Procureur général du Québec c. Kanyinda | 2024 QCCA 144 | ||||
COUR D’APPEL | |||||
| |||||
CANADA | |||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||
GREFFE DE
| |||||
N° : | |||||
(500-17-108083-190) | |||||
| |||||
DATE : | 7 février 2024 | ||||
| |||||
| |||||
| |||||
| |||||
PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC | |||||
APPELANT / INTIMÉ INCIDENT – défendeur | |||||
c. | |||||
| |||||
BIJOU CIBUABUA KANYINDA | |||||
INTIMÉE / APPELANTE INCIDENTE – demanderesse | |||||
et | |||||
COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE | |||||
MISE EN CAUSE / APPELANTE INCIDENTE – intervenante | |||||
| |||||
| |||||
| |||||
[1] L’appelant se pourvoit contre un jugement du 25 mai 2022 de la Cour supérieure, district de Montréal (l’Honorable Marc St-Pierre), qui accueille en partie le pourvoi en contrôle judiciaire modifiée de l’intimée, déclare que l’article 3 du Règlement sur la contribution réduite est ultra vires des pouvoirs réglementaires du gouvernement et que l’intimée avait droit aux services de garde subventionnés.
[2] L’intimée et la mise en cause se pourvoient par appel incident et soulèvent l’invalidité constitutionnelle d’une partie de l’article 3 dudit règlement en vertu de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés et de l’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne.
[3] Pour les motifs de la juge Dutil, auxquels souscrivent les juges Mainville et Moore, LA COUR :
[4] ACCUEILLE en partie l’appel principal à la seule fin d’infirmer le paragraphe 82 du jugement de première instance;
[5] INFIRME le paragraphe 82 du jugement de première instance;
[6] ACCUEILLE en partie l’appel incident de l’intimée – appelante incidente;
[7] DÉCLARE que l’exclusion, à l’article 3 du Règlement sur la contribution réduite (RLRQ, c. S-4.1.1, r.1), des parents demandant l’asile, séjournant au Québec et titulaires d’un permis de travail, constitue une discrimination fondée sur le sexe qui porte atteinte à l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne;
[8] DÉCLARE que cette atteinte n’est pas justifiée en vertu de l’article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne;
[9] DÉCLARE que l’article 3(3) du Règlement sur la contribution réduite (RLRQ, c. S‑4.1.1, r.1) doit dorénavant se lire comme rendant admissible au paiement de la contribution réduite le parent qui réside au Québec aux fins d’une demande d’asile tout en étant titulaire d’un permis de travail;
[10] REJETTE l’appel incident de la mise en cause – appelante incidente;
[11] LE TOUT, sans frais de justice en appel vu le résultat mitigé des pourvois.
| ||
|
| |
| JULIE DUTIL, J.C.A. | |
| ||
|
| |
| ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A. | |
| ||
|
| |
| BENOÎT MOORE, J.C.A. | |
| ||
Me Manuel Klein Me Christophe Achdjian | ||
bernard, roy (justice – québec) | ||
Pour l’appelant – intimé incident | ||
| ||
Me Sibel Ataogul Me Guillaume Grenier | ||
mmgc | ||
Pour l’intimée – appelante incidente | ||
| ||
Me Justine St-Jacques Me Christine Campbell | ||
bitzakidis, clément-majors, fournier | ||
Pour la mise en cause – appelante incidente | ||
| ||
Date d’audience : | 2 novembre 2023 | |
|
MOTIFS DE LA JUGE DUTIL |
|
|
[12] Les trois pourvois dont la Cour est saisie visent à déterminer si des personnes demandant l’asile, qui séjournent au Québec et sont titulaires d’un permis de travail, peuvent être exclues du programme d’accès aux services de garde subventionnés pour leurs enfants.
[13] L’appel principal du procureur général du Québec (« PGQ ») porte sur la validité de l’article 3 du Règlement sur la contribution réduite (« RCR »)[1] du point de vue du droit administratif, puisque le juge de première instance l’a déclaré nul et ultra vires.
[14] Quant à l’appel incident de l’intimée – appelante incidente, Mme Kanyinda, il soulève l’invalidité constitutionnelle de l’article 3 RCR au sens de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (« Charte canadienne »), alors que celui de la mise en cause – appelante incidente, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (« CDPDJ »), porte également sur l’invalidité constitutionnelle de cette disposition, mais au regard de l’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne (« Charte québécoise »).
* * *
[15] Les faits utiles à l’étude du pourvoi sont simples et non contestés.
[16] Mme Kanyinda est originaire de la République démocratique du Congo. Après un séjour aux États-Unis, elle entre au Québec le ou vers le 9 octobre 2018 via le point d’entrée connu comme le « Chemin Roxham », depuis fermé à la suite d’une entente entre les gouvernements du Canada et des États-Unis. Elle est la mère de trois enfants qui l’accompagnent au Québec, lesquels étaient âgés de 5 ans, 4 ans et 2 ans au moment du dépôt du recours.
[17] Dès son arrivée au Québec, Mme Kanyinda présente une demande d’asile au titre de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (« LIPR »)[2]. Bien que ce type de demande eût dû, selon la législation applicable, être traité rapidement[3], les délais requis pour déterminer le statut de réfugié sont souvent très longs. En l’espèce, Mme Kanyinda n’avait pas encore obtenu le statut de réfugiée le 26 novembre 2019, au moment de l’interrogatoire au préalable du PGQ. Toutefois, lors de l’audience en première instance, les 21 et 22 avril 2022, elle possédait ce statut.
[18] Durant la période d’attente entre le dépôt de sa demande et la décision des autorités fédérales reconnaissant son statut de réfugiée, Mme Kanyinda obtient un permis de travail lui permettant d’occuper un emploi au Québec. Elle fait également des démarches auprès de trois garderies afin de trouver une place subventionnée pour ses enfants. Elle se voit toutefois refuser l’accès à ce service dans chacune d’elles au motif qu’elle est exclue des services de garde subventionnés, l’accès à ces services étant réservé aux personnes dont le statut de réfugié est formellement reconnu par les autorités fédérales et non pas à celles en attente de la décision des autorités fédérales à ce sujet.
[19] Le 31 mai 2019, Mme Kanyinda dépose une demande de pourvoi en contrôle judiciaire, laquelle est modifiée le 16 août 2019. Ce pourvoi comprend trois volets qu’elle décrit ainsi dans son mémoire d’appel :
[20] La CDPDJ intervient le 20 septembre 2019.
[21] Le 25 mai 2022, le juge de première instance accueille en partie le pourvoi en contrôle judiciaire quant au volet administratif. Il conclut que l’article 3 RCR a été pris sans habilitation législative et est donc ultra vires et nul. Il rejette cependant les prétentions de Mme Kanyinda quant aux volets interprétatifs et constitutionnels[4].
[22] Les trois parties se pourvoient contre le jugement de première instance.
[23] Le juge examine d’abord l’utilité de se prononcer sur le litige étant donné que Mme Kanyinda a obtenu le statut de réfugiée depuis le dépôt de sa demande de pourvoi en contrôle judiciaire et qu’elle est maintenant admissible aux contributions réduites en garderies subventionnées. Il conclut que la question est sérieuse et qu’il est utile de la trancher[5].
[24] Le juge s’attarde ensuite à l’interprétation qu’il faut donner à l’article 3 RCR. À son avis, cet article ne permet pas d’inclure les personnes demandant l’asile dans les catégories de personnes ayant accès aux contributions réduites; il rejette ainsi l’interprétation large prônée par Mme Kanyinda[6].
[25] Le juge estime par ailleurs que le gouvernement n’était pas habilité à adopter l’article 3 RCR puisque la LSGÉE ne prévoit pas expressément un tel pouvoir réglementaire. Il rejette du même coup l’application de la théorie de l’habilitation indirecte, la LSGÉE n’identifiant pas le titulaire de ce pouvoir d’habilitation. Il déclare donc cette disposition du RCR nulle et ultra vires[7].
[26] Quant au volet constitutionnel, le juge conclut que l’article 3 RCR n’est pas discriminatoire au sens de l’article 15 de la Charte canadienne. En effet, il n’y a pas de discrimination fondée sur le sexe puisque rien ne permet de déterminer dans quelle proportion les femmes demandant l’asile assumeraient des frais supplémentaires de garde de leurs enfants[8]. Il rejette aussi l’argument selon lequel il y aurait discrimination fondée sur motif de la citoyenneté, car l’article 3 RCR vise tout autant des citoyens canadiens que non-citoyens[9]. Enfin, selon le juge, le motif du statut d’immigration ne revêt pas un caractère suffisamment immuable pour être reconnu à titre de motif analogue de discrimination[10].
[27] Le juge rejette également l’argument constitutionnel fondé sur l’article 12 de la Charte canadienne qui garantit à chacun le droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités. Rien ne prouve que le RCR a été adopté pour écarter les « faux réfugiés ». Il convient par ailleurs d’interpréter les termes « cruels et inusités » dans leur sens ordinaire et non de façon à permettre au pouvoir judiciaire de se substituer aux élus[11].
[28] Le juge se prononce ensuite sur les arguments fondés sur la Charte québécoise. Il conclut que l’article 3 RCR ne viole pas les articles 10 et 12 et rejette ainsi les arguments fondés sur les motifs du sexe, de l’origine ethnique et de la condition sociale. Il est d’avis que l’article 12 ne s’applique pas à un texte réglementaire, celui-ci n’étant pas visé par l’expression « conclure un acte juridique »[12].
[29] Quant à l’article 4 de la Charte québécoise, qui consacre le droit de toute personne à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation, le juge est d’avis que le fait de considérer que les personnes demandant l’asile sont inadmissibles au paiement de la contribution réduite ne lui porte pas atteinte[13].
[30] Le juge ne retient donc que le motif d’absence d’habilitation législative pour accueillir en partie la demande de pourvoi en contrôle judiciaire de Mme Kanyinda.
[31] Les pourvois soulèvent plusieurs questions qui peuvent être regroupées de la façon suivante :
Appel principal du PGQ
Appel incident de Mme Kanyinda
Appel incident de la CDPDJ
[32] Je traiterai d’abord des questions liées à la validité du RCR, à son interprétation et au fait qu’il pourrait être discriminatoire au sens du droit administratif. Je poursuivrai ensuite mon analyse pour déterminer si l’article 3 RCR porte atteinte au droit à l’égalité protégé par l’article 15 de la Charte canadienne ainsi que par les articles 10 et 12 de la Charte québécoise.
L’habilitation législative
[33] Dans le cadre de l’appel principal, le PGQ plaide que le juge a erré en concluant que l’article 3 RCR a été adopté sans habilitation législative valide. Selon lui, la LSGÉE, lue dans son ensemble, et plus particulièrement en tenant compte de son article 87 et de ses paragraphes 42(4) et 106(26), habilite le gouvernement du Québec à établir les cas et conditions d’admissibilité à la contribution réduite. Il ressort d’ailleurs des dispositions de la LSGÉE que le législateur a choisi de confier au gouvernement l’ensemble des pouvoirs réglementaires susceptibles d’avoir un impact social et financier significatif dans le domaine des services de garde. Ces larges pouvoirs incluent celui de déterminer les conditions d’admissibilité à la contribution réduite.
