Cartier c. Automobile 305 (9109-8798 Québec inc.) |
2021 QCCQ 3084 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE QUÉBEC |
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LOCALITÉ DE |
QUÉBEC |
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« Chambre civile » |
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N° : |
200-32-703253-186 |
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DATE |
12 avril 2021 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
DOMINIC ROUX, J.C.Q. |
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PIER-LUC CARTIER |
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Bécancour (Québec) [...] |
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Partie demanderesse |
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c. |
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AUTOMOBILE 305 (9109-8798 QUÉBEC INC.) |
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1316, route Marie-Victorin |
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Lévis (Québec) G7A 4G1 |
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Partie défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Le 1er mars 2018, Pier-Luc Cartier se présente chez Automobile 305, afin de se procurer un véhicule d’occasion. Devant se rendre régulièrement à Fermont pour son travail, ville située à plus de 1 000 kilomètres de sa résidence, il pose comme exigence que le véhicule soit en bonne condition.
[2] Son choix s’arrête sur un Dodge Journey 2012. Le représentant d’Automobile 305 lui confirme que la mécanique est excellente et que ce véhicule, jamais accidenté n’a appartenu qu’à un seul propriétaire depuis sa sortie de l’usine.
[3] La veille, Automobile 305 avait fait quelques réparations (freins et joint à rotule) sur le véhicule.
[4] Après avoir pris connaissance du rapport d’inspection mécanique réalisé par un sous-traitant d’Automobile 305, et effectué un essai routier, monsieur Cartier décide d’acheter le véhicule au prix de 14 377,13 $. À ce moment, l’odomètre indique près de 92 000 km. Puisque l’achat est financé par Desjardins, un contrat de vente à tempérament est conclu entre les parties.
[5] Le contrat prévoit que le système Bluetooth et une portière rouillée doivent être réparés.
[6] Le lendemain midi, 2 mars 2018, monsieur Cartier revient chez Automobile 305 signer son contrat de vente et prendre possession de son véhicule. Comme il doit se rendre à Fermont le 4 mars, il emporte avec lui ses pneus d’hiver qui doivent être posés la journée même par Automobile 305.
[7] En milieu d’après-midi, les pneus d’hiver n’ont toujours pas été posés. Or, monsieur Cartier doit retourner chez lui à Bécancour accueillir ses jeunes enfants qui reviendront sous peu de l’école. C’est pourquoi il demande à Automobile 305 de lui remettre ses pneus, qui seront installés je jour même par un détaillant Costco Wholesale.
[8] Le 4 mars 2018, monsieur Cartier prend la direction de Fermont avec son nouveau véhicule. Peu de temps après avoir passé le barrage Daniel-Johnson (Manic 5), une roue se détache subitement du véhicule.
[9] Quatre-vingt-dix minutes plus tard, monsieur Cartier est ramené au barrage, tandis que le véhicule est remorqué à Baie-Comeau.
[10] Monsieur Cartier parvient ensuite à se rendre en covoiturage à Fermont. Il arrive à destination vers 6h00 le lendemain, 5 mars 2018, soit environ sept heures plus tard que prévu.
[11] Il communique alors aussitôt avec l’Office de protection du consommateur. À 10h54, jugeant le véhicule dangereux et non sécuritaire, il transmet par télécopieur à Automobile 305 un avis de résiliation du contrat de vente, suivant l’article 73 de la Loi sur la protection du consommateur[1].
[12] Une fois la réception du document confirmée, monsieur Cartier discute avec un représentant d’Automobile 305 qui refuse de résilier le contrat, vu la pose de pneus d’hiver effectuée par Costco Wholesale.
[13] Le 22 mars 2018, un mécanicien de Baie-Comeau effectue les réparations requises, afin de permettre à monsieur Cartier de ramener le véhicule chez lui, à Bécancour. Plusieurs noix de roues et goujons, en état d’usure avancée, sont remplacés. Ces réparations, qui comprennent le remorquage du véhicule à Baie-Comeau, coûtent la somme de 1 436,72 $ à monsieur Cartier.
[14] Monsieur Cartier invoque deux autres problèmes qui justifient selon lui l’annulation du contrat de vente conclu avec Automobile 305 : l’air climatisé ne fonctionne pas et le support à batterie est dans un état de détérioration avancée.
