DÉCISION
Dossier 191844-71-0209
[1] Le 24 septembre 2002, monsieur Robert Brisebois (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 6 septembre 2002 à la suite d’une révision administrative (la révision administrative).
[2] Par cette décision, la CSST maintient une décision qu’elle a initialement rendue le 14 mars 2002 et, en conséquence, elle détermine que le travailleur est capable d’exercer son emploi d’agent de sécurité à compter du 4 mars 2002.
Dossier 196833-71-0212
[3] Le 11 décembre 2002, le travailleur conteste également une décision rendue par la révision administrative le 3 décembre 2002.
[4] Par cette décision, la révision administrative maintient la décision rendue par la CSST le 15 août 2002 et, en conséquence, elle détermine que le travailleur n’a pas été victime d’une récidive, rechute ou aggravation, le 5 mars 2002, de la lésion professionnelle initiale survenue le 19 avril 2001.
[5] Le travailleur est présent à l’audience et représenté. L’employeur, C.I.S.P., assiste également à l’audience.
L'OBJET DES CONTESTATIONS
Dossier 191844-71-0209
[6] La représentante du travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que les décisions rendues par la CSST et la révision administrative concernant la capacité de travail de ce dernier sont irrégulières. Elle estime que, le processus d’avis au membre du Bureau d’évaluation médicale étant enclenché, la CSST devait y donner suite et rendre une décision conforme à cet avis. Elle réclame donc un retour du dossier à la CSST afin que la procédure d’évaluation médicale soit complétée.
Dossier 196833-71-0212
[7] La représentante du travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que celui-ci a été victime d’une récidive, rechute ou aggravation, le 5 mars 2002, sur la base des diagnostics de hernies discales L4-L5 et L5-S1.
LES FAITS
Dossiers 191844-71-0209 et 196833-71-0212
[8] Des documents au dossier, de ceux déposés à l’audience et des témoignages du travailleur et de monsieur Gilles Lemyre, président chez l’employeur, la Commission des lésions professionnelles retient ce qui suit.
[9] En 1991, le travailleur est déménageur. Le 21 juin 1991, il est victime d’une lésion professionnelle dans les circonstances suivantes : il fait une chute et il s’inflige des douleurs au dos. Un diagnostic d’entorse lombaire est alors retenu et des traitements sont initiés pour cette condition. Cette lésion est consolidée en juin 1992.
[10] Dans le rapport d’évaluation médicale rédigé le 8 juin 1992 par le docteur Pierre du Tremblay, chirurgien-orthopédiste et médecin traitant du travailleur à l’époque, il est indiqué que celui-ci se plaint toujours d’une douleur lombaire basse irradiant au membre inférieur droit. Les tests d’imagerie réalisés au cours du suivi médical ne démontrent pas de hernie discale mais de la dégénérescence sous forme d’ostéophytose et d’arthrose facettaire. L’examen objectif met en évidence une diminution de la plupart des mouvements de la colonne lombaire. Le docteur du Tremblay fixe une atteinte permanente de 2,2% pour une entorse lombaire avec séquelles objectivées et il décrit des limitations fonctionnelles consistant à « éviter d’effectuer un travail où il aurait à soulever des poids de plus de 20 à 25 kilos et ce de façon répétitive et devrait éviter tout travail nécessitant des mouvements de flexion répétés au niveau de son tronc ni à soutenir de façon continue des poids de plus de 20 kilos ».
[11] De 1993 à 1996, le travailleur présente des problèmes lombaires. Les nombreux tests d’imagerie réalisés durant cette période font état d’une dégénérescence discale lombaire et de phénomènes dégénératifs associés.
[12] En 1995, le travailleur se réoriente vers un travail d’agent de sécurité.
[13] En 1998, il est embauché par l’employeur.
[14] Le 19 avril 2001, le travailleur est toujours à l’emploi de l’employeur. Il est depuis environ deux ans affecté à un travail de surveillance chez un client. Ce travail est effectué de 17h00 à l’arrivée du client le lendemain matin et il consiste à surveiller des écrans et, en cas d’anomalie, à aviser les autorités compétentes.
