Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (E.B.) c. 9302-6573 Québec inc. (Bar Lucky 7) | 2024 QCTDP 9 | |||||
TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE | ||||||
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CANADA | ||||||
PROVINCE DE QUÉBEC | ||||||
DISTRICT DE | MONTRÉAL | |||||
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N° : | 500-53-000603-215 | |||||
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DATE : | 10 juin 2024 | |||||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE | L’HONORABLE | CATHERINE PILON, J.C.Q. | ||||
AVEC L’ASSISTANCE DES ASSESSEURES : |
Me Marie-Josée Paiement Me Myriam Paris-Boukdjadja | |||||
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COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, agissant dans l’intérêt public et en faveur d’E.B. | ||||||
Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
9302-6573 QUÉBEC INC. " BAR LUCKY 7 " | ||||||
-et- | ||||||
SAYEED AHMED SIKDER | ||||||
Parties défenderesses | ||||||
-et- | ||||||
E.B.[1] | ||||||
Partie victime alléguée et plaignante | ||||||
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JUGEMENT | ||||||
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[1] La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) agit dans l’intérêt public et en faveur de la plaignante et victime alléguée, E.B.
[2] E.B. s’identifie comme une femme trans. Elle postule un emploi au sein du Bar Lucky 7 exploité par la partie défenderesse 9302-6573 Canada Inc. (le Bar) et se présente pour une formation à la demande de la partie défenderesse, Sayeed Ahmed Sikder, gérant du Bar. L’employée qui la forme est pleinement satisfaite de sa prestation. Toutefois, au bout de quelques heures, M. Sikder aurait demandé à E.B. si elle était trans, ce à quoi elle a répondu positivement. Les parties défenderesses auraient alors refusé de l’embaucher.
[3] M. Sikder justifie son refus d’engager E.B. en invoquant un risque de sécurité pour elle ou la réaction de sa clientèle.
[4] E.B. porte plainte à la CDPDJ pour refus d’embauche discriminatoire.
[5] Considérant la preuve suffisante et agissant dans l’intérêt public et en faveur d’E.B., la CDPDJ soutient dans son mémoire qu’elle a subi de la discrimination fondée sur son identité de genre :
22. Ainsi, en refusant d’embaucher [E. B.] pour un poste de serveuse en tout ou en partie fondée sur sa transsexualité, les défendeurs ont porté atteinte à son droit à l’égalité en emploi, sans distinction ou exclusion fondée sur l’identité de genre, le tout contrairement aux articles 10 et 16 de la Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c C-12 (ci-après la « Charte »).
23. Par la même occasion, les défendeurs ont porté atteinte au droit de [E. B.] à la sauvegarde de sa dignité, sans distinction ou exclusion fondée dur l’identité de genre, le tout contrairement aux articles 4 et 10 de la Charte.
[6] La CDPDJ propose des mesures de redressement comprenant des indemnités de 118,40 $ pour perte de revenu, de 12 000 $ pour préjudice moral et de 2 000 $ chacun contre le Bar et M. Sikder pour dommages-intérêts punitifs.
[7] M. Sikder et le Bar ne donnant pas suite aux mesures de redressement proposées, la CDPDJ dépose la présente demande devant le Tribunal.
[8] Les parties défenderesses n’ont jamais répondu à la demande ni n’étaient présentes lors de l’audience, de sorte que le Tribunal a procédé par défaut sur la base de la preuve offerte par la CDPDJ.
Questions en litige
[9] Afin de résoudre le litige, le Tribunal doit répondre aux questions suivantes :
Contexte
[10] Vu l’absence de toute réponse et participation des parties défenderesses à l’instance, le Tribunal considère que les allégations portant sur les événements tels que rapportés dans la demande introductive d’instance et dans le mémoire ont été établis selon la prépondérance des probabilités à la lumière des déclarations sous serment et des pièces produites.
[11] Depuis l’enfance, E.B. s’identifie comme une femme.
[12] À la suite d’un déménagement à Montréal, E.B. commence à se chercher un emploi dans un bar. Elle tient sa mère au courant de ses démarches lors de leurs fréquents appels téléphoniques.
[13] Le 29 mars 2017, E.B. postule le poste de serveuse au Bar et elle transmet son curriculum vitae.
[14] Peu après, M. Sikder la contacte par Facebook, lui manifeste son intérêt pour sa candidature et lui indique les disponibilités de travail[3]. Les deux discutent au téléphone à la demande de M. Sikder.
[15] M. Sikder lui demande de se présenter au Bar le lendemain soir pour une formation, en précisant qu’il ne sera pas présent, mais que d’autres employés l’accueilleront et lui apprendront ce qu’elle doit savoir.
[16] Le 30 mars 2017 en début de soirée, E.B. se présente au Bar et est accueillie par le père de M. Sikder, identifié comme la personne responsable sur les lieux. Il lui donne la liste des prix et le code pour ouvrir la caisse, et lui présente D… S…, une employée, pour poursuivre la formation. Il demeure dans la salle à la vue du bar, durant la formation.
[17] Dans le cadre du processus d’embauche, E.B. fournit ses pièces d’identité et des photos sont prises. Des documents d’emploi lui sont remis afin qu’elle en prenne connaissance à son domicile.
[18] E.B. poursuit sa formation auprès de Mme S… qui lui donne des indications sur l’approche client et le type de clientèle fréquentant le Bar. Mme S… lui indique qu’elle apprécie son travail et qu’elle travaille bien.
[19] Après environ trois heures de formation, E.B. est avisée que sa formation est terminée et qu’on la contactera afin de lui donner ses heures de travail.
[20] Ravie, E.B. appelle sa mère, l’informe qu’elle a obtenu le poste de serveuse et qu’on lui fera parvenir son horaire sous peu.
[21] Sachant que M. Sikder revenait plus tard au Bar et voulant le remercier, E.B. décide d’y rester afin de se présenter à lui en personne. Elle aime l’ambiance du Bar et elle bavarde avec Mme S… et avec la clientèle, ainsi qu’avec le disc-jockey et sa conjointe.
[22] Quelques heures plus tard, vers 1 h, M. Sikder arrive. Il invite E.B. dans son bureau et s’informe de ses impressions sur la formation. Il lui demande ensuite si elle est trans.
[23] E.B. répond par l’affirmative et précise que tous ses papiers légaux sont à jour, qu’elle a terminé sa transition, qu’elle a eu une opération de réattribution sexuelle et qu’elle est une femme.
[24] M. Sikder lui signifie immédiatement qu’il ne peut pas l’engager.
[25] E.B. lui fait valoir que c’est de la discrimination, que selon la Charte il ne peut pas refuser de l’embaucher pour cette raison, que ce serait comme de refuser d’embaucher une femme parce qu’elle est enceinte.
[26] M. Sikder est indifférent à ces arguments et il lui dit :
Oui, ça paraît un peu dans ta voix. Moi, ça me dérange pas, mais c’est mon père qui veut pas… Juste la semaine passée, il a fallu que je sorte quelqu’un avec un bat de baseball. La clientèle est vieux-jeu, je ne veux pas avoir à prendre ta défense tous les jours.
[…]
Je peux t’offrir un verre avant de partir.[4]
[27] E.B. n’a pas été payée durant sa formation au Bar et elle n’a pas reçu sa part des pourboires.
[28] Bouleversée, E.B sort du bureau et informe Mme S… de la raison de son refus d’embauche. E.B. ne s’y attendait pas, elle est choquée, elle a l’impression que tout vient de s’écrouler. Elle est découragée.
[29] Mme S… lui indique être au courant et avoir pris sa défense, ayant été amplement satisfaite de sa prestation professionnelle lors de sa formation[5].
[30] Malgré les bons commentaires de Mme S… à l’endroit d’E.B., M. Sikder reste fermé et maintient son refus de l’engager.
[31] E.B. se rend à sa voiture et fond en larmes. Elle rappelle sa mère et lui révèle des pensées suicidaires. Elle est inconsolable, elle répète que sa vie est gâchée puisqu’à cause de sa voix elle ne sera jamais une femme. Elle révèle un plan assez détaillé d’utiliser son véhicule moteur pour créer une collision mortelle.