[34] Mme Kanyinda soutient pour sa part qu’aucune disposition habilitante n’attribue au gouvernement le pouvoir d’établir par règlement l’admissibilité au paiement de la contribution réduite. L’article 106 de la LSGÉE énumère de façon exhaustive les habilitations conférant au gouvernement un pouvoir réglementaire. Or, aucune habilitation directe ne lui permet de déterminer les conditions d’admissibilité. Ce pouvoir n'est pas non plus celui prévu à l’article 84 de LSGÉE, réitéré au paragraphe 106(26), puisqu’il vise autre chose que la détermination des conditions d’admissibilité au paiement de la contribution réduite.
[35] Selon Mme Kanyinda, l’économie générale de LSGÉE en matière de pouvoirs réglementaires indique que chaque fois que le législateur fait référence à des normes réglementaires, sans attribuer un pouvoir réglementaire à un titulaire clairement déterminé, il en confirme l’existence et attribue celui-ci à un titulaire identifié à l’article 106, soit le gouvernement. Cette technique d’habilitation utilisée par le législateur de façon systématique dans la LSGÉE ne l’est pas au paragraphe 42(4), ce qui fait en sorte qu’on ne peut y déceler une habilitation indirecte. Quant à la référence à un règlement, à l’article 87 LSGÉE, elle concerne le fait qu’il y a une contribution fixée par règlement. Cet article n’attribue aucun pouvoir réglementaire pour déterminer les conditions d’admissibilité à la contribution réduite.
[36] Le juge s’exprime ainsi sur cette question :
[29] Le procureur général a référé aux articles 84 et 106, 26e sous-alinéa, qui par une interprétation téléologique large donneraient au gouvernement l’habilitation pour identifier les personnes admissibles :
84. Le gouvernement peut, par règlement, déterminer les conditions de versement de la contribution fixée pour une journée ou une demi-journée de garde ainsi que les cas d’exemption totale ou partielle de cette contribution pour tout ou partie des services qu’il détermine.
2005, c. 47, a. 84; 2015, c. 8, a. 165; 2020, c. 5, a. 11.
106. Le gouvernement peut, par règlement, pour l’ensemble ou une partie du territoire du Québec:
26° déterminer les conditions et modalités suivant lesquelles le parent verse la contribution fixée par le gouvernement et les cas où le parent en est exempté, totalement ou partiellement, pour tout ou partie des services déterminés;
qui visent de toute évidence autre chose; si le législateur avait voulu que ces dispositions visent les catégories de personnes qui bénéficieraient de la contribution réduite, il l’aurait écrit dans ces mots-là ou dans des mots semblables.
[30] Le procureur général invoque par ailleurs la doctrine de l’habilitation indirecte qui ferait en sorte que la cour devrait accepter la légalité de l’article 3 RCR sur la base de la disposition dans la loi qui réfère aux conditions d’admissibilité des parents à la contribution réduite déterminées par règlement, à savoir le quatrième paragraphe du premier alinéa de l’article 42 de la loi qui se lit comme suit :
42. Le bureau coordonnateur a pour fonctions, dans le territoire qui lui est attribué :
4° de déterminer, selon les cas et conditions déterminées par règlement, l’admissibilité d’un parent à la contribution fixée par le gouvernement en vertu de l’article 82;
[31] Le procureur général plaide à partir de cette disposition que la loi prévoit clairement un règlement sur l’admissibilité, donc permettant de déterminer les catégories de personnes pouvant bénéficier de la contribution réduite; le tribunal est d’accord avec cet avancé.
[32] Cependant, dans la doctrine plaidée par la demanderesse, Garant, d’une part et Issaly et Lemieux, d’autre part, écrivent en parlant de l’halibitation indirecte qu’il faut au moins que le titulaire du pouvoir (d’habilitation) soit identifié; cette détermination par les auteurs n’est pas remise en cause par le procureur général.
[33] Il plaide plutôt que l’autorité pour adopter dans un règlement les critères d’admissibilité à la contribution ressort de toute évidence du texte de loi, le seul autre titulaire du droit d’adopter des règlements en vertu de la loi, le ministre, se voyant confier le pouvoir d’adoption d’un règlement que dans une zone très limitée étrangère à la contribution (à l’article 107 de la loi).
[34] Cependant, pour le soussigné, même si c’était logique (que ce soit le gouvernement qui serait habilité), ce serait d’ajouter quelque chose qui ne se trouve pas dans l’enseignement à tirer de la doctrine que d’accepter la proposition du P.G.Q. en ce sens que ça serait la cour elle-même qui identifierait le titulaire du pouvoir d’habilitation alors que ça doit être la loi.
[35] Dans les circonstances, la cour est d’avis que le gouvernement n’a pas été habilité à adopter l’article 3 RCR fixant les catégories des personnes pouvant bénéficier de la contribution réduite; l’article 3 du règlement sera donc déclaré ultra vires.[14]
[Transcription intégrale, soulignement et italiques dans l’original; renvois omis]
[37] Le juge conclut que le paragraphe 106(26) LSGÉE n’habilite pas le gouvernement à prendre de règlement visant les conditions d’admissibilité à la contribution réduite. Il ne voit pas non plus d’habilitation législative indirecte dans le paragraphe 42(4).
[38] À mon avis, le juge commet une erreur révisable en déclarant que l’article 3 RCR est ultra vires.
[39] L’article 3 RCR prévoit quels parents résidant au Québec sont admissibles à une contribution réduite pour avoir accès aux services de garde subventionnés pour leurs enfants :
3. Est admissible au paiement de la contribution réduite, le parent qui réside au Québec et qui satisfait à l’une des conditions suivantes :
1° il est citoyen canadien;
2° il est résident permanent au sens de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (L.C. 2001, c. 27);
3° il séjourne au Québec principalement afin d’y travailler et il est titulaire d’un permis de travail délivré conformément à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ou est exempté de l’obligation d’être titulaire d’un tel permis en vertu de cette loi;
4° il est un étudiant étranger, titulaire d’un certificat d’acceptation délivré en vertu de la Loi sur l’immigration au Québec (chapitre I-0.2.1) et récipiendaire d’une bourse d’études du gouvernement du Québec en application de la politique relative aux étudiants étrangers dans les collèges et universités du Québec;
5° il est reconnu, par le tribunal canadien compétent, comme réfugié ou personne à protéger au sens de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et il est titulaire d’un certificat de sélection délivré en vertu de l’article 3.1 de la Loi sur l’immigration au Québec;
6° le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration lui a accordé la protection en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et il est titulaire du certificat de sélection visé au paragraphe 5;
7° il est titulaire d’un permis de séjour temporaire délivré en vertu de l’article 24 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés en vue de l’octroi éventuel de la résidence permanente et du certificat de sélection visé au paragraphe 5;
8° il est autorisé à soumettre au Canada une demande de résidence permanente en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ou du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (DORS/02-227) et il est titulaire du certificat de sélection visé au paragraphe 5. | 3. A parent residing in Québec who meets any of the following conditions is eligible for the reduced contribution:
(1) the parent is a Canadian citizen;
(2) the parent is a permanent resident within the meaning of the Immigration and Refugee Protection Act (S.C. 2001, c. 27);
(3) the parent is staying in Québec primarily for work purposes and holds a work permit issued under the Immigration and Refugee Protection Act or is exempted from holding such a permit under that Act;
(4) the parent is a foreign student holding a certificate of acceptance issued under the Québec Immigration Act (chapter I-0.2.1) and is receiving a scholarship from the Government of Québec pursuant to the policy applying to foreign students in Québec colleges and universities;
(5) the parent is recognized by a court in Canada of competent jurisdiction as a refugee or protected person within the meaning of the Immigration and Refugee Protection Act and holds a selection certificate issued under section 3.1 of the Québec Immigration Act;
(6) the Minister of Citizenship and Immigration has granted protection to the parent under the Immigration and Refugee Protection Act and the parent holds the selection certificate referred to in paragraph 5;
(7) the parent holds a temporary resident permit issued under section 24 of the Immigration and Refugee Protection Act in view of the granting of permanent residence and holds the selection certificate referred to in paragraph 5; or
(8) the parent is authorized to file in Canada an application for permanent residence under the Immigration and Refugee Protection Act or the Immigration and Refugee Protection Regulations (SOR/02-227) and holds the selection certificate referred to in paragraph 5. |
[40] Le juge de première instance ne se prononce pas sur la norme de contrôle applicable à la légalité des règlements. Il s’agit d’un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre au cours des dernières années et que la Cour suprême examinera de nouveau prochainement[15]. En effet, depuis l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick[16], rendu en 2008, suivi de l’arrêt Vavilov[17], il existe une certaine confusion sur la norme de contrôle applicable en cette matière. Le juge Montmigny, maintenant juge en chef de la Cour d’appel fédérale, résume bien les débats en cours à ce sujet dans l’arrêt International Air Transport Association :
[186] Avant l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190 [Dunsmuir], le cadre analytique pour le contrôle judiciaire de la législation déléguée était bien établi et reposait sur la théorie de l’excès de pouvoir. Lorsque la validité d’une législation déléguée était contestée, les cours de révision interprétaient l’attribution légale de pouvoir afin de décider si, interprétée correctement, elle relevait ou non de sa portée. Il s’agissait essentiellement d’un exercice d’interprétation législative, sans aucun égard pour l’interprétation du délégué.
[187] Au cours des années qui ont suivi l’arrêt Dunsmuir, une certaine confusion s’est installée au sein de la Cour suprême à ce sujet, sans doute parce que cet arrêt se concentrait sur le contrôle judiciaire des décisions rendues par des tribunaux administratifs et non sur la législation déléguée. Dans certains cas, la Cour a appliqué le cadre de contrôle judiciaire (voir Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), 2012 CSC 2, [2012] 1 R.C.S. 5; Green c. Société du Barreau du Manitoba, 2017 CSC 20, [2017] 1 R.C.S. 360; West Fraser Mills Ltd. c. Colombie‑Britannique (Workers’ Compensation Appeal Tribunal), 2018 CSC 22, [2018] 1 R.C.S. 635), alors que dans d’autres cas, elle a eu recours à une analyse de la validité (voir, par exemple, Katz Group Canada Inc. c. Ontario (Santé et Soins de longue durée), 2013 CSC 64, [2013] 3 R.C.S. 810 [Katz]; Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Procureur général), 2014 CSC 40, [2014] 2 R.C.S. 135, par. 51; Donald Brown et John Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada (Toronto : Thomson Reuters Canada Ltd., 2022), ch. 2021, section 2021:5(ii)(3)).
[188] Malheureusement, l’arrêt Vavilov n’a guère apporté d’éclaircissements. La Cour suprême ayant voulu adopter par défaut la norme de la décision raisonnable pour le contrôle de toutes les actions administratives, la plupart des cours d’appel intermédiaires ont estimé que la législation déléguée serait désormais contrôlée par rapport à cette norme : voir, par exemple, 1193652 B.C. Ltd. v. New Westminster (City), 2021 BCCA 176, par. 48 à 59; Portnov c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 171; Association canadienne des avocats en droit des réfugiés c. Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196; [2021] 1 R.C.F. 271; Paul Daly, « Regulations and Reasonableness Review » (29 janvier 2021), en ligne (blogue) : Administrative Law Matters <https://www.administrativelawmatters.com/blog/2021/01/19/regulations-and-reasonableness-review> et les causes qui y sont mentionnées.
[189] Cependant, cette approche n’a pas été suivie unanimement : voir, par exemple, Hudson’s Bay Company ULC v. Ontario (Attorney General), 2020 ONSC 8046, 154 O.R. (3d) 103; Friends of Simcoe Forest Inc. v. Minister of Municipal Affairs and Housing, 2021 ONSC 3813, par. 25. En effet, la norme de la décision raisonnable suscite de nombreuses difficultés, au nombre desquelles se trouve notamment le fait qu’elle présume que l’organisme ou la personne qui a obtenu le pouvoir d’adopter une législation déléguée a également obtenu celui de trancher des questions de droit et de décider de l’interprétation correcte de la loi habilitante; pourtant, ce n’est clairement pas toujours le cas : voir John M. Evans, « Reviewing Delegated Legislation After Vavilov: Vires or Reasonableness? », Canadian Journal of Administrative Law & Practice, vol. 34, no 1 (2021), 1.