[15] Le 7 août 2018, monsieur Cartier met en demeure Automobile 305 de procéder à l’annulation du contrat de vente à tempérament et de lui rembourser le prix de vente ainsi que le coût du remorquage et de la réparation effectuée à Baie-Comeau. Automobile 305 refuse de s’exécuter
[16] Le 10 décembre 2018, monsieur Cartier dépose une demande en justice et réclame la somme de 15 813,88 $ à Automobile 305. Cette somme est volontairement réduite à 15 000 $, afin que le litige relève de la compétence de la Division des petites créances[2].
[17] Automobile 305 conteste la demande en justice.
[18] Les parties sont entendues le 9 mars 2021, date à laquelle le dossier est pris en délibéré par le Tribunal.
[19] Au cours du délibéré, le Tribunal constate qu’il a omis de demander à monsieur Cartier s’il souhaite que l’annulation du contrat soit prononcée et de préciser l’utilisation qu’il a faite du véhicule et son entretien depuis le 2 mars 2018.
[20] En vertu de l’article 323 du Code de procédure civile, le Tribunal ordonne donc la réouverture des débats, afin que monsieur Cartier fournisse ces informations. Ce faisant, il invite, s’il y a lieu, Automobile 305 à répondre par courriel aux éléments transmis par monsieur Cartier, dans le délai indiqué au dispositif.
[21] Le 19 mars 2021, monsieur Cartier communique les informations demandées.
[22] Le 26 mars 2021, Automobile 305 fait part de ses observations écrites.
[23] Le 30 mars 2021, monsieur Cartier répond à ces observations.
QuestionS en litige :
[24] La présente affaire soulève deux questions :
- Automobile 305 a-t-elle manqué à ses obligations en vertu de la Loi sur la protection du consommateur?
- Dans l’affirmative, quelle est la réparation appropriée pour monsieur Cartier?
ANALYSE
- Les manquements reprochés à Automobile 305
[25] Le contrat de vente assorti d’un crédit conclu entre monsieur Cartier et Automobile 305 est assujetti à la Loi sur la protection du consommateur (« L.p.c. »)[3]. Il s’agit également d’un contrat de consommation au sens de l’article 1384 du Code civil du Québec (« C.c.Q. »)[4].
[26] Monsieur Cartier allègue qu’Automobile 305 a manqué à plusieurs des obligations prévues à la L.p.c. : refus de résoudre le contrat ; garanties d’usage et de durabilité ; déclarations trompeuses sur la condition mécanique du véhicule.
[27] D’entrée de jeu, le Tribunal ne croit pas qu’il peut être reproché à Automobile 305 de ne pas avoir donné suite à l’avis de résiliation communiqué par monsieur Cartier le matin du 5 mars 2018.
[28] Les articles 73, 77 et 79 L.p.c. encadrent cette faculté de résolution unilatérale reconnue au consommateur :
73. Un contrat de prêt d’argent et un contrat assorti d’un crédit peuvent être résolus sans frais ni pénalité, à la discrétion du consommateur, dans les deux jours qui suivent celui où chacune des parties est en possession d’un double du contrat.
Un contrat de crédit à coût élevé, au sens de l’article 103.4, peut être résolu, dans les mêmes conditions, dans les 10 jours qui suivent celui où chacune des parties est en possession d’un double du contrat.
77. Lorsqu’un contrat est résolu en vertu de l’article 73, les parties doivent, dans les plus brefs délais, se remettre ce qu’elles ont reçu l’une de l’autre. Le commerçant assume les frais de restitution.
79. Le consommateur ne peut résoudre le contrat si, par suite d’un fait ou d’une faute dont il est responsable, il ne peut restituer au commerçant le bien dans l’état où il l’a reçu.
[29] La preuve montre que le véhicule avait roulé plus de 700 km depuis la prise de possession jusqu’au lieu de l’accident. Monsieur Cartier ne pouvait donc remettre le véhicule à Automobile 305 dans l’état où il l’avait reçu le 2 mars 2018, tel que l’exige l’article 79 L.p.c.
[30] Monsieur Cartier peut-il néanmoins invoquer les garanties d’usage et de durabilité prévues aux articles 37, 38 et 54 L.p.c. ? Ces dispositions sont libellées comme suit :
37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.