[32] La mère d’E.B., puis sa sœur, réussissent à la consoler un peu et à la convaincre de ne pas passer à l’acte.
[33] Le lendemain, se sentant lésée, E.B. tente de reprendre contact avec M. Sikder par Facebook. Elle lui transmet l’extrait de la Charte voulant que le refus de l’engager en raison de son identité de genre est discriminatoire[6]. M. Sikder n’a jamais répondu.
[34] E.B. dépose une plainte auprès de la CDPDJ deux semaines plus tard.
[35] Dans les jours et les semaines qui suivent l’événement du 31 mars 2017, E.B. est dépressive. Elle se sent comme si on lui avait coupé les ailes sur le dos, alors qu’elle a tout fait pour être considérée comme une « vraie femme ». Elle perd toute estime d’elle-même.
[36] La mère d’E.B. constate son désarroi, sa tristesse, son anxiété, sa démotivation et son état dépressif. Elle constate également la crainte d’E.B. de se chercher un emploi et les séquelles encore présentes à ce jour puisqu’E.B. conserve une préoccupation au sujet de son apparence physique.
[37] E.B. développe une obsession quant au timbre de sa voix et elle fait deux séjours aux États-Unis par la suite pour être opérée aux cordes vocales.
Droit applicable en matière de discrimination fondée sur l’identité ou l’expression de genre
[38] Les dispositions de la Charte pertinentes à la résolution du litige sont les suivantes :
4. Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation.
10. Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, l’identité ou l’expression de genre, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap.
Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.
16. Nul ne peut exercer de discrimination dans l’embauche, l’apprentissage, la durée de la période de probation, la formation professionnelle, la promotion, la mutation, le déplacement, la mise à pied, la suspension, le renvoi ou les conditions de travail d’une personne ainsi que dans l’établissement de catégories ou de classifications d’emploi.
49. Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnu par la présente Charte confère à la victime le droit d’obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte.
En cas d’atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs.
[39] Depuis les dernières années, la législation et la jurisprudence au sujet de l’identité et de l’expression de genre sont en pleine évolution.
[40] Avant d’aborder l’analyse, le Tribunal juge utile de faire un bref survol historique, et une revue du cadre législatif et jurisprudentiel en cette matière au Québec et dans le reste du Canada. La terminologie a également évolué, le Tribunal utilisera les termes tels qu’employés dans les différents jugements auquel il fera référence. Le Tribunal terminera cette partie avec une tentative de glossaire représentant les mots reliés à l’identité ou à l’expression de genre tels qu’ils sont compris aujourd’hui.
[41] En 1978, le législateur québécois introduit dans le Code civil du Québec (C.c.Q.) la possibilité de changer son nom et sa mention de sexe à l’État civil[7], reconnaissant ainsi l’existence des personnes transgenres en droit québécois.
[42] En 1998, dans la décision Maison des jeunes[8], alors que les motifs de discrimination de l’identité et de l’expression de genre n’étaient pas encore inscrits à l’article 10 de la Charte, le Tribunal des droits de la personne se penche sur la discrimination envers les personnes trans et, comme on l’appelait à l’époque, sur la transsexualité. Il conclut qu’une discrimination fondée sur la transsexualité est couverte par le motif du sexe[9].
[43] L’atteinte discriminatoire reprochée dans Maison des jeunes s’était produite dans un contexte d’emploi. La plaignante avait été congédiée pendant son processus de changement de sexe[10]. Étant donné la concomitance avec le changement de sexe, le Tribunal conclut que le transsexualisme et le processus de changement d’identité sexuelle ont joué un rôle dans son congédiement[11]. Le Tribunal rejette le moyen de défense voulant que son identité sexuelle l’empêcherait rationnellement d’accomplir son travail d’intervenante auprès d’adolescents et poserait un risque pour ceux-ci[12].
[44] Dans son analyse, le Tribunal se base, d’une part, sur les changements sociaux et sur la prise en compte progressive de cette réalité au Québec[13] et à l’international[14] et, d’autre part, sur le fait que la transsexualité est « une discordance entre les éléments objectifs et subjectifs du sexe »[15] et une tentative de « réunification des critères disparates constitutifs du sexe »[16]. En ce sens, la transsexualité est en propre une question de sexe et est donc couverte par ce motif.
[45] Déjà à l’époque, le Tribunal reconnaît que la chirurgie de changement de sexe n’est pas une condition nécessaire pour avoir accès à ce motif de discrimination[17], s’écartant des exigences du C.c.Q. en matière de changement de sexe à l’État civil[18].
[46] Des modifications législatives apportées en 2013, mais entrées en vigueur le 1er octobre 2015, ont supprimé l’exigence d’avoir subi des traitements médicaux et des interventions chirurgicales pour pouvoir faire modifier la mention du sexe apparaissant sur un acte de naissance[19].
[47] D’autres modifications législatives apportées en 2016 ajoutent à l’article 10 de la Charte « l’identité ou l’expression de genre » comme motifs de discrimination protégés.
[48] Il est possible depuis 2016 de changer la mention du sexe apparaissant sur l’acte de naissance d’une personne mineure : la demande de changement de nom pour correspondre à l’identité de genre peut être faite par un adulte, par le tuteur d’un enfant mineur ou par le mineur lui-même s’il est âgé de 14 ans et plus.
[49] Depuis, le Tribunal des droits de la personne a appliqué ce motif à une reprise, dans la décision Kin, où il accueille la demande, dans un contexte de propos discriminatoires[20]. Dans son analyse, le Tribunal interprète le motif de l’identité et de l’expression de genre à la lumière de la jurisprudence antérieure portant sur le motif de l’orientation sexuelle. Le Tribunal souligne que le fait d’injurier quelqu’un en raison de son identité de genre contrevient à son droit à la sauvegarde de sa dignité, et ce, de manière discriminatoire[21].
[50] En 2021, saisie d’une demande en jugement déclaratoire, la Cour supérieure s’est penchée en détail sur la place des personnes transgenres et non binaires dans le droit civil québécois, sur les questions de désignation et de changement de la mention de sexe au registre de l’État civil, et sur la désignation de la parentalité à l’acte de naissance d’un enfant, dans Center for Gender Advocacy[22].
[51] Ce jugement rendu par l’honorable Gregory Moore suscite le commentaire suivant de Me Audrey Boctor, avocate ayant représenté les demandeurs :
Le jugement constate l’extrême vulnérabilité des personnes trans et non binaires et il reconnaît que le fait de ne pas avoir accès à des documents d’identité reflétant adéquatement son identité de genre aggrave cette vulnérabilité. Nous avons dû mettre en preuve des témoignages et des études démontrant les taux choquants de suicide dans cette communauté, surtout auprès des adolescent.e.s trans et non binaires qui n’ont pas d’appui familial.[23]
[52] En réponse au jugement, le législateur procède à de nouvelles modifications législatives en 2022[24]. Entre autres, il ajoute un nouvel article 70.1 C.c.Q. afin de prévoir que la mention du sexe figurant à l’acte de naissance ou de décès d’une personne peut faire référence au qualificatif « non binaire »[25]. Il modifie plusieurs dispositions du C.c.Q. qui font référence au père et à la mère, dont les articles 111 et 115 C.c.Q., pour y ajouter la notion de « parent »[26] et permet la modification de la désignation à titre de père, de mère ou de parent d’une personne figurant à l’acte de naissance de son enfant pour qu’elle corresponde à la mention du sexe figurant à son propre acte de naissance ou pour que la désignation à titre de « parent » y apparaisse plutôt[27].
[53] Saisie d’une demande en appel sur des questions d’interprétation dans Center for Gender Advocacy[28], la Cour d’appel rend un arrêt en mars 2024[29] dont les conclusions se résument ainsi:
[…] LA COUR :
[…]
BIFFE le paragraphe 341 du jugement de première instance qui déclare invalide l’article 23.2 du Règlement relatif au changement de nom et d’autres qualités de l’état civil,
[…]
DÉCLARE que l’article 62 C.c.Q. doit être lu et interprété de sorte que la demande de changement de prénom formulée par un mineur de 14 ans et plus et motivée par une question d’identité de genre constitue un motif impérieux au sens de cet article.[30]
[54] La Cour d’appel définit ainsi le débat :
[2] Alors que le débat en première instance portait sur plusieurs dispositions législatives, l’appel ne concerne que deux d’entre elles qui imposent des exigences particulières aux personnes mineures désirant changer la mention de leur sexe ou encore un ou plusieurs de leurs prénoms sur leurs actes d’état civil[31].
