Décision

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Décision

9269-6111 Québec inc. c. Faguy

2019 QCRDL 14306

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Québec

 

No dossier :

369098 18 20171130 G

No demande :

2385770

 

 

Date :

30 avril 2019

Régisseur :

Philippe Morisset, juge administratif

 

9269-6111 Québec Inc.

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Benoit Faguy

 

Melanie Fournier

 

Locataires - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Par une procédure déposée au Tribunal le 30 novembre 2017, le locateur réclame solidairement le recouvrement du loyer non payé au moment du départ des locataires, des dommages pour perte de loyer et indemnité de relocation, des dommages pour le nettoyage du logement et des frais bancaires, le tout avec l’intérêt légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec ainsi que les frais judiciaires.

[2]      Les locataires s’opposent à la poursuite au motif que le locataire souffre d’un handicap et qu’ils ont résilié le bail, conformément à l’article 1974 du Code civil du Québec, suivant la transmission d’un avis à cet effet.

LA PREUVE

[3]      Des faits mis en preuve, le Tribunal retient les éléments suivants :

[4]      Un bail est intervenu entre les parties pour la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2018 au loyer mensuel de 1 110 $.

[5]      Le bail ne prévoit pas la solidarité des locataires.

[6]      Le mandataire du locateur témoigne que les locataires ont quitté leur logement vers le 25 juillet 2017.

[7]      Lors de leur départ, le loyer du mois de juillet 2017 n’avait pas été payé.

[8]      Le locateur explique que le logement a été reloué au 12 novembre 2017. Il réclame aux locataires les loyers perdus, soit les mois d’août, septembre et octobre 2017. Il réclame également le mois de novembre 2017, puisqu’il a accordé la gratuité du mois de novembre au nouveau locataire pour faciliter rapidement la relocation du logement. C’est donc un montant de 4 440 $ qu’il réclame aux locataires sur ce chef.


[9]      Le locateur réclame également une somme de 183,96 $ à titre de frais d’énergie ainsi qu’une somme de 183,96 $ à titre de frais de dépistage. Toutefois, aucune facture ou pièce justificative n’a été produite pour appuyer ces réclamations.

[10]   Concernant les frais de publicité au montant de 647,64 $, le locateur a produit la preuve des multiples annonces publiées ainsi que les factures qui y sont afférentes.

[11]   Le locateur réclame également 25 $ à titre de frais bancaires. Or, la preuve démontre que le locateur n’a eu qu’une somme de 5 $ à titre de frais, suivant le retour d’un chèque sans fonds des locataires.

[12]   Relativement aux frais de nettoyage de 200 $, le mandataire du locateur témoigne que plusieurs biens ont été laissés sur place et que le logement n’a pas été laissé en bon état de propreté. Plusieurs photos ont été produites à l’appui des prétentions du locateur. Il explique qu’un employé a dû faire le ménage du logement et sortir les biens du logement, ce qui a pris une journée de travail à son employé, d’où la réclamation de 200 $.

[13]   En défense, les locataires expliquent avoir fait parvenir au locateur un avis de résiliation de bail, conformément à l’article 1974 du Code civil du Québec. Cet avis, daté du 7 juillet 2017, a été reçu par le locateur le 14 juillet suivant. Cet avis indique que les locataires quitteront le logement le 25 juillet 2017 et y était joint un avis médical.

[14]   Le locataire témoigne qu’il souffre d’une lombalgie chronique avec sciatalgie difficilement soulageable et produit en preuve un document signé par le docteur Kristopher Carbonneau-Cadrin confirmant son diagnostic. Il s’agit du même document joint à son avis du 7 juillet 2017.

[15]   Le locataire explique qu’au moment de leur départ, il habitait le logement depuis 2 ans. Toutefois, sa condition s’est détériorée. Alors qu’il était une personne sportive qui s’adonnait notamment à la course à pied, il a maintenant de la difficulté à se déplacer, utilisant maintenant une canne et même une marchette.

[16]   La Société de l’assurance automobile du Québec lui a même émis un certificat d’attestation pour son handicap ainsi qu’une vignette de stationnement pour personne handicapée, lesquels ont été produits en preuve.

[17]   Les locataires expliquent que pour avoir accès au logement, le locataire devrait monter plusieurs marches, ce que sa condition ne lui permettait plus de faire sans une grande difficulté.

