Décision

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Bélair c. Pavé Ex-Tra inc.

2014 QCCQ 3977

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

JOLIETTE

LOCALITÉ DE

REPENTIGNY

« Chambre civile »

N° :

730-32-007571-131

 

 

 

DATE :

12 MAI 2014

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

JIMMY VALLÉE, J.C.Q.

 

______________________________________________________________________

 

 

CLAUDETTE BÉLAIR

Demanderesse/défenderesse reconventionnelle

c.

PAVÉ EX-TRA INC.

-et-

JENNIFER BRISEBOIS

-et-

SÉBASTIEN AVOINE

Défendeurs

 

-et-

PAVÉ EX-TRA INC.

Demanderesse reconventionnelle

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Madame Claudette Bélair réclame la somme de 7 000 $ à Pavé Ex-tra inc. (ci-après «Pavé»), Jennifer Brisebois et Sébastien Avoine en raison de malfaçons suite à des travaux d'aménagement paysager exécutés par Pavé à sa demande.

[2]           Madame Jennifer Brisebois est la seule actionnaire de Pavé alors que monsieur Sébastien Avoine a représenté l'entreprise dans le présent dossier.

[3]           Pavé se porte demanderesse reconventionnelle et réclame le solde dû sur facturation, soit une somme de 745,69 $.

Les faits pertinents à la solution du litige

En demande

[4]           Bélair[1] requiert une soumission de Pavé pour faire remettre à niveau sa terrasse en pavé uni sur laquelle se retrouve son spa à l'arrière de sa résidence.

[5]           Elle rencontre Avoine qui prépare une soumission par écrit le 27 avril 2013. Les parties s'entendent pour un montant de 4 630 $ à être payé comptant sans aucune taxe.

[6]           Avoine refuse de lui remettre immédiatement copie du document en question. Elle le rappelle le même jour et il revient lui donner une copie sur laquelle a été découpé l'en-tête en haut du document à gauche, où se trouvait le nom de l'entreprise, et a été rajouté à la main le nom de Sébastien Avoine.

[7]           Dès ce même jour, on amène certains matériaux chez elle. Les travaux commencent le mardi suivant 30 avril. Bélair détaille tous les problèmes encourus par les représentants de Pavé dans l'exécution des travaux. Ils ont notamment de la difficulté à débrancher le spa et à le déplacer. Un des panneaux de la jupe du spa est endommagé.

[8]           Dès cette même journée vers l'heure du midi, Avoine veut déjà la moitié de la somme entendue, soit 2 300 $. Madame offre de lui payer 1 000 $ mais celui-ci se fâche suite à cette offre. Madame accepte donc de lui remettre 2 300 $, ce qu'elle fait le même après-midi.

[9]           Le mercredi, les représentants de Pavé n'arrivent que vers 14 heures et ne demeurent sur le chantier que quelques heures. Le jeudi 2 mai, il ne se passe rien. Le vendredi 3 mai vers 9 heures, les représentants de Pavé amènent certains matériaux sur les lieux.

[10]        Avoine lui parle tout de suite du paiement de la deuxième moitié qu'il veut «cash» ou par traite bancaire dès la fin des travaux. Madame lui dit on en reparlera plus tard et Avoine se fâche en lui mentionnant que c'est lui le boss. Il décide de quitter le chantier après seulement 15 minutes. Les travaux ne seront jamais complétés.

[11]        Bélair reçoit par la suite une facture, émanant de Pavé, pour une somme totale de 3 045,69 $, donc un solde à payer de 745,69 $. À noter que cette facture inclut cette fois la TPS et la TVQ. Madame affirme avoir déjà payé beaucoup trop pour le peu de travail qui a été exécuté chez elle.

[12]        Bélair réclame une somme de 344,93 $ pour la jupe abîmée, 38,93 $ pour des tuyaux en PVC, 33,30 $ pour des frais postaux, 7 134,20 $ pour une facture payée à Aménagement paysager Ouellet, entreprise appelée a effectué les travaux au mois de juin, le remboursement du dépôt initial de 2 300 $ payé à Avoine le 30 avril, 1 050 $ pour la perte de jouissance de sa cour, de son spa et de son entrée de garage, en plus de 2 790 $ pour l'impact fiscal qu'elle devra assumer suite à un retrait de son régime enregistré d'épargne-retraite.