[55] La Cour d’appel reconnaît que « les jeunes personnes transgenres ou non-binaires âgées de 14 à 17 ans font certainement partie d’un groupe protégé, les personnes transgenres et non-binaires ayant sans conteste été désavantagées compte tenu de leur identité de genre »[32].
[56] Au sujet de la publicité d’une demande de changement de nom ou de sexe et autres conditions prévues aux articles 72 et 73 C.c.Q., la Cour d’appel comprend de ces dispositions « que le législateur était conscient de l’importance de protéger la dignité et la vie privée des personnes dont l’identité de genre ne correspond pas à la mention du sexe apparaissant à leur acte de naissance »[33].
[57] La Cour d’appel, sous la plume du juge Hamilton, ajoute :
[220] J’estime dans un premier temps que les personnes transgenres et non‑binaires constituent un groupe protégé. L’identité de genre ne figure pas à l’article 15 de la Charte Canadienne. Toutefois, suivant le critère énoncé par la Cour suprême dans l’arrêt Corbiere, l’identité de genre est un motif analogue aux motifs énumérés dans la mesure où il s’agit d’une caractéristique personnelle « soit immuable, soit modifiable uniquement à un prix inacceptable du point de vue de l’identité personnelle ». Les témoins entendus en première instance sont unanimes et le juge de première instance en arrive à cette conclusion, qu’il convient de reprendre ici. En ce qui concerne la Charte québécoise, l’identité de genre est un des motifs de discrimination expressément prohibés par l’article 10.[34]
[58] En 2023, le Tribunal canadien des droits de la personne s’est exprimé au sujet du contexte social et de la vulnérabilité vécue par les personnes transgenres dans l’affaire Bilac[35]. Cette cause concernant un homme transgenre porte sur l’identité de genre et sur le harcèlement qu’il a vécu dans son milieu de travail :
[149] En ce qui concerne le contexte social ou la vulnérabilité de M. Bilac, j’estime que le commentaire suivant du TDPCB est très pertinent en l’espèce : [traduction] « La vulnérabilité se manifeste de différentes façons, notamment par la situation individuelle du plaignant et par l’appartenance de ce dernier à un groupe que la société a stéréotypé, désavantagé ou marginalisé ».
[150] La vulnérabilité de M. Bilac se manifeste donc de plusieurs façons. Tout comme le plaignant dans l’affaire Nelson v. Goodberry, M. Bilac était [traduction] « vulnérable en raison des forces de l’inégalité systémique qui continuent d’opprimer, de marginaliser et de discriminer les personnes transgenres ». Ce contexte a bien été résumé par le TDPCB dans l’affaire Oger v. Whatcott
[traduction]
Ainsi, malgré certains gains, les personnes transgenres demeurent parmi les citoyens les plus marginalisés de notre société. Leur vie est marquée par « des désavantages, des préjugés, des stéréotypes et la vulnérabilité » […] Les personnes transgenres ont parfois de la difficulté à trouver un emploi ou un logement, ne bénéficient pas d’un accès équitable aux soins de santé et à d’autres services publics essentiels et sont plus exposées au harcèlement et à la violence ciblés. En conséquence, on constate un isolement social, ainsi que des taux plus élevés de toxicomanie, de mauvaise santé mentale, de suicide et de pauvreté […].[36]
(Références omises)
[59] La grande majorité des provinces canadiennes a légiféré pour prohiber toute discrimination fondée sur l’identité et l’expression de genre, notamment l’Ontario[37] et le Manitoba en 2012[38], et la Colombie-Britannique en 2016[39]. Le législateur fédéral a aussi modifié la Loi canadienne sur les droits de la personne[40] pour y inclure les motifs d’identité et d’expression de genre en 2016[41]. L’application de ces motifs de discrimination est très similaire dans tout le Canada.
[60] Les tribunaux des autres provinces traitent de trois questions pertinentes aux motifs de discrimination que sont l’identité et l’expression de genre : la non-nécessité de la chirurgie, le respect des pronoms choisis, ainsi que l’identification neutre du sexe à l’État civil.
[61] D’abord, le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario dans sa décision XY c. Ontario (Minister of Government and Consumer Services)[42], a considéré que l’exigence d’une « chirurgie transsexuelle » pour changer la mention de genre à l’État civil ontarien était discriminatoire. Par le fait même, toutes formes de traitements médicaux ne peuvent plus être une condition pour le changement de genre à l’État civil ontarien ou pour invoquer le motif de discrimination de l’identification de genre énoncé au Human Rights Code ontarien.
[62] Dans l’affaire Nelson v. Goodberry Restaurant Group Ltd. dba Buono Osteria and others[43], le Tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique a déterminé que la partie plaignante, Jessie Nelson, a été discriminée dans son emploi en raison de son identité et de son expression de genre. Son superviseur la mégenre et lui donne des surnoms typiquement féminins. Le Tribunal souligne que les employés trans ont droit au respect de leur identité de genre, et que le fait d’utiliser les bons noms et pronoms n’est pas un accommodement[44]. L’usage de surnoms féminins était non seulement utilisé afin d’infantiliser la partie plaignante, mais également afin de miner et dégrader son identité de genre[45]. Pour ces raisons, le Tribunal conclut que son superviseur a commis de la discrimination fondée sur l’identité et l’expression de genre de la partie plaignante durant son emploi. Enfin, le Tribunal conclut que son employeur a également commis de la discrimination en congédiant la partie plaignante en partie en raison de son identité de genre[46].
[63] Les tribunaux des droits de la personne ont d’ailleurs déclaré à plusieurs reprises que le non-respect des pronoms choisis par une personne constitue une atteinte discriminatoire sur la base du motif de l’identité de genre[47].
[64] Dans l’affaire Oger v. Whatcott (No. 7)[48], le Tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique conclut que la partie défenderesse a commis de la discrimination à l’égard de la partie demanderesse en raison de son identité de genre. La partie demanderesse est une femme trans qui se présente comme candidate aux élections provinciales. La partie défenderesse a distribué des dépliants dans lesquels il décrit la partie demanderesse comme un « biological male who has renamed himself […] after he embraced a transvestite lifestyle »[49]. Il exprime également son inquiétude « about the promotion and growth of homosexuality and transvestitism in British Columbia and how it is obscuring the immutable truth about our God given gender »[50]. Enfin, il demande aux électeurs de ne pas voter pour la partie demanderesse[51]. Le Tribunal estime que les statistiques présentées en preuve font état de la marginalisation, de la stigmatisation et de la discrimination auxquelles font face les personnes transgenres[52].
[65] Le législateur et les tribunaux tentent depuis plusieurs années de définir les concepts de sexe et de genre. Il ressort de la doctrine et de la jurisprudence les termes et les définitions suivantes :
1) Le sexe peut se définir comme :
Un ensemble d’attributs biologiques […] principalement associés à des caractéristiques physiques et physiologiques, par exemple les chromosomes […], les niveaux d’hormone […] ainsi que l’anatomie de l’appareil génital. […] Le sexe d’une personne est le plus souvent établi à la suite d’une évaluation médicale au moment de la naissance ou avant la naissance […] C’est aussi ce qu’on appelle le sexe biologique ou le sexe attribué à la naissance.[53]
(Nos soulignements)
2) Le genre peut se définir ainsi :
Notion qui inclut les rôles, les comportements, les expressions et les identités construits socialement pour les filles, les femmes, les garçons, les hommes, et les personnes de diverses identités de genre. […].[54]
Le genre est un concept qui sert à désigner à la fois des ressentis personnels et des catégories de rôles sociaux. On définit généralement le genre en fonction des deux catégories majoritaires (homme et femme). On peut aussi comprendre le genre comme un continuum ou une constellation qui inclut ces deux catégories, mais ne s’y limite pas. Historiquement, le terme provient de la médecine et il a été réapproprié, d’abord dans une optique féministe, pour questionner les rôles sociaux attribués aux personnes en fonction de leur sexe et de leur expression de genre.[55]
(Nos soulignements)
3) L’identité de genre est centrale à l’identité de la personne[56]. C’est la façon dont une personne s’identifie quant à son genre que ce soit comme un homme, une femme, les deux, aucun des deux, ou un autre genre, et ce, de façon indépendante du sexe à la naissance[57]. L’identité de genre se développe dès un jeune âge, soit vers trois à cinq ans[58].