[15] Le travailleur fait aussi des rondes de surveillance aux trois étages des bureaux détenus par le client et au sous-sol. Pour ce faire, il n’a pas à monter ou à descendre des escaliers. Il peut utiliser un ascenseur mis à la disposition des gens fréquentant l’édifice.
[16] C’est en effectuant ce travail que, le 19 avril 2001, le travailleur est victime d’une lésion professionnelle dans les circonstances suivantes : en sortant de l’ascenseur, son pied gauche s’accroche à la base, il perd l’équilibre et, afin d’éviter une chute, il se retient de chaque côté des portes de l’ascenseur. Il ressent, ce faisant, une vive douleur au dos. Le travailleur qualifie cette douleur de « coup de poignard ». Il estime que cette douleur est beaucoup plus intense que celle éprouvée en 1991. Elle se situe au niveau lombaire droit et elle descend dans la fesse et la cuisse droites.
[17] Le travailleur consulte un médecin le jour-même. Le diagnostic retenu est celui d’entorse lombaire et des traitements sont initiés pour cette condition.
[18] En mai 2001, le travailleur est pris en charge par le docteur Y. Charbonneau. Il maintient le diagnostic d’entorse lombaire mais, vu la persistance des douleurs malgré les traitements de physiothérapie et d’ergothérapie, le docteur Charbonneau dirige le travailleur vers la clinique du dos de l’hôpital Fleury. Le travailleur y rencontre le docteur François Trudel qui, s’interrogeant sur la présence d’une hernie discale, prescrit une résonance magnétique lombaire.
[19] Le 13 août 2001, le docteur Paul Moïse, chirurgien-orthopédiste, examine le travailleur à la demande de la CSST. Celui-ci se plaint alors de douleurs lombaires basses persistantes. L’examen objectif démontre une perte d’amplitude des mouvements de la colonne lombaire mais pas de signes de hernie discale. Le docteur Moïse retient un diagnostic d’entorse lombaire et il estime que cette lésion n’est pas consolidée et que des traitements sont toujours nécessaires.
[20] Le 15 août 2001, la résonance magnétique prescrite par le docteur Trudel est effectuée. Elle est interprétée en ces termes :
L1L2 : Pas de hernie discale focalisée ou compression sur le sac dural.
L2L3 : Petite hernie discale foraminale droite sans contact avec la gaine radiculaire L2 droite. Pas de compression sur le sac dural.
L3L4 : Pas de hernie focalisée ou compression sur le sac dural.
L4L5 : Ébauche d’une discrète petite hernie discale foraminale gauche sans contact avec la gaine radiculaire L4 gauche. Pas de compression sur le sac dural.
L5S1 : Déchirure de l’anneau fibreux au niveau foraminal avec ébauche d’une discrète petite hernie discale foraminale gauche sans contact avec la gaine radiculaire L5 gauche. Pas de compression sur le sac dural. Composante d’arthrose facettaire principalement du côté droit.
Conus médullaire normal.
Pas de lésion osseuse focalisée suspecte.
OPINION :
Ébauche d’une discrète perte de signal des disques de façon multi-étagée. Petite hernie discale foraminale droite L2 L3. Ébauche d’une discrète petite hernie foraminale gauche L5 S1.
[21] Le 6 septembre 2001, le docteur Trudel prescrit une infiltration lombaire droite. Toutefois, il ne modifie pas le diagnostic d’entorse lombaire proposé jusqu’alors dans ce dossier. Il explique au travailleur que la résonance magnétique ne démontre rien de grave.
[22] Le 15 octobre 2001, le docteur Moïse analyse les résultats de la résonance magnétique réalisée en août 2001 et il maintient le diagnostic d’entorse lombaire.
[23] Le 10 novembre 2001, le docteur Charbonneau indique que le travailleur est pris en charge par le docteur Trudel depuis juillet 2001. Il suggère un diagnostic d’entorse lombaire avec « hernies discales sans compression nerveuse vs médullaire ».
[24] En novembre 2001, le docteur Trudel recommande une évaluation des capacités de travail du travailleur. Des démarches sont entreprises à ce sujet par la CSST et une première évaluation est effectuée. Toutefois, vu les réticences du travailleur (apparaissant aux notes évolutives du 19 décembre 2001), la CSST met fin à ce programme.
