Girard c. Dion | 2021 QCTAL 30264 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||
Bureau de Montréal | ||||
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No dossier: | 575327 31 20210611 F | No demande: | 3271050 | |
RN :
| 3331440
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Date : | 29 novembre 2021 | |||
Devant la greffière spéciale : | Me Chantal Houde | |||
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Audrey Girard | ||||
Locatrice - Partie demanderesse | ||||
c. | ||||
Liette Dion | ||||
Locataire - Partie défenderesse | ||||
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David Van Themsche
Geneviève Hardy
Luc Girard | ||||
Partie intéressée
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DÉCISION
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[1] La locatrice a produit une demande de fixation de loyer conformément aux dispositions de l'article 1947 du Code civil du Québec, ainsi qu’une demande et de remboursement des frais.
[2] Les parties sont liées par un bail à durée indéterminée, à un loyer mensuel de 700 $, incluant deux places de stationnement.
[3] La locatrice a acquis l’immeuble en mars 2021 et demande au Tribunal de fixer le loyer à 1 150 $ par mois en application des règles particulières au loyer de faveur.
[4] Subsidiairement, la locatrice demande la fixation selon la méthode générale prescrite par le Règlement sur les critères de fixation de loyer.
[5] La locatrice demande également que les modifications suivantes, indiquées dans l’avis d’augmentation soient ajoutées au bail:
- Une entente de 12 mois au lieu d’un bail indéterminé;
- Le paiement du loyer sera fait par virement internet ou par paiement direct.
[6] La locatrice a ajouté une modification supplémentaire dans sa demande introductive déposée au Tribunal, laquelle se lit comme suit :
- Inclure un stationnement seulement pour le logement, à compter du 1er juillet 2021.
[7] Le Tribunal a autorisé la locatrice à produire au dossier les taxes municipales et scolaires, la prime d’assurance de l’année 2019 et la facture de déneigement, au plus tard le 3 septembre 2021. Les taxes municipales et scolaires ont été déposées le 2 septembre 2021. La prime d’assurance ainsi que la facture de déneigement n’ont pas été fournies.
LES FAITS
[8] La locataire habite un 4 ½ pièces dans un immeuble comprenant trois logements avec un local commercial contigu, lequel appartient à la Fondation Maman Dion. L’immeuble est situé à l’emplacement de l’ancienne maison de la famille Dion à Charlemagne.
[9] La locataire est la fille de feue Thérèse Dion et y habite depuis 2015. Le loyer était alors au même prix de 700 $ par mois, incluant les deux stationnements.
[10] L'immeuble appartenait à feue Thérèse Dion, laquelle est décédée le 17 janvier 2020.
[11] Les liquidateurs de la succession, selon la locataire, sont « Les productions Feeling », une société appartenant à Céline Dion, ainsi que Me Louis Desjardins, notaire. Était également nommé, Suzanne Leblanc agissant au nom des « Productions Feeling ». Ces informations n’ont pas été contredites par la nouvelle propriétaire.
[12] La locataire affirme s’être investie dans l’embellissement du terrain et effectué certains travaux d’entretien, elle a à cœur l’apparence de l’emplacement qui abrite la Fondation Maman Dion.
[13] À la lumière de ces faits, trois questions se posent quant au loyer de faveur.
1- La locatrice peut-elle invoquer que la locataire est un parent avec la locatrice?
2- La locatrice peut-elle invoquer un loyer de faveur du fait que le logement est situé dans un immeuble transmis par succession et que le loyer découle de la gestion inadéquate de la personne décédée?
3- La locatrice peut-elle prétendre à un loyer de faveur à titre d’employée considérant que la locataire a exécuté certains travaux?
LOYER DE FAVEUR
[14] Le Tribunal rappelle qu’il s’agit d’un mode exceptionnel de détermination du loyer et que la locatrice doit absolument faire la preuve de l’un des critères ci-dessous. Le simple fait que l’immeuble a été vendu durant l’année ne permet pas au nouveau propriétaire d’obtenir du Tribunal un ajustement de loyer selon la valeur comparable du logement.