Comme le rappelle la Cour supérieure dans Center for Gender Advocacy[59], « l’identité de genre ne relève pas du simple choix, elle est une caractéristique immuable de la personne ».[60]
Dans l’affaire Bilac[61], le Tribunal dira que « [l]’identité de genre est l’expérience intérieure et personnelle que chaque personne a de son genre et l’expression de genre est la manière dont une personne exprime ouvertement son genre. Pour les personnes transgenres comme M. Bilac, l’identité de genre est différente du sexe qui leur a été assigné à la naissance »[62].
4) L’expression de genre correspond à la façon dont une personne exprime son genre, que ce soit par les codes vestimentaires, l’habillement, les cheveux, la voix, la façon de parler, le langage corporel, le choix d’un prénom, et les pronoms[63].
5) Le terme trans est un terme parapluie qui englobe une diversité d’identités de genre[64] et qui réfère à une personne dont l’identité de genre ne correspond pas au sexe qu’on lui a assigné à la naissance.
Dans l’arrêt Centre de lutte contre l’oppression des genres[65], la Cour d’appel utilise les termes « personne transgenre » et « personne non binaire » comme l’avait fait avant elle la Cour supérieure dans cette cause, pour désigner les intimés, « c’est-à-dire des personnes dont l’identité de genre n’est pas conforme au sexe indiqué sur leur acte de naissance ».[66]
En mai 2021, il y avait plus de 100 000 personnes trans âgées de 15 ans et plus au Canada, ce qui équivaut à une personne sur 300[67]. Lorsqu’on emploie le terme femme trans, on « réfère à une personne qui s’identifie comme femme (ou sur un spectre féminin) alors qu’elle a été assignée au genre masculin à la naissance »[68]. Le terme homme trans signifie plutôt que la personne « s’identifie comme homme (ou sur un spectre masculin) alors qu’elle a été assignée au genre féminin à la naissance »[69].
6) On peut définir le terme non binaire comme « terme générique désignant une variété d’identités de genre qui ne sont pas exclusivement homme ou femme; une personne non-binaire peut être ni l’un ni l’autre »[70].
7) Une personne transsexuelle est une personne qui « souhaite modifier son corps par un traitement hormonal ou chirurgical afin qu’il corresponde à son identité de genre »[71]. Ce terme est considéré comme vieilli, voire offensant, pour certaines personnes trans « puisqu’il comporte une connotation médicale […] »[72].
8) Une personne cisgenre est une personne « dont l’identité de genre correspond au sexe attribué à la naissance. ».[73]
[66] Il découle de ce qui précède que les mots « identité ou expression du genre » contenus à l’article 10 de la Charte incluent notamment le fait d’être une personne trans.
Analyse
[67] La discrimination est définie par la Cour suprême du Canada dans Andrews[74] :
[…] une distinction, intentionnelle ou non, mais fondée sur des motifs relatifs à des caractéristiques personnelles d'un individu ou d'un groupe d'individus, qui a pour effet d'imposer des désavantages non imposés à d'autres, ou d'empêcher ou de restreindre l'accès aux avantages offerts à d'autres membres de la société.
[68] L’analyse de la discrimination en vertu de l’article 10 de la Charte se fait en deux étapes. La première étape consiste, pour la partie demanderesse, à démontrer l’existence d’une discrimination prima facie, laquelle repose sur la démonstration des trois éléments suivants :
une « distinction, exclusion ou préférence »;
fondée sur l’un des motifs énumérés au premier alinéa de l’article 10 de la Charte; et
qui « a pour effet de détruire ou de compromettre » le droit à la pleine égalité dans la reconnaissance et l’exercice d’un droit ou d’une liberté de la personne.[75]
[69] En ce qui concerne plus particulièrement le deuxième élément, la décision de la partie défenderesse ne doit pas nécessairement être fondée uniquement sur un motif prohibé. En effet, « il est suffisant qu’elle se soit basée partiellement sur un tel motif »[76]. Donc, le motif doit simplement être un facteur dans la distinction, l’exclusion ou la préférence[77]. Pour le dernier élément, il n’est pas nécessaire de faire la preuve d’une « double violation »[78].
[70] Une fois que ces trois éléments sont prouvés par la partie demanderesse, la preuve de discrimination prima facie est faite et le premier volet de l’analyse est complété. Par ailleurs, la Cour suprême a déjà souligné le fait « qu’en droit québécois, le demandeur n’a pas à prouver que le défendeur avait l’intention de commettre un acte discriminatoire »[79]. À cette étape, la partie défenderesse a le fardeau de justifier sa décision ou sa conduite à l’aide de moyens de défense ou de réfuter l’acte allégué qui lui est reproché[80]. Toutefois, si la preuve de discrimination prima facie n’est pas faite, les tribunaux ne se pencheront pas sur ce deuxième volet et rejetteront la demande.
[71] La CDPDJ doit démontrer que la distinction, l’exclusion ou la préférence affecte l’exercice en pleine égalité de l’un des droits ou libertés d’E.B. garantis par la Charte. Ainsi, l’article 10 doit se conjuguer avec un autre droit puisqu’il ne protège pas le droit à l’égalité de façon autonome[81]. Font partie de ces autres droits garantis par la Charte, le droit à l'égalité en emploi et le droit à la sauvegarde de la dignité, respectivement prévus aux articles 16 et 4 de la Charte.
[72] Quant au droit à l'égalité dans l'emploi prévu à l'article 16 de la Charte, il est indissociable de l'article 10. Ainsi, la violation de ce droit sera établie une fois que la partie demanderesse aura prouvé que la différence de traitement dont elle se plaint se fonde « sur un motif prohibé dans l'exercice de son droit à l'embauche »[82]. Sans nier la marge de manœuvre dont jouissent les employeurs en regard du processus et des critères d'embauche de leur personnel, cette marge discrétionnaire est notamment balisée par les motifs énoncés à l'article 10 de la Charte[83].
[73] Il y a atteinte au droit à l'égalité dans l'emploi si le refus de l'employeur se fonde, en tout ou en partie, sur un motif de discrimination interdit.
[74] Dans la présente affaire, le refus des parties défenderesses d’embaucher la plaignante constitue une exclusion ou une distinction au sens de l'article 10 de la Charte.
[75] Le Tribunal doit déterminer si cette distinction ou exclusion est fondée sur un motif énuméré à l'article 10 de la Charte. La partie demanderesse n’a pas à prouver que l’identité de genre d’E.B. est le motif exclusif ou le facteur causal du refus d’embauche. Il suffit que le motif interdit ait été considéré pour conclure qu'il y a effectivement eu discrimination[84].
[76] La CDPDJ soutient que la décision de ne pas embaucher E.B. comme serveuse au Bar le 31 mars 2017 repose sur le fait que les parties défenderesses ne voulaient pas engager une femme trans. La CDPDJ doit donc prouver que la différence de traitement est basée, même partiellement, sur un motif prohibé, en l’espèce l’identité de genre de la plaignante.
[77] Le Tribunal n’a aucun doute que le refus d’embauche par les parties défenderesses repose sur l’identité de genre d’E.B. Elle s’est présentée au Bar à la demande de M. Sikder après avoir manifesté un intérêt pour le poste de serveuse, s’ensuivit un entretien téléphonique puis une invitation à suivre une formation dès le lendemain. Une fois au bar, les pièces d’identité de la plaignante et les documents d’embauche ont été échangés. La formation s’est bien déroulée selon la formatrice, Mme S…, qui a communiqué le tout à M. Sikder.
[78] Il est clair qu’une preuve prima facie de discrimination a été démontrée : un poste de serveuse était annoncé. La plaignante s’est présentée à la demande M. Sikder pour une formation qui s’est bien passée. Le père de M. Sikder a indiqué qu’on lui fournirait l’horaire de travail. E.B. s’est vu refuser le poste car elle est trans. Elle a été exclue en raison de son identité de genre, un motif de discrimination interdit à l’article 10 de la Charte.
