Autorité des marchés financiers c. Grégoire | 2025 QCTMF 32 | |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES MARCHÉS FINANCIERS | |
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CANADA | |
PROVINCE DE QUÉBEC | |
MONTRÉAL | |
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DOSSIER N° : | 2023-012 | |
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DÉCISION N°
: | 2023-012-003 | |
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DATE : | 6 mai 2025 | |
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DEVANT LES JUGES ADMINISTRATIVES : | ANTONIETTA MELCHIORRE CHRISTINE DUBÉ |
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AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS | |
Partie demanderesse | |
c. | |
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et | |
9256-7619 QUÉBEC INC. | |
Parties intimées | |
et | |
PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC | |
Partie mise en cause | |
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DÉCISION | |
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APERÇU
- Le Tribunal est saisi d’une demande de l’Autorité des marchés financiers[1] (« Autorité ») à l’égard des intimés Jocelyn Grégoire et 9256-7619 Québec inc. (« Cedma Finance »), alléguant que ceux-ci ont commis des manquements à la Loi sur les valeurs mobilières[2] (« LVM ») et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers[3] (« LDPSF ») en lien avec des activités relatives à la conclusion de prêts hypothécaires syndiqués par leur entremise et au placement de parts d’une société en commandite.
- L’Autorité soutient que Jocelyn Grégoire agit à titre de courtier hypothécaire sans être titulaire d’un certificat délivré par l’Autorité en contravention avec les articles 12, 14, 15 et 461 de la LDPSF et que Cedma Finance agit à titre de cabinet offrant des services dans la discipline du courtage hypothécaire sans être inscrite auprès de l’Autorité en contravention avec l’article 71 de la LDPSF.
- Jocelyn Grégoire et Cedma Finance nient agir à titre de courtier hypothécaire et à titre de cabinet en courtage hypothécaire. Ils considèrent plutôt que Cedma Finance agit à titre de prêteur privé et que Jocelyn Grégoire agit uniquement pour le compte de Cedma Finance.
- Toujours dans le domaine du prêt hypothécaire, l’Autorité soutient que Jocelyn Grégoire et Cedma Finance ont procédé au placement de créances hypothécaires syndiquées auprès d’une quinzaine de prêteurs, une forme d’investissement visée par la LVM, sans qu’un prospectus ait été établi et soumis au visa de l’Autorité en contravention avec l’article 11 de la LVM et sans bénéficier d’une dispense de prospectus. L’Autorité soutient que, ce faisant, Jocelyn Grégoire et Cedma Finance ont exercé l’activité de courtier en valeurs mobilières sans être inscrits auprès de l’Autorité en contravention avec l’article 148 de la LVM.
- Pour ces manquements reliés aux prêts hypothécaires, l’Autorité demande essentiellement au Tribunal de leur interdire toute activité qui contreviendrait à la LDPSF et à la LVM et de leur imposer solidairement une pénalité administrative au montant de 80 000 $.
- De leur côté, les intimés prétendent que les créances hypothécaires syndiquées ne constituent pas une forme d’investissement assujettie à la LVM. D’ailleurs, ils demandent au Tribunal de déclarer inconstitutionnelles les dispositions réglementaires visant les créances hypothécaires syndiquées. De façon subsidiaire, ils soutiennent que leurs activités reliées aux créances hypothécaires syndiquées ne sont pas assujetties à ces lois. Ils allèguent qu’ils étaient dispensés d’établir un prospectus pour effectuer le placement de plusieurs créances hypothécaires syndiquées et que l’obligation d’inscription n’a pas été déclenchée.
- De plus, l’Autorité soutient que Jocelyn Grégoire a procédé au placement de parts de Projet PL s.e.c. (« Projet PL »), une société en commandite, sans qu’un prospectus n’ait été établi et soumis au visa de l’Autorité en contravention avec l’article 11 de la LVM et sans bénéficier d’une dispense de prospectus. En agissant pour le compte de Projet PL, Jocelyn Grégoire aurait par ailleurs, selon l’Autorité, exercé l’activité de courtier sans être inscrit auprès d’elle, et ce, contrairement aux obligations prévues à l’article 148 de la LVM.
- En raison des manquements relatifs au placement de parts de Projet PL, l’Autorité demande notamment au Tribunal d’imposer à Jocelyn Grégoire une pénalité administrative de 220 000 $.
- Les intimés prétendent que le placement de parts de Projet PL était effectué sous le régime d’une dispense de prospectus et que Jocelyn Grégoire n’avait pas à s’inscrire à titre de courtier.
- Un acte introductif d’instance est déposé en avril 2023 comportant une demande urgente pour l’émission d’ordonnances provisoires (« Acte introductif »)[4].
- Des ordonnances provisoires ont été prononcées par le Tribunal le 5 décembre 2023[5] (« Décision provisoire ») interdisant essentiellement aux intimés d’agir à titre de courtier hypothécaire et de cabinet en courtage hypothécaire au sens de la LDPSF et d’exercer l’activité de courtier et de conseiller au sens de la LVM.
- L’Autorité prétend que les intimés ont contrevenu aux ordonnances rendues par le Tribunal dans la Décision provisoire. Elle demande l’imposition d’une pénalité administrative de 200 000 $ et la remise de 86 015 $ représentant, selon elle, les sommes obtenues par suite des contraventions.
- Les intimés contestent avoir contrevenu aux ordonnances du Tribunal qu’ils considèrent non exécutoire en raison de leur manque de clarté.
- Les intimés ajoutent que si le Tribunal conclut à l’existence des manquements, il devrait imposer des mesures administratives moins sévères que celles demandées par l’Autorité en prenant en considération l’ensemble des circonstances de la présente affaire.
- Afin de résoudre ce litige, le Tribunal répond aux questions suivantes, et ce, de cette façon :
I. Prêts hypothécaires
a) Courtage hypothécaire
1. Jocelyn Grégoire et Cedma Finance agissent-ils respectivement à titre de courtier hypothécaire et de cabinet offrant des services dans la discipline du courtage hypothécaire sans être inscrits auprès de l’Autorité en contravention avec la LDPSF?
Le Tribunal conclut que oui.
b) Créances hypothécaires syndiquées
2. Les créances hypothécaires syndiquées sont-elles une forme d’investissement visée par la LVM ?
Le Tribunal conclut que oui.
3. Cedma Finance et Jocelyn Grégoire procèdent-ils au placement de créances hypothécaires syndiquées auprès des prêteurs sans qu’un prospectus n’ait été établi et soumis au visa de l’Autorité et sans bénéficier d’une dispense de prospectus en contravention avec la LVM ?
Le Tribunal conclut que oui.
4. Cedma Finance et Jocelyn Grégoire exercent-ils l’activité de courtier en valeurs mobilières sans être inscrits auprès de l’Autorité en contravention avec la LVM ?
Le Tribunal conclut que oui.
c) Contraventions aux mesures provisoires
5. Cedma Finance et Jocelyn Grégoire ont-ils contrevenu à la Décision provisoire du Tribunal?
Le Tribunal conclut que oui.
II. Financement d’une société en commandite
6. Jocelyn Grégoire, par l’intermédiaire de la société 9405-9276 Québec inc., a-t-il procédé au placement de parts de Projet PL sans prospectus ou sans bénéficier d’une dispense de prospectus en contravention avec la LVM ?
Le Tribunal conclut que oui.
7. Jocelyn Grégoire devait-il s’inscrire à titre de courtier conformément à la LVM pour effectuer des placements de parts de Projet PL?
Le Tribunal conclut que non.
III. Mesures administratives
8. Le Tribunal doit-il, dans l’intérêt public, mettre en œuvre une ou des mesures administratives à l’encontre des intimés ?
Le Tribunal conclut que oui pour certaines d’entre elles, aux conditions qu’il détermine.
ANALYSE
Inférences négatives
- Avant de répondre aux questions en litige, le Tribunal juge opportun de traiter d’un argument soulevé par les intimés portant sur les inférences négatives.
- En effet, les intimés demandent au Tribunal de tirer une inférence négative du comportement de l’Autorité durant l’instruction du dossier relativement à son omission ou refus de faire la preuve de certains éléments. Les intimés soutiennent que l’Autorité a fait défaut de faire entendre certains témoins, de produire certains documents et de répondre à des questions concernant le déroulement de son enquête. Ils invitent le Tribunal à conclure que la seule raison pour laquelle l’Autorité a choisi de ne pas faire la preuve de ces éléments est parce que cette preuve lui serait défavorable. Ils ajoutent qu’en tant que régulateur, elle doit obéir à un standard d’équité plus élevé.
- L’Autorité répond que son obligation, pour l’essentiel, est de faire la preuve des allégations incluses dans l’Acte introductif et qu’elle doit s’en tenir à ces allégations.
- Le Tribunal ne tire aucune inférence négative du comportement de l’Autorité. Cette dernière doit présenter la preuve nécessaire afin d’établir les manquements reprochés et convaincre le Tribunal. Par ailleurs, les intimés ont eu la possibilité de faire la preuve des éléments qu’ils reprochent à l’Autorité de ne pas avoir fait et ils ont choisi de ne pas administrer cette preuve. Le Tribunal évaluera donc les manquements en fonction de la preuve présentée devant lui.
a. Courtage hypothécaire
1. Jocelyn Grégoire et Cedma Finance agissent-ils respectivement à titre de courtier hypothécaire et de cabinet offrant des services dans la discipline du courtage hypothécaire sans être inscrits auprès de l’Autorité en contravention avec la LDPSF?
- L’Autorité soutient que Jocelyn Grégoire et Cedma Finance exploitent essentiellement une firme d’investissement qui offre les mêmes services que ceux offerts par un courtier en valeurs mobilières et un courtier hypothécaire. Ils sollicitent le public investisseur, soit afin d’emprunter de l’argent pour financer des projets immobiliers, soit afin d’en prêter.
- Pour la période enquêtée par l’Autorité avant la Décision provisoire, Jocelyn Grégoire et Cedma Finance auraient agi à titre de courtier hypothécaire et de cabinet sans être inscrits dans le cadre de sept (7) dossiers. Après la Décision provisoire et en contravention avec celle-ci, ils auraient agi à titre de courtier hypothécaire et de cabinet sans être inscrits dans treize (13) dossiers.
- N’étant pas inscrits, l’Autorité prétend que Jocelyn Grégoire et Cedma Finance échappent à sa supervision et à sa surveillance et se soustraient à l’ensemble des obligations légales et réglementaires ainsi qu’aux nombreuses règles déontologiques assurant que les professionnels du domaine financier agissent dans le meilleur intérêt de leurs clients dans l’exécution de leurs fonctions.
- Selon l’Autorité, le rôle de Jocelyn Grégoire et de Cedma Finance n’est pas d’agir à titre de « prêteur privé ». Leur rôle est, en substance, d’agir à titre d’intermédiaire entre des emprunteurs, qui n’ont pas réussi à obtenir un prêt hypothécaire auprès d’institutions financières « traditionnelles », et des prêteurs hypothécaires privés, et ce, en échange d’une rétribution.
- Jocelyn Grégoire et Cedma Finance sont en désaccord avec les prétentions de l’Autorité. Ils sont d’avis que Cedma Finance n’agit pas à titre de cabinet en courtage hypothécaire, mais agit plutôt à titre de « prêteur privé » et offre des services de gestion de prêts hypothécaires, des activités nullement visées par la LDPSF. Jocelyn Grégoire, quant à lui, agit à titre de représentant de Cedma Finance et non en son nom personnel. Ainsi, les intimés prétendent que comme Cedma Finance n’agit pas à titre de cabinet en courtage hypothécaire, Jocelyn Grégoire n’avait pas à s’inscrire comme courtier hypothécaire.
- Les intimés soulignent que contrairement au législateur ontarien, le législateur québécois n’impose pas l’inscription des prêteurs privés et des gestionnaires de prêts. Selon eux, l’obligation d’inscription en Ontario démontre les différents rôles joués par le courtier hypothécaire, le prêteur privé et le gestionnaire de prêts hypothécaires. Les intimés mettent en garde le Tribunal d’imposer l’inscription aux prêteurs privés en l’absence de toute obligation législative.
Principes directeurs relatifs à l’exercice de la compétence du Tribunal
- Le Tribunal tient à rappeler certains principes le guidant dans l’exercice de sa compétence et dans sa façon d’interpréter les lois sur lesquelles il statue.
- Tout d’abord, la loi prévoit que « [l]e Tribunal exerce la discrétion qui lui est conférée en fonction de l’intérêt public »[6]. Lorsque le Tribunal exerce sa discrétion dans l’intérêt public, il prend essentiellement en considération les objectifs des lois et des règlements en vertu desquels il exerce sa compétence[7].
- Lorsque le Tribunal applique la LDPSF, il considère « l’intérêt public »[8] en référant à la protection des consommateurs de produits et services financiers, l’efficacité du secteur financier ainsi que la préservation de la confiance du public en ceux-ci[9].
- Le Tribunal rappelle aussi que la LDPSF et la LVM sont des lois qui visent à protéger le public et doivent s’interpréter de manière large et libérale[10]. Les exceptions prévues à ces lois doivent s’interpréter restrictivement.
- La Cour d’appel dans l’arrêt Marston[11] s’exprime ainsi sur l’objet de la LDPSF et sur le contrôle de l’exercice des fonctions prévues à cette loi :
[46] La LDPSF a été conçue pour protéger le public et, pour cette raison principalement, il y a lieu de privilégier une interprétation large et libérale de ses dispositions.
[…]
[52] Ce survol de la LDPSF permet de constater que l’objectif central de cette loi est la protection du public et que les moyens mis de l’avant pour atteindre ce but se rattachent d’abord et avant tout au contrôle de l’exercice de la fonction par la délivrance d’un certificat autorisant son titulaire à exercer sa profession et par le maintien d’une discipline rigoureuse.
[Soulignement ajouté]
- Le Tribunal réfère également à l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans La Souveraine, Compagnie d’assurance générale c. Autorité des marchés financiers[12], dans lequel on souligne que « [l]es personnes qui exercent des activités réglementées acceptent au préalable de se soumettre à des normes strictes, et elles reconnaissent qu’elles seront rigoureusement tenues de respecter ces normes, typiques de telles sphères d’activités. »
- Afin d’accomplir l’objectif de protection du public[13] de la LDPSF, le Tribunal favorise une interprétation téléologique de ses dispositions[14].
- La Cour d’appel[15] s’exprime ainsi sur l’approche téléologique dans un arrêt très récent portant sur l’interprétation de certaines dispositions de la Loi sur la protection du consommateur[16] et de la LVM :
[39] Il est acquis qu’il y a lieu de recourir à l’approche téléologique pour résoudre le problème d’interprétation qui occupe les parties, approche que la Cour suprême résume ainsi :
[15] Le processus d’interprétation législative consiste à dégager l’intention du législateur en examinant les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’économie de la loi et son objet (Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, par. 21). Tout au long de ce processus, il importe de se rappeler que tout texte de loi est censé apporter une solution de droit et « s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet » (Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, c. I‑21, art. 12).
[40] Aussi, comme l’a déjà écrit le juge Mainville, « […] [l]e premier vecteur d’interprétation est le texte même de la loi ou du règlement en cause, lequel permet généralement de cerner adéquatement l’intention du législateur lorsqu’il est lu dans le contexte global dans lequel il s’inscrit. […] ».
[Références omises]
- Selon le Tribunal, ces principes d’interprétation doivent s’appliquer à la LDPSF.
- Le Tribunal ajoute que la LDPSF a aussi « […] comme objectif d’établir différentes manières de surveiller, de contrôler, les personnes ou les compagnies qui vendent des produits ou des services financiers »[17]. Cet objectif justifie l’utilisation de la méthode téléologique afin d’interpréter la structure mise en place afin de vendre ou d’offrir des services financiers incluant les contrats utilisés dans le cadre des activités.
L’encadrement législatif applicable au courtage hypothécaire
- Les modifications à la LDPSF visant notamment à intégrer la discipline du courtage hypothécaire à l’encadrement applicable aux autres disciplines prévues dans cette loi entrent en vigueur le 1er mai 2020. Avant cette date, le courtage hypothécaire était assujetti à la Loi sur le courtage immobilier[18] (« LCI ») et aux règlements établis par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (« l’OACIQ »).
- À partir du 1er mai 2020, les courtiers hypothécaires sont considérés comme des « représentants » au même titre que les représentants en assurance, l’expert en sinistre et le planificateur financier[19], lesquels doivent être titulaires d’un certificat délivré par l’Autorité afin d’agir dans leur capacité respective[20] et dans une discipline pour laquelle ils sont spécifiquement autorisés à agir par l’Autorité[21].
- Le Tribunal souligne qu’avant 2018, la LCI ne définissait pas « contrat de courtage immobilier » ou « opération de courtage ». En juin 2018[22], le législateur incorpore ces définitions dans la LCI.
- Lorsque la LDPSF est amendée en 2020 afin d’y inclure la discipline du courtage hypothécaire, les définitions susmentionnées ne sont pas adaptées pour être introduites dans la LDPSF. Il faut donc faire preuve de circonspection en interprétant la jurisprudence rendue à l’égard de ces concepts à la suite des modifications apportées à la LCI.
- Sans les définitions de « contrat de courtage hypothécaire » et « opération de courtage », le Tribunal est placé dans la même position que la Cour d’appel dans l‘arrêt Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Compagnie Fiducie M.R.S.[23] (« Arrêt MRS »), une décision de la Cour d’appel citée par les tribunaux inférieurs à maintes reprises.
- Dans cette affaire, la Cour d’appel devait interpréter le concept d’opération de courtage avant que la LCI soit modifiée afin d’y inclure une définition précise. La Cour d’appel souligne alors, en référant à l’absence de définition de l’opération de courtage, que cette lacune devait être comblée par « l’interprétation judiciaire »[24]. Quelques années plus tard, l’honorable Nicholas Kasirer, alors à la Cour d’appel, réitère ce même principe voulant que la « […] [l]oi laisse aux tribunaux le soin, au cas par cas, de déterminer quelles sont les différentes opérations qui tombent sous le coup de cette définition. »[25] Le Tribunal estime que cette situation n’a pas changé et il lui appartient d’interpréter la notion « d’opération de courtage hypothécaire » d’une manière permettant à la loi d’atteindre ses objectifs.
- Puisque les intimés invitent le Tribunal à définir Cedma Finance comme un prêteur privé, le Tribunal souligne les concepts suivants de « prêt hypothécaire privé » et « prêteur privé »[26] :
Un prêt hypothécaire privé, parfois appelé « prêt hypothécaire alternatif », est un prêt qui se conclut entre un emprunteur et un prêteur qui n’est pas une institution financière. Il s’agit d’une personne ou d’une entreprise qui dispose de liquidités et accepte d’accorder un prêt à une autre personne.
[…]
Certaines personnes peuvent choisir de se tourner vers un prêteur hypothécaire privé lorsque les institutions financières refusent de leur prêter de l’argent. Cependant, cette solution est souvent plus coûteuse pour l’emprunteur. Le taux d’intérêt proposé par le prêteur privé est généralement plus élevé que celui offert par les institutions financières. De plus, le prêteur hypothécaire privé peut demander des frais administratifs, comme ceux liés à l’ouverture ou à la fermeture du dossier. Ces frais s’ajoutent aux intérêts que l’emprunteur doit payer. Il est également fréquent que l’emprunteur doive payer pour les services rendus par son courtier hypothécaire.
- L’Autorité reconnaît le rôle des prêteurs privés dans l’écosystème des prêts hypothécaires.
- En effet, le Manuel de préparation à l’examen du Programme de qualification en courtage hypothécaire mentionne ceci :
Les sociétés privées et les particuliers qui accordent des prêts hypothécaires sont des prêteurs privés. Ils représentent la plus petite part du marché hypothécaire canadien. Ces prêteurs se concentrent souvent sur les clientèles qui ne se qualifient pas avec un prêteur traditionnel (prêteur « A ») ou un prêteur alternatif (prêteur « B »).[27]
- Ainsi, le Tribunal précise d’emblée que les obligations en matière de courtage hypothécaires prévues à la LDPSF et aux règlements ne s’appliquent pas exclusivement aux situations où un courtier hypothécaire propose un prêt hypothécaire offert par une institution financière. En effet, un emprunteur peut avoir recours aux services d’un courtier hypothécaire qui aide à déterminer si le prêt hypothécaire privé est la bonne solution pour lui[28].
- Dans ce cas, le courtier hypothécaire doit néanmoins respecter l’ensemble des obligations prévues à la LDPSF.
- Dans cette perspective, le Tribunal souligne que, selon les parties, l’ensemble des emprunteurs impliqué dans le présent dossier ne se seraient pas qualifiés auprès des institutions financières traditionnelles afin d’obtenir un prêt hypothécaire[29]. À moins d’indication contraire par le Tribunal, tous les prêteurs impliqués dans le présent dossier sont donc considérés comme des prêteurs hypothécaires privés.
Définition du courtier hypothécaire selon la LDPSF
- Rappelons que ceux qui exercent à titre de « représentants » selon la LDPSF doivent respecter de nombreuses obligations ayant essentiellement pour but la protection de la clientèle de services financiers et du public en général.
- L’obligation d’être titulaire d’un certificat délivré par l’Autorité est fondamentale pour s’assurer que les représentants satisfont notamment à certaines normes de compétence[30].
- Les courtiers hypothécaires doivent respecter d’importantes règles de déontologie incluant celles d’agir avec objectivité[31], indépendance[32] et transparence[33]. En outre, ils doivent éviter de se placer dans des situations de conflit d’intérêts[34]. Encore une fois, l’obligation d’être titulaire d’un certificat permet essentiellement à l’Autorité de s’assurer de la probité des représentants et de leur bonne conduite.
- Conformément aux principes d’interprétation téléologique, le Tribunal débute par l’analyse des dispositions pertinentes de la LDPSF qui portent sur le courtage hypothécaire.
- Afin de déterminer si Jocelyn Grégoire agit comme courtier hypothécaire sans être inscrit à ce titre auprès de l’Autorité, le Tribunal réfère tout d’abord à l’article 11.1 de la LDPSF :
Le courtier hypothécaire est la personne physique qui, pour autrui et contre une rétribution fonction de la conclusion d’un prêt garanti par hypothèque immobilière, se livre à une opération de courtage relative à un tel prêt.
[Soulignement ajouté]
- Selon la définition usuelle du terme « autrui »[35], le courtier qui se livre à une opération de courtage pour autrui le fait nécessairement pour toute personne autre que pour lui-même.
- Quant à elle, la notion de « rétribution » est interprétée dans le Manuel de préparation à l'examen du Programme de qualification en courtage hypothécaire comme suit :
Les termes rétribution et rémunération sont utilisés dans la Loi sur la distribution de produits et services financiers et ses règlements pour désigner ce que le représentant ou l’inscrit reçoit en contrepartie de la vente d’un produit ou de la prestation d’un service, peu importe la forme qu’elle prend. Il peut s’agir autant du salaire ou d’une commission que des émoluments, c’est-à-dire la rémunération payée par le client, ou d’un autre avantage, tel un boni.[36]
- Pour être considéré courtier hypothécaire, il est nécessaire de se livrer à une « opération de courtage » relative à un prêt garanti par hypothèque immobilière. Tel que mentionné plus haut, nous ne retrouvons cependant nulle part dans la LDPSF ni dans les règlements une définition de l’opération de courtage relative à un prêt garanti par hypothèque immobilière[37].
- L’article 11.2 de la LDPSF réfère à des personnes qui, malgré qu’elles se livrent à une « opération de courtage », ne sont pas considérées comme des courtiers hypothécaires par le législateur. Il est important de noter que ces personnes doivent avoir reçu pour leur action une rétribution en fonction de la conclusion d’un prêt garanti par hypothèque immobilière, puisque sinon la définition de l’article 11.1 de la LDPSF ne trouverait pas application. Cet article se lit comme suit[38] :
Les personnes suivantes ne sont pas des courtiers hypothécaires lorsqu’elles se livrent à une opération de courtage hypothécaire:
1° un avocat, un notaire, un évaluateur agréé, un liquidateur, un séquestre, un syndic et un fiduciaire pourvu qu’ils s’y livrent dans l’exercice de leurs fonctions;
2° les membres en règle de l’Ordre professionnel des comptables professionnels agréés du Québec;
3° les personnes à l’emploi ou agissant pour le compte d’un créancier hypothécaire pourvu qu’elles s’y livrent uniquement pour le compte de ce créancier ou d’une institution financière qui fait partie du même groupe financier que ce créancier;
4° (paragraphe abrogé);
5° la personne qui est membre en règle d’un ordre professionnel ou qui est régie par une loi administrée par l’Autorité des marchés financiers qui ne fait que communiquer à un client le nom et les coordonnées d’une personne ou d’une société qui offre des prêts garantis par hypothèque immobilière ou qui ne fait que les mettre autrement en relation lorsqu’elle le fait de façon accessoire à son activité principale.
Les mots « groupe financier » ont le sens qui leur est attribué à l’article 147.
- Or, le paragraphe 5 de l’article 11.2 de la LDPSF est assez révélateur de la façon dont le législateur interprète le concept d’« opération de courtage ». Selon ce paragraphe, si une personne n’est pas un membre en règle d’un ordre professionnel ou régi par une loi administrée par l’Autorité[39], elle ne pourra pas communiquer à un client le nom et les coordonnées d’une personne ou d’une société qui offre des prêts garantis par hypothèque immobilière sans être inscrite à titre de courtier hypothécaire. Cette personne ne pourra pas non plus « mettre autrement en relation » le client et une personne ou société qui offre des prêts garantis par hypothèque immobilière.
- Toujours selon ce paragraphe, même les membres en règle d’un ordre professionnel et ceux inscrits auprès de l’Autorité ne peuvent communiquer à un client le nom et les coordonnées d’une personne ou d’une société qui offre des prêts garantis par hypothèque immobilière, ou mettre ces personnes autrement en relation, que lorsqu’ils le font de façon accessoire à leur activité principale.
- Si le législateur avait l’intention de permettre à quiconque, contre rétribution fonction de la conclusion d’un prêt garanti par hypothèque immobilière, de référer un client ou de le mettre autrement en relation avec une personne ou une société qui offre des prêts garantis par hypothèque immobilière, il n’aurait pas fait référence au paragraphe 5 de l’article 11.2 de la LDPSF à un « membre en règle d’un ordre professionnel » ou à une personne « qui est régie par une loi administrée par l’Autorité des marchés financiers » et il n’aurait pas non plus traité du caractère accessoire de leurs activités d’intermédiaire.
