une rectitude de la région cervicale et des pincements postérieurs des espaces intervertébraux C4-C5, C5-C6 et C6-C7.
[26.] En argumentation, le représentant du travailleur réfère en premier lieu à la décision rendue le 25 mars 1996 par la CSST reconnaissant un pourcentage d’atteinte permanente de 2,2 % découlant de la lésion et ce, à la suite du rapport d’évaluation médicale produit par le Dr Perreault. Cette décision non contestée est devenue finale et par conséquent, il soutient que la CSST ne peut remettre en question cette question médicale lorsqu’elle fait expertiser le travailleur et qu’elle soumet le litige au Bureau d’évaluation médicale. Dans les circonstances, il soumet que la CSST est forclos de revenir sur l’existence ou non d’une atteinte permanente puisqu’il y a chose jugée sur cette question. Quant aux limitations fonctionnelles découlant de la lésion professionnelle, il se réfère à la preuve médicale qui, selon lui, démontre de façon prépondérante qu’il en résulte et que la Commission des lésions professionnelles doit retenir celles identifiées par le Dr Gauthier lequel confirmait celles-ci établies par le Dr Perreault.
[27.] Pour sa part, la représentante de la CSST souligne que selon l’article 204 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001, le professionnel de la santé qu’elle désigne peut se prononcer sur toute question relative à la lésion et selon 224.1, la CSST étant liée par cet avis, la décision rendue se prononçant sur l’inexistenced’une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles découlant de la lésion est donc bien fondée.
[28.] Sur le fond, elle souligne que les rapports médicaux au dossier indiquent qu’il y a une fragilité personnelle et que même le médecin traitant précise que les problèmes cervicaux et à l’épaule droite ne découlent pas de la lésion du 14 août 1995 mais qu’ils sont plutôt attribuables à une condition personnelle. D’ailleurs, il n’est pas exclu que les problèmes cervicaux amènent une épicondylite et une capsulite à l’épaule droite, ce qui démontre qu’il n’y a plus de relation avec la lésion professionnelle reconnue. Elle soumet que l’ensemble de la preuve médicale démontre qu’il y a une discordance entre les signes objectifs et les signes subjectifs et que l’on soulève la présence de signes de non organicité aux examens pratiqués.
AVIS DES MEMBRES
[29.] Le membre issu des associations syndicales estime que la décision rendue le 25 mars 1996 par la CSST, celle-ci étant liée par l’avis du médecin traitant quant au pourcentage d’atteinte permanente, n’a pas été contestée et il y a donc chose jugée sur cette question. En ce qui a trait aux limitations fonctionnelles découlant de la lésion, il y a lieu de considérer celles émises par le médecin traitant, soit le Dr André Perreault, lesquelles ont été retenues par le Dr Jules Gauthier.
[30.] Pour sa part, le membre issu des associations d’employeurs considère que la décision rendue à la suite de l’avis émis par le membre du Bureau d’évaluation médicale est bien fondée et qu’il n’y a pas chose jugée sur le pourcentage d’atteinte permanente malgré la décision rendue le 25 mars 1996. Il estime qu’il y a lieu de retenir l’avis émis par le membre du Bureau d’évaluation médicale concluant à l’inexistence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles découlant de la lésion, l’examen objectif ne permettant pas d’objectiver les plaintes du travailleur.
MOTIFS DE LA DÉCISON
[31.] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la décision rendue par la CSST à la suite de l’avis émis par le membre du Bureau d’évaluation médicale est bien fondée lequel se prononce sur l’inexistence de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles découlant de la lésion professionnelle du 14 août 1995. Le cas échéant, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a la capacité d’exercer l’emploi prélésionnel.
[32.] Les dispositions pertinentes à la solution de ce litige sont :
204. La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.
La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115.
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1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.
206. La Commission peut soumettre au Bureau d'évaluation médicale le rapport qu'elle a obtenu en vertu de l'article 204, même si ce rapport porte sur l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1 à 5 du premier alinéa de l'article 212 sur lequel le médecin qui a charge du travailleur ne s'est pas prononcé.
