Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Ngangue | 2024 QCCDCPA 28 |
CONSEIL DE DISCIPLINE |
ORDRE DES COMPTABLES PROFESSIONNELS AGRÉÉS DU QUÉBEC |
CANADA |
PROVINCE DE QUÉBEC |
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No : | 47-23-00434 |
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DATE : | 17 décembre 2024 |
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LE CONSEIL : | Me MICHEL P. SYNNOTT | Président |
M. JOCELYN PATENAUDE, FCPA auditeur | Membre |
M. ANDRÉ VINCENT, FCPA auditeur | Membre |
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CHANTAL LE ROSSIGNOL, CPA auditrice, en sa qualité de syndique adjointe de l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec |
Plaignante |
c. |
DURAND NGANGUE, CPA auditeur |
Intimé |
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DÉCISION SUR CULPABILITÉ
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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE CONSEIL DE DISCIPLINE PRONONCE UNE ORDONNANCE INTERDISANT LA DIVULGATION, LA PUBLICATION ET LA DIFFUSION DE L’IDENTITÉ DE LA SOCIÉTÉ CLIENTE MENTIONNÉE DANS LA PLAINTE ET DANS LA PREUVE, AINSI QUE DU NOM DE SA REPRÉSENTANTE, DU NOM DE LA PERSONNE QUI A RÉFÉRÉ LA CLIENTE À L’INTIMÉ, DES AUTRES MEMBRES DE L’ORDRE MENTIONNÉS À LA PIÈCE P-4, ET DE TOUT RENSEIGNEMENT PERMETTANT DE LES IDENTIFIER, ET CE, AFIN D’ASSURER LA PROTECTION DE LEUR VIE PRIVÉE. DE PLUS, LE CONSEIL PRONONCE UNE ORDONNANCE INTERDISANT LA DIVULGATION, LA PUBLICATION ET LA DIFFUSION DE L’IDENTITÉ DE L’EMPLOYEUR DE L’INTIMÉ. |
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APERÇU
- Le Conseil de discipline est saisi de la plainte disciplinaire portée par la plaignante, madame Chantal Le Rossignol, CPA auditrice, en sa qualité de syndique adjointe de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec (l’Ordre), contre l’intimé, monsieur Durand Ngangue, CPA auditeur.
- Cette plainte découle du fait que l’intimé a réalisé deux mandats de mission d’examen pour une société œuvrant dans le domaine des agences de voyages.
- La plainte comprend sept chefs. Pour en faciliter le traitement, le Conseil regroupe les chefs en trois sections :
- Déclarations annuelles de l’intimé :
Les chefs 1 à 4 concernent les réponses inscrites par l’intimé aux questions 3.1 et 3.2 de sa Déclaration annuelle obligatoire 2021-2022, ainsi qu’à la question 3.1 de sa Déclaration annuelle obligatoire 2022-2023.
- Missions d’examen :
Les chefs 5 et 6 concernent la réalisation par l’intimé de deux mandats de mission d’examen d’une société œuvrant dans le domaine des agences de voyages, le premier mandat visant l’exercice financier se terminant le 30 juin 2020, et le second mandat visant l’exercice financier se terminant le 30 juin 2021.
- Copie de sauvegarde du dossier :
Le chef 7 concerne l’omission de l’intimé d’avoir conservé une copie de sauvegarde de son dossier dans un lieu distinct du dossier original.
- Après analyse de la preuve, le Conseil déclare l’intimé coupable des chefs 5 et 6, mais l’acquitte des chefs 1, 2, 3, 4 et 7 de la plainte disciplinaire portée contre lui.
PLAINTE
- La plainte disciplinaire est libellée ainsi :
- Le ou vers le 26 janvier 2021, à la question 3.1 de la Déclaration annuelle obligatoire 2021-2022 fournie à l’Ordre des CPA, l’intimé a déclaré qu’il n’avait pas exercé entre le 1er avril 2020 et le 31 mars 2021 en matière de missions d’examen, alors qu’il a émis :
- le ou vers le 30 décembre 2020 un rapport de mission d’examen des états financiers pour l’exercice terminé au 30 juin 2020 pour la société A;
- le ou vers le 30 décembre 2020 un rapport de mission d’examen du bilan du compte en fidéicommis au 30 juin 2020 pour la société A,
le tout en contravention à l’article 61 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés (RLRQ, c. C-48.1, r. 6) ;
- Entre le ou vers le 26 janvier 2021 et le ou vers le 7 mars 2022, alors qu’il avait déclaré à la question 3.2 de la Déclaration annuelle obligatoire 2021-2022 fournie à l’Ordre des CPA qu’il n’exercerait pas entre le 1er avril 2021 et le 31 mars 2022 en matière de missions d’examen, l’intimé a fait défaut de mettre à jour les renseignements dans son dossier alors que cette déclaration n’était plus exacte, puisqu’il a émis le ou vers le 30 janvier 2022 un rapport de mission d’examen des états financiers pour l’exercice terminé au 30 juin 2021 pour la société A, le tout en contravention aux articles 61 et 62 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés (RLRQ, c. C-48.1, r. 6) ;
- Le ou vers le 7 mars 2022, à la question 3.1 de la Déclaration annuelle obligatoire 2022-2023 fournie à l’Ordre des CPA, l’intimé a déclaré qu’il n’avait pas exercé entre le 1er avril 2021 et le 31 mars 2022 en matière de missions d’examen, alors qu’il a émis le ou vers le 30 janvier 2022 un rapport de mission d’examen des états financiers pour l’exercice terminé au 30 juin 2021 pour la société A, le tout en contravention à l’article 61 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés (RLRQ, c. C-48.1, r. 6) ;
- Entre le ou vers le 7 mars 2022 et le 9 mars 2023, alors qu’il avait déclaré à la question 3.1 de la Déclaration annuelle obligatoire 2022-2023 fournie à l’Ordre des CPA qu’il n’exercerait pas entre le 1er avril 2021 et le 31 mars 2022 en matière de missions d’examen, l’intimé a fait défaut de mettre à jour les renseignements dans son dossier alors que cette déclaration n’était plus exacte, puisqu’il a émis le ou vers le ou vers le 30 mars 2022 un rapport de mission d’examen du bilan du compte en fidéicommis au 30 juin 2021 pour la société A, le tout en contravention aux articles 61 et 62 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés (RLRQ, c. C-48.1, r. 6) ;
- À Montréal, des environs du 26 mai 2020 aux environs du 30 décembre 2020, l’intimé a accepté et a réalisé un mandat de missions d’examens des états financiers et du bilan du compte en fidéicommis de la société A pour l’exercice terminé au 30 juin 2020 sans tenir compte des limites de ses aptitudes et de ses connaissances en matière de mission d’examen dans le domaine des agences de voyages et/ou sans obtenir l’assistance nécessaire, le tout en contravention aux articles 6, 16 et 24 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés (RLRQ, c. C-48.1, r. 6) ;
- À Montréal, des environs du 30 juin 2021 aux environs du 30 mars 2022, l’intimé a accepté et a réalisé un mandat de missions d’examens des états financiers et du bilan du compte en fidéicommis de la société A pour l’exercice terminé au 30 juin 2021 sans tenir compte des limites de ses aptitudes et de ses connaissances en matière de mission d’examen dans le domaine des agences de voyages et/ou sans obtenir l’assistance nécessaire, le tout en contravention aux articles 6, 16 et 24 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés (RLRQ, c. C-48.1, r. 6) ;
- Au Cameroun ou au Canada, le ou vers le 14 février 2022, l’intimé a omis d’avoir et de conserver une copie de sauvegarde de son dossier de la société A dans un lieu distinct du dossier original, le tout contrairement à l’article 59.2 du Code des professions (RLRQ c. C-26) et à l’article 8 du Règlement sur la tenue des dossiers et des cabinets de consultation et sur la cessation d'exercice d'un membre de l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec (RLRQ c C-48.1, r 29) ;
[Transcription textuelle]
- Les dispositions de rattachement énoncées à la plainte stipulent :
Code de déontologie des comptables professionnels agréés[1] (Code de déontologie)
6. Le membre doit assurer la mise à jour continuelle de ses connaissances. Il doit se tenir au courant des développements dans les domaines dans lesquels il exerce sa profession qu’il offre ou non des services au public et maintenir sa compétence dans ces domaines.
16. Dans toutes les circonstances, que ce soit envers le public, un client ou un employeur, le membre doit, avant de convenir d’un contrat résultant de l’exercice de la profession, tenir compte des limites de ses aptitudes, de ses connaissances ainsi que des moyens dont il dispose. Il ne doit pas, notamment, entreprendre des travaux pour lesquels il n’est pas suffisamment préparé ou n’a pas les aptitudes ou les connaissances requises sans obtenir l’assistance nécessaire.
24. Le membre doit éviter toute fausse représentation quant à son niveau de compétence ou quant à l’efficacité de ses propres services, des services professionnels généralement dispensés par les autres personnes qui exercent leurs activités professionnelles au sein de la société dans laquelle il exerce sa profession et de ceux généralement assurés par les membres de la profession. Si l’intérêt du client l’exige, il doit, sur autorisation de ce dernier, consulter un autre membre, un autre professionnel ou une autre personne compétente, ou le diriger vers l’une de ces personnes.
61. Le membre doit s’assurer de l’exactitude et de l’intégrité des renseignements qu’il fournit à l’Ordre. Il doit en tout temps respecter ses engagements envers l’Ordre liés au contrôle de l’exercice de la profession.
62. Avant d’exercer la profession à un nouvel établissement, de se joindre à une société ou à un organisme qui offre des services professionnels au public ou d’entreprendre l’exercice de la comptabilité publique, le membre doit en informer l’Ordre par écrit et préciser le nom de la société ou de l’organisme au sein duquel il exercera.
Le membre doit aviser l’Ordre de tout changement à l’égard de son statut de membre, de son adresse résidentielle, de travail ou de son adresse électronique ainsi que des numéros de téléphone pertinents.
Une case postale ne constitue pas une adresse au sens du présent article.
Règlement sur la tenue des dossiers et des cabinets de consultation et sur la cessation d'exercice d'un membre de l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec[2] (Règlement sur la tenue de dossiers)
8. Le membre doit conserver chaque dossier pendant au moins 5 ans à compter de la date à laquelle le mandat a été exécuté. Il peut utiliser tout système ou procédé d’archivage qui lui donne accès à l’information que contenait le dossier à la date de sa fermeture.
[…]
Code des professions[3]
59.2 Nul professionnel ne peut poser un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l’ordre, ni exercer une profession, un métier, une industrie, un commerce, une charge ou une fonction qui est incompatible avec l’honneur, la dignité ou l’exercice de sa profession.
[Soulignements ajoutés]
QUESTIONS EN LITIGE
- Pour l’essentiel, le Conseil doit répondre aux questions suivantes :
- Déclarations annuelles de l’intimé (chefs 1 à 4) : les réponses inscrites par l’intimé étaient-elles inexactes?
- Missions d’examen (chefs 5 et 6) : l’intimé a-t-il omis de tenir compte des limites de ses aptitudes et de ses connaissances?
- Copie de sauvegarde du dossier (chef 7) : l’intimé a-t-il omis de conserver son dossier?
ANALYSE
- Pour répondre à ces questions, le Conseil réfère d’abord aux principes de droit applicables, expose ensuite le contexte factuel et analyse finalement chacun des chefs.