- En d’autres mots, même sans définition expresse, le texte de la loi permet d’établir que le fait de référer un client qui souhaite emprunter ou de le mettre autrement en relation avec une personne ou une société qui offre des prêts garantis par hypothèque immobilière constitue une « opération de courtage », à la condition de recevoir une rétribution fonction de la conclusion d’un prêt garanti par hypothèque immobilière.
- Tel que mentionné par la Cour du Québec alors qu’elle se prononçait sur une disposition similaire prévue à la LCI avant les modifications apportées en 2018 : « Une telle disposition n'aurait aucune raison d'être si le simple fait de mettre l'emprunteur en contact avec le prêteur ne constituait pas une activité de courtage »[40].
- Cette interprétation d’« opération de courtage » est conséquente avec la vision exprimée par la Cour d’appel dans l’Arrêt MRS selon laquelle « le rôle du courtier en est essentiellement un d'intermédiaire : par son intervention il contribue de façon essentielle à la prise de contact d'une société qui veut prêter et d'une personne qui veut emprunter »[41].
- Cette interprétation de la Cour d’appel s’appuie notamment sur une décision de l’honorable juge Gonthier[42], alors qu’il était à la Cour supérieure, selon qui :
The issue turns upon the meaning to be given to the words "carries out a real estate transaction". Plaintiffs' counsel argues that at civil law brokerage necessarily implies mandate, that is representation or the power to act on behalf of another as his mandatary. However it must be noted that the real estate broker commonly does not have a mandate to sell or purchase but merely a mandate to seek out and find prospective purchasers or sellers. It is further well established that this mandate is fulfilled and a broker is entitled to his commission if he has brought the seller and purchaser in relation with each other and therefore is the effective cause of the sale (Montreal Agencies Limited vs Kimpton1927 CanLII 63 (SCC), 1927 S.C.R. p. 598 at p. 601; Gagnon vs Richardson 1958 CanLII 216 (QC CS), 1963 R.L. p. 156 at p. 158).
[…]
The words "carries out a real estate transaction" cannot be taken as encompassing only the actual transaction, i.e. selling, purchasing, leasing, etc… of an immoveable, on behalf of another. Under such an interpretation,
most brokerage operations would not come under the statute. The statute would be largely ineffective and would not accomplish its purpose of protecting the public in its real estate transactions. "Carrying out " must be understood as meaning being the effective cause of a real estate transaction, and not only the actual entering into contract.
The Court therefore concludes that any seeking out of a seller or purchaser, as the case may be, by a person acting under a mandate to do so on behalf of another would constitute acting as a broker within the meaning of the statute.
[Soulignement ajouté]
- Ainsi, en appliquant ce concept à une opération de courtage hypothécaire, à la lumière de l’article 11.1 de la LDPSF, la personne doit dûment agir pour autrui à titre d’intermédiaire. Selon l’honorable juge Gonthier, cette personne doit être la « cause effective » de l’opération finale soit, dans le cas qui nous occupe, la conclusion d’un prêt garanti par hypothèque immobilière contre rétribution.
- Toujours dans l’Arrêt MRS, la Cour d’appel conclut qu’un programme de référencement de clientèle, en vertu duquel des courtiers en valeurs mobilières achemineraient des clients voulant obtenir des prêts garantis par hypothèque immobilière vers une société qui fait partie de leur réseau, constituait l’activité de courtier.
- Cette interprétation de la Cour d’appel est reprise encore aujourd’hui par les tribunaux judiciaires et administratifs[43].
- Le Tribunal comprend donc que l’opération de courtage repose essentiellement sur la notion d’intermédiaire[44]. Cette notion d’intermédiaire est réitérée dans le Manuel de préparation à l'examen du Programme de qualification en courtage hypothécaire lequel prévoit qu’une opération de prêt hypothécaire comporte toujours deux acteurs essentiels, l’emprunteur et le prêteur, et que le courtier hypothécaire agit à titre d’intermédiaire entre eux[45].
- Le Tribunal est d’accord avec l’interprétation de l’opération de courtage donnée par l’honorable juge en chef de la Cour du Québec Henri Richard avant sa nomination à la magistrature, à la lumière de l’Arrêt MRS :
Ce que nous comprenons de la position majoritaire et récente de la Cour d’appel du Québec est le fait qu’il est préférable d’interpréter largement et libéralement la notion d’« opération de courtage » pour englober toute personne qui agit, directement ou indirectement, à titre d’intermédiaire rétribué en vue de la conclusion d’une transaction immobilière ou de l’achat et la vente d’une entreprise. Cette position évite tout débat quant à la nature des « services » offerts par un intermédiaire visé par la L.C.I. […][46]
[Soulignement ajouté]
- Le Tribunal note également que la loi prévoit que le simple fait de proposer un prêt garanti par une hypothèque immobilière qui ne peut être proposé que par un représentant inscrit constitue une infraction, si ce prêt est proposé en contravention avec la loi[47].
- Afin de déterminer si Jocelyn Grégoire agit à titre de courtier hypothécaire au sens de la LDPSF la preuve doit établir de façon prépondérante que Jocelyn Grégoire est (1) une personne physique qui (2) pour autrui et (3) contre une rétribution (4) en raison de la conclusion d’actes de prêt garantis par hypothèque immobilière, (5) se livre à une opération de courtage relative à un tel prêt.
- Afin de déterminer si Cedma Finance offre des produits et services dans la discipline du courtage hypothécaire, la preuve doit établir qu’elle se livre elle aussi à une opération de courtage hypothécaire[48].
- La preuve doit donc établir de façon prépondérante que Jocelyn Grégoire et Cedma Finance agissent à titre d’intermédiaire entre les emprunteurs et les prêteurs hypothécaires. Plus précisément, ils doivent contribuer de façon essentielle à la prise de contact[49], à la mise en contact[50] ou encore à la mise en relation[51] entre les emprunteurs et les prêteurs hypothécaires privés.
- Or, qu’en est-il?
Démonstration des opérations de courtage hypothécaire
- Afin de déterminer si Jocelyn Grégoire et Cedma Finance agissent respectivement à titre de courtier hypothécaire et à titre de cabinet en courtage hypothécaire, le Tribunal tient compte essentiellement de (1) l’image corporative de Cedma Finance et ses activités de démarchage et (2) du modèle d’affaires de Cedma Finance, pour les dossiers en preuve retenus par l’Autorité. L’analyse du modèle d’affaires inclut une analyse des modalités entourant la recherche de financement par les emprunteurs, des modalités entourant l’exécution de l’offre de financement entre les emprunteurs et Cedma Finance, des circonstances entourant l’exécution des conventions de gestion et procurations entre Cedma Finance et les prêteurs privés et, finalement, des circonstances entourant l’exécution des actes de prêt hypothécaire entre les emprunteurs et les prêteurs privés.
- L’image corporative de Cedma Finance et ses activités de démarchage
- Jocelyn Grégoire est un passionné d’immobilier. Il lit de nombreux livres sur le sujet et assiste à de nombreuses conférences. Il débute en achetant huit petites maisons et achète plusieurs immeubles à logement en août 2011 avec son associé de l’époque.
- Selon les informations contenues dans la notice d’offre de Capital Immo Privé inc. (« CIP ») modifiée en 2022[52], Jocelyn Grégoire était à l’époque propriétaire d’actifs de plus de 10 M$ et avait aussi acquis plus de 750 logements. Il serait propriétaire de près de 1 000 portes selon les informations sur le site Internet de Cedma Finance[53].
- À ses débuts, il fait appel à plusieurs prêteurs privés pour financer ses acquisitions et commence à rêver d’agir lui-même à titre de prêteur privé.
- Jocelyn Grégoire assure une grande présence sur les médias sociaux qu’il utilise notamment pour annoncer des formations, des webinaires et autres événements dans le domaine de l’investissement immobilier[54].
- Jocelyn Grégoire se présente notamment sur sa page LinkedIn[55] comme « prêteur privé », comme quelqu’un qui procède à la « gestion de prêts » et comme « offrant du financement hypothécaire alternatif ». Il affiche aussi des services d’« analyse financière d’immeubles », de « solution de financement avec garantie immobilière », d’« investissement clé en mains », de « placement » et il écrit ceci : « En plus d’être prêteur privé, j’offre des formations pour apprendre aux investisseurs, comment se bâtir un parc immobilier rapidement, en utilisant du financement créatif »[56].
- Jocelyn Grégoire présente sa mission comme étant « d’aider le plus de gens possible à se libérer financièrement grâce à l‘investissement immobilier »[57]. Cette mission est également celle adoptée par Cedma Finance[58], une société constituée en 2012[59] dont Jocelyn Grégoire est le seul actionnaire, administrateur et dirigeant[60].
- Cedma Finance se présente à la fois comme « prêteur privé », comme étant « spécialisée en financement hypothécaire privé » et comme « gestionnaire de prêts »[61]. Sur sa page Facebook[62], Cedma Finance publie des annonces et se présente comme « les spécialistes en solutions hypothécaires » et offre des services de « financement hypothécaire privé », de « recrutement des emprunteurs » et de « vérification diligente de l’emprunteur, de l’immeuble et du projet ».
- La possibilité de « se libérer financièrement grâce à l’investissement immobilier », mission tant de Jocelyn Grégoire que de Cedma Finance, est offerte tout d’abord à des emprunteurs, qui ne se qualifient pas pour un prêt hypothécaire auprès d’institutions financières traditionnelles, afin de trouver le financement requis pour réaliser leurs projets immobiliers.
- Cette possibilité de « se libérer financièrement » est également offerte à des prêteurs en leur permettant d’investir dans l’immobilier en prêtant de l’argent, aux emprunteurs qui ont fait appel aux intimés[63], dont le remboursement est garanti par hypothèque immobilière.
- Il est donc inexact de soutenir que Cedma Finance doit être exclusivement considéré comme « prêteur privé » puisqu’elle offre des services tant à ceux qui désirent emprunter de l’argent qu’à ceux qui désirent en prêter.
- Le Tribunal réfère plus particulièrement à un extrait de la page LinkedIn de Cedma Finance[64] où elle présente ainsi ses activités :
Pourquoi rater une occasion en or faute de capitaux ? Bénéficiez d'un prêt rapide afin de réaliser vos projets (refinancement, prêt hypothécaire, construction neuve, flip, acquisition d'immeuble locatif...) en consultant l'un de nos spécialistes gratuitement. Nous avons participé à plus de 500 transactions et l'analyse des dossiers est effectuée par l'un de nos dirigeants.
CEDMA Finance, spécialisée en financement hypothécaire privé, se démarque par son service personnalisé et ses solutions innovantes en hypothèque privée. Nous aidons les particuliers et entrepreneurs à atteindre leurs objectifs en offrant des conditions plus souples que les banques.
CEDMA Finance c'est aussi des investissements pour des prêteurs, garantis par une hypothèque immobilière. C'est une alternative afin d'investir dans l'immobilier sans les tracas d'être propriétaire d'immeubles à revenus.
[…]
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[Soulignement ajouté]
- Le Tribunal réfère au modèle de convention de gestion produit par les intimés[65], lequel contient une clause spécifiant que Cedma Finance reçoit plusieurs demandes de financement privé de type alternatif et qu’elle offre la possibilité à plusieurs investisseurs de participer aux prêts.
- D’ailleurs, Cedma Finance ne cache pas qu’elle fait appel à des « partenaires » à qui elle présente le projet de l’emprunteur. En faisant appel à des partenaires qui acceptent de prêter, elle considère diluer son risque[66]. Dans une entrevue accordée sur la plateforme YouTube, Jocelyn Grégoire explique que le prêt est géré par son département de gestion et il décrit cela comme « une façon passive de générer des revenus quand on a des liquidités » en mentionnant qu’« il faut faire de l’argent pendant qu’on dort ».
- Dans cette même entrevue, il décrit Cedma Finance comme plaçant des économies et mentionne que le prêt privé constitue un investissement ou un placement passif[67].
- Ceci permet d’établir que Cedma Finance ne se présente pas uniquement à titre de prêteur privé et qu’elle publicise et divulgue le fait qu’elle fait appel à des « co-prêteurs » partenaires afin de leur donner l’opportunité d’investir dans l’immobilier. Cette preuve permet également d’établir que les opportunités d’investissement offertes aux prêteurs constituent une partie intégrante du modèle d’affaires de Cedma Finance.
- Le modèle d’affaires de Cedma Finance[68]
- Des emprunteurs qui ne se qualifient pas auprès des institutions financières traditionnelles peuvent communiquer avec les intimés afin d’obtenir un prêt. C’est à ce moment que les intimés procèdent à une vérification diligente du dossier. Plus particulièrement, ils obtiennent tous les renseignements nécessaires pour leur permettre d’analyser les besoins de l’emprunteur et procéder à une évaluation de sa situation financière pour déterminer sa solvabilité et la viabilité du projet. Ils préparent en outre un bilan permettant d’évaluer les hypothèques immobilières nécessaires pour garantir le remboursement du prêt demandé.
- S’ils trouvent le dossier intéressant, les intimés présentent à l’emprunteur une lettre d’engagement[69] qui constitue, selon le Tribunal, une offre de financement (« Offre(s) de financement ») de la part de Cedma Finance dans laquelle les modalités du prêt sont confirmées. Cette offre contient essentiellement le montant du prêt, les sûretés et garanties hypothécaires, le taux d’intérêt, le terme, les modalités de remboursement mensuel et la date de la signature de l’acte de prêt hypothécaire notarié.
- Selon les conditions prévues à l’Offre de financement, Cedma Finance demande à l’emprunteur de payer des frais qui représentent environ 4 % du montant emprunté pour l’étude du dossier et la mise en place du prêt, payable sur acceptation de l’offre[70].
- Quant aux prêteurs privés, la preuve permet d’établir[71] que lorsqu’ils ont des liquidités ou qu’ils sont intéressés à faire un « placement » ou un « investissement », ils communiquent avec Jocelyn Grégoire afin de s’enquérir de l’existence d’opportunités de financement auxquelles ils peuvent participer.
- Une fois que Cedma Finance conclut l’Offre de financement avec l’emprunteur, Jocelyn Grégoire admet communiquer avec les prêteurs qui lui ont démontré un intérêt à prêter de l’argent préalablement à la conclusion de l’Offre de financement.
- Les intimés qualifient les prêteurs privés de « partenaires ». Ils sont essentiellement des gens avec qui Jocelyn Grégoire et Cedma Finance auraient déjà eu des liens d’affaires. Jocelyn Grégoire admet parler à une quarantaine de ces partenaires toutes les semaines et dit connaître les prêteurs et le genre de projet auquel ils s’intéressent.
- Afin de finaliser le financement hypothécaire, les intimés font parvenir par courriel une « opportunité de financement » aux partenaires prêteurs qui ont manifesté un intérêt à prêter des sommes d’argent, laquelle contient une description du projet immobilier pour lequel un prêt est recherché, un résumé des modalités du prêt, des photos des immeubles qui seront donnés en garanties et un lien permettant d’accéder au dossier complet du projet, incluant au dossier de crédit de l’emprunteur (« Opportunité(s) de financement »)[72].
- L’Opportunité de financement envoyée aux prêteurs contient toujours un taux d’intérêt moindre[73] que celui accepté par l’emprunteur, la différence pouvant varier entre 2 % et 4 %. En effet, les coprêteurs acceptent de céder à Cedma Finance une partie des intérêts payables par l’emprunteur sur le prêt et auxquels ils auraient droit pour la compenser de son travail dans l’accomplissement de ses fonctions[74].
- Une fois que Cedma Finance regroupe les prêteurs privés afin d’atteindre le montant du prêt demandé par l’emprunteur, les prêteurs signent une convention de gestion de prêts en vertu de laquelle Cedma Finance s’engage à effectuer toutes les démarches d’administration et de gestion de prêts tels que : percevoir les intérêts et les remettre aux prêteurs, évaluer les garanties offertes, visiter les immeubles et assurer un suivi complet du dossier, incluant la consultation des professionnels et l’institution des procédures judiciaires en cas de défaut de paiement[75].
- Pour faciliter le processus pour les prêteurs privés, les intimés leur demandent aussi généralement de signer une procuration en faveur de Jocelyn Grégoire. Cette procuration lui permet de signer l’acte de prêt hypothécaire notarié au nom des prêteurs privés, de percevoir les intérêts payables par l’emprunteur, d’instituer des procédures judiciaires en cas de défaut et d’accorder des quittances et mainlevées[76].
- Ce sont les intimés qui retiennent les services du notaire instrumentant la transaction et qui demandent aux prêteurs privés de transférer électroniquement le montant qu’ils ont accepté de prêter directement dans le compte en fidéicommis du notaire[77].
- Les prêteurs privés reçoivent, pour révision, un projet de l’acte de prêt hypothécaire qu’ils seront appelés à signer ou qui sera signé par Jocelyn Grégoire en vertu de la procuration, le cas échéant.
- Finalement, Cedma Finance prépare un état de compte qui contient le montant emprunté et tous les frais payables par l’emprunteur conformément aux obligations prévues à l’Offre de financement[78].
- Dans l’Acte introductif, l’Autorité met en lumière des faits et circonstances entourant la conclusion de (i) sept (7) actes de prêt hypothécaire conclus directement entre des emprunteurs et des prêteurs privés entre mars 2021 et juillet 2023[79] (« Acte(s) de prêt hypothécaire conclus avant la Décision provisoire) et (ii) treize (13) actes de prêt hypothécaire conclus directement entre les emprunteurs et les prêteurs privés entre février 2024 et novembre 2024, soit entre la Décision provisoire et le début de l’instruction sur le fond du présent dossier[80] (« Acte(s) de prêt hypothécaire conclus après la Décision provisoire» et collectivement (« Acte(s) de prêt hypothécaire »).
- Tous les Actes de prêt hypothécaire comportent plus que deux personnes à titre de prêteurs[81].
- Tous les Actes de prêt hypothécaire comprennent une clause qui réfère aux modalités prévues aux Offres de financement lesquelles seraient par ailleurs annexées aux actes.
- Tous les Actes de prêt hypothécaire conclus avant la Décision provisoire sont signés directement entre les emprunteurs et les prêteurs privés. Ni Jocelyn Grégoire ni Cedma Finance ne sont parties aux Actes de prêt hypothécaire conclus avant la Décision provisoire et ils n’ont prêté aucune somme d’argent aux emprunteurs, et ce, malgré les modalités prévues aux Offres de financement.
- Dans les Actes de prêt hypothécaire conclus avant la Décision provisoire, seuls les prêteurs privés « partenaires » ainsi que CIP une société par actions constituée en 2017[82] prête de l’argent aux emprunteurs.
- CIP est un émetteur qui effectue des placements sous la dispense de la notice d’offre et ses activités consistent à lever des fonds en vue d’offrir des prêts hypothécaires par l’intermédiaire de Cedma Finance[83]. CIP permettrait essentiellement aux investisseurs de participer indirectement, par l’acquisition d’obligations de cette société, à l’octroi de prêts privés à des emprunteurs dont le remboursement est garanti par hypothèque[84]. Jocelyn Grégoire est administrateur et dirigeant de CIP tout en étant actionnaire à 50 % par l’entremise de 9354-9863 Québec inc.[85].
- Tous les Actes de prêt hypothécaire conclus après la Décision provisoire sont signés directement entre les emprunteurs et les prêteurs privés. Toutefois, cette fois-ci, Cedma Finance participe à titre de coprêteur dans 11 des 13 dossiers. Elle prête des montants entre 2 000 $ et 5 000 $ pour un total de 61 000 $ sur 3 206 000 $ ce qui représente un ratio de 1,90%. CIP ne participe pas à ces prêts hypothécaires.
- En fonction de la preuve administrée, le Tribunal arrive à la conclusion que Jocelyn Grégoire et Cedma Finance agissent respectivement à titre de courtier hypothécaire et à titre de cabinet qui offrent des produits et services dans la discipline du courtage hypothécaire sans être inscrits auprès de l’Autorité.
- Jocelyn Grégoire et Cedma Finance se livrent à une opération de courtage relative à un prêt garanti par hypothèque immobilière en agissant à titre d’intermédiaire entre des emprunteurs à la recherche de financement hypothécaire et des prêteurs hypothécaires privés qui acceptent de leur prêter.
- Selon la preuve présentée au Tribunal, Jocelyn Grégoire et Cedma Finance contribuent de façon essentielle à la prise de contact[86], à la mise en contact[87] ou encore à une mise en relation[88] entre les emprunteurs et les prêteurs privés, lesquels exécutent les Actes de prêt hypothécaire directement entre eux.
- Le Tribunal considère que le rôle de Jocelyn Grégoire et de Cedma Finance est à la fois de trouver des prêteurs pour satisfaire les demandes et les besoins de financement des emprunteurs et de trouver des emprunteurs pour permettre aux prêteurs d’effectuer un investissement. Dans cette perspective, ils se retrouvent donc à agir à titre d’intermédiaire entre les parties. Les intimés sont donc, comme le dirait l’honorable juge Gonthier, la « cause effective » du prêt hypothécaire par leur mise en relation des parties à cet acte.
- Ce sont Cedma Finance et Jocelyn Grégoire qui effectuent l’ensemble des démarches qui conduit à la signature des Actes de prêt hypothécaire entre les emprunteurs et les prêteurs. C’est grâce aux services offerts par les intimés que les emprunteurs obtiennent leur prêt directement de la part des prêteurs conformément aux Actes de prêt hypothécaire. Sans l’intervention de Jocelyn Grégoire et de Cedma Finance la preuve permet d’établir qu’aucun prêt hypothécaire ne serait conclu entre les emprunteurs et les prêteurs.
- En effet, tous les emprunteurs témoignent que ce sont les intimés qui trouvent le financement qu’ils requièrent et qui trouvent les prêteurs. Les emprunteurs ne connaissent pas les prêteurs avant la signature des Actes de prêt hypothécaire, à moins qu’ils aient déjà participé à un prêt antérieur avec ces mêmes prêteurs. D’ailleurs, l’Offre de financement prévoit expressément que l’emprunteur ne peut pas solliciter les prêteurs qui figureront sur l’acte hypothécaire ou tout autre prêteur travaillant avec Cedma Finance[89].
- Par ailleurs, Cedma Finance et Jocelyn Grégoire exercent certaines des activités analogues à celles exercées par un courtier hypothécaire et un cabinet en courtage hypothécaire inscrit auprès de l’Autorité incluant : la rencontre des emprunteurs, l’obtention d’information, l’étude de leurs besoins, l’étude de leur projet, l’évaluation de leur crédit et la recherche de prêteurs intéressés à leur prêter de l’argent. Ce sont ces démarches qui conduisent à la signature des Actes de prêt hypothécaire directement entre les emprunteurs et les prêteurs. Toutefois, les intimés ne cherchent pas une gamme de produits hypothécaires variée pour répondre aux besoins de leurs clients. Ils n’offrent que les termes et conditions prévus à l’Offre de financement.
- Même dans les cas où CIP ou Cedma Finance participent aux prêts hypothécaires, le Tribunal est d’avis que Jocelyn Grégoire et Cedma Finance se livrent à une opération de courtage en agissant à titre d’intermédiaires entre les emprunteurs et les coprêteurs contre une rétribution fonction de la conclusion des prêts garantis par hypothèque immobilière.
- En effet, de l’avis du Tribunal tant Jocelyn Grégoire que Cedma Finance reçoivent une rétribution en fonction de la conclusion des prêts garantis par hypothèque immobilière.
- Du côté des emprunteurs, la preuve administrée permet d’établir que, selon les conditions prévues à l’Offre de financement, Cedma Finance impose à l’emprunteur des frais qui représente 4 % du montant emprunté à titre de frais d’engagement pour l’étude du dossier et la mise en place du prêt, payable sur acceptation des conditions y prévues[90].
- Du côté des prêteurs, la preuve permet d’établir que Cedma Finance conserve entre 2 % et 4 % des intérêts payables par les emprunteurs. Il s’agit d’une rémunération qui s’apparente à celle versée par les institutions financières aux courtiers hypothécaires pour avoir trouvé des emprunteurs. Le pourcentage est toutefois plus élevé dans le cas de Cedma Finance car cette dernière offre aussi des services de gestion des prêts aux prêteurs. À eux seuls, les services de gestion des prêts ne constitueraient pas du courtage hypothécaire.
- Durant son interrogatoire en chef, Jocelyn Grégoire admet qu’entre 25 % et 30 % de ses revenus proviennent de Cedma Finance.
- Le Tribunal rappelle que, selon les intimés, Cedma Finance n’agit pas à titre de cabinet de courtage hypothécaire, mais bien à titre de prêteur privé parce que (1) les emprunteurs s’adressent à Cedma Finance à titre de prêteur privé et non à titre de cabinet de courtage hypothécaire et (2) c’est Cedma Finance qui s’engage par écrit, dans l’Offre de financement, envers les emprunteurs à leur prêter de l’argent selon les modalités qu’elle détermine à la suite de la vérification diligente du projet et de l’emprunteur. Selon les intimés, l’Offre de financement constituerait une promesse de contracter et non un mandat de courtage hypothécaire visant à rechercher des prêteurs au bénéfice de l’emprunteur.
- Les intimés ajoutent que l’Offre de financement signée par Cedma Finance n’est pas conditionnelle à ce que Cedma Finance trouve des prêteurs. L’Offre de financement crée des obligations qu’elle doit respecter même dans l’éventualité où elle ne trouve pas de prêteurs.
- Finalement, les intimés plaident que l’Offre de financement contient l’ensemble des modalités du prêt accepté par l’emprunteur, lesquelles modalités sont proposées par Cedma Finance sans l’intervention des « partenaires » prêteurs. Pour cette raison, les intimés concluent que, à la lumière du rôle du courtier hypothécaire reconnu par la jurisprudence[91], Jocelyn Grégoire ne se livre pas à une opération de courtage car il ne participe pas à une mise en relation dans le but que les emprunteurs et les prêteurs puissent accorder leur volonté, élément essentiel du rôle de courtier hypothécaire. Selon eux, l’accord de volonté interviendrait plutôt entre l’emprunteur et Cedma Finance au moment de l’exécution de l’Offre de financement.