38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.
54. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d’exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur une obligation résultant de l’article 37, 38 ou 39.
Un recours contre le fabricant fondé sur une obligation résultant de l’article 37 ou 38 peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.
[31] Il est connu que la garantie offerte par ces dispositions n’est « qu’une application particulière de la notion de vice caché »[5], vecteur de la garantie de qualité énoncée à l’article 1726 C.c.Q.
[32] Toutefois, les articles 37, 38 et 53 L.p.c. allègent le fardeau de monsieur Cartier en établissant des présomptions qui le dispensent de prouver le vice affligeant son bien[6].
[33] D’une part, suivant l’article 37 L.p.c., l’antériorité du vice n’a pas à être démontrée par monsieur Cartier s’il prouve que le bien acheté « n’est pas apte à servir « à l’usage auquel il est normalement destiné »[7], c’est-à-dire l’usage « auquel [il] peut raisonnablement s’attendre »[8]. À cette fin, le Tribunal doit « s’attarder aux circonstances de l’utilisation du bien (usage normal) analysées sous l’éclairage des attentes légitimes du consommateur »[9].
[34] Toujours selon l’article 37 L.p.c., monsieur Cartier n’a pas à prouver le caractère occulte du vice, s’il démontre l’absence de résultat attendu ou encore l’insuffisance de ce résultat[10].
[35] D’autre part, l’article 38 L.p.c. fait présumer l’antériorité et le caractère occulte du vice si monsieur Cartier démontre que le bien n’a pu « servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien ». Ces critères doivent s’apprécier en fonction des « attentes raisonnables et normales du consommateur »[11].
[36] Dans tous les cas, monsieur Cartier doit s’être « livré à un examen ordinaire du bien avant l’achat »[12].
[37] En résumé, pour bénéficier des garanties de qualité prévues à la L.p.c., monsieur Cartier doit fournir « la preuve d’un déficit d’usage sérieux et celle de l'ignorance de cette condition au moment de la vente »[13].
[38] À ce sujet, la Cour d’appel explique :
[71] La gravité du déficit d’usage réside dans la diminution importante de l’utilité du bien au point où le consommateur ne l’aurait pas acheté ou n’aurait pas consenti à donner un si haut prix s’il avait connu l’usage réduit qu’il pouvait obtenir de ce bien. […]
[72] Il n’est cependant pas nécessaire que le déficit enlève toute utilité au bien ou rende son usage impossible. Seule la preuve d’une gravité suffisante au point de jouer un rôle déterminant sur la décision du consommateur s’avère nécessaire. Bref, le fabricant doit concevoir le bien en conservant à l’esprit les besoins et les objectifs de sa clientèle. Telle est la norme.
[73] Le consommateur doit également démontrer que le défaut lui était inconnu au moment de l’achat. Cette preuve n’est habituellement pas très exigeante, d’autant qu’en pratique il arrive souvent que ce soit le vendeur lui-même qui se charge de faire la démonstration contraire.[14]
[Références omises]
[39] En l’espèce, ces deux conditions ont été établies.
[40] D’une part, le détachement de la roue en région isolée, le surlendemain de la prise de possession du véhicule, la défectuosité de l’air climatisé en période estivale et l’état de délabrement du support à batterie ont entraîné un déficit d’usage pour monsieur Cartier, pour qui la bonne condition du véhicule était une considération essentielle.
[41] D’autre part, rien n’indique que monsieur Cartier connaissait l’existence de tous ces problèmes mécaniques lors de la vente. De fait, il s’est livré à un examen ordinaire du véhicule avant d’en faire l’achat.
[42] Dans ces circonstances, il revient à Automobile 305 de prouver qu’il y a absence de vice, c’est-à-dire « qu’au moins l’un des quatre critères de détermination d’un vice caché au sens de l’article 1726 C.c.Q. n’est pas présent »[15].
[43] Pour repousser la présomption de vice, Automobile 305 peut également démontrer, par preuve prépondérante, que monsieur Cartier a fait une mauvaise utilisation du véhicule ou qu’il ne s’en est pas servi pour l’usage auquel il était destiné[16] ou encore que les vices sont attribuables à « une usure normale compte tenu du prix du bien »[17].
