Décision

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Labrecque Provencher c. Meubles Poisson ltée

2019 QCCQ 1711

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

TERREBONNE

LOCALITÉ DE

SAINT-JÉROME

« Chambre civile »

N° :

700-32-701594-184

 

 

 

DATE :

Le 20 mars 2019

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

LA JUGE

JOHANNE GAGNON, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

Huguette LABRECQUE PROVENCHER

Demanderesse

c.

MEUBLES POISSON LTÉE

et.

MC COMMERCIAL INC.

Défenderesses

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]       Madame Labrecque Provencher réclame la somme de 894,41 $ concernant une laveuse de marque Mabe qu’elle a achetée le 29 janvier 2013 de la défenderesse Meubles Poisson Ltée («Poisson»)[1]. La défenderesse MC Commercial inc. («MC») est quant à elle poursuivie à titre de fabricant de la laveuse.

[2]       Après quatre ans et demi d’utilisation, en août 2017, la laveuse se met à couler et à faire beaucoup de bruit, à un point tel que Madame Labrecque Provencher, devant l’inaction des défenderesses, s’achète une nouvelle laveuse[2].

[3]       Sa réclamation se détaille comme suit :

(a)       561,68 $ représentant le prix payé pour la laveuse, taxes incluses[3];

(b)       97,73 $ représentant les frais encourus pour les services d’un technicien[4];

(c)       35 $ pour l’envoi de lettres par courrier recommandé[5];

(d)       200 $ pour les troubles, ennuis et inconvénients subis.

[4]       Seule Poisson conteste le recours de Madame Labrecque Provencher. En effet, bien que MC ait déposé une contestation écrite, aucun représentant ne s’est présenté à l’audition.

[5]       Quant à Poisson, elle soutient que lorsque Madame Labrecque Provencher s’est présentée en magasin pour dénoncer la situation, elle a été dirigée vers MC qui est l’ultime responsable du mauvais fonctionnement de la laveuse, laquelle est toujours visée par la garantie de dix (10) ans.

QUESTIONS EN LITIGE

[6]       Ce litige soulève les questions suivantes :

(a)     Poisson et MC ont-elles manqué à leurs obligations envers Madame Labrecque Provencher?

(b)     Le cas échéant, Madame Labrecque Provencher a-t-elle droit à la résolution de la vente?

(c)     Le cas échéant, Madame Labrecque Provencher a-t-elle droit aux dommages qu’elle réclame?

ANALYSE ET DÉCISION

[7]           Le Tribunal reproduit ci-après les articles 38 et 272 de la Loi sur la protection du consommateur (ci-après la « L.P.C. ») qui le guideront dans son analyse du recours de Madame Labrecque Provencher:

« 38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.

272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l’article 314 ou dont l’application a été étendue par un décret pris en vertu de l’article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:

a)  l’exécution de l’obligation;

b)  l’autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;

c)  la réduction de son obligation;

d)  la résiliation du contrat;

e)  la résolution du contrat; ou

f)  la nullité du contrat,

sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs. »

[8]       Par ailleurs, selon les dispositions des articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec, il appartient à celui qui veut faire valoir un droit de convaincre le tribunal du bien-fondé de sa réclamation selon la règle de la prépondérance. Cette règle prévoit qu’un fait sera considéré prouvé si le tribunal est convaincu que son existence est plus probable que son inexistence. Il ne s’agit donc pas de démontrer qu’un fait est possible, mais plutôt de démontrer qu’il est probable[6].

[9]       Lorsque la preuve offerte n’est pas suffisamment convaincante ou si la preuve est contradictoire et qu’il est impossible pour le juge de cerner la vérité, celui sur qui reposait le fardeau perdra[7].

A)      Poisson et MC ont-elles manqué à leurs obligations envers Madame Labrecque Provencher

[10]    Pour avoir gain de cause dans son recours, Madame Labrecque Provencher doit démontrer, par la prépondérance, que Poisson et MC ont failli à leurs obligations à son égard en ce que la laveuse qu’elle a acquise n’a pu servir à un usage normal pendant une durée raisonnable.

[11]    Or, la preuve révèle que lorsque la laveuse commence à couler et à faire du bruit en août 2017, Madame Labrecque Provencher, qui a alors 81 ans, se présente chez Poisson pour vérifier la date de l’achat et l’étendue de la garantie. Pour une raison que le Tribunal ne peut s’expliquer, Poisson ne peut lui donner cette information et ne fait que la référer au fabricant, sans plus.

[12]    Madame Labrecque Provencher tente alors de communiquer avec MC, sans succès. Elle ne réussit qu’à joindre une boîte vocale générale qui la réfère au site Internet de MC.

[13]    Madame Labrecque Provencher n’utilise pas l’Internet et malgré ses efforts, elle ne peut parler à personne de vive voix chez MC.

[14]    Elle retient donc les services d’un technicien qui, après inspection de la laveuse, en arrive à la conclusion que c’est la transmission de celle-ci qui est brisée et qu’il en coûtera plus cher de la réparer que d’acheter une nouvelle laveuse. De plus, il est impossible de se procurer une nouvelle transmission[8].

[15]    Dans l’intervalle, la fille de Madame Labrecque Provencher consulte le site Internet de MC où elle constate que cette dernière réfère ses clients à ses techniciens attitrés de la firme Doiron Service. Elle communique avec ces derniers et leur donne le numéro de série de la laveuse achetée par sa mère. Elle obtient alors comme information que la laveuse en question n’est couverte que d’une garantie d’un (1) an, laquelle est expirée.