1. Les principes de droit applicables
- Les questions en litige impliquent l’examen de trois grands principes de droit :
- Le fardeau de preuve qui incombe à la plaignante;
- L’appréciation des témoignages; et
- La notion de faute déontologique.
- Examinons chacun d’eux.
(i) Le fardeau de preuve incombant à la partie plaignante
- Le fardeau de preuve repose sur les épaules de la partie plaignante[4] :
[…] Le fardeau de preuve en droit disciplinaire s'apparente à celui du droit civil. Le syndic devra établir la culpabilité de l'intimé selon une prépondérance de preuve et non au-delà de tout doute raisonnable comme c'est le cas en droit pénal ou criminel. Si la preuve présentée devant le Conseil de discipline est contradictoire, ce dernier est libre de retenir une version plutôt qu'une autre. La preuve devra être de grande qualité, convaincante et dépourvue de toute ambiguïté.
[Transcription textuelle; Soulignements ajoutés; Références omises]
- Dans l’affaire Vaillancourt c. Avocats (Ordre professionnel des)[5], le Tribunal des professions s’exprime ainsi sur le fardeau de preuve applicable :
[62] En matière disciplinaire, il est établi depuis longtemps que le fardeau de la preuve, d'une part, incombe totalement à la plaignante, et d'autre part, que ce fardeau en est un de prépondérance des probabilités, identique à celui qui a cours en droit civil, énoncé de la manière suivante par l'article 2804 du Code civil du Québec :
La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.
[Transcription textuelle; Soulignements ajoutés]
- Dans l’affaire Osman c. Richer[6], le Tribunal des professions est explicite quant aux exigences qu’impose ce fardeau de preuve relativement aux faits présentés par les témoins :
[…]
Il n’y a pas lieu de créer une nouvelle charge de preuve. Il importe toutefois de rappeler que la prépondérance, aussi appelée balance des probabilités, comporte des exigences indéniables. Pour que le syndic s’acquitte de son fardeau, il ne suffit pas que sa théorie soit probablement plus plausible que celle du professionnel. Il faut que la version des faits offerts par ses témoins comporte un tel degré de conviction que le Comité la retient et écarte celle de l’intimé parce que non digne de foi.
Si le Comité ne sait qui croire, il doit rejeter la plainte, le poursuivant n’ayant pas présenté une preuve plus persuasive que l’intimé. Il ne suffit pas que le Comité préfère la théorie du plaignant par sympathie pour ses témoins ou par dégoût envers les gestes reprochés au professionnel. Il est essentiel que la preuve à charge comporte un degré de persuasion suffisant pour entraîner l’adhésion du décideur et le rejet de la théorie de l'intimé.
La prépondérance de preuve n’est pas une sinécure pour les Comités de discipline. Elle n’est pas affaire de préférence émotive, mais bien d’analyse rigoureuse de la preuve. Elle impose au syndic un fardeau exigeant et une preuve de qualité, faute de quoi il se verra débouté purement et simplement.
[…]
[Transcription textuelle; Soulignements ajoutés]
- Ainsi, la preuve doit être claire et convaincante[7]. Le Conseil ne saurait donc se contenter d’une preuve approximative ou qui laisse place à l’ambiguïté.
- Le Tribunal des professions applique ces principes, notamment dans l’affaire Parizeau[8] :
- Pour décider si la preuve était suffisante pour justifier un verdict de culpabilité, le Comité devait donc juger la preuve à charge de haute qualité, claire et convaincante, démontrant suivant prépondérance des probabilités la commission de l’infraction. Une preuve claire ne saurait être ambiguë, douteuse ou équivoque. Elle ne tolère pas la confusion ou l’incertitude. Prise dans son ensemble, elle convainc le décideur de la culpabilité, s’il y a lieu.
- À cet égard, notons que lorsque le Comité de discipline acquitte l’appelante, ce n’est pas nécessairement, comme elle le prétend, parce qu’il ne croit pas la cliente, mais plutôt parce qu’il estimait que la preuve n’avait pas la qualité et la clarté requises. Elle n’était donc pas convaincante.
[Transcription textuelle; Soulignement ajouté]
- Dans la perspective d’une preuve qui ne permet pas d’en arriver à une conclusion certaine, d’une preuve divergente, ou encore d’une preuve contradictoire, la partie qui a le fardeau de la preuve échoue[9].
- Cela dit, lorsqu’on reproche à l’intimé d’avoir contrevenu aux règles de l’art de la profession, une preuve d’expert est nécessaire. En effet, celle-ci est nécessaire lorsqu’on reproche à un professionnel d’avoir contrevenu à un comportement généralement admis au sein de sa profession, aux principes scientifiques généralement reconnus, aux données de la science actuelle et aux manquements à ses devoirs de compétence et de conseils, lorsque la norme n’est pas codifiée.
- À cet égard, le Tribunal des professions, dans l’affaire Gonshor[10], enseigne que :
[48] Le fardeau imposé à un syndic de démontrer la culpabilité d’un professionnel en invoquant un manquement aux normes scientifiques est lourd. En effet, il doit établir trois éléments :
- la norme scientifique applicable au moment de l’acte;
- le comportement du professionnel prétendument fautif;
- il doit prouver que l’écart entre les deux derniers points est si grand qu’il constitue plus qu’une erreur légère mais une faute déontologique passible de sanction.
[49] Nul ne contestera que ce n’est pas le moindre écart de la pratique idéale d’un professionnel qui constituera une dérogation déontologique.
- Les grands principes applicables à cet égard sont repris dans l’affaire Dentistes (Ordre professionnel des) c. Duguay[11] :
[19] L’expert est la personne ou le témoin le plus compétent et le plus apte à renseigner le Conseil de discipline sur l’existence de la norme et de la règle scientifique généralement reconnues et applicables aux faits sous étude. Il est celui-ci qui l’aide à apprécier dans quelle mesure le professionnel poursuivi y a dérogé ou non, compte tenu de la preuve offerte.
[20] Le témoignage de l’expert est recevable dans la mesure où l’on peut démontrer l'utilité de l'expertise, la qualification et l'impartialité du témoin.
[21] Au sujet de l’obligation de l’expert, la Cour suprême s’exprime ainsi dans la récente affaire White Burgess Langille Inman :
[32] Trois concepts apparentés sont à la base des diverses définitions de l’obligation de l’expert, à savoir l’impartialité, l’indépendance et l’absence de parti pris. L’opinion de l’expert doit être impartiale, en ce sens qu’elle découle d’un examen objectif des questions à trancher. Elle doit être indépendante, c’est-à-dire qu’elle doit être le fruit du jugement indépendant de l’expert, non influencée par la partie pour qui il témoigne ou l’issue du litige. Elle doit être exempte de parti pris, en ce sens qu’elle ne doit pas favoriser injustement la position d’une partie au détriment de celle de l’autre. Le critère décisif est que l’opinion de l’expert ne changerait pas, peu importe la partie qui aurait retenu ses services (P. Michell et R. Mandhane, « The Uncertain Duty of the Expert Witness » (2005), 42 Alta. L. Rev. 635, p. 638-639). Ces concepts, il va sans dire, doivent être appliqués aux réalités du débat contradictoire. Les experts sont généralement engagés, mandatés et payés par l’un des adversaires. Ces faits, à eux seuls, ne compromettent pas l’indépendance, l’impartialité ni l’absence de parti pris de l’expert.
[22] Le rôle de l’expert est primordial puisqu’il fournit aux décideurs « une conclusion toute faite que ces derniers, en raison de la technicité des faits, sont incapables de formuler »
[Soulignements ajoutés; Références omises]
- De même, le professionnel en cause qui désire remettre en question l’application de la norme doit présenter une preuve d’expert pour établir cette autre norme. Le professionnel en cause ne peut agir lui-même à titre d’expert dans sa propre affaire.
(ii) L’appréciation des témoignages
- Pour déterminer la crédibilité et la fiabilité des témoignages, la Cour du Québec, dans l’affaire Boulin c. Axa Assurances inc.[12], énonce plusieurs critères à examiner :
[141] Les critères retenus par la jurisprudence pour jauger la crédibilité, sans prétendre qu’ils sont exhaustifs, peuvent s’énoncer comme suit :
- Les faits avancés par le témoin sont-ils en eux-mêmes improbables ou déraisonnables?
- Le témoin s’est-il contredit dans son propre témoignage ou est-il contredit par d’autres témoins ou par des éléments de preuve matériels?
- La crédibilité du témoin a-t-elle été attaquée par une preuve de réputation?
- Dans le cours de sa déposition devant le tribunal, le témoin a-t-il eu des comportements ou attitudes qui tendent à le discréditer?
- L’attitude et la conduite du témoin devant le tribunal et durant le procès révèlent-elles des indices permettant de conclure qu’il ne dit pas la vérité?
[…]
- Ainsi, un témoin qui, en des moments différents relativement aux mêmes faits, donne des versions différentes porte atteinte à la crédibilité de ce qu’il avance.
- Dans l’évaluation de la crédibilité d’un témoin, il est important de considérer sa faculté d’observation, sa mémoire et l’exactitude de ses déclarations.
- Il est également important de déterminer s’il tente honnêtement de dire la vérité, s’il est sincère et franc ou au contraire s’il est partial, réticent ou évasif.
- La crédibilité d’un témoin dépend aussi de sa connaissance des faits, de son intelligence, de son désintéressement, de son intégrité, de sa sincérité.
- La Cour suprême a souligné que dans une affaire civile où la règle est celle de la prépondérance de la preuve et des probabilités, quand la partie témoigne et qu’elle n’est pas crue, il est possible pour le juge qui procède de considérer ses affirmations comme des négations, et ses dénégations comme des aveux, compte tenu des contradictions, des hésitations, du temps que le témoin met à répondre, de sa mine, des preuves circonstancielles et de l’ensemble de la preuve.
[Transcription textuelle; soulignements ajoutés; Références omises]
- Concernant la distinction entre la crédibilité et la fiabilité d’un témoin, la Cour d’appel écrit[13] :
[19] […] La crédibilité d’un témoin s’attarde à sa personne et à ses caractéristiques, qu’il s’agisse de son honnêteté, de sa sincérité ou de son intégrité. La fiabilité porte sur la valeur du récit d’un témoin, ce qui inclut la considération de facteurs comme sa mémoire, la présence ou l’absence de contradictions et leur ampleur, sa faculté et sa capacité d’observation.
[Soulignements ajoutés; Références omises]
(iii) La notion de faute déontologique
- De façon générale, une plainte disciplinaire doit viser des gestes qu’aurait posés une partie intimée dans le cadre de l’exercice de sa profession, gestes qui seraient contraires au Code des professions[14], à son Code de déontologie ou aux Règlements qui régissent sa profession.
- Pour constituer une faute déontologique, une faute doit revêtir une certaine gravité[15]. La faute déontologique n’est pas consommée au moindre écart[16]. Le moindre manquement ne constitue pas en tout temps une faute contraire aux objectifs du droit disciplinaire.
- Les circonstances factuelles de chaque dossier importent.
- De plus, il faut faire une distinction entre un comportement souhaitable et un comportement acceptable[17] :
[11] […] Un professionnel peut avoir une conduite qui s’éloigne du comportement souhaitable sans être inacceptable. Dans ce cas, il ne commet pas de faute déontologique.
- Encore faut-il examiner non seulement les paroles ou gestes de l’intimé, mais aussi le contexte.