[25] Le 23 janvier 2002, le docteur Gilbert Thiffault, orthopédiste, examine le travailleur à la demande de la CSST. Ce dernier rapporte alors souffrir d’une douleur lombaire basse constante irradiant à la face externe de la cuisse droite. L’examen objectif révèle une douleur à la palpation lombaire droite et une perte d’amplitude des mouvements de la colonne lombaire. Aucun signe de hernie discale n’est cependant décelé par le docteur Thiffault. Il diagnostique une entorse lombaire et une arthrose lombaire L5-S1 droite. Il consolide la lésion, le 22 janvier 2002, sans nécessité de traitements après cette date, avec un déficit anatomo-physiologique de 2% pour une entorse lombaire avec séquelles objectivées et avec des limitations fonctionnelles consistant à « éviter les flexions, extensions et torsions répétées de la colonne lombaire » et à « éviter de soulever des poids de plus de 20 kilos de façon répétée ».
[26] Le 15 février 2002, le docteur Trudel manifeste son désaccord avec les conclusions du docteur Thiffault. La CSST réclame donc l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale et elle initie les démarches nécessaires à cette fin.
[27] Cependant, le 4 mars 2002, le docteur Trudel, produit un rapport final. Il y retient un diagnostic d’entorse lombaire. Il consolide cette lésion à cette date avec une atteinte permanente mais sans limitations fonctionnelles. Selon le travailleur, le docteur Trudel lui dit qu’il a fait son possible et qu’il n’y a plus rien à faire pour lui. Le docteur Trudel croit que le travailleur peut reprendre son travail et qu’il devra s’habituer à ses douleurs.
[28] Dans son rapport d’évaluation médicale rédigé le 15 mars 2002, le docteur Trudel reprend le diagnostic d’entorse lombaire. L’examen physique révèle une perte d’amplitude des mouvements de la colonne lombaire sans signes cliniques de hernie discale. Il suggère un déficit anatomo-physiologique de 2% pour une entorse lombaire avec séquelles objectivées mais il estime que la perte d’amplitude des mouvements du tronc ne « limite pas (le travailleur) dans ses activités fonctionnelles ».
[29] Comme ce rapport final et ce rapport d’évaluation médicale sont produits avant que le membre du Bureau d’évaluation médicale n’ait examiné le travailleur, la CSST décide d’abandonner ses démarches en ce sens et de retenir les conclusions du médecin traitant du travailleur.
[30] En conséquence, le 14 mars 2002, la CSST détermine que le travailleur est en mesure d’exercer son travail depuis le 4 mars 2002. Le travailleur demande la révision de cette décision mais, le 6 septembre 2002, la révision administrative la maintient d’où le premier litige initié par ce dernier (191844-71-0209).
[31] Du 15 mars au 16 mai 2002, aucun rapport médical n’est produit au dossier. Cependant, le travailleur n’est pas satisfait des conclusions de son médecin. Il sait qu’il a autre chose qu’une entorse lombaire car ses douleurs empirent au niveau lombaire et descendent dans la fesse et la cuisse droites.
[32] En conséquence, le 16 mai 2002, le travailleur consulte son médecin de famille, le docteur Hugues Florent. Ce dernier diagnostique des hernies discales L3-L4 et L4-L5 et il le dirige vers le docteur Bernard Chartrand afin que celui-ci le prenne en charge.
[33] Le 22 mai 2002, le docteur Chartrand rencontre le travailleur. Il indique que la lésion n’est pas consolidée car le travailleur ressent toujours des douleurs. Il retient un diagnostic d’entorse avec hernies L4-L5 et L5-S1. Il prescrit des épidurales aux niveaux L4-L5 et L5-S1.
[34] Le 23 mai 2002, le travailleur dépose une nouvelle réclamation à la CSST. Il y allègue être victime d’une récidive, rechute ou aggravation, le 4 mars 2002, de la lésion professionnelle initiale survenue le 19 avril 2001. Il note ne pas avoir eu les traitements nécessaires et être toujours souffrant.
[35] Le dernier document médical au dossier est daté du 17 juillet 2002. Le docteur Chartrand y inscrit « rechute du 04.03.2002-entorse avec hernie L4 L5 et L5 S1 ».
