Chambre de la sécurité financière c. Selvanayagam | 2025 QCCDCSF 5 |
comité de discipline CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE | |
canada province de québec | | |
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N°: | CD00-1563 | |
DATE: 4 avril 2025 | |
le comité : | Me Madeleine Lemieux Mme Céline Paret M. Patrick Warda, A.V.C., Pl. Fin. | Présidente Membre Membre | | |
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SYNDIQUE DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE | | |
| Partie plaignante | | |
c. | | |
KISHAN SELVANAYAGAM, certificat numéro 244363, BDNI 4096121 | | |
| Partie intimée | | |
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décision sur CULPABILITÉ ET SANCTION |
conformément à l’article 142 du code des professions, le comité a prononcé l’ordonnance suivante :
- Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non
‑diffusion des noms et prénoms des consommateurs concernés par la plainte disciplinaire ainsi que de toute information permettant de les identifier, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas à tout échange d’information prévu à la Loi sur l’encadrement du secteur financier (RLRQ, c. E-6.1) et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2).
- L’intimé fait l’objet d’une plainte disciplinaire qui contient un seul chef d’infraction. La syndique lui reproche d’avoir manqué d’intégrité, d’honnêteté et de professionnalisme en acceptant de procéder à l’ouverture de comptes de banque en l’absence des clients.
- L’intimé, qui n’est pas représenté par avocat, a plaidé coupable à l’infraction qui lui est reprochée. Après s’être assuré qu’il comprenait bien le sens et les conséquences de son plaidoyer de culpabilité, le comité de discipline (« comité ») a déclaré l’intimé coupable d’avoir contrevenu aux articles 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines des valeurs mobilières[1] (« Règlement »).
- Afin de respecter la règle empêchant les condamnations multiples, le comité ordonne la suspension conditionnelle des procédures concernant l’article 10 du Règlement.
- Le comité doit déterminer la sanction appropriée qui doit être imposée à l’intimé.
LA PLAINTE
- L’unique chef d’infraction de la plainte se lit comme suit :
In Vaudreuil-Dorion, on or about June 1, 2022, and May 3, 2023, the Respondent failed to act with integrity, honesty, and professionalism by opening at the request of a third party, eleven (11) bank accounts outside the presence of clients and without verifying their identity, thereby contravening sections 10 and 14 of the Regulation respected the rules of ethics in the securities sector.
LE CONTEXTE
- Au moment des événements reprochés à l’intimé, il est inscrit comme représentant de courtier pour un courtier en épargne collective pour le compte de CIBC Securities Inc – Placements CIBC Inc (« CIBC »).
- L’intimé a débuté son emploi chez CIBC en octobre 2020, d’abord comme caissier puis comme représentant et conseiller financier. Il s’agit de sa première expérience de travail dans le secteur financier.
- Une enquête interne menée par CIBC a révélé qu’entre le 1er juin 2022 et le 3 mai 2023, l’intimé a participé à l’ouverture de onze comptes de banque, à la demande d’un individu, client de la succursale, mais sans jamais rencontrer les personnes pour qui il a ouvert ces comptes de banque.
- L’intimé a accepté d’ouvrir ces comptes en l’absence des personnes concernées et ce, en se basant sur les documents tels que les passeports ou carte de résidence permanente transmis par l’individu à l’origine de la demande. Les signatures des documents requis pour l’ouverture des comptes ont été transmises par courriel.
- Des cartes de débit et des cartes de crédit ont aussi été émises avec les ouvertures de compte; le comité ignore si ces personnes existent réellement ou s’il s’agit de personnes fictives.
- Lors de son entrevue avec l’enquêteur de la Chambre de la sécurité financière (« Chambre »), l’intimé lui a dit avoir voulu rendre service à des personnes immigrantes suite à la demande de cet individu. Ce dernier ayant indiqué à l’intimé des difficultés pour ces personnes de se déplacer et se rendre à la succursale.