[79] La deuxième étape d’analyse est celle de la réfutation ou de la justification. Il y a alors un renversement du fardeau de preuve. La partie défenderesse a l’occasion de réfuter ou de justifier son comportement en invoquant une exemption ou un moyen de défense prévu par la loi ou par la jurisprudence[85].
[80] L’article 20 de la Charte prévoit un cadre précis de motifs qui pourraient permettre à un employeur d’exclure ou de préférer certaines personnes dans l’emploi sans que cela puisse être considéré discriminatoire :
20. Une distinction, exclusion ou préférence fondée sur les aptitudes ou qualités requises par un emploi, ou justifiée par le caractère charitable, philanthropique, religieux, politique ou éducatif d’une institution sans but lucratif ou qui est vouée exclusivement au bien-être d’un groupe ethnique est réputée non discriminatoire.
[81] Dans le cadre de la discrimination dans l’embauche, l’article 20 de la Charte prévoit les deux moyens de défense possibles : (1) une défense liée aux « aptitudes ou qualités requises par un emploi » et (2) une défense liée au « caractère charitable, philanthropique, religieux, politique ou éducatif d’une institution sans but lucratif ou qui est vouée exclusivement au bien-être d’un groupe ethnique est réputée non discriminatoire ». Ce deuxième moyen de défense n’est pas pertinent au présent dossier, mais qu’en est-il du premier?
[82] Pour invoquer une défense liée aux aptitudes ou qualités requises par un emploi, l’employeur doit justifier sa norme discriminatoire en prouvant que c’est une exigence professionnelle justifiée. Pour en faire la preuve, l’employeur doit démontrer :
(1) qu’il a adopté la norme dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause ;
(2) qu’il a adopté la norme particulière en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail ;
(3) que la norme est raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail.[86]
[83] La norme sera raisonnablement nécessaire, s’il lui est impossible de composer avec les employés qui ont les mêmes caractéristiques que le demandeur sans que l’employeur subisse une contrainte excessive[87].
[84] Les parties défenderesses n’ont présenté aucune justification. Toutefois, selon la déclaration sous serment de la plaignante et du mémoire de la partie demanderesse, M. Sikder aurait invoqué deux éléments pour justifier son refus d’embauche : la sécurité de la plaignante et la réaction de sa clientèle face à l’embauche d’une femme trans[88]. Le Tribunal doit donc considérer ces deux motifs.
[85] Une analogie avec les situations où un employeur refuse d’embaucher une personne en situation de handicap en prétextant qu’elle présente un danger pour elle-même ou pour les autres s’avère utile. Il n’est pas suffisant d’invoquer un simple risque de danger pour refuser d’embaucher une personne. Le risque doit être suffisamment grave ou excessif pour constituer une contrainte excessive[89].
[86] D’abord, dans l’affaire Camping du Lac Morin[90], la partie défenderesse avait congédié la partie plaignante craignant que cette dernière se blesse dans le cadre de son travail de préposée à l’accueil en utilisant ses béquilles. Le Tribunal avait rejeté cette justification puisque le risque n’était pas suffisamment grave pour constituer une contrainte excessive[91]. En effet, la crainte de la partie défenderesse n’était pas fondée sur une preuve objective puisque la partie demanderesse n’avait jamais subi de chute.
[87] Dans la décision Samson-Thibault[92], la partie défenderesse avait refusé d’embaucher la partie plaignante comme pompier en raison de son daltonisme puisqu’elle craignait pour la sécurité de ses employés et du public[93]. Le Tribunal a rejeté cette justification, car le risque invoqué n’était pas suffisamment grave et excessif pour être une contrainte excessive[94]. La partie défenderesse n’avait pas évalué les capacités de la partie plaignante à effectuer le travail de pompier, alors que celle-ci occupait déjà cet emploi auprès d’une autre municipalité et qu’elle avait présenté des explications crédibles et logiques lui permettant de pallier son handicap.
[88] Dans ces deux cas, les parties défenderesses ont allégué que le motif de discrimination prohibé serait le risque de danger important pour la partie plaignante elle-même, pour ses collègues ou pour le public. Or, un simple risque n’est pas suffisant.
[89] Dans la présente affaire, selon le témoignage écrit d’E.B., M. Sikder lui a déclaré qu’il refusait de l’embaucher en raison du risque de violence qu’elle encourrait de la part de clients s’ils découvraient qu’elle est une femme trans.
[90] En l’absence de preuve présentée par les parties défenderesses, de telles craintes ne sont que de simples allégations ou spéculations. Il n’a pas été démontré qu’il s’agit d’un risque grave ou excessif.
[91] Tout comme dans la décision Camping du Lac Morin[95], cette crainte est non fondée, et ce, même si les femmes trans peuvent être susceptibles de vivre de la violence.
[92] Il est par ailleurs important de rappeler qu’un employeur a l’obligation d’assurer la sécurité de ses employés notamment en vertu de la Loi sur la santé et sécurité au travail[96]. Il doit notamment s’assurer que ses établissements soient équipés et aménagés pour assurer la protection des travailleurs[97]. Il doit également « prendre les mesures pour assurer la protection du travailleur exposé sur les lieux de travail à une situation de violence physique ou psychologique, incluant la violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel »[98].
[93] L’obligation de l’employeur découlant de l’article 51 de la LSST a été analysée dans l’arrêt Domtar Inc.[99], dont les enseignements ont été réitérés à maintes reprises[100]. La Cour d’appel y souligne que la LSST est une loi sociale d’ordre public qui doit être interprétée de façon libérale[101]. Les protections énoncées à son article 51 ne sont pas exhaustives et l’employeur doit prendre toutes « les mesures “humainement logiques et raisonnable” afin d’assurer la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs »[102]. En effet, la responsabilité de l’employeur de voir à la santé et à la sécurité « exige de prendre toutes les mesures nécessaires pour atteindre cet objectif, que l’employeur ne peut se contenter de ne pas nuire et qu’il doit plutôt rechercher activement les sources de danger et les éliminer »[103].
[94] En l’espèce, les parties défenderesses avaient l’obligation d’assurer la sécurité de tous ses employés, notamment à l’égard de ses clients « vieux jeux »[104]. Le risque de violence à l’égard de la plaignante, si risque il y avait véritablement, ne saurait le soustraire de leur obligation d’assurer la sécurité de leur personnel sur les lieux de travail.
[95] Le Tribunal estime aussi pertinent de se pencher sur les justifications qui ont été invoquées à propos de la clientèle de la partie défenderesse. À une certaine époque, heureusement révolue, les justifications économiques à la discrimination étaient considérées acceptables. En 1940, dans l’arrêt Christie v. The York Corporation[105], la Cour suprême conclut que la liberté commerciale a préséance sur les droits et libertés de la personne. Dans cette affaire, une taverne avait refusé de servir un homme noir en raison de la couleur de sa peau. La Cour suprême avait conclu que la liberté commerciale permettait de refuser des clients, et ce, même pour des motifs discriminatoires[106].
[96] Cette justification a été écartée en 1992 dans l’arrêt Zurich Insurance Co. c. Ontario (Commission des droits de la personne)[107]. La Cour suprême a alors déterminé que : « les droits de la personne ne peuvent être écartés pour des raisons uniquement commerciales »[108].
[97] Le Tribunal a réitéré par la suite qu’on ne peut pas justifier un acte de discrimination fondée sur la couleur par des motifs monétaires ou économiques[109].
[98] Plus particulièrement, on ne saurait justifier de la discrimination par les préférences de sa clientèle. Dans l’affaire Jeudy[110], la partie défenderesse avait refusé d’embaucher la partie plaignante en raison de la couleur de sa peau. La partie défenderesse avait tenté de justifier son refus discriminatoire en alléguant qu’il allait perdre sa clientèle[111]. Le Tribunal a déclaré que « la crainte de perdre en tout ou en partie une clientèle est un motif monétaire ou économique qui n’est pas prévu à l’article 20 qui traite des distinctions non discriminatoires fondées sur des aptitudes ou des qualités requises pour un emploi »[112].