2. Contexte factuel
- Pour bien saisir le contexte factuel, il faut examiner le fil des événements. Une revue chronologique de la trame factuelle s’impose donc.
- Le 25 février 2020, l’intimé produit à l’Ordre sa Déclaration annuelle 2020-2021[18]. À la section 3 du formulaire, on lui demande de déclarer sa situation professionnelle.
- Voici les demandes formulées tant à la question 3.1 qu’à la question 3.2, de même que ses réponses à l’égard des missions d’examen :
3.1 Durant la période comprise entre le 1ͤ ͬ avril 2019 et le 31 mars 2020, j’ai exercé ou j’exercerai dans le domaine de la comptabilité publique (missions d’audit, missions d’examen et missions de compilation) telle que définie à l’article 4 de la Loi sur les comptables professionnels agréés du Québec à titre de membre exerçant à son compte, d’associé, d’actionnaire, d’employé ou de contractuel, contre rémunération ou non et que je sois ou non le signataire du rapport de mission.
[Réponse] Oui
Veuillez sélectionner les options correspondant à votre situation.
[...]
- Missions d’examen (y compris l’émission de rapports spéciaux)
[Réponse] Oui
********************
3.2 Durant la période comprise entre le 1ͤ ͬ avril 2020 et le 31 mars 2021, j’exercerai dans le domaine de la comptabilité publique (missions d’audit, missions d’examen et missions de compilation) telle que définie à l’article 4 de la Loi sur les comptables professionnels agréés du Québec à titre de membre exerçant à son compte, d’associé, d’actionnaire, d’employé ou de contractuel, contre rémunération ou non et que je sois ou non le signataire du rapport de mission.
[Réponse] Oui
Veuillez sélectionner les options correspondant à votre situation.
[...]
- Missions d’examen (y compris l’émission de rapports spéciaux)
[Réponse] Oui
- Comme on peut le constater ici, les questions 3.1 et 3.2 couvrent deux années de références, soit l’année 2019-2020 et l’année 2020-2021. Comme on le verra plus loin, ces années de références se chevauchent d’une déclaration annuelle à l’autre. Nous y reviendrons lors de l’analyse des chefs 1 à 4.
- Cela dit, la relation d’affaires à l’origine du présent dossier débute avec une bonne connaissance de l’intimé, monsieur [B]. Ce dernier témoigne et fait part au Conseil de son parcours académique[19] : il détient un baccalauréat en sciences comptables, un DESS en comptabilité et un MBA en sciences comptables. Il souhaite alors faire l’examen final commun (EFC) dans le but de devenir CPA. C’est dans ce contexte qu’il demande à l’intimé de devenir son mentor en matière de mission d’examen.
- Il serait ensuite entré en contact avec l’Ordre pour valider la procédure requise dans le but de faire reconnaître son mentor et ses stages. Malheureusement, son témoignage est des plus laconiques à ce sujet. La preuve indique plutôt que l’Ordre n’a pas formellement reconnu l’intimé à titre de mentor de monsieur [B][20].
- Cela dit, la preuve démontre que monsieur [B] souhaite tout de même se familiariser avec l’exécution d’un mandat de mission d’examen.
- C’est alors qu’une occasion se présente : un ami lui recommande madame [C], principale dirigeante de la Société [A], une agence de voyages. Or, cette dernière doit justement produire un rapport de mission d’examen à l’Office de la protection du consommateur (OPC)[21] avec sa demande de reconduction[22] de son permis d’agence de voyages.
- Monsieur [B] y voit une opportunité de se familiariser avec la préparation d’un rapport de mission d’examen, tout en bénéficiant de la supervision de l’intimé. Il déclare que, préalablement à la réalisation de ce mandat, il consulte le Guide des missions d’examen (norme NCME 2400) et les règles applicables aux agences de voyages. Cependant, encore une fois, son témoignage est des plus laconiques à cet égard. Il ajoute toutefois que l’intimé vérifie tout ce qu’il fait et qu’il le guide quant aux normes applicables.
- Cela dit, monsieur [B] n’étant pas CPA, il ne peut lui-même signer un rapport de mission d’examen[23], c’est donc l’intimé qui s’en chargera. Lors de son témoignage, l’intimé admet d’ailleurs qu’il a bel et bien signé les rapports de missions d’examen et les avoir transmis à la cliente.
- À la fin de l’année 2020, l’intimé signe les rapports suivants :
- Le 30 décembre 2020, il signe le rapport de mission d’examen des états financiers pour l’exercice financier terminé au 30 juin 2020[24].
- Le 30 décembre 2020, il signe le rapport de mission d’examen du bilan du compte en fidéicommis au 30 juin 2020[25].
- Il les transmet à la cliente qui, à son tour, les transmet ensuite à l’OPC[26].
- Le 26 janvier 2021, l’intimé produit à l’Ordre sa Déclaration annuelle 2021-2022[27]. À la section 3 du formulaire, on lui demande de déclarer sa situation professionnelle.
- Voici les demandes formulées tant à la question 3.1 (chef 1) qu’à la question 3.2 (chef 2), de même que ses réponses à l’égard des missions d’examen :
3.1 Durant la période comprise entre le 1ͤ ͬ avril 2020 et le 31 mars 2021, j’ai exercé ou j’exercerai dans le domaine de la comptabilité publique (missions d’audit, missions d’examen et missions de compilation pour lesquelles un avis au lecteur ou un rapport de mission a été ou sera émis) telle que définie à l’article 4 de la Loi sur les comptables professionnels agréés du Québec à titre de membre exerçant à son compte, d’associé, d’actionnaire, d’employé ou de contractuel, contre rémunération ou non et que je sois ou non le signataire du rapport de mission.
[Réponse] Oui
Veuillez sélectionner les options correspondant à votre situation.
[...]
- Missions d’examen (y compris l’émission de rapports spéciaux)
[Réponse] Non
********************
3.2 Durant la période comprise entre le 1ͤ ͬ avril 2021 et le 31 mars 2022, j’exercerai dans le domaine de la comptabilité publique (missions d’audit, missions d’examen et missions de compilation pour lesquelles un avis au lecteur ou un rapport de mission a été ou sera émis) telle que définie à l’article 4 de la Loi sur les comptables professionnels agréés du Québec à titre de membre exerçant à son compte, d’associé, d’actionnaire, d’employé ou de contractuel, contre rémunération ou non et que je sois ou non le signataire du rapport de mission.
[Réponse] Oui
Veuillez sélectionner les options correspondant à votre situation.
[...]
- Missions d’examen (y compris l’émission de rapports spéciaux)
[Réponse] Non
- Au début de l’année 2022, l’intimé signe les rapports suivants pour la Société [A] :
- Le 30 janvier 2022, il signe le rapport de mission d’examen des états financiers pour l’exercice financier terminé au 30 juin 2021[28].
- Le 30 mars 2022, il signe le rapport de mission d’examen du bilan du compte en fidéicommis au 30 juin 2021[29].
- Il les transmet à la cliente qui, à son tour, les transmet ensuite à l’OPC.
- Le Conseil note ici qu’il y a deux versions du « Bilan du compte en fidéicommis au 30 juin 2021 » : la première version est signée par l’intimé le 30 janvier 2022[30] et la seconde est plutôt signée le 30 mars 2022[31]. Or, selon le témoignage non contredit de la représentante de l’OPC, c’est bel et bien la version signée le 30 mars 2022 qui fut remise à l’OPC.
- Le 7 mars 2022, l’intimé produit à l’Ordre sa Déclaration annuelle 2022-2023[32]. À la section 3 du formulaire, on lui demande de déclarer sa situation professionnelle.
- Le Conseil examine ici la demande formulée à la question 3.1 (chef 3) et les réponses de l’intimé à l’égard des missions d’examen :
3.1 Durant la période comprise entre le 1ͤ ͬ avril 2021 et le 31 mars 2022, j’ai exercé ou j’exercerai dans le domaine de la comptabilité publique (missions d’audit, missions d’examen et missions de compilation pour lesquelles un avis au lecteur ou un rapport de mission a été ou sera émis) telle que définie à l’article 4 de la Loi sur les comptables professionnels agréés du Québec à titre de membre exerçant à son compte, d’associé, d’actionnaire, d’employé ou de contractuel, contre rémunération ou non et que je sois ou non le signataire du rapport de mission.
[Réponse] Oui
Veuillez sélectionner les options correspondant à votre situation.
[...]
- Missions d’examen (y compris l’émission de rapports spéciaux)
[Réponse] Non
- Le 12 septembre 2022, madame Cloutier, technicienne en administration à l’OPC, soumet une demande d’enquête au Bureau du syndic de l’Ordre[33]. Elle y indique : « La présentation des rapports de mission d'examen des bilans du compte en fidéicommis n'est pas conforme. Aussi, les déficits présentés dans les bilans généraux ne balancent pas ».
- Madame Cloutier témoigne. Dans le cadre de ses fonctions, elle analyse des états financiers soumis par les agences de voyages à l’occasion de leur demande de reconduction de permis. Elle s’assure notamment que les exigences réglementaires soient respectées.
- C’est dans ce contexte qu’elle examine les états financiers et le bilan du compte en fidéicommis de la Société [A]. Le format de présentation attire son attention puisqu’il ne ressemble pas à ceux qu’elle reçoit habituellement. Elle constate aisément que le format du rapport de mission d’examen portant sur le bilan du compte en fidéicommis ne semble pas conforme aux nouvelles normes en vigueur, mais plutôt aux anciennes normes. Elle remarque également que certaines informations sont surprenantes. Tout cela la préoccupe, d’où sa demande d’enquête.
- Le 7 novembre 2022, madame Cloutier transmet un document complémentaire à la plaignante[34] et lui écrit :
Voici le sommaire des comptes pour votre dossier 15162.
Il serait intéressant de vérifier la compréhension du compte en fidéicommis, car l'auditeur a indiqué une encaisse de 5000$ dans le bilan du compte en fidéicommis alors que le relevé indique plutôt un solde de 0.89$.
[Transcription textuelle]
- Ce document est un relevé de la TD Canada Trust daté du 30 juin 2021[35], relevé qui indique :
TD Assets
Account(s) Balance
BUSINESS INVESTOR ACCOUNT 4XXX XXXXX66[36] $0.89
TD BASIC BUSINESS PLAN 4XXX XXXXX58 $0.10
CURRENT ACCOUNT 4XXX XXXXX13 $5,001.52
Total TD Assets: CND $5,002.51
- La preuve démontre que ce relevé bancaire indique le solde de chacun des trois comptes de la Société [A]. Madame Cloutier spécifie que, selon le dossier de l’OPC, le « Business investor account no. 4XXX XXXXX66 » correspond au compte en fidéicommis de la Société [A]; c’est d’ailleurs l’information que cette dernière a présentée à l’OPC lors de sa demande initiale pour l’obtention d’un permis d’agence de voyages[37].
- Madame Cloutier constate aisément que le relevé de banque indique, qu’au 30 juin 2021, le solde du compte en fidéicommis s’établit à 0,89 $ alors que le bilan du compte en fidéicommis[38] indique plutôt : « Encaisse - Compte en Fidéicommis 5 000 $ ». Elle s’interroge sur cet écart significatif.
- L’intimé témoigne à son tour. Il explique que c’est son premier mandat de mission d’examen et, de surcroît, pour une agence de voyages.