[36] Le 15 août 2002, la CSST refuse de reconnaître une récidive, rechute ou aggravation le 5 mars 2002. Le travailleur demande la révision de cette décision mais, le 3 décembre 2002, la révision administrative la maintient d’où le second litige initié par ce dernier (196833-71-0212).
[37] À l’audience, la représentante du travailleur dépose les rapports d’une radiographie simple de la colonne lombaire, d’une discographie lombaire et d’une tomodensitométrie post-discographie réalisées le 7 novembre 2002. Ces tests sont interprétés ainsi :
Colonne lombaire
Bon alignement des corps vertébraux.
Pas de diminution en hauteur des espaces intervertébraux.
Légère arthrose facettaire postérieure suspectée au niveau L5-S1 et ce bilatéralement.
Discographie lombaire (3 niveaux)
[…]
Niveau L3-L4 : Le nucléus pulposus est de hauteur et d’aspect tout à fait normal sans évidence de déchirure ou de fissure au niveau de l’annulus fibrosus.
Il y a eu injection de 1 cc de produit de contraste à ce niveau et le patient est asymptomatique à ce niveau.
Niveau L4-L5 : Le nucléus pulposus apparaît très discrètement affaissé et l’on objective une déchirure au niveau de l’annulus fibrosus postérieur. Il y a eu injection à ce niveau de 2 cc de produit de contraste et à ce niveau l’on reproduit la symptomatologie clinique habituelle du patient qui irradie légèrement vers la hanche gauche.
Niveau L5-S1 : Le nucléus pulposus apparaît de hauteur normale mais l’on objective à ce niveau également une déchirure postérieure et il y a eu injection de 2 cc de produit de contraste à ce niveau et le patient dit ressentir la même symptomatologie clinique habituelle soit une douleur lombaire avec légère irradiation vers la hanche gauche tout comme au niveau L4-L5.
La discographie est donc positive au niveau L4-L5 et L5-S1 et négative au niveau L3-L4.
Tomodensitométrie axiale lombaire (suite à une discographie)
Niveau L3-L4 : Normal.
Niveau L4-L5 : À ce niveau l’on objective la présence d’une déchirure postéro-latérale gauche de l’annulus fibrosus s’étendant vers la région foraminale gauche.
Niveau L5-S1 : L’on objective également à ce niveau une déchirure au niveau de l’annulus fibrosus dans sa portion postéro-latérale gauche s’étendant également en direction du foramen de conjugaison gauche et il y a à ce niveau également une légère quantité de produit de contraste vraisemblablement en sous-ligamentaire postérieurement en paramédian gauche. Légère arthrose facettaire postérieure bilatérale.
Opinion :
Discographie positive aux niveaux L4-L5 et L5-S1 avec objectivation d’une déchirure postéro-latérale à ces deux niveaux s’étendant vers la région foraminale gauche.
[38] La représentante du travailleur dépose également une expertise rédigée par le docteur Chartrand, le 18 mars 2003, et de la littérature médicale annexée à ce document[1].
[39] Le docteur Chartrand affirme que le travailleur présente « une atteinte discale à L4-L5 sous forme d’une déchirure radiaire, et une atteinte discale […] à L5-S1 avec la déchirure radiaire, et un mouvement du liquide de contraste vers la gauche ».
[40] Il poursuit en expliquant pourquoi l’atteinte discale gauche révélée par la discographie entraîne des douleurs du côté droit chez le travailleur. Il s’exprime en ces termes :
Une question a surgi, à savoir pourquoi l’atteinte discale démontrée à la discographie et à la résonance magnétique, résonance du 15 août 2001, est-elle plus à gauche, tandis que Monsieur a plus mal du côté droit, est-ce que cela est possible ? La réponse est oui cela est tout à fait possible, si on comprend bien les mécanismes patho-physiologiques qui entraînent les douleurs au niveau des atteintes discales.