[99] Dans la décision Picard[113], le Tribunal a rejeté l’idée que les préjugés ou les préférences de la clientèle puissent justifier la discrimination dans l’embauche[114]. Dans cette affaire, la partie plaignante n’avait pas été embauchée comme barman en raison de son sexe. La partie défenderesse avait essayé de justifier son refus d’embauche en alléguant que sa clientèle préférait des femmes pour servir au bar.
[100] Plus récemment dans la décision Resto-bar Le Surf[115], le Tribunal a rejeté la justification de la partie défenderesse fondée sur des motifs économiques. La partie défenderesse refusait l’accès de son établissement aux personnes noires en alléguant avoir déjà rencontré des difficultés avec des groupes de jeunes noirs et ayant reçu des plaintes de sa clientèle à leur égard. Le Tribunal a réitéré que les désirs ou les préférences de la clientèle ne peuvent pas justifier la discrimination[116].
[101] Lorsque le Tribunal prend en considération les justifications communiquées à la plaignante par M. Sikder, telles que contenues dans la déclaration écrite de la plaignante, deux éléments sont soulevés : 1) son père a déclaré avoir peur des comportements violents de sa clientèle[117] plutôt « vieux jeux » et 2) il ne voulait pas prendre sa défense tous les jours[118]. De tels motifs ne constituent pas, de l’avis du Tribunal, une justification prévue à l’article 20 de la Charte. Le fait que la clientèle ait des préjugés à l’égard des personnes trans ou qu’elle soit même violente ne peut justifier son refus d’embauche.
[102] En conclusion, les justifications qui auraient pu être invoquées par les parties défenderesses ne peuvent être retenues. Premièrement, le fardeau de preuve des justifications incombait à la partie défenderesse. Or, celles-ci n’ont pas participé à l’audience et n’ont pas présenté de preuve. Deuxièmement, la justification quant à la sécurité de la plaignante ne saurait être retenue. Le risque de violence invoqué lors du refus d’embauche n’est qu’un simple risque de sorte qu’il ne peut pas constituer une contrainte excessive. Par ailleurs, un employeur a l’obligation d’assurer la sécurité de ses employés, ainsi cet argument doit être rejeté. Troisièmement, la justification quant aux réactions de la clientèle des parties défenderesses constitue une justification d’ordre économique, qui en vertu de la jurisprudence ne permet pas de justifier un acte discriminatoire.
[103] La CDPDJ propose des mesures de redressement comprenant une indemnité de 118,40 $ en dommages-intérêts pour préjudice matériel pour perte de revenu, de 12 000,00 $ pour dommages-intérêts pour préjudice moral et de 2 000,00 $ chacun contre le Bar et M. Sikder pour dommages-intérêts punitifs.
[104] Le Tribunal peut ordonner que la victime de discrimination soit indemnisée de la totalité, ou de la fraction des pertes de salaire entraînées par l’acte discriminatoire.
[105] La plaignante n’a reçu aucune indemnité pour la formation qu’elle a suivi le 30 mars 2017 au Bar. Elle n’a touché aucun pourboire des clients qu’elle a servis. Le Tribunal estime que la plaignante a droit à l’indemnité réclamée de 118,40 $ pour perte de revenu.
[106] La CDPDJ indique que la plaignante « s’est sentie dénigrée et diminuée par les défendeurs, notamment par les propos de Monsieur Sikder qui ont été de nature à nier sa valeur intrinsèque en tant qu’être humain »[119].
[107] Le Tribunal écrit dans l'affaire Nyassa[120] :
[59] La règle de la « vulnérabilité de la victime » est inextricablement liée à son état préexistant. Si elle peut donner ouverture à une compensation pour des dommages plus importants que ceux pouvant être raisonnablement anticipés, elle ne vise pas le rétablissement de la victime dans une meilleure situation que celle d'origine. Bref, M. Levasseur « est responsable des dommages supplémentaires mais non des dommages préexistants ».
[108] Aussi, ce n'est pas parce qu'il y a atteinte à un droit garanti par la Charte qu'il doit y avoir automatiquement octroi de dommages-intérêts, la preuve d'un préjudice demeure nécessaire.
[109] Par ailleurs, l’exercice d’évaluation du préjudice moral, comme le note la Cour d’appel, est délicat et à plusieurs égards discrétionnaires :
L’exercice consistant à traduire le préjudice moral en dommages, c’est-à-dire en termes monétaires, est toujours délicat. Comme l’écrit le juge Vézina dans Calego International inc. c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, « [m]esurer le dommage moral et l’indemnité conséquente constitue une tâche délicate forcément discrétionnaire », presque arbitraire, serait-on tenté d’ajouter.[121]
[110] La CDPDJ a-t-elle démontré qu’E.B. a subi un préjudice d’ordre moral?
[111] La déclaration assermentée d’E.B. indique qu’à sa sortie du Bar, elle a fondu en larmes dans sa voiture. Elle a longuement parlé avec sa mère au téléphone et lui a avoué qu’elle avait des pensées suicidaires.
[112] L’intervention de sa sœur et de sa travailleuse sociale ont été requises afin qu’elle ne passe pas à l’acte, car elle avait élaboré le plan d’entrer en collision avec une autre voiture.
[113] E.B. a réussi à se calmer et épuisée, elle s’est rendue chez elle. Elle a tenté de joindre M. Sikder sur Facebook le lendemain pour obtenir une réelle chance. Il n’a pas répondu à ses messages même s’il était informé que ses agissements étaient contraires à la Charte[122].
[114] Quelque temps plus tard, E.B. a commencé à être dépressive. Cet événement était « la goutte qui a fait déborder le vase ». Elle précise :
Je me sentais comme si on m’avait coupé les ailes sur le dos. J’avais tout fait pour être considérée comme une « vrai (sic) femme ». J’avais subi des chirurgies. J’avais légalement changé mon nom. Je sentais qu’il n’y avait rien que je pouvais faire de plus qui allais (sic) me donner le statut de femme. J’avais perdu toute estime de moi.
[115] Les effets du comportement et des propos de M. Sikder sur sa voix ont causé des effets marquants sur E.B. Elle explique être allée aux États-Unis à deux reprises par la suite pour être opérée aux cordes vocales. À ce jour, elle indique avoir conservé un complexe avec sa voix.
[116] La déclaration assermentée de la mère d’E.B. corrobore le désarroi d’E.B. à sa sortie du Bar. En plus des propos suicidaires que sa fille a tenus lors de leur conversation téléphonique le 30 mars 2017, elle a aussi déclaré qu’elle se ferait coudre la bouche pour ne plus vivre une telle humiliation. E.B. considérait que sa vie était gâchée à cause de sa voix car elle ne serait jamais considérée comme une femme.
[117] La mère d’E.B. confirme les conséquences dévastatrices de cet épisode dans la vie de sa fille qui continue à être constamment préoccupée par son apparence physique.
[118] Elle ajoute avoir été témoin de la crainte de sa fille de chercher un emploi par la suite.
[119] Le Tribunal n’entretient aucun doute qu’E.B. ait été blessée par le refus d’emploi qui reposait uniquement sur son identité comme personne trans. Les conséquences du refus ont provoqué chez elle un état dépressif et causé un tort important sur son estime personnelle.
[120] Les pensées suicidaires et le recours à des interventions aux cordes vocales témoignent des effets préjudiciables graves qui découlent du refus d’emploi par les défendeurs.
[121] Même s’il n’y a pas eu de preuve médicale directe de l’état dépressif d’E.B., les faits sont suffisamment détaillés pour conclure qu’elle a subi un préjudice moral important qui a pu mener à un état dépressif ou à tout le moins à la rendre déprimée. Le Tribunal réfère à cet égard à une demande de remise du procès au cours des procédures alors qu’E.B. était en thérapie fermée sous la supervision d’un médecin, cinq ans après l’événement.
[122] La CDPDJ réclame 12 000 $ pour E.B. pour compenser le préjudice moral qu’elle a subi.
[123] À titre comparatif, dans Maison des jeunes, le Tribunal a accordé 4 000 $ à la partie plaignante à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral[123]. Cette décision date toutefois de 1998.