- Il n’a pas suivi de formation officielle relativement aux mandats de mission d’examen. Tout au plus, a-t-il fait de « l’auto-formation » en 2020 et 2021 dans le cadre de ses démarches personnelles[39]. Il ne réfère cependant qu’à de vagues mentions inscrites à son sommaire d’activités de formation continue. À titre d’exemple, il y est inscrit : « 2020 - Activité non structurées - Auto apprentissage - Lecture de publications techniques »[40]. Son témoignage est d’ailleurs très laconique à ce sujet, ne soumettant aucune bibliographie, ni référence, ni information sur son autoapprentissage.
- Il ajoute seulement qu’il s’est référé à ses notes de cours prises lors de son DESS en 2014-2015. Or, il admet qu’il ne savait pas que, depuis, la norme applicable a changé.
- Concernant l’encaisse de 5 000 $ mentionnée au bilan du compte en fidéicommis, il explique ce qui suit : sa cliente lui aurait fait part que l’OPC exigeait que l’agence de voyages maintienne, dans le compte en fidéicommis, une somme de 5 000 $ à titre de « fonds de roulement ».
- Cela dit, l’intimé ajoute que la Société [A] n’avait pas perçu d’argent de la vente de voyages à des clients en raison de la pandémie de COVID-19[41]. Il ne comprend donc pas pourquoi la cliente maintient 5 000 $ dans son compte en fidéicommis alors que cette somme est plutôt destinée au fonds de roulement de l’entreprise. La cliente lui aurait dit qu’elle a toujours fait cela ainsi.
- L’intimé se dit alors conforté par cette explication, d’autant plus que la cliente lui montre des états de comptes bancaires[42] qui semblent soutenir ses explications. À ce sujet, l’intimé réfère plus particulièrement à un document bancaire intitulé « Deposit account history - Financial enquiry »[43] concernant le compte en fidéicommis.
- Ce relevé bancaire indique que, le 30 juin 2020, 5 000 $ furent transférés du compte d’opérations courantes au compte en fidéicommis. L’intimé en parle comme s’il avait pu le consulter de manière contemporaine à la préparation de ses rapports de mission d’examen signés le 30 décembre 2020. Or, il appert, au bas du document, que ce relevé bancaire n’est généré que le 5 octobre 2022, soit près de deux ans après la signature de son rapport.
- Cela dit, l’intimé admet une erreur aux états financiers au 30 juin 2021[44] : le chiffre correspondant aux immobilisations corporelles en 2021 aurait dû mentionner 95 plutôt que 85.
- Puis, il ajoute que c’est sa cliente qui a préparé les états financiers, que c’est elle qui y a indiqué ces chiffres. Elle lui a simplement présenté le tout.
- À ce sujet, l’intimé réfère le Conseil à l’avis[45] qui informe le lecteur que la direction de la Société est responsable de la préparation des états financiers.
- Le Conseil note cependant que cet avis mentionne aussi que le professionnel a la responsabilité d’effectuer son examen conformément aux normes généralement reconnues du Canada. Or, selon la preuve prépondérante, les connaissances de l’intimé ne sont pas à jour lorsqu’il effectue son examen.
- Le témoignage de l’intimé est généralement vague et imprécis. De plus, il est parfois difficile à suivre, car, pour reprendre une expression populaire, il passe souvent du coq à l’âne.
- Pis encore, il admet, lors de son témoignage, qu’il « n’a jamais rencontré cette dame »[46]. Par cette admission, l’intimé laisse fortement l’impression qu’il n’a jamais échangé directement avec la cliente. Il nuance cependant en ajoutant qu’il aurait tout de même communiqué avec elle en utilisant l’application WhatsApp alors qu’il était en voyage au Cameroun.
- Par son ton de voix, ses hésitations et ses propos des plus flous, il appert au Conseil que l’intimé n’est pas certain d’avoir eu une communication directe avec la cliente.
- Les échanges ont-ils tous transité par l’entremise de monsieur [B]? L’intimé a-t-il lui-même communiqué directement avec la cliente? Et, si oui, comment et quand a-t-il communiqué avec elle? Par visioconférence, de vive voix ou par écrit? Le Conseil l’ignore. Ni monsieur [B] ni l’intimé n’ont fourni une quelconque information précise et concordante à ce sujet.
- Il n’y a aucune preuve de communication significative ni d’échange entre l’intimé et la cliente relativement aux données financières de la Société [A]. Les omissions, voire les contradictions de l’intimé sont des plus déconcertantes : d’une part, il soutient que sa cliente est à la source des informations financières qui lui sont soumises, et, d’autre part, il affirme qu’il ne l’a jamais rencontrée. Cette dichotomie mine la crédibilité de l’intimé.
- De plus, il appert clairement au Conseil que, par ses propos, l’intimé se déresponsabilise. En effet, même si l’on se fie aux données soumises par la cliente, il n’en demeure pas moins que, s’il y a des contradictions évidentes ou encore des représentations qui n’ont pas de sens, on ne peut pas tout simplement les ignorer.
- En l’espèce, il y a une importante différence entre deux notions de base : la première concerne le fonds de roulement de l’entreprise et la seconde concerne les sommes versées par les clients, sommes détenues en fidéicommis. Ce sont deux notions distinctes. L’intimé ne pouvait donc pas simplement se fier au raisonnement bancal de la cliente.
- La plaignante témoigne et mentionne que, lors de son enquête tenue en 2022, elle interroge l’intimé à savoir si la Société [A] possède un compte en fidéicommis au sein de la TD Canada Trust. Il lui répond : « Pas à ma connaissance »[47]. C’est donc dire que, même en avril 2022, l’intimé ignore encore si la cliente possède un compte en fidéicommis alors qu’il s’agit d’une exigence réglementaire[48] pour une agence de voyages et qu’il signe deux « Bilan du compte en fidéicommis »[49].
- Cela dit, l’intimé ajoute que lorsque ces mandats sont effectués, il place tous les documents de son dossier sur le disque dur de son ordinateur et sur un disque dur externe qui lui sert de sauvegarde pour ses fichiers.
- Début 2022, sa sœur est souffrante. Il se rend à son chevet, au Cameroun, et apporte son ordinateur et son disque dur externe[50].
- En février 2022, toujours au Cameroun, il est victime d’un cambriolage[51]. Il se fait voler le sac dans lequel se trouve notamment un ordinateur, une clé USB, un disque dur et un téléphone. Or, tout son dossier s’y trouve.
3. Analyse des chefs de la plainte
- Le contexte général étant établi, le Conseil analyse maintenant chacun des chefs. Comme mentionné ci-haut, pour en faciliter le traitement, le Conseil regroupe les sept chefs en trois sections : (A) Déclarations annuelles de l’intimé (chefs 1 à 4), (B) Missions d’examen (chefs 5 et 6), et (C) Avoir omis de conserver une copie de sauvegarde du dossier (chef 7).
A) Déclarations annuelles de l’intimé (chefs 1 à 4),
- En résumé, les chefs 1, 2, 3 et 4 reprochent à l’intimé d’avoir fait des déclarations inexactes à l’occasion de ses déclarations annuelles obligatoires, contrevenant ainsi à l’article 61 du Code de déontologie.
- Les chefs 2 et 4 lui reproche également d’avoir fait défaut de mettre à jour ses renseignements, contrevenant ainsi à l’article 62 du Code de déontologie.
- Qu’en est-il?
- Lors de son témoignage, l’intimé a mentionné qu’il travaille pour un organisme gouvernemental qui procède à des audits, mais que, durant la période d’urgence sanitaire occasionnée par la COVID-19, il a songé à réorienter sa carrière pour se lancer en pratique privée. Il précise aussi qu’à titre de CPA auditeur, il est autorisé à procéder à des missions d’examen.
- Le mandat de la cliente référée par monsieur [B] s’inscrivait dans cette démarche et c’est, entre autres, pourquoi, il a accepté de signer des rapports de mission d’examen aux dates suivantes : le 30 décembre 2020 dans un premier temps (pour l’année financière terminée le 30 juin 2020), puis les 30 janvier 2022 et 30 mars 2022 dans un second temps (pour l’année financière terminée le 30 juin 2021).
- Selon la preuve non contredite, l’intimé n’a signé des rapports de mission d’examen qu’à ces deux occasions seulement, soit à la fin de l’année 2020 et au début de l’année 2022.
- Il affirme clairement que, lorsqu’il a rempli ses déclarations annuelles, il a répondu aux questions posées en pensant principalement au travail qu’il accomplit quotidiennement dans le cadre de ses fonctions chez son employeur. Il n’a pas rempli le formulaire en pensant au fait qu’il n’avait signé qu’un seul rapport de mission d’examen pendant l’année de référence. Il a répondu aux questions, telles que posées, et soumet que ses réponses étaient adéquates en fonction du libellé des questions et du contexte.
- L’intimé invite d’ailleurs le Conseil à faire un examen attentif de ses déclarations annuelles et à porter attention au libellé des questions 3.1 et 3.2.
- Ces questions sont très élaborées, s’étirent sur plusieurs lignes et ne permettent aucune nuance ni précision puisque la seule réponse possible est « oui » ou « non ». Il souligne aussi que le libellé de ces questions a même évolué d’une année à l’autre.
- Examinons chacune des quatre déclarations annuelles en preuve.
- Déclaration annuelle 2020-2021 signée le 25 février 2020
- Le 25 février 2020, l’intimé signe sa Déclaration annuelle 2020-2021.
- La question 3.1 spécifie : « Durant la période comprise entre le 1ͤ ͬ avril 2019 et le 31 mars 2020, j’ai exercé ou j’exercerai dans le domaine de la comptabilité publique (missions d’audit, missions d’examen et missions de compilation) […] ».
- Il répond : « Oui ».
- La sous-question 3.1 b) demande : « Veuillez sélectionner les options correspondant à votre situation ». Concernant les missions d’examen, il répond : « Oui ».
- Le Conseil note que la question 3.1 cible la période de référence antérieure (avril 2019 à mars 2020) et demande à l’intimé de se positionner tant dans le passé (« j’ai exercé ») que dans le futur (« j’exercerai »).
- L’intimé signe sa déclaration annuelle le 25 février 2020, soit avant l’arrivée de l’échéance de la période de référence indiquée (le 31 mars 2020). On demande ainsi à l’intimé de donner une réponse en anticipant le futur, quoique ce futur soit rapproché (fin mars 2020).
- À la question principale 3.1 et à la sous-question 3.1 b), l’intimé a tout de même répondu « Oui », qu’il fera des missions d’examen. Selon la preuve non contredite, il a l’intention de procéder à des missions d’examen.
- Quant à la déclaration annuelle 2020-2021, elle vise la période de référence à venir (avril 2020 à mars 2021).
- Lors de sa plaidoirie, l’intimé demande au Conseil de porter attention au libellé de chacune des questions. Il fait ainsi ressortir que chacune des déclarations annuelles vise deux périodes de référence qui, d’une fois à l’autre, se chevauchent.
- Ainsi, la question 3.2 spécifie : « Durant la période comprise entre le 1ͤ ͬ avril 2020 et le 31 mars 2021, j’exercerai dans le domaine de la comptabilité publique (missions d’audit, missions d’examen et missions de compilation) […] ». Il répond : « Oui ».
- Puis, à la sous-question 3.1 b), on lui demande de sélectionner les options correspondant à sa situation et plus particulièrement eu égard aux missions d’examen. Il répond : « Oui ».
- Le Conseil note que la question 3.2 cible la période de référence visée par la déclaration annuelle 2020-2021 (avril 2020 à mars 2021) et on demande à l’intimé d’anticiper le futur (« j’exercerai »).
