Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
Banque Nationale du Canada c

Banque Nationale du Canada c. Charneau

2007 QCCQ 11479

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

LOCALITÉ DE

MONTRÉAL

« Chambre civile »

N° :

500-22-125191-067

 

DATE :

26 septembre 2007

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

SYLVAIN COUTLÉE, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

BANQUE NATIONALE DU CANADA

Demanderesse

c.

Sylvie CHARNEAU

Défenderesse

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]                La demanderesse, Banque Nationale du Canada (BNC), réclame de la défenderesse, madame Sylvie Charneau, la somme de 8 596.54 $ représentant le solde dû en capital et intérêts, au compte Master Card.

[2]                Madame Charneau refuse de payer parce qu'elle prétend n’avoir jamais reçu la carte de crédit de la BNC.  Au surplus, elle allègue que toute la correspondance, y compris les états de compte, était adressée à son mari de l’époque.  Ce n’est que suite à la faillite de son ex-mari que son nom a été ajouté sur les états de compte.

 

Les faits

[3]                En avril 2002, madame Charneau et son mari de l’époque, Benoît Rochon, ont fait une demande à la BNC afin d’obtenir une carte de crédit.  Madame Charneau apparaît au formulaire de demande (P-1) comme codemanderesse.

[4]                Madame Charneau, qui est aujourd’hui divorcée de Benoît Rochon, prétend n’avoir jamais eu en sa possession la carte de crédit émise par la BNC.  Pendant toute la durée du mariage, madame Charneau soutient qu’elle n’ouvrait pas le courrier de son mari.  C’est ainsi qu’elle explique n’avoir jamais eu possession de la carte de crédit.

[5]                Durant la vie commune, madame Charneau témoigne qu’elle n’a personnellement jamais reçu ni correspondance ni état de compte à son nom à l’adresse de la résidence familiale, soit le [...] à St-Hubert.

[6]                La preuve révèle que Benoît Rochon fait cession de ses biens en août 2005.  À compter du mois suivant, les états de compte sont désormais libellés au deux noms et expédiés à la nouvelle adresse de monsieur Rochon, soit le [...].  Madame Charneau n’a jamais habité à cet endroit.  La preuve démontre que madame Rochon a habité sur la rue [...] jusqu’au 30 octobre 2006.

[7]                D’ailleurs, madame Charneau soutient n’avoir jamais vu un état de compte avant l’institution des procédures en juillet 2006.

[8]                Il appert de la preuve que des versements sont dus et échus au compte de la carte de crédit.  Suite au défaut des débiteurs, la BNC expédie un avis de déchéance du terme, daté du 28 mars 2006, adressé à madame Charneau et expédié à l’adresse de monsieur Rochon, sur la rue [...].  Ce n’est que quelques jours plus tard que madame Charneau reçoit, à son adresse de la rue [...], ledit avis (P-3).

Analyse et discussion

[9]                À l’audition, la procureure de la BNC amende séance tenante sa réclamation à 4 000 $ afin de refléter la limite de crédit à laquelle madame Charneau s’est engagée lors de sa demande d’adhésion.

[10]            Essentiellement, la BNC plaide deux arguments :

[11]            Premièrement, la signature de madame Charneau apparaît au bas du formulaire intitulé « Demande d’adhésion ».  À cet effet, madame Charneau affirme ne pas être certaine qu’il s’agit de sa signature.  Cependant, dans son témoignage, celle-ci reconnaît avoir fait la demande de carte de crédit.

[12]            Deuxièmement, au formulaire d’adhésion, à la rubrique « IMPORTANT - SIGNATURE OBLIGATOIRE » on peut y lire :

« Le demandeur se porte solidairement responsable de toutes dettes encourues du fait d’un transfert de soldes ou de l’utilisation de la ou des carte(s) émise(s).