Les signes et les symptômes produits par une atteinte discale se font par deux mécanismes, un ou l’autre ou qu’un seul. Ils se font par mécanisme inflammatoire et par un mécanisme de compression mécanique. […]
Il existe cependant un deuxième mécanisme qui est le phénomène inflammatoire qui origine du disque qui vient aussi affecter les racines nerveuses. Ce deuxième mécanisme a été mis en lumière beaucoup plus récemment si on le compare au mécanisme de compression mécanique. Ce n’est en fait que depuis de dix à quinze ans, que différentes études et recherches ont démontré cet aspect. Donc, lorsqu’un disque est atteint soit par une déchirure de l’anneau fibreux, ou une déchirure de l’anneau fibreux avec en plus une petite hernie discale, ou une moyenne, ou une grande, il y a des phénomènes inflammatoires.
Nous savons aussi qu’en médecine, lorsque nous avons une petite hernie discale à gauche par exemple, un patient peut avoir aucun symptôme, il s’agirait du cas où le patient n’a pas de phénomène inflammatoire, et où la compression mécanique n’est tout simplement pas suffisante pour comprimer. Ce cas de figure est possible, le cas de figure donc, où l’on verrait une petite compression mécanique, ou une protusion, ou une hernie vers la gauche chez un individu, et que l’individu aurait des douleurs à droite, ce cas est tout à fait possible. Possible dans le sens qu’il peut se produire, et c’est le cas que nous avons maintenant, et ce cas s’explique tout simplement par le fait que les phénomènes inflammatoires sont tout simplement fort probablement plus importants chez Monsieur du côté droit qu’ils ne le sont du côté gauche.
Dans le cas qui nous occupe il faut bien remarquer que la résonance magnétique a démontré que les atteintes étaient en postérieur, donc médianes, donc centrales, donc pouvant affecter autant d’un côté que de l’autre, avec légèrement une tendance vers la gauche. Mais même comme je l’ai dit, si la tendance mécanique est à gauche, la tendance inflammatoire peut tout aussi bien être importante à droite, et même plus ressentie à droite, c’est ce qui est arrivé dans ce cas-ci, et c’est ce qui n’est absolument pas une contradiction.
Ces hernies souvent, ou même ces simples déchirures annulaires, l’anneau fibreux étant, qui retient le disque en son site propre, ces atteintes uniquement par phénomène inflammatoire ont souvent été appelées dans la littérature médicale, des hernies discales non-radiculaires, c’est-à-dire des hernies discales où on ne retrouvera pas toujours des signes neurologiques à l’examen clinique.
Certains médecins malheureusement, encore actuellement, ont la fâcheuse tendance à dire que parce qu’il n’y a pas de signe neurologique il n’y a pas de hernie discale. Pourtant, les études depuis dix à quinze ans, nous ont clairement démontré qu’il y a différents types d’hernies discales, et qu’il existe des hernies discales sans déficit neurologique, et qu’il existe même des atteintes discales sans hernie, mais suffisantes pour occasionner des douleurs dans un ou les deux membres inférieurs. Ce dernier type d’atteintes discales sont des déchirures annulaires avec des phénomènes inflammatoires au niveau du disque.
Évidemment toutes ces pathologies discales sans déficit neurologique sont beaucoup plus difficiles à diagnostiquer, et il est beaucoup plus difficile d’affirmer cliniquement qu’il y a atteinte discale, c’est donc pour cette raison que nous avons demandé la discographie qui est un test selon nous impossible à mettre en doute. [sic]
[41] Par ailleurs, outre les informations intégrées dans les faits mentionnés précédemment, le travailleur indique ce qui suit.
[42] Il voit encore le docteur Chartrand. Ce dernier lui dit qu’il présente deux hernies discales lombaires et il le dirige vers un chirurgien, le docteur Jean Ouellet, afin que celui-ci détermine s’il est opportun d’effectuer une discectomie.
[43] Le travailleur ressent toujours des douleurs, même le jour de l’audience. Ces douleurs s’aggravent sans cesse. Elles se situent au niveau lombaire bas et descendent dans la fesse et la cuisse droites. Le travailleur éprouve également parfois des douleurs du côté gauche mais ces douleurs sont moins fortes et elle descendent rarement dans la fesse gauche.
L'ARGUMENTATION DES PARTIES
Dossiers 191844-71-0209 et 196833-71-0212
[44] La représentante du travailleur dresse un résumé des faits au dossier.