[190] Plus récemment, la Cour suprême a apporté de l’eau au moulin de ceux qui estiment que le cadre de contrôle judiciaire de l’arrêt Vavilov ne s’applique pas à la législation déléguée. Dans l’arrêt Renvois relatifs à la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, 2021 CSC 11, [2021] A.C.S. no 11 (QL), la Cour suprême s’est penchée sur la validité des dispositions réglementaires en cause en fonction de sa propre interprétation de la loi habilitante, sans aucune retenue à l’égard du Cabinet quant à la question d’interprétation. Certes, les juges majoritaires (contrairement au juge Rowe, dissident) n’ont nullement mentionné la théorie de l’excès de pouvoir, mais ils n’ont pas non plus renvoyé à l’arrêt Vavilov ni au contrôle du caractère raisonnable. Ils ont plutôt choisi d’interpréter la portée des pouvoirs de réglementation conférés par la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, L.C. 2018, ch. 12. Cet arrêt montre clairement que la question n’est pas épuisée et que le débat est loin d’être clos.[18]
[41] À mon avis, il n’est pas nécessaire pour la Cour de se prononcer sur cette controverse. En effet, que ce soit en suivant les enseignements de l’arrêt Katz[19], qui privilégie une norme plus rigoureuse, ou en fonction de la norme de la décision raisonnable énoncée dans l’arrêt Vavilov, l’article 3 RCR n’est pas ultra vires.
[42] Le professeur Garant définit le règlement comme un « acte normatif, en vertu d’une habilitation législative expresse, qui dispose par voie générale et impersonnelle en vertu d’une habilitation législative expresse »[20]. Il faut donc entreprendre toute analyse de sa validité par « une lecture attentive des termes choisis par le législateur pour conférer le pouvoir de prendre des règlements »[21].
[43] L’arrêt Katz[22], rendu par la Cour suprême en 2013, est un arrêt de principe pour déterminer la validité d’un règlement. La juge Abella, pour la Cour, explique que les règlements jouissent d’une présomption de validité. C’est donc à la personne qui conteste sa validité qu’il incombe de démontrer son invalidité. Pour ce faire, il faut établir que le règlement est « incompatible avec l’objectif de sa loi habilitante ou encore qu’il déborde le cadre du mandat prévu par la Loi »[23]. En outre, il y a lieu de favoriser une interprétation téléologique qui permet, dans la mesure du possible, d’interpréter le règlement de façon qu’il soit intra vires. La juge Abella s’exprime ainsi :
[25] Les règlements jouissent d’une présomption de validité. Cette présomption comporte deux aspects : elle impose à celui qui conteste le règlement le fardeau de démontrer que celui‑ci est invalide, plutôt que d’obliger l’organisme réglementaire à en justifier la validité; ensuite, la présomption favorise une méthode d’interprétation qui concilie le règlement avec sa loi habilitante de sorte que, dans la mesure du possible, le règlement puisse être interprété d’une manière qui le rend intra vires.
[26] Il convient de donner au règlement contesté et à sa loi habilitante une « interprétation téléologique large [...] compatible avec l’approche générale adoptée par la Cour en matière d’interprétation législative ».
[27] Cette analyse ne comporte pas l’examen du bien‑fondé du règlement pour déterminer s’il est « nécessaire, sage et efficace dans la pratique ». Comme le tribunal l’a expliqué dans l’arrêt Ontario Federation of Anglers & Hunters c. Ontario (Ministry of Natural Resources) [...] :
[TRADUCTION] ... le contrôle judiciaire des règlements, contrairement à celui des décisions administratives, se limite normalement à la question de leur incompatibilité avec l’objet de la loi ou à l’inobservation d’une condition préalable prévue par la loi. Les raisons qui ont motivé la prise du règlement ne sont pas pertinentes. [par. 41]
[28] L’analyse ne s’attache pas aux considérations sous‑jacentes « d’ordre politique, économique ou social [ni à la recherche, par les gouvernements, de] leur propre intérêt ». La validité d’un règlement ne dépend pas non plus de la question de savoir si, de l’avis du tribunal, il permettra effectivement d’atteindre les objectifs visés par la loi. Pour qu’il puisse être déclaré ultra vires pour cause d’incompatibilité avec l’objet de la loi, le règlement doit reposer sur des considérations « sans importance », doit être « non pertinent » ou être « complètement étranger » à l’objet de la loi. En réalité, bien qu’il soit possible de déclarer un règlement ultra vires pour cette raison, comme le juge Dickson l’a fait observer, « seul un cas flagrant pourrait justifier une pareille mesure ».[24]
[Soulignements ajoutés; renvois omis]
[44] Le critère qui se dégage de l’arrêt Katz est donc exigeant puisque le règlement est présumé valide. En outre, pour être déclaré ultra vires, il doit reposer sur des considérations sans importance, être non pertinent ou encore complètement étranger à l’objet de la loi.
[45] Quant à la norme de la décision raisonnable, la Cour suprême, dans l’arrêt Vavilov, mentionne que la raisonnabilité de l’acte réglementaire doit néanmoins se mesurer à la lumière des principes de l’arrêt Katz :
[111] Il coule de source que le droit — tant la loi que la common law — limitera l’éventail des options qui s’offrent légalement au décideur administratif chargé de trancher un cas particulier : voir Dunsmuir, par. 47 et 74. Par exemple, le décideur administratif qui interprète la portée de son pouvoir de réglementation dans le but de l’exercer ne peut retenir une interprétation incompatible avec les principes de common law applicables en ce qui concerne la nature des pouvoirs législatifs : voir Katz Group Canada Inc. c. Ontario (Santé et Soins de longue durée), 2013 CSC 64, [2013] 3 R.C.S. 810, par. 45‑48.[25]
[46] En l’espèce, je partage l’avis du PGQ qu’il faut interpréter les termes de la LSGÉE comme un tout afin de déterminer si le gouvernement pouvait adopter l’article 3 RCR. Le « principe moderne » d’interprétation des lois, comme énoncé par Elmer Driedger, reconnaît d’ailleurs le rôle important du contexte qui permet une interprétation qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, son objet et l’intention du législateur[26]. Lorsqu’on interprète une loi, il ne faut pas ajouter de mots, mais cela n’empêche pas de rechercher le sens implicite d’un texte par inférence nécessaire. Les professeurs Côté et Devinat expliquent bien la prudence qui doit prévaloir dans l’application de la présomption contre l’addition ou la suppression des termes :
Malgré les nombreuses applications jurisprudentielles de cette présomption, celle-ci doit être appliquée avec prudence, car la communication légale est, comme toute autre communication, composée de deux éléments, l'exprès (la formule) et l'implicite (le contexte global de l’énonciation). La présomption étudiée insiste uniquement sur l’élément exprès de la communication. Elle suppose que le juge qui ajoute ou retire des mots au texte législatif usurpe la fonction du législateur. Or, dans la mesure où l’interprète rend explicite ce qui est implicite dans le texte, il ne fait que dégager l’intention du législateur. La question n’est donc pas tellement de savoir si le juge peut ajouter ou non des mots, mais si les mots qu’il ajoute ont un autre effet que d’expliciter l’élément implicite de la communication légale.[27]
[Renvois omis]
[47] L’interprétation d’une disposition d’habilitation est soumise aux mêmes principes. On doit tenir compte du contexte législatif dans son ensemble et donner au règlement contesté et à sa loi habilitante une interprétation téléologique large compatible avec l’approche générale adoptée par la Cour suprême en matière d’interprétation législative[28].
[48] L’objet de la LSGÉE est prévu à son article 1 :
1. La présente loi a pour objet de promouvoir la qualité des services de garde éducatifs destinés aux enfants avant leur admission à l’école en vue d’assurer la santé, la sécurité, le développement, la réussite éducative, le bien-être et l’égalité des chances des enfants qui reçoivent ces services, notamment ceux qui présentent des besoins particuliers ou qui vivent dans des contextes de précarité socio-économique.
Elle a également pour objet de favoriser le développement harmonieux d’une offre de services de garde éducatifs à l’enfance qui soit pérenne et qui tienne compte des besoins des parents, afin de faciliter la conciliation de leurs responsabilités parentales avec leurs responsabilités professionnelles ou étudiantes, ainsi que de leur droit de choisir le prestataire de services de garde éducatifs. | 1. The object of this Act is to enhance the quality of the educational services intended for children before their admission to school so as to ensure the health and safety of the children to whom childcare services are provided, particularly those with special needs or who live in a precarious socio-economic situation, foster their development, educational success and well-being and provide them with equality of opportunity.
A further object of this Act is to foster the harmonious development of an educational childcare service supply that is sustainable and that takes into account the needs of parents, in order to facilitate the reconciliation of their parental responsibilities with their professional or student responsibilities, as well as their right to choose the educational childcare provider. |
[49] La LSGÉE met en place un réseau de prestataires de services de garde subventionnés au Québec. Les parents qui bénéficient d’une place pour leur enfant dans ce réseau paient la contribution qui est fixée par règlement. Le paragraphe 42(4) prévoit que le bureau coordonnateur a pour fonction de déterminer l’admissibilité d’un parent à la contribution réduite. Cet article est rédigé ainsi :
42. Le bureau coordonnateur a pour fonctions, dans le territoire qui lui est attribué et dans le respect des instructions données en vertu du deuxième alinéa de l’article 40.0.1 :
[…]
4° de déterminer, selon les cas et conditions déterminées par règlement, l’admissibilité d’un parent à la contribution fixée par le gouvernement en vertu de l’article 82; | 42. A home educational childcare coordinating office has the following functions in the territory assigned to it, in compliance with the instructions given by the Minister under the second paragraph of section 40.0.1:
[…]
(4) to determine, according to the cases and conditions determined by regulation, a parent’s eligibility for payment of the contribution set by the Government under section 82; |
[50] Le PGQ soutient que l’intention du législateur est de confier à une autorité réglementaire non seulement la détermination de la contribution des parents, mais également les conditions d’admissibilité. Il plaide en fait qu’il s’agit d’une habilitation indirecte, laquelle est décrite ainsi par les auteurs Issalys et Lemieux :
L’habilitation indirecte fait mention de l'existence de règlements et suppose par conséquent l’existence d'un pouvoir de les établir, alors que cette loi n’attribue pas par ailleurs spécialement ce pouvoir. Elle laisse subsister un doute sur l’existence et l’étendue exacte du pouvoir réglementaire.[29]
[51] Je partage le point de vue du PGQ sur le fait qu’il s’agit d’une habilitation indirecte.
[52] En effet, cela ressort du paragraphe 42(4), mais également de l’article 87 LSGÉE qui prévoit qu’un parent peut contester la décision d’un titulaire de permis ou du bureau coordonnateur sur son admissibilité ou son exemption :
87. Le parent qui se croit lésé par la décision d’un titulaire de permis ou d’un bureau coordonnateur de la garde éducative en milieu familial à propos de son admissibilité à la contribution fixée par règlement ou à son exemption peut demander au ministre de réviser cette décision.
La demande est faite par écrit et elle expose sommairement les motifs invoqués. Elle est présentée dans les 90 jours suivant la date à laquelle le parent est avisé de la décision.