- À la question principale 3.1 et à la sous-question 3.1 b), l’intimé répond tout de même « Oui », il fera des missions d’examen.
- Selon la preuve non contredite, il a effectivement l’intention de procéder à des missions d’examen au cours de la période de référence.
- De fait, le 30 décembre 2020, il signe les deux rapports de mission d’examen pour l’exercice financier terminé le 30 juin 2020 de la Société [A]
- Les renseignements donnés par l’intimé dans sa Déclaration annuelle 2020-2021 sont manifestement exacts et ne sont pas visés par la plainte, cependant l’intimé invite le Conseil à un examen comparatif et à une mise en perspective plus globale compte tenu du libellé des questions énoncées au formulaire.
- Déclaration annuelle 2021-2022 signée le 26 janvier 2021
- Le 26 janvier 2021, l’intimé signe sa Déclaration annuelle 2021-2022.
- La question 3.1 spécifie : « Durant la période comprise entre le 1ͤ ͬ avril 2020 et le 31 mars 2021, j’ai exercé ou j’exercerai dans le domaine de la comptabilité publique (missions d’audit, missions d’examen et missions de compilation pour lesquelles un avis au lecteur ou un rapport de mission a été ou sera émis) […] ».
- Il répond : « Oui ».
- La sous-question 3.1 b) demande : « Veuillez sélectionner les options correspondant à votre situation ». Concernant les missions d’examen, il répond : « Non ».
- Pourtant, pour la même période de référence indiquée dans la déclaration annuelle précédente, il avait répondu : « Oui ».
- L’intimé explique que, lorsqu’il a signé, le 26 janvier 2021, il pensait surtout à son travail principal.
- Cette explication est vraisemblable, d’autant plus que ces questions se retrouvent sous la section 3 du formulaire, section intitulée « Situation professionnelle ».
- Le Conseil constate que le libellé du chef 1 ne vise que la réponse donnée à la question 3.1. Or, à la lecture du libellé de cette question, la réponse donnée est exacte.
- Le libellé du chef 1 ne vise pas spécifiquement la réponse donnée à la sous question 3.1 b).
- Quant à la question 3.2, elle spécifie : « Durant la période comprise entre le 1ͤ ͬ avril 2021 et le 31 mars 2022, j’exercerai dans le domaine de la comptabilité publique (missions d’audit, missions d’examen et missions de compilation pour lesquelles un avis au lecteur ou un rapport de mission a été ou sera émis) […] ».
- Il répond : « Oui ».
- La sous-question 3.2 b) demande : « Veuillez sélectionner les options correspondant à votre situation ». Concernant les missions d’examen, il répond : « Non ».
- Pourtant, dans la déclaration annuelle précédente, il avait répondu : « Oui ».
- La preuve non contredite révèle que lorsque l’intimé a signé, le 26 janvier 2021, il n’avait pas anticipé recevoir un second mandat de la cliente pour refaire des rapports de mission d’examen.
- À ce moment, les réponses de l’intimé sont donc exactes.
- Cela étant dit, il est aussi intéressant de comparer le libellé des questions 3.1 et 3.2 avec le libellé de la question suivante, la question 3.3.
- En effet, les questions 3.1 et 3.2 visent l’exercice de la profession (« j’ai exercé ou j’exercerai ») alors que la question 3.3 vise l’offre de services professionnels : « Durant la période comprise entre le 1ͤ ͬ avril 2021 et le 31 mars 2022, j’offrirai des services professionnels à des tiers tels que définis à l’article 4 de la Loi sur les comptables professionnels agréés du Québec à titre de membre exerçant à son compte, d’associé, d’actionnaire, d’employé ou de contractuel, contre rémunération ou non, au sein d’une entité détenue ou non par des CPA ».
- Il répond : « Oui ».
- Encore une fois, la réponse à cette question est exacte et rend vraisemblable l’explication de l’intimé.
- Le Conseil constate que le libellé du chef 2 ne vise que la réponse donnée à la question 3.2. Or, à la lecture du libellé de cette question, la réponse donnée est exacte.
- Le libellé du chef 2 ne vise pas spécifiquement la réponse donnée à la sous question 3.2 b).
- Déclaration annuelle 2022-2023 signée le 7 mars 2022
- Le 7 mars 2022, l’intimé signe sa Déclaration annuelle 2022-2023.
- La question 3.1 spécifie : « Durant la période comprise entre le 1ͤ ͬ avril 2021 et le 31 mars 2022, j’ai exercé ou j’exercerai dans le domaine de la comptabilité publique (missions d’audit, missions d’examen et missions de compilation pour lesquelles un avis au lecteur ou un rapport de mission a été ou sera émis) […] ».
- Il répond : « Oui ».
- Cette période de référence est exactement la même que celle visée par la Déclaration annuelle 2021-2022. Ce sont les mêmes questions, les mêmes réponses et les mêmes explications qui s’appliquent également ici.
- Encore une fois, le Conseil constate que le libellé du chef 3 ne vise que la réponse donnée à la question 3.1. Or, à la lecture du libellé de cette question, la réponse donnée est exacte.
- Le libellé du chef 3 ne vise pas spécifiquement la réponse donnée à la sous question 3.1 b).
- Déclaration annuelle 2023-2024 signée le 9 mars 2023
- Le 9 mars 2023, l’intimé signe sa Déclaration annuelle 2023-2024.
- Les réponses données par l’intimé dans cette déclaration annuelle ne sont pas visées par la plainte, mais l’intimé attire l’attention du Conseil sur le nouveau libellé des questions qui se retrouvent à la « Section 3 - Situation professionnelle ».
- Ainsi, la question 3.1 se libelle désormais : « Durant la période comprise entre le 1ͤ ͬ avril 2022 et le 31 mars 2023, j’ai exercé ou j’exercerai dans le domaine de la comptabilité publique (missions d’audit, missions d’examen et missions de compilation pour lesquelles un rapport de compilation a été ou sera émis) […] ».
- Et la sous-question 3.1 a) se libelle désormais : « Durant la période comprise entre le 1ͤ ͬ avril 2022 et le 31 mars 2023, j’ai signé ou signerai un ou plusieurs rapports de mission de comptabilité publique : […] ».
- L’intimé tire une inférence de ces changements. Il plaide que les changements dans le libellé des questions démontrent que ces questions n’étaient pas formulées avec suffisamment de clarté, d’autant plus que la seule réponse possible était soit « Oui » soit « Non », sans possibilité de nuance ni de précisions.
- Les principes de droit applicables
- Considérant la preuve et la position de chacune des parties, le Conseil fait ici une revue des principes de droit applicables lorsque l’on reproche à l’intimé de ne pas avoir fait une déclaration exacte en remplissant son formulaire de déclaration annuelle. Cette revue permet d’énoncer quel est le fardeau de preuve de la plaignante et quel est le moyen de défense dont dispose l’intimé?
- Dès 1999, dans l’affaire Roger[52], le Tribunal des professions traite d’une affaire similaire à la nôtre et enseigne ce qui suit :
Le Tribunal estime que la rédaction du formulaire porte suffisamment à ambiguïté et à confusion pour conclure que le syndic n'a pas démontré de façon prépondérante qu'en le complétant comme elle l'a fait, l'intimée savait pertinemment qu'elle signait un document faux ou fallacieux, ou encore qu'elle l'a sciemment préparé de manière à tromper ou à induire en erreur le Bureau de l'Ordre.
[Transcription textuelle; Soulignements ajoutés]
- Puis, en 2003, dans l’affaire Renaud[53], le Tribunal passe en revue les enseignements de la Cour suprême du Canada dans les arrêts Sault Ste-Marie[54] et Strasser[55]. Ces extraits témoignent des grands principes applicables en droit disciplinaire :
[84] Il ne fait aucun doute que le Code des professions et toute la réglementation qui en découle participe de la législation relative au bien-être public.
[…]
[91] Il y a lieu de rappeler que […] les infractions contre le bien-être public de la catégorie de responsabilité stricte peuvent comporter un élément intentionnel. Cependant, le ministère public n’est pas obligé d’en faire la preuve. La preuve de l’élément matériel emporte la preuve, de prime abord (prima facie) de l’élément intentionnel. Il se crée alors un renversement du fardeau de la preuve sur le défendeur à qui il appartient de démontrer qu’il n’a pas d’élément intentionnel.
[Transcription textuelle; Soulignements ajoutés au paragraphe 91]
- Le Tribunal fait une revue de la jurisprudence et conclut ensuite que, même si cette jurisprudence est tirée du droit pénal, ces enseignements trouvent application en droit disciplinaire tout en faisant les adaptations nécessaires[56].
- Il faut retenir de ces enseignements[57] que les infractions contre le bien-être public peuvent comporter un élément d’intention blâmable ou de conscience volontaire. Cependant, le plaignant n’a qu’à faire la preuve de l’élément matériel, il n’a pas besoin de faire la preuve d’un élément intentionnel de la part de l’intimé.
- S’opère alors un renversement du fardeau de la preuve; l’intimé peut alors faire valoir que son geste était dénué de toute intention blâmable. De plus, l’intimé peut aussi faire valoir une erreur de fait raisonnable, laquelle consiste généralement à une confusion à l’égard de l’un des éléments matériels de l’infraction[58].
- En 2015, ces enseignements furent repris et appliqués dans l’affaire Pierre-Louis[59] à qui l’on reproche alors d’avoir fait une fausse affirmation en complétant sa demande d’inscription annuelle.
- En 2021, le conseil de discipline des CPA traite l’affaire CPA c. Desmeules[60] et analyse alors les réponses données par l’intimé à l’occasion de sa déclaration annuelle, tout en tenant compte des explications fournies à l’audience.
- Ainsi, après avoir réitéré les grands principes applicables quant au fardeau de preuve du plaignant[61], le conseil de discipline des CPA examine les réponses données par l’intimé aux questions 3.1 et 3.2 de sa déclaration annuelle obligatoire 2017-2018, tout en tenant compte de la preuve présentée.
- Après analyse de cette preuve, le conseil conclut :
[172] Les informations contradictoires contenues dans sa déclaration annuelle 2017-2018 au sujet des missions d'examen ne permettent pas de juger que la preuve de la plaignante est claire et convaincante pour satisfaire aux critères de la prépondérance des probabilités.
[173] Le doute qui s’infère de l'ensemble de la preuve doit bénéficier à l'intimé.
[174] Pour ces raisons, le Conseil est d'avis qu'il doit être acquitté sous le chef6.
[Soulignements ajoutés]
- Décisions sur les chefs 1 à 4
- Le Conseil applique maintenant le droit aux faits prouvés.
- Quant au chef 1, la question qui se pose spécifiquement est la suivante : la plaignante s’est-elle déchargée de son fardeau de prouver, de manière prépondérante, claire et convaincante, que la réponse donnée par l’intimé à la question 3.1 de sa Déclaration annuelle obligatoire 2021-2022 contrevient à l’article 61 du Code de déontologie?
- Considérant le droit applicable et la preuve administrée, le Conseil répond : non.
- Les renseignements contenus aux questions 3.1 et 3.1 b) de la Déclaration annuelle 2021-2022 de l’intimé ne sont pas complètement contradictoires ni inexacts compte tenu du libellé des questions et des explications de l’intimé. Il faut examiner le tout dans son ensemble et le Conseil retient le témoignage de l’intimé; ses explications sont vraisemblables et démontrent qu’il a voulu donner des renseignements exacts.