- Le Tribunal ne peut souscrire aux arguments des intimés, et ce, pour plusieurs raisons.
- En ce qui concerne l’absence d’actes menant à un accord de volontés entre les emprunteurs et les prêteurs, les intimés réfèrent essentiellement le Tribunal à la décision de la Cour supérieure dans l’affaire Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. 4523024 Canada inc (DuProprio)[92]. D’ailleurs les intimés prétendent offrir des services analogues à ceux offerts par DuProprio, prétention avec laquelle le Tribunal est en désaccord.
- Dans cette décision, l’OACIQ demandait un jugement déclarant que DuProprio, qui exploite essentiellement une plateforme en ligne assistant les propriétaires à vendre leur propriété sans l’entremise d’un agent immobilier, concluait des contrats de courtage et se livrait à des opérations de courtage immobilier assujetties à la LCI. La Cour supérieure rejette le recours étant d’avis que DuProprio ne posait pas assez de gestes pour franchir la limite édictée par le législateur.
- Il est important de souligner que la Cour supérieure se prononce sur les dispositions de la LCI introduites en 2018, lesquelles définissent le contrat de courtage immobilier et l’opération de courtage. Or, le Tribunal rappelle que la LCI prévoit explicitement que, dans un contrat de courtage immobilier, le client « charge l’autre partie d’être son intermédiaire pour agir auprès des personnes qui pourraient s’y intéresser et, éventuellement, faire accorder les volontés du client et celles d’un acheteur, d’un promettant-acheteur ou d’un promettant-locataire […] »[93]. Le Tribunal rappelle que la LDPSF ne contient aucune définition de contrat de courtage hypothécaire ni d’opération de courtage. Il faut donc appliquer cette décision avec circonspection.
- Le Tribunal ajoute que, même si la LDPSF ne contient pas de notion voulant que l’intermédiaire fasse éventuellement accorder les volontés des parties, il considère que Jocelyn Grégoire a joué le rôle d’intermédiaire en participant à faire accorder les volontés entre l’emprunteur et les prêteurs privés. Le Tribunal considère que la conclusion des Actes de prêt hypothécaire entre les parties constitue une manifestation claire et non équivoque d’un accord de volontés entre l’emprunteur et les prêteurs grâce aux services de Jocelyn Grégoire et de Cedma Finance. Le Tribunal est d’accord avec l’Autorité selon laquelle l’accord de volontés ne se limite pas à l’Offre de financement.
- Le concept d’opération de courtage n’est toutefois pas absolu. Le Tribunal doit considérer les obligations qui incombent à Jocelyn Grégoire et Cedma Finance en vertu de l’Offre de financement afin de s’assurer de l’existence d’actes d’intermédiation. Il va sans dire qu’il n’existe pas d’actes d’intermédiation si une personne s’oblige pour elle-même. Tout dépend de la nature des activités commerciales exploitées.
- Les intimés soutiennent aussi que Jocelyn Grégoire n’agit pas à titre d’intermédiaire entre les emprunteurs et les partenaires coprêteurs, car il ne participe à aucune négociation entre eux. Au surplus, l’emprunteur n’entre jamais en contact avec les prêteurs avant de signer l’acte de prêt hypothécaire, lequel est généralement signé par Jocelyn Grégoire qui représente les prêteurs en vertu de procurations.
- Selon la Cour supérieure, dans l’affaire Langis[94], la « mise en contact » n’exige pas de rencontre entre les parties :
[64] Le Tribunal ne croit cependant pas, contrairement à la position des appelants, que la mise en contact doive être interprétée comme une condition sine qua non de l’opération de courtage. Si l’intermédiaire est investi des pouvoirs nécessaires à la conclusion de la transaction et que le locateur et le locataire ne se rencontrent pas, il serait illogique de conclure automatiquement à l’absence d’un rôle d’intermédiaire.
[Soulignement ajouté]
- Le Tribunal doit examiner la véritable nature des gestes posés et ainsi analyser la question « […] à partir d'une norme objective »[95].
- Le Tribunal doit considérer l’ensemble des services rendus, et surtout, la finalité du projet en question. Le Tribunal ne peut s’arrêter à une analyse superficielle de la situation, mais doit déterminer « […] la véritable nature des gestes et paroles prononcées »[96] et « […] examiner le contexte établi par la preuve dans son ensemble »[97].
- Le Tribunal réitère que selon la nature des activités analysées, Cedma Finance n’agit pas principalement comme prêteur privé. En effet, depuis la Décision provisoire, Cedma Finance prête des montants qui ne représentent qu’une mince fraction du prêt consenti. Pour les Actes de prêt hypothécaire conclus avant la Décision provisoire, Cedma Finance ne prêtait aucune somme. Le Tribunal comprend d’ailleurs du témoignage de Jocelyn Grégoire que Cedma Finance n’a pas les liquidités lui permettant de prêter seule les montants recherchés par les emprunteurs.
- De plus, le Tribunal rappelle que Cedma Finance ne se présente pas exclusivement à titre de prêteur privé. Au contraire, un des rôles essentiels de Cedma Finance est de trouver des prêteurs privés pour prêter de l’argent aux emprunteurs qui recherchent des prêts.
- Même si les emprunteurs communiquent avec Cedma Finance afin de trouver le financement qu’ils recherchent, la preuve permet d’établir qu’aucun emprunteur ne refuse de signer l’Acte de prêt hypothécaire en raison du fait que ce n’est pas Cedma Finance qui lui prête les sommes exclusivement ou encore, parce qu’il serait insatisfait du nombre de prêteurs impliqués dans l’Acte de prêt hypothécaire.
- Le Tribunal souligne aussi que l’Offre de financement comporte deux clauses qui traitent de l’implication éventuelle d’autres prêteurs qui ne sont pas intervenus à l’Offre de financement.
- Premièrement, selon les Offres de financement, le « prêteur » est désigné comme étant Cedma Finance « Et/Ou SES DÉSIGNÉS » et elles contiennent la clause suivante : « Nous nous réservons le droit de transférer nos droits dans la présente offre et advenant pareille éventualité, alors nous serons libérés de toutes obligations en vertu des présentes ».
- Les Offres de financement comprennent également une clause en vertu de laquelle :
L’Emprunteur s'engage à ne pas solliciter directement ou indirectement les prêteurs qui figureront sur l'acte hypothécaire ou tout autre prêteur travaillant avec Cedma Finance et 9256-7619 Québec inc. Advenant que l'EMPRUNTEUR et cautions auraient obtenus un financement, ils seraient redevables d'un frais de référence de 2% du montant financé, à Cedma Finance, payable sur simple demande et ce, pour une durée de 3 ans.
- Cette clause de non-sollicitation dévoile l’existence d’autres prêteurs et renforce également le rôle d’intermédiaire joué par Jocelyn Grégoire qui cherche justement à protéger son travail et les efforts déployés afin de trouver le financement recherché par les emprunteurs.
- Le Tribunal ne peut déterminer si Jocelyn Grégoire agit à titre de courtier hypothécaire uniquement en fonction des obligations contractées par Cedma Finance dans l’Offre de financement. Il se doit d’analyser l’ensemble des circonstances entourant son exécution incluant les gestes posés en amont et après son exécution.
- Or, la preuve permet d’établir qu’au moment où Cedma Finance s’engage à prêter selon les modalités prévues à l’Offre de financement, elle a déjà reçu une communication de la part des « partenaires » prêteurs privés qui lui manifestent leur intérêt de participer à un financement hypothécaire. En fait, l’ensemble des prêteurs témoigne avoir signalé leur intérêt de participer à un prêt hypothécaire avant la réception des Opportunités de financement car, dans plusieurs cas, ils ont des liquidités disponibles par suite du remboursement d’un prêt auquel ils étaient parties.
- De plus, Jocelyn Grégoire témoigne connaître ses prêteurs et le genre de projet qui les intéressent, et ce, même s’il précise en contre-interrogatoire qu’au moment de la signature de l’Offre de financement, il n’a pas encore décidé qui va prêter. De plus, la preuve ne permet pas d’établir que Cedma Finance aurait participé seule à titre de prêteur. En d’autres mots, elle a toujours trouvé des prêteurs pouvant participer aux prêts.
- Au surplus, la preuve permet également d’établir que dans certains dossiers, les prêteurs signent une procuration générale en faveur de Jocelyn Grégoire lui donnant le pouvoir notamment de « [f]aire tout prêt aux termes et conditions que mon procureur jugera convenables et à tout taux d’intérêt afin de m’assurer un rendement minimum de huit pour cent (8%) l’an net pour les hypothèques de premier rang et de dix pour cent (10%) l’an net pour les hypothèques de deuxième rang »[98].
- En d’autres mots, au moment où Cedma Finance et l’emprunteur exécutent l’Offre de financement, la preuve permet d’établir que Jocelyn Grégoire a déjà reçu des appels de prêteurs intéressés à financer un projet et qu’il bénéficie même, dans certains cas, d’une procuration écrite l’autorisant à faire un prêt selon le taux d’intérêt prévu dans la procuration.
- Le Tribunal considère que l’approche des intimés de s’arrêter aux modalités de l’Offre de financement pour affirmer que Cedma Finance est un prêteur privé est trop restrictive. La terminologie utilisée par les intimés dans leurs relations contractuelles n’est pas déterminante[99]. Si le Tribunal devait interpréter la situation uniquement en fonction de l’Offre de financement, le Tribunal privilégierait la « forme » et non le « fond », ce qui est contraire aux objectifs de la LDPSF qui ont essentiellement pour but de protéger le public.
- Les intimés ont tenté de faire un rapprochement avec l’affaire qui a été analysée en 2023 par la juge de paix magistrat de la Cour du Québec siégeant en chambre criminelle et pénale[100]. Le Tribunal souligne que la preuve administrée devant la Cour du Québec obéit à un fardeau différent. En l’absence d’une démonstration que les faits entourant cette affaire trouvent application dans les dossiers de prêts présentés devant le Tribunal, ce dernier n’est pas en mesure de tirer de conclusions de cette décision.
- Finalement, le Tribunal tient à faire quelques remarques sur la qualification de Cedma Finance à titre de cabinet en courtage hypothécaire lorsqu’elle participe à titre de « prêteur », comme dans la majorité des Actes de prêt hypothécaire conclus après la Décision provisoire.
- Rappelons qu’un cabinet est considéré offrir des produits et services dans la discipline du courtage hypothécaire lorsqu’il se livre à une opération de courtage hypothécaire[101]. Or, selon l’article 70.1 de la LDPSF, un créancier hypothécaire n’est pas un cabinet dans la discipline du courtage hypothécaire. Dans cette perspective, il est aussi intéressant de noter que, selon l’article 11.2 (3o) de la LDPSF, la personne à l’emploi ou agissant pour le compte d’un créancier hypothécaire, lorsqu’elle se livre à une opération de courtage hypothécaire, n’est pas considérée être un courtier hypothécaire pourvu que cette personne s’y livre uniquement pour le compte de ce créancier.
- En d’autres mots une institution financière qui se livre à une opération de courtage hypothécaire ne sera pas considérée comme un cabinet lorsqu’elle est un créancier hypothécaire. Leurs employés ne seront pas considérés des courtiers hypothécaires à condition qu’ils agissent uniquement pour le compte de l’institution financière.
- D’emblée, le Tribunal précise que selon la preuve administrée, Jocelyn Grégoire ne peut bénéficier de cette exception car il ne se livre pas uniquement à des opérations de courtage pour le compte de Cedma Finance, mais bien pour le compte de chacun des coprêteurs qu’il recrute et pour lesquels il agit selon leurs instructions ou en fonction des conventions de gestion ou en vertu des procurations, le cas échéant.
- En ce qui concerne Cedma Finance, même lorsqu’elle agit à titre de « créancier hypothécaire » en prêtant de modiques sommes dans le cadre des dossiers reflétés dans les Actes de prêt hypothécaire conclus après la Décision provisoire, le Tribunal la considère néanmoins comme un cabinet en courtage hypothécaire et non comme un créancier hypothécaire.
- Le Tribunal rappelle que le Règlement sur l’exercice des activités des représentants prévoit que le courtier hypothécaire doit agir notamment avec indépendance[102] et ne doit pas se placer en situation de conflit d’intérêts. L’Autorité a précisé l’application de ces dispositions en adoptant les articles 5.1 à 5.5 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants qui sont entrés en vigueur le 2 décembre 2023. En vertu de l’article 5.3 (4o) il est interdit d’exercer à la fois à titre de courtier hypothécaire et à titre de prêteur auprès du même client[103].
- Or, tel que mentionné ci-haut, lorsqu’on considère l’ensemble des services offerts par les intimés et le modèle d’affaires adopté, le Tribunal est d’avis que les activités principales de Cedma Finance s’assimilent plutôt à celles d’un cabinet en courtage hypothécaire qu’à celles d’un créancier hypothécaire. Le Tribunal rappelle aussi que selon Jocelyn Grégoire, Cedma Finance n’a pas les liquidités pour prêter seule. L’esprit de la loi serait dénaturé si Cedma Finance pouvait éviter ses obligations d’inscription en prêtant de modiques sommes alors qu’elle exerce effectivement des activités de courtage hypothécaire en agissant à titre d’intermédiaire entre des emprunteurs et des prêteurs privés.
- Par ailleurs, selon la preuve administrée, le Tribunal considère que Jocelyn Grégoire et Cedma Finance ne font pas partie des catégories de prêteurs privés énoncés au Manuel de préparation à l’examen du Programme de qualification en courtage hypothécaire comme suit :
- des particuliers qui prêtent leurs propres fonds;
- des vendeurs qui accordent un prêt hypothécaire sur la propriété qu’ils vendent (solde de prix de vente);
- des groupes d’investisseurs syndiqués, c’est-à-dire des groupes de particuliers qui mettent leurs fonds d’investissement en commun;
- des regroupements de teneurs de comptes en fidéicommis ou des sociétés d’investissement proposant des programmes d’investissement en prêts hypothécaires[104].
- Puisque les intimés se livrent à une opération de courtage relative à un prêt garanti par hypothèque immobilière contre rétribution, le Tribunal ne peut les considérer comme faisant partie d’un « groupe d’investisseurs syndiqués », c’est-à-dire un groupe de particuliers qui mettent leurs fonds d’investissement en commun.
- C’est Jocelyn Grégoire et Cedma Finance qui, contre rétribution, trouvent chacun des prêteurs pour les mettre en commun afin d’octroyer les prêts aux emprunteurs. Il ne s’agit pas d’un groupe qui déciderait ensemble d’effectuer un prêt.
- Par conséquent, le Tribunal conclut que Jocelyn Grégoire et Cedma Finance ont effectué des opérations de courtage hypothécaire. Jocelyn Grégoire agit à titre de courtier hypothécaire sans être inscrit auprès de l’Autorité et exerce ses activités pour le compte de Cedma Finance qui offre des produits et services dans la discipline du courtage hypothécaire. Ils devaient donc respectivement s’inscrire à titre de courtier hypothécaire et de cabinet en vertu de la LDPSF.
b. Créances hypothécaires syndiquées
2. Les créances hypothécaires syndiquées sont-elles une forme d’investissement visée par la LVM ?
- Le Tribunal doit déterminer si les créances hypothécaires syndiquées, qui font l’objet du présent débat, constituent une forme d’investissement assujettie à la LVM. Les intimés prétendent que ces créances hypothécaires syndiquées ne sont pas prévues à cette loi et qu’il est inconstitutionnel de les considérer comme tel par règlement. Selon les intimés, seul le gouvernement pourrait, par règlement, déterminer les autres formes d’investissement soumises à cette loi. L’Autorité conteste cet argument. Le Tribunal ne partage pas l’opinion des intimés.
- La LVM inclut à son article premier, comme forme d’investissement, « un titre, autre qu’une obligation, constatant un emprunt d’argent ».
- En décembre 2024[105], la Commission des valeurs mobilières de l’Alberta a reconnu qu’une note promissoire est une valeur mobilière. Elle est d’avis, comme en Ontario dans l’affaire Tiffin[106], que rien n'indique que le législateur ait voulu que les titres de dette à court terme soient considérés autrement que comme des valeurs mobilières[107].
- Quant à elle, la Cour d’appel du Québec nous rappelle que « l’expression « titre » […] comprend tout ce qui constate un investissement par emprunt d’argent (autre qu’une obligation) sans autre formalité »[108]. Le Tribunal souligne qu’il doit interpréter de manière large et libérale les formes d’investissement visées par la loi[109].
- Il s’agit donc d’une définition « très large »[110] qui englobe la créance hypothécaire syndiquée, laquelle est donc assujettie à la LVM.
- Les intimés réfèrent à des décisions rendues par des tribunaux américains, selon lesquels un prêt hypothécaire consenti par plusieurs prêteurs ne se qualifie pas comme une « valeur mobilière » en appliquant le family resemblance test développé dans la décision Reves[111]. Le Tribunal est d’avis que ce test ne s’applique pas aux créances hypothécaires syndiquées en vertu de la LVM.
- Puisqu’en matière de valeurs mobilières « le but de la législation dans les deux pays est exactement le même »[112], il peut parfois être utile pour le Tribunal de consulter les décisions américaines dans le cadre de son analyse.
- Toutefois, bien que le but de ces législations soit équivalent, les mécanismes utilisés pour en rencontrer les objectifs ne le sont pas et le Tribunal se doit d’agir avec prudence lorsqu’il désire appliquer les enseignements d’une décision provenant de cette juridiction[113], notamment quant à la définition de ce que constitue une « valeur mobilière ».
- Le professeur Stéphane Rousseau, dans son ouvrage de référence portant sur le droit des valeurs mobilières, résume bien la pensée du Tribunal sur ce dernier point :
« Dans le même esprit, malgré son attrait lié à sa flexibilité, nous estimons que le test de Reves ne devrait pas s’appliquer en droit québécois. Ce test a été élaboré pour les fins de l’application du Securities Act of 1933 qui comporte des différences notables avec la LVM, même si la législation états-unienne a exercé une influence certaine sur cette dernière. Plus particulièrement, la définition de security dans la loi américaine est précédée de la mise en garde « unless the context otherwise requires » (sauf interprétation contraire imposée par le contexte). Cette mention a fourni des assises au family resemblance test qui insiste effectivement sur l’importance du contexte. En l’absence d’une telle mention à l’article 1 LVM, il paraît incongru d’adopter un test qui aurait pour effet de modifier jurisprudentiellement la portée du champ d’application de la loi relativement à un texte par ailleurs clair. Si des aménagements sont nécessaires, il est donc préférable de les réaliser soit par l’entremise du régime des dispenses de prospectus et d’inscription, soit par la révision de la dispense générale édictée par l’article 3 LVM. »[114]
[Références omises]
- Le Tribunal est d’accord avec la Cour d’appel de l’Ontario qui, dans l’affaire Tiffin, rappelle que les tribunaux ne devraient pas « modifier jurisprudentiellement » la volonté du législateur et le champ d’application d’une loi devant un texte par ailleurs clair[115].
- Dans les affaires Déry c. Autorité des marchés financiers[116] et Autorité des marchés financiers c. Veillet[117], les tribunaux judiciaires québécois confirment que des contrats de prêts constituent des titres d’emprunts au sens de la LVM.
- Le Règlement 45-106 sur les dispenses de prospectus[118], le Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription et les obligations continues des personnes inscrites[119] ainsi que le Règlement sur le placement de créances hypothécaires syndiquées[120] définissent la créance hypothécaire syndiquée comme « une créance hypothécaire à laquelle 2 personnes ou plus sont parties, directement ou indirectement, à titre de prêteurs et qui est garantie par l’hypothèque ».
- Le Tribunal ne partage pas la prétention des intimés que cette définition crée une nouvelle forme d’investissement. Cette définition ne change pas la LVM et ne crée pas une autre forme d’investissement puisque la créance hypothécaire syndiquée est un titre constatant un emprunt. Cette définition précise les caractéristiques particulières de ce titre d’emprunt, et ce, pour les fins de l’application du Règlement 45-106, du Règlement 31-103 ainsi que du Règlement sur le placement de créances hypothécaires syndiquées. Rien n’empêche l’inclusion de cette définition dans ces règlements.
- L’article 331 de la LVM prévoit spécifiquement que l’Autorité peut, par règlement, « définir les termes et expressions utilisés pour l’application de [cette] loi ou des règlements pris en vertu [de cet] article. »[121] L’Autorité a donc le pouvoir d’inclure une définition de la créance hypothécaire syndiquée dans le Règlement 45-106, le Règlement 31-103 et dans le Règlement sur le placement de créances hypothécaires syndiquées. Dans les circonstances, les dispositions visant les créances hypothécaires syndiquées invoquées par les intimés ne sont pas inconstitutionnelles.
- Le Tribunal conclut donc que les créances hypothécaires syndiquées constituent des titres d’emprunt et sont une forme d’investissement assujettie à la LVM.
3. Cedma Finance et Jocelyn Grégoire procèdent-ils au placement de créances hypothécaires syndiquées auprès des prêteurs sans qu’un prospectus n’ait été établi et soumis au visa de l’Autorité et sans bénéficier d’une dispense de prospectus en contravention avec la LVM?
- Les intimés soutiennent que plusieurs dossiers déposés en preuve bénéficient d’une dispense de prospectus prévue au Règlement sur le placement de créances hypothécaires syndiquées.
- Pour les motifs qui suivent, à l’exception d’un seul dossier, le Tribunal conclut que Cedma Finance et Jocelyn Grégoire procèdent au placement de créances hypothécaires syndiquées auprès des prêteurs identifiés par l’Autorité sans qu’un prospectus n’ait été établi et soumis au visa de l’Autorité et sans bénéficier d’une dispense de prospectus.
- Bien que l’Instruction générale relative au règlement 45-106 sur les dispenses de prospectus[122] n’ait pas force de loi, elle sert de guide pour aider le Tribunal à déterminer qui est l’émetteur des créances hypothécaires syndiquées dans la présente affaire.
- Selon l’Instruction générale 45-106, l’emprunteur est considéré comme l’émetteur des créances hypothécaires syndiquées dans le cas où « un emprunteur conclut une créance hypothécaire avec 2 personnes ou plus qui sont parties à titre de prêteurs de la créance qu’elle garantit, ou en vue de sa syndication ultérieure en faveur d’au moins 2 souscripteurs, prêteurs ou investisseurs […] »[123]. Ainsi, le Tribunal considère que les emprunteurs sont les émetteurs des créances hypothécaires syndiquées dans la présente affaire.
- L’article 11 de la LVM prévoit que « [t]oute personne qui entend procéder au placement d’une valeur est tenue d’établir un prospectus soumis au visa de l’Autorité. La demande de visa est accompagnée des documents prévus par règlement. »
- Bien que les emprunteurs ne cherchent pas eux-mêmes des souscripteurs des créances hypothécaires syndiquées, en concluant les prêts garantis par hypothèque immobilière avec les prêteurs, ils trouvent de ce fait des souscripteurs des créances hypothécaires syndiquées et ceci constitue un placement en vertu du paragraphe 1 de la définition de placement prévue à l’article 5 de la LVM.
- Cedma Finance et Jocelyn Grégoire agissent à titre d’intermédiaires entre les emprunteurs et les prêteurs notamment lorsqu’ils envoient les Opportunités de financement aux prêteurs. De ce fait, Cedma Finance et Jocelyn Grégoire recherchent des souscripteurs des titres placés par les emprunteurs, ce qui constitue un placement en vertu du paragraphe 7 de la définition de placement prévue à l’article 5 de la LVM[124].
- De plus, lorsque Cedma Finance et Jocelyn Grégoire organisent et mettent en place les prêts hypothécaires syndiqués au bénéfice des emprunteurs, ils agissent à titre d’intermédiaires pour trouver des souscripteurs des créances hypothécaires syndiquées, ce qui constitue aussi un placement en vertu du paragraphe 7 de la définition de placement prévue à l’article 5 de la LVM.
- Selon le Tribunal il n’y a pas de doute que Jocelyn Grégoire et Cedma Finance agissent à titre d’intermédiaires entre les emprunteurs et les prêteurs. Le Tribunal réfère plus particulièrement à l'image corporative de Cedma Finance et à ses activités de démarchage et à son modèle d’affaires décrits dans la section de la présente décision portant sur le courtage hypothécaire.
- Selon l’Autorité, Cedma Finance et Jocelyn Grégoire n’ont pas déposé de déclaration de placement avec dispense ni de prospectus ou bénéficié d’un visa de prospectus ou encore, d’une dispense d’effectuer un tel dépôt, émis par l’Autorité. Toutefois, les attestations d’absence de prospectus déposées auprès du Tribunal ne visent que Cedma Finance[125]. Malgré cela, rien dans la preuve ne démontre que Jocelyn Grégoire se serait conformé à la loi à cet effet.
- Les intimés allèguent, subsidiairement, que plusieurs placements de créances hypothécaires syndiquées des dossiers soumis au Tribunal bénéficient d’une dispense de prospectus prévue au Règlement sur le placement de créances hypothécaires syndiquées.
- En effet, selon le deuxième article de ce règlement, « le placement d’une créance hypothécaire syndiquée admissible est dispensé de l’obligation d’établir un prospectus. » Pour bénéficier de cette dispense, la créance hypothécaire syndiquée doit rencontrer tous les critères de la définition de « créance hypothécaire syndiquée admissible » qui est prévue au premier article du Règlement sur le placement de créances hypothécaires syndiquées :
«créance hypothécaire syndiquée admissible»: une créance hypothécaire syndiquée dont l’hypothèque répond aux critères suivants:
a) elle garantit une créance sur un immeuble qui réunit les conditions suivantes:
i) il est utilisé principalement à des fins résidentielles;
ii) il ne comprend pas plus de quatre unités;
iii) il ne comprend pas plus d’une unité servant à des fins non résidentielles;
b) elle ne garantit pas une créance contractée pour un projet de construction ou de promotion immobilière;
c) au moment où elle est constituée, le montant de la créance qu’elle garantit, avec toutes les autres créances garanties par hypothèques sur le même immeuble et ayant le même rang qu’elle ou un rang antérieur, en supposant que le montant maximal de toutes ces créances soit entièrement utilisé, n’excède pas 80 % de la juste valeur de marché de l’immeuble qui en garantit le paiement, à l’exclusion de toute valeur qui peut être attribuée aux opérations de promotion projetées ou en cours de l’immeuble;
d) elle ne peut être subordonnée à un financement futur sans le consentement de chaque prêteur;
e) il n’existe aucune entente requérant que les prêteurs consentent à une subordination future de la créance;
f) aucune personne n’est habilitée à consentir à une subordination future de la créance au nom des prêteurs sans obtenir le consentement de chacun de ces derniers.