Le ministre peut prolonger ce délai si le parent démontre qu’il n’a pu pour des motifs sérieux et légitimes agir plus tôt. | 87. A parent who believes he or she has been wronged by the decision of a permit holder or home educational childcare coordinating office regarding the parent’s eligibility for payment of the contribution set by regulation or for an exemption may apply to the Minister for a review of the decision.
The application must be made in writing within 90 days after the day on which the parent is notified of the decision, and must contain a brief summary of the grounds for the review.
The Minister may grant an extension if the parent can show that he or she was unable, for serious and valid reasons, to act sooner. |
[53] L’article 106 LSGÉE énumère pour sa part de nombreux pouvoirs réglementaires dévolus au gouvernement du Québec, soit au total 52. En fait, ces habilitations couvrent l’ensemble des pouvoirs réglementaires ayant un impact social ou financier significatif sur le réseau des services de garde visés par la LSGÉE. Le paragraphe 106(26) prévoit ceci :
106. Le gouvernement peut, par règlement, pour l’ensemble ou une partie du territoire du Québec :
[…]
26° déterminer les conditions et modalités suivant lesquelles le parent verse la contribution fixée par le gouvernement et les cas où le parent en est exempté, totalement ou partiellement, pour tout ou partie des services déterminés; | 106. The Government may, by regulation, for part or all of Québec,
[…]
(26) determine the terms and conditions for payment of the parental contribution set by the Government and define the cases in which a parent may be fully or partially exempted from paying that contribution for all or some services, as specified;
[Soulignements ajoutés] |
[54] On constate par ailleurs que, dans la LSGÉE, la très grande majorité des pouvoirs réglementaires est attribuée au gouvernement. Un seul est accordé au ministre de la Famille et il est prévu à l’article 107 LSGÉE. Il concerne l’agrément.
[55] En examinant tant l’objet de la LSGÉE que cette loi dans son ensemble et sa finalité, je suis d’avis que le gouvernement pouvait déterminer les conditions d’admissibilité prévues à l’article 3 RCR. La LSGÉE doit être étudiée « dans [le] contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur »[30]. En interprétant la LSGÉE en suivant ces enseignements, les conditions et modalités, dont il est question au paragraphe 106(26), « suivant lesquelles le parent verse la contribution réduite fixée par le gouvernement », incluent, à mon avis, les conditions d’admissibilité qu’il faut respecter pour profiter de cette contribution réduite‑ci et auxquelles le législateur fait référence au paragraphe 42(2) et à l’article 87 LSGÉE. Il est logique qu’il en soit ainsi et cela est cohérent. En effet, comme le plaide le PGQ, il est difficile de soutenir que le gouvernement puisse établir par règlement les cas où un parent peut être exempté de payer une contribution réduite, mais qu’il ne puisse en établir les conditions d’admissibilité. Je conclus donc que le juge de première instance a commis une erreur révisable en déterminant que le gouvernement ne pouvait pas établir à l’article 3 RCR les conditions d’admissibilité à la contribution réduite. À mon avis, le gouvernement était habilité à édicter cette disposition réglementaire.
[56] Dans son appel incident, la CDPDJ soutient que le juge a erré en déterminant que le RCR est clair et que son paragraphe 3(5) a pour résultat d’exclure les personnes demandant l’asile parce qu’il admet celles sont le statut de réfugié a été reconnu. Le fait que ces dernières soient admissibles à la contribution réduite suivant ce paragraphe n’exclut pas la possibilité que les personnes demandant l’asile le soient en application d’un autre paragraphe. De plus, la CDPDJ conteste l’énoncé du juge selon lequel le paragraphe 3(3) RCR ne viserait que les travailleurs saisonniers qui viennent aider dans nos champs l’été, car il n’est soutenu par aucune preuve.
[57] Selon la CDPDJ, tant les méthodes d’interprétation téléologique, historique que systémique et logique permettent de conclure que les personnes demandant l’asile sont également admissibles à la contribution réduite en vertu de l’article 3 du RCR.
[58] À l’audience devant la Cour, la CDPDJ ajoute que cette disposition accorde par ailleurs un pouvoir discrétionnaire au ministère qui peut orienter l’inclusion ou l’exclusion de personnes admissibles, comme il l’a fait entre 2015 et 2018, en considérant les personnes demandant l’asile admissibles à la contribution réduite.
[59] Le juge se prononce sur cette question aux paragraphes 21 à 27 de son jugement. Il écrit :
DEUXIÈME QUESTION EN LITIGE : Est-ce que l’article 3 du Règlement sur la contribution réduite exclut les demandeurs-esses d’asile du bénéfice de la contribution réduite?
[21] L’article 3 du Règlement sur la contribution réduite prévoit ce qui suit :
3. Est admissible au paiement de la contribution réduite, le parent qui réside au Québec et qui satisfait à l’une des conditions suivantes :
1° il est citoyen canadien;
2° il est résident permanent au sens de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (L.C. 2001, c. 27);
3° il séjourne au Québec principalement afin d’y travailler et il est titulaire d’un permis de travail délivré conformément à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ou est exempté de l’obligation d’être titulaire d’un tel permis en vertu de cette loi;
4° il est un étudiant étranger, titulaire d’un certificat d’acceptation délivré en vertu de la Loi sur l’immigration au Québec (chapitre I-0.2.1) et récipiendaire d’une bourse d’études du gouvernement du Québec en application de la politique relative aux étudiants étrangers dans les collèges et universités du Québec;
5° il est reconnu, par le tribunal canadien compétent, comme réfugié ou personne à protéger au sens de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et il est titulaire d’un certificat de sélection délivré en vertu de l’article 3.1 de la Loi sur l’immigration au Québec;
6° le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration lui a accordé la protection en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et il est titulaire du certificat de sélection visé au paragraphe 5;
7° il est titulaire d’un permis de séjour temporaire délivré en vertu de l’article 24 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés en vue de l’octroi éventuel de la résidence permanente et du certificat de sélection visé au paragraphe 5;
8° Il est autorisé à soumettre au Canada une demande de résidence permanente en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ou du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (DORS/02-227) et il est titulaire du certificat de sélection visé au paragraphe 5.
D. 583-2006, a. 3 : L.Q. 2015, c. 8, a. 178; L.Q. 2020, c. 5, a. 13
[22] Il vaut probablement la peine de reproduire l’article 4 de la loi applicable, la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance, pour placer l’article 3 RCR dans son contexte :
4. Tout enfant a le droit de recevoir, jusqu’à la fin de l’enseignement primaire, des services de garde éducatifs personnalisés de qualité.
Ce droit s’exerce en tenant compte de l’organisation et des ressources des prestataires de services de garde et des bureaux coordonnateurs de la garde en milieu familial agréé ainsi que du droit du prestataire de services d’accepter ou de refuser des recevoir un enfant, des règles relatives aux subventions et de la priorité donnée aux enfants de la naissance jusqu’à leur admission à l’éducation préscolaire.
[23] L’article 3 RCR est donc la disposition qui identifie les personnes admissibles aux places subventionnées commandant une contribution réduite fixée à l’origine à cinq dollars (5,00$) puis apparemment rendue maintenant à huit dollars soixante-dix (8,70$).
[24] La demanderesse et la commission s’en prennent plus particulièrement au changement d’orientation des fonctionnaires du ministère qui ont décidé d’interpréter après quelques années d’application la partie au début du sous-aliéa 3° « il séjourne au Québec principalement afin de travailler… » comme excluant les demandeurs-esses d’asile; la commission s’en prend aussi à raison à l’ajout de conditions par les fonctionnaires aux dispositions du règlement.
[25] Toutefois, le tribunal a tendance à croire que les mots « principalement afin d’y travailler » au troisième sous-alinéa de l’article 3 RCR visent les travailleurs saisonniers en provenance du Mexique ou d’autres pays d’Amérique centrale ou du Sud qui viennent aider dans nos champs l’été; la procureure de la demanderesse a d’ailleurs mentionné qu’elle en représente plusieurs lorsque le tribunal l’a mentionné à l’audience donnant ainsi en quelque sorte à entendre qu’elle est d’accord.
[26] La procureure de la commission a argumenté à partir de principes d’interprétation tirés d’un ouvrage reconnu que ça devait être vu autrement.
[27] Cependant, pour la cour, c’est surtout en vertu du cinquième sous-alinéa que les demandeurs-esses d’asile sont exclu-e-s, a contrario, parce qu’il y est fait référence à des réfugiés reconnus (comme faisant partie des personnes admissibles); les demandeurs-esses d’asile sont précisément des personnes qui demandent d’être reconnues comme réfugiées.[31]
[Transcription textuelle; renvoi omis]
[60] L’analyse du juge est succincte et je ne crois pas que le paragraphe 3(3) RCR vise seulement les travailleurs saisonniers qui viennent travailler aux champs l’été, comme il le mentionne. Toutefois, je suis d’accord que l’article 3 RCR ne vise pas les personnes demandant l’asile. Par conséquent, ces dernières ne sont pas admissibles à la contribution réduite.
[61] La méthode à employer pour interpréter l’article 3 RCR est encore une fois celle de Driedger : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’économie de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur[32].
[62] Le paragraphe 3(3) RCR vise des personnes qui séjournent au Québec, principalement afin d’y travailler. Comme le plaide le PGQ, trois conditions doivent être respectées pour que ce paragraphe trouve application : 1) la personne doit séjourner au Québec; 2) principalement afin d’y travailler; et, 3) être titulaire d’un permis de travail délivré conformément à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ou être exemptée de l’obligation d’être titulaire d’un tel permis en vertu de cette loi.
[63] En l’espèce, Mme Kanyinda détenait un permis de travail, mais elle ne séjournait pas au Québec principalement dans le but d’y travailler. Elle souhaitait plutôt y être acceptée comme réfugiée avec ses enfants et s’y installer. On constate que le législateur québécois utilise les termes « séjourner » et « s’établir » dans des sens différents. On retrouve cette distinction dans la Loi sur l’immigration au Québec[33] où ces deux termes sont utilisés pour distinguer le statut migratoire temporaire du statut permanent :
1. La présente loi a pour objets la sélection de ressortissants étrangers souhaitant séjourner au Québec à titre temporaire ou s’y établir à titre permanent […]
[…]
6. Les catégories de ressortissants étrangers qui souhaitent séjourner à titre temporaire au Québec sont les suivantes:
1° la catégorie des travailleurs étrangers temporaires;
2° la catégorie des étudiants étrangers;
3° la catégorie des personnes en séjour temporaire pour traitement médical.
[…]
10. Un ressortissant étranger appartenant à l’une des catégories prévues aux articles 6 et 7 doit, pour séjourner ou s’établir au Québec, présenter une demande au ministre dans le cadre d’un programme d’immigration, à moins qu’il ne soit visé par une exemption établie par règlement du gouvernement. […]
[…] | 1. The purposes of this Act are the selection of foreign nationals wishing to stay temporarily or settle permanently in Québec, […]
[…]
6. The classes of foreign nationals wishing to stay temporarily in Québec are
(1) the temporary foreign worker class;
(2) the international student class; and
(3) the person on a temporary stay for medical treatment class.
[…]
10. To stay or settle in Québec, foreign nationals belonging to one of the classes listed in sections 6 and 7 must file an application with the Minister under an immigration program, unless they are covered by an exemption provided for by government regulation. […]
[…] |
[64] Il ressort du paragraphe 3(3) RCR que les personnes visées sont celles qui entrent au pays dans le but d’y séjourner temporairement pour travailler. Ce paragraphe ne s’applique pas aux personnes qui attendent une décision sur leur statut de réfugié, et ce, bien qu’elles détiennent un permis de travail, comme c’était le cas pour Mme Kanyinda.