[44] Le Tribunal rappelle qu’un « évènement extrinsèque, comme l’intervention d’un tiers ou une force majeure, peut également constituer un moyen de renverser la présomption de vice » permettant d’exonérer Automobile 305[18].
[45] Premièrement, Automobile 305 allègue que la défectuosité de l’air climatisé est attribuable à l’usure normale du véhicule. Avec égard, le Tribunal juge que monsieur Cartier était en droit de s’attendre à ce que l’air climatisé de son véhicule fonctionne normalement, à tous le moins lors de la première période estivale suivant l’achat.
[46] Deuxièmement, aucune preuve soumise par Automobile 305 ne permet de renverser la présomption de vice caché se rapportant à la détérioration avancée du support à batterie.
[47] Troisièmement, Automobile 305 prétend que les noix de roue et les goujons ont été endommagés par le détaillant Costco Wholesale lors de la pose de pneus d’hiver le 2 mars 2018. Rappelons que c’est elle qui, initialement, devait effectuer ce travail ce jour-là.
[48] Pour étayer son argumentation, Automobile 305 fait témoigner son gérant de pièces, Sylvain Gagnon, qui n’a pas de diplôme en mécanique automobile mais qui, depuis quarante ans, a travaillé pour divers concessionnaires automobiles.
[49] Monsieur Gagnon explique que le détachement de roues est un phénomène courant le printemps et l’automne lors du changement de pneus. En effet, des particuliers ou des garagistes endommagent les goujons et les écrous de roue en les vissant de manière inadéquate, sans respecter les exigences du fabricant. Le filet étant usé ou altéré, il est normal que la roue se détache peu de temps suivant la pose des pneus.
[50] Examinant pour la première fois les photos de la roue du véhicule, intégrées au rapport de l’expert mandaté par monsieur Cartier, monsieur Gagnon note que trois goujons sont endommagés. Si les goujons étaient à ce point usés lors de l’installation des pneus d’hiver, Costco n’aurait pu visser la roue assez solidement. Or, la roue s’est détachée deux jours après l’intervention de Costco. Monsieur Gagnon est donc d’avis que c’est cette intervention qui a endommagé les goujons lors de la pose de la roue.
[51] Monsieur Cartier réplique en déposant un rapport rédigé par un expert en génie métallurgique, l’américain Guy Avellon. Consultant depuis 40 ans dans ce domaine, monsieur Avellon a examiné les photos de la roue endommagée et la chronologie ayant mené à l’incident du 4 mars 2018. Son diagnostic est le suivant : l’état de détérioration avancée des goujons, ayant causé le détachement de la roue, était présent bien avant l’intervention de Costco la veille de l’incident. Il ajoute :
If Costco had installed the tires improperly, the nuts would have come off within de stated distance. However, the fracture surfaces all indicated a least 95 % metal fatigue propagation. Metallurgically, this is impossible to achieve without the wheel studs on the other wheels fracturing and unless the vehicule was driven very hard over irregular surfaces for 885 km. It takes times and load frequency to create fatigue fractures of this magnitude.
[52] Bien que les propos de monsieur Gagnon soient logiques et rendent plausibles la thèse d’Automobile 305, le Tribunal peut difficilement écarter la conclusion de monsieur Avellon qui s’appuie sur une analyse concrète de calibre professionnel du problème que lui a soumis monsieur Cartier. En outre, monsieur Gagnon ne possède pas l’expertise de monsieur Avellon.
[53] Puisqu’Automobile 305 n’a pas réussi à renverser la présomption de vice caché, monsieur Cartier est en droit de bénéficier des mesures de réparations que lui accordent la L.p.c.
[54] Enfin, vu les déclarations erronées de son représentant quant à la bonne condition mécanique du véhicule, le Tribunal juge qu’Automobile 305 a manqué à ses obligations suivant les articles 41, 42 et 219 L.p.c.
- La réparation accordée à monsieur Cartier
[55] Monsieur Cartier demande l’annulation de la vente et souhaite restituer le véhicule à Automobile 305. Les montants suivants sont par ailleurs réclamés :
- 13 147,69 $ (remboursement du prix d’achat, moins dépréciation);
- 1 852,31 $ (remorquage, réparation des roues et vérification de l’air climatisé et du support à batterie).