[124] Dans la décision récente Bilac en 2023, le Tribunal canadien des droits de la personne a accordé 15 000 $ au plaignant[124]. Sa situation était cependant différente de celle d’E.B. car les gestes discriminatoires et harcelants s’étaient déroulés sur plus d’un an.
[125] Le Tribunal est d'avis que dans les circonstances du présent dossier, une somme de 10 000 $ doit être accordée à E.B. pour le préjudice moral subi en raison de l’acte discriminatoire commis par les parties défenderesses.
[126] L'article 49 de la Charte permet l'octroi de dommages punitifs dans les cas « d'atteinte illicite et intentionnelle ». La Cour suprême dans l'arrêt Hôpital St-Ferdinand[125] nous éclaire quant aux conditions nécessaires à l'octroi de ce type de dommages-intérêts :
[121] En conséquence, il y aura atteinte illicite et intentionnelle au sens du second alinéa de l'article 49 de la Charte lorsque l'auteur de l'atteinte illicite a un état d'esprit qui dénote un désir, une volonté de causer les conséquences de sa conduite fautive ou encore s'il agit en toute connaissance des conséquences, immédiates et naturelles ou au moins extrêmement probables, que cette conduite engendrera. Ce critère est moins strict que l'intention particulière, mais dépasse, toutefois, la simple négligence. Ainsi, l'insouciance dont fait preuve un individu quant aux conséquences de ses actes fautifs, si déréglée et téméraire soit-elle, ne satisfera pas, à elle seule, à ce critère.
[127] L’attribution de dommages-intérêts punitifs revêt un caractère exceptionnel et poursuit des objectifs de punition, de dissuasion et de dénonciation de comportements jugés particulièrement répréhensibles. Leur attribution vise à punir l'auteur d’une atteinte illicite et intentionnelle à un droit protégé par la Charte, à le dissuader de récidiver, à décourager les tiers à agir de la même façon et à exprimer la désapprobation du Tribunal face à ce comportement.
[128] Dans l'affaire Richard c. Time inc.[126], la Cour suprême écrit sur le contexte dans lequel doit se faire l'analyse :
[210] Lorsqu'un tribunal décide s'il accordera des dommages-intérêts punitifs, il doit mettre en corrélation les faits de l'affaire et les buts visés par ces dommages-intérêts et se demander en quoi, dans ce cas précis, leur attribution favoriserait la réalisation de ces objectifs. Il doit tenter de déterminer la somme la plus appropriée, c'est-à-dire la somme la moins élevée, mais qui permettrait d'atteindre ce but.
[129] Alors que son employée lui a dit que le refus d’embauche était discriminatoire, M. Sikder a maintenu une fermeture totale à l’endroit de la plaignante. Il n’a pas non plus répondu aux messages de la plaignante le 31 mars sur Facebook. Il ne pourrait prétendre ne pas savoir que son comportement était discriminatoire et n’a aucunement cherché à discuter de la situation pour envisager de possibles solutions.
[130] D’ailleurs, les défendeurs n’ont pas comparu dans cette cause, ce qui ajoute au comportement délibéré et insouciant de ceux-ci.
[131] De tels comportements démontrent le caractère intentionnel de l’atteinte.
[132] Le Tribunal considère obligatoire et important de dénoncer un tel comportement et considère que la somme de de 2 000 $ doit être ordonnée à l’encontre du Bar et de M. Sikder pour dommages-intérêts punitifs est raisonnable dans les circonstances. Le Tribunal ne peut tolérer que ce genre de pratique perdure au Québec et accorde ainsi les sommes réclamées par la CDPDJ à l’encontre de chacun des défendeurs.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL : [133] ACCUEILLE en partie la demande introductive d’instance de la partie demanderesse; [134] CONDAMNE solidairement les parties défenderesses à payer à E.B. 118,40 $ à titre de dommages-intérêts pour préjudice matériel avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec depuis la signification de la proposition des mesures de redressement de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, le 18 décembre 2019; [135] CONDAMNE solidairement les parties défenderesses à payer à E.B 10 000 $ à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec depuis la signification de la proposition des mesures de redressement de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, le 18 décembre 2019; [136] CONDAMNE la partie défenderesse 9302-Québec Inc. « Bar Lucky 7 » à payer à E.B. 2 000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs, avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date du présent jugement; [137] CONDAMNE la partie défenderesse Sayeed Ahmed Sikder à payer à E.B. 2 000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs, avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date du présent jugement; [138] LE TOUT avec les frais de justice. | ||
| __________________________________ CATHERINE PILON, Juge au Tribunal des droits de la personne | |
Me Justine St-Jacques | ||
BITZAKIDIS CLÉMENT-MAJOR FOURNIER | ||
Pour la partie demanderesse | ||
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9302-6573 Québec Inc. « Bar Lucky 7 », absente à l’audience | ||
-et- | ||
SAYEED AHMED SIKDER, absent à l’audience | ||
Parties défenderesses | ||
| ||
Dates d’audience : | 23 janvier 2023 (dossier pris en délibéré à partir de la réception d’observations écrites de la partie demanderesse le 20 octobre 2023) | |
[1] Par jugement rendu le 2 février 2024, le Tribunal a ordonné la non-divulgation, la non-publication et la non-diffusion du nom de la partie plaignante et qu’elle soit identifiée par les initiales E.B.
[2] RLRQ, c. C-12 (Charte).
[3] Pièce P-3, Conversations Facebook entre E.B. et M. Sayeed Ahmed Sikder du 30 mars 2017.
[4] Déclaration sous serment d’E.B., 9 juin 2023.
[5] Pièce P-4, Conversations Facebook entre E.B. et D… S… du 31 mars 2017.
[7] Loi sur le changement de nom et d’autres qualités de l’état civil, LQ 1977, c. 19
[8] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (M.L.) c. Maison des jeunes A..., 1998 CanLII 28 (QC TDP) (Maison des jeunes).
[9] Id., par. 111.
[10] Id., par. 128.
[11] Id., par. 130.
[12] Id., par. 150 et 161.
[13] Id., par. 67
[14] Id., par. 82.
[15] Id., par. 95.
[16] Id., par. 99.
[17] Id., par. 114.
[18] En 2013, le législateur québécois retire la chirurgie comme critère essentiel pour les fins du changement de nom et de sexe à l’État civil par la Loi modifiant le Code civil en matière d'état civil, de successions et de publicité des droits, LQ 2013, c. 27, art. 3 et 4.
[19] Id..
[20] Kin c. McNicoll, 2021 QCTDP 34.
[21] Id., par. 66. Cette décision a été rendue quelques mois avant la décision Ward c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), 2021 CSC 43.
[22] Centre de lutte contre l’oppression des genres c. Procureur général du Québec, 2021 QCCS 191 (Center for Gender Advocacy).
[23] Association du Barreau Canadien, « Une décision historique de la Cour supérieure du Québec en droits de la personne : Me Steeve Bujold s’entretient avec Me Audrey Boctor, avocate ayant plaidé la cause », 3 février 2021, en ligne : <https://www.abcqc.qc.ca/Publications-Resources/Articles/2020-2021/Une-decision-historique-de-la-Cour-superieure-du-Q>.
[24] Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et modifiant le Code civil en matière de droits de la personnalité et d’état civil, L.Q. 2022, c. 22.
[25] Id., art. 26.
[26] Id., art. 32 et 34.
[27] Id., art. 39.
[29] Procureur général du Québec c. Centre de lutte contre l’oppression des genres, 2024, QCCA 348 (Centre de lutte contre l’oppression des genres).
[30] Id., par. 4, 8 et 9.
[31] Id.
[32] Id., par. 121.
[33] Id., par. 201.
[34] Id.
[35] Bilac c. Abbey, Currie et NC Tractor Services Inc., 2023 TCDP 43 (Bilac).
[36] Id.
[37] An Act to amend the Human Rights Code with respect to gender identity and gender expression, S.O. 2012 c.7.
[38] The Human Rights Code Amendment Act, 2012, 1st sess., 40th leg., Manitoba, 61 Elizabeth II, 2012.
[39] Human Rights Code Amendment Act, 2016, SBC, c. 26.
[40] Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC (1985), c. H-6.
[41] Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel, LC 2017, c.13.