[65] Cette interprétation du paragraphe 3(3) RCR est par ailleurs cohérente avec le libellé du paragraphe 3(5) RCR qui s’applique aux réfugiés. Pour que les personnes demandant l’asile soient admissibles à la contribution réduite, il était nécessaire de le prévoir de façon explicite. Tel que libellé, le paragraphe 3(5) RCR ne peut inclure cette catégorie de personnes.
[66] Je ne retiens pas non plus l’argument de la CDPDJ selon lequel le RCR amène l’application d’un pouvoir discrétionnaire. Le paragraphe 3(3) RCR doit être interprété et il n’accorde pas de pouvoir discrétionnaire. Le ministère a d’ailleurs considéré les personnes demandant l’asile comme admissibles aux contributions réduites entre 2015 et 2018, mais les a exclues à partir de 2018, et ce, sans que le texte ait été modifié. Il s’agissait d’une interprétation de l’article 3 RCR qui a varié dans le temps.
[67] En somme, le gouvernement a établi des critères d’admissibilité aux contributions réduites. Comme mentionné ci-dessus, pour y être admissible, une personne doit être visée par un des paragraphes de l’article 3 RCR. Or, les termes utilisés au paragraphe 3(3) RCR n’accordent pas de pouvoir discrétionnaire permettant de reconnaître comme admissible aux contributions réduites une personne qui demande l’asile, mais dont le statut de réfugié n’a pas été formellement reconnu selon la LIPR. Ces critères sont établis par règlement et doivent être respectés par les personnes chargées de son application.
[68] Il me faut maintenant déterminer si les distinctions relatives au statut d’immigration, introduites par l’article 3 RCR, sont rationnellement justifiées en regard de la disposition d’habilitation et de l’objectif législatif. En d’autres mots, l’article 3 RCR est‑il discriminatoire au sens du droit administratif?
[69] Le juge ne s’est pas prononcé sur cette question soulevée par Mme Kanyinda en première instance.
[70] Le PGQ plaide que l’objet même du pouvoir délégué par le législateur permet de faire des distinctions entre les parents admissibles et ceux qui le ne sont pas. En effet, la loi habilitante confère au gouvernement un très large pouvoir discrétionnaire afin d’opérer des distinctions sur la base de choix politiques légitimes entre différentes catégories de personnes. Par conséquent, les distinctions opérées sur la base du statut d’immigration à l'article 3 du RCR sont raisonnables, justifiées et conformes au pouvoir discrétionnaire octroyé par le législateur.
[71] Mme Kanyinda, pour sa part, soutient que le pouvoir de prendre des règlements ne permet pas d’édicter des dispositions discriminatoires, sauf si « la discrimination est nécessairement accessoire à l’exercice du pouvoir délégué par la province »[34]. Or, aucune autorisation législative ne permet au gouvernement de déterminer par règlement les conditions d’admissibilité à la contribution réduite. La LSGÉE n’autorise pas ou n’implique pas nécessairement l’établissement de distinctions entre différentes catégories de personnes en cette matière. L’article 3 du RCR est donc discriminatoire au sens du droit administratif et est illégal.
[72] En matière réglementaire, la notion de discrimination administrative suppose une distinction entre des catégories de personnes ou de situations qui n’est pas rationnellement justifiable au regard des termes et de la finalité d’intérêt public de la loi habilitante[35]. Elle se distingue toutefois de la discrimination en matière de droits fondamentaux, dans la mesure où elle ne repose pas nécessairement sur des caractéristiques personnelles immuables ou considérées comme immuables[36].
[73] Dans l’arrêt Arcade Amusements[37], la Cour suprême explique que les règlements discriminatoires peuvent être frappés de nullité même s’ils sont rationnels ou raisonnables. Depuis ce temps, cette règle prohibant la discrimination administrative a été appliquée à de nombreuses reprises par les tribunaux[38]. Elle n’est toutefois pas absolue. Des distinctions peuvent être explicitement ou implicitement autorisées par la loi habilitante[39]. En outre, en certaines matières, l’objet de la « réglementation comporte inévitablement une certaine forme de discrimination qui est alors admissible »[40].
[74] Il ressort de la jurisprudence et de la doctrine que la question de la discrimination administrative est liée à l’existence d’une habilitation législative d’établir des distinctions par règlement[41]. Les auteurs Jacques Lagacé et Richard Tremblay expliquent « que l’approche consistant à vérifier, au moyen d’une interprétation serrée des dispositions de la loi d’habilitation, si le législateur a autorisé ou non l’autorité réglementaire à discriminer, se révèle largement insatisfaisante »[42]. Le pouvoir de discriminer est inhérent au pouvoir de réglementer. L’autorité réglementaire possède un pouvoir implicite de discriminer[43]. Il faut toutefois s’assurer que les distinctions entre les situations sont raisonnables et respectent l’objet de la loi. Le détenteur du pouvoir réglementaire ne peut discriminer de façon arbitraire et la discrimination ne peut porter atteinte à la dignité de la personne ou encore être fondée sur des motifs interdits par les chartes[44].
[75] En l’espèce, le législateur indique qu’il y a des conditions d’admissibilité à la contribution réduite. Puisque je conclus que le gouvernement était habilité à déterminer ces conditions d’admissibilité par règlement, il avait donc le pouvoir discrétionnaire de faire des distinctions entre certaines catégories de personnes pour déterminer lesquelles étaient admissibles. Cela respecte l’objet de la loi et ne rend pas l’article 3 RCR discriminatoire au sens du droit administratif. Il me faudra toutefois déterminer si la distinction qui fait en sorte d’exclure les personnes demandant l’asile respecte les chartes, ce que je ferai dans la section suivante.
[76] Mme Kanyinda invoque trois motifs de discrimination, soit le sexe, par effet préjudiciable, la citoyenneté et le statut d’immigration, comme motif analogue.
[77] Mme Kanyinda plaide que l’article 3 RCR ne vise pas directement les femmes, mais qu’il a une incidence disproportionnée à l’égard de celles-ci. Cela fait en sorte qu’il est discriminatoire par effet préjudiciable puisque les femmes assument de façon disproportionnée, seules ou en couple, les obligations relatives à la garde et au soin des enfants. L’article 3 RCR constitue donc un obstacle à l’intégration au marché du travail, à la francisation et de façon plus large à l’intégration à la société québécoise. Il a un effet disproportionné pour les femmes qui demandent l’asile.
[78] Pour le PGQ, la distinction générée par cette disposition n’est pas fondée sur le sexe, mais plutôt sur le statut d’immigration qui n’est pas un motif analogue au sens de l’article 15 de la Charte canadienne. Subsidiairement, si la Cour concluait que l’article 3 RCR porte atteinte à un droit protégé par l’article 15, cette atteinte est justifiée dans une société libre et démocratique. En effet, selon le PGQ, il est justifié de réserver l’admissibilité au paiement de la contribution réduite aux personnes dont le statut de réfugié est reconnu.
[79] Le juge de première instance examine brièvement les trois motifs de discrimination invoqués par Mme Kanyinda. En ce qui concerne le motif fondé sur le sexe, il écrit :
[38] Pour le sexe, elle s’est basée essentiellement sur un arrêt de la Cour suprême du Canada dans Fraser c. Canada (Procureur général), une affaire de discrimination par effet préjudiciable.
[39] Dans cette affaire, les employées, des agentes de Gendarmerie royale du Canada, se plaignaient de ne pas avoir pu accumuler du service à temps plein aux fins du régime de retraite lorsqu’elles réduisaient leur temps de travail en application d’un certain mécanisme d’entente de partage de poste qui permet à deux employé-e-s à temps plein de combiner leur temps de travail sur un seul poste à temps plein.
[40] La cour suprême a déterminé que le régime avait des effets disproportionnés sur les femmes parce que ce sont surtout - pour ne pas dire seulement - elles qui s’en prévalent notamment et principalement pour s’occuper des enfants; il y avait donc discrimination basée sur le sexe même si les hommes pouvaient se prévaloir de l’entente de partage de poste – par effet préjudiciable d’une condition de travail d’apparence neutre.
[41] Le procureur général de son côté invoque l’arrêt Symes c. Canada où il est traité de l’effet discriminatoire d’une disposition de la loi sur l’impôt faisant en sorte que les femmes d’affaires ne pouvaient pas déduire les frais de garde d’enfants de leurs revenus.
[42] La cour suprême décide que même s’il est entendu que les coûts sociaux engendrés par la venue au monde des enfants sont payés par les femmes bien davantage que par les hommes, ça aurait pris une preuve de paiement disproportionné par les femmes des frais de garde - qui n’a pas été présentée.
[43] Également, le procureur général fait la distinction avec l’arrêt Fraser dans lequel une preuve a été apportée quant au pourcentage de femmes qui utilisaient l’entente de partage des postes, par exemple, cent pour cent dans la période de 2010 à 2014, alors que les chiffres de l’experte de la demanderesse ne sont pas concluants.
[44] Le tribunal croit devoir se ranger à l’avis du procureur général en ce que dans ce cas-ci non plus rien ne permet de déterminer dans quelle proportion l’homme et la femme demandeus-esses d’asile assumeraient les frais supplémentaires de garde de leurs enfants; le cas de la demanderesse arrivée seule avec ses enfants ne peut pas constituer une évidence statistique.[45]
[Transcription intégrale; renvois omis]
[80] Je suis d’avis que le juge a erré en concluant que l’article 3 RCR ne crée aucune discrimination fondée sur le sexe par suite d’un effet préjudiciable à l’égard des femmes qui demandent l’asile.
[81] Le droit à l’égalité est prévu au paragraphe 15(1) de la Charte canadienne :
15 (1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques. | 15 (1) Every individual is equal before and under the law and has the right to the equal protection and equal benefit of the law without discrimination and, in particular, without discrimination based on race, national or ethnic origin, colour, religion, sex, age or mental or physical disability. |
[82] Au fil des ans, la Cour suprême s’est prononcée à plusieurs reprises sur le critère applicable à l’analyse de l’article 15[46]. Elle a par ailleurs qualifié le paragraphe 15(1) de « disposition de la Charte la plus difficile à comprendre au niveau conceptuel »[47]. Son cadre d’analyse a été précisé au cours des ans et la Cour suprême s’y est de nouveau attardée en 2022 dans l’arrêt Sharma[48]. Elle revient sur l’analyse afin de fournir des repères d’application[49], mais mentionne que le critère en deux volets n’est pas en cause. La Cour s’exprime ainsi :
[28] Le critère à deux volets applicable pour évaluer une demande fondée sur le par. 15(1) n’est pas en cause en l’espèce. Ce critère oblige le demandeur à démontrer que la loi ou la mesure de l’État contestée :
a) crée, à première vue ou de par son effet, une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue;
b) impose un fardeau ou nie un avantage d’une manière qui a pour effet de renforcer, de perpétuer ou d’accentuer le désavantage (R. c. C.P., 2021 CSC 19, par. 56 et 141; Fraser c. Canada (Procureur général), 2020 CSC 28, par. 27; Première Nation de Kahkewistahaw c. Taypotat, 2015 CSC 30, [2015] 2 R.C.S. 548, par. 19‑20).[50]
[83] Dans cet arrêt, la Cour suprême explique que la façon dont le critère à deux volets doit être appliqué et le fardeau à chaque étape ne sont pas clairs, plus particulièrement dans les affaires de discrimination par suite d’un effet préjudiciable laquelle « survient lorsqu’une loi en apparence neutre a une incidence disproportionnée sur des membres de groupes bénéficiant d’une protection contre la discrimination fondée sur un motif énuméré ou analogue »[51]. La loi cible indirectement les membres du groupe protégé.