[56] Ces mesures de réparation trouvent appui sur l’article 272 L.p.c. :
272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l’article 314 ou dont l’application a été étendue par un décret pris en vertu de l’article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas :
a) l’exécution de l’obligation;
b) l’autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;
c) la réduction de son obligation;
d) la résiliation du contrat;
e) la résolution du contrat; ou
f) la nullité du contrat,
sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.
[57] Le Tribunal rappelle que les manquements d’Automobile 305 aux dispositions de la L.p.c. « entraîne[nt] l’application d’une présomption absolue de préjudice » qui dispense monsieur Cartier de prouver le dommage qu’il a subi[19]. Cette présomption lui permet donc, « sans exigence additionnelle, […] d’obtenir l’une des mesures de réparation contractuelles prévues à l’art. 272 L.p.c. »[20].
[58] Le recours en dommages-intérêts envisagé au deuxième alinéa de l’article 272 L.p.c. demeure quant à lui « soumis aux règles générales du droit civil québécois »[21].
[59] Enfin, il est vrai que le choix de la mesure de réparation appartient à monsieur Cartier[22]. Néanmoins, suivant la L.p.c., le Tribunal « conserve la discrétion de lui en accorder [une autre mesure de réparation] plus appropriée aux circonstances »[23].
[60] Dans notre affaire, vu la nature des manquements reprochés à Automobile 305 (fausses représentations et vices cachés), le Tribunal juge que monsieur Cartier est en droit d’obtenir l’annulation de la vente. Cette mesure implique de restituer le véhicule et de rembourser le prix d’achat[24].
[61] Monsieur Cartier demande d’ailleurs le remboursement du prix payé (13 147,69 $), mais en y soustrayant une légère dépréciation.
[62] D’emblée, le Tribunal ne croit pas que la restitution du véhicule et le remboursement de la quasi-totalité du prix de vente ont pour effet d’accorder un avantage indu à monsieur Cartier[25].
[63] Le Tribunal rappelle que la présente situation est attribuable à Automobile 305, qui n’a pas respecté ses obligations légales.
[64] Ajoutons à cela les troubles et inconvénients subis par monsieur Cartier, ne serait-ce que lors de l’incident survenu dans la nuit du 4 au 5 mars 2018.
[65] Ensuite, la restitution ne présente pas d’inconvénients sérieux pour Automobile 305 qui pourra de nouveau vendre le véhicule[26].
[66] Certes, monsieur Cartier a utilisé le véhicule, mais une seule fois pour se rendre à Fermont en mai 2018 et le reste du temps pour ses déplacements personnels.
[67] En outre, de juin à l’automne 2018, monsieur Cartier était en convalescence à la suite d’un accident, ce qui a réduit d’autant les occasions d’utilisation du véhicule.
[68] Par ailleurs, le Tribunal note que le 7 août 2018, soit pendant la convalescence de monsieur Cartier, Automobile 305 avait été mise en demeure de procéder à l’annulation de la vente dans les dix jours, après quoi le véhicule lui serait remis. C’est devant le refus d’Automobile 305 que monsieur Cartier a introduit sa demande en justice et conservé le véhicule pour ses déplacements personnels, n’ayant plus à se rendre à Fermont dans le cadre de son travail.
[69] Le jour de l’audience, l’odomètre indiquait un peu plus de 114 000 km, soit quelques 25 000 kilomètres de plus que lors de l’achat survenu trois ans plus tôt.
[70] Enfin, monsieur Cartier a fait lui-même l’entretien régulier du véhicule, c’est-à-dire deux vidanges d’huile (l’une à 97 000 km et l’autre à 112 000 km, les deux avec de l’huile synthétique).
[71] Somme toute, le Tribunal juge que monsieur Cartier n’a pas à supporter la dépréciation de la valeur du véhicule, dans la mesure où il a en fait un usage normal au cours des trois dernières années[27]. Comme le rappelle l’honorable Luc Huppé, J.C.Q :
La règle de l’article 1702 du Code civil du Québec peut paraître inéquitable pour les défenderesses, tenues de reprendre un bien possiblement déprécié et de remettre la totalité des paiements effectués par M. Vallières. Cette règle reçoit cependant l’aval de la jurisprudence.[28]
[72] Le Tribunal accorde donc la somme de 13 147,69 $ pour le remboursement du prix de vente.