[42] XY c. Ontario (Minister of Government and Consumer Services), 2012 HRTO 726, par. 14-15 (XY).
[43] Nelson v. Goodberry Restaurant Group Ltd. dba Buono Osteria and others, 2021 BCHRT 137 (Nelson).
[44] Id., par. 80.
[45] Id., par. 86.
[46] Id., par. 89 et 119.
[47] Voir notamment Dawson v. Vancouver Police Board (No. 2), 2015 BCHRT 54, par. 270; Oger v. Whatcott (No. 3), 2018 BCHRT 183, par. 39; Oger v. Whatcott (No. 7), 2019 BCHRT 58, par. 253; Nelson, préc., note 43, par. 89 et 102.
[48] Oger v. Whatcott (No. 7), 2019 BCHRT 58.
[49] Id., par. 3.
[50] Id.
[51] Id.
[52] Id., par. 64.
[53] ASSOCIATION DU BARREAU CANADIEN, « L’accès des personnes trans à la justice », septembre 2022, p. 50, en ligne : <CBA Fre Access to Justice fro Trans People>.
[54] Id., p. 49.
[55] Loïs CRÉMIER et Lou TAJEDDINE, « Mieux nommer et mieux comprendre : changer de regard sur les réalités de la diversité de genre et les enjeux trans », Conseil québécois LGBT, 2021, p. 24, en ligne : < guide-mieuxcomprendre-FINAL-web.indd (conseil-lgbt.ca)>.
[56] T.A. v. Manitoba (Justice), 2019 MBHR 12, par. 22 (T.A.).
[57] CHAIRE DE RECHERCHE SUR L’HOMOPHOBIE, « Définitions sur la diversité sexuelle et de genre », 2014, en ligne : < Définitions sur la diversité sexuelle et de genre (uqam.ca) >, p. 2.
[59] Id.
[60] Id., par. 106.
[62] Id., par. 21.
[66] Id., par. 23.
[67] Hansman v. Neufeld, 2023 SCC 14, par. 12 (Hansman).
[69] Id.
[71] Id.
[72] LAROUSSE, « transsexuel », en ligne : < Définitions : transsexuel - Dictionnaire de français Larousse > ; OFFICE QUÉBÉCOIS DE LA LANGUE FRANÇAISE, « personne trans », 2019, en ligne : < personne trans | GDT (gouv.qc.ca) >; Alexandre VIGNEAULT, « Fierté Montréal : Lexique LGBTQ », LaPresse, 9 août 2016, en ligne : < Lexique LGBTQ - La Presse+ > ; FONDATION ÉMERGENCE, « Lexique », en ligne : < Lexique | Fondation Émergence (fondationemergence.org) >.
[74] Andrews c. Law Society of British Columbia, 1989 CanLII 2 (CSC), [1989] 1 RCS 143, par. 174 (Andrews).
[75] Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), 2015 CSC 39, par. 35 (Bombardier).
[76] Id., par. 48.
[77] Id., par. 52.
[78] Id., par. 54.
[79] Id., par. 40.
[80] Id., par. 37.
[81] Gosselin c. Québec (Procureur général), 2002 CSC 84, par. 430; Bombardier, id., par. 53.
[82] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Nicolet (Ville de), 2001 CanLII 88, par. 65 (QC TDP), citant Québec (Commission des droits de la personne) c. Collège Mérici, 1990 CanLII 3828 (QC CQ), p. 607.
[83] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Arsenault) c. Institut Demers inc., 1999 CanLII 51 (QC TDP), par. 63.
[84] Gaz métropolitain inc., Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Gaz métropolitain, 2008 QCTDP 24, par. 415, inf. en partie par 2011 QCCA 1201 (Gaz métropolitain).
[86] Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, 1999 CanLII 652 (CSC), [1999] 3 RCS 3, par. 54 (BCGSEU).
[87] Id., par. 62.
[88] Déclaration sous serment d’E.B., 9 juin 2023, par. 40.
[89] BCGSEU, préc., note 86, par. 2, 18 et 79 ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. 9185-2152 Québec inc., 2015 QCCA 577, par. 56-57, 66 et 68 (Radio Lounge Brossard); Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Bencheqroun) c. Société de transport de Montréal, 2020 QCCA 602, par. 31; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (M.R.) c. Société de transport de Montréal (STM), 2021 QCTDP 35, par. 95.
[90] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Houle) c. Camping du Lac Morin (9166-5018 Québec inc.), 2021 QCTDP 19 (Camping du Lac Morin).
[91] Id., par. 93.
[92] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Samson-Thibault) c. Ville de Québec, 2023 QCTDP 2.
[93] Id., par. 426.
[94] Id., par. 186-188.
[96] Loi sur la santé et la sécurité au travail, RLRQ, c. S-2.1 (LSST).
[97] Art. 51 (1) de la LSST.
[98] Art. 51 (16) de la LSST.
[99] Domtar Inc. c. Commission d’appel en matière de lésions professionnelles du Québec, 1990 CanLII 3151 (QC CA) (Domtar). Voir également : Dollarama, s.e. c. #111 et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2014 QCCLP 6679 (demande en révision rejetée, TAT, 07-03-2016, 472124-62-1205-3R; demande en révision judiciaire, CS, 15-06-2018, 500-17-093376-161 - désistement) (Dollarama).
[100] Voir notamment : Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) c. Brasserie Knowlton, 2023 QCCQ 9840, par. 4 (Brasserie Knowlton); Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail c. 9398-7113 Québec inc., 2023 QCCQ 5261, par. 24 ; Professionnel(le)s en soins de santé unis (PSSU-FIQP) et CHSLD Vigi Reine-Élizabeth, 2021 QCTAT 1401, par. 85-93 ; Union des employés et employées de service, section locale 800 c. Services ménagers Roy ltée., 2021 CanLII 114756 (QC SAT), par. 52-59.
[101] Domtar, préc., note 99, p. 5 et 20. Voir également : Brasserie Knowlton, id.; Dollarama, id., par. 321.
[102] Couture c. Hydro Québec, [1982] DTE T82-746, p. 19 ; Domtar, id., p. 20. Voir également : Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail c. 9398-7113 Québec inc., préc., note 100, par. 24; Dollarama, id., par. 324.
[103] Dollarama, id., par. 321; Voir également : Domtar, id., p. 19 ; C.S.S.T. c. G.T.E. Sylvania Canada Ltée, [1984] TT 388, DTE 84T-878, p. 18.
[104] Déclaration sous serment d’E.B., 9 juin 2023, par. 40.
[105] Christie v. The York Corporation, 1939 CanLII 39 (SCC), [1940] SCR 139.
[106] Id., p. 141-146.
[107] Zurich Insurance Co. v. Ontario (Human Rights Commission), 1992 CanLII 67 (SCC), [1992] 2 RCS 321.
[108] Id., p. 349.
[109] Commission des droits de la personne (Jeudy) c. Entreprises L.D. Skelling inc., 1994 CanLII 1791 (QC TDP), p. 8 (Jeudy); Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. 2314-4207 Québec inc. (Resto-bar Le Surf), 2007 QCTDP 9, par. 36-38 (Resto-bar Le Surf). Voir également : Procureur général du Québec c. Service des Taxis Nord-Est, 1984 CanLII 5082 (QC CS) (Service de taxis Nord-Est).
[110] Jeudy, id.
[111] Id.
[112] Id., p. 8.
[113] Commission des droits de la personne (Patry) c. Picard, 1995 CanLII 1731 (QC TDP).
[114] Id., p. 4-5.
[116] Id., par. 36-39.
[117] Mémoire de la partie demanderesse, 5 août 2021, par. 16.
[120] Tchakounte Nyassa c. Levasseur, 2018 QCTDP 1.
[121] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (X) c. Commission scolaire de Montréal, 2017 QCCA 286 (demande pour autorisation d’appeler refusée, CSC, 17-08-2017, 37538) notamment cité dans Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (DeBellefeuille) c. Ville de Longueuil, 2020 QCTDP 21, par. 220.
[125] Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l'hôpital St-Ferdinand, 1996 CanLII 172 (CSC), [1996] 3 RCS 211, par. 121 (Hôpital St-Ferdinand).
[126] Richard c. Time inc., 2012 CSC 8.
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