Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Tremblay et Société de transport de Montréal-Directions corporatives

2013 QCCLP 5735

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Longueuil

25 septembre 2013

 

Région :

Montérégie

 

Dossier :

512982-62-1306

 

Dossier CSST :

140350158

 

Commissaire :

Carmen Racine, juge administrative

 

Membres :

Louis Leblanc, associations d’employeurs

 

Lucy Mousseau, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Luc Tremblay

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Société de transport de Montréal-Directions corporatives

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 5 juin 2013, monsieur Luc Tremblay (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 13 mai 2013 à la suite d’une révision administrative (la révision administrative).

[2]           Par celle-ci, la CSST maintient une décision qu’elle a initialement rendue le 28 mars 2013 et, en conséquence, elle détermine que le travailleur n’a pas été victime d’une lésion professionnelle le 23 octobre 2012.

[3]           L’audience dans cette affaire a lieu à Longueuil le 17 septembre 2013 en présence du travailleur non représenté.

[4]           Le 16 septembre 2013, après avoir vu sa demande de remise refusée par la Commission des lésions professionnelles, l’employeur, la Société de transport de Montréal-Directions corporatives, avise le tribunal de son absence à cette audience. La Commission des lésions professionnelles a donc procédé sans ce dernier.

[5]           Par ailleurs, comme le travailleur n’est pas représenté, la Commission des lésions professionnelles lui explique le rôle du tribunal et la façon dont se déroulera l’audience.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[6]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a été victime d’un accident du travail le 23 octobre 2012 et qu’il a droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

L’AVIS DES MEMBRES

[7]           Conformément à ce qui est prévu à l’article 429.50 de la loi, la soussignée recueille l’avis des membres issus des associations syndicales et des associations d’employeurs sur la question soulevée par le présent litige.

[8]           Les membres issus des associations syndicales et des associations d’employeurs sont d’avis qu’il y a lieu d’accueillir la requête déposée par le travailleur, d’infirmer la décision rendue par la révision administrative et de déclarer que ce dernier a été victime d’un accident du travail le 23 octobre 2012.

[9]           En effet, les membres issus des associations syndicales et des associations d’employeurs estiment que la chute faite par le travailleur le 23 octobre 2012 lors d’un voyage d’affaires en Allemagne correspond à l’événement imprévu et soudain décrit à la loi.

[10]        Ils considèrent que cet événement survient à l’occasion du travail de gestionnaire de ce dernier et que les diagnostics retenus, plus particulièrement celui de déchirure du sus-épineux à l’épaule gauche, est relié à cet événement comme le démontre le docteur Julien Dionne, chirurgien orthopédiste mandaté par le travailleur.

[11]        Les membres issus des associations syndicales et des associations d’employeurs ajoutent que, bien que le travailleur ait tardé à consulter un médecin et à aviser son employeur de cet événement, les explications fournies par celui-ci justifient les délais observés dans ce dossier. Ces délais ne permettent donc pas de conclure à une absence de relation entre les diagnostics proposés et la chute survenue le 23 octobre 2012.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[12]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a été victime d’une lésion professionnelle le 23 octobre 2012.

[13]        L’article 2 de la loi énonce qu’une lésion professionnelle est une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l’occasion d’un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, rechute ou aggravation.

[14]        L’article 2 de la loi précise également qu’un accident du travail est un événement imprévu et soudain, survenant à une personne par le fait ou à l’occasion de son travail, et qui entraîne pour elle une blessure ou une maladie.

[15]        La maladie professionnelle est aussi décrite à l’article 2 de la loi. Ainsi, une maladie contractée par le fait ou à l’occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée aux risques particuliers de celui-ci est considérée une telle maladie professionnelle.

[16]        Enfin, le législateur prévoit des présomptions afin d’alléger le fardeau de la preuve qui repose sur les épaules du travailleur. L’article 28 de la loi édicte qu’une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle alors que l’article 29 de la loi indique que le travailleur souffrant d’une maladie énumérée à l’annexe I de la loi et ayant exercé un travail correspondant à cette maladie dans cette annexe est présumé atteint d’une maladie professionnelle.

[17]        Ceci étant établi, qu’en est-il du présent dossier ?

[18]        Il ressort des documents disponibles et du témoignage du travailleur que ce dernier est gestionnaire et directeur d’études pour l’employeur.

