Section des affaires immobilières
En matière de fiscalité municipale
Référence neutre : 2023 QCTAQ 07500
Dossier : SAI-M-319086-2210
Devant les juges administratifs :
JEAN-FRANÇOIS LÉCUYER
VÉRONIQUE PELLETIER
c.
et
MINISTÈRE DES AFFAIRES MUNICIPALES ET DE L'HABITATION
APERÇU
[1] Par requête introductive d’instance, Arsène Cadet conteste la perte de son exemption de paiement de taxes foncières dont bénéficiait son unité d’évaluation située au 46, rue Richard[1] pour le rôle d’évaluation foncière de 2022-2023-2024.
[2] La Ville de Laval (Ville) dépose une requête en irrecevabilité dans laquelle elle prétend le recours irrecevable, car la demande de révision a été déposée hors délai.
[3] L’audience se tient par visioconférence, le 10 juillet 2023, devant le Tribunal administratif du Québec. Toutes les parties ont l’opportunité de faire leurs représentations et le délibéré débute le même jour.
[4] Le Tribunal doit décider si la demande de révision du requérant a été déposée dans les délais prévus à la Loi sur la fiscalité municipale[2] (LFM), et ainsi déterminer si le recours est recevable ou non.
[5] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal décide que le recours est irrecevable, car la demande de révision a été déposée hors délai.
CONTEXTE
[6] Au cours du processus de confection du rôle d’évaluation, le service d’évaluation foncière de la Ville demande à M. Cadet et Mme Colette Gelin, par une lettre datée du 3 mai 2021[3], des renseignements et des pièces justificatives concernant la qualification de leur unité d’évaluation à titre de presbytère.
[7] Le dépôt du rôle a lieu le 14 septembre 2021. Le service d’évaluation foncière de la Ville, n’ayant pas reçu la totalité des informations et documents demandés à ce moment, estime que la propriété ne se qualifie pas de presbytère et aucune exemption de taxes foncières n’est accordée.
[8] L’avis d’évaluation de cet immeuble est transmis au requérant et à la mise en cause le 21 février 2022[4]. Cet avis indique qu’une demande de révision peut être faite et que la date limite est le 30 avril 2022.
[9] Au 30 avril 2022, aucune demande de révision n’est déposée auprès de la Ville.
[10] La demande de révision du requérant est reçue par la Ville le 26 juillet 2022.
[11] La réponse de l’évaluateur[5] est transmise vers le 22 septembre 2022 à M. Cadet, laquelle indique que l’évaluateur ne propose aucune modification du rôle car la demande de révision a été déposée hors délai et que le motif de ce retard ne constitue pas une situation de force majeure.
PREUVE ET ANALYSE
[12] L’article
[13] En fiscalité municipale, l’immuabilité du rôle d’évaluation foncière est un principe reconnu et très important, car il permet la stabilité tant des finances municipales que de celles des citoyens durant un rôle triennal. Pour cette raison, le délai prévu à l’article
[14] Aucune demande de révision n’a été déposée auprès de la Ville avant le 1er mai 2022.
[15] Ce n’est que le 26 juillet 2022 qu’une telle demande est reçue par la Ville. Cette demande de révision est déposée 56 jours après la date d’échéance prévue à l’article
[16] Mais l’article
[17] C’est à celui qui invoque la situation de force majeure de prouver celle-ci. La jurisprudence constante est à l’effet que la situation de force majeure doit remplir quatre conditions : l’imprévisibilité, l’irrésistibilité, la non-imputabilité et l’impossibilité d’exécution.
[18] M. Cadet explique dans une lettre[7] transmise à la Ville, ainsi que lors de son témoignage, que sa fille a omis de transmettre un des documents requis par la Ville dans sa demande de renseignements[8]. Cette omission est due à la situation personnelle que sa fille vivait au moment de cette demande de la Ville.
[19] Quoique que le Tribunal soit sensible à ce que vit la fille de M. Cadet, l’oubli de cette dernière de transmettre un document à la Ville n’est pas et ne peut constituer un cas de force majeure, car les conditions de cas de force majeure ne sont pas remplies.
[20] La demande de renseignement et de pièces justificatives a été transmise à M. Cadet et Mme Gelin le 3 mai 2021. Ceux-ci avaient donc le temps nécessaire pour transmettre le document manquant avant le dépôt du rôle, voire même avant l’entrée en vigueur de celui-ci, et ainsi corriger cette omission.
[21] Suite à la réception de l’avis d’évaluation en février 2022, ils ont toujours l’opportunité de faire une demande de révision ou encore de communiquer avec la Ville afin de fournir le document manquant.
[22] Malgré que M. Cadet obtienne l’aide de l’une de ses filles pour répondre à la demande de renseignement de la Ville, celui-ci demeure imputable et il doit s’assurer que le dossier est complet. D’ailleurs, le formulaire de déclaration transmis par la Ville avec la demande exige une signature et la section 6 précise les documents à fournir. M. Cadet aurait pu facilement s’assurer que tous les documents requis étaient joints à la déclaration; il en est de sa responsabilité.
[23] Le Tribunal est d’avis que M. Cadet avait la possibilité de déposer une demande de révision et de fournir le document manquant avant la date limite. Il n’était pas dans l’impossibilité d’agir.
[24] Malgré cela, la demande de révision est déposée 56 jours après la date limite et ce délai est imputable à l’inaction de M. Cadet.
[25] Ainsi, la preuve démontre que plusieurs des conditions de la force majeure ne sont pas respectées. Il ne s’agit donc pas d’une situation de force majeure.
[26] Le Tribunal précise que même si M. Cadet est pasteur de cette église depuis plusieurs rôles d’évaluation antérieurs, la Ville effectue des vérifications ponctuelles quant à l’exactitude des informations liées aux unités d’évaluation, et ce à des intervalles maximums de neuf ans. N’ayant pas un dossier complet, la Ville est dans l’impossibilité de confirmer l’exactitude des informations portées au rôle et ainsi, ne peut qualifier cette propriété de presbytère. La ville voulait s’assurer, en obtenant une preuve écrite, que M. Cadet était toujours pasteur d’une église dont le siège est situé à Montréal.
[27] Le fardeau de prouver la situation de force majeure incombe au requérant. Selon la preuve présentée devant lui, le Tribunal est d’avis que le requérant ne s’est pas déchargée de son fardeau de la preuve.
[28] En conséquence, en l’absence de situation de force majeure, le Tribunal conclut que la demande de révision a été déposée hors délai et que, par conséquent, le recours est irrecevable.
[29] La décision est prononcée sans frais considérant la bonne foi du requérant ainsi que le déroulement du recours.
POUR CES MOTIFS, le Tribunal :
ACCUEILLE la requête en irrecevabilité de l’intimée ;
REJETTE le recours du requérant ;
LE TOUT sans frais de justice.
JEAN-FRANÇOIS LÉCUYER, j.a.t.a.q.
| VÉRONIQUE PELLETIER, j.a.t.a.q. |
Services des affaires juridiques Ville de Laval (SAJVL)
Me Célestine Chartier
Procureure de la partie intimée
[1] Matricule 8849-25-5087-1-000-0000.
[2] RLRQ, chapitre F-2.1.
[3] Pièce R-1.
[4] Pièce R-2.
[5] Pièce R-6.
[6] Article
[7] Pièce R-5.
[8] Pièce R-1.
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