- Les intimés admettent d’emblée que certains dossiers de créances hypothécaires soumis au Tribunal ne se qualifient pas à titre de créance hypothécaire syndiquée admissible et les placements de celles-ci ne sont pas dispensés d’établir un prospectus en vertu du Règlement sur le placement de créances hypothécaires syndiquées :
- Les dossiers « Sainte-Adèle / Sainte-Anne-des-Lacs »[126] et « Sainte-Sophie »[127] datent d’avant l’entrée en vigueur du Règlement sur le placement de créances hypothécaires syndiquées prévoyant la dispense;
- Le dossier « Paquette, Mont-Laurier »[128] ne satisfait pas, de l’avis des intimés, les critères du règlement puisqu’il concerne deux multiplex dont un aurait une vocation semi-commerciale; et
- Le dossier « Hemmingford »[129] ne satisfait pas, de l’avis des intimés, les critères du règlement puisqu’il concerne un terrain de camping et une bâtisse commerciale.
- Les intimés prétendent toutefois que plusieurs des placements effectués de créances hypothécaires syndiquées se qualifient à titre de créance hypothécaire syndiquée admissible[130].
- Le Tribunal tient à préciser que, pour les motifs exposés plus loin, les placements de créances hypothécaires syndiquées après la Décision provisoire sont effectués en contravention de celle-ci car les intimés ont agi à titre de courtier en valeurs mobilières. Cependant, le Tribunal a jugé opportun de les analyser.
- Afin d’évaluer le tout, le Tribunal doit analyser les critères de la définition de créance hypothécaire syndiquée admissible énoncés ci-haut. Toutefois, pour pouvoir analyser le critère c), le Tribunal doit obtenir la preuve de la juste valeur marchande de l’immeuble qui garantit le paiement de la créance hypothécaire syndiquée au moment où celle-ci est constituée[131].
- Or, parmi les placements effectués, seuls quatre dossiers contiennent une évaluation de la juste valeur marchande des immeubles établie par un évaluateur qualifié[132]. Le Tribunal doit donc concentrer son analyse sur ces dossiers. En effet, bien que le Règlement sur le placement de créances hypothécaires syndiquées n’exige pas que la juste valeur marchande soit établie par un évaluateur qualifié, le Tribunal doit obtenir une preuve qui l’établit de façon convaincante.
- Pour tous les autres placements[133], le Tribunal n’a que le montant de la juste valeur marchande des immeubles présentée par Cedma Finance dans des Opportunités de financement transmises aux prêteurs, sans plus. Quant à elle, l’Autorité prétend que le montant de la juste valeur marchande doit plutôt se rapprocher des prix de vente récents des immeubles indiqués aux index des immeubles, sans considérer le contexte de ces ventes.
- Le Tribunal a considéré la preuve présentée tant par les intimés que l’Autorité, mais ne la juge pas convaincante afin d’établir la juste valeur marchande de ces immeubles. Dans les circonstances, le Tribunal est incapable de procéder à l’analyse du critère c) de la définition de créance hypothécaire admissible pour ces placements et il est dans l’impossibilité de déterminer si, conséquemment, les intimés peuvent bénéficier de la dispense de prospectus invoquée.
Blanchard
- Les intimés allèguent que cette créance hypothécaire syndiquée est garantie par deux immeubles : le 519, rue Blanchard à Saint-Jérôme et le 600, rue Barkoff à Trois-Rivières.
- Or, l’Autorité soulève qu’à la constitution de la créance hypothécaire syndiquée, les emprunteurs[134] ne sont pas propriétaires du 600, rue Barkoff. En effet, l’Autorité réfère aux index des immeubles[135] qui démontrent que l’immeuble aurait un autre propriétaire[136].
- D’ailleurs, la preuve confirme que les emprunteurs ne sont pas propriétaires de cet immeuble puisque Cedma Finance, par l’entremise de Jocelyn Grégoire, mentionne dans une Opportunité de financement[137] que « [les emprunteurs] font l’acquisition d’une nouvelle RPA à Trois-Rivières[138] et ils leurs manquent 400k pour faire l’achat. »
- Puisque l’hypothèque sur le bien d’autrui ne grève ce bien qu’à compter du moment où le constituant devient le titulaire du droit hypothéqué[139], l’Autorité prétend que le 600, rue Barkoff ne garantit pas la créance hypothécaire syndiquée au moment où celle-ci est constituée.
- Sans preuve que les emprunteurs étaient propriétaires du 600, rue Barkoff à la constitution de la créance hypothécaire syndiquée, le Tribunal ne peut considérer cet immeuble dans le calcul prévu au critère c) de la définition de créance hypothécaire syndiquée. Ainsi, seul l’immeuble du 519, rue Blanchard est considéré.
- Pour faire ce calcul, le Tribunal doit diviser 1)[140] la somme de la créance hypothécaire et de toutes autres créances hypothécaires garanties par hypothèque sur le même immeuble ayant égalité ou priorité de rang par rapport à cette dernière, dans l’hypothèse où le montant maximal serait prélevé sur cette créance ou dette par 2)[141] la juste valeur marchande de l’immeuble qui en garantit le paiement.
- Dans les différents dossiers soumis au Tribunal, les parties ont présenté des calculs avec différents numérateurs : parfois le solde du prêt, parfois le montant du prêt et parfois le montant de l’hypothèque. Puisque, pour le dossier Blanchard, le solde du montant emprunté n’est pas en preuve et que les montants du prêt et de l’hypothèque sont identiques, le Tribunal a utilisé ce montant comme numérateur.
- La valeur d’emprunt de la créance hypothécaire syndiquée de ce dossier, soit 500 000 $[142], divisée par la juste valeur marchande de l’immeuble, établie à 600 000 $ par un évaluateur agréé[143], suffit à elle seule pour excéder 80 % de la juste valeur marchande de l’immeuble[144].
- Le critère c) n’étant pas rencontré, le Tribunal n’a pas à analyser les autres critères et la créance hypothécaire syndiquée ne peut être « admissible ». Le Tribunal conclut que le placement de la créance hypothécaire syndiquée dans le dossier Blanchard n’est pas dispensé d’établir un prospectus en vertu du Règlement sur le placement de créances hypothécaires syndiquées.
Saint-Mathieu-de-Laprairie
- Selon le critère a) de la définition de créance hypothécaire syndiquée admissible, cette dernière doit garantir une créance sur un immeuble qui i) est utilisé principalement à des fins résidentielles, ii) ne comprend pas plus de quatre unités et iii) ne comprend pas plus d’une unité servant à des fins non résidentielles.
- Les intimés plaident que l’immeuble situé à Saint-Mathieu-de-Laprairie est utilisé principalement à des fins résidentielles.
- Sans compter les terres agricoles d’une superficie de 175 000 pieds carrés situées sur le lot, l’Autorité soulève que le rapport d’évaluation de l’immeuble[145] mentionne une aire habitable de 1 265 pieds carrés pour la maison et de 7 440 pieds carrés pour l’entrepôt situé sur le même lot. Conséquemment, elle prétend que l’immeuble n’est pas utilisé principalement à des fins résidentielles.
- Le rapport d’évaluation, dans la section commentaire de la description de l’entrepôt, mentionne que ce dernier est utilisé à plusieurs fins : une section d’une superficie de 1 560 pieds carrés est actuellement utilisée comme atelier de mécanique, des sections ayant une superficie totale de 5 160[146] pieds carrés sont utilisés pour l’entreposage, notamment, de la machinerie[147] et une section d’une superficie de 720 pieds carrés est utilisée comme cafétéria et vestiaire pour les employés de l’entreprise opérée par l’emprunteur.
- Le Règlement sur le placement de créances hypothécaires syndiquées est muet quant au sens à donner à l’expression « est utilisé principalement à des fins résidentielles ». Dans les circonstances, le Tribunal interprétera cette expression selon son sens usuel.
- Le Tribunal note d’abord l’utilisation du présent de l’indicatif dans l’expression « est utilisé », ce qui permet de déterminer que l’analyse doit s’effectuer au moment de la constitution de la créance hypothécaire syndiquée.
- Quant à lui, le mot « principalement » doit être interprété comme voulant dire que l’immeuble doit être utilisé à des fins résidentielles « avant les autres choses, par-dessus tout »[148].
- Finalement, l’expression « à des fins résidentielles » doit s’interpréter comme étant « relatif à l’habitation, à la résidence »[149].
- Selon la preuve administrée, les intimés n’ont pas réussi à convaincre le Tribunal que, lors de la constitution de la créance hypothécaire syndiquée, l’immeuble « est utilisé principalement à des fins résidentielles ». Le critère a) n’étant pas rencontré, le Tribunal n’a pas à analyser les autres critères et la créance hypothécaire syndiquée ne peut être « admissible ». Le Tribunal conclut que le placement de la créance hypothécaire syndiquée dans le dossier Saint-Mathieu-de-Laprairie n’est pas dispensé d’établir un prospectus en vertu du Règlement sur le placement de créances hypothécaires syndiquées.
Route 335, St-Lin
- Les intimés précisent, dans un tableau faisant l’analyse des créances hypothécaires syndiquées, que le critère b) de la définition, c’est-à-dire que la créance hypothécaire syndiquée ne doit pas garantir une créance contractée pour un projet de construction ou de promotion immobilière, est rencontré puisque la créance est contractée pour financer l’acquisition du terrain et non un projet de construction.
- L’Autorité conteste l’admissibilité de cette créance hypothécaire syndiquée alléguant que le critère b) de la définition n’est pas rencontré. Elle explique que la créance est constituée en avril 2024 alors que l’emprunteur est propriétaire depuis décembre 2020. Ainsi, selon l’Autorité, la créance ne pourrait financer l’acquisition du terrain comme le prétendent les intimés.
- Le Tribunal considère qu’il n’a pas à se pencher sur le critère b) dans son analyse, le critère a) n’étant pas rencontré, l’immeuble n’étant pas utilisé principalement à des fins résidentielles.
- Le caractère résidentiel d’un immeuble dépend de l’utilité qui en est fait. Cette détermination doit être faite au moment où la créance hypothécaire syndiquée est constituée.
- Le rapport d’évaluation mentionne que le terrain est présentement occupé par un commerce de vente de voitures usagées[150].
- Dans les circonstances, et selon l’interprétation donnée ci-haut à « est utilisé principalement à des fins résidentielles »[151], le Tribunal considère qu’au moment de la constitution de la créance hypothécaire syndiquée, l’immeuble ne pouvait être « utilisé principalement à des fins résidentielles ».
- Le critère a) n’étant pas rencontré, le Tribunal n’a pas à analyser les autres critères et la créance hypothécaire syndiquée ne peut être « admissible ». ». Le Tribunal conclut que le placement de la créance hypothécaire syndiquée dans le dossier Route 335, St-Lin n’est pas dispensé d’établir un prospectus en vertu du Règlement sur le placement de créances hypothécaires syndiquées.
3e avenue, Québec
- L’Autorité n’a pas contesté l’admissibilité de cette créance hypothécaire syndiquée.
- Le rapport d’évaluation[152] mentionne qu’il s’agit d’un immeuble semi-commercial de trois étages. Un local commercial est situé au rez-de-chaussée, deux logements sont situés au 2e étage et un logement se trouve au 3e étage.
- Le propriétaire de l’immeuble bénéficie annuellement de 83 748 $ en revenus locatifs, soit 52 428 $ pour les logements et 31 320 $ pour le local commercial[153].
- Le Tribunal n’a pas la superficie calculée individuellement pour tous les étages, mais la proportion des revenus locatifs totaux provenant des logements, la description de l’immeuble ainsi que les photographies disponibles au rapport d’évaluation permettent d’établir que le critère a) de la définition de créance hypothécaire syndiquée admissible est rencontré. L’immeuble est utilisé principalement à des fins résidentielles, ne comprend pas plus de quatre unités et ne comprend pas plus d’une unité servant à des fins non résidentielles.
- Quant au critère b) de la définition de créance hypothécaire syndiquée admissible, rien dans la preuve ne permet de croire que l’hypothèque octroyée garantit une créance contractée pour un projet de construction ou de promotion immobilière. Ce critère est donc rencontré.
- Pour analyser le critère c) de la définition de créance hypothécaire syndiquée admissible, le Tribunal rappelle qu’il doit diviser 1)[154] la somme de la créance hypothécaire et de toutes autres créances hypothécaires garanties par hypothèque sur le même immeuble ayant égalité ou priorité de rang par rapport à cette dernière, dans l’hypothèse où le montant maximal serait prélevé sur cette créance ou dette par 2)[155] la juste valeur marchande de l’immeuble qui en garantie le paiement.
- Une autre créance hypothécaire garantie par l’immeuble[156] a priorité de rang par rapport à la créance hypothécaire syndiquée et devra donc être insérée dans le calcul.
- Le Tribunal rappelle que, dans les différents dossiers soumis, les parties ont présenté des calculs avec différents numérateurs : parfois le solde du prêt, parfois le montant du prêt et parfois le montant de l’hypothèque. Dans son tableau d’analyse des créances hypothécaires syndiquées, les intimés présentent deux calculs pour obtenir le numérateur du dossier présentement analysé. Le premier calcul additionne le montant du prêt de la créance hypothécaire syndiquée[157] au montant de l’hypothèque de la créance ayant priorité de rang[158]. Le deuxième calcul additionne le montant du prêt de la créance hypothécaire syndiquée[159] au solde de l’hypothèque de la créance ayant priorité de rang[160].
- Bien que l’Autorité ne se soit pas prononcée spécifiquement pour ce dossier, elle a présenté des exemples de calcul pour d’autres dossiers dans lesquels elle utilise, pour calculer le numérateur nécessaire au calcul du critère c), soit le montant du prêt, soit le montant de l’hypothèque.
- Or, même si le Tribunal additionne les montants des hypothèques[161] respectives des deux créances garanties par l’immeuble, pour un total de 954 000 $[162], et divise le résultat par la juste valeur marchande de ce dernier, établie à 1 250 000 $ par un évaluateur agréé[163], le résultat n’excède pas 80 % de la juste valeur marchande de l’immeuble[164].
- Dans les circonstances, le Tribunal considère que le critère c) de la définition de créance hypothécaire syndiquée admissible est rencontré.
- Les critères d), e) et f) de la définition de créance hypothécaire syndiquée admissible sont admis par l’Autorité et rien dans la preuve ne permet au Tribunal d’établir que ces critères ne sont pas rencontrés.
- Conséquemment, cette créance hypothécaire syndiquée est considérée comme « admissible » par le Tribunal. Le Tribunal conclut que le placement de la créance hypothécaire syndiquée dans le dossier 3e avenue, Québec est dispensé d’établir un prospectus en vertu du Règlement sur le placement de créances hypothécaires syndiquées.
- Même si ce dernier placement de créance hypothécaire syndiquée peut bénéficier d’une dispense de prospectus, tous les autres dossiers soumis au Tribunal n’en bénéficient pas.
- Comme Cedma Finance et Jocelyn Grégoire ont effectué des placements de créances hypothécaires syndiquées sans établir un prospectus visé par l’Autorité et sans bénéficier d’une dispense de prospectus dans tous les dossiers soumis au Tribunal à l’exception du dossier 3e avenue, Québec, le Tribunal conclut que Cedma Finance et Jocelyn Grégoire ont contrevenu à l’article 11 de la LVM.
4. Cedma Finance et Jocelyn Grégoire exercent-ils l’activité de courtier en valeurs mobilières sans être inscrits auprès de l’Autorité en contravention avec la LVM ?
- Puisque la créance hypothécaire syndiquée est une forme d’investissement visée par la LVM et que les intimés procèdent au placement de créances hypothécaires syndiquées, le Tribunal doit déterminer si Cedma Finance et Jocelyn Grégoire exercent l’activité de courtier.
- Le Tribunal conclut que Cedma Finance et Jocelyn Grégoire exercent l’activité de courtier en valeurs mobilières sans être inscrits auprès de l’Autorité en contravention avec l’article 148 de la LVM.
- L’article 148 de la LVM prévoit que « [n]ul ne peut agir à titre de courtier, de conseiller ou de gestionnaire de fonds d’investissement, à moins d’être inscrit à ce titre. »
- L’Autorité produit de consentement avec les intimés une attestation d’absence d’inscription à titre de courtier pour Jocelyn Grégoire[165] et Cedma Finance[166].
- La notion de courtier est définie à l’article 5 de la LVM de la manière suivante :
« courtier » : toute personne qui exerce ou se présente comme exerçant les activités suivantes:
1° des opérations sur valeurs comme contrepartiste ou mandataire;
2° le placement d’une valeur pour son propre compte ou pour le compte d’autrui;
3° tout acte, toute publicité, tout démarchage, toute conduite ou toute négociation visant même indirectement la réalisation d’une activité visée au paragraphe 1° ou 2°;
- Le Tribunal a déjà conclu que Cedma Finance et Jocelyn Grégoire placent des créances hypothécaires syndiquées pour le compte des emprunteurs auprès des prêteurs[167]. De plus, il a été démontré que Cedma Finance et Jocelyn Grégoire font la promotion des créances hypothécaires syndiquées[168]. Toutefois, le Tribunal doit déterminer si Cedma Finance et Jocelyn Grégoire exercent l’activité de courtier afin de conclure s’ils devaient s’inscrire à ce titre.
- Bien que l’Instruction générale relative au Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription et les obligations continues des personnes inscrites[169] n’ait pas force de loi, elle sert de guide pour aider le Tribunal à déterminer si une inscription est requise.
- L’Instruction générale 31-103 prévoit des exemples d’inscription en fonction de l’exercice de l’activité[170], mais aucun de ces exemples ne s’applique aux activités de Cedma Finance et de Jocelyn Grégoire.
- Ainsi, le Tribunal doit analyser celles-ci en fonction des facteurs généraux de détermination de l’exercice de l’activité prévus à l’Instruction générale 31-103 afin de déterminer si une personne exerce l’activité de courtier et se trouve par conséquent dans l’obligation de s’inscrire auprès de l’Autorité. Voici ces facteurs et comment ils s’appliquent dans le cas de Cedma Finance et Jocelyn Grégoire.
- Pour plus de détails concernant l’image corporative, le démarchage et le modèle d’affaires de Cedma Finance, le Tribunal réfère aux faits relatés à la section portant sur la LDPSF.
- L’exercice d’activités analogues à celles des personnes inscrites[171]
- Jocelyn Grégoire présente Cedma Finance comme une entreprise spécialisée en financement hypothécaire privé. Cedma Finance fait la promotion de son service personnalisé de solutions innovantes en hypothèque privée et du service clé en main de gestion de prêts. Cedma Finance, dans son document publicitaire, invite les investisseurs à choisir un placement à l'abri des soubresauts de l'économie et donc, plus sécuritaire. Elle invite les investisseurs à faire un investissement passif[172]. Jocelyn Grégoire invite les investisseurs à communiquer avec lui pour faire un investissement clé en main, un placement et à faire un rendement passif[173]. Il invite des investisseurs à devenir des prêteurs privés dans des événements de « Lunch & Learn »[174]. Cedma Finance et Jocelyn Grégoire font ainsi de la promotion afin que des investisseurs concluent des créances hypothécaires syndiquées et conséquemment, ils exercent des activités analogues à celles des personnes inscrites.
- Le fait d’agir à titre d’intermédiaire ou de teneur de marché[175];
- La preuve présentée par les parties et détaillée précédemment dans la section qui décrit l’image corporative et le modèle d’affaires des intimés démontre qu’ils agissent à titre d’intermédiaire entre des emprunteurs et des prêteurs. Ils se chargent de structurer les prêts à l’égard des emprunteurs et de conclure auprès de plusieurs coprêteurs des prêts syndiqués garantis par hypothèque immobilière qui constituent les créances hypothécaires syndiquées, et ce, contre rémunération. Cette activité s’apparente à celle d’un courtier en valeurs mobilières qui agit pour un émetteur de titres dans le cadre d’un placement privé auprès de souscripteurs desdits titres.
- Le fait d’exercer l’activité, directement ou indirectement, de façon répétitive, régulière ou continue[176];
- Cedma Finance et Jocelyn Grégoire exercent l’activité de courtier, directement, de façon répétitive, régulière et continue, car pour chacun des dossiers présentés devant le Tribunal, Cedma Finance ne prête jamais seule aux emprunteurs. Le prêt garanti par hypothèque immobilière est toujours syndiqué auprès des coprêteurs. Le placement de créances hypothécaires syndiquées fait donc partie intégrante de l’opération de prêt. Même si Cedma Finance et Jocelyn Grégoire exercent d’autres activités comme la gestion des prêts, l’activité de placement de créances hypothécaires syndiquées n’est pas accessoire aux activités de Cedma Finance et de Jocelyn Grégoire, car elle est toujours présente et même essentielle au modèle d’affaires des intimés. De plus, Cedma Finance et Jocelyn Grégoire exercent cette activité de manière continue depuis des années.
- Le fait d’être ou de s’attendre à être rémunéré[177];
- L’Opportunité de financement envoyée aux prêteurs contient toujours un taux d’intérêt moindre[178] que celui accepté par l’emprunteur, la différence pouvant varier entre 2 % et 4 %. En effet, les prêteurs acceptent de céder à Cedma Finance une partie des intérêts payables par l’emprunteur sur le prêt pour la compenser de son travail dans l’accomplissement de ses fonctions[179]. Cedma Finance prétend qu’elle reçoit cette rémunération à titre de gestionnaire de prêts. Plusieurs coprêteurs témoignent qu’ils savent que Cedma Finance touche cette rémunération pour la mise en place et la gestion des prêts. Le Tribunal accepte cette explication.
- Le Tribunal rappelle que selon les conditions prévues à l’Offre de financement, l’emprunteur s’engage à payer à Cedma Finance des frais d’engagement qui représentent approximativement 4 % du montant emprunté, payable sur acceptation des conditions prévues à l’Offre de financement.
- Ce montant est payable par l’emprunteur pour obtenir son financement et ce financement se concrétise par les montants obtenus des coprêteurs qui souscrivent les créances hypothécaires syndiquées. Cette situation est analogue à celle d’un émetteur qui paie une commission à un courtier qui trouve des souscripteurs dans le cadre d’un placement privé même si, dans notre cas, une partie du montant sert aussi à l’analyse du dossier. De la même manière, un courtier qui accepte de placer des titres d’un émetteur dans le cadre d’un placement privé doit aussi faire une analyse de la situation de l’émetteur.
- De plus, le Tribunal rappelle que durant son interrogatoire en chef, Jocelyn Grégoire admet recevoir des revenus de la part de Cedma Finance lesquels varient entre 25 % et 30 %. Ainsi, le Tribunal conclut que Cedma Finance et Jocelyn Grégoire sont rémunérés pour leurs placements de créances hypothécaires auprès des coprêteurs.
- Le démarchage direct ou indirect[180].
- Le fait d’entrer en communication avec des prêteurs potentiels, par un quelconque moyen, pour leur proposer de participer, en groupe, à la conclusion d’un prêt garanti par hypothèque immobilière constitue du démarchage visant le placement d’une créance hypothécaire syndiquée.
- Le Tribunal souligne que le seul argument soumis par les intimés pour réfuter la prétention de l’Autorité selon laquelle ils exercent à titre de courtier est l’absence, de leur part, de rechercher et de trouver des investisseurs. Les intimés qualifient les prêteurs de partenaires d’affaires et ce sont eux qui communiquent avec les intimés. Le Tribunal ne peut souscrire à cet argument.
- Plus particulièrement, le Tribunal rappelle qu’une fois que Cedma Finance conclut, par l’entremise de Jocelyn Grégoire, l’Offre de financement avec l’emprunteur et en fixe les conditions, ils cherchent et trouvent des prêteurs pour en assumer les obligations en leur transmettant par courriel des Opportunités de financement. La transmission de ces courriels constitue du démarchage, au sens de la définition de courtier en valeurs prévue à l’article 5 de la LVM.
- La sollicitation d’investisseurs sur Internet, comme celle effectuée par exemple par l’entremise de la page LinkedIn de Cedma Finance[181], sa page Facebook[182], son site Internet[183], un document publicitaire[184], les vidéos dans lesquels Jocelyn Grégoire participe sur YouTube[185] et par l’entremise des médias sociaux de Jocelyn Grégoire[186], a été reconnue à maintes reprises[187] comme constituant du démarchage.
- Suivant l’analyse des facteurs de détermination de l’exercice de l’activité prévus à l’Instruction générale 31-103, le Tribunal est d’avis que Cedma Finance et Jocelyn Grégoire exercent l’activité de courtier, sans être inscrits, en contravention avec l’article 148 de la LVM.
Remarques sur la double exigence d’inscription
- En 2018, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (« ACVM ») ont publié pour consultation les projets de Règlement modifiant le Règlement 45-106, de Règlement modifiant le Règlement 31-103 et de Modification de l’Instruction générale relative au Règlement 45-106 concernant les créances hypothécaires syndiquées et ont procédé à des consultations auprès de l’industrie.
- Le Tribunal constate à la lecture des résumés des commentaires et réponses de l’Annexe A[188] d’un avis de 2020 des ACVM que plusieurs intervenants du marché s’attendaient à ce que des courtiers hypothécaires puissent participer aux placements de créances hypothécaires syndiquées.
- Par ailleurs, on retrouve à l’Annexe B de cet avis[189] une référence précise à la réglementation locale en ce qui concerne le courtage hypothécaire. En effet, dans cet avis, on explique la décision prise quant à l’absence de dispense d’inscription pour le placement de créances hypothécaires syndiquées admissibles au Québec parce que l’Autorité a adopté, le 1er mai 2020, la réglementation locale encadrant le courtage hypothécaire, et qu’à ce moment elle était d’avis qu’il serait prématuré de proposer une dispense d’inscription en faveur des personnes qui placent de telles créances au Québec, alors que ces personnes seraient inscrites en courtage hypothécaire. Or à ce jour, aucune dispense d’inscription à titre de courtier n’a été adoptée par l’Autorité en faveur des courtiers hypothécaires.