[19]        Il s’intéresse plus particulièrement à la motorisation propre et aux énergies renouvelables. Son travail consiste à faire des recherches et des études dans divers domaines, à tenir des réunions, à préparer ou à présider des conférences ou différentes présentations et à rédiger des rapports.

[20]        Dans le cadre de son travail, le travailleur se rend en Allemagne afin de participer à un congrès d’une durée d’une semaine. Ce voyage est autorisé par l’employeur et le travailleur représente celui-ci lors de cette activité. Il y fait deux présentations, il assiste à des conférences et il prend activement part à une réunion d’un groupe de travail mis sur pied par l’Union des transporteurs publics.

[21]        Lors de son départ en Allemagne, le travailleur ne ressent aucune douleur aux épaules. Il est en mesure de lever ses deux bras au-dessus de ses épaules et d’accomplir divers travaux de bricolage et de rénovation sans problème.

[22]        Le 23 octobre 2012, il se trouve donc en Allemagne à cette fin. Vers 17h30-18h00, il revient d’une conférence. Celle-ci se déroule principalement en allemand de telle sorte que ce dernier doit rester concentré, toute la journée, pour en saisir la teneur. Il est donc assez fatigué lorsqu’il se dirige vers son hôtel. Il doit marcher sur une distance d’environ ¾ de kilomètre et, sur le trajet, à proximité de l’hôtel, son attention est attirée par un poteau situé dans le milieu de la rue et qui semble disparaître lors du passage d’un véhicule. Il regarde donc ce poteau lorsqu’il voit, dans sa vision périphérique, un couple qu’il s’apprête à croiser. Il se trouve alors sur une esplanade surélevée, bordée d’un côté par un édifice et, de l’autre côté, par la rue. Le travailleur se tasse pour laisser passer le couple. Il ne se rend pas compte que l’édifice a pris fin, il met le pied dans le vide et il tombe, d’une hauteur de quelques marches, en allongeant le bras gauche afin d’amortir sa chute.

[23]        Il se relève rapidement, sa fierté en prend un coup. Des passants lui demandent s’il a besoin d’aide, mais il décline ces offres et il rentre à l’hôtel. Il ressent une vive douleur à l’épaule gauche. Il se repose et la douleur s’atténue. Il peut donc se rendre à un cocktail durant la soirée.

[24]        Le soir du 23 octobre 2012, la douleur à l’épaule gauche est toujours présente. Le travailleur explique que, en raison d’un problème personnel aux hanches, il consomme depuis quelques années des anti-inflammatoires ainsi qu’un somnifère. Il prend donc ces médicaments ce qui réduit tant ses douleurs à l’épaule gauche que celles aux hanches. Il peut donc assister au congrès malgré ses douleurs à l’épaule gauche.

[25]        Par la suite, il revient au Canada et, comme son travail est peu exigeant physiquement, il est en mesure de l’accomplir, même si les douleurs persistent. Le travailleur explique que sa douleur à l’épaule gauche se manifeste surtout la nuit et lors de certains mouvements. Elle s’amende lorsqu’il déplace son bras gauche. Cette douleur affecte son sommeil. Il se sent toujours fatigué, mais, au début, il attribue cette fatigue au décalage horaire existant entre l’Allemagne et le Canada.

[26]        Le travailleur peut tout de même continuer son travail régulier et, donc, pour lui, cette blessure n’est pas grave. Il est persuadé que la douleur partira d’elle-même avec le temps. Il prend des Tylénols, au besoin, lorsque la douleur est plus intense.

[27]        Le travailleur ne veut pas aller à l’urgence consulter un médecin pour une blessure qui est mineure. Il ne veut pas manquer de journées de travail pour cela. De plus, il ne voit pas pourquoi il déclarerait cet incident à son employeur. Il indique qu’il s’agit d’une inattention de sa part et qu’un rapport d’accident ne permettrait pas d’apporter les correctifs pertinents afin d’éviter qu’un tel incident se reproduise. Bref, le travailleur croit fermement que cette condition ne nécessite ni visite médicale, ni déclaration à l’employeur.

[28]        Cependant, la douleur à l’épaule gauche perdure. Le 28 décembre 2012, le travailleur est enrhumé. Il rencontre un médecin pour cette condition et, à cette occasion, il lui mentionne ses douleurs à l’épaule gauche. Il pense que ce médecin lui prescrira des médicaments, mais celui-ci soupçonne une déchirure de la coiffe des rotateurs gauche et il prévoit plutôt une échographie des deux épaules.