[45] Elle remarque que les médecins consultés soupçonnent la présence d’une hernie discale chez le travailleur puisqu’ils ressentent le besoin d’éliminer ce diagnostic. C’est donc dire que certains signes les orientent vers celui-ci.
[46] Par ailleurs, les docteurs Thiffault et Trudel étaient en désaccord sur les conclusions d’ordre médical et, conséquemment, la CSST avait décidé de faire trancher ces questions par le membre du Bureau d’évaluation médicale. Elle ne pouvait retirer sa demande à la suite du dépôt du rapport final du médecin traitant. Elle devait transmettre le dossier au Bureau d’évaluation médicale.
[47] La décision rendue par la CSST au sujet de la capacité de travail du travailleur est donc irrégulière puisque la CSST devait attendre l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale avant de statuer sur cette question. En conséquence, elle demande à la Commission des lésions professionnelles de procéder à une telle déclaration d’irrégularité et de retourner le dossier à la CSST afin qu’elle obtienne l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale.
[48] En ce qui concerne la récidive, rechute ou aggravation du 5 mars 2002, la représentante du travailleur soutient que ce dernier souffre de hernies discales L4-L5 et L5-S1 reliées à la lésion professionnelle survenue le 19 avril 2001. En effet, la discographie confirme ces diagnostics et le docteur Chartrand explique pourquoi ces hernies n’ont pas été décelées par les autres médecins examinateurs. Elle estime que si les autres médecins avaient connu ces résultats, ils auraient diagnostiqué des hernies discales et non une entorse lombaire.
[49] La représentante du travailleur est donc d’avis qu’il existe un lien entre ces hernies et l’événement survenu le 19 avril 2001 et, en conséquence, elle demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision rendue par la révision administrative et de déclarer que le travailleur a été victime d’une récidive, rechute ou aggravation le 5 mars 2002.
[50] Elle dépose une décision à l’appui de son argumentation[2].
[51] De son côté, l’employeur est surpris des conséquences d’un événement aussi banal. Il croit que le travail accompli par le travailleur est tellement léger que ce dernier aurait pu l’exécuter avant même que son entorse lombaire ne soit consolidée.
L'AVIS DES MEMBRES
Dossiers 191844-71-0209 et 196833-71-0212
[52] Les membres issus des associations d’employeurs et des associations syndicales sont tous deux d’avis qu’il y a lieu de rejeter les requêtes déposées par le travailleur et de confirmer les décisions rendues par la révision administrative.
[53] En ce qui concerne la capacité de travail du travailleur, les membres estiment que la CSST n’a aucune obligation de poursuivre les démarches qu’elle a elle-même entreprises pour obtenir l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale lorsque le médecin traitant du travailleur règle l’ensemble des questions d’ordre médical dans son rapport final et dans son rapport d’évaluation médicale. Or, le médecin traitant du travailleur consolide la lésion avec une atteinte permanente déjà attribuée en 1992 et sans limitations fonctionnelles additionnelles. Il n’y a donc rien dans l’état de santé du travailleur qui l’empêche de reprendre son travail le 4 mars 2002 surtout lorsque, comme en l’espèce, son travail est léger et parfaitement adapté à sa condition.
[54] En ce qui concerne la récidive, rechute ou aggravation, les membres considèrent que la preuve présentée ne permet pas de conclure à une telle lésion le 5 mars 2002. En effet, le diagnostic de la lésion professionnelle survenue le 19 avril 2001 est celui d’entorse lombaire. Cette entorse est consolidée avec une atteinte permanente de 2,2% tenant compte des douleurs résiduelles du travailleur. Or, aucune preuve ne démontre une détérioration de l’état de santé du travailleur après le 4 mars 2002. Ce dernier n’a donc pas été victime d’une récidive, rechute ou aggravation le 5 mars 2002.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
Dossier 191844-71-0209
[55] La Commission des lésions professionnelles doit d’abord déterminer si la décision rendue par la CSST, le 14 mars 2002, est irrégulière. En effet, la représentante du travailleur prétend que la CSST aurait dû poursuivre le processus d’avis au membre du Bureau d’évaluation médicale et que, dès lors, la décision rendue avant que celui-ci ne donne son avis est irrégulière et doit être annulée.
