9332 8557 Québec inc. c. Whalen |
2021 QCTAL 13103 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
||||||
Bureau dE Québec |
||||||
|
||||||
No dossier : |
553436 18 20210122 G |
No demande : |
3159515 |
|||
|
|
|||||
Date : |
21 mai 2021 |
|||||
Devant la juge administrative : |
Chantale Trahan |
|||||
|
||||||
9332 8557 Québec Inc. |
|
|||||
Locatrice - Partie demanderesse |
||||||
c. |
||||||
Carla Whalen |
|
|||||
Locataire - Partie défenderesse |
||||||
|
||||||
D É C I S I O N
|
||||||
[1] Par une demande introduite le 22 janvier 2021, la locatrice réclame la somme de 2 570 $ en loyer impayé, le tout avec les intérêts et l’indemnité additionnelle, l’exécution provisoire, de même que la condamnation aux frais.
Contexte
[2] Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021, au loyer de 1 020 $ par mois. Le bail est au nom de monsieur Jean-François Gionest et de madame Carla Whalen, et prévoit expressément que les locataires s’engagent solidairement envers la locatrice.
[3] La demande est dirigée contre madame Whalen uniquement.
[4] Le 10 mars 2021, la soussignée a remis le dossier pour que les parties puissent faire leurs preuves et leurs représentations sur les différents enjeux que soulève la demande de la locatrice.
[5] À l’audience du 13 avril 2021, la locataire est absente, l’avis d’audition lui a été acheminé à l’adresse du logement, mais elle a omis de faire son changement d’adresse dans le dossier du Tribunal.
Preuve de la locatrice
[6] Le représentant de la locatrice explique que dès septembre 2020, l’équipe de location s’aperçoit que le locataire Gionest est à la recherche d’un logement alors qu’il a un bail en cours avec la locatrice. Il entre donc en contact avec le locataire Gionest pour savoir s’il entend céder son bail, et ce dernier l’informe que le couple se sépare. Le locataire Gionest lui mentionne alors « qu’il souhaiterait ne plus être au bail ».
[7] Suivant cette nouvelle, un gestionnaire de la locatrice communique avec la locataire Whalen pour vérifier si elle souhaite enlever le locataire Gionest comme responsable du bail, ce qu’elle aurait confirmé verbalement, se disant financièrement capable d’assumer seule le loyer. Le gestionnaire transmet alors un document à faire signer par les deux parties, pour confirmer leur accord verbal.
[8] Le 18 septembre 2020, le locataire Gionest et le gestionnaire de la locatrice signent le document suivant :
« Avis de modification au bail
(…..)
Descriptions de la modification :
Monsieur Gionest n’est plus responsable du bail à compter du 1er octobre 2020. Mme Whalen sera la seule personne au bail. »
[9] La locataire Whalen refuse de signer le document avec lequel elle n’est pas d’accord, et informe le gestionnaire des événements de violence conjugale dont elle a été victime.
[10] Le mandataire de la locatrice, Olivier Blouin, témoigne qu’au mois d’octobre 2020, il tente de savoir pourquoi la locataire Whalen ne veut pas signer le document pour libérer le locataire Gionest de ses obligations découlant du bail, et elle maintient sa position.
[11] La demie du mois d’octobre 2020 est payée par monsieur Gionest d'une somme de 510 $, et la locataire Whalen fait un virement de 1 000 $ le 26 novembre 2020.
[12] Monsieur Blouin
témoigne que les communications se font davantage par écrit à compter du 24 novembre 2020
entre lui et la locataire Whalen. Le 3 décembre 2020, il reçoit notification
d’une attestation de l’officier public selon l’article
[13] Il confirme à l’audience qu’il considère le locataire Gionest libéré de ses obligations du bail dès le 18 septembre 2020. Il n’entend plus parler de lui à compter du 1er octobre 2020, jour où il a versé 510 $ et ne cherche pas à le retracer. Il dirige sa demande judiciaire uniquement contre la locataire Whalen en janvier 2021.
[14] S’appuyant sur la clause de solidarité prévue au bail, la locatrice réclame à la locataire Whalen le loyer total jusqu’au 31 janvier 2021, pour un total de 2 570 $, soit 510 $ pour le mois d’octobre, 20 $ pour le mois de novembre, 1 020 $ pour les mois de décembre et janvier 2021.
Question en litige
[15] La locatrice a-t-elle éteint l’obligation contractuelle envers le locataire Gionest par l’effet d’une remise, et dans l’affirmative, peut-elle réclamer la totalité du loyer à la locataire Whalen en vertu de la clause de solidarité prévue au bail?