- De plus, compte tenu des circonstances propres à la présente affaire, le libellé des questions 3.1 et 3.1 b) peut avoir suscité une certaine difficulté de compréhension de la part de l’intimé et avoir créé une certaine confusion.
- Cela dit, la preuve démontre que la réponse donnée à la question 3.1 est exacte.
- Mais, même si l’on concluait que la réponse donnée à la question 3.1 b) était inexacte, cette inexactitude serait atténuée par la réponse déjà donnée à la question 3.1. Il ne s’agirait alors que d’une erreur, erreur qui ne s’avérerait pas suffisamment grave pour constituer une faute déontologique compte tenu du contexte propre à la présente affaire.
- Pour ces motifs, sur le chef 1, le Conseil acquitte l’intimé d’avoir contrevenu à l’article 61 du Code de déontologie.
- Quant au chef 2, la question qui se pose spécifiquement est la suivante : la plaignante s’est-elle déchargée de son fardeau de prouver, de manière prépondérante, claire et convaincante, que la réponse donnée par l’intimé à la question 3.2 de sa Déclaration annuelle obligatoire 2021-2022 contrevient aux articles 61 et 62 du Code de déontologie?
- Considérant le droit applicable et la preuve administrée, le Conseil répond : non.
- Comme mentionné précédemment, la preuve non contredite révèle que lorsque l’intimé a signé, le 26 janvier 2021, sa déclaration annuelle 2021-2022, il n’avait pas anticipé recevoir un second mandat de la cliente pour refaire des rapports de mission d’examen. À ce moment, ses réponses données tant à la question 3.2 qu’à la question 3.2 b) sont exactes.
- Les renseignements contenus aux questions 3.2 et 3.2 b) de la Déclaration annuelle 2021-2022 de l’intimé ne sont pas complètement contradictoires ni inexacts compte tenu du libellé des questions et des explications de l’intimé. Il faut examiner le tout dans son ensemble et le Conseil retient le témoignage de l’intimé; ses explications sont vraisemblables et démontrent qu’il a voulu donner des renseignements exacts.
- De plus, compte tenu des circonstances propres à la présente affaire, le libellé des questions 3.2 et 3.2 b) peut avoir suscité une certaine difficulté de compréhension de la part de l’intimé et avoir créé une certaine confusion.
- Cela dit, la preuve démontre que la réponse donnée à la question 3.2 est exacte.
- Pour ces motifs, sous le chef 2, le Conseil acquitte l’intimé d’avoir contrevenu à l’article 61 du Code de déontologie.
- Il est à noter, qu’au chef 2, la plaignante reproche aussi à l’intimé d’avoir fait défaut de mettre à jour ses renseignements au cours de l’année de référence[62].
- Or, même si l’on concluait qu’en cours d’année, la réponse donnée à la question 3.2 b) devait être modifiée, cette inexactitude serait atténuée par la réponse déjà donnée à la question 3.2 et aux explications de l’intimé. Il ne s’agirait alors que d’une erreur, erreur qui ne s’avérerait pas suffisamment grave pour constituer une faute déontologique compte tenu du contexte propre à la présente affaire.
- Après analyse de la même preuve et pour les mêmes motifs, sous le chef 2, le Conseil acquitte l’intimé d’avoir contrevenu à l’article 62 du Code de déontologie.
- Quant au chef 3, la question qui se pose spécifiquement est la suivante : la plaignante s’est-elle déchargée de son fardeau de prouver, de manière prépondérante, claire et convaincante, que la réponse donnée par l’intimé à la question 3.1 de sa Déclaration annuelle obligatoire 2022-2023 contrevient aux articles 61 du Code de déontologie?
- Considérant le droit applicable et la preuve administrée, le Conseil répond : non.
- Comme mentionné précédemment, chacune des déclarations annuelles traite de deux périodes de référence, l’une passée et l’autre à venir. Cela fait en sorte que la même période de référence se retrouve sur une déclaration annuelle et sur la suivante.
- C’est pourquoi la question 3.2 de la Déclaration annuelle obligatoire 2021-2022 est exactement la même que celle posée à la question 3.1 de la Déclaration annuelle obligatoire 2022-2023.
- Les mêmes principes de droit et la même preuve appliqués au chef 2 s’appliquent donc également à l’égard du chef 3. Considérant ce qui précède, le Conseil en vient à la même conclusion pour les mêmes motifs qu’au chef 3.
- Pour ces motifs, sur le chef 3, le Conseil acquitte l’intimé d’avoir contrevenu à l’article 61 du Code de déontologie.
- Quant au chef 4, la question qui se pose spécifiquement est la suivante : la plaignante s’est-elle déchargée de son fardeau de prouver, de manière prépondérante, claire et convaincante, que, considérant la réponse donnée par l’intimé à la question 3.1 de sa Déclaration annuelle obligatoire 2022-2023, l’intimé contrevient aux articles 61 et 62 du Code de déontologie?
- Considérant le droit applicable et la preuve administrée, le Conseil répond : non.
- Il faut examiner le tout dans son ensemble et le Conseil retient le témoignage de l’intimé, ses explications sont vraisemblables et démontrent qu’il a voulu donner des renseignements exacts.
- De plus, compte tenu des circonstances propres à la présente affaire, le libellé des questions 3.1 et 3.1 b) peut avoir suscité une certaine difficulté de compréhension de la part de l’intimé et avoir créé une certaine confusion.
- Cela dit, la preuve démontre que la réponse donnée à la question 3.1 est exacte.
- Pour ces motifs, sur le chef 4, le Conseil acquitte l’intimé d’avoir contrevenu à l’article 61 du Code de déontologie.
- Il est à noter, qu’au chef 4, la plaignante reproche aussi à l’intimé d’avoir fait défaut de mettre à jour ses renseignements au cours de l’année de référence.
- Or, même si l’on concluait qu’en cours d’année, la réponse donnée à la question 3.2 b) devait être modifiée, cette inexactitude serait atténuée par la réponse déjà donnée à la question 3.2 et aux explications de l’intimé. Il ne s’agirait alors que d’une erreur, erreur qui ne s’avérerait pas suffisamment grave pour constituer une faute déontologique compte tenu du contexte propre à la présente affaire.
- Après analyse de la même preuve et pour les mêmes motifs, sous le chef 4, le Conseil acquitte l’intimé d’avoir contrevenu à l’article 62 du Code de déontologie.
(B) Missions d’examen (chefs 5 et 6)
- En résumé, les chefs 5 et 6 reprochent à l’intimé d’avoir réalisé des mandats de mission d’examen, l’un en 2020 et l’autre en 2022, sans tenir compte des limites de ses aptitudes et de ses connaissances en matière de mission d’examen dans le domaine des agences de voyages, contrevenant ainsi aux articles 6, 16 et 24 du Code de déontologie.
- Tant sur le chef 5 que sur le chef 6, la preuve prépondérante est la suivante :
- L’intimé, CPA auditeur, fait des audits, mais il n’a jamais réalisé de mandat de mission d’examen auparavant.
- Les connaissances de l’intimé ne sont pas à jour eu égard à la réalisation d’un rapport de mission d’examen puisqu’il ne connaît pas les nouvelles normes applicables en cette matière.
- Il ignore les exigences liées à une demande de reconduction d’un permis d’agence de voyages auprès de l’OPC, notamment eu égard au fonds de roulement que doit maintenir une telle agence et eu égard au compte en fidéicommis qu’elle doit détenir.
- Il n’a pas demandé l’assistance ni consulté un autre membre de l’Ordre compétent en ces matières.
- Quant au chef 5, la première question qui se pose spécifiquement est la suivante : la plaignante s’est-elle déchargée de son fardeau de prouver, de manière prépondérante, claire et convaincante, qu’en 2020, l’intimé n’a pas assuré la mise à jour continuelle de ses connaissances et compétences dans le domaine de mission d’examen pour les agences de voyages, contrevenant ainsi à l’article 6 du Code de déontologie?
- Considérant le droit applicable et la preuve administrée, le Conseil répond par l’affirmative.
- Pour ces motifs, sur le chef 5, le Conseil déclare l’intimé coupable d’avoir contrevenu à l’article 6 du Code de déontologie.
- Quant au chef 5, la seconde question qui se pose spécifiquement est la suivante : la plaignante s’est-elle déchargée de son fardeau de prouver, de manière prépondérante, claire et convaincante, qu’en 2020, l’intimé n’a pas tenu compte des limites de ses aptitudes, de ses connaissances, sans obtenir l’assistance nécessaire dans le domaine de mission d’examen pour les agences de voyages, contrevenant ainsi à l’article 16 du Code de déontologie?
- Considérant le droit applicable et la preuve administrée, le Conseil répond par l’affirmative.
- Pour ces motifs, sous le chef 5, le Conseil déclare l’intimé coupable d’avoir contrevenu à l’article 16 du Code de déontologie.
- Quant au chef 5, la troisième question qui se pose spécifiquement est la suivante : la plaignante s’est-elle déchargée de son fardeau de prouver, de manière prépondérante, claire et convaincante, qu’en 2020, l’intimé a réalisé un mandat de mission d’examen pour une agence de voyages sans consulter un autre membre compétent dans ce domaine, contrevenant ainsi à l’article 24 du Code de déontologie?
- Considérant le droit applicable et la preuve administrée, le Conseil répond par l’affirmative.
- Vu son absence de connaissance en matière de mission d’examen dans le domaine des agences de voyages, l’intérêt de la cliente exigeait que l’intimé consulte un autre membre compétent en la matière ou qu’il la réfère à une autre personne compétente.
- Pour ces motifs, sous le chef 5, le Conseil déclare l’intimé coupable d’avoir contrevenu à l’article 24 du Code de déontologie.
- Cependant, considérant l’arrêt Kienapple[63] interdisant les condamnations multiples, le Conseil retient la culpabilité de l’intimé relativement au chef d’infraction de la plainte fondée sur l’article 16 du Code de déontologie et ordonne en conséquence une suspension conditionnelle des procédures quant au renvoi aux articles 6 et 24 du Code de déontologie.
- Quant au chef 6, la première question qui se pose spécifiquement est la suivante : la plaignante s’est-elle déchargée de son fardeau de prouver, de manière prépondérante, claire et convaincante, qu’en 2022, l’intimé n’a pas assuré la mise à jour continuelle de ses connaissances et compétences dans le domaine de mission d’examen pour les agences de voyages, contrevenant ainsi à l’article 6 du Code de déontologie?
- Considérant le droit applicable et la preuve administrée, le Conseil répond par l’affirmative.
- Pour ces motifs, sous le chef 6, le Conseil déclare l’intimé coupable d’avoir contrevenu à l’article 6 du Code de déontologie.
- Quant au chef 6, la seconde question qui se pose spécifiquement est la suivante : la plaignante s’est-elle déchargée de son fardeau de prouver, de manière prépondérante, claire et convaincante, qu’en 2022, l’intimé n’a pas tenu compte des limites de ses aptitudes, de ses connaissances, sans obtenir l’assistance nécessaire dans le domaine de mission d’examen pour les agences de voyages, contrevenant ainsi à l’article 16 du Code de déontologie?
- Considérant le droit applicable et la preuve administrée, le Conseil répond par l’affirmative.
- Pour ces motifs, sur le chef 6, le Conseil déclare l’intimé coupable en vertu de l’article 16 du Code de déontologie.