[29]        Le 15 février 2013, cette échographie est réalisée par le docteur Thierry Sabourin, radiologue. Au cours de l’examen, le docteur Sabourin demande au travailleur s’il a subi un traumatisme à l’épaule gauche et ce dernier relate alors l’incident du 23 octobre 2012. Le docteur Sabourin relie la déchirure du supra-épineux gauche au traumatisme. Il avise le travailleur qu’une intervention chirurgicale pourrait s’avérer nécessaire. Il conclut son examen en ces termes :

Déchirure transfixiante possiblement complète du supra-épineux gauche avec irrégularités corticales soit en lien avec des petites fractures par avulsion lors du trauma ou en lien avec des irrégularités post-déchirure. Le patient considérant possiblement une chirurgie s’il y avait indication, une résonance magnétique pourrait statuer de façon possiblement plus précise s’il s’agit d’une déchirure complète ou s’il persiste des fibres en regard du supra-épineux.

 

Aspect hétérogène et difficilement évaluable du sous-scapulaire. Une déchirure associée ne saurait être exclue d’autant plus que la présence de petits fragments calcifiés au sein de son insertion.

 

Tendinopathie du supra-épineux droit avec bursite sous-acromio-deltoïdienne et possible déchirure millimétrique transfixiante de la jonction du supra ou de l’infra-épineux.

[Notre soulignement]

 

 

 

[30]        Le travailleur réalise alors que sa blessure à l’épaule gauche est sérieuse. Il avise son employeur et il remplit un formulaire de réclamation pour la CSST.

[31]        Le 21 février 2013, le médecin consulté le 28 décembre 2012 produit une attestation médicale. Il y retient un diagnostic de déchirure du supra-épineux gauche « suite à une chute » qu’il situe le 23 octobre 2012. Il précise que le travailleur est suivi par le docteur Grondin et qu’il peut poursuivre ses activités de travail.

[32]        Par la suite, le travailleur fait l’objet d’un suivi médical pour des diagnostics de tendinites aux épaules droite et gauche et de déchirure du sus-épineux gauche. Le 25 février 2013, le docteur Hraibeh note que les problèmes de ce dernier découlent d’une chute au travail et, le 5 mars 2013, le physiothérapeute identifie également la chute à l’origine des douleurs aux épaules présentées par celui-ci.

[33]        Le travailleur se soumet à une intervention chirurgicale à l’épaule gauche quelques semaines avant l’audience et il doit, dès lors, s’absenter de son travail. Il demeure convaincu que sa condition aux épaules est générée par la chute survenue le 23 octobre 2012.

[34]        Le 5 septembre 2013, il produit une expertise rédigée à sa demande, le 29 août 2013, par le docteur Julien Dionne, chirurgien orthopédiste. Au terme de l’examen réalisé le 21 août 2013, le docteur Dionne diagnostique une déchirure du sus-épineux gauche qu’il relie à l’événement décrit par le travailleur. Il écrit :

Nous sommes en présence d’un requérant âgé maintenant de 59 ans qui n’avait présenté aucune symptomatologie significative au niveau des membres supérieurs incluant la capacité de celui-ci à effectuer des travaux d’entretien de son domicile avant l’événement du 23 octobre 2012.

 

Celui-ci, lors d’une chute, maintenant le membre supérieur gauche (non dominant) en flexion antérieure à 45°, le coude en extension, présente alors une douleur aiguë au niveau de son épaule gauche.

 

Les symptômes persistent incluant entre autres : difficulté aux mouvements de rotation externe et extension au cours de cette période incluant une douleur nocturne qui rend le sommeil perturbé chez celui-ci.

 

Il consulte donc son médecin traitant dans les semaines suivantes soit plus précisément en date du 23 [sic] décembre 2012 où le médecin traitant envisage une déchirure de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche et recommande une évaluation complémentaire.

 

Celle-ci aurait été effectuée dans les semaines suivantes soit en date du 15 février 2013 qui démontre effectivement une déchirure de la coiffe des rotateurs du sus-épineux.

 

Nous sommes donc en présence d’un patient qui a présenté, de toute évidence, une rupture de la coiffe des rotateurs du sus-épineux qui, présentement est en attente d’un traitement chirurgical à cet effet.