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1985, c. 6, a. 206; 1992, c. 1, a. 13.
212. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants:
1 le diagnostic ;
2 la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion ;
3 la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits ;
4 l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur ;
5 l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.
L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester, pour que celle - ci le soumette au Bureau d'évaluation médicale prévu par l'article 216.
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1985, c. 6, a. 212; 1002, c. 11, a. 15.
222. Le membre du Bureau d'évaluation médicale rend son avis dans les 30 jours de la date à laquelle le dossier lui a été transmis et l'expédie sans délai au ministre, avec copie à la Commission et aux parties.
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1985, c. 6, a. 222; 1992, c. 11, a. 24.
224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1 à 5 du premier alinéa de l'article 212.
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1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.
224.1. Lorsqu'un membre du Bureau d'évaluation médicale rend un avis en vertu de l'article 221 dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par cet avis et rend une décision en conséquence.
Lorsque le membre de ce Bureau ne rend pas son avis dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par le rapport qu'elle a obtenu du professionnel de la santé qu'elle a désigné, le cas échéant.
Si elle n'a pas déjà obtenu un tel rapport, la Commission peut demander au professionnel de la santé qu'elle désigne un rapport sur le sujet mentionné aux paragraphes 1 à 5 du premier alinéa de l'article 212 qui a fait l'objet de la contestation; elle est alors liée par le premier avis ou rapport qu'elle reçoit, du membre du Bureau d'évaluation médicale ou du professionnel de la santé qu'elle a désigné, et elle rend une décision en conséquence.
La Commission verse au dossier du travailleur tout avis ou rapport qu'elle reçoit même s'il ne la lie pas.
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1992, c. 11, a. 27.
[33.] En l’instance, c’est à la suite du rapport d’évaluation médicale produit par le Dr A. Perreault, médecin ayant charge, en date du 12 février 1996, lequel apparaît conforme au médecin de la CSST, qu’une décision est rendue le 25 mars 1996. La CSST se déclarant liée par l’avis émis par le médecin ayant charge, elle se prononce sur le pourcentage d’atteinte permanente découlant de la lésion soit 2,20 % à laquelle correspond une indemnité forfaitaire. Cette décision n’est pas contestée.
[34.] Le Dr Perreault ayant initialement identifié des limitations fonctionnelles sur une base temporaire, c’est à la suite d’une nouvelle évaluation médicale, produite le 1er juin 1996, celui-ci identifiant les limitations fonctionnelles sur une base permanente que la CSST demande au Dr Sullivan d’agir en qualité de médecin désigné pour examiner le travailleur en vertu de l’article 204 et initie alors un processus d’évaluation médicale.
[35.] Dans l’affaire Brulé et La Crémière[1] le commissaire Neuville Lacroix, saisi d’un appel en révision pour cause, dont les faits sont similaires à la présente s’exprimait en ces termes :
«La question en litige n’est pas de savoir si la procédure d’évaluation médicale a été régulière mais bien de déterminer si la Commission avait le droit, une fois sa décision du 21 novembre rendue, d’initier un processus d’évaluation médicale. Si l’article 204 de la loi ne donne aucun délai particulier à la Commission pour faire examiner un travailleur, il demeure que l’on ne peut le lire de façon isolée, sans tenir compte des dispositions de l’article 224.»
[36.] Sur cette question, le commissaire Lacroix souligne qu’au lieu d’initier une procédure médicale sur réception du rapport d’évaluation médicale produit par le médecin ayant charge, la CSST en rendant une décision ayant pour objet de reconnaître notamment une atteinte permanente, cette décision devenait une décision finale et sans appel. Il conclut donc que la CSST ne pouvait par le biais de l’article 204 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles contourner cette décision pour invalider de façon indirecte celle-ci, en utilisant la procédure d’évaluation médicale. Selon le commissaire, la CSST était liée par sa décision initiale sur cette question.