[15] Les articles 1 et 6 du Règlement sur les critères de fixation de loyer[1] sont pertinents aux fins de la présente demande :
« 1. Dans le présent règlement, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
[...]
« loyer de faveur » : le loyer d'un logement qui est inférieur au loyer habituellement payé pour celui de logements comparables, dans l'une des situations suivantes :
1° le locataire est un parent, allié ou employé de la locatrice;
2° la locatrice est ou était le soutien du locataire;
3° le logement est situé dans un immeuble transmis par succession et le loyer découle de la gestion inadéquate de la personne décédée;
4° la locatrice est un ministère ou un organisme du gouvernement du Québec;
[...]
« logement comparable » : un logement équivalent, dans le même immeuble ou dans un immeuble équivalent, doté de services, accessoires et dépendances comparables et situé dans un environnement comparable.
[...] »
« 6. Si le loyer au terme du bail est un loyer de faveur, le tribunal détermine le loyer exigible en considérant celui habituellement payé pour des logements comparables. »
[16] De manière à se prévaloir de l'exception que constitue le loyer de faveur, il incombe à la locatrice de démontrer l'existence de l'une des quatre situations visées par l'article 1 du Règlement sur les critères de fixation de loyer;
[17] Que loyer payé est inférieur à celui de logements comparables;
[18] Que le loyer de faveur existait au terme du bail précédent;
[19] De plus, en vertu de la jurisprudence applicable, la locatrice doit soulever le loyer de faveur dès la première opportunité, soit au terme du bail[2].
1- La locatrice peut-elle invoquer que la locataire est un parent avec la locatrice?
[20] La locataire est sans contredit un parent avec la personne décédée, soit feue Thérèse Dion.
[21] Par ailleurs, l’article 6 ci-dessus prévoit que ce lien de parenté doit exister au terme du bail. Ce terme fait référence au terme du bail précédent.
[22] Même s’il s’agit d’un bail à durée indéterminée, la locatrice précédente sont les liquidateurs de la succession, soit les Productions Feeling, sa représentante et le notaire instrumentant.
[23] Peut-on invoquer un lien de parenté avec une compagnie de production et le notaire instrumentant? Poser la question c’est y répondre.
[24] La condition n’est donc pas remplie, le loyer de faveur ne peut exister au terme du ce dernier bail.
2- La locatrice peut-elle invoquer un loyer de faveur du fait que le logement est situé dans un immeuble transmis par succession et que le loyer découle de la gestion inadéquate de la personne décédée?
[25] La locatrice tente de démontrer que le loyer payé par la locataire découle de la gestion inadéquate de la personne décédée.
Le principe de la première opportunité
[26] Le loyer de faveur dû à la gestion inadéquate de la personne décédée doit être soulevé dès la première opportunité, c’est-à-dire dès l’ouverture de la succession, soit le 17 janvier 2020, et ce même si les parties sont liées par un bail à durée indéterminé.
[27] Ce principe est également bien détaillé dans la décision St-Pierre (Succession de St-Pierre) c. St-Amant[3], dans laquelle, Me Grégor Des Rosiers, juge administratif s’exprime ainsi :
« Le Tribunal estime, par ailleurs, qu’il devait soulever ce fait et demander l’ajustement du loyer dès la première opportunité c’est-à-dire dès l’ouverture de la succession de feu Gaston St-Pierre le 14 novembre 2018 ou avant la reconduction du bail durant plusieurs mois et comme les parties sont liées par un bail à durée indéterminée - en donnant au locataire un avis d'au moins un mois, mais d'au plus deux mois tel que prévu à l’article 1942 du Code civil du Québec. (…)
[30] Or, ce n’est que le 26 février 2020 - soit plus d’un (1) an suivant l’ouverture de la succession de feu Gaston St-Pierre - que la locatrice a donné un avis de modification du bail proposant une augmentation de loyer faisant passer le loyer de 360 $ à 600 $ pour le bail à durée indéterminée subséquent et reconduit à compter du 1er avril 2020 ».