[56] Dans l’éventualité où cette décision est régulière, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur est en mesure d’exercer son emploi à compter du 4 mars 2002.
La régularité de la décision rendue le 14 mars 2002
[57] La représentante du travailleur soutient que cette décision est irrégulière au motif que la CSST ayant amorcé une procédure de consultation envers le membre du Bureau d’évaluation médicale, elle ne pouvait annuler cette procédure pour s’en remettre aux rapports médicaux du médecin traitant du travailleur.
[58] Les articles 204 , 205.1 et 206 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[3] (la loi) indiquent quand et comment la CSST peut requérir l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale.
[59] Or, aucune de ces dispositions n’oblige la CSST à se prévaloir de cette procédure même en cas de conclusions contradictoires entre le médecin traitant du travailleur et le médecin désigné par la CSST. De plus, rien n’oblige la CSST à poursuivre une procédure amorcée lorsque le membre du Bureau d’évaluation médicale n’a pas encore rendu son avis. En effet, toutes les dispositions législatives qui permettent à la CSST d’initier une procédure d’évaluation médicale utilisent le verbe « peut » et non le verbe « doit ». C’est donc dire que le législateur a voulu donner un certain pouvoir à cet organisme sans toutefois le contraindre à agir en toutes circonstances.
[60] La Commission des lésions professionnelles ne peut donc imposer de telles obligations à la CSST et, en conséquence, le tribunal est d’avis qu’elle pouvait décider de ne pas donner suite à sa demande d’avis au membre du Bureau d’évaluation médicale et que la décision rendue sans attendre cet avis est régulière et ne peut être annulée pour ce motif.
[61] La Commission des lésions professionnelles déterminera donc si le travailleur est en mesure d’exercer son emploi à compter du 4 mars 2002.
La capacité de travail du travailleur
[62] Le travailleur est victime d’une lésion professionnelle le 19 avril 2001. Son médecin traitant à l’époque, le docteur Trudel, diagnostique une entorse lombaire et, le 4 mars 2002, il consolide cette lésion avec une atteinte permanente de 2,2% pour une entorse lombaire avec séquelles objectivées mais sans limitations fonctionnelles.
[63] Or, dès 1992, une atteinte permanente de 2,2% est reconnue pour couvrir les séquelles d’une entorse lombaire. Il faut donc conclure que l’entorse lombaire survenue en avril 2001 ne laisse aucune nouvelle séquelle et aucune limitation fonctionnelle.
[64] Conséquemment, rien n’empêche le travailleur de reprendre son travail d’agent de sécurité le 4 mars 2002 surtout lorsque, comme en l’espèce, ce travail est très léger et parfaitement adapté à sa condition antérieure.
[65] La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que le travailleur est en mesure d’exercer son emploi à compter du 4 mars 2002 et, en conséquence, elle confirme la décision rendue par la révision administrative à ce sujet.
Dossier 196833-71-0212
[66] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a été victime d’une récidive, rechute ou aggravation, le 5 mars 2002, de la lésion professionnelle survenue le 19 avril 2001.
[67] Pour faire reconnaître l’existence d’une récidive, rechute ou aggravation, le 5 mars 2002, le travailleur doit démontrer qu’il souffre d’une reprise évolutive, d’une recrudescence ou d’une réapparition de sa symptomatologie[4]. Il doit également démontrer que les lésions identifiées à compter du 5 mars 2002, à savoir des hernies discales L4-L5 et L5-S1, et les soins reçus depuis cette date sont reliés à la lésion professionnelle initiale.
[68] Dans ce dossier, la lésion initiale entraîne un diagnostic d’entorse lombaire. Comme mentionné précédemment, cette lésion est consolidée sans nouvelle atteinte permanente, lorsque l’on tient compte des séquelles antérieures découlant d’un accident de 1991, et sans limitations fonctionnelles.
[69] Le travailleur réactive son dossier médical en mai 2002. Cependant, aucune preuve de reprise évolutive, de recrudescence ou de réapparition de sa symptomatologie n’est présentée à la Commission des lésions professionnelles. Le travailleur ressent toujours des douleurs similaires depuis 1992, à savoir une lombalgie basse descendant dans la fesse et la cuisse droites. Cette même description des douleurs ne peut donc permettre à la Commission des lésions professionnelles de conclure que le travailleur est victime d’une récidive, rechute ou aggravation en mai 2002.