 

En ce qui a trait au délai de consultation de deux mois :

 

Considérant que ce patient était tout à fait asymptomatique antérieurement au niveau de ses deux épaules.

 

Considérant que ce patient utilisait une médication de type anti-inflammatoire Voltaren depuis maintenant plusieurs années.

 

Considérant que cette médication est relativement efficace chez celui-ci entraînant une diminution des symptômes en ce qui a trait à une coxarthrose droite.

 

Considérant que des syndromes de coxarthrose sont souvent très symptomatiques et demandent une dose d’anti-inflammatoires régulière.

 

Considérant que la coiffe des rotateurs est constituée de quatre muscles principaux qui, peuvent compenser une rupture unique d’un tendon (le sus-épineux).

 

Considérant que la fonction de travail de monsieur Tremblay étant relativement cléricale soit l’utilisation de l’ordinateur.

 

Considérant que la mobilisation du membre supérieur étant peu sollicitée lors de ses activités de travail. Celui-ci pouvait donc être effectué adéquatement.

 

Considérant que le sommeil de monsieur Tremblay fut perturbé et ce, dès l’événement qui nous intéresse.

 

Considérant qu’il s’agit en fait d’une symptomatologie caractéristique.

 

Nous pouvons donc déclarer que, cette rupture de coiffe des rotateurs est secondaire à sa chute survenue au travail en date du 23 octobre 2013 [sic].

 

Le délai de consultation est donc secondaire à cette prise d’analgésie de même que le délai de consultation secondaire à la difficulté de consultation médicale rapide.

 

Le reste de l’examen clinique démontre un patient fiable qui ne semble point exagérer la symptomatologie et dont les examens cliniques sont concordants avec l’examen subjectif.

 

Pour les raisons ci-haut mentionnées, cette rupture de coiffe des rotateurs de l’épaule non dominante est donc en relation directe avec cette chute lorsque celui-ci positionne le membre supérieur gauche en flexion antérieure de 45° le coude en extension provoquant ainsi un traumatisme direct acromio-huméral occasionnant ainsi cette rupture de coiffe des rotateurs le 23 octobre 2012.

[sic]

 

 

 

[35]        La Commission des lésions professionnelles doit donc déterminer si le travailleur a été victime d’une lésion professionnelle le 23 octobre 2012.

[36]        Le travailleur décrit une chute survenue à cette date lorsqu’il se trouve à un congrès en Allemagne et qu’il revient à son hôtel après avoir assisté à une conférence.

[37]        Le travailleur n’est donc pas sur les lieux de son travail et à son travail au moment de cet événement. Il ne peut donc bénéficier de l’application de la présomption de lésion professionnelle prévue à l’article 28 de la loi.

[38]        Par ailleurs, le travailleur ne démontre aucun des éléments nécessaires à la reconnaissance d’une maladie professionnelle ou d’une récidive, rechute ou aggravation. La Commission des lésions professionnelles ne peut donc déclarer que ce dernier subit de telles lésions professionnelles le 23 octobre 2012.

[39]        Cependant, un accident du travail peut être reconnu en l’espèce.

[40]        En effet, la chute décrite par le travailleur constitue l’événement imprévu et soudain exigé à l’article 2 de la loi.

[41]        Cette chute ne survient pas par le fait du travail de gestionnaire du travailleur car celui-ci n’exerce pas de telles fonctions lors de cet incident. Toutefois, cette chute survient « à l’occasion de ce travail » au sens donné à ces termes par la jurisprudence.

[42]        Ainsi, les principaux éléments à considérer afin de qualifier un événement d'accident survenu à l'occasion du travail sont le lieu de l'événement, le moment de l'événement, la rémunération de l'activité exercée par le travailleur lors de l'événement, l'existence et le degré d'autorité ou de subordination de l'employeur, la finalité de l'activité exercée au moment de l'événement et le caractère de connexité ou d'utilité relative de l'activité du travailleur en regard de l'accomplissement de son travail[2].

[43]        La Commission des lésions professionnelles précise également que ces critères ne sont pas exhaustifs, d’autres éléments pertinents pouvant être analysés, le cas échéant. La Commission des lésions professionnelles ajoute qu’il n’est pas nécessaire de retrouver tous ces critères afin de conclure qu’un événement se produit à l’occasion du travail et que chaque cas particulier doit être évalué selon les faits qui lui sont propres[3].