[84] La première étape consiste donc à faire la démonstration que la loi crée, à première vue ou par son effet, une distinction fondée sur un motif protégé. L’effet doit être disproportionné sur un groupe protégé par rapport aux personnes qui n’en font pas partie[52]. Par exemple, cette forme de distinction implique qu’une loi puisse poser des « obstacles intégrés » pour les membres des groupes protégés[53]. Elle peut également se manifester par « l’absence de mesures d’adaptation pour les membres des groupes protégés »[54]. Toutefois, dans Sharma, la Cour suprême rappelle que « le par. 15(1) n’a pas pour effet d’imposer à l’État une obligation positive générale de remédier aux inégalités sociales ou d’adopter des lois réparatrices »[55].
[85] Par ailleurs, dans ce même arrêt, la Cour précise ceci sur l’exercice de comparaison à cette étape :
[41] L’obligation de démontrer l’existence d’un effet disproportionné entraîne nécessairement un exercice de comparaison à la première étape. Comme l’a expliqué le juge McIntyre dans l’arrêt Andrews, « [l’égalité] est un concept comparatif dont la matérialisation ne peut être atteinte ou perçue que par comparaison avec la situation des autres dans le contexte socio‑politique où la question est soulevée » (p. 164; voir aussi Fraser, par. 55). Notre Cour n’exige plus un « groupe de comparaison aux caractéristiques identiques » (Withler, par. 55‑64; Fraser, par. 94). Toutefois, l’arrêt Withler confirme que la comparaison joue un rôle aux deux étapes de l’analyse fondée sur le par. 15(1). À la première étape, le mot « distinction » lui‑même implique que le demandeur est traité différemment des autres, que ce soit directement ou indirectement (Withler, par. 62, cité dans Fraser, par. 48).[56].
[86] Quelques commentaires d’abord sur l’interprétation que fait le juge de l’arrêt Symes[57] de la Cour suprême. Il semble se fonder principalement sur ce dernier pour conclure qu’il n’y a pas de discrimination en mentionnant que « rien ne permet de déterminer dans quelle proportion l’homme et la femme demandeus-esses d’asile assumeraient les frais supplémentaires de garde de leurs enfants; le cas de la demanderesse arrivée seule avec ses enfants ne peut pas constituer une évidence statistique »[58]. Or, dans cet arrêt, la situation était bien différente en raison du type de réclamation. Mme Symes alléguait qu’une disposition de la Loi sur l’impôt sur le revenu en vertu de laquelle on lui avait refusé de déduire le salaire versé à la gardienne de ses enfants à titre de dépenses d’entreprise portait atteinte à l’article 15 de la Charte canadienne. Les arguments ne visaient que le préjudice allégué pour le sous-groupe particulier des femmes mariées entrepreneures auquel on refusait cette déduction fiscale. Le juge Iacobucci, pour la majorité, explique pourquoi il était nécessaire, dans ce cas, de démontrer que les femmes paient une part disproportionnée des frais de garde :
C’est seulement si les femmes paient une part disproportionnée de ces frais que l’art. 63 peut avoir un effet quelconque, puisque le seul effet de cette disposition est de limiter le montant de la déduction fiscale à cette fin.[59]
[87] En l’espèce, la question à trancher est d’une nature bien différente. L’inadmissibilité au programme des garderies subventionnées qui résulte de l’application de l’article 3 RCR est un obstacle supplémentaire à l’intégration au marché du travail qui se pose d’une manière disproportionnée pour les femmes qui souhaitent travailler. Le juge ne pouvait réduire son analyse à la part respective des hommes et des femmes dans le paiement des frais de garde.
[88] Je reviens maintenant à l’examen de l’article 3 RCR. Comme le reconnaît Mme Kanyinda, il ne vise pas directement les femmes. Il est à première vue neutre puisque les parents sont des hommes ou des femmes. Toutefois, en excluant les personnes demandant l’asile, il a une incidence négative disproportionnée à l’égard des femmes demandant l’asile, et est ainsi discriminatoire par suite de son effet préjudiciable.
[89] À mon avis, il appert de la preuve que Mme Kanyinda a rempli son fardeau, à la première étape, de démontrer l’effet préjudiciable relatif au motif du sexe. Elle a démontré que l’exclusion résultant de l’article 3 RCR crée ou contribue à un effet disproportionné sur le groupe de femmes demandant l’asile. En effet, Mme Kanyinda a déposé une preuve scientifique convaincante au soutien de ses arguments, soit plus particulièrement le rapport de l’experte Jill Hanley.
[90] La Dre Hanley, professeure à l’école de service social de l’Université McGill depuis 2006, produit un rapport intitulé : The labour implications of the exclusion of refugee clamaints from Quebec’s subsidized childcare program. Elle énonce que des garderies à coûts abordables permettent notamment d’augmenter l’accès des femmes au marché du travail :
22. For decades there have been calls in Canada for a national affordable childcare program. Arguments in support of public provision or subsidy often assert that the provision of affordable childcare increases women’s access to the workforce, has positive outcomes for child development and has broader socioeconomic benefits. The introduction of Quebec’s universal subsidized childcare program in 1997 has been the envy of many outside of the province and is widely considered a success according to the above objectives.[60]
[Renvois omis]
[91] Au soutien de ces affirmations, la Dre Hanley mentionne entre autres deux rapports, soit celui de Cleveland et Krashinsky (1998) ainsi que celui de Lefebvre et Merrigan (2008) :
This report details an assessment of the economic impact of a major investment of public money in good quality child care for Canadian children 2 to 5 years of age… Chapter 3 presents and analyzes evidence concerning the economic impacts of child care on mothers’ participation in the labor force in particular, and on family life in general…[61]
(Cleveland & Krashinsky)
In 1997, the provincial government of Québec, the second most populous province in Canada, initiated a new child-care policy. Licensed child-care service providers began offering day-care spaces at the reduced fee of $5.00 per day per child for children aged 4. By 2000, the policy applied to all children not in kindergarten. Using annual data (1993-2002) drawn from Statistics Canada’s Survey of Labour and Income Dynamics, the results show that the policy had a large and statistically significant impact on the labor supply of mothers with preschool children.[62]
(Lefebvre & Merrigan)
[92] Par ailleurs, comme l’explique la Dre Hanley, il y a un fort consensus dans la littérature canadienne et internationale sur le fait que l’accès à des places en garderie abordables augmente la participation des femmes sur le marché du travail. Elle s’exprime ainsi :
There is a high degree of consensus in the Canadian and international literature (Quebec, North America, Europe, Latin America) and over several decades, that access to affordable childcare increases women’s (i.e. mothers’) participation in the labour force and, conversely, that high costs of childcare discourage women’s employment.
Women continue to have disproportionate responsibility for children within two-parent heterosexual families and such couples are much more likely to decide that the female parent will say home to care for children if the cost or availability of childcare is prohibitive to seeking employment.[63]
[Renvois omis]
[93] La Dre Hanley ajoute que la majorité des familles monoparentales sont dirigées par des femmes, ce qui implique que, lorsque le coût de la garderie est trop élevé par rapport au salaire gagné, les mères font face à d’importantes contraintes pour accéder au marché du travail[64].
[94] En ce qui concerne les études empiriques sur les demandeurs d’asile, la Dre Hanley affirme notamment ce qui suit :
43. In our recent study on refugee claimants, it was clear that childcare would be a necessity for many of our participants to work:
44. Among those not working, most of them had children under 6 years old (54.5%). A quarter of unemployed respondents with children under 6 say that they are not working because childcare is too expensive. Of these, 100% are women, and 61% are single parents.[65]
[Renvois et caractères gras omis]
[95] Elle conclut que de nombreuses études démontrent un lien entre le manque d’accès à des services de garde abordables et l’accessibilité au marché du travail pour les femmes, plus particulièrement les femmes demanderesses d’asile :
58. I have reviewed the Canadian and international literature on the topic of the effects of affordable childcare and offered some preliminary quantitative and qualitative data from Quebec-specific research. We can be very confident that the exclusion of refugee claimants – a highly racialized population – from Quebec’s subsidized childcare program results in the following effects:
A. Many parents – particularly mothers, and even more so single mothers – of young children are unable to access the labour market in the absence of affordable childcare.
B. Parents denied access to the labour market find themselves dependent on Last Resort Financial Assistance, at high cost both for the state and in terms of parents’ financial and social wellbeing.
C. Other parents enter the workforce while either paying an unreasonably high proportion of their income on childcare (introducing other budgetary problems) or relying on informal, unregulated childcare (introducing instability into their job tenure).
D. Refugee claimants who are unable to work while their children are preschool age (the claims process takes years to complete) face lifelong employment effects related to deskilling, earning potential and career trajectories that will follow many of them into their lives as Permanent Residents and, eventually, Canadian citizens.
E. Denial of subsidized childcare to refugee claimants creates social exclusion. Refugee claimants may feel unable to contribute socially while experiencing reinforced dependence on social assistance and many parents feel acutely that their children are being denied opportunities for development and social connection.[66]
[96] Ces conclusions n’ont fait l’objet d’aucune contre-preuve, par expert ou autrement, de la part du PGQ.
[97] Dans l’arrêt Sharma, la Cour suprême indique de quels facteurs les tribunaux devraient tenir compte pour confirmer le lien de causalité qui doit être établi à la première étape de l’analyse d’une demande fondée sur le paragraphe 15(1) :
[49] […] Idéalement, les allégations de discrimination par suite d’un effet préjudiciable devraient s’appuyer sur les deux types d’éléments de preuve (par. 60). Pour réaliser concrètement la promesse du par. 15(1), toutefois, il ne devrait pas être indûment difficile pour le demandeur de s’acquitter de son fardeau de preuve. À cet égard, les tribunaux devraient tenir compte des facteurs suivants :
a) Aucune forme particulière de preuve n’est requise.
b) Le demandeur n’a pas à démontrer que la loi ou la mesure de l’État contestée était la seule ou la principale cause de l’effet disproportionné; il lui suffit de démontrer que la loi était une cause (c’est à dire que la loi a créé l’effet disproportionné en question sur un groupe protégé ou y a contribué).
c) Le lien de causalité peut être établi par une inférence raisonnable. Selon la nature de la loi contestée ou de la mesure de l’État contestée, le lien de causalité peut être évident et ne nécessiter aucune preuve. Lorsque des éléments de preuve sont requis, les tribunaux doivent garder à l’esprit qu’il n’existe pas nécessairement de statistiques. Des témoignages d’experts, des études de cas ou d’autres preuves qualitatives peuvent suffire. Dans tous les cas, les tribunaux devraient examiner les éléments de preuve qui visent à démontrer l’existence d’un lien de causalité pour s’assurer qu’ils sont conformes aux normes associées à leur discipline.
d) Les tribunaux devraient examiner attentivement les preuves scientifiques (voir Institut national de la magistrature, Manuel scientifique à l’intention des juges canadiens (2018); voir aussi National Research Council and Federal Judicial Center, Reference Manual on Scientific Evidence (3e éd. 2011)).
e) Si les preuves scientifiques sont nouvelles, les tribunaux ne devraient les admettre que si elles ont un [TRADUCTION] « fondement fiable » (R. c. J. L.J., 2000 CSC 51, [2000] 2 R.C.S. 600, par. 33; voir aussi R. c. Trochym, 2007 CSC 6, [2007] 1 R.C.S. 239, par. 36).[67]
[98] En l’espèce, les études de la Dre Hanley sont récentes. Elles ont toutefois un fondement fiable puisque les désavantages subis par les femmes qui souhaitent accéder au marché du travail ont été reconnus dans la jurisprudence de la Cour suprême sur la question.