Les soussignés ont pris connaissance des modalités au verso, chacun des demandeurs a lu les conditions au verso et accepte de s’y conformer. Chacun a également lu l’utilisation que la banque peut faire de ses renseignements personnels et reconnaît qu’on l’a informé de son droit de restreindre cette utilisation. »

[13]            Au verso du formulaire on y défini les obligations des demandeurs.  Dans un premier temps, les "demandeurs" signifie :

« désigne collectivement et individuellement chacun des demandeurs, le conjoint et la caution, le cas échéant. »

[14]            Est aussi indiqué que :

« Le demandeur s’engage à respecter les conditions régissant l’utilisation de la carte Syncro Master Card émise par la Banque et accompagnant la carte à l’émission, ainsi que les termes et conditions de tout contrat relatif aux services que le demandeur pourra se procureur au moyen de cette carte. »

[15]            Même si madame Charneau prétend n’avoir jamais reçu la carte de crédit, cela ne la décharge pas d’honorer ses obligations envers la BNC.

[16]            En apposant sa signature sur la demande d’adhésion, madame Charneau s’engage à respecter toutes et chacune des conditions qui y sont stipulées.

[17]            Les termes de la convention liant les parties sont clairs, dans ces circonstances le Tribunal ne peut s’en écarter.  Le Tribunal accorde donc la réclamation de la BNC en capital.

[18]            Par ailleurs, la BNC réclame de madame Charneau des intérêts au taux de 11.50 % à compter du 21 mars 2006, soit la date du dernier relevé de compte.

[19]            Cependant, la Loi sur la protection du consommateur (L.R.Q. c. 40.1) stipule à son article 126 :

« État de compte.

126.  À la fin de chaque période, le commerçant, s'il a une créance à l'égard d'un consommateur, doit lui fournir un état de compte, posté au moins vingt et un jours avant la date à laquelle le créancier peut exiger des frais de crédit si le consommateur n'acquitte pas la totalité de son obligation; dans le cas d'une avance en argent, ces frais peuvent courir à compter de la date de cette avance jusqu'à la date du paiement.

Contenu.

L'état de compte doit mentionner:

 a) la date de la fin de la période;

 b) le solde du compte à la fin de la période précédente en spécifiant la partie de ce solde que représentent les avances en argent consenties;

 c) la date, la description et la valeur de chaque transaction portée au débit du compte au cours de la période, sauf si le commerçant annexe à l'état de compte une copie des pièces justificatives;

 d) la date et le montant de chaque paiement effectué ou de chaque somme créditée au cours de la période;

 e) les frais de crédit exigés pendant la période;

 f) le solde du compte à la fin de la période;

 g) le paiement minimum requis pour cette période; et

 h) le délai pendant lequel le consommateur peut acquitter son obligation sans être tenu de payer des frais de crédit sauf sur les avances en argent.

Copie de pièces justificatives.

Le consommateur peut exiger du commerçant qu'il lui fasse parvenir sans frais une copie des pièces justificatives de chacune des transactions portées au débit de son compte au cours de la période.

1978, c. 9, a. 126. » (nos soulignements)

[20]            Comme le disait Nicole L'Heureux, dans son ouvrage intitulé Droit de la consommation[1] :

« Le commerçant ne peut exiger des frais de crédit sur le solde impayé, sauf à l'égard des avances en argent, tant que le consommateur n'a pas reçu à son adresse, un état de compte (art. 126). »

[21]            Quant au fardeau de la preuve, elle s'exprime ainsi :

« … le commerçant a le fardeau de prouver que l'état de compte a été reçu par le consommateur. »

[22]            Or, il appert de la preuve que les états de compte n’ont jamais été expédiés à madame Charneau pas plus qu’ils ne lui étaient adressés.  Dans ces circonstances, le Tribunal attribuera les intérêts réclamés par la BNC à compter le 25 juillet 2006, date à laquelle madame Charneau a reçu les états de compte, soit la date de signification de la requête introductive d’instance.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

ACCUEILLE la réclamation amendée de la demanderesse;

CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 4 000 $ avec intérêts au taux de 11.50% à compter du 25 juillet 2006;

LE TOUT avec dépens.

 

 

__________________________________

SYLVAIN COUTLÉE, J.C.Q.

 

Me Kathleen Rhéaume

Côté Masson S E N C

Procureurs de la demanderesse

600, de la Gauchetière Ouest, 11ième étage

Montréal QC  H3B 4L2

 

 

Madame Sylvie Charneau

[...]

St-Hubert QC  [...]

 

 

 

 

Date d’audience :

21 septembre 2007

 



[1]     Nicole L'HEUREUX, Droit de la consommation, 5e édition, Les Éditions Yvon Blais inc., 2000, p.160.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.