[18]   Ils admettent toutefois ne pas avoir payé les deux mois de loyer selon leur avis du 7 juillet 2017. Ils ont également informé le Tribunal être disposés à payer les frais de nettoyage.

[19]   Subsidiairement, ils expliquent considérer la réclamation du locateur exagérée et abusive.

DECISION

L’avis transmis par les locataires en vertu de l’article1974 C.c.Q. est-il valable ?

[20]   Pour répondre à cette question, le Tribunal doit décider si la situation médicale du locataire constitue un « handicap » lui permettant de mettre fin au bail.

[21]   En effet, l’article1974 du Code civil du Québec permet à un locataire de résilier son bail avant la fin, s’il ne peut plus occuper son logement en raison d’un handicap. Cet article se lit comme suit :

1974. Un locataire peut résilier le bail en cours, s'il lui est attribué un logement à loyer modique ou si, en raison d'une décision du tribunal, il est relogé dans un logement équivalent qui correspond à ses besoins; il peut aussi le résilier s'il ne peut plus occuper son logement en raison d'un handicap ou, s'il s'agit d'une personne âgée, s'il est admis de façon permanente dans un centre d'hébergement et de soins de longue durée, dans une ressource intermédiaire, dans une résidence privée pour aînés où lui sont offerts les soins infirmiers ou les services d'assistance personnelle que nécessite son état de santé ou dans tout autre lieu d'hébergement, quelle qu'en soit l'appellation, où lui sont offerts de tels soins ou services, qu'il réside ou non dans un tel endroit au moment de son admission.


La résiliation prend effet deux mois après l'envoi d'un avis au locateur ou un mois après l'envoi d'un tel avis lorsque le bail est à durée indéterminée ou de moins de 12 mois. Elle prend toutefois effet avant l'expiration de ce délai si les parties en conviennent ou lorsque le logement, étant libéré par le locataire, est reloué par le locateur pendant ce même délai. L'avis doit être accompagné d'une attestation de l'autorité concernée, à laquelle est joint, dans le cas d'un aîné, le certificat d'une personne autorisée certifiant que les conditions nécessitant l'admission sont remplies.

[…]

[Caractères gras ajoutés]

[22]   Le but de cette disposition est de permettre à un locataire qui souffre d’un handicap de se libérer de son bail pour un logement qu’il ne peut plus occuper en raison de ce handicap.

[23]   Pour s’en prévaloir, il doit donner un avis préalable de deux mois et l’accompagner d’une attestation médicale. Cette exigence est de rigueur, car elle permet au locateur de vérifier le sérieux et la véracité du motif de résiliation.

[24]   Le terme « handicap » n’est pas défini par la loi[1]. Cependant, si l’on se réfère à la définition de « personne handicapée » à la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale[2], celle-ci implique « une déficience entraînant une incapacité significative et persistante et qui est sujette à rencontrer des obstacles dans l’accomplissement d’activités courantes ».

[25]   La notion de « handicap » réfère à une déviation ou une déficience des capacités physiques ou mentales, causées par maladie ou accident, par rapport à la norme biomédicale, persistante et imposante des limites dans l’accomplissement d’activités normales[3] et qui restreint sérieusement la personne dans ses déplacements dans le logement et pour y accéder[4].

[26]   Selon la jurisprudence[5], le locataire doit démontrer qu’il est atteint d’un handicap et que celui-ci l’empêche d’occuper son logement.

[27]   Parce qu’elle fait échec au principe de la stabilité des contrats, la notion de « handicap » doit recevoir une interprétation restrictive et faire l’objet d’une preuve probante et fiable afin que l’ouverture prévue à l’article1974 C.c.Q. ne puisse être détournée de son véritable objectif. Il ne suffit donc pas d’émettre un simple avis que le locataire vit un handicap[6].

[28]   Aussi, il faut démontrer que celui-ci est objectivement propre à l’empêcher d’occuper le logement, soit par la nature, l’étendue et/ou la portée de ce handicap[7].

[29]   De l’avis du Tribunal, les locataires ont démontré, de façon prépondérante, que le locataire ne pouvait plus occuper son logement en raison d’un handicap.

[30]   La preuve, non contredite, démontre que le locataire a un handicap tel que défini selon les principes énoncés précédemment. L’émission par la Société de l’assurance automobile du Québec du certificat et de la vignette de stationnement pour personne handicapée milite également en faveur de cette conclusion. La première condition est donc remplie.