- Les ACVM rappelaient la nécessité, dépendamment des circonstances, d’avoir la double inscription, c’est-à-dire à titre de courtier hypothécaire selon la législation provinciale applicable et à titre de courtier en valeurs mobilières. La catégorie d’inscription comme courtier en valeurs mobilières préconisée était celle du courtier sur le marché dispensé assortie de conditions reflétant la nature particulière des créances hypothécaires.
- Le Tribunal estime que dans le cas présent, en raison de la nature des activités exercées par les intimés, cette double inscription était nécessaire. Ils sont assujettis à la LDPSF pour ce qui est de leurs activités de courtage hypothécaire et ils sont assujettis à la LVM pour ce qui est de leurs activités de placement de créances hypothécaires syndiquées.
c. Contraventions aux mesures provisoires
- L’Autorité soutient que les intimés ont contrevenu aux ordonnances prononcées dans la Décision provisoire en poursuivant leurs activités de courtage hypothécaire visées par la LDPSF et en poursuivant l’exercice de l’activité de courtier en valeurs mobilières visées par la LVM. L’Autorité soutient aussi que les intimés ont omis de retirer toute publicité, diffusée notamment sur les réseaux sociaux, en lien avec leurs activités.
- En conséquence du non-respect allégué de la Décision provisoire, l’Autorité demande au Tribunal d’imposer solidairement aux intimés une pénalité administrative de 200 000 $ et de prononcer une ordonnance les enjoignant de remettre à l’Autorité le montant de 86 015 $ obtenus par suite des contraventions à la Décision provisoire. Les intimés sont plutôt d’avis que la Décision provisoire n’est pas exécutoire. Malgré leur bonne volonté, ils n’ont pas été en mesure de la respecter en raison de son manque de clarté.
L’obligation de respecter les décisions des tribunaux
- Tant la LVM[190] que la LDPSF[191] prévoient que quiconque contrevient à une décision de l’Autorité ou du Tribunal commet une infraction.
- Afin de déterminer si les intimés ont fait défaut de respecter les ordonnances prononcées dans la Décision provisoire, le Tribunal réfère principalement à une décision récente de l’honorable juge Daniel Urbas de la Cour supérieure dans Jetté c. 955 René-Lévesque Est[192]. Même si la décision est rendue dans le cadre d’une procédure pour outrage au tribunal en vertu du Code de procédure civile, laquelle est de nature quasi pénale, certains des principes résumés par la Cour supérieure s’appliquent en l’espèce. Le défendeur invoquait d’ailleurs, comme dans le présent dossier, son impossibilité de respecter les ordonnances de sauvegardes prononcées par la Cour supérieure en raison de leur manque de clarté.
- Dans cette affaire, le juge Urbas procède à une révision exhaustive des principes applicables au respect des décisions des tribunaux. Le Tribunal adhère entièrement à ce qu’il qualifie de principe directeur en matière de respect des décisions des tribunaux, décrit dans l’affaire Jetté de la façon suivante :
[6] À moins qu’un juge habilité à le faire ne suspende son effet, une ordonnance du tribunal doit être respectée jusqu'à ce qu'elle expire selon ses propres termes, soit annulée, ou soit modifiée ou renversée en appel.
[Références omises]
- Afin de déterminer si les intimés ont contrevenu à la Décision provisoire, l’Autorité doit prouver de façon prépondérante que :
- les ordonnances prononcées par le Tribunal dont elle allègue le non-respect sont claires de telle sorte que les intimés savaient ce que le Tribunal leur commande de faire, ou de ne pas faire, et la nature des gestes requis, ou défendus;
- les intimés connaissaient l’existence des ordonnances prononcées dans la Décision provisoire; et
- les intimés ont posé les gestes que les ordonnances leur défendaient de poser ou n'ont pas fait ce que les ordonnances leur commandaient de faire[193].
- Le Tribunal comprend de l’analyse effectuée dans l’affaire Jetté que, pour évaluer leur clarté, les ordonnances doivent être lues et interprétées à la lumière de l’ensemble des motifs de la décision[194].
- Le Tribunal doit également tenir compte du contexte et des circonstances spécifiques dans lesquels les ordonnances sont prononcées[195]. En effet, des ordonnances prononcées dans le cadre de procédures injonctives urgentes sont interprétées avec moins de formalisme que celles prononcées dans une décision finale[196].
- Le Tribunal ajoute qu’il faut également tenir compte du débat qui a eu lieu devant lui en lien avec les ordonnances provisoires, incluant les arguments soulevés par les parties à ce moment.
- Essentiellement, tel qu’énoncé dans l’affaire Jetté :
[40] […] Les termes de l’Ordonnance impliquent non seulement le sens des mots utilisés, mais aussi « l'esprit dans lequel l'ensemble de la décision a été conçue par celui qui l'a rédigée ».
[Références omises]
- Ces principes doivent ultimement permettre au Tribunal de déterminer si les intimés pouvaient raisonnablement connaître les actes ou omissions visés par les ordonnances, qu’ils devaient respecter, prononcées dans la Décision provisoire.
- D’emblée, le Tribunal souligne que les ordonnances prononcées par le Tribunal dans la Décision provisoire n’ont pas été annulées, révoquées ou suspendues par un tribunal compétent. Le Tribunal précise également que malgré l’argument des intimés quant à leur incapacité de se conformer aux ordonnances en raison de leur manque de clarté, ils n’ont pas choisi de s’adresser au Tribunal afin de demander des clarifications ou des précisions ou le cas échéant, des instructions dans le but de faciliter l’exécution des ordonnances[197].
- Or, selon le Tribunal, les intimés ont effectivement contrevenu aux ordonnances prononcées dans la Décision provisoire et voici pourquoi.
- La clarté des ordonnances provisoires
- Rappelons qu’au moment où l’Autorité dépose auprès du Tribunal l’Acte introductif, celui-ci contient des demandes provisoires visant à interdire à Jocelyn Grégoire et à Cedma Finance d’agir respectivement à titre de courtier hypothécaire et à titre de cabinet dans la discipline du courtage hypothécaire et d’exercer l’activité de courtier en valeurs mobilières, et ce, jusqu’à ce que le Tribunal rende une décision finale sur le fond du litige.
- L’Autorité insiste auprès du Tribunal pour procéder de façon prioritaire sur ses demandes d’ordonnances provisoires dans le but d’interdire immédiatement aux intimés d’exercer les activités qu’elle alléguait illégales, étant d’avis que ces activités compromettaient la protection du public. L’Autorité propose au Tribunal de prononcer les ordonnances prévues dans les conclusions de l’Acte introductif.
- Le Tribunal a le pouvoir de prendre toute mesure propre à assurer le respect des dispositions des lois qui relève de sa compétence[198]. De plus, tant la LVM[199] que la LDPSF[200] prévoient spécifiquement le pouvoir du Tribunal « d’enjoindre » aux intimés de se conformer aux dispositions de la LVM et aux dispositions de la LDPSF. Il faut donc appliquer avec circonspection les décisions des tribunaux judiciaires qui concluent que des ordonnances enjoignant à une personne de respecter une disposition législative peuvent constituer une ordonnance invalide[201].
- Le Tribunal peut prononcer les mesures propres à assurer le respect des dispositions des lois qui relève de sa compétence tant de façon provisoire que de façon permanente à la suite de l’instruction sur le fond de l’affaire. Plus particulièrement, la LESF prévoit que le Tribunal peut « rendre toute ordonnance, y compris une ordonnance provisoire, qu’il estime propre à sauvegarder les droits des parties ou lorsque la protection du public l’exige. »[202]
- Or, dans la Décision provisoire, le Tribunal conclut que l’Autorité a présenté une preuve prima facie de l’existence de manquements graves par les intimés tant à la LVM qu’à la LDPSF, exigeant une intervention immédiate du Tribunal.
- L’analyse du Tribunal lui permettant de prononcer les ordonnances provisoires est développée dans les 35 pages de la Décision provisoire laquelle comporte quelques 204 paragraphes.
- Toujours dans la Décision provisoire, le Tribunal décrit les intimés et le modèle d’affaires qu’ils ont adopté[203]. Le Tribunal reprend les arguments de l’Autorité quant aux manquements allégués tant à la LDPSF qu’à la LVM tout en tenant compte des arguments des intimés[204]. Le Tribunal procède à la démonstration de l’existence de manquements, sur une base prima facie, tant à la LDPSF qu’à la LVM[205].
- Essentiellement, le Tribunal conclut que Jocelyn Grégoire agirait à titre de courtier hypothécaire sans être titulaire d’un certificat délivré par l’Autorité et que Cedma Finance agirait à titre de cabinet en courtage sans être inscrit auprès de l’Autorité[206].
- Le Tribunal conclut également que les intimés exerceraient l’activité de courtier et de conseiller en valeurs mobilières sans être inscrits en se livrant plus particulièrement à des activités de démarchage auprès de prêteurs investisseurs au sens de la définition de courtier prévue à l’article 5 de la LVM. Les activités de courtier et de conseiller visaient le placement de créances hypothécaires syndiquées en incitant des prêteurs à participer à des prêts hypothécaires[207].
- Plus particulièrement, le Tribunal précise que le fait d’entrer en communication avec des prêteurs potentiels par un quelconque moyen constituerait du démarchage[208]. De plus, le Tribunal établit que la transmission des Opportunités de financement aux prêteurs constituerait aussi du démarchage[209], tout comme la sollicitation d’investisseurs sur Internet, comme celle effectuée par l’entremise des médias sociaux[210]. Au surplus, le Tribunal conclut que les intimés exerceraient aussi l’activité de conseiller en préparant les dossiers de financement des emprunteurs recommandés aux prêteurs[211].
- Par ailleurs, malgré leur prétention, les intimés comprenaient bien le but des ordonnances sollicitées par l’Autorité, car ils ont argumenté, lors de la présentation des demandes provisoires, que les ordonnances sollicitées entraîneraient des conséquences désastreuses sur eux tant au niveau financier que réputationnel[212]. Selon eux, les ordonnances souhaitées étaient draconiennes en ce qu’elles auraient le même effet que des ordonnances permanentes et mettraient un terme définitif à leurs activités commerciales[213].
- En conséquence des manquements constatés par le Tribunal pour les raisons mentionnées dans la Décision provisoire, le Tribunal prononce les ordonnances suivantes :
ENJOINT aux intimés Jocelyn Grégoire et 9256-7619 Québec inc. (Cedma Finance) de se conformer aux dispositions de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;
ORDONNE aux intimés Jocelyn Grégoire et 9256-7619 Québec inc. (Cedma Finance) de cesser de se présenter et d’agir à titre de courtier hypothécaire et de cabinet qui offre des produits et services dans la discipline du courtage hypothécaire sans être inscrits auprès de l’Autorité des marchés financiers;
INTERDIT aux intimés Jocelyn Grégoire et 9256-7619 Québec inc. (Cedma Finance) d’exercer l’activité de courtier et de conseiller au sens de la Loi sur les valeurs mobilières, incluant notamment toute promotion ou tout démarchage par Internet, par les médias sociaux, notamment par le biais des pages Facebook « Mordus d’immobilier » et/ou « Cedma Finance », ou autrement;
ORDONNE aux intimés Jocelyn Grégoire et 9256-7619 Québec inc. (Cedma Finance) de fournir à l'Autorité des marchés financiers une liste des prêts en cours, pour lesquels un acte de prêt hypothécaire a été conclu en date de la présente décision;
PERMET aux intimés Jocelyn Grégoire et 9256-7619 Québec inc. (Cedma Finance) de poursuivre et finaliser l'exécution de la gestion des prêts en cours conformément à leurs obligations contractuelles et sans rechercher et/ou trouver des emprunteurs et/ou des prêteurs, et ce, pour la durée de l'instance jusqu'au jugement final à intervenir;
ORDONNE aux intimés Jocelyn Grégoire et 9256-7619 Québec inc. (Cedma Finance) de retirer tout écrit ou contenu publié ou diffusé, directement ou indirectement, par Internet ou autrement, dont notamment sur des pages Facebook, en vue de se livrer à une opération de courtage hypothécaire et en vue d’exercer l’activité de courtier et de conseiller au sens de la Loi sur les valeurs mobilières;
REJETTE la demande des intimés Jocelyn Grégoire et 9256-7619 Québec inc. (Cedma Finance) pour une suspension provisoire de l’application des dispositions législatives dont la validité est contestée;
DÉCLARE que les ordonnances ci-haut prononcées sont provisoires et demeureront en vigueur jusqu’à ce que le Tribunal administratif des marchés financiers rende une décision finale à la suite de l’instruction sur le fond du dossier.
- Or, avec égards, toute personne raisonnable conclurait que les ordonnances prononcées visaient essentiellement à suspendre l’exercice des activités exercées, prima facie, illégalement par les intimés, pour les raisons amplement décrites dans la Décision provisoire, et ce, jusqu’à ce que le Tribunal se prononce sur le fond du dossier.
- Essentiellement, les intimés devaient mettre fin à l’ensemble de leurs démarches auprès des emprunteurs et des prêteurs visant la conclusion de nouveaux prêts hypothécaires.
- D’ailleurs, dans la Décision provisoire, le Tribunal souligne que l’Autorité lui demande de permettre aux intimés de conclure les actes de prêt hypothécaire en cours d’exécution sans toutefois poser aucun autre acte dans le but de rechercher et de trouver des emprunteurs et des prêteurs[214].
- Finalement dans la section Conclusion de la Décision provisoire, le Tribunal réitère certaines constatations et précise le but des ordonnances qu’il s’apprêtait à prononcer, à savoir que :
[198] La preuve prima facie présentée par les parties démontre que la protection du public justifie que le Tribunal prononce les ordonnances provisoires demandées afin de faire cesser toutes activités que Jocelyn Grégoire et Cedma Finance exerceraient en lien avec la conclusion de nouveaux prêts hypothécaires, et ce, jusqu’à ce que le Tribunal rende une décision finale sur le fond du dossier.
[…]
[200] Le Tribunal accepte de rendre les ordonnances recherchées par l’Autorité en ordonnant, dans l’intérêt public, aux intimés de cesser d’agir à titre de courtier hypothécaire et à titre de cabinet qui offre des produits et services dans la discipline du courtage hypothécaire sans être inscrits auprès de l’Autorité et en leur interdisant d’exercer l’activité de courtier et de conseiller au sens de la Loi sur les valeurs mobilières incluant en leur interdisant toute promotion ou tout démarchage par Internet, les médias sociaux ou autrement.
[201] Les intimés devront également retirer tout écrit et tout contenu publicitaire diffusé notamment sur les médias sociaux en vue de se livrer à une opération de courtage hypothécaire et en vue d’exercer l’activité de courtier et de conseiller en valeurs.
[Soulignement ajouté]
- Considérant le contexte urgent dans lequel le Tribunal entend les demandes provisoires de l’Autorité, les circonstances entourant la présentation des demandes et les motifs énoncés dans la Décision provisoire, le Tribunal conclut que les ordonnances étaient exécutoires et que les intimés devaient les respecter. Considérant les arguments des parties incluant la compréhension des intimés de la nature et l’étendue des ordonnances recherchées par l’Autorité, le Tribunal conclut que les intimés connaissaient les gestes que les ordonnances leur défendaient de poser et ceux qu’ils devaient poser afin de se conformer à la Décision provisoire.
- Le Tribunal ne peut passer sous silence le témoignage de Jocelyn Grégoire durant l’audience sur le fond lorsqu’il explique qu’il ne comprenait pas les ordonnances du Tribunal qui l’enjoignaient ou l’ordonnaient de cesser d’agir à titre de courtier en valeurs mobilières et à titre de courtier hypothécaire parce qu’il ne considérait pas agir ainsi. Dans la même optique, il dit ne pas comprendre les ordonnances du Tribunal l’ordonnant de respecter la LDPSF car il considérait la respecter. Ce témoignage laisse plutôt présager que les intimés ont fait défaut de respecter la Décision provisoire parce qu’ils étaient en désaccord avec celle-ci et non pas parce qu’ils ne la comprenaient pas.
- La connaissance de l’existence des ordonnances prononcées dans la Décision provisoire
- Selon la preuve administrée par les parties il n’y a aucun doute que les intimés connaissaient l’existence de la Décision provisoire et des ordonnances prononcées dans cette décision[215].
- Le non-respect des ordonnances prononcées dans la Décision provisoire
- La preuve administrée par l’Autorité, notamment la conclusion des Actes de prêt hypothécaire conclus après la Décision provisoire, permet au Tribunal de conclure que les intimés ont poursuivi leurs activités de courtage hypothécaire et d’exercice de l’activité de courtier.
- Plus particulièrement, la preuve administrée par l’Autorité permet au Tribunal de conclure que les intimés ont fait défaut de retirer tout écrit ou contenu publié ou diffusé, directement ou indirectement, par Internet ou autrement, dont notamment sur des pages Facebook de Jocelyn Grégoire et de Cedma Finance[216]. Lors de son témoignage devant le Tribunal, Jocelyn Grégoire admet qu’il n’a pas retiré ou apporté des changements aux contenus des médias sociaux étant d’avis qu’ils ne contenaient pas de la « publicité » et n'étaient donc pas visés par les ordonnances de Tribunal. Il ajoute cependant avoir arrêté de produire de nouvelles publications sur ses médias sociaux, ce qui de l’avis du Tribunal est insuffisant afin de respecter les ordonnances provisoires.
- De plus, la preuve de l’Autorité démontre que Jocelyn Grégoire a participé à une entrevue médiatisée sur YouTube en juillet 2024[217] dans laquelle il expose les activités commerciales de Cedma Finance, lesquelles sont essentiellement identiques à celles décrites dans la Décision provisoire.
- En contravention des ordonnances provisoires, les intimés ont continué de poser des gestes, tant auprès d’emprunteurs que de prêteurs, visant la conclusion de prêts hypothécaires et, ultimement, la signature d’actes de prêt hypothécaire. Entre les mois de février 2024 et novembre 2024, les intimés ont agi à titre d’intermédiaire dans la signature de 13 Actes de prêt hypothécaire conclus après la Décision provisoire.
- Après la Décision provisoire, les intimés sont entrés en communication avec des emprunteurs et des prêteurs, ont procédé à l’analyse des dossiers des emprunteurs, ont soumis des Offres de financement aux emprunteurs[218] et des Opportunités de financement aux prêteurs[219] et ils ont donné instruction au notaire instrumentant en s’assurant de la signature des Actes de prêt hypothécaire conclus après la Décision provisoire.
- Or, le Tribunal précise que même si Cedma Finance participe à la majorité des Actes de prêt hypothécaire conclus après la Décision provisoire en prêtant de modiques sommes, alors qu’elle ne participait pas aux Actes de prêt hypothécaire analysés par le Tribunal lors de la présentation des demandes provisoires de l’Autorité, le Tribunal considère que les intimés ont quand même fait défaut de respecter la Décision provisoire. Tout d’abord cette participation de Cedma Finance n’a pas d’impact sur les conclusions du Tribunal voulant que les intimés exerçaient l’activité de courtier en vertu de la LVM ni sur leur obligation de cesser de faire du démarchage. En ce qui concerne la LDPSF, pour les mêmes motifs expliqués dans la section portant sur cette question, le Tribunal est d’avis que la participation de Cedma Finance à titre de prêteur n’a aucune conséquence sur l’obligation des intimés de se conformer à la Décision provisoire.
II. Financement d’une société en commandite
6. Jocelyn Grégoire, par l’intermédiaire de la société 9405-9276 Québec inc., a-t-il procédé au placement de parts de Projet PL sans prospectus ou sans bénéficier d’une dispense de prospectus en contravention avec la LVM?
- Le Tribunal conclut que Jocelyn Grégoire, par l’intermédiaire de la société 9405-9276 Québec inc., a procédé au placement de parts de Projet PL sans prospectus et sans bénéficier d’une dispense de prospectus.
- En 2019, Jocelyn Grégoire détient des immeubles locatifs avec un partenaire d’affaires qui souhaite se retirer. Certains des immeubles seraient financés par des prêteurs privés à un taux d’intérêt plus élevé que ceux offerts par les institutions financières traditionnelles. Jocelyn Grégoire témoigne qu’il est à l’aise avec cette situation, car il fait affaire avec des prêteurs privés depuis le début de ses acquisitions immobilières il y a plusieurs années.
- Selon son témoignage, François Bélanger entre en fonction comme directeur général de Cedma Finance en mars 2017. Il quitte Cedma Finance à la fin de l’année 2020. Le Tribunal comprend que François Bélanger est un investisseur, un gestionnaire immobilier et un « prêteur hypothécaire privé ».
- Jocelyn Grégoire et François Bélanger s’entendent afin que ce dernier remplace le partenaire de Jocelyn Grégoire qui souhaite se retirer du projet d’immeubles locatifs. Toutefois, selon le témoignage de Jocelyn Grégoire, François Bélanger est préoccupé des flux de trésorerie négatifs générés par le remboursement des prêts privés.
- Jocelyn Grégoire, son partenaire et François Bélanger mandatent une firme d’avocats spécialisée en services-conseils transactionnels et fiscalité afin de mettre en place une structure permettant le transfert des immeubles et le remboursement éventuel des prêts privés[220]. Ceci permet notamment de satisfaire des préoccupations financières de François Bélanger afin qu’il remplace le partenaire de Jocelyn Grégoire.
- Ainsi, le 15 octobre 2019, Jocelyn Grégoire et François Bélanger créent Projet PL en constituant une société en commandite[221]. À noter que la convention de société en commandite est signée le 16 octobre 2019[222].
- Selon les états financiers de Projet PL pour l’exercice terminé le 31 décembre 2020, la nature de ses activités est de détenir et exploiter, directement et indirectement, des immeubles locatifs[223].
- Les commanditaires initiaux de Projet PL sont Investissements Belabri inc., une société contrôlée par François Bélanger[224], 9405-9276 Québec, une société contrôlée par Jocelyn Grégoire et dont il est le président et secrétaire jusqu’au 11 décembre 2020[225] ainsi que 9406-0795 Québec inc., une société dont les titres sont la propriété véritable de Jocelyn Grégoire et de François Bélanger.
- 9406-1231 Québec inc. est le commandité de Projet PL (« Commandité »). L’actionnaire majoritaire du Commandité est 9331-5406 inc. François Bélanger et Jocelyn Grégoire sont des administrateurs du Commandité[226]. Jocelyn Grégoire demeure administrateur jusqu’au 11 décembre 2020, date à laquelle il se retire de Projet PL. L’activité du Commandité est celle d’exploitants de bâtiments résidentiels et de logements[227].
- Le but de Projet PL est d’acquérir 10 immeubles locatifs comptant 248 logements et un terrain afin d’en maximiser l’effet de levier[228], de récupérer les mises de fonds et de générer des rendements.
- Selon la convention de société en commandite, pour atteindre ses objectifs d’acquérir, d’exploiter, d’administrer les immeubles, Projet PL est constitué de 12 800 676 parts divisées à parts égales entre deux des commanditaires initiaux (soit 6 400 338 parts émises à Investissements Belabri inc. et 6 400 338 parts émises à 9405-9276 Québec inc.) représentant 70 % des intérêts dans Projet PL, ainsi que de 5 486 004 parts émises à 9406-0795 Québec inc. représentant 30 % des intérêts dans Projet PL[229].
Le placement de parts de Projet PL
- L’article 1 de la LVM mentionne les différentes formes d’investissement auxquelles la loi s’applique. À cette liste s’ajoutent les parts des sociétés en commandite en vertu de l’article 1.7 du Règlement sur les valeurs mobilières[230].
- Les parts de Projet PL sont donc une forme d’investissement soumise à la LVM et à ses règlements.
- L’article 11 de la LVM prévoit que « [t]oute personne qui entend procéder au placement d’une valeur est tenue d’établir un prospectus soumis au visa de l’Autorité. La demande de visa est accompagnée des documents prévus par règlement. »
- Le fait par Projet PL de trouver des souscripteurs de ses parts constitue des placements en vertu du paragraphe 1 de la définition de placement prévue à l’article 5 de la LVM. Toutefois, ces placements sont dispensés de l’obligation de prospectus en vertu de l’article 2.4 du Règlement 45-106. En effet, au moment de sa création, Projet PL compte moins de 50 porteurs et la convention de société en commandite prévoit des restrictions à la libre cession[231]. Jocelyn Grégoire et François Bélanger sont les fondateurs de la société en commandite et ils sont majoritairement les administrateurs du Commandité. Les placements initiaux des parts de Projet PL sont effectués auprès de personnes de la catégorie (j) du paragraphe 2 de l’article 2.4 du Règlement 45-106. Ceci n’est pas contesté.
- Cependant la situation est différente lors de la vente ou le transfert subséquent des parts de Projet PL.
- Selon les témoignages recueillis lors de l’audience, François Bélanger et Jocelyn Grégoire sont perçus comme des partenaires d’affaires à parts égales dans Projet PL, et ce, dès sa conception en 2019 jusqu’en décembre 2020 lorsque Jocelyn Grégoire quitte Projet PL.
- Durant cette période, des investisseurs sont invités à acquérir des parts de Projet PL. 15 porteurs de parts de Projet PL témoignent au sujet de leurs investissements lors de l’audience. La plupart participe à un webinaire annoncé sur la page Facebook des Mordus de l’immobilier[232] durant lequel Projet PL est présenté. Ensuite, ils prennent rendez-vous et s’entretiennent principalement avec Jocelyn Grégoire au sujet de Projet PL. Des documents d’information promotionnels leur sont remis[233]. Les documents de Projet PL prévoient le remboursement du capital investi par les investisseurs après une période de 36 mois et ensuite un rendement sur investissement est promu. Dans certains cas, les investisseurs rencontrent Jocelyn Grégoire à son bureau et François Bélanger leur est présenté.
- Typiquement, l’avocat de Projet PL invite les investisseurs à transmettre la somme représentant le prix d’achat de leurs parts dans son compte en fidéicommis lorsque l’achat est réalisé en effectuant un paiement. Dans les jours qui suivent, ils reçoivent une invitation à signer électroniquement les documents juridiques relatifs à l’achat des parts. À la suite de la signature des documents, l’avocat de Projet PL transmet les fonds remis en fidéicommis par l’investisseur à Projet PL. Une fois ces étapes complétées, les investisseurs deviennent des commanditaires de Projet PL[234].