[28] Afin de répondre au principe de la première opportunité, la locatrice, au moment de l’ouverture de la succession, se devait d’invoquer le loyer de faveur. En l’occurrence, ce privilège appartenait aux liquidateurs de la succession, soit dès le décès de feue Thérèse Dion, le 17 janvier 2020 et non à l’acquéreur subséquent.
[29] Or, ce n’est que le 7 mai 2021, soit plus d’un an suivant l’ouverture de la succession, que la locatrice a donné un avis de modification du bail.
[30] Ce principe de la première opportunité a été élaboré par la jurisprudence et a été reconnu par les tribunaux supérieurs.
[31] Dans une cause similaire à la présente demande, la jurisprudence nous rappelle:
« Il va sans dire que le réajustement du loyer dans telle situation doit se faire à la première occasion, soit en l’occurrence au terme du premier bail suivant la transmission de l’immeuble[4]. »
[32] Comme établi par la jurisprudence du Tribunal, un locataire ne peut être tenu indéfiniment dans l’incertitude quant à son loyer et voir son locateur décider, un jour, qu’il jouit d’un loyer de faveur[5].
[33] D'ailleurs, dans l'affaire Burlone c. Remise[6], l'honorable juge Michèle Pauzé rappelle que le liquidateur de la succession ou la locatrice doit agir à la première opportunité. Ce principe de jurisprudence relatif à la première opportunité est tout à fait logique.
« Comme c'est la gestion inadéquate du défunt qui est en cause, celle-ci doit être soulevée par celui qui reprend la gestion suite au décès. Cette interprétation est logique d'autant plus qu'il faut voir dans le liquidateur de la succession une personnalité autre que celle du défunt. C'est donc au liquidateur de voir à remédier à une gestion antérieure qu'il peut considérer inadéquate ».
[34] Dans ces circonstances, seuls les locateurs (les liquidateurs) suivant l’ouverture de la succession pouvaient réclamer un loyer de faveur à la première opportunité.
[35] Ce principe a pour effet que la présente locatrice ne peut plus invoquer cette opportunité et ne peut en aucun cas soulever que la locataire bénéficie d’un loyer de faveur.
3- La locatrice peut-elle prétendre à un loyer de faveur à titre d’employée du fait que la locataire a exécuté certains travaux?
[36] La locataire affirme s’être investie dans l’embellissement du terrain et effectué certains travaux d’entretien, comme la tonte du gazon, la collecte des ordures, le déneigement et l’épandage de sel.
[37] Il est prévu au bail de 2015 que la locataire doit se référer à la concierge madame Denise Dion, aucun bail ultérieur n’existe.
[38] Il ne semble pas y avoir un contrat de service de conciergerie qui lie la présente locatrice à la locataire.
[39] L’article 2085 du Code civil du Québec définit le contrat de travail comme suit :
« 2085. Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s’oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d’une autre personne, l’employeur. »
[40] Il existe trois conditions essentielles au contrat de travail :
- Le travail
- La rémunération
- La subordination
[41] La locataire avoue avoir déjà reçu une rémunération pour ses services sous forme de chèque. Cette compensation n’a pas pris la forme d’une diminution de loyer. Il semble que la locataire a effectué ces travaux en respect du lien familial.
[42] Au sens strict du terme employé défini par l’article 2085, le Tribunal constate que la locatrice n’exerçait pas de subordination sur le travail de Liette Dion, pas plus qu’il n’existait de contrat de travail précis.
[43] Le Tribunal ne peut conclure que la définition du loyer de faveur s’applique en l’espèce.
LES MODIFICATIONS AU BAIL
[44] La locatrice demande que soient ajoutées au bail les modifications indiquées dans l’avis d’augmentation suivant:
- Une entente de 12 mois au lieu d’un bail indéterminé;
- Le paiement du loyer sera fait par virement internet ou par paiement direct.
[45] La locataire consent à ce que la durée du bail soit de 12 mois, soit du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022.