[13]        Elle accepte de réduire sa réclamation à 7 000 $ pour respecter la limite de la compétence monétaire de la Division des petites créances.

[14]        Elle fait également entendre monsieur Benjamin Adam Ouellet dont l'entreprise a repris les travaux au mois de juin 2013. Il a refait le tout avec des matériaux neufs. Selon lui, il y avait quelques heures de travail de complétées sur les lieux et il a donc octroyé à Bélair un crédit de 300 $ en plus de recevoir un crédit de 300 $ pour du matériel qu'il n'a pas utilisé et qu'il s'est fait rembourser.

En défense

[15]        Avoine explique tout d'abord que c'est madame qui voulait payer comptant. Son entreprise ne voulait pas procéder de la sorte. Il précise avoir fait une bonne partie des travaux mais lorsque madame lui a indiqué le vendredi qu'elle ne voulait pas le payer et qu'elle le paierait quand ça allait lui tenter, il a refusé de terminer les travaux s'il n'était pas payé et a donc quitté le chantier.

[16]        L'entreprise réclame le solde dû sur la facture transmise à madame après les travaux soit 745,69 $.

Analyse et décision

Le fardeau de preuve

[17]        Afin de faciliter la compréhension du présent jugement par les parties, le Tribunal croit important de reproduire les articles du Code civil du Québec qui reçoivent ici application.

[18]        L'article 2803 C.c.Q énonce:

« Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée. »

 

[19]        Cet article impose au demandeur le fardeau de prouver les allégations contenues dans sa demande et ce, par prépondérance de preuve.

[20]        L'article 2804 C.c.Q. ajoute:

« La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante. »

 

[21]        Ce dernier article permet au Tribunal d'apprécier la preuve présentée de part et d'autre par les parties, afin de déterminer si, effectivement, l'existence d'un fait est plus probable que son inexistence.

 

Contrat d'entreprise

[22]        Le contrat intervenu entre les parties en est un d'entreprise au sens du Code civil du Québec (C.c.Q., art. 2098). Pavé s'est engagée envers Bélair à réaliser un ouvrage matériel, moyennant un prix que cette dernière s'est obligée à lui payer. Il s'agit d'un contrat à forfait conclu pour un prix qui comprend, à l'égard des travaux prévus, le coût de la main-d'œuvre et des matériaux.

[23]        Pavé avait l'obligation d'exécuter les travaux selon les règles de l'art et se rapporter à l'ensemble des techniques et pratiques de construction approuvées qui assurent des ouvrages de qualité. Elle est assujettie à une obligation de résultat (article 2100 C.c.Q).

[24]        La loi prévoit que l'entrepreneur doit garantir les malfaçons apparentes ou non qui affectent l'ouvrage une fois les travaux exécutés.

[25]        De son côté, le client insatisfait peut se prévaloir d'un des recours prévus à l'article 1590 C.c.Q. Dans tous les cas, il doit préalablement adresser une mise en demeure et minimiser ses dommages.

[26]        De façon manifeste, ce contrat a été fait en contravention des lois fiscales pour des paiements «cash» et ce, dans un but ultime de priver la collectivité de taxes et impôts.

[27]        L'entente prévoit des paiements comptants, sans taxe et son existence même ne laissera aucune trace, fiscale ou autre. Le Tribunal n'accepte d'aucune façon les explications qu'ont tenté de lui faire croire les deux parties et il ne peut se faire complice d'une telle façon de faire qui prive indûment et illégalement la collectivité.

[28]        Ce contrat va à l'encontre de l'ordre public et doit en conséquence être déclaré nul. Un certain courant jurisprudentiel tend même vers le refus du Tribunal d'intervenir lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, une convention est conclue en fraude des droits collectifs. Mais comme l'a écrit le juge Massol[2]:

[105] Ainsi, même si on conclut que le contrat est frappé de nullité, il y a lieu de mettre en application le principe posé à l'article 1422 C.c.Q. :

« Le contrat frappé de nullité est réputé n'avoir jamais existé.

Chacune des parties est, dans ce cas, tenue de restituer à l'autre les prestations qu'elle a reçues. »

[106] L'article 1700 C.c.Q., quant à lui, établit la façon que les parties peuvent se restituer les prestations :

« La restitution des prestations se fait en nature, mais si elle ne peut se faire ainsi en raison d'une impossibilité ou d'un inconvénient sérieux, elle se fait par équivalent.