- Les contrats de vente interviennent entre Investissements Belabri inc. (société de François Bélanger) et 9405-9276 Québec inc. (société de Jocelyn Grégoire) à titre de vendeurs et une société représentée par les individus investisseurs à titre d’acquéreur. Les contrats prennent la forme de convention de transfert de parts[235] ou de convention de transfert de parts et de cession de créances[236]. Dans les deux cas, Investissements Belabri inc. et 9405-9276 Québec inc. vendent, cèdent et transportent des parts qu’ils détiennent à parts égales dans Projet PL à l’acquéreur. Dans le cas de la convention de transfert de parts, le prix de vente est payable par la prise en charge par l’acquéreur de l'obligation d’Investissements Belabri inc. et 9405-9276 Québec inc. de fournir leur apport initial à Projet PL, mais à raison seulement d'un montant égal au prix de vente. Dans le cas de la convention de transfert de parts et de cession de créance, le prix de vente est payable par la cession par l’acquéreur, de tous ses droits, titres et intérêts dans une créance au bénéfice d’Investissements Belabri inc. et 9405-9276 Québec inc. d’un montant correspondant au prix d’achat des parts.
- Il est démontré lors de l’audience que Jocelyn Grégoire cède des parts de Projet PL qu’il détient par l’entremise de 9405-9276 Québec inc. à 15 personnes[237]. De ce fait, Jocelyn Grégoire trouve des acquéreurs de titres, ce qui constitue un placement en vertu du paragraphe 3 de la définition de placement prévue à l’article 5 de la LVM, à moins qu’il bénéficie d’une dispense définitive de prospectus[238].
- Par ailleurs, contrairement à l’argument de l’Autorité, le Tribunal n’exclut pas la souscription des parts effectuée par 9420-5846 Québec inc.[239] en raison de l’implication prédominante de François Bélanger, car même sans sollicitation de l’acquéreur, Jocelyn Grégoire a effectué le placement en lui cédant des parts de Projet PL.
L’existence de la dispense de prospectus de l’émetteur fermé
- Les parties admettent que Projet PL n’a pas déposé de déclaration de placement avec dispense ni prospectus ou bénéficié d’un visa de prospectus ou encore, d’une dispense d’effectuer un tel dépôt, émis par l’Autorité[240].
- Il convient donc de déterminer si, pendant la période pertinente, c’est-à-dire jusqu’au moment où Jocelyn Grégoire quitte Projet PL, les placements de parts de Projet PL devaient faire l’objet d’un prospectus ou si une dispense était applicable, dont celle d’émetteur fermé, au sens du Règlement 45-106, comme invoqué par Jocelyn Grégoire.
- Le Tribunal conclut que Projet PL n’est pas un émetteur fermé pendant la période pertinente et les placements des parts de Projet PL ne sont pas effectués sous le régime d’une dispense appropriée en vertu du Règlement 45-106.
- Comme mentionné, Projet PL pouvait se qualifier d’émetteur fermé au moment de sa création et ainsi bénéficier de la dispense de prospectus prévue à l’article 2.4 du Règlement 45-106. Qu’en est-il par la suite?
- Plusieurs conditions doivent être remplies afin de bénéficier de la dispense de prospectus pour les émetteurs fermés prévue à l’article 2.4 du Règlement 45-106.
- Le paragraphe 1 (a) de l’article 2.4 du Règlement 45-106 exige que l’émetteur ne soit pas un émetteur assujetti ou un fonds d’investissement. Projet PL remplit cette condition.
- Le paragraphe 1 (b) (i) de l’article 2.4 du Règlement 45-106 exige que les titres de l’émetteur soient assujettis à des restrictions à la libre cession qui sont contenues dans les documents constitutifs de l’émetteur ou dans des conventions entre les porteurs. Comme mentionné, la convention de société en commandite de Projet PL prévoit des restrictions à la libre cession[241]. En conséquence, Projet PL rencontre cette condition.
- Le paragraphe 1 (b) (ii) de l’article 2.4 du Règlement 45-106 exige que les titres de l’émetteur soient la propriété véritable d’au plus 50 personnes, à l’exception des salariés de l’émetteur ou des sociétés du même groupe.
- La preuve du nombre de commanditaires de Projet PL n’a pas été faite au moment des placements effectués par Jocelyn Grégoire. Selon les états financiers de Projet PL pour l’exercice terminé le 31 décembre 2020[242], Projet PL compte un peu plus de 50 porteurs même en excluant Investissements Belabri inc. et 9405-9276 Québec inc. Toutefois, Jocelyn Grégoire n’est plus impliqué dans Projet PL à cette date. De plus, lors de l’audience, l’intimé démontre des failles dans la liste de commanditaires contenue dans les états financiers de Projet PL, dont des sociétés inexistantes. L’effet de cette démonstration réduit le nombre de porteurs de Projet PL et ceci permet au Tribunal de continuer l’analyse des autres conditions applicables au placement de titres d’un émetteur fermé.
- Le paragraphe 1 (c) (i) de l’article 2.4 du Règlement 45-106 exige que l’émetteur n’ait placé ses titres qu’auprès de personnes visées au paragraphe 2 de l’article 2.4. Ce paragraphe prévoit donc que l’obligation de prospectus ne s’applique pas au placement de titres d’un émetteur fermé auprès d’un acquéreur qui acquiert les titres pour son propre compte et qui fait partie de l’une des catégories mentionnées dans ce paragraphe.
- Comme mentionné, au moment de sa création, les placements des parts de Projet PL sont effectués auprès de personnes de la catégorie (j) du paragraphe 2 de l’article 2.4 du Règlement 45-106.
- Ainsi, les acquéreurs de parts de Projet PL auprès d’Investissements Belabri inc. et de 9405-9276 Québec inc. incorporent ou utilisent des sociétés pour faire l’acquisition de leurs parts et remplissent une déclaration « DÉCLARATION (DISPENSE – ÉMETTEUR FERMÉ – ART. 2.4 DU RÈGLEMENT 45-106 SUR LES DISPENSES DE PROSPECTUS ET D’INSCRIPTION) » en cochant l’un des critères prévus à l’article 2.4 du Règlement 45-106[243].
- De plus, chaque commanditaire atteste dans la convention de société en commandite qu’il figure dans l’une des catégories d’investisseurs identifiés à l’article 2.4 du Règlement 45-106[244].
- Des conventions de transfert de parts de Projet PL et des déclarations des investisseurs relativement au Règlement 45-106 sont produites lors de l’audience[245]. Les déclarations contiennent un « x » dans une case d’un formulaire énumérant les catégories prévues au paragraphe 2 de l’article 2.4 du Règlement 45-106. Toutefois, plusieurs déclarations ne sont pas signées. De plus, aucun document n’accompagne les déclarations justifiant l’éligibilité des investisseurs. L’avocate de Jocelyn Grégoire mentionne au Tribunal que ce sont les seuls documents qu’elle a réussi à obtenir, car les avocats de Projet PL ne travaillent plus pour Jocelyn Grégoire, mais pour François Bélanger.
- Jocelyn Grégoire témoigne qu’il posait des questions aux investisseurs, mais aucune preuve n’a été faite qu’il s’assurait que toutes les personnes se qualifiaient dans une catégorie prévue au paragraphe 2 de l’article 2.4 du Règlement 45-106.
- Jocelyn Grégoire témoigne que les déclarations des investisseurs relativement au Règlement 45-106 sont vérifiées par les avocats de Projet PL. Toutefois, aucune preuve n’est produite des vérifications qui auraient pu être effectuées.
- Or, la dispense de prospectus pour le placement des titres d’un émetteur fermé est assortie de conditions précises. L’obligation de s’assurer de l’applicabilité d’une dispense ne repose pas uniquement sur l’émetteur mais bien sur toute personne qui désire s’en prévaloir[246]. Ainsi, la personne, comme Jocelyn Grégoire, qui souhaite bénéficier de la dispense pour le placement de titres d’un émetteur fermé a la responsabilité de vérifier que les conditions de cette dispense sont satisfaites[247].
- Ainsi, le Tribunal constate que Jocelyn Grégoire ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve de démontrer que les investisseurs étaient toutes des personnes se qualifiant dans une catégorie prévue au paragraphe 2 de l’article 2.4 du Règlement 45-106. Il ne pouvait pas se fier à une représentation contenue dans la convention de société en commandite ni à une déclaration des investisseurs relativement au Règlement 45-106 sans qu’une démonstration soit faite de la véracité du contenu des documents. Il n’a pas pris les mesures raisonnables pour confirmer que les conditions de la dispense étaient satisfaites.
- Les ACVM s’attendent qu’un vendeur obtienne des renseignements confirmant le respect des critères avant de s’entretenir du détail d’un investissement avec un souscripteur ou un acquéreur éventuel. Le vendeur ne peut se fier uniquement à un formulaire de souscription ou à un autre document portant simplement la mention « Je suis investisseur qualifié »[248]. La jurisprudence est claire qu’on ne peut pas supposer la disponibilité d’une dispense et que le vendeur ne devrait pas accepter un formulaire indiquant simplement qu’une personne est un investisseur qualifié sans que l’investisseur précise pourquoi il se qualifie[249].
- Le Tribunal remarque que les 15 investisseurs à qui l’Autorité reproche à Jocelyn Grégoire d’avoir procédé à un placement sans bénéficier de la dispense de l’émetteur fermé témoignent lors de l’audience sans qu’aucune question ne soit posée au sujet des déclarations.
- Le Tribunal considère que la condition exigée au paragraphe 1 (c) (i) de l’article 2.4 du Règlement 45-106 n’est pas remplie et, en conséquence, le Tribunal conclut que Projet PL n’est pas un émetteur fermé pendant la période pertinente et que les placements des parts de Projet PL ne sont pas effectués sous le régime d’une dispense appropriée en vertu du Règlement 45-106.
- Aucune autre dispense de prospectus n’a été alléguée par Jocelyn Grégoire afin de justifier ses placements de parts de Projet PL.
- Comme Jocelyn Grégoire a effectué des placements de parts de Projet PL qu’il détient par l’entremise de 9405-9276 Québec inc. auprès de 15 investisseurs sans établir un prospectus visé par l’Autorité et sans bénéficier d’une dispense de prospectus, le Tribunal conclut que Jocelyn Grégoire a contrevenu à l’article 11 de la LVM.
- Le Tribunal doit alors déterminer si les activités réalisées par Jocelyn Grégoire déclenchent l’obligation d’inscription à titre de courtier.
7. Jocelyn Grégoire devait-il s’inscrire à titre de courtier conformément à la LVM pour effectuer des placements de parts de Projet PL?
- Le Tribunal conclut que Jocelyn Grégoire n’exerce pas comme courtier lors de ses placements de parts de Projet PL et n’avait pas à s’inscrire à ce titre.
- L’article 148 de la LVM prévoit que « [n]ul ne peut agir à titre de courtier, de conseiller ou de gestionnaire de fonds d’investissement, à moins d’être inscrit à ce titre. »
- L’Autorité produit de consentement avec les intimés une attestation d’absence d’inscription à titre de courtier pour Jocelyn Grégoire[250] et 9405-9276 Québec inc.[251].
- La notion de courtier est définie à l’article 5 de la LVM de la manière suivante :
«courtier» : toute personne qui exerce ou se présente comme exerçant les activités suivantes:
1° des opérations sur valeurs comme contrepartiste ou mandataire;
2° le placement d’une valeur pour son propre compte ou pour le compte d’autrui;
3° tout acte, toute publicité, tout démarchage, toute conduite ou toute négociation visant même indirectement la réalisation d’une activité visée au paragraphe 1° ou 2°;
- Le Tribunal conclut que Jocelyn Grégoire place des parts de Projet PL qu’il détient par l’entremise de 9405-9276 Québec inc.[252]. De plus, il a été démontré que Jocelyn Grégoire fait la promotion d’un investissement dans une société en commandite sur la page Facebook des Mordus de l’immobilier[253] en invitant les gens à participer à un webinaire où Projet PL est présentée[254]. Toutefois, le Tribunal doit déterminer si Jocelyn Grégoire exerce l’activité de courtier afin de conclure s’il devait s’inscrire comme courtier.
- Bien que l’Instruction générale 31-103 n’ait pas force de loi, elle sert de guide pour aider le Tribunal à déterminer si une inscription est requise.
- En effet, l’Instruction générale 31-103 établit des facteurs afin de déterminer si une personne exerce l’activité de courtier et se trouve par conséquent dans l’obligation de s’inscrire auprès de l’Autorité.
- L’Instruction générale 31-103 prévoit également des exemples d’inscription en fonction de l’exercice de l’activité, dont celui d’émetteurs-placeurs[255].
- Selon l’Instruction générale 31-103, l’émetteur-placeur est une entité qui effectue des opérations sur les titres qu’elle émet. Dans le cas de Projet PL, les parts sont transférées par Jocelyn Grégoire et François Bélanger auprès des investisseurs afin de capitaliser Projet PL.
- Selon l’Instruction générale 31-103, les ACVM sont de l’avis suivant :
Nous considérons qu’un émetteur-placeur en démarrage exerce une « activité non liée aux valeurs mobilières » s’il réunit du capital pour démarrer un tel type d’activité. Bien qu’il n’ait pas à produire un bien ni à offrir un service, il devrait avoir un plan d’affaires prévoyant réellement le faire, lequel devrait énoncer les jalons ainsi que le délai prévu pour les atteindre.
- Projet PL n’est pas créée pour la vente et la promotion de valeurs mobilières. La nature des activités de Projet PL est de détenir et exploiter, directement et indirectement, des immeubles locatifs[256]. L’activité du Commandité est celle d’exploitants de bâtiments résidentiels et de logements[257]. Ces activités ne sont pas liées aux valeurs mobilières.
- Même si les immeubles détenus par Projet PL sont déjà en partie la propriété de Jocelyn Grégoire, Projet PL est un nouveau projet. En effet, le but de Projet PL est d’acquérir 10 immeubles locatifs comptant 248 logements et un terrain afin d’en maximiser l’effet de levier[258], de récupérer les mises de fonds et de générer des rendements. Le but est aussi de rembourser les prêteurs privés afin de générer des flux monétaires positifs. Ces objectifs devaient être atteints grâce aux investissements des commanditaires de Projet PL. Les capitaux réunis profitent et servent à lancer Projet PL tout en lui permettant de réaliser son plan d’affaires.
- Selon l’Instruction générale 31-103, les émetteurs-placeurs exerçant une activité non liée aux valeurs mobilières n’ont pas à s’inscrire comme courtier s’ils remplissent certaines conditions. Comme les activités de Projet PL sont non liées aux valeurs mobilières, le Tribunal applique ces critères :
- Projet PL ne se présente pas comme exerçant le courtage en valeurs mobilières;
- Projet PL n’agit pas comme courtier;
- Projet PL n’est pas et ne s’attend pas à être rémunéré pour agir comme courtier;
- Projet PL n’agit pas à titre d’intermédiaire;
- Projet PL ne réalise pas ou n’a pas l’intention de réaliser des bénéfices sur ses activités de courtage en valeurs mobilières[259].
- L’Instruction générale 31-103 précise que :
Bien que la fréquence des opérations soit un bon indicateur de l’exercice de l’activité de courtier, nous sommes conscients que les opérations peuvent être plus fréquentes en période de démarrage puisque l’émetteur a besoin de réunir des capitaux pour lancer et faire progresser son entreprise. Si les opérations sont effectuées principalement pour suivre le plan d’affaires de l’émetteur, leur fréquence ne devrait pas, en soi, permettre de conclure que l’émetteur exerce l’activité de courtier.
- Dans la décision Money Gate (Re)[260], la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario conclut à une activité de courtier, car des placements sont réalisés à 228 reprises sur une période de près de 3 ans amassant approximativement 11 000 000 $ auprès de plus de 150 investisseurs. Dans cette affaire, le produit des placements servait à investir de manière continue dans des hypothèques. L’entreprise avait atteint un état stable, elle n'était pas en phase de démarrage[261].
- Ce n’est pas le cas de Projet PL dont les placements s’effectuent sur une courte période, de 2019 à 2020, auprès d’un nombre limité d’investisseurs, et ce, pour réaliser le projet. Une fois le financement complété, les placements sont terminés. Le Tribunal considère que même si plusieurs placements ont lieu pendant cette période, il ne s’agit pas d’une activité continue et la fréquence des placements ne lui permet pas de conclure que Projet PL exerce l’activité de courtier.
- Dans les circonstances, le Tribunal considère que l’exemple des émetteurs-placeurs s’applique à Projet PL et qu’il est pertinent de l’examiner pour déterminer si Jocelyn Grégoire exerce comme courtier.
Cas d’application de l’émetteur-placeur
- L’Instruction générale 31-103 peut guider le Tribunal lorsqu’il détermine si un dirigeant, un administrateur ou un autre salarié, comme Jocelyn Grégoire, doit s’inscrire en fonction des activités accomplies pour un émetteur-placeur :
Bon nombre d’émetteurs font du démarchage par l’intermédiaire de dirigeants, d’administrateurs ou d’autres salariés. Si cette activité est accessoire à leur rôle principal auprès de l’émetteur, ces personnes n’exercent probablement pas l’activité de courtier. Parmi les facteurs qui laissent croire que l’émetteur et ces personnes exercent l’activité de courtier, on compte notamment:
- leur fonction première consiste à réunir des capitaux par le placement de titres de l’émetteur;
- elles consacrent la majorité de leur temps à réunir des capitaux de cette façon;
- leur rémunération est fondée uniquement ou principalement sur le montant des capitaux qu’elles réunissent pour l’émetteur.
- Pendant la période de lancement de Projet PL en 2019 et 2020, les témoins relatent au Tribunal que Jocelyn Grégoire a fait la promotion de Projet PL sur les réseaux sociaux et dans des webinaires. Ainsi, Jocelyn Grégoire, comme président du Commandité de Projet PL, a fait du démarchage.
- Toutefois, les activités de Jocelyn Grégoire ne sont pas limitées au placement des parts de Projet PL. À titre de président du Commandité, il est responsable de la gestion et du bon fonctionnement de Projet PL avec François Bélanger, et ce, même si la gestion quotidienne des immeubles est assurée par d’autres personnes. La preuve permet au Tribunal de conclure que Jocelyn Grégoire ne consacre pas la majorité de son temps à réunir des capitaux.
- Dans la décision Money Gate (Re)[262], la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario conclut qu’un des intimés agit à titre de courtier, car son salaire est lié aux placements qu’il réalise. Ce n’est pas le cas de Jocelyn Grégoire. Aucune preuve n’est produite à l’effet que Jocelyn Grégoire reçoit quelque rémunération que ce soit fondée sur le montant des capitaux levés pour Projet PL, ni même s’il est rémunéré pour ses activités dans Projet PL.
- L’Autorité soumet que, pour les fins de l’application des critères de l’Instruction générale 31-103, la rémunération inclut les sommes reçues découlant du placement des parts de projet PL. Le Tribunal n’est pas d’accord avec cette interprétation, car, si c’était le cas, ce critère serait automatiquement satisfait dès que des individus lèveraient des capitaux pour une entreprise dans laquelle ils ont un intérêt[263].
- Ainsi, comme la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario dans l’affaire Threegold Resources inc.[264], où le produit du placement servait à financer des activités d’exploration minière, et comme le Tribunal des marchés financiers de l’Ontario dans l’affaire Stinson[265], où le produit du placement avait été utilisé en vue de faire un investissement d’un hôtel, le Tribunal considère que dans la présente affaire, d’un point de vue global, les activités de Jocelyn Grégoire n’ont pas franchi la ligne entre la mobilisation de capitaux pour une entreprise sous-jacente spécifique comme Projet PL et l’exercice de l’activité de courtier.
- Par conséquent, le Tribunal conclut que Jocelyn Grégoire n’avait pas à s’inscrire à titre de courtier au sens de la LVM. Il n’a donc pas commis de manquement à l’article 148 de la LVM.
III. Mesures administratives
8. Le Tribunal doit-il, dans l’intérêt public, mettre en œuvre une ou des mesures administratives à l’encontre des intimés ?
- L’Autorité demande au Tribunal d’imposer aux intimés diverses mesures administratives visant essentiellement à ce qu’ils se conforment aux lois, qu’ils soient interdits d’exercer des activités en contravention de ces lois, qu’ils paient des pénalités administratives pour leurs manquements et qu’ils remettent des sommes obtenues en contravention de la Décision provisoire.
- Puisque le Tribunal conclut que chacun des intimés a contrevenu à la législation et à la réglementation applicable, sauf pour Jocelyn Grégoire en ce qui concerne l’activité de courtier relativement à Projet PL, il doit déterminer les mesures administratives qui s’imposent.
Rappel des objectifs des mesures administratives
- Lorsque le Tribunal détermine les mesures administratives à imposer, il exerce un pouvoir discrétionnaire. Ce pouvoir discrétionnaire lui est conféré en fonction de l’intérêt public[266] à la lumière des objectifs visés par la LDPSF et la LVM, des lois d’ordre public qui doivent être interprétées de façon large et libérale[267], notamment afin de protéger les investisseurs et les clients et à assurer la confiance du public dans le secteur financier[268].
- Les ordonnances du Tribunal sont de nature réglementaire et, en ce sens, elles ne sont ni réparatrices ni punitives[269]. En effet, le but d’une mesure administrative n’est pas de réparer un dommage causé aux investisseurs, aux consommateurs, aux marchés financiers ou au secteur financier de manière générale. Le but d’une mesure administrative n’est pas non plus de punir la partie qui contrevient à la loi.
- L’objectif d’une mesure administrative est plutôt de prévenir d’autres conduites répréhensibles futures qui risquent de porter atteinte à l’intérêt public[270]. Ces ordonnances sont de nature protectrice et préventive[271]. La mesure administrative doit essentiellement revêtir un caractère dissuasif[272].
- Le Tribunal doit uniquement prononcer des mesures administratives nécessaires et suffisantes dans l’intérêt public.
- Le Tribunal dispose d’un pourvoir très large sur le type d’ordonnances qu’il peut prononcer dans l’intérêt public incluant l’imposition de toutes mesures propres à assurer le respect des dispositions des lois en vertu desquelles il exerce sa compétence[273]. Rappelons aussi que la loi prévoit spécifiquement le pouvoir du Tribunal d’enjoindre à une partie de se conformer aux dispositions de la loi[274].
- Finalement, il est important de mentionner qu’en outre des pouvoirs qui sont spécifiquement attribués par la loi, le Tribunal « peut rendre toute ordonnance qu’il estime propre à sauvegarder les droits des parties ou lorsque la protection du public l’exige »[275]. Or, « [l]e concept de ‘‘protection du public’’ n’est pas un concept statique. Il s’interprète en considérant les principales tendances reflétées dans le secteur financier en tenant compte des réalités économiques visées par les activités dont la légalité est contestée. »[276]
- De plus, le Tribunal procède à son analyse des mesures administratives qui s’imposent en tenant compte d’une série de critères élaborés dans l’affaire Demers[277] qui est encore aujourd’hui régulièrement reprise par le Tribunal.
- Ces critères doivent être évalués au cas par cas selon les circonstances de chaque affaire et chacun de ces critères, pris individuellement, pourra avoir une importance propre et relative en fonction des faits pertinents du dossier. Ainsi, les mesures administratives qui sont imposées par le Tribunal sont appelées à varier en fonction d’un ensemble de facteurs, ce qui requiert une analyse des faits propres à chaque situation qui doit être effectuée à la lumière de la preuve présentée par les parties.
- Selon les intimés, les mesures administratives demandées par l’Autorité, incluant le montant des pénalités, sont de nature punitive. Si le Tribunal conclut à l’existence de manquements, ils expriment leur souhait de se conformer à la loi et soutiennent que le Tribunal doit rendre des ordonnances qui leur permettront de régulariser la situation plutôt que de rendre des ordonnances visant à les empêcher d’exercer leurs activités commerciales.
- Avant de débuter son analyse, le Tribunal rappelle qu’il conclut que :
(1) les intimés ont commis des manquements à la LDPSF en agissant à titre de courtier hypothécaire et à titre de cabinet en courtage hypothécaire sans être inscrits auprès de l’Autorité;
(2) les intimés ont commis des manquements à la LVM en procédant au placement de créances hypothécaires syndiquées sans établir de prospectus et en exerçant l’activité de courtier en valeurs mobilières sans être inscrits;
(3) les intimés ont commis des manquements à la LDPSF et à la LVM en omettant de se conformer aux ordonnances prononcées par le Tribunal dans la Décision provisoire; et
(4) Jocelyn Grégoire a commis des manquements à la LVM en procédant au placement de parts de Projet PL sans établir de prospectus et sans bénéficier d’une dispense de prospectus.
Analyse des critères permettant de déterminer les mesures administratives à imposer
La gravité objective des gestes posés et les dommages causés au secteur financier
- Afin de déterminer les mesures qui s’imposent, le Tribunal tient compte tout d’abord de la gravité des gestes posés par les intimés.
- D’emblée, le Tribunal souligne que les manquements commis par les intimés à la LDPSF et à la LVM constituent des manquements très sérieux, susceptibles d’affecter la protection du public de façon importante.
- En effet dans l’affaire Marston[278], la Cour d’appel rappelle qu’un des moyens mis de l’avant par la loi afin de respecter la protection du public est le contrôle, par l’Autorité, de l’exercice des représentants inscrits auprès d’elle, afin de s’assurer qu’ils maintiennent une discipline rigoureuse[279].
- L’exercice par les intimés d’actes réservés, alors qu’ils ne sont pas inscrits, prive, tant les emprunteurs que les prêteurs, de services encadrés et de la protection qu’ils sont légalement en droit de recevoir.
- Le Tribunal réfère à la décision Autorité des marchés financiers c. Karcz[280], qui décrit bien les conséquences de l’exercice d’activités sans inscription :
[65] En omettant d’être inscrit, Jean-Paul Karcz a privé les investisseurs d’une des pierres d’assise de la loi. Un marché des valeurs mobilières sain et intègre nécessite que les intermédiaires qui y travaillent respectent la loi et en suivent les prescriptions rigoureusement. Un conseiller doit pour agir être inscrit auprès de l’Autorité. Cela donne aux épargnants l’assurance qu’ils traitent avec un professionnel du marché qui possède les garanties décrites à la loi.
[66] Il doit être correctement formé, avoir la compétence et l’expérience nécessaires pour conseiller et posséder une stabilité financière, le tout à l’effet d’inspirer la confiance des épargnants et leur donner l’assurance que leurs avoirs sont en sécurité. […].