[46] Elle consent également au paiement par virement internet ou par paiement direct.
[47] La locatrice a ajouté une modification supplémentaire dans sa demande introductive au Tribunal, laquelle se lit comme suit :
- Inclure un stationnement seulement pour le logement, à compter du 1er juillet 2021.
[48] Quels sont les critères permettant à un locateur de modifier les conditions du bail lors de sa reconduction?
[49] Le bail est un contrat négocié entre le locataire et la locatrice. Il reflète la volonté des parties et les lie. La modification de ce contrat, lorsqu’elle est accordée par le Tribunal, à la seule demande de l’une des parties fait exception à ce principe.
[50] Selon la loi, un locateur a la possibilité de modifier les conditions du bail lors de sa reconduction s'il donne un avis à cet effet au locataire dans les délais prescrits :
« 1942. La locatrice peut, lors de la reconduction du bail, modifier les conditions de celui-ci, notamment la durée ou le loyer; il ne peut cependant le faire que s'il donne un avis de modification au locataire, au moins trois mois, mais pas plus de six mois, avant l'arrivée du terme. Si la durée du bail est de moins de douze mois, l'avis doit être donné, au moins un mois, mais pas plus de deux mois, avant le terme.
Lorsque le bail est à durée indéterminée, la locatrice ne peut le modifier, à moins de donner au locataire un avis d'au moins un mois, mais d'au plus deux mois.
Ces délais sont respectivement réduits à dix jours et vingt jours s'il s'agit du bail d'une chambre. » (Mes soulignés)
« 1943. L'avis de modification qui vise à augmenter le loyer doit indiquer en dollars le nouveau loyer proposé, ou l'augmentation en dollars ou en pourcentage du loyer en cours. Cette augmentation peut être exprimée en pourcentage du loyer qui sera déterminé par le tribunal, si ce loyer fait déjà l'objet d'une demande de fixation ou de révision. L'avis doit, de plus, indiquer la durée proposée du bail, si la locatrice propose de la modifier, et le délai accordé au locataire pour refuser la modification proposée ».
[51] En cas de refus du locataire, la locatrice peut alors demander au Tribunal d'autoriser la modification demandée dans le mois de la réception du refus :
« 1947. La locatrice peut, lorsque le locataire refuse la modification proposée, s'adresser au tribunal dans le mois de la réception de l'avis de refus, pour faire fixer le loyer ou, suivant le cas, faire statuer sur toute autre modification du bail; s'il omet de le faire, le bail est reconduit de plein droit aux conditions antérieures ».
[52] D'autres articles du Code civil du Québec régissent la relation juridique entre la locatrice et le locataire. Le Tribunal se réfère aux articles pertinents à la présente cause notamment :
« 1936. Tout locataire a un droit personnel au maintien dans les lieux; il ne peut être évincé du logement loué que dans les cas prévus par la loi.
1941. Le locataire qui a droit au maintien dans les lieux a droit à la reconduction de plein droit du bail à durée fixe lorsque celui-ci prend fin. Le bail est, à son terme, reconduit aux mêmes conditions et pour la même durée ou, si la durée du bail initial excède douze mois, pour une durée de douze mois. Les parties peuvent, cependant, convenir d'un terme de reconduction différent.
1952. Le tribunal qui autorise la modification d'une condition du bail fixe le loyer exigible pour le logement, compte tenu de la valeur relative de la modification par rapport au loyer du logement ».
[53] Comme mentionné précédemment, le bail est un contrat négocié, il reflète la volonté des parties et les lie. Le bail de la locataire inclut présentement deux espaces de stationnement extérieurs.
[54] Ce bail ne peut être modifié qu’au terme d’un avis dûment notifié à la locataire, tel que le prévoit l’article 1942 du Code civil du Québec.
[55] En cas de refus des modifications, il s’enclenche un processus judiciaire qui oblige la locatrice à demander au Tribunal d'autoriser les modifications dans le mois de la réception du refus et d’en prouver le bien-fondé.