[31]   Quant à l’occupation du logement, la preuve prépondérante est à l’effet que le locataire ne pouvait plus occuper son logement en raison de la présence de marches pour y avoir accès. Le Tribunal a d’ailleurs pu constater la difficulté avec laquelle le locataire se déplaçait. L’accès au logement étant devenu un obstacle plus qu’important pour le locataire, le Tribunal est d’avis que cette deuxième condition est remplie. Rappelons que la condition médicale du locataire s’est détériorée en cour de bail.

[32]   Dans les circonstances, le Tribunal conclut que l’avis envoyé par les locataires était conforme à la Loi pour demander la résiliation du bail après un délai de deux mois.

Considérant les conclusions quant à la validité de l’avis sous l’article 1974 C.c.Q, le locateur a-t-il droit à certains montants aux termes de sa réclamation ?

[33]   Bien que le bail ait été résilié conformément à l’article 1974 du Code civil du Québec, cette résiliation prend effet deux mois suivant l’envoi de l’avis.

[34]   L’avis des locataires ayant été envoyé le 7 juillet 2017, le bail a été officiellement résilié en date du 7 septembre 2017. Les locataires sont donc responsables du bail jusqu’à cette date. Les locataires ont admis ne pas avoir payé le loyer du mois de juillet, alors que le locateur y a droit. Le locateur a également droit au loyer du mois d’août ainsi qu’une partie du mois de septembre, correspondant aux sept premiers jours du mois.

[35]   Le locateur a donc droit à une somme de 2 479 $ à titre de loyer.

[36]   Malgré la résiliation du bail, cela ne libère par les locataires de leurs obligations quant à la remise du logement en bon état, notamment de propreté. Puisque les locataires ont admis la réclamation du locateur pour les frais de nettoyage au montant de 200 $, celle-ci sera accordée.

[37]   La preuve démontre que le locateur a eu des frais bancaires de 5 $ puisque le chèque en paiement du loyer du mois de juillet a été retourné pour cause de provisions insuffisantes. Le Tribunal accorde donc 5 $ au locateur à titre de frais bancaires.

[38]   Quant aux frais d’électricité jusqu’au 7 septembre 2017, vu l’absence de pièces justificatives, aucun montant ne sera accordé à ce chapitre. Il en est de même des frais de dépistage.

[39]   Finalement, le Tribunal rejette le reste de la réclamation du locateur, vu les conclusions quant à la validité de l’avis de résiliation en vertu de l’article 1974 C.c.Q.

[40]   En résumé, le Tribunal accorde 2 684 $ au locateur.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[41]   ACCUEILLE en partie la demande du locateur ;

[42]   CONSTATE la résiliation du bail en date du 7 septembre 2017, conformément à l’article 1974 du Code civil du Québec ;

[43]   CONDAMNE les locataires à payer au locateur 2 684 $, plus les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 30 novembre 2017 et les frais judiciaires de 93 $ ;

[44]   REJETTE les autres conclusions recherchées.

 

 

 

 

 

 

 

 

Philippe Morisset

 

Présence(s) :

le locateur

les locataires

Date de l’audience :  

19 mars 2019

 

 

 


 



[1] Savard-Bellemare c. Coopérative La Rose des vents (R.D.L., 1998-09-15), SOQUIJ AZ-98061140, [1998] J.L. 326.

[4] Article 1021 du Code civil du Québec.

[5] Voir entre autres : Tutino c. Drouin (R.D.L., 2018-09-13), 2018 QCRDL 30433 (CanLII), SOQUIJ AZ-51529395, 2018EXP-2682 ; ; Marois c. Gestion R. Labonté et Fils, 2012 QCRDL 993, 21-111121-004G, 13 janvier 2012, r. Landry ; Béland c. Blais (R.D.L., 2014-05-12), 2014 QCRDL 16967, SOQUIJ AZ-51073918 ; Dispaltro c. Charbonneau (R.D.L., 2016-07-29), 2016 QCRDL 26803, SOQUIJ AZ-51312327, 2016EXP-3239 ; L’Ilot St-Pierre c. Lachance, 18-071023-011P-071122 et 18-071119-009G, r. Simard.

[6] De Blois c. Bourgeois (R.D.L., 2018-06-14), 2018 QCRDL 20286 (CanLII), SOQUIJ AZ-51504155, 2018EXP-1826.

[7] Sommeco Outremont Inc. c. Nadeau, 2016 QCRDL 4886.

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