[70] De plus, le travailleur lui-même explique avoir soumis une nouvelle réclamation non pas en raison d’une aggravation de son état mais bien parce qu’il prétend ne pas avoir eu tous les soins nécessaires lors de la lésion initiale. Or, le travailleur tente de faire indirectement, par le biais d’une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation, ce qu’il ne peut faire directement, soit contester les conclusions de son médecin traitant sur le diagnostic et la date de consolidation. La récidive, rechute ou aggravation ne peut servir à une telle fin.
[71] Il est vrai que le docteur Chartrand décèle chez le travailleur une atteinte discale à deux niveaux et qu’il attribue ces atteintes à la lésion initiale. Cependant, la Commission des lésions professionnelles ne peut retenir son point de vue pour les raisons suivantes.
[72] D’une part, le diagnostic de hernie discale est soupçonné et évalué par les médecins traitants du travailleur. Or, aucun de ces médecins ne le retient même si les tests d’imagerie démontrent certaines anomalies. C’est donc dire que les examens cliniques qu’ils réalisent ne leur permettent pas de proposer ce diagnostic. D’autre part, la Commission des lésions professionnelles constate que, dès 1992, les tests d’imagerie mettent en lumière des phénomènes dégénératifs lombaires chez le travailleur. Les atteintes discales décelées à la discographie peuvent tout aussi bien découler de cette dégénérescence évoluant de longue date que résulter d’une lésion professionnelle antérieure.
[73] Enfin, la Commission des lésions professionnelles est perplexe face aux trouvailles révélées par la discographie. Les tests provoquent une douleur lombaire gauche alors que, tout au long du dossier, le travailleur se plaint de douleurs lombaires droites. Pourtant, il est noté que le test est positif car il reproduit les douleurs du travailleur. Il semble y avoir une contradiction à cet égard. Quant à la théorie de l’inflammation prônée par le docteur Chartrand, inflammation qui, selon ce dernier, peut se manifester plus à droite même si les déchirures sont à gauche, la Commission des lésions professionnelles ne peut y adhérer. En effet, le docteur Chartrand parle d’atteinte postérieure médiane permettant ainsi une diffusion de la douleur à droite ou à gauche alors que la résonance magnétique et la tomodensitométrie post-discographie font plutôt état d’atteintes postéro-latérales gauches. De plus, le docteur Chartrand n’explique pas suffisamment clairement comment ces atteintes gauches peuvent causer des douleurs à droite. Il estime que cela est possible sans vraiment le justifier. La Commission des lésions professionnelles ne peut se rallier à de telles hypothèses.
[74] La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que le travailleur n’a pas été victime d’une récidive, rechute ou aggravation le 5 mars 2002 et elle confirme, en conséquence, la décision rendue par la révision administrative.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 191844-71-0209
REJETTE la requête déposée par le travailleur, monsieur Robert Brisebois, le 24 septembre 2002 ;
CONFIRME la décision rendue par la révision administrative le 6 septembre 2002 ;
DÉCLARE que le travailleur est en mesure d’exercer son emploi à compter du 4 mars 2002.
Dossier 196833-71-0212
REJETTE la requête déposée par le travailleur, monsieur Robert Brisebois, le 11 décembre 2002 ;
CONFIRME la décision rendue par la révision administrative le 3 décembre 2002 ;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas été victime d’une récidive, rechute ou aggravation le 5 mars 2002.
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Me Carmen Racine |
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Commissaire |
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DESROCHES MONGEON BONENFANT Me Sophie Mongeon |
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Représentante de la partie requérante |
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[1] Saal Joel S., The Role of Inflammation in Lumbar Pain, Spine, vol. 20, no. 16, 1995, p. 1821-1827 ; Pathologie discale lombaire-Analyse en vue d’une terminologie descriptive logique, Images, vol. 10, no. 1.
[2] Valade et CSST et Landry & Fils, C.A.L.P. 77771-05-9603, le 2 mai 1997, B. Roy.
[3] L.R.Q., c. A-3.001.
[4] Lapointe et Compagnie minière Québec Cartier [1989] CALP 39.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.