[16]    Madame Labrecque Provencher retourne alors chez Poisson qui, encore une fois, ne lui est d’aucune aide.

[17]    Exaspérée et vu les informations transmises par le technicien qu’elle a consulté, Madame Labrecque Provencher se départit de la laveuse et s’en achète une nouvelle, le 16 septembre 2017, chez Poisson[9].

[18]    Ce n’est qu’en mars 2018, après l’envoi de mises en demeure à Poisson et à MC[10], que Madame Labrecque Provencher est avisée par MC que la transmission de la laveuse était couverte par une garantie de dix (10) ans et qu’il aurait été possible de se procurer une nouvelle transmission[11].

[19]    Le Tribunal considère que Madame Labrecque Provencher s’est déchargée de son fardeau de preuve, c’est-à-dire qu’elle a démontré que :

(a)       la laveuse qu’elle a achetée s’est détériorée en août 2017;

(b)       les coûts pour réparer la laveuse excédaient le prix d’achat;

(c)       la laveuse n’a pas eu la durabilité énoncée à l’article 38 L.P.C.

[20]    La L.P.C. est une loi d’ordre public qui protège les consommateurs qui achètent un bien d’un commerçant. Lorsque les conditions prévues à l’article 38 L.P.C. sont remplies, le vendeur et le fabricant sont présumés responsables du bris du bien vendu. Pour repousser cette présomption, le vendeur et le fabricant doivent offrir une preuve convaincante. Aucune telle preuve n’a été faite en l’instance.

[21]    Au contraire, la preuve démontre que Poisson n’a offert aucune collaboration à Madame Poisson tout au long de ces événements, sauf quand est venu le temps pour elle d’acheter une nouvelle laveuse. Le Tribunal considère qu’avant de vendre une nouvelle laveuse à Madame Provencher Labrecque, Poisson aurait dû lui offrir plus de collaboration pour tenter de trouver une solution auprès de MC.

[22]    Quant à MC, le Tribunal est d’avis que Madame Provencher Labrecque a suivi les indications fournies par celle-ci sur son site Internet. Les techniciens attitrés de MC lui ont confirmé que la laveuse n’était plus sous garantie. MC ne peut donc reprocher à Madame Provencher Labrecque de s’être départie de la laveuse.

B)     Le cas échéant, Madame Labrecque Provencher a-t-elle droit à la résolution de la vente?

[23]    Compte tenu de la conclusion à laquelle le Tribunal arrive sur la première question et compte tenu des dispositions de l’article 272 L.P.C., le Tribunal accorde la résolution de la vente de la laveuse.

C)     Le cas échéant, Madame Labrecque Provencher a-t-elle droit aux dommages qu’elle réclame?

[24]    Aux yeux du Tribunal, la réclamation de Madame Labrecque ne peut être accueillie qu’en partie.

[25]    Le Tribunal est en effet d’avis que Madame Labrecque Provencher ne peut valablement exiger le remboursement intégral du prix qu’elle a payé pour la laveuse le 29 janvier 2013 (561,68 $) compte tenu qu’elle l’a utilisée pendant une période d’un peu plus de quatre (4) ans sans problème. Le Tribunal doit donc déterminer la valeur dépréciée de la laveuse.

[26]    En l’absence de preuve directe à cet égard, le Tribunal, utilisant la discrétion dont il dispose, fixe arbitrairement à la somme de 300 $ la valeur de la laveuse au moment du bris survenu en août 2017.

[27]    Quant aux autres sommes réclamées pour les services d’un technicien (97,73 $) et les frais de courrier recommandé (35 $), ils sont également accordés puisqu’il s’agit de dommages directs subis par Madame Provencher Labrecque.

[28]    Pour ce qui est de la réclamation pour troubles, ennuis et inconvénients, le Tribunal considère que la somme réclamée de 200 $ est raisonnable et représente véritablement les dommages réellement subis par Madame Provencher Labrecque.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE en partie la demande.

RÉSOUT le contrat de vente intervenu avec Meubles Poisson Ltée le 29 janvier 2013 pour la vente d’une laveuse de marque Mabe portant le numéro de série PTAN9150MWW.

CONDAMNE les défenderesses Meubles Poisson Ltée et MC Commercial inc., solidairement, à payer à la demanderesse Huguette Labrecque Provencher la somme de 632,73 $ avec les intérêts au taux de 5% l'an ainsi que l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter du 7 février 2018.

CONDAMNE les défenderesses Meubles Poisson Ltée et MC Commercial inc., solidairement, à payer à la demanderesse Huguette Labrecque Provencher la somme de 200 $ en remboursement de ses frais de justice limités aux droits de greffe payés lors du dépôt de la demande

 

 

__________________________________

JOHANNE GAGNON, j.c.q.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

16 janvier 2019

 



[1]     Pièce P-1.

[2]     Pièce P-3.

[3]     Pièce P-1.

[4]     Pièce P-2.

[5]     Pièces P-5 et P-7.

[6]     Bell Canada c. Promutuel Lanaudière, société mutuelle d’assurance générale, 2015 QCCQ 3730, paragraphes 61 à 64.

[7]     Léo Ducharme, Précis de la preuve, 5ième éd., Wilson et Lafleur, no 58.

[8]     Pièce D-1.

[9]     Pièce P-3.

[10]    Pièces P-4 et P-6.

[11]    Pièce P-9.

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