[99] En effet, il est depuis longtemps reconnu que les femmes sont désavantagées sur le marché du travail en raison de leurs responsabilités familiales. Dans l’arrêt Fraser, la juge Abella mentionne que la Cour a reconnu ces désavantages :
[103] Notre Cour a aussi reconnu que les femmes se heurtent à des désavantages dans le milieu de travail en raison des responsabilités relatives aux travaux ménagers qu’elles assument en grande partie seules. Elle a souligné les sacrifices que les femmes font au travail « pour des motifs d’ordre domestique » (Moge c. Moge, [1992] 3 R.C.S. 813, p. 861; Nouveau-Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G. (J.), [1999] 3 R.C.S. 46, par. 113, motifs concordants de la juge L’Heureux Dubé); et que « les femmes assument une part disproportionnée du fardeau de la garde des enfants au Canada » (Symes c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695, p. 762-763; voir aussi Young c. Young, [1993] 4 R.C.S. 3, p. 49-50, la juge L’Heureux Dubé, dissidente).
[104] Reconnaître la réalité de la division des tâches ménagères entre les genres et ses répercussions sur la vie professionnelle des femmes n’est pas une question nouvelle, pas plus qu’elle n’est contestable (voir Déclaration et Programme d’action de Beijing, Doc. N. U. A/CONF.177/20, 17 octobre 1995, par. 155 156 et 158). […][68]
[100] À la lumière de ces enseignements de la Cour suprême, la preuve présentée par Mme Kanyinda, qui est non contredite, permet de conclure que l’article 3 RCR crée une distinction fondée sur le sexe en excluant les demandeurs d’asile munis de permis de travail du programme des garderies subventionnées. Je suis d’avis que Mme Kanyinda s’est acquittée du fardeau de preuve imposé au premier volet de l’analyse[69].
[101] À l’étape du second volet de l’analyse, il s’agit de démontrer que l’article 3 RCR impose un fardeau ou nie un avantage d’une manière qui a pour effet de renforcer, de perpétuer ou d’accentuer le désavantage. Je conclus que c’est le cas en l’espèce.
[102] En effet, bien que les femmes qui demandent l’asile ne soient pas nommément exclues par l’article 3 RCR, ce dernier renforce, perpétue et accentue le désavantage subi par ces dernières, en tant que femmes, sur le marché du travail. La preuve administrée par Mme Kanyinda le démontre. Les femmes subissent un désavantage historique dans le milieu du travail en raison du fait qu’elles assument, de façon disproportionnée, les obligations relatives à la garde et au soin des enfants. La Cour suprême a d’ailleurs reconnu ce fait à de nombreuses reprises[70], comme je l’ai mentionné. Il en résulte que les femmes ont une participation moindre que les hommes au marché du travail. Le fait que les personnes demandant l’asile sont, de ce seul fait, inadmissibles à la contribution réduite pour les places en garderie subventionnée a manifestement un effet disproportionné sur les femmes de ce groupe.
[103] Je conclus que l’article 3 RCR renforce et perpétue le désavantage historique vécu par les femmes qui souhaitent participer au marché du travail. La distinction qu’il crée en excluant les personnes demandant l’asile constitue donc de la discrimination par effet préjudiciable fondée sur le sexe au sens de l’article 15 de la Charte canadienne.
[104] Lorsqu’il y a une atteinte à un droit protégé par la Charte canadienne, l’État doit établir qu’elle est justifiée dans une société libre et démocratique. En l’espèce, le PGQ avait le fardeau de démontrer : 1) que l’atteinte repose sur un objectif urgent et réel; 2) qu’elle est rationnellement liée à cet objectif; 3) qu’elle est minimale; et 4) qu’il y proportionnalité entre ses effets et l’objectif[71].
[105] Le PGQ plaide que l’objectif réel et urgent d’exclure les personnes demandant l’asile du bénéfice de contributions réduites pour les places en garderie est que le législateur veut donner une aide financière aux personnes qui présentent un lien suffisant avec le Québec. Il ajoute qu’il existe un lien rationnel puisque le fait d’être demandeur d’asile signifie être en attente de l’attribution éventuelle du statut de réfugié. Il en découle que tant qu’une décision n’est pas rendue sur ce statut, l’État ne peut tenir pour acquis que la demande est justifiée. Le PGQ soutient en outre que l’atteinte est minimale et proportionnée. Il ne s’agit pas d’une inadmissibilité permanente, mais seulement pour la période précédant la décision des autorités fédérales quant à l’octroi du statut de réfugié.
[106] Les tribunaux font habituellement preuve de retenue en ce qui concerne le contrôle d’un objectif urgent et réel[72]. Comme le rappellent les auteurs Brun, Tremblay et Brouillet, les tribunaux ne contrôleront les objectifs que dans les cas « les plus manifestement extravagant[s] »[73]. En l’espèce, bien que l’objectif du « lien suffisant avec le Québec » repose sur des considérations très générales[74], je conclus qu’il remplit le premier critère du test de l’article premier, en raison de la souplesse qui doit prévaloir à cette étape.
[107] En ce qui concerne le lien rationnel entre l’atteinte et l’objectif, le PGQ plaide que la Cour suprême indique que « le gouvernement doit démontrer qu’il est raisonnable de supposer que la restriction peut contribuer à la réalisation de l’objectif, et non qu’elle y contribuera effectivement »[75]. En outre, l’existence du lien peut être démontrée sur le fondement de la raison ou de la logique, plutôt que sur la preuve[76].
[108] Dans l’arrêt Frank c. Canada (Procureur général), la Cour suprême rappelle la question à se poser pour déterminer s’il y a un lien rationnel. Elle s’exprime ainsi :
[59] La question à la première étape de l’examen de la proportionnalité est de savoir si la mesure qui a été adoptée a un lien rationnel avec l’objectif qu’elle vise à atteindre. L’étape relative au lien rationnel exige que la mesure ne soit « ni arbitrair[e], ni inéquitabl[e], ni fondé[e] sur des considérations irrationnelles » (Oakes, p. 139). Essentiellement, le gouvernement doit établir que la restriction a un lien de causalité avec l’objectif recherché (RJR MacDonald, par. 153). Dans les cas où un tel lien n’est pas scientifiquement mesurable, son existence peut être établie sur le fondement de la raison ou de la logique, plutôt que sur une preuve tangible (RJR MacDonald, par. 154; Toronto Star, par. 25).[77]
[109] Le PGQ fait valoir que l’État ne peut tenir pour acquis que la demande d’asile est bien fondée et que la personne qui demande l’asile va rester au pays. Cela démontre que l’exclusion des personnes dont le statut n’est pas reconnu présente un lien rationnel avec cet objectif.
[110] À mon avis, le PGQ n’a pas démontré de lien rationnel entre la mesure et l’objectif urgent et réel invoqué.
[111] En effet, il appert de la lecture de l’article 3 RCR que plusieurs catégories de personnes admissibles aux contributions réduites ne sont au Québec que pour des séjours temporaires. C’est le cas, par exemple, du travailleur qui possède un permis de travail pour une durée déterminée (paragraphe 3(3) RCR), de l’étudiant étranger titulaire d’un certificat d’acceptation délivré par le gouvernement québécois (paragraphe 3(4) RCR) et du titulaire de permis de séjour temporaire délivré en vertu de l’article 24 de la LIPR (paragraphe 3(7) RCR). Comme le plaide Mme Kanyinda, ce dernier cas est particulièrement frappant puisque ce type de permis est octroyé dans des circonstances exceptionnelles afin de permettre à une personne de demeurer au Canada malgré une interdiction de territoire ou l’inobservation de la LIPR. Ce statut est temporaire et révocable en tout temps.
[112] Ces personnes ne demeurent donc au Québec que pour un temps limité. Dans le cas des personnes visées au paragraphe 3(7) RCR, le permis de séjour peut être révoqué à tout moment. Ce qui semble plutôt être le point commun entre toutes les catégories de personnes visées à l’article 3 RCR, c’est le fait qu’elles doivent toutes posséder un permis de travail et non qu’elles puissent demeurer au Québec.
[113] En ce qui concerne l’atteinte minimale, le PGQ devait démontrer ceci :
[66] Au regard du deuxième élément du critère de la proportionnalité, le législateur doit établir que la mesure en cause restreint le droit aussi peu que cela est raisonnablement possible aux fins de la réalisation de l’objectif législatif (RJR‑MacDonald, par. 160; Oakes, p. 139). Autrement dit, la mesure doit être « soigneusement adaptée » pour faire en sorte que l’atteinte aux droits ne dépasse pas ce qui est raisonnablement nécessaire (RJR‑MacDonald, par. 160; Association de la police montée, par. 149). Toutefois, les tribunaux doivent faire preuve de déférence à l’égard du législateur en lui accordant une certaine latitude : « Si la loi se situe à l’intérieur d’une gamme de mesures raisonnables, les tribunaux ne concluront pas qu’elle a une portée trop générale simplement parce qu’ils peuvent envisager une solution de rechange qui pourrait être mieux adaptée à l’objectif et à la violation » (RJR‑MacDonald, par. 160).[78]
[114] À mon avis, le PGQ n’a pas fait la démonstration que l’atteinte est minimale. Même en acceptant que les personnes demandant l’asile n’ont pas de lien suffisant avec le Québec, il serait possible de reconnaître leur admissibilité au paiement de la contribution réduite tout en respectant l’objectif de favoriser les personnes qui présentent un tel lien selon les critères retenus par le gouvernement.
[115] Quant à la proportionnalité entre les effets et l’objectif, elle n’est pas démontrée. Le PGQ ne soulève aucun effet bénéfique découlant de cette exclusion prévue à l’article 3 du RCR du point de vue des politiques législatives et de la société dans son ensemble. Les effets préjudiciables subis par les personnes demandant l’asile, au contraire, ont été démontrés de manière manifeste par Mme Kanyinda, preuve scientifique à l’appui.
[116] Pour tous ces motifs, je suis d’avis que la violation de l’article 15 de la Charte canadienne n’est pas justifiée au regard de son article premier.
[117] Mme Kanyinda demande, à titre de réparation, l’application de la méthode d’interprétation large (reading in). Elle soutient que les trois conditions établies par la jurisprudence pour obtenir cette réparation sont remplies : 1) l’interprétation large favoriserait l’atteinte de l’objectif du gouvernement de fournir des services de garde éducatifs abordables et de qualité et constituerait un empiétement moindre sur cet objectif que l’annulation de l’article 3 RCR; 2) le choix des moyens utilisés par le législateur pour atteindre cet objectif n'est pas assez incontestable pour que l'interprétation large constitue un empiétement inacceptable sur le domaine législatif; et 3) l'interprétation large ne comporterait pas un empiétement si important sur les décisions financières du législateur qu'elle modifierait la nature du régime des services de garde subventionnés[79].
[118] Le PGQ plaide, pour sa part, que la réparation appropriée relève habituellement de l’article 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982[80] et que les tribunaux doivent faire preuve de retenue et de prudence avant d’accorder une réparation autre qu’une déclaration d’inopérabilité puisqu’ils risquent d’empiéter sur le rôle du législateur[81].