- En exerçant des activités régies sans être dûment inscrits, les intimés échappent à la surveillance de l’Autorité qui a notamment pour mission d’encadrer les activités des professionnels du marché des valeurs mobilières et ceux du secteur financier[281].
- Sans inscription, l’Autorité est incapable de s’assurer que les intervenants possèdent les caractéristiques recherchées tels que la compétence, la probité et la solvabilité[282] et qu’ils possèdent les connaissances et les habilités prévues aux lois applicables.
- La jurisprudence reconnaît que les obligations d’inscription et de prospectus sont au cœur de la protection des investisseurs et de la confiance du public envers l’intégrité des marchés[283]. En effet, « les régimes d’inscription et d’information prévus par la LVM constituent les premières lignes de défense mises en place par le législateur afin de protéger le public investisseur »[284].
- En ce qui concerne l’obligation d’établir un prospectus, le Tribunal réfère à l’arrêt de la Cour d’appel dans Infotique Tyra[285] selon lequel « [l]’article 11 de la Loi constitue l’une de ses dispositions les plus importantes. Cet article veut assurer la protection des investisseurs en rendant obligatoire la divulgation complète de tous les faits relatifs à l’émission d’une valeur. »
- Finalement, le Tribunal est d’accord avec les propos du Tribunal dans l’affaire Demers[286] à l’égard du sérieux du défaut d’établir un prospectus :
Une information complète, vraie et accessible en temps opportun est essentielle pour un marché financier sain et intègre. Un tel marché favorise la canalisation de l’épargne vers les entreprises les plus profitables et de là découle la prospérité économique d’un pays. Permettre à des gens de recueillir des fonds auprès du public sans information concernant le projet, sans information sur les assises financières qui permettront de s’assurer de la viabilité de l’entreprise ou finalement sans permettre au public de pouvoir juger de la compétence et l’intégrité de ses dirigeants rendrait nos marchés financiers aussi aléatoires et risqués qu’un casino.
- Relativement à l’encadrement du secteur du courtage hypothécaire, le Tribunal réfère à un arrêt de la Cour suprême du Canada dans Cooper c. Hobart[287] dans lequel la Cour résume le rôle de l’organisme de réglementation du courtage hypothécaire qui doit à la fois s’assurer du bon fonctionnement du marché du financement hypothécaire et de s’assurer de protéger le public :
Le régime de réglementation régissant les activités des courtiers en hypothèques fournit un cadre général visant à garantir le fonctionnement efficace du marché des hypothèques. Le registraire doit pondérer une multitude d’intérêts opposés et s’assurer que le public a accès au capital au moyen du financement hypothécaire; il doit aussi protéger la confiance du public dans le système en déterminant quelles sont les personnes qui ont [TRADUCTION] « les qualités requises » et dont l’inscription proposée comme courtier [TRADUCTION] « n’est pas inadmissible ». Tous les pouvoirs et outils que la Loi donne au registrateur sont nécessaires pour que celui-ci effectue cette pondération délicate. Même si, dans une certaine mesure, les dispositions de la Loi servent à protéger les intérêts des investisseurs, l’économie globale de la Loi prescrit que le registrateur n’a pas une obligation de diligence uniquement envers les investisseurs, mais également envers le public dans son ensemble.
- Le Tribunal considère aussi que la contravention à une décision du Tribunal constitue, telle qu’énoncée dans l’affaire Ben-David, « une des contraventions à la LVM des plus importantes »[288]. Dans cette affaire, le Tribunal se prononce sur l’importance de respecter une décision du Tribunal en indiquant que « dans une société libre et démocratique fondée sur la ‘‘primauté du droit’’, chacun doit respecter les décisions de tous les paliers des tribunaux sous peine de sanction. Ce respect permet de maintenir la paix, l’ordre et le bon gouvernement »[289].
- Le Tribunal est aussi d’accord avec les commentaires de la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique qui, dans l’affaire McLoughlin (Re)[290], souligne l’importance d’assurer le respect des ordonnances prononcées comme suit :
Investors and market participants will have no confidence in the Commission’s ability to take appropriate action against market misconduct if those who are subject to its orders can ignore them with impunity. Effective regulation is a foundation of market integrity. Those who refuse to comply with orders under the Act must therefore expect the Commission to respond appropriately. Our order for an administrative penalty is therefore for more than requested by the executive director.[291]
La vulnérabilité des investisseurs et des clients, les pertes subies et les profits réalisés
- Le Tribunal tient compte également du fait que, de l’admission même de l’Autorité, ni les emprunteurs ni les prêteurs n’ont subi quelques pertes que ce soit[292].
- De plus, le Tribunal retient essentiellement des témoignages à l’audience des emprunteurs que la majorité d’entre eux avait déjà emprunté de l’argent de la part de prêteurs privés, certains à de nombreuses reprises.
- Les emprunteurs n’étaient pas des personnes inexpérimentées ou vulnérables. Ils ont tous témoigné de leur gratitude envers Jocelyn Grégoire et Cedma Finance pour l’aide qu’ils leur ont apportée en leur permettant de réaliser leurs projets, alors que les institutions financières traditionnelles auraient refusé de leur prêter. La majorité des emprunteurs avaient de l’expérience dans l’immobilier ou dans la construction. La majorité d’entre eux se sont identifiés comme des entrepreneurs.
- L’ensemble des prêteurs témoigne de leur grande satisfaction des services rendus par Jocelyn Grégoire et Cedma Finance, en ajoutant qu’ils n’hésiteraient pas à refaire affaire avec eux. En effet, tant les emprunteurs que les prêteurs ont vanté la compétence de Jocelyn Grégoire, sa disponibilité, sa transparence et son honnêteté.
- Le Tribunal retient l’inexistence de quelque plainte que ce soit à l’égard de Jocelyn Grégoire et Cedma Finance tant de la part des emprunteurs que des prêteurs.
- D’autre part, le Tribunal retient que les porteurs de parts de Projet PL qui témoignent devant le Tribunal subissent des pertes sur leurs investissements. Toutefois, ceux-ci n’attribuent pas leurs pertes à Jocelyn Grégoire.
L’expérience, la position et le statut des intimés
- Comme mentionné ci-haut, le Tribunal doit uniquement prononcer des mesures qui sont nécessaires dans l’intérêt public ou pour protéger le public et l’analyse doit tenir compte des tendances dans le secteur financier. C’est dans cette perspective que le Tribunal tient compte de l’importance du marché du prêt hypothécaire privé dans l’économie québécoise et le besoin pour ce type de financement. Rappelons que les prêteurs privés sont généralement disposés à prendre des risques plus élevés et sont donc en mesure de financer des projets que les institutions financières considèrent trop risqués. Il ne faut pas confondre prêt privé et prêt usuraire. D’ailleurs, le Tribunal souligne l’absence de quelconques reproches à l’égard de Jocelyn Grégoire et de Cedma Finance quant aux taux d’intérêt et aux montants des frais imposés aux emprunteurs et aux prêteurs.
- De plus, le Tribunal tient compte de la croyance de Jocelyn Grégoire que ses activités et celles de Cedma Finance étaient conformes à la loi en raison de son acquittement par la Cour du Québec des constats d’infraction dans des circonstances qu’il jugeait identiques aux circonstances de la présente affaire. Cependant, le Tribunal considère que cette croyance était injustifiée depuis la Décision provisoire à laquelle ils devaient se conformer.
- Le Tribunal est néanmoins préoccupé par la situation, incluant la façon dont Jocelyn Grégoire sollicite et présente l’investissement aux prêteurs, c’est-à-dire comme un investissement passif et à faible risque au motif qu’il est garanti par une hypothèque immobilière. Par ailleurs, le fait que les intimés ont utilisé, dans certains dossiers présentés au Tribunal, une juste valeur marchande projetée après travaux afin d’évaluer l’immeuble qui garantit la créance hypothécaire est également préoccupant dans la mesure où cette garantie serait surévaluée.
Conclusions sur les mesures administratives
- Après avoir considéré les critères établis dans l’affaire Demers le Tribunal met en œuvre, dans l’intérêt public, une série de mesures administratives qui permettent d’atteindre les objectifs de protection du public et de répondre aux critères de dissuasion spécifique et générale[293].
- Le Tribunal ne peut toutefois prononcer l’ensemble des ordonnances recherchées par l’Autorité dans leur forme actuelle, car la protection du public ne l’exige pas dans les circonstances.
- Puisque les intimés agissent en contravention de la LDPSF et de la LVM, ils doivent cesser d’exercer leurs activités de prêts hypothécaires dans leur forme actuelle.
- Dans cette perspective, il est nécessaire d’enjoindre aux intimés de se conformer aux dispositions de la LDPSF et de la LVM et de leur ordonner de cesser d’agir à titre de courtier hypothécaire et à titre de cabinet qui offre des produits et services dans la discipline du courtage hypothécaire sans être inscrits auprès de l’Autorité et de cesser toute implication qui vise le placement de créances hypothécaires syndiquées sans établir un prospectus ou bénéficier d’une dispense de prospectus. Les intimés devront également cesser d’exercer l’activité de courtier et de conseiller au sens de la LVM sans être inscrits ou bénéficier d’une dispense d’inscription.
- Ainsi, les intimés ne pourront plus exercer les activités en lien avec la conclusion d’actes de prêt hypothécaire comme mises en preuve devant le Tribunal.
- Afin de protéger le public, il est essentiel que Jocelyn Grégoire et Cedma Finance mettent fin à l’ensemble de leurs démarches auprès des emprunteurs et des prêteurs visant la conclusion de nouveaux prêts hypothécaires incluant toute promotion ou tout démarchage par Internet, les médias sociaux ou autrement. Plus particulièrement, tant et aussi longtemps que les intimés n’auront pas régularisé leur situation auprès de l’Autorité, ils n’auront pas le droit de répondre aux demandes des emprunteurs qui sont à la recherche d’un prêt. Ils ne peuvent pas procéder à l’analyse des dossiers et de leur faire une offre de financement. Ils ne peuvent pas non plus répondre aux demandes des prêteurs quant à la possibilité de participer à un prêt et, dans cette perspective, il leur est interdit de faire parvenir aux prêteurs toute opportunité de financement.
- Les intimés devront également retirer tout écrit et tout contenu publicitaire diffusé notamment sur les médias sociaux en vue de conclure un prêt hypothécaire de la même façon que celle jugée non conforme par le Tribunal.
- Cependant, le Tribunal précise que ces ordonnances seront en vigueur jusqu’à ce que Jocelyn Grégoire et Cedma Finance régularisent la situation auprès de l’Autorité, le cas échéant.
- En fait, dans les présentes circonstances, le Tribunal favorise une approche qui permettrait à Jocelyn Grégoire et à Cedma Finance de se conformer à la loi ou de se prévaloir d’une dispense appropriée plutôt qu’une approche qui viserait tout simplement à leur empêcher d’exercer toute activité en vue d’effectuer une opération sur valeur sur toute forme d’investissement visée par la LVM de façon indéfinie. Une telle ordonnance permanente n’est pas requise et est prématurée dans les circonstances du présent dossier. Cette catégorie d’ordonnance devrait être prononcée dans les cas des plus graves manquements[294] où une personne représente un risque pour les marchés des capitaux. En l’espèce, les intimés ne représentent pas un risque justifiant le prononcé d’une telle ordonnance.
- Le Tribunal applique la même approche à l’ensemble des ordonnances recherchées par l’Autorité, c’est-à-dire une approche qui permet aux intimés de se conformer à la loi, avant l’expiration du délai des interdictions, ou de se prévaloir d’une dispense appropriée dans les cas qui le permettent.
- En effet, le Tribunal interdit à Jocelyn Grégoire d’agir comme administrateur ou dirigeant d’un émetteur, d’un courtier, d’un conseiller, d’un gestionnaire de fonds d’investissement et d’un cabinet, à l’exception de CIP et des émetteurs dont il est le seul administrateur et dirigeant, jusqu’à ce qu’il régularise sa situation auprès de l’Autorité des marchés financiers ou pour une période maximale de trois (3) ans.
- L’Autorité demande d’imposer solidairement aux intimés une pénalité administrative de 80 000 $ pour les manquements liés aux placements de prêts hypothécaires syndiqués en contravention de la LVM. Le Tribunal est d’avis que cette pénalité est raisonnable en fonction des objectifs de la loi et qu’elle revêt un caractère dissuasif.
- L’Autorité demande aussi d’imposer solidairement aux intimés, en vertu de la LVM[295], une pénalité administrative de 200 000 $ pour les manquements liés aux contraventions à la Décision provisoire[296]. Le Tribunal impose plutôt une pénalité aux intimés de façon solidaire au montant de 130 000 $ pour les 13 Actes de prêt hypothécaire conclus après la Décision provisoire. Le Tribunal juge que ce montant est justifié considérant la répétition des contraventions et les circonstances de la présente affaire[297].
- L’Autorité demande également d’enjoindre solidairement aux intimés de lui remettre le montant de 86 015 $ obtenu par suite des contraventions à la Décision provisoire tant en vertu de l’article 262.1 de la LVM que de l’article 115.9 de la LDPSF. Cependant, le Tribunal ne peut, dans les circonstances particulières de la présente affaire, ordonner aux intimés de remettre à l’Autorité ce montant.
- Le Tribunal prend en considération le fait que l’Autorité ne demande pas l’annulation des Actes de prêt hypothécaire incluant ceux conclus après la Décision provisoire et en contravention de celle-ci. De plus, elle demande spécifiquement au Tribunal de permettre aux intimés de poursuivre et finaliser l’exécution de la gestion des prêts en cours conformément à leurs obligations contractuelles[298].
- Le Tribunal accepte que Jocelyn Grégoire et Cedma Finance poursuivent la gestion des prêts en cours pour lesquels un acte de prêt hypothécaire a été conclu en date de la présente décision, et de les finaliser, conformément à leurs obligations contractuelles et sans rechercher et/ou trouver des emprunteurs et/ou des prêteurs.
- Or, bien que les intimés aient agi en contravention de la Décision provisoire, le Tribunal se voit mal ordonner aux intimés de remettre à l’Autorité des montants obtenus de leur clientèle suivant la relation contractuelle qui les unit alors qu’il leur permettrait de poursuivre des activités de gestion de prêts conformément à leurs obligations découlant de cette même relation contractuelle. Par ailleurs, la preuve[299] de l’Autorité des montants que les intimés auraient obtenus depuis la Décision provisoire est contestée par les intimés, mais en raison de la conclusion du Tribunal sur la remise des sommes, il ne se prononcera pas sur le sujet.
- En ce qui concerne Projet PL, l’Autorité demande au Tribunal d’imposer à l’intimé Jocelyn Grégoire une pénalité administrative de 220 000 $ pour les manquements liés aux placements de parts de la société en commandite Projet PL en contravention de la LVM. Le Tribunal impose plutôt une pénalité administrative à Jocelyn Grégoire au montant de 50 000 $ pour avoir effectué le placement de parts, sans établir de prospectus visé par l’Autorité.
- Le Tribunal a déterminé le montant de cette pénalité en tenant compte principalement de l’importance du manquement d’avoir effectué un placement sans prospectus. Le Tribunal a aussi considéré le fait que, selon la preuve présentée à l’audience, seul un commanditaire a, à ce jour, vendu ses parts de Projet PL.
- Le Tribunal tient également compte du témoignage des commanditaires à l’audience dont la grande majorité affirme n’avoir aucun reproche à formuler à l’égard de Jocelyn Grégoire, et ce, même si contrairement à leurs attentes, ils n’ont pas été en mesure de récupérer leur investissement.
- Le Tribunal retient que Projet PL a été créé en octobre 2019 par Jocelyn Grégoire et François Bélanger, des partenaires d’affaires à parts égales. Jocelyn Grégoire n’était pas le seul impliqué dans Projet PL. Le Tribunal retient que l’implication de Jocelyn Grégoire dans Projet PL était de courte durée, soit de 14 mois. Depuis décembre 2020, Jocelyn Grégoire n’a plus aucune implication dans Projet PL.
- Finalement, le Tribunal tient compte de la pénalité administrative au montant de 23 000 $ qu’il a imposé à François Bélanger lorsqu’il a entériné un accord conclu entre ce dernier et l’Autorité[300].
- Le Tribunal considère qu’une pénalité administrative de 50 000 $ permet d’atteindre les objectifs de la loi.
- Compte tenu de ce qui précède et après avoir pris en considération la preuve et l’argumentation des parties, le Tribunal est d’avis qu’il doit imposer aux intimés dans l’intérêt public les mesures administratives qui sont énoncées au dispositif.
POUR CES MOTIFS, le Tribunal administratif des marchés financiers, en vertu des articles 93, 94 et 97 al. 2 (7o) de la Loi sur l’encadrement du secteur financier, des articles 262.1, 265, 266, 273.1 et 273.3 de la Loi sur les valeurs mobilières et des articles 115.1 et 115.9 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers :
ACCUEILLE en partie la demande remodifiée en date du 13 novembre 2024[301] de l’Autorité des marchés financiers;
ENJOINT aux intimés Jocelyn Grégoire et 9256-7619 Québec inc. (Cedma Finance) de se conformer aux dispositions de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et leur ORDONNE de cesser de se présenter et/ou d’agir à titre de courtier hypothécaire et/ou de cabinet qui offre des produits et services dans la discipline du courtage hypothécaire sans être inscrits, incluant notamment tout démarchage ou sollicitation en vue de trouver des emprunteurs et/ou des prêteurs, jusqu’à ce qu’ils régularisent leur situation auprès de l’Autorité des marchés financiers, le cas échéant;
INTERDIT aux intimés Jocelyn Grégoire et 9256-7619 Québec inc. (Cedma Finance) pour une période de trois (3) ans, sauf s’ils se prévalent d’une dispense ou jusqu’à ce qu’ils régularisent leur situation auprès de l’Autorité des marchés financiers, d’exercer toute activité en vue d’effectuer, directement ou indirectement, une opération sur valeurs sur toute forme d’investissement visée par la Loi sur les valeurs mobilières à l’exception des opérations de Jocelyn Grégoire effectuées pour son propre compte par l’intermédiaire d’un courtier inscrit et en conformité avec la Loi sur les valeurs mobilières;
INTERDIT aux intimés Jocelyn Grégoire et 9256-7619 Québec inc. (Cedma Finance), sauf s’ils se prévalent d’une dispense d’inscription ou jusqu’à ce qu’ils régularisent leur situation auprès de l’Autorité des marchés financiers, d’exercer l’activité de courtier, de conseiller et de gestionnaire de fonds d’investissement au sens de la Loi sur les valeurs mobilières incluant notamment toute promotion ou tout démarchage par Internet, par les médias sociaux, notamment par le biais des pages Facebook « Mordus d’immobilier » et/ou « Cedma finance », ou autrement;
ORDONNE aux intimés Jocelyn Grégoire et 9256-7619 Québec inc. (Cedma Finance) de fournir à l'Autorité des marchés financiers une liste des prêts en cours, pour lesquels un acte de prêt hypothécaire a été conclu, en date de la présente décision;
PERMET aux intimés Jocelyn Grégoire et 9256-7619 Québec inc. (Cedma Finance) de poursuivre la gestion des prêts en cours pour lesquels un acte de prêt hypothécaire a été conclu en date de la présente décision, et de les finaliser, conformément à leurs obligations contractuelles et sans rechercher et/ou trouver des emprunteurs et/ou des prêteurs;
ORDONNE aux intimés Jocelyn Grégoire et 9256-7619 Québec inc. (Cedma Finance) de cesser tout démarchage ou sollicitation afin de trouver des emprunteurs et/ou des prêteurs en vue de se livrer à une opération de courtage hypothécaire et/ou en vue d’exercer l’activité de courtier et/ou de conseiller au sens de la Loi sur les valeurs mobilières, jusqu’à ce qu’ils régularisent leur situation auprès de l’Autorité des marchés financiers, le cas échéant, notamment en retirant tout écrit ou contenu publié ou diffusé, directement ou indirectement, par Internet ou autrement, dont ceux sur des pages Facebook;
INTERDIT à l’intimé Jocelyn Grégoire d’agir comme administrateur ou dirigeant d’un cabinet, au sens de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, jusqu’à ce qu’il régularise sa situation auprès de l’Autorité des marchés financiers ou pour une période maximale de trois (3) ans;
INTERDIT à l’intimé Jocelyn Grégoire d’agir comme administrateur ou dirigeant d’un émetteur, d’un courtier, d’un conseiller et d’un gestionnaire de fonds d’investissement, à l’exception de Capital Immo Privé inc. et des émetteurs dont il est le seul administrateur et dirigeant, jusqu’à ce qu’il régularise sa situation auprès de l’Autorité des marchés financiers ou pour une période maximale de trois (3) ans;
ENJOINT aux intimés Jocelyn Grégoire et 9256-7619 Québec inc. (Cedma Finance) de se conformer aux dispositions de la Loi sur les valeurs mobilières et aux règlements pris en application de celle-ci;
IMPOSE solidairement aux intimés Jocelyn Grégoire et 9256-7619 Québec inc. (Cedma Finance) une pénalité administrative de 80 000 $ pour les manquements liés aux placements de prêts hypothécaires syndiqués;
IMPOSE à l’intimé Jocelyn Grégoire une pénalité administrative de 50 000 $ pour les manquements liés aux placements de parts de la société en commandite Projet PL;
IMPOSE solidairement aux intimés Jocelyn Grégoire et 9256-7619 Québec inc. (Cedma Finance) une pénalité administrative de 130 000 $ pour les manquements liés aux contraventions à la décision du Tribunal administratif des marchés financiers portant le numéro 2023-012-001.
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| | __________________________________ Antonietta Melchiorre Juge administrative | |
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| | __________________________________ Christine Dubé Juge administrative | |
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Me Jean-Benoît Hébert, Me Éloïse Duplessis et Me Isabelle Charlebois |
(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers) |
Pour l’Autorité des marchés financiers |
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Me Sabia Chicoine et Me Serge Fournier |
(FCA Légal S.E.N.C.R.L.) |
Pour Jocelyn Grégoire et 9256-7619 Québec inc. |
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Me Luc-Vincent Gendron-Bouchard et Me Philippe Clément |
(Bernard, Roy – Justice Québec) |
Pour le Procureur général du Québec |
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Dates d’audience : | 26, 27, 28 et 29 novembre 2024, 2, 3, 4, 5, 9, 10, 11, 12, 16, 17, 18 et 19 décembre 2024, 8, 9 24 et 31 janvier 2025 |
[1] L’Autorité est chargée d’exercer les fonctions et pouvoirs qui lui sont attribués notamment par la Loi sur les valeurs mobilières et la Loi sur la distribution de produits et services financiers. Elle a pour mission de veiller à la protection du public relativement à l’exercice des activités de distribution de produits et services financiers dont elle assure l’encadrement, incluant le courtage hypothécaire, une discipline maintenant régie dans la Loi sur la distribution de produits et services financiers et d’assurer l’encadrement des marchés de valeurs mobilières en veillant à ce que les intervenants de ces marchés se conforment aux obligations prévues notamment à la Loi sur les valeurs mobilières, incluant les règles relatives au placement de valeurs et à l’inscription de ceux qui exercent des activités en valeurs mobilières. Loi sur l’encadrement du secteur financier, RLRQ, c. E-6.1 (« LESF »), art. 4 et 8.
[2] Loi sur les valeurs mobilières, RLRQ, c. V-1.1 (« LVM »).
[3] Loi sur la distribution de produits et services financiers, RLRQ, c. D-9.2 (« LDPSF »).
[4] Cet acte introductif a fait l’objet de plusieurs modifications avant l’audience au fond dont les dernières sont incluses dans une version datée du 13 novembre 2024. Une autre modification a été effectuée verbalement lors de l’audience du 3 décembre 2024.
[5] Autorité des marchés financiers c. Grégoire, 2023 QCMTF 85.
[7] Voir notamment : LESF, art. 4 et 8, LVM, art. 276 et LDPSF, art. 184.
[8] Autorité des marchés financiers c. Agence d'assurance Groupe financier mondial du Canada inc., 2023 QCTMF 50, par. 252.
[9] Voir en matière de distribution de produits et services financiers : La Souveraine, Compagnie d’assurance générale c. Autorité des marchés financiers, 2013 CSC 63; Autorité des marchés financiers c. Souveraine (La), compagnie d'assurances générales, 2012 QCCA 13 et Marston c. Autorité des marchés financiers, 2009 QCCA 2178, par. 46.
[10] Loi d’interprétation, RLRQ, c. I-16, art. 41; Bruni c. Autorité des marchés financiers, 2011 QCCA 994; Murphy c. Autorité des marchés financiers, 2016 QCCA 878; Agence nationale d’encadrement du secteur financier (Autorité des marchés financiers) c. Conseillers de placements Tip ltée, 2007 QCCQ 11176 confirmé en appel : 2008 QCCA 1566; Infotique Tyra inc. c. Québec (Commission des valeurs mobilières), 1994 CanLII 5940 (QCCA) et Marston c. Autorité des marchés financiers, 2009 QCCA 2177.
[11] Marston c. Autorité des marchés financiers, 2009 QCCA 2178 repris aussi par la Cour d’appel dans Murphy c. Autorité des marchés financiers, 2016 QCCA 878; voir aussi Ouimet c. Falet, 2023 QCCA 1085.
[12] La Souveraine, Compagnie d’assurance générale c. Autorité des marchés financiers, 2013 CSC 63, par. 49.
[13] La Souveraine, Compagnie d’assurance générale c. Autorité des marchés financiers, 2013 CSC 63.
[14] Formule Pontiac Buick Inc. c. Québec (Bureau des services financiers), 2004 CanLII 7239 (QC CS), par. 54; Autorité des marchés financiers c. Agence d'assurance Groupe financier mondial du Canada inc., 2023 QCTMF 50, par.133 et 134.
[15] Salko c. Financière Banque Nationale inc., 2025 QCCA 74.
[17] Formule Pontiac Buick Inc. c. Québec (Bureau des services financiers), 2004 CanLII 7239 (QC CS), par. 45.
[18] RLRQ, c. C-73.2 (« LCI »).
[22] Loi visant principalement à améliorer l’encadrement du secteur financier, la protection des dépôts d’argent et le régime de fonctionnements des institutions financières, LQ 2018, c. 23.
[23] Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Compagnie Fiducie M.R.S., 2003 CanLII 9353 (CA).