[73] Finalement, le Tribunal condamne Automobile 305 à payer la somme de 1 852,31 $ à monsieur Cartier pour le remorquage du véhicule à Baie-Comeau, la réparation des roues et la vérification de l’air climatisé et du support à batterie. Ces dommages-intérêts sont une suite directe et immédiate des manquements reprochés à Automobile 305[29].
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE la demande ;
RÉSILIE le contrat de vente à tempérament conclu le 2 mars 2018 visant le véhicule suivant : Dodge Journey, année 2012 (n° identification 3C4PDDFGXCT337037);
CONDAMNE Automobile 305 (9109-8798 Québec inc.) à payer la somme de 13 147,69 $ à Pier-Luc Cartier en remboursement du prix de vente;
CONDAMNE Automobile 305 (9109-8798 Québec inc.) à payer la somme de 1 852,31 $ à Pier-Luc Cartier, avec intérêts calculés au taux légal annuel de 5 % et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 19 août 2018;
DÉCLARE que le paiement de ces sommes est conditionnel à la remise du véhicule Dodge Journey 2012 (n° identification 3C4PDDFGXCT337037) à Automobile 305 (9109-8798 Québec inc.);
AUTORISE Automobile 305 (9109-8798 Québec inc.) à récupérer, sans frais, auprès de Pier-Luc Cartier le véhicule Dodge Journey 2012 (n° identification 3C4PDDFGXCT337037), sur préavis de quarante-huit (48) heures, au plus tard dix (10) jours après le paiement complet des condamnations prononcées en vertu de ce jugement. À défaut, Pier-Luc Cartier est autorisé à disposer du véhicule comme bon lui semblera;
LE TOUT avec frais de justice de la contestation, fixés à 202 $.
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__________________________________ DOMINIC ROUX, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
9 mars 2021 |
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[1] Loi sur la protection du consommateur, RLRQ, c. P -40.1.
[2] Code de procédure civile, c. C -25.01, art. 536 et 538.
[3] Art. 1 c) et e) et 2, 132 et suiv. L.p.c.
[4] Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64 (« C.c.Q. »).
[5] Fortin c. Mazda Canada inc., 2016 QCCA 31, par. 58.
[6] Id., par. 61.
[7] Luc THIBAUDEAU, Guide pratique de la société de consommation. Tome 2 - Les garanties, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2017, par. 657.
[8] Fortin c. Mazda Canada inc., précité, note 5, par. 62.
[9] Id., par. 78. Voir aussi ABB inc. c. Domtar inc., [2007] 3 R.C.S. 461, par. 49.
[10] Fortin c. Mazda Canada inc., précité, note 5, par. 63.
[11] L. THIBAUDEAU, précité, note 7, par. 706 et 708.
[12] Fortin c. Mazda Canada inc., précité, note 5 par. 63; art. 53 L.p.c.
[13] Fortin c. Mazda Canada inc., précité, note 5, par. 70.
[14] Id.
[15] L. THIBAUDEAU, précité, note 7, par. 712. Voir aussi les par. 694 et 696 du même ouvrage.
[16] Id., par. 662.
[17] Id., par. 711.
[18] Id.
[19] Vidéotron c. Union des consommateurs, 2017 QCCA 738, par. 56.
[20] Richard c. Time inc., 2012 CSC 8, par. 112 et 113.
[21] Id., par. 126.
[22] Pierre-Claude Lafond, Droit de la protection du consommateur: théorie et pratique, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2015, par. 448.
[23] Richard c. Time inc., précité, note 20, par. 113.
[24] Art. 1422, 1606, 1699 et suiv. C.c.Q.; L. THIBAUDEAU, précité, note 7, par. 1469 et 1471.
[25] Art. 1699 al. 2 C.c.Q.
[26] Art. 1700 C.c.Q.
[27] Art. 1702 C.c.Q.
[28] Vallières c. 9251-2078 Québec inc., 2020 QCCQ 7050, par. 86. Voir aussi : 3223701 Canada inc. c. Darkallah, 2018 QCCA 937.
[29] Art. 1607 et 1611 C.c.Q.
AVIS :
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