Analyse et décision
[16] Le Tribunal considère que la locatrice a fait remise de l’obligation du locataire Gionest dès le 18 septembre 2020, par le document qu’elle a signé avec lui et par ses comportements à son endroit par la suite. En effet, le document et le témoignage de monsieur Blouin sont clairs à cet égard, même si le locataire Gionest a fait un versement de 510 $ le 1er octobre, dans l’attente d’une signature de l’entente par la locataire Whalen.
[17] Toutefois, la locataire Whalen a refusé de signer ce même document. Ainsi, même si la locataire avait envisagé de devenir la seule responsable du bail et l’a manifesté auprès de la locatrice, le document du 18 septembre constituait uniquement une offre de contracter par la locatrice.
1388. Est une offre de contracter, la proposition qui comporte tous les éléments essentiels du contrat envisagé et qui indique la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation.
1389. L'offre de contracter émane de la personne qui prend l'initiative du contrat ou qui en détermine le contenu, ou même, en certains cas, qui présente le dernier élément essentiel du contrat projeté.
1392. L'offre devient caduque si aucune acceptation n'est reçue par l'offrant avant l'expiration du délai imparti ou, en l'absence d'un tel délai, à l'expiration d'un délai raisonnable; elle devient également caduque à l'égard du destinataire qui l'a refusée.
Le décès ou la faillite de l'offrant ou du destinataire de l'offre, assortie ou non d'un délai, de même que l'ouverture à l'égard de l'un ou de l'autre d'un régime de protection, emportent aussi la caducité de l'offre, si ces causes de caducité surviennent avant que l'acceptation ne soit reçue par l'offrant.
[18] Ainsi, l’offre de contracter du 18 septembre 2020 est devenue caduque dès que la locataire Whalen a manifesté son refus à la signer.
[19] Par son témoignage non équivoque et le document signé, la locatrice a fait remise au locataire Gionest de ses obligations découlant du bail, dès le 18 septembre 2020, le libérant définitivement à compter du 1er octobre 2020. D’ailleurs, ses actions confirment cette remise, d’abord par son témoignage à l’audience, comme quoi elle considère le locataire Gionest libéré, en ne faisant de surcroit aucune démarche pour le retracer, et finalement, en introduisant sa demande judiciaire uniquement à l’encontre de la locataire Whalen.
[20] L’article
1690. La remise expresse accordée à l'un des débiteurs solidaires ne libère les autres codébiteurs que pour la part de celui qui a été déchargé; et si l'un ou plusieurs des autres codébiteurs deviennent insolvables, les portions des insolvables sont réparties par contribution entre tous les autres codébiteurs, excepté celui à qui il a été fait remise, dont la part contributive est supportée par le créancier.
La remise expresse accordée par l'un des créanciers solidaires ne libère le débiteur que pour la part de ce créancier.
[21] La Cour d’appel([1]) a déjà établi que la remise expresse d’une obligation envers un des débiteurs solidaires emporte la renonciation à la solidarité contre l’autre codébiteur :
« D’une telle quittance finale donnée à Superior par Alta, découle la remise de solidarité à l’égard de Suntract qui ne peut plus être recherchée pour davantage que sa part divise; elles n’étaient que deux défenderesses tenues responsables solidairement vis-à-vis Alta. »
[22] Dans le présent cas,
la locataire Whalen est empêchée de prendre un recours récursoire contre le
locataire Gionest, puisqu’il a été totalement libéré par la locatrice de ses
obligations découlant du bail. La remise a éteint l’obligation du locataire
Gionest et a annulé l’obligation de solidarité en ce qui concerne la locataire
Whalen. La locatrice plaide que l’article
1532. Le créancier qui renonce à la solidarité à l’égard de l’un des débiteurs conserve son recours solidaire contre les autres pour le tout.
[23] Le Tribunal n’est pas de cet avis pour les motifs précités. Ainsi, la locataire Whalen doit payer le loyer, pour sa part, jusqu’au 3 février 2021.
[24] Le total dû par la locataire Whalen est de 2 142 $. De ce montant, la locatrice a reçu 510 $ du locataire Gionest le 1er octobre, et 1 000 $ de la locataire Whalen le 26 novembre 2020. Elle doit donc verser à la locatrice 632 $.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[25] ACCUEILLE en partie la demande de la locatrice;
[26] CONSTATE la résiliation du bail au 3 février 2021;
[27]
CONDAMNE la locataire à payer à la locatrice la somme de 632 $
en loyer impayé, plus les intérêts et l’indemnité additionnelle prévue à
l’article
|
|
|
|
|
Chantale Trahan |
||
|
|||
Présence(s) : |
le mandataire de la locatrice |
||
Date de l’audience : |
13 avril 2021 |
||
|
|||
|
|||
[1] Suntractc Rentals ltée c. Alta Construction
(1964) ltée,
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.