[119] À mon avis, la méthode d’interprétation (reading in) constitue la meilleure façon de corriger la portée trop limitative de l’article 3 RCR. Cela permet de trouver un équilibre entre l’élimination de pratiques discriminatoires et la nécessité de préserver les droits des autres catégories de personnes protégées par la loi. Comme le souligne l’auteur Vinay Shandal, cette méthode d’interprétation est une solution logique lorsqu’une législation accorde des bénéfices à certains groupes mais en exclut d’autres, comme en l’espèce :
A third section 52 remedy is reading in. Where a statute that grants benefits to some groups violates the Charter because it excludes other groups, a court can read in the excluded group as a way of extending the statutory benefit to the excluded group. As stated in Schachter, "where the inconsistency is defined as what the statute excludes, the logical result of declaring inoperative that inconsistency may be to include the excluded group within the statutory scheme”.[82]
[120] L’inclusion des personnes qui demandent l’asile à l’article 3 RCR n’aura par ailleurs pas de répercussions financières importantes, puisque ces dernières ne bénéficient pas d’un accès automatique à la contribution réduite, mais plutôt d’une possibilité d’accéder à celle-ci. Je propose donc que l’article 3(3) RCR se lise comme rendant admissible au paiement de la contribution réduite le parent qui réside au Québec aux fins d’une demande d’asile tout en étant titulaire d’un permis de travail.
[121] Vu ma conclusion qu’il y a discrimination fondée sur le sexe par suite d’un effet préjudiciable, il n’y a pas lieu que je me prononce sur les deux autres motifs de discrimination invoqués en vertu de la Charte canadienne.
[122] Dans son appel incident, la CDPDJ soutient que le juge a commis une erreur de droit en décidant que l’exclusion des personnes demandant l’asile du bénéfice de l’admissibilité à la contribution réduite pour les places en garderie subventionnée ne contrevient pas aux articles 10 et 12 de la Charte québécoise. Elle plaide que, contrairement à ce qu’affirme le juge, l’article 12 trouve application puisqu’il ne s’agit pas ici d’un règlement, mais bien de la décision du ministère de ne plus octroyer la contribution réduite aux personnes demandant l’asile. Selon la CDPDJ, l’inadmissibilité des personnes demandant l’asile porte atteinte à l’article 10 de la Charte québécoise puisqu’elle établit une distinction fondée sur les motifs du sexe, de la condition sociale et de l’origine ethnique, ce qui met en péril l’exercice en pleine égalité de leur droit à un service ordinairement offert au public.
[123] Selon le PGQ, l’article 3 RCR ne génère aucune distinction fondée sur les motifs de discrimination cités par la CDPDJ. Même si c’était le cas, il estime que le premier juge a eu raison de conclure que l’article 12 de la Charte québécoise, qui protège contre la discrimination dans le cadre de la conclusion d’un acte juridique, ne trouve pas application en l’espèce.
[124] Étant donné ma conclusion relative à la violation de l’article 15 de la Charte canadienne, je ne me prononcerai pas sur l’application de l’article 10 de la Charte québécoise en l’espèce. Je me limiterai à dire que je ne peux retenir l’argument de la CDPDJ voulant que ce soit la décision du ministère de refuser d’octroyer la contribution réduite aux personnes demandant l’asile qui pose un problème en l’espèce. En effet, il ne s’agit pas d’une décision discrétionnaire du ministère, mais bien d’une décision prise en raison du libellé de l’article 3 RCR et c’est cet article qui est en cause.
[125] Pour ces motifs, je propose d’accueillir en partie l’appel principal du PGQ, à la seule fin d’infirmer le paragraphe 82 du jugement de première instance, d’accueillir en partie l’appel incident de Mme Kanyinda, de déclarer que l’article 3 RCR constitue une discrimination fondée sur le sexe qui porte atteinte à un droit protégé par l’article 15 de la Charte canadienne, de déclarer que l’article 3(3) RCR doit dorénavant se lire comme rendant admissible au paiement de la contribution réduite le parent qui réside au Québec aux fins d’une demande d’asile tout en étant titulaire d’un permis de travail et de rejeter l’appel incident de la CDPDJ, le tout, sans les frais de justice en appel vu le sort mitigé des pourvois.
| |
|
|
JULIE DUTIL, J.C.A. |
[1] Règlement sur la contribution réduite, RLRQ, c. S-4.1.1, r. 1.
[2] Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.
[3] Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2000-227, art. 159.9. L’audition devant la Section de la protection des réfugiés doit se tenir normalement dans un délai de 30, 45 ou 60 jours après la date à laquelle la demande lui a été déférée, selon la situation du demandeur.
[4] Kanyinda c. Procureur général du Québec, 2022 QCCS 1887 [Jugement entrepris].
[5] Jugement entrepris, paragr. 13-20.
[6] Id., paragr. 21-27.
[7] Id., paragr. 28-35.
[8] Id., paragr. 36-44.
[9] Id., paragr. 45-47.
[10] Id., paragr. 48-52.
[11] Id., paragr. 53-62.
[12] Id., paragr. 63-71.
[13] Id., paragr. 72-80.
[14] Id., paragr. 29-35.
[15] Médicaments novateurs Canada c. Canada (Procureur général), 2022 CAF 210; TransAlta Generation Partnership v. Alberta (Minister of Municipal Affairs), 2022 ABCA 381, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême accueillie, 26 octobre 2023, no 40570; Auer v. Auer, 2022 ABCA 375, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême accueillie, 26 octobre 2023, no 40582; International Air Transport Association c. Office des transports du Canada, 2022 CAF 211, paragr. 185-193, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême accueillie, 17 août 2023, no 40614 [International Air Transport Association].
[16] Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190 [Dunsmuir].
[17] Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov].
[19] Katz Group Canada Inc. c. Ontario (Santé et Soins de longue durée), 2013 CSC 64 [Katz].
[20] Patrice Garant, Droit administratif, 7e éd., Montréal, Yvon Blais, 2017, p. 270, no 4.1.1. Repris par la Cour d’appel dans Janssen inc. c. Ministre de la Santé et des Services sociaux, 2019 QCCA 39, paragr. 39; Ruel c. Québec (Éducation), [2001] R.J.Q. 2590, paragr. 49 (C.A.).
[21] Pierre Issalys et Denis Lemieux, L'action gouvernementale : précis de droit des institutions administratives, 4e éd., Montréal, Yvon Blais, 2020, p. 613, no 7.9. Voir aussi : John Mark Keyes, Executive legislation, 3e éd., Toronto, LexisNexis Canada, 2021, p. 383.
[23] Id., paragr. 24.
[26] Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, paragr. 26-27 [Bell ExpressVu], citant Elmer A. Driedger, Construction of Statutes, 2e éd., Toronto, Butterworths, 1983, p. 87, repris dans Ruth Sullivan, The Construction of Statutes, 7e éd., Toronto, Lexis Nexis Canada, 2022, p. 7, no 2.01.
[27] Pierre-André Côté et Mathieu Devinat, Interprétation des lois, 5e éd. Montréal, Thémis, 2021, p. 318, no 1014.
[29] P. Issalys et D. Lemieux, supra, note 21, p. 622-624; Voir aussi : J. M. Keyes, supra, note 21, p. 358‑359.
[31] Jugement entrepris, paragr. 21-27.
[33] Loi sur l’immigration au Québec, RLRQ, c. I-0.2.1.
[34] 114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d'arrosage) c. Hudson (Ville), 2001 CSC 40, paragr. 28 [Spraytech].
[37] Montréal c. Arcade Amusements inc., [1985] 1 R.C.S. 368, p. 406.
[38] Spraytech, supra, note 34, paragr. 28; Allard Contractors Ltd. c. Coquitlam (District), [1993] 4 R.C.S. 371, p. 413; R. c. Greenbaum, [1993] 1 R.C.S. 674, p. 694; R. c. Sharma, [1993] 1 R.C.S. 650, p. 667‑668; Restaurants Canada c. Ville de Montréal, 2021 QCCA 1639, paragr. 41 [Restaurants Canada]; Repentigny (Ville) c. Jotanau Inc., J.E. 2001-96, paragr. 28 (C.A.).
[42] Jacques Carl Morin et Richard Tremblay, « Les critères de la légalité des règlements », dans Richard Tremblay (dir.), Éléments de légistique - Comment rédiger les lois et les règlements, Cowansville, Yvon Blais, 2010, 151, p. 179.
[43] Jacques Lagacé et Richard Tremblay, « Les habilitations réglementaires », dans Richard Tremblay (dir.), Éléments de légistique - Comment rédiger les lois et les règlements, Cowansville, Yvon Blais, 2010, 617, p. 626.
[45] Jugement entrepris, paragr. 38-44.
[46] Voir notamment : Withler c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 12, paragr. 30 [Withler]; R. c. Kapp, 2008 CSC 41, paragr. 17; Law c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497, paragr. 23 [Law]; Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143, p. 174-175 [Andrews].
[47] Law, supra, note 46, paragr. 2, formule reprise dans R. c. Sharma, 2022 CSC 39, paragr. 34 [Sharma].
[49] Id., paragr. 35.
[50] Id., paragr. 28.
[51] Id., paragr. 29, citant Fraser c. Canada (Procureur général), 2020 CSC 28, paragr. 30 [Fraser]; Withler, supra, note 46, paragr. 64.
[53] Fraser, supra, note 51, paragr. 53, citant Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 624, paragr. 60-62 [Eldridge]; Vriend c. Alberta, [1998] 1 R.C.S. 493, paragr. 82; Colombie‑Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3; Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons‑Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536.
[55] Sharma, supra, note 47, paragr. 63, citant Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux, 2018 CSC 17, paragr. 33, 39 et 42; Auton (Tutrice à l’instance de) c. Colombie‑Britannique (Procureur général), 2004 CSC 78, paragr. 41; Eldridge, supra, note 53, paragr. 73; Thibaudeau c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 627, paragr. 37.
[56] Sharma, supra, note 47, paragr. 41, citant Fraser, supra, note 51; Andrews, supra, note 46, p. 164.
[57] Symes c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695 [Symes].
[58] Jugement entrepris, paragr. 44 [Transcription textuelle].
[60] Rapport d’expertise de la Dre Jill Hanley, 4 novembre 2020, p. 8, paragr. 22.
[61] Id., note de bas de page 4.
[63] Id., p. 9-11, paragr. 24-25.
[64] Id., p. 11, paragr. 26.
[65] Id., p. 16, paragr. 43-44.
[66] Id., p. 20, paragr. 58.
[70] Fraser, supra, note 51, paragr. 103-104; Young c. Young, [1993] 4 R.C.S. 3, p. 49-50; Symes, supra, note 57, p. 762-763.
[71] R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, paragr. 69-70.
[72] Henri Brun, Guy Tremblay et Eugénie Brouillet, Droit constitutionnel, 6e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2014, p. 1020, no XII-3.78.
[73] Ibid.
[74] Sur l’importance de formuler l’objectif de la mesure selon le niveau approprié de généralité, voir : Frank c. Canada (Procureur général), 2019 CSC 1, paragr. 46.
[75] Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony, 2009 CSC 37, paragr. 48.
[77] Ibid.
[78] Id., paragr. 66.
[80] Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11.
[81] R. c. Ferguson, [2008] 1 R.C.S. 96, paragr. 50; Ontario (procureur général) c. G, 2020 CSC 38, paragr. 165-166.
[82] Vinay Shandal, « Combining Remedies Under Section 24 of the Charter and Section 52 of the Constitution Act, 1982: A Discretionary Approach » (2003) 61 U.T. Fac. L. Rev 175, p. 4.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.