L'équivalence s'apprécie au moment où le débiteur a reçu ce qu'il doit restituer. »

[107] Aux termes de l'article 1699 C.c.Q., ce n'est qu'exceptionnellement que le Tribunal peut refuser la restitution, mais il peut, de façon discrétionnaire selon les faits qui lui sont soumis, « modifier l'étendue ou les modalités de la restitution ».

 

 

[29]        Comme dans cette affaire, il serait ici contraire à l'équité et à la justice que le Tribunal ne sanctionne pas l'exécution déficiente des travaux. Il peut donc, malgré la nullité prononcée en raison d'une contravention à l'ordre public, apporter un correctif en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 1699 C.c.Q. qui se lit comme suit :

1699. La restitution des prestations a lieu chaque fois qu'une personne est, en vertu de la loi, tenue de rendre à une autre des biens qu'elle a reçus sans droit ou par erreur, ou encore en vertu d'un acte juridique qui est subséquemment anéanti de façon rétroactive ou dont les obligations deviennent impossibles à exécuter en raison d'une force majeure.

Le tribunal peut, exceptionnellement, refuser la restitution lorsqu'elle aurait pour effet d'accorder à l'une des parties, débiteur ou créancier, un avantage indu, à moins qu'il ne juge suffisant, dans ce cas, de modifier plutôt l'étendue ou les modalités de la restitution.

 

[30]        Malgré le fait que les deux parties soient de façon égale responsable de la conclusion d'un contrat illégal, le Tribunal ne peut d'aucune façon avaliser la façon de faire de monsieur Avoine qui a découpé l'en-tête du contrat où le nom de la compagnie apparaissait pour écrire le sien à la main. Il s'est ainsi rendu responsable personnellement des sommes auxquelles madame Bélair pourrait avoir droit.

[31]        De l'avis de monsieur Ouellet, la valeur des travaux effectués et des matériaux laissés sur les lieux était de 600 $. Selon Pavé, elle était de 3 045 $, incluant cette fois les taxes. Or, le contrat initial n'était pas conclu avec Pavé, mais avec Avoine. Usant de la discrétion judiciaire dont il jouit, le Tribunal fixe à 800 $ la valeur des travaux effectués. La somme de 1 500 $ devra donc être restituée.

[32]        Devra également être remboursée à madame la somme de 344 $ pour les dommages occasionnés à la jupe du spa ainsi que 33,30 $ pour les frais postaux de mise en demeure.

[33]        Considérant la nature du contrat intervenu en l'espèce, les autres éléments de la réclamation de madame ne le lui sont pas accordés. De toute façon, le Tribunal ne voit pas en quoi les défendeurs pourraient être responsables d'un contrat qu'elle a signé ultérieurement, avec une autre entreprise, pour faire effectuer des travaux différents.

[34]        Le Tribunal retient la responsabilité personnelle de monsieur Sébastien Avoine qui s'est avancé dans le présent dossier et a tenté de conclure le contrat lui-même, aussi sur la base d'un paiement comptant.

[35]        Il en va autrement de madame Brisebois, administratrice de l'entreprise, dont l'implication dans le dossier n'a été démontrée d'aucune façon.

[36]        Vu les conclusions auxquelles en arrive le Tribunal, la demande reconventionnelle est rejetée.

[37]        POUR TOUS CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[38]        ACCUEILLE en partie la demande;

[39]        CONDAMNE Pavé Ex-Tra inc. et Sébastien Avoine in solidum à payer à madame Claudette Bélair la somme de 1 877,30 $ avec intérêts au taux légal de 5% l'an majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q. à compter du 13 juin 2013 et les frais judiciaires limités à la somme de 100 $;

[40]        REJETTE la demande contre madame Jennifer Brisebois, sans frais;

[41]        REJETTE la demande reconventionnelle, sans frais.

 

 

__________________________________

JIMMY VALLÉE, J.C.Q.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

1er MAI 2014

 



[1]     L'utilisation des seuls noms de famille dans le présent jugement a pour unique but d'alléger le texte et ne doit aucunement être interprétée comme un manque de courtoisie à l'égard des personnes concernées.

[2]     Dion c. Soucy  2012 QCCQ 3084

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