[37.] La Commission des lésions professionnelles fait sienne l’opinion émise par le commissaire Lacroix dans cette affaire et conclut que la CSST s’étant prononcée le 25 mars 1996, sur le pourcentage d’atteinte permanente découlant de la lésion professionnelle, elle ne peut en se prévalant de l’article 204 de la loi, revenir sur cette question en utilisant la procédure d’évaluation médicale pour ensuite se déclarer liée par l’avis émis par le membre du Bureau d’évaluation médicale et rendre une nouvelle décision sur ce même sujet.
[38.] Quant à l’existence ou non des limitations fonctionnelles découlant de la lésion, le Dr Perreault se prononce sur le caractère permanent de ces limitations en juin 1996 alors qu’en mars 1996, il estimait qu’elles étaient présentes pour une période temporaire. Il est vrai qu’en mars 1996, la CSST aurait pu contester l’opinion du médecin quant à la détermination des limitations fonctionnelles sur une base temporaire, toutefois lorsque le médecin ayant charge se prononce sur le caractère permanent de ces limitations en juin 1996, la Commission des lésions professionnelles considère qu’il s’agit là d’un nouvel élément de nature médicale donnant ouverture à la CSST en vertu de l’article 204 pour initier la procédure d’évaluation médicale sur cette seule question. Reste à la Commission des lésions professionnelles de déterminer si le travailleur présente des limitations fonctionnelles découlant de la lésion.
[39.] L’analyse des rapports d’expertise contenus au dossier ne milite guère en la reconnaissance de limitations découlant de la lésion professionnelle. En effet, la Commission des lésions professionnelles considère que les examens pratiqués par les Drs Perreault et Gauthier indiquent que les limitations fonctionnelles sont retenues en regard d’un examen subjectif non corroboré sur le plan objectif. À cet égard, la Commission des lésions professionnelles souligne que les conclusions émises par le membre du Bureau d’évaluation médicale s’appuie sur son propre examen objectif où il constate des signes contradictoires et de non-organicité. À ce sujet, la Commission des lésions professionnelles réfère notamment à la mention du membre du Bureau d’évaluation médicale lequel souligne qu’une légère pression exercée avec l’index sur l’occiput et ensuite une légère traction exercée sur le menton sont ressenties comme douloureuses. Par ailleurs, de façon constante au dossier, le travailleur se dit peu capable d'utiliser son bras droit pour les activités de la vie quotidienne depuis cet événement survenu en août 1995. Or, les observations cliniques dont celles notées au rapport d’expertise produit par le Dr Gauthier en juillet 1997, ne corroborent pas cette allégation de par l’absence d’atrophie par non usage. La Commission des lésions professionnelles ne peut également que constater que l’histoire naturelle de cette pathologie au coude ne peut expliquer la symptomatologie douloureuse toujours présente à ce jour pour un événement survenu en 1995. Au surplus, la Commission des lésions professionnelles s’explique mal que selon les notes de consultation médicale, le médecin précise à l’aide d’un schéma que la douleur se situe à la face antérieure du coude alors que le site de la lésion est à l’épicondyle.
[40.] Dans les circonstances, la Commission des lésions professionnelles estime que la preuve médicale prépondérante est à l’effet que le travailleur n’a pas de limitations fonctionnelles découlant de la lésion professionnelle et qu’il est donc redevenu capable d’exercer son emploi prélésionnel.
[41.] PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES
ACCUEILLE en partie l’appel de monsieur Alain Thériault;
INFIRME en partie la décision rendue par le Bureau de révision de l’Ile-de-Montréal;
DÉCLARE que le travailleur est porteur d’une atteinte permanente de 2,2%;
DÉCLARE que le travailleur n’est pas porteur de limitations fonctionnelles;
DÉCLARE que le travailleur est redevenu capable d’exercer son emploi prélésionnel en l’absence de limitations fonctionnelles;
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HÉLÈNE THÉRIAULT |
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Commissaire |
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(Me Benoit Sabourin) 685, boul. Manseau Joliette (Québec) J6E 3E7 |
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Représentant de la partie appelante |
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(Me Isabelle Piché) 432, rue de Lanaudière Joliette (Québec) J6E 7N2 |
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Représentant de la partie intervenante |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.