- Quant au chef 6, la troisième question qui se pose spécifiquement est la suivante : la plaignante s’est-elle déchargée de son fardeau de prouver, de manière prépondérante, claire et convaincante, qu’en 2022, l’intimé a réalisé un mandat de mission d’examen pour une agence de voyages sans consulter un autre membre compétent dans ce domaine, contrevenant ainsi à l’article 24 du Code de déontologie?
- Considérant le droit applicable et la preuve administrée, le Conseil répond aussi par l’affirmative.
- Vu son manque de connaissance en matière de mission d’examen dans le domaine des agences de voyages, l’intérêt de la cliente exigeait que l’intimé consulte un autre membre compétent en la matière ou qu’il la réfère à une autre personne compétente.
- Pour ces motifs, sur le chef 6, le Conseil déclare l’intimé coupable en vertu de l’article 24 du Code de déontologie.
- Cependant, considérant l’arrêt Kienapple[64] interdisant les condamnations multiples, le Conseil retient la culpabilité de l’intimé relativement au chef d’infraction de la plainte fondée sur l’article 16 du Code de déontologie et ordonne en conséquence une suspension conditionnelle des procédures quant au renvoi aux articles 6 et 24 du Code de déontologie.
(C) Avoir omis de conserver une copie de sauvegarde du dossier (chef 7)
- Le chef 7 reproche à l’intimé d’avoir omis de conserver une copie de sauvegarde de son dossier dans un lieu distinct du dossier original, contrairement à l’article 59.2 du Code des professions et à l’article 8 du Règlement sur la tenue des dossiers et des cabinets de consultation et sur la cessation d'exercice d'un membre de l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec.
- Qu’en est-il?
- Débutons par l’analyse de l’article 8 du Règlement sur la tenue des dossiers. L’alinéa 1 de cet article édicte :
8. Le membre doit conserver chaque dossier pendant au moins 5 ans à compter de la date à laquelle le mandat a été exécuté. Il peut utiliser tout système ou procédé d’archivage qui lui donne accès à l’information que contenait le dossier à la date de sa fermeture.
- La seule obligation qu’impose ce règlement est la suivante : une durée de conservation d’au moins cinq ans.
- Dans l’arrêt Blouin c. Longtin et autres[65], la Cour suprême du Canada disait : « Il a toujours été reconnu qu’une infraction pénale n’existe pas par inférence; si l’autorité publique veut créer un délit, elle doit s’en exprimer clairement; l’on ne peut présumer de son intention de le faire. […] ».
- Pour sa part, dans son arrêt phare, Tremblay c Dionne[66], la Cour d’appel rappelle que : « […] les éléments essentiels d'un chef de plainte disciplinaire ne sont pas constitués par son libellé, mais par les dispositions du code de déontologie ou du règlement qu'on lui reproche d'avoir violées […] ».
- Il faut donc se référer au libellé de la disposition réglementaire à laquelle la plaignante réfère et, lorsque le texte est clair, il n’y a pas lieu de l’interpréter ni d’y ajouter. Encore tout récemment, dans l’affaire Nellis[67], le Tribunal des professions rappelle que, selon la première règle d’interprétation, si la loi ou le règlement est clair, on ne doit pas l’interpréter.
- Or, en l’espèce, le Règlement est clair et non ambigu. On ne peut donc pas tenter de l’interpréter pour y ajouter du texte qui n’y appert pas. Il n’appartient d’ailleurs pas au Conseil de suggérer des modifications au règlement pour l’actualiser et l’adapter aux nouvelles technologies de l’information.
- Comme le mentionne le Tribunal dans l’affaire Blanchet[68], le Conseil doit se référer aux faits décrits dans la plainte et au libellé de la disposition de rattachement invoquée par la plaignante. Or, aucun des reproches énoncés à la plainte n’est visé par l’article 8 du Règlement.
- Voici plutôt les faits reprochés à l’intimé :
- A omis d'avoir une copie de sauvegarde de son dossier original;
- A omis de conserver cette copie de sauvegarde dans un lieu distinct du dossier original.
- Est-ce à dire qu’un dossier original, qu’il soit sur support papier ou sur support numérique, devrait être copié pour constituer une copie de sauvegarde? Ce n’est pas ce que le Règlement édicte.
- Le Conseil note au passage que le Règlement ne précise pas sur quel support le dossier doit être conservé (papier ou numérique), se limitant à indiquer que tout système ou procédé d’archivage peut être utilisé.
- Ensuite, est-ce à dire que le dossier original doit être conservé dans un endroit et qu’une copie de sauvegarde doit être conservée dans un endroit distinct? Ce n’est pas ce que le règlement édicte.
- La plaignante fait témoigner madame Mélanie Verville, directrice adjointe, Gestion de la marque et stratégie numérique de l’Ordre. Elle explique qu’en septembre 2017, une première version du « Guide CPA des bonnes pratiques d’utilisation des TI » est publiée sur le site Internet de l’Ordre[69].
- En introduction, il y est écrit : « Ce guide constitue un premier pas vers l’encadrement de l’utilisation des technologies de l’information dans l’exercice de la profession de CPA. […] »[70]. Deux autres versions sont ensuite publiées, soit le 12 octobre 2022 puis le 27 septembre 2023. Le témoignage de madame Verville se limite à expliquer comment ces guides sont publicisés auprès des membres. Cette preuve démontre, tout au plus, qu’un guide est élaboré et mis à la disposition des membres.
- Quant au guide, il n’aborde que de grands principes et formule des recommandations. Or, si la plaignante souhaitait établir que l’intimé ne s’était pas conformé à une norme professionnelle généralement reconnue, une expertise s’imposait. L’expert devait alors prouver l’existence de la norme, puis l’écart entre cette norme et la conduite de l’intimé.
- Considérant le droit applicable et la preuve administrée, le Conseil en vient à la conclusion que la plaignante ne s’est pas déchargée de son fardeau de prouver que l’intimé a contrevenu à l’article 8 du Règlement sur la tenue des dossiers et des cabinets de consultation et sur la cessation d'exercice d'un membre de l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec, tel que libellé.
- Pour ces motifs, sous le chef 7, le Conseil acquitte l’intimé d’avoir contrevenu à l’article 8 du Règlement sur la tenue des dossiers et des cabinets de consultation et sur la cessation d'exercice d'un membre de l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec.
- Cela étant dit, la preuve non contredite démontre également que l’intimé s’est fait voler son ordinateur et son disque externe[71] alors qu’il se trouvait au Cameroun pour les funérailles de sa sœur. Il s’agit d’un événement imprévisible et irrésistible[72]. L’intimé est crédible à ce sujet : il a produit un rapport de vol et ses explications sont vraisemblables. Le Conseil retient donc sa version.
- Considérant le droit applicable et la preuve administrée, le Conseil en vient à la conclusion que la plaignante ne s’est pas déchargée de son fardeau de prouver que l’intimé a contrevenu à l’article 59.2 du Code des professions.
- Pour ces motifs, sur le chef 7, le Conseil acquitte l’intimé d’avoir contrevenu à l’article 59.2 du Code des professions.
EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, UNANIMEMENT :
Sous le chef 1
- ACQUITTE l’intimé d’avoir contrevenu à l’article 61 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés.
Sous le chef 2
- ACQUITTE l’intimé d’avoir contrevenu aux articles 61 et 62 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés.
Sous le chef 3
- ACQUITTE l’intimé d’avoir contrevenu à l’article 61 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés.
Sous le chef 4
- ACQUITTE l’intimé d’avoir contrevenu aux articles 61 et 62 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés.
Sous le chef 5
- DÉCLARE l’intimé coupable d’avoir contrevenu aux articles 6, 16 et 24 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés.
- ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures quant aux renvois aux articles 6 et 24 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés.
Sous le chef 6
- DÉCLARE l’intimé coupable d’avoir contrevenu aux articles 6, 16 et 24 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés.
- ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures quant aux renvois aux articles 6 et 24 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés.
Sous le chef 7
- ACQUITTE l’intimé d’avoir contrevenu à l’article 8 du Règlement sur la tenue des dossiers et des cabinets de consultation et sur la cessation d'exercice d'un membre de l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec.
- ACQUITTE l’intimé d’avoir contrevenu à l’article 59.2 du Code des professions.
- ORDONNE qu’une nouvelle audition soit tenue pour la détermination de la sanction à une date à être fixée par la Secrétaire du Conseil de discipline de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec.
| ___________________________________ Me MICHEL P. SYNNOTT Président ___________________________________ M. JOCELYN PATENAUDE, FCPA auditeur Membre ___________________________________ M. ANDRÉ VINCENT, FCPA auditeur Membre |
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Me Alexandre L. Racine et Me Marie-Claude Dagenais |
Avocats de la plaignante |
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Me Samantha Di Done |
Avocate de l’intimé |
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Dates d’audience : | 23 et 24 mai, 10 et 12 juin, 8 octobre 2024 |
| | |
[1] RLRQ, c. C-48.1, r. 6. Précision : il s’agit du Code de déontologie qui était en vigueur à l’époque visée par la plainte. Il a été remplacé le 9 mai 2024 par le nouveau Code de déontologie des comptables professionnels agréés, RLRQ, c. C-48.1, r. 6.1.
[2] RLRQ, c. C-48.1, r. 29.
[4] Me Claude G. Leduc, « La procédure disciplinaire du Barreau du Québec », dans École du Barreau, Collection de droit 2022-2023, vol. 1, « Éthique, déontologie et pratique professionnelle », Montréal, Yvon Blais, 499 pages, p. 253; Érick Vanchestein et al., Code des professions annoté, 4e éd., Montréal, Yvon Blais, 2020, 922 pages, p. 461; Jean-Guy Villeneuve et al., Précis de droit professionnel, Yvon Blais, Montréal, 2007, 445 pages, p. 215 et 225; Guy Cournoyer, « La faute déontologique : sa formulation, ses fondements et sa preuve », dans Service de la formation continue, Barreau du Québec, Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire (2016), Montréal, Yvon Blais, 2016, paragr. 203 et suiv., p. 298. Vaillancourt c. Avocats (Ordre professionnel des), 2012 QCTP 126, paragr. 62 à 68.
[5] Vaillancourt c. Avocats (Ordre professionnel des), supra, note 4, paragr. 62.
[6] Osman c Richer, 1994 CanLII 10779 (QC TP).
[7] Bisson c. Lapointe, 2016 QCCA 1078, paragr. 67; Cuggia c. Champagne, 2016 QCCA 1479, paragr. 20.
[8] Parizeau c. Barreau du Québec (syndics), 2001 QCTP 43.
[9] Charbonneau c. Déziel, 2023 QCCDINF 12, paragr. 22 à 31.
[10] Gonshor c. Morin, ès qualités (dentiste), 2001 QCTP 032, paragr. 48.
[11] Dentistes (Ordre professionnel des) c. Duguay, 2016 CanLII 47979 (QC ODQ), paragr. 19, référant également à : Dupéré-Vanier c. Camirand-Duff, 2001 QCTP 8; White Burgess Langille Inman c. Abbott and Halliburton Co., [2015] 2 RCS 182 et 2015 CSC 23; R. Abbey, [1982] 2 R.C.S. 24 et 1984 CanLII 25 (CSC).
[12] Boulin c. Axa Assurances inc., 2009 QCCQ 7643, paragr. 141 à 147.
[13] Chénier c. R., 2020 QCCA 368, extrait du paragr. 19; Voir également Charbonneau c. Déziel, 2023 supra, note 9, paragr. 34 à 38.