[56] Considérant que la locatrice désire retirer un espace de stationnement, mais que cette modification n’était pas inscrite dans son avis du 7 mai 2021, conformément à l’article 1942 C.c.Q.
[57] Considérant que cette demande de retrait d’un stationnement inscrite dans la demande introductive, lors de l’ouverture de son dossier au Tribunal, ne respecte pas le processus judiciaire de modification du bail. Elle est tardive et ne permet pas d’exercer le recours en modification.
[58] Le Tribunal ne peut statuer sur la demande de retrait de stationnement telle que présentée. La locatrice devra suivre la procédure prévue par la loi si elle souhaite en modifier les conditions.
[59] Considérant que le loyer n’est pas un « loyer de faveur » tel qu’expliqué précédemment, il y a lieu de fixer l’augmentation en fonction des règles prévues au Règlement sur les critères de fixation de loyer.
FIXATION
[60] La locatrice a produit le formulaire de renseignements nécessaires à la fixation du loyer, ainsi que certaines pièces justificatives et les factures au soutien de ces renseignements.
[61] Après calcul, l’ajustement du loyer permis en vertu du Règlement sur les critères de fixation de loyer[7] est de (2,24 $) par mois, s’établissant comme suit :
Taxes municipales et scolaires | (5,60 $) |
Assurances | 0,00 $ |
Gaz | 0,00 $ |
Électricité | 0,00 $ |
Mazout | 0,00 $ |
Frais d’entretien | 0,00 $ |
Frais de services | 0,00 $ |
Frais de gestion | 0,42 $ |
Réparations majeures, améliorations majeures, Mise en place d’un nouveau service |
0,00 $ |
Ajustement du revenu net | 2,94 $ |
TOTAL |
(2,24 $) |
AJUSTEMENT NÉGATIF
[62] Le résultat du calcul est négatif en raison de la variation négative des taxes municipales, scolaires et des primes d’assurance.
[63] Est-ce que le Tribunal peut diminuer le loyer du locataire alors que la locatrice demande une augmentation?
ANALYSE ET DÉCISION
[64] Les juges administratifs François Leblanc et Serge Adam, lors d’une demande de révision de la décision de la greffière spéciale, dans le dossier des Immeubles Georges Landry inc. c. Chagnon, ont répondu par l’affirmative :
« [21] De même, cela dit avec égard, il est faux de prétendre d’une décision fut rendue au-delà de la demande par la greffière spéciale puisqu’elle n’a fait que fixer le loyer suivant le règlement en vigueur. Ce qui est par ailleurs conforme aux procédures déposées par la locatrice, lesquelles demandaient de fixer le loyer conformément au règlement.
[22] On en arrive donc maintenant à la véritable question en litige, soit de savoir si le Tribunal peut fixer un loyer inférieur à celui payé avant le renouvellement du bail, et ce, en l’absence d’une disposition expresse de la loi.
[23] La compétence du Tribunal à cet égard est circonscrite par l’article 1953 C.c.Q., lequel se lit comme suit :
« 1953. Le tribunal saisi d'une demande de fixation ou de réajustement de loyer détermine le loyer exigible, en tenant compte des normes fixées par les règlements.
Le loyer qu'il fixe est en vigueur pour la même durée que le bail reconduit ou pour celle qu'il détermine, mais qui ne peut excéder 12 mois.
S'il accorde une augmentation de loyer, il peut échelonner le paiement des arriérés sur une période qui n'excède pas le terme du bail reconduit. »
[24] C’est donc dire que le Tribunal doit se limiter à fixer le loyer en fonction du Règlement sur les critères de fixation de loyer et ne peut donc statuer au-delà de ce qu’il prévoit (…).
[28] C’est donc dire que dans l’exercice de sa compétence en matière de contrôle des loyers, la Régie peut tant réduire celui-ci en deçà du loyer payé et convenu lors de l’ancien terme que d’augmenter à un loyer plus élevé que celui demandé dans l’avis de renouvellement de la locatrice.