[25] Langis c. Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec, 2011 QCCA 1168, par. 12.
[26] Autorité des marchés financiers, « Les types de prêts hypothécaires », en ligne : https://lautorite.qc.ca/grand-public/finances-personnelles/prets-hypothecaires/les-types-dhypotheques (Consulté en février 2025).
[27] Autorité des marchés financiers, Manuel de préparation à l’examen du Programme de qualification en courtage, 2e édition, 2023, section 1.4.4.
[28] Autorité des marchés financiers, « Les types de prêts hypothécaires », en ligne : https://lautorite.qc.ca/grand-public/finances-personnelles/prets-hypothecaires/les-types-dhypotheques (Consulté en février 2025).
[29] Acte introductif, notamment par. 55.
[30] Autorité des marchés financiers c. Agence d'assurance Groupe financier mondial du Canada inc., 2023 QCTMF 50, par.133.
[35] Larousse en ligne définit ce terme comme « Toute personne autre que soi-même (…) » : « Autrui », dans Larousse en ligne, en ligne : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/autrui/6895 (page consultée en mars 2025).
[36] Autorité des marchés financiers, Manuel de préparation à l’examen du Programme de qualification en courtage, 2e édition, 2023, p. 8.
[37] Contrairement à la LDPSF, le Tribunal souligne que, selon la LVM, l’exigence d’inscription comme courtier en valeurs mobilières est déclenchée en fonction de l’exercice de l’activité de courtier. À cet effet, les tribunaux réfèrent régulièrement aux facteurs de détermination de cette activité lesquels sont prévus dans l’Instruction générale 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription et les obligations continues des personnes inscrites. Ce n’est pas le cas en matière de courtage hypothécaire en vertu de la LDPSF.
[38] Le Tribunal note que certains prêts hypothécaires ont été conclus alors que cet article se lisait différemment. Cependant, cela n’a aucune conséquence sur l’analyse du Tribunal.
[39] Il faut comprendre que les termes « régie par une loi administrée par l’Autorité » font référence à une personne inscrite auprès de l’Autorité autre qu’à titre de courtier hypothécaire.
[40] Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) c. Dragon, 2016 QCCQ 1214, par. 21.
[41] Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Compagnie Fiducie M.R.S., 2003 CanLII 9353 (CA), par. 51.
[42] Id., par. 54; Bowes c. Kracauer, [1976] C.S. 579, confirmé par la Cour d’appel dans le dossier 500-09-000401-760, le 25 mars 1981, tel qu’indiqué dans Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Compagnie Fiducie M.R.S., 2003 CanLII 9353 (CA), par. 55.
[43] Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Falsetti, 2006 QCCQ 5150; Association des courtiers et agents immobiliers c. Service Élimidettes (Québec) inc., 2007 QCCQ 60; Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Binda-Cesta, 2008 QCCQ 3880; Kyres c. Services immobiliers Devi-Co Inc., 2008 QCCQ 6483; Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Bouchard, 2009 QCCQ 602; Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Lessard, 2011 QCCQ 8024; Langis c. Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec, 2011 QCCS 1513; Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Fortin 2013 QCCQ 11335 ; Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Corporation de développement immobilier Intersite, 2013 QCCQ 11336; Beauchamp c. Therrien, 2013 QCCS 1486; Pignons-sur-mont inc. c. Construction et rénovation Claude Martin inc. 2014 QCCS 5065; Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Patel, 2016 CanLII 16414 (QC OACIQ); Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) c. Dragon, 2016 QCCQ 1214; Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Samedi, 2016 CanLII 78373 (QC OACIQ); Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Seddik, 2016 CanLII 28821 (QC OACIQ); Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Beaudoin, 2020 CanLII 112478 (QC OACIQ).
[44] Selon le dictionnaire Le Robert en ligne, un intermédiaire est une « personne qui met en relation deux personnes ou deux groupes : « Intermédiaire », dans Le Robert, Dico en ligne, en ligne : https://dictionnaire.lerobert.com/definition/principalement (page consultée en février 2025). Selon le dictionnaire Larousse en ligne, un intermédiaire est une « personne qui intervient entre deux autres pour leur servir de lien, pour les mettre en rapport : Il a été leur intermédiaire dans cette négociation. » « Intermédiaire », dans Larousse en ligne, en ligne : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/intermediaire/43740 (page consultée en février 2025).
[45] Autorité des marchés financiers, Manuel de préparation à l’examen du Programme de qualification en courtage, 2e édition, 2023, p. 7.
[46] Henri Richard, « Le contrat de ‘‘Finder’s Fee’’ et le courtage immobilier », dans Service de la formation permanente, Barreau du Québec, vol. no 217, Développements récents en droit immobilier, Cowansville, Yvon Blais, 2004.
[49] Termes utilisés dans Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Compagnie Fiducie M.R.S., 2003 CanLII 9353 (CA).
[50] Termes utilisés dans Langis c. Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec, 2011 QCCS 1513, par. 62.
[51] Expression utilisée à l’article 11.2 al. 5 de la LDPSF.
[52] Pièce D-3, p. 8 et 9.
[54] Pièces D-1, D-2, D-25-1, D-25-2, D-26, D-27, D-94-1, D-94-2, D-119, D-121 et D-122.
[55] Pièces D-2 et D-122.
[56] Pièce D-2 section « Expérience » pour Cedma Finance.
[57] Pièces D-2 et D-122.
[59] Pièce D-11 et témoignage de Jocelyn Grégoire. D’ailleurs, le Tribunal souligne que la dénomination sociale « Cedma Finance » n’apparaît pas à l’état de renseignements d’une personne morale au registre des entreprises produit à la pièce D-11.
[61] Pièces D-13 et D-27.
[62] Pièces D-26, D-94-1 et D-94-2.
[63] Pièces D-26 et D-27.
[64] Pièce D-27 à la page 2 section « Présentation ».
[65] Pièce JG-9. Voir aussi Pièce D-99.
[66] Pièce D-25-2 aux minutes 15:25 à 16:35.
[68] La présente analyse ne porte que sur les dossiers de prêts hypothécaires mis en preuve par l’Autorité. La conclusion du Tribunal relève de son appréciation des faits dans le contexte particulier de ce dossier.
[70] Id. et pièce D-25-1.
[71] Témoignages des prêteurs à l’audience.
[72] Pièces D-35, D-38, D-43, D-46, D-48, D-52, D-98, D-102, D-105, D-108, D-110-1, D-112, D-114, JG-3 à JG-7, JG-22 et JG-23.
[75] Pièces D-34, D-40, D-42, D-99 et JG-9.
[76] Pièces D-37 et JG-10. Le Tribunal réfère également aux Actes de prêt hypothécaire produits comme pièces D-31, D-39, D-50, D-96, D-100, D-117 et D-118, lesquels sont signés par Jocelyn Grégoire à titre de représentant des prêteurs désignés à l’acte.
[77] Pièces D-36, D-47 et D-53.
[79] Pièces D-31, D-39, D-44, D-49, D-50, D-96 et D-100.
[80] Pièces D-106, D-109, D-111, D-113-1, D-113-2, D-113-3, D-115-1, D-115-2, D-115-3, D-115-4, D-115-5, D-117 et D-118.
[81] Le Tribunal rappelle que la « créance hypothécaire syndiquée » est notamment définie à l’article 1.1 du Règlement 45-106 comme « une créance hypothécaire à laquelle 2 personnes ou plus sont parties, directement ou indirectement, à titre de prêteurs et qui est garantie par l’hypothèque ».
[83] Pièce D-3, page 10 et Acte introductif, par. 15.
[86] Termes utilisés dans Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Compagnie Fiducie M.R.S., 2003 CanLII 9353 (CA).
[87] Termes utilisés dans Langis c. Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec, 2011 QCCS 1513, par. 62.
[88] Expression utilisée à l’article 11.2 al. 5 de la LDPSF.
[89] Voir par exemple la pièce D-39-2, art. 22.
[90] Témoignage de Jocelyn Grégoire. Pièces D-25-1, D-32, D-39-2, D-107, D-110 et D-111-1.
[91] Les intimés réfèrent le Tribunal à Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Compagnie Fiducie M.R.S., 2003 CanLII 9353 (CA) et à la décision Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. 4523024 Canada inc. (DuProprio), 2020 QCCS 1146.
[92] Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. 4523024 Canada inc (DuProprio), 2020 QCCS 1146.
[94] Langis c. Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec, 2011 QCCS 1513; confirmé par la Cour d’appel : Langis c. Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec, 2011 QCCA 1168.
[95] Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Bouchard, 2009 QCCQ 602, par. 29.
[96] Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Désormeaux, 2015 QCCQ 11682, par. 20.
[97] Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Belley, 2022 QCCQ 2021, par. 41.
[98] Pièce JG-10. Voir également D-37, laquelle contient cependant un taux d’intérêt différent de JG-10.
[99] Autorité des marchés financiers c. Desmarais, 2019 QCCA 898, par. 121 (Requête pour autorisation à la Cour suprême rejetée : C.S. Can., 2020-03-19).
[100] Pièce D-9.1 : Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Grégoire, 505-61-174029-181, 13 octobre 2023, Juge de paix magistrat Josée Fontaine.
[102] Règlement sur l’exercice des activités des représentants, art. 16.5.
[103] Règlement sur l’exercice des activités des représentants, art. 5.3 :
« Malgré l’article 5.1, un produit ou service financier ne peut être offert à une personne physique ou à la personne physique que le représentant sait être le conjoint de cette première personne, son enfant ou celui de son conjoint, son père, sa mère, son frère, sa sœur, le conjoint de son père ou de sa mère, le père ou la mère de son conjoint ainsi que le conjoint de son enfant dans les cas suivants:
[…]
4° lorsque que le courtier hypothécaire exerce auprès de cette personne une des activités externes suivantes:
a) de prêteur de sommes d’argent; »
[104] Autorité des marchés financiers, Manuel de préparation à l’examen du Programme de qualification en courtage, 2e édition, 2023, section 1.4.4, p. 17.
[105] Re Cawaling, 2024 ABASC 194.
[106] Ontario Securities Commission v. Tiffin, 2020 ONCA 217.
[107] Re Cawaling, 2024 ABASC 194, par. 217.
[108] Doyon c. Autorité des marchés financiers, 2017 QCCA 1157, par. 46.
[109] Voir notamment Infotique Tyra inc. c. Québec (Commission des valeurs mobilières), 1994 CanLII 5940 (QC CA).
[110] Commission des valeurs mobilières c. Maloin, C.Q. Beauharnois, no 760-27-001378-936, 15 février 1995, j. Boyer, p. 6.
[111] Reves c. Ernst & Young, 494 U.S. 56 (1990).
[112] Pacific Coast Coin Exchange of Canada Ltd. c. Ontario (Securities Commission), [1978] 2 S.C.R. 112, p. 126.
[113] Ontario Securities Commission v. Tiffin, 2020 ONCA 217, par. 39.
[114] Stéphane ROUSSEAU, Droit des valeurs mobilières : Théorie et pratique, Montréal, Les éditions Thémis, 2023, pp. 106 et 107.
[115] Ontario Securities Commission v. Tiffin, 2020 ONCA 217, par. 47 et 48.
[116] Déry c. Autorité des marchés financiers, 2013 QCCS 3564.
[117] Autorité des marchés financiers c. Veillet, 2014 QCCQ 2357.
[118] RLRQ, c. V-1.1, r. 21 (« Règlement 45-106 »), art. 1.1.
[119] RLRQ, c. V-1.1, r. 10 (« Règlement 31-103 »), art. 8.12.
[120] RLRQ, c. V-1.1, r. 46.1 (« Règlement sur le placement de créances hypothécaires syndiquées »), art. 1.
[121] LVM, art. 331 al. 1 (12o).
[122] Autorités canadiennes en valeurs mobilières, « Instruction générale relative au Règlement 45-106 sur les dispenses de prospectus », 30 avril 2015, en ligne : https://lautorite.qc.ca/fileadmin/lautorite/reglementation/valeurs-mobilieres/45-106/2015-04-30/2015avril30-45-106-ig-ai-final-fr.pdf (consulté en février 2025) (« Instruction générale 45-106 »).
[123] Instruction générale 45-106, art. 3.8 al. 11.
[124] Voir aussi : Doyon c. Autorité des marchés financiers, 2017 QCCA 1157, par. 53.
[125] Pièces D-14 et D-125.
[126] Pièces D-35 et D-38.
[128] Pièces D-112 et D-113-1.
[130] Voici les dossiers : « Sorel-Tracy », « Saint-Lin-Laurentides », « Mascouche », « Saint-Mathieu-de-Laprairie », « Saint-Ambroise-de-Kildare », « Chertsey », « Chabanel, Saint-Lin-Laurentides », « Avenue Opéra, Saint-Calixte », « 3e avenue, Québec », « Blanchard », « Route 335, St-Lin », « Shefford », « Des Sapins, Saint-Calixte » et « Miljour, St-Lin ».
[131] Puisque l’analyse est effectuée à la constitution de la créance hypothécaire syndiquée, une juste valeur marchande de l’immeuble après travaux ne pourrait être considérée par le Tribunal.
[132] Voici les dossiers : « Blanchard », « Saint-Mathieu-de-Laprairie », « Route 335, St-Lin » et « 3e avenue, Québec ».
[133] Dans ces dossiers : « Sorel-Tracy », « Saint-Lin-Laurentides », « Mascouche », « Saint-Ambroise-de-Kildare », « Chertsey », « Chabanel, Saint-Lin-Laurentides », « Avenue Opéra, Saint-Calixte », « Shefford », « Des Sapins, Saint-Calixte » et « Miljour, St-Lin ».
[134] Selon la pièce D-113-3, les emprunteurs sont 9413-3683 Québec inc., S.R.M. et Y.L.N.K.
[135] Pièces JG-70 et JG-71.
[136] 9118-7260 Québec inc.
[138] Le 600, rue Barkoff.
[143] Pièce JG-67. Le Tribunal réfère à la définition de la juste valeur marchande donnée par l’évaluateur agréé dans son rapport d’évaluation.
[144] Le ratio prêt-valeur étant de 83,33 %.
[146] Le Tribunal a additionné la superficie de toutes les sections mentionnées à l’évaluation servant d’entreposage.
[147] Selon le témoignage de l’emprunteur.
[148] « Principalement », dans Le Robert, Dico en ligne, en ligne :
https://dictionnaire.lerobert.com/definition/principalement (page consultée en mars 2025).
[149] « Résidentiel », dans Le Robert, Dico en ligne, en ligne :
https://dictionnaire.lerobert.com/definition/residentiel (page consultée en mars 2025).
[150] Pièce JG-74, p. 4 et 10.
[151] Définition de créance hypothécaire syndiquée admissible a) i).
[157] 220 000 $, pièce D-113-2.
[158] 690 000 $, pièce D-155.
[159] 220 000 $, pièce D-113-2.
[160] Solde de 655 140,59 $, selon les intimés.
[161] Le montant le plus élevé des numérateurs utilisés par les parties.
[162] 264 000 $ (pièce D-113-2) + 690 000 $ (pièce D-155).
[163] Le Tribunal réfère à la définition de la juste valeur marchande donnée par l’évaluateur agréé dans son rapport d’évaluation.
[164] Le ratio prêt-valeur étant de 76,32 %.
[167] LVM, art. 5, définition de « courtier » (2o).
[168] LVM, art. 5, définition de « courtier » (3o).
[169] Autorités canadiennes en valeurs mobilières, « Instruction générale relative au Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription et les obligations continues des personnes inscrites », 1er janvier 2023, en ligne : https://lautorite.qc.ca/fileadmin/lautorite/reglementation/valeurs-mobilieres/31-103/2023-01-01/2023janv01-31-103-ig-vconsolidee-fr.pdf (consulté en février 2025) (« Instruction générale 31-103 »).
[170] Instruction générale 31-103, art. 1.3.
[171] L’Instruction générale 31-103 explique ce critère comme suit : « Nous considérons généralement que la personne physique ou la société qui exerce des activités analogues à celles des personnes inscrites exerce l’activité de courtier ou de conseiller. Il peut s’agir de la promotion de titres ou de l’annonce, par un moyen quelconque, que la personne physique ou la société est disposée à souscrire, à acheter ou à vendre des titres. Nous pouvons considérer que la personne physique ou la société qui lance une entreprise pour exercer l’une ou l’autre de ces activités exerce l’activité de courtier ou de conseiller. »
[174] Pièce D-94-1 et D-94-2.
[175] L’Instruction générale 31-103 explique ce critère comme suit : « Nous considérons généralement que le fait d’agir comme intermédiaire entre un vendeur et un acquéreur de titres est assimilable à l’exercice de l’activité de courtier. La personne qui exerce cette activité est celle que l’on appelle communément un courtier. En général, nous considérons aussi que la personne qui tient un marché exerce l’activité de courtier. »
[176] L’Instruction générale 31-103 explique ce critère comme suit : « La fréquence ou la régularité des opérations est un indicateur courant de l’exercice de l’activité de courtier ou de conseiller. Il n’est pas nécessaire qu’il s’agisse de l’unique activité ou de l’activité principale de la personne pour qu’il y ait exercice de l’activité. Nous considérons que la personne qui se livre régulièrement à des activités de courtage ou de conseil de façon à générer des bénéfices exerce l’activité. Nous tenons également compte de l’existence d’autres sources de revenus et du temps consacré par la personne physique ou la société aux activités liées au courtage ou au conseil. »
[177] L’Instruction générale 31-103 explique ce critère comme suit : « Le fait de recevoir ou de s’attendre à recevoir une rémunération pour l’exercice de l’activité, que ce soit pour une opération ou en fonction de la valeur, dénote l’exercice de l’activité, peu importe que la rémunération soit effectivement versée et quelle que soit sa forme. La capacité d’exercer une activité de manière à réaliser des bénéfices est aussi un facteur pertinent. »
[178] Voir par exemple les pièces D-31, D-32, D-34 et D-38.
[179] Pièces D-25-1, D-32, D-39-2, D-107, D-110 et D-111-1.
[180] L’Instruction générale 31-103 explique ce critère comme suit : « Le fait d’entrer en communication avec des personnes pour leur proposer de participer à des opérations sur titres ou leur offrir des conseils peut indiquer qu’il y a exercice de l’activité. Le démarchage consiste à entrer en communication avec d’autres personnes par un moyen quelconque, dont la publicité, pour leur proposer de souscrire, d’acheter ou de vendre des titres ou de participer à des opérations sur titres ou encore pour leur offrir des services ou leur donner des conseils à ces fins. »
[183] Pièces D-13 et D-119.
[185] Pièces D-25-1, D-25-2 et D-121.
[186] Pièces D-1, D-2, D-25-1, D-25-2, D-94-1, D-94-2 et D-122.
[187] Autorité des marchés financiers c. 4XProTrader inc., 2020 QCTMF 51; Autorité des marchés financiers c. Technologies Crypto inc., 2019 QCTMF 5; Autorité des marchés financiers c. GO Great Offers Direct Ltd., 2021 QCTMF 57.
[188] Autorités canadiennes en valeurs mobilières, « Avis de publication des ACVM : Modifications concernant les créances hypothécaires syndiquées », 6 août 2020, en ligne : https://lautorite.qc.ca/fileadmin/lautorite/reglementation/valeurs-mobilieres/45-106/2020-08-06/2020aout06-45-106-avis-publ-final-acvm-fr.pdf (consulté en février 2025).
[189] Ibid. Voir aussi : Autorités canadiennes en valeurs mobilières, « Avis réglementaire et de consultation : Règlement sur le placement de créances hypothécaires syndiquées », 6 août 2020, en ligne : https://lautorite.qc.ca/fileadmin/lautorite/reglementation/valeurs-mobilieres/r-creances-hypothecaires-qc/2020-08-06/2020aout06-regl-creance-hyp-qc-avis-cons-fr.pdf (consulté en février 2025).
[190] LVM, art. 195 (1o).
[191] LDPSF, art. 468 (1o).
[195] Id., par. 39 et 45.
[197] À titre d’exemple, l’article 657 du Code de procédure civile prévoit que « [l]e tribunal peut, après le jugement, rendre toute ordonnance propre à faciliter l’exécution, volontaire ou forcée, de la manière la plus conforme aux intérêts des parties et la plus avantageuse pour elles. »
[199] LVM, art. 262.1, 265 et 270.
[201] Jetté c. 955 René-Lévesque Est, 2024 QCCS 2060, par. 48.
[202] LESF, art. 97 al. 2 (3o).
[203] Décision provisoire, par. 57-88.
[215] Pièces D-103 et D-104.
[216] Pièces D-94-1, D-94-2, D-119, D-120 et D-122.
[218] Pièces D-107, D-110 et D-111-1.
[219] Pièces D-105, D-108, D-110-1, D-112 et D-114.
[225] Pièces D-18 et D-19.
[230] RLRQ, c.V-1.1, r. 50.
[231] Pièce D-58, art. 8.01.
[233] Pièces D-55, D-56 et D-57.
[235] Voir par exemple la pièce D-73.
[236] Voir par exemple la pièce D-67.
[237] Pièces D-67, D-71, D-73, D-76, D-78, D-80, D-81-1, D-85, D-87, D-89 et D-90-1. À noter que François Bélanger cède également des parts de Projet PL par l’entremise d’Investissements Belabri inc. dans chacun des contrats contenus dans les pièces susmentionnées.
[238] Cette définition se lit de la manière suivante : « 3° le fait, par le souscripteur ou l’acquéreur qui a acquis ses titres sous le régime d’une dispense, de rechercher ou de trouver des acquéreurs sans bénéficier d’une dispense définitive de prospectus; ».
[241] Pièce D-58, art. 8.01.
[244] Pièce D-58, art. 4.03.01.
[246] Autorité des marchés financiers c. Simard, 2016 QCCQ 2149, par 24.
[247] Instruction générale 45-106, art. 1.9 (1o).
[248] Instruction générale 45-106, art. 1.9 (4o).
[249] Autorité des marchés financiers c. Archer Or inc., 2011 QCBDR 123; Solara Technologies Inc. (Re), 2010 BCSECCOM 163; Photo Violation Technologies Corp (Re), 2012 BCSECCOM 284.
[252] LVM, art. 5, définition de « courtier » (2o).
[254] LVM, art. 5, définition de « courtier » (3o).
[255] Instruction générale 31-103, art. 1.3.
[259] Instruction générale 31-103, art. 1.3.
[260] Money Gate Mortgage Investment Corporation (Re), 2019 ONSEC 40.
[263] Stinson (Re), 2023 ONCMT 26, par. 50 et 51.
[264] Threegold Resources Inc. (Re), 2021 ONSEC 30, par. 56 à 58.
[265] Stinson (Re), 2023 ONCMT 26, par. 52 et 53.
[267] Marston c. Autorité des marchés financiers, 2007 QCCQ 14913 (appel rejeté par la Cour d’appel, 2009 QCCA 2178).
[268] Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendant of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557, 589.
[269] Comité pour le traitement égal des actionnaires minoritaires de la Société Asbestos Ltée c. Ontario (Commission des valeurs mobilières), 2001 CSC 37.
[272] Cartaway Ressources Corp. (Re), 2004 CSC 26.
[274] LDPSF, art. 115.9 et LVM, art. 262.1.
[275] LESF, art. 97 al. 2 (3o).
[276] Autorité des marchés financiers c. Grégoire, 2023 QCTMF 85, par. 47.
[277] Autorité des marchés financiers c. Demers, 2006 QCBDRVM 17, p. 29 et 30. Il s’agit des critères suivants : le type, le nombre et la gravité des gestes posés par les contrevenants, la conduite antérieure des contrevenants et leur expérience, la vulnérabilité des investisseurs et/ou des clients sollicités, les pertes subies par les investisseurs et/ou des clients, les profits réalisés par les contrevenants, la position et le statut des contrevenants, le caractère intentionnel des gestes posés par les contrevenants, les dommages causés à l’intégrité du secteur financier par la conduite des contrevenants, le fait que les mesures administratives peuvent, selon la gravité du geste posé, constituer un facteur dissuasif pour les contrevenants, mais également à l’égard de ceux qui seraient tentés de les imiter, le degré de repentir, les facteurs atténuants et les mesures administratives imposées dans des circonstances semblables.
[281] LESF, art. 8, LDPSF, art. 184 et LVM, art. 276.
[283] Autorité des marchés financiers c. Piette, 2022 QCTMF 21, par. 40; Autorité des marchés financiers c. Létourneau, 2018 QCTMF 45, par. 20 et 66
[284] Autorité des marchés financiers c. Technologies Crypto inc., 2019 QCTMF 5, par. 26; Autorité des marchés financiers c. Longpré, 2021 QCTMF 62, par. 169.
[285] Infotique Tyra inc. c. Québec (Commission des valeurs mobilières), 1994 CanLII 5940 (QC CA).
[286] Autorité des marchés financiers c. Demers, 2006 QCBDRVM 17, p. 29 et 30.
[287] Cooper c. Hobart, 2001 CSC 79, par. 49.
[288] Autorité des marchés financiers c. Ben-David, 2021 QCTMF 63, par. 59.
[290] McLoughlin (Re), 2011 LNBCSC 155.
[292] Voir notamment le par. 49 du Plan d’argumentation de l’Autorité des marchés financiers sur les sanctions.
[293] Comité pour le traitement égal des actionnaires minoritaires de la Société Asbestos Ltée c. Ontario (Commission des valeurs mobilières), 2001 CSC 37; Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendant of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557; Cartaway Ressources Corp. (Re), 2004 CSC 26.
[294] Solar Income Fund (Re), 2023 ONCMT 3, par. 144 et Feng (Re), 2023 ONCMT 43, par. 45.
[296] LVM, art. 195 (1o).
[297] Autorité des marchés financiers c. Cerisier, 2019 QCTMF 29; Autorité des marchés financiers c. OT Mining Corporation inc., 2019 QCTMF 48; Autorité des marchés financiers c. Brouillard, 2019 QCTMF 1; Autorité des marchés financiers c. L’Heureux, 2015 QCBDR 111.
[298] Il ne faut pas interpréter ce commentaire du Tribunal comme un reproche à l’Autorité.
[299] Pièce D-116 et témoignage de Sophie Desrosiers.
[300] Autorité des marchés financiers c. Grégoire, 2024 QCTMF 72.
[301] Une autre modification a été effectuée verbalement lors de l’audience du 3 décembre 2024.