[14] Jean-Guy Villeneuve et al., supra, note 4, p. 170.
[15] Dupéré-Vanier c. Camirand-Duff, supra, note 11, paragr. 28. Voir également : Charbonneau c. Déziel, supra, note 9, paragr. 32 et 33; Gruszczynski c. Avocats (Ordre professionnel des), 2016 QCTP 143.
[16] Guy Cournoyer, supra, note 4, paragr. 152 et 153, p. 277.
[17] Ordre des architectes du Québec c. Duval, 2003 QCTP 144, paragr. 11.
[18] Pièce P-28 : Déclaration annuelle obligatoire 2020-2021 de l’intimé datée du 25 février 2020.
[19] Pièce I-2 : CV de monsieur [B].
[20] Madame Éveline Blain, directrice de l’admission et stages à la profession de l’Ordre a témoigné à cet effet. Voir également la pièce P-18 : son courriel adressé à la plaignante le 6 février 2023 par lequel elle confirme cette information.
[21] Voir : Loi sur les agents de voyage, RLRQ c. A-10 et le Règlement sur les agents de voyages, RLRQ, c. A-10, r.1. art. 7 et 8 (d) et (e).
[22] Voir le Règlement sur les agents de voyages, Id., art. 7 : le règlement emploi le terme « reconduction ».
[23] Règlement sur les agents de voyages, supra, note 21, art. 8 (d) et (e).
[24] Pièce P-2.1 : Durand Ngangué, CPA auditeur, Rapport de mission d’examen du professionnel en exercice indépendant, signé à Montréal le 30 décembre 2020 : [Compagnie A] - États financiers au 30 juin 2020.
[25] Pièce P-2.2 : Durand Ngangué, CPA auditeur, Rapport de mission d’examen adressé à l’Office de la protection du consommateur, signé à Montréal le 30 décembre 2020 : [Compagnie A] – Bilan du compte en fidéicommis au 30 juin 2020.
[26] Le Conseil réfère ici au témoignage de madame Cloutier, de l’OPC, et aux pièces accompagnant sa demande d’enquête Pièce P-2 en liasse comprenant les documents produits à l’OPC.
[27] Pièce P-29 : Déclaration annuelle obligatoire 2021-2022 de l’intimé datée du 26 janvier 2021.
[28] Pièce P-2.3 : Durand Ngangué, CPA auditeur, Rapport de mission d’examen du professionnel en exercice indépendant, signé à Montréal le 30 janvier 2022: [Compagnie A] - États financiers au 30 juin 2021.
[29] Pièce P-2.4 : Durand Ngangué, CPA auditeur, Rapport de mission d’examen adressé à l’Office de la protection du consommateur, signé à Montréal le 30 mars 2022: [Compagnie A] – Bilan du compte en fidéicommis au 30 juin 2020. Note : Le Conseil réfère ici aux pièces accompagnant la demande d’enquête formulée par madame Cloutier, représentante de l’OPC, Pièces P-2 en liasse puisque, selon la preuve non contredite, il s’agit des documents produits à l’OPC. La pièce P-2.4 indique d’ailleurs très clairement que l’intimé a signé le 30 mars 2022 la lettre adressée à l’OPC.
[30] Pièce P-4.9. Cette copie fut remise par l’intimé à la plaignante dans le cadre de l’enquête de cette dernière. Toutefois, comme on le verra plus loin, l’intimé a témoigné en mentionnant qu’à la suite du vol de son ordinateur et disque de sauvegarde, il n’avait plus son dossier.
[31] Pièce P-2.4, supra, note 29. Cette pièce fut remise à l’OPC, car la représentante de l’OPC l’a soumise au soutien de sa demande d’enquête.
[32] Pièce P-30: Déclaration annuelle obligatoire 2022-2023 de l’intimé datée du 7 mars 2022.
[33] Pièce P-2 en liasse : Demande d’enquête (formulaire) et pièces jointes – Date de soumission : 12 septembre 2022.
[34] Pièce P-6 : Courriel de l’OPC à la plaignante daté du 7 novembre 2022 et pièce jointe.
[35] Pièce P-6 : Document joint au courriel, Id. Cette pièce est également produite avec la pièce P-4.10.
[36] Ce compte correspond au compte en fiducie, tel qu’il appert de la Pièce P-32 : Relevé du compte en fiducie no. 4XXX-XXXXX66 couvrant la période du 30 novembre 2017 au 29 décembre 2017. Selon le témoignage de madame Cloutier, ce relevé fut remis à l’OPC lors de la demande de permis initiale. La Société [A] a alors indiqué que ce compte était le compte en fidéicommis de l’agence de voyages.
[37] Voir la pièce P-32 : Relevé de compte de la Société [A] au 29 décembre 2017 et reçu par l’OPC le 26 janvier 2018.
[38] Pièce P-2.4, supra, note 29.
[39] Pièce P-5 : Sommaire des activités de formation continue 2017 à 2022.
[41] Il est de connaissance judiciaire, qu’en mars 2020, le monde entier est confronté à la pandémie de la COVID-19, tel que déclaré par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Le gouvernement du Québec a d’ailleurs déclaré l’état d’urgence sanitaire sur tout le territoire du Québec afin de protéger l’ensemble de la population. - Références concernant la connaissance judiciaire : Code civil du Québec, art. 2808 : « Le tribunal doit prendre connaissance d’office de tout fait dont la notoriété rend l’existence raisonnable incontestable. »; voir également : Ministère de la Justice, Commentaires du ministre de la Justice - Le Code civil du Québec, t. 2, Québec, Les Publications du Québec, 1993 : « Cet article introduit au Code civil une règle généralement reconnue par le droit antérieur et qui tire son origine de la ’common law’, comme les autres règles relatives à la connaissance judiciaire. Pour qu'un fait devienne de connaissance judiciaire, il faut qu'il soit notoire, c'est-à-dire que sa connaissance est répandue. Le domaine des faits notoires est très étendu; il va de la langue et des faits qui relèvent de l'expérience quotidienne jusqu'aux faits qui relèvent de l'histoire, de la géographie, de l'économie, etc. ». - Références concernant l’urgence sanitaire : Décret 177-2020 du 13 mars 2020 : « Concernant une déclaration d’urgence sanitaire conformément à l’article 118 de la Loi sur la santé publique. ». L’état d’urgence sanitaire est régulièrement renouvelé afin de protéger la population à tout le moins jusqu’au 3 juin 2022, comme établi au Décret 865-2022 du 25 mai 2022 : « Concernant le renouvellement de l’état d’urgence sanitaire conformément à l’article 119 de la Loi sur la santé publique. »; voir également le Code civil que Québec art. 2807 : « Le tribunal doit prendre connaissance d’office de droit en vigueur au Québec. »; Ministère de la Justice, Commentaires du ministre de la Justice - Le Code civil du Québec, t. 2, Québec, Les Publications du Québec, 1993 : « Le premier alinéa de cet article prescrit une règle du droit antérieur. L'expression ‘droit en vigueur’ a été préférée à l'expression ‘loi en vigueur’ pour englober les autres sources de droit comme les principes généraux du droit et les règles jurisprudentielles. ».
[42] Pièces P-4.10 en liasse. Cette pièce est également produite comme Pièce P-6, supra, notes 34 et 35.
[43] Pièces P-4.10 en liasse, Id., il s’agit du premier des deux documents de cette pièce.
[44] Pièce P-2.3, supra, note 28.
[45] Id., avis mentionné à la page 2 des états financiers.
[46] Cette admission est conforme avec une déclaration écrite antérieure faite par l’intimée à la plaignante. Voir la pièce P-22.3 : Questionnaire du bureau du syndic adressé à l’intimé le 22 mars 2023, à la Question 12, l’intimé répond : « […] À noter que je n’ai jamais rencontré physiquement la propriétaire […] ».
[47] Pièce P-22.3, Id., réponse à la question 10 c).
[48] Règlement sur les agents de voyages, supra, note 21, art. 6 p).
[49] Pièce P-4.5 au 30 juin 2020 et pièce P-4.9 au 30 juin 2021.
[50] Pièce P-22.3, supra, note 46, réponses aux questions 1 et 2.
[51] Pièce P-4.11 : Attestation de déclaration de perte ou de vol de la République du Cameroun – Délégation générale à la sûreté nationale datée du 14 février 2022.
[52] Comptables en management agréés c. Roger, 1999 Q.C.T.P. 46, page 10.
[53] Renaud c. Avocats, 2003 QCTP 111, paragr. 74 et suivants.
[54] R. c. Corporation de la Ville de Sault Ste-Marie (1978) 2 R.C.S. 1299.
[55] Strasser c. Roberge (1979) 2 R.C.S. 953.
[56] Renaud c. Avocats, supra, note 53, paragr. 102.
[57] Renaud c. Avocats, Id., paragr. 103.
[58] Réna Émond et Caroline Morin, « Les infractions règlementaires fédérales et provinciales » dans École du Barreau, Collection de droit 2023-2024, vol. 13, « Droit pénal – Infraction, moyens de défense et peine », Montréal, CAJQ, 2023, 438 pages, aux pages 62 à 63 concernant « 5. Les défenses applicables aux infractions de responsabilité stricte ». Dans l’arrêt Chaplin, la Cour suprême conjugue les deux défenses. Il faut appliquer un test objectif, c’est-à-dire qu’il faut se demander s’il s’agit d’une erreur qu’une personne raisonnable aurait commise dans les mêmes circonstances.
[59] Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel des) c. Pierre-Louis, 2015 CanLII 55401 (QC OIIA), paragr. 62 à 70.
[60] Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Desmeules, 2021 QCCDCPA 15. Voir le chef 6 dans ce dossier.
[61] Id., paragr. 33 à 28.
[62] Lors de son témoignage, la plaignante a mentionné qu’advenant qu’une modification s’impose en cours d’année, il n’y a pas de formulaire en ligne permettant de modifier la déclaration annuelle déjà soumise. Malheureusement, la procédure à suivre pour procéder à un changement n’a pas été décrite faisant en sorte que le Conseil n’est pas en mesure de comprendre précisément quelle démarche l’intimé aurait pu ou aurait dû entreprendre.
[63] Kienapple c. R., 1974 CanLII 14 (CSC).
[64] Kienapple c. R., supra, note 63.
[65] Blouin c. Longtin et autres, 1978 CanLII 174 (CSC), [1979] 1 RCS 577, p. 583.
[66] Tremblay c. Dionne, 2006 QCCA 1441, paragr. 84.
[67] Nellis c. Arpenteurs-géomètres (Ordre professionnel des), 2024 QCTP 55, paragr. 40 et 58.
[68] Blanchet c. Avocats, 2005 QCTP 60, paragr. 95 à 98 : le Tribunal rappelle que la rédaction de la plainte disciplinaire nécessite une rigueur qui circonscrive bien le débat judiciaire, ce qui a pour corollaire que l’intimé ne saurait être déclaré coupable pour autre chose que ce qui est écrit dans la plainte.
[69] Pièce P27 : Courriel explicatif de madame Mélanie Verville adressé à la plaignante le 26 février 2024 et documents annexés.
[70] Pièce P-27.1 : Guide-TI Fr Version originale 2017.
[71] Pièce P-4.11 : Attestation de déclaration de perte ou de vol, supra, note 51.
[72] Article 1470 du Code civil du Québec : c’est la définition d’une « force majeure ».