[44]        En outre, la Commission des lésions professionnelles élargit cette notion lorsque l’événement survient lors d’un déplacement à l’extérieur du Canada. Dans l’affaire Hrynkiw et Alcan Aluminium ltée[4], le tribunal indique que le travailleur demeure sous l’autorité de l’employeur lorsqu’il quitte son domicile au Canada pour se rendre à la destination autorisée par ce dernier et que cette situation ne prend fin que lorsque le travailleur est de retour à son domicile. En conséquence, durant tout son séjour, le travailleur est sous la gouverne de l'employeur et il exerce une activité reliée au travail. Un événement qui arrive durant cette période est donc considéré survenu à l’occasion de ce travail.

[45]        Ici, le travailleur est en Allemagne aux fins de son travail. Le déplacement est autorisé par l’employeur et le travailleur représente celui-ci lors de ce congrès. Le fait de se rendre au congrès et de retourner à l’hôtel après les conférences est une activité connexe au travail du travailleur lors de ce congrès et elle est non seulement utile, mais essentielle à son accomplissement. En effet, le travail du travailleur durant cette semaine consiste à assister aux conférences, à présenter des études et à participer à des groupes de travail. Le déplacement entre le lieu du congrès et l’hôtel du travailleur est donc une activité connexe à ce travail et profitable à l’employeur.

[46]        La Commission des lésions professionnelles estime donc que la chute qui se produit durant ce déplacement est un événement imprévu et soudain qui survient à l’occasion de ce travail.

[47]        Il reste toutefois à déterminer si les diagnostics retenus à compter du 28 décembre 2012 et, plus particulièrement, celui de déchirure ou de rupture du sus-épineux gauche, sont reliés à la chute décrite par le travailleur le 23 octobre 2012.

[48]        Les 28 mars et 13 mai 2013, la CSST, tant initialement qu’en révision administrative, refuse de reconnaître un accident du travail le 23 octobre 2012 au motif que les délais observés ne permettent pas de conclure à une relation entre les diagnostics proposés par le médecin qui a charge du travailleur et l’événement.

[49]        Or, la Commission des lésions professionnelles ne peut confirmer ces décisions pour les raisons suivantes.

[50]        D’une part, le travailleur explique bien pourquoi il attend avant de consulter un médecin et d’aviser son employeur. Ses explications sont plausibles et vraisemblables compte tenu des lésions subies, du membre atteint (non dominant) et du travail peu exigeant physiquement accompli par ce dernier.

[51]        D’autre part, tous les médecins consultés réfèrent à cet événement afin de justifier les lésions diagnostiquées sans jamais soulever d’autres hypothèses concernant les circonstances à l’origine de celles-ci.

[52]        Enfin, le docteur Dionne établit clairement une relation entre la rupture du sus-épineux gauche et le mécanisme accidentel et il cible divers éléments susceptibles d’expliquer les délais constatés dans ce dossier.

[53]        La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que la relation entre les diagnostics suggérés et l’événement est démontrée de façon prépondérante et, dès lors, un accident du travail peut être reconnu le 23 octobre 2012.

[54]        Le travailleur a donc droit aux prestations prévues à la loi.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête déposée par le travailleur, monsieur Luc Tremblay;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 13 mai 2013 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a été victime d’une lésion professionnelle le 23 octobre 2012, à savoir un accident du travail;

DÉCLARE que le travailleur a droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

__________________________________

 

Carmen Racine

 

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Plomberie & chauffage Plombec inc. et Deslongchamps, C.A.L.P. 51232-64-9305, le 17 janvier 1995, B. Lemay; Commission scolaire catholique Sherbrooke et Binette, [1998] C.L.P. 700; S.T.C.U.M. et Beauchemin, C.L.P. 109613-71-9901, le 23 juillet 1999, C. Racine; Vermette et Autobus S. Rompré ltée, C.L.P. 113743-04-9904, le 27 septembre 1999, G. Marquis; Laberge et Corporation d'Urgences-Santé, C.L.P. 111088-71-9902, le 5 octobre 1999, M. Zigby; Seoane et Université Laval, C.L.P. 157196-31-0103, le 19 décembre 2001, H. Thériault.

[3]           Voir la jurisprudence citée à la note 2 ainsi que l’affaire Olymel Flamingo et Morier, C.L.P. 152565-62B-0012, le 25 mars 2003, M.-D. Lampron.

[4]           [2006] C.L.P. 729.

AVIS :
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