[29] En conséquence, la demande de révision n’est pas fondée et la décision de la greffière spéciale doit être maintenue. »
[65] Toutefois, dernièrement, la Cour supérieure dans l’affaire Immeubles Georges Landy inc. c. Régie du logement, décidait qu’au contraire, lorsque le résultat obtenu en application du Règlement est négatif, le Tribunal doit alors, accorder la demande en tout ou en partie, ou la refuser.
[66] Dans son argumentaire, le juge Sylvain Provencher, J.C.S., s’exprime ainsi :
« Le Tribunal croit que la Régie, dans le cadre d’une demande d’augmentation de loyer formulée par un locateur selon l’article 1947 C.c.Q. — refus d’un locataire de subir une augmentation de loyer au renouvellement de bail — ne peut unilatéralement, sans qu’une demande lui soit formulée et que la locatrice puisse faire valoir ses moyens à son encontre, fixer le loyer en deçà de celui convenu par les parties pour le bail en cours sans commettre un accroc aux principes de droit fondamental que sont l’interdiction de juger au-delà de ce qui est demandé ainsi que la règle audi alteram partem. »
[67] Le Tribunal tient toutefois à préciser qu’il s’agit d’une décision isolée et le Tribunal administratif du logement n’était pas présent devant la Cour supérieure. La Cour a donc répondu aux arguments et motifs allégués par la seule locatrice et peut-être que certains faits et arguments n’ont pas été portés à son attention.
[68] La réduction dans le présent dossier résulte du fait que le dernier compte d’assurance est absent et que le Tribunal ne peut considérer de variations entre les deux années de référence. De plus, aucune facture d’entretien n’a été produite au dossier.
[69] CONSIDÉRANT l'ensemble de la preuve faite à l'audience;
[70] CONSIDÉRANT que le loyer du logement concerné ne constitue pas un loyer de faveur au sens du Règlement sur les critères de fixation de loyer;
[71] CONSIDÉRANT que la locataire consent à ajouter les conditions suivantes au bail :
- Une entente de 12 mois au lieu d’un bail indéterminé;
- Le paiement du loyer sera fait par virement internet ou par paiement direct.
[72] CONSIDÉRANT que la demande de retrait d’un stationnement ne respecte pas les délais et la procédure prévus aux articles 1942 C.c.Q. et suivants;
[73] CONSIDÉRANT qu’un ajustement mensuel de (2,24 $) est justifié;
[74] CONSIDÉRANT que l’ajustement est négatif;
[75] CONSIDÉRANT l’absence de preuve justifiant la condamnation du locataire au paiement des frais introductifs de la demande;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[76] REJETTE la demande de loyer de faveur.
[77] ACCUEILLE les demandes de modifications au bail suivantes :
- Une entente de 12 mois au lieu d’un bail indéterminé;
- Le paiement du loyer sera fait par virement internet ou par paiement direct.
[78] REJETTE la demande de retrait d’un stationnement.
[79] FIXE le loyer, après arrondissement au dollar le plus près, à 698,00 $ par mois du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022.
[80] Les autres conditions du bail demeurent inchangées.
[81] La locatrice assume les frais de la demande.
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Me Chantal Houde, greffière spéciale | ||
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Présence(s) : | la locatrice le locataire partie intéressée | ||
Date de l’audience : | 23 août 2021 | ||
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[1] RLRQ, c. T-15.01, r. 2.
[2] Blanchard c. Régie du logement, 2005 CanLII 11075 (QC CS).
[3] St-Pierre (Succession de St-Pierre) c. St-Amant, 2021 QCTAL 16582 (CanLII).
[4] Burlon c. Remise (2006) 2006 QCCQ 7057 (CanLII), J.L. 379 (C.Q.)
[5] Voir notamment 3377181 Canada inc. c. Munro, 31-990720-015F, Me Pierre Brassard, 28 juin 2000; Zaidan c. Parizeau, 22-890406-005V-891221, Mes Bernard et Joly, 30 mai 1990.
[6] 2006 QCCQ 7057.
[7] RLRQ, c. T-15.01, r. 2.
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