- Pendant l’enquête menée par CIBC, l’intimé a reconnu avoir ouvert ces comptes malgré le fait que les clients n’étaient pas présents, que c’est une tierce personne qui lui a fourni les informations sur ces personnes et qu’il a remis les cartes de débit à cette tierce personne. L’’intimé a reconnu avoir reçu la somme de 8 000$ pour ouvrir ces comptes en banque.
- Ni CIBC ni aucun consommateur n’a subi de pertes financières à la suite de ces ouvertures de compte.
- À l’issue de son enquête, CIBC a congédié l’intimé le 4 juillet 2023.
LA SANCTION
- La syndique et l’intimé ont formulé une recommandation commune de sanction à savoir une radiation temporaire de cinq ans et le paiement des déboursés.
- Bien que l’intimé ne soit pas représenté par avocat, le comité doit considérer que l’accord de l’intimé à la sentence recommandée par la syndique est une recommandation commune[2]. Une telle recommandation commune est soumise aux enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt Cook[3].
- Le comité doit donc décider si la sanction recommandée est contraire à l’ordre public ou déconsidère l’administration de la justice. Il n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction.
- L’article 14 du Règlement prévoit que le représentant doit exécuter ses activités professionnelles de manière responsable avec respect, intégrité et compétence. L’ouverture de compte en l’absence des clients est contraire aux procédures de la banque et il s’agit d’un manque d’intégrité de la part de l’intimé.
- Le devoir d’intégrité du représentant est un devoir fondamental et les infractions qui mettent en cause cette intégrité sont des fautes objectivement graves qui sont au cœur de l’exercice de la profession; de tels manquements ternissent l’image de la profession et minent la confiance du public.
- Parmi les facteurs aggravants, le comité retient qu’il y a eu répétition des gestes reprochés sur une période de presque une année. L’intimé a touché quelque 8 000$ pour avoir accepté de participer à ces ouvertures de comptes de banque.
- Pour ce qui est des facteurs atténuants, le comité retient que l’intimé avait peu d’expérience, qu’il a collaboré tant à l’enquête de son employeur, CIBC, qu’à l’enquête de la syndique; il a reconnu les faits et plaidé coupable à la première occasion.
- Certes l’intimé n’a pas d’antécédents disciplinaires, mais considérant sa très courte carrière de représentant, ce facteur a peu de poids. L’intégrité est une qualité essentielle que doit posséder tout représentant, quel que soit le nombre d’années d’expérience qu’il possède.
- L’intimé a exprimé des regrets à l’enquêteur de la Chambreet il a perdu son emploi. De plus, ces ouvertures de comptes n’ont causé aucun préjudice financier ni pour CIBC ni pour des consommateurs.
- Quant au risque de récidive, il est minimal selon la syndique puisque l’intimé ne détient plus de certificat et qu’il ne travaille plus dans le domaine financier.
- La fourchette de sanctions imposées par des comités de discipline pour des infractions de même nature est très large allant de l’imposition d’une courte période de radiation, de trois et cinq mois,[4] allant jusqu’à des radiations permanentes[5].
- Ainsi dans l’affaire Kapoor[6], le comité a imposé des radiations de deux et trois mois à un représentant qui avait ouvert des comptes CELI avec des signatures falsifiées dans le contexte bien particulier d’un parent qui voulait surprendre ses enfants en leur offrant les sommes déposées dans les CELI.
- Dans les affaires Njang[7] et Fameni Fambeu[8] les comités ont imposé des radiations de dix ans ou plus notamment parce que les ouvertures de comptes de banque fictifs ont servi à des appropriations de fonds par les intimés[9]; dans l’affaire Dan Maradi, les ouvertures de comptes de banque fictifs ont entraîné des pertes financières importantes pour l’institution financière[10].
- Le comité est d’avis que dans les circonstances particulières du présent dossier, la recommandation commune d’une radiation temporaire de cinq ans n’est pas contraire à l’ordre public et ne déconsidère pas l’administration de la justice.
POUR CES MOTIFS, le comité de discipline :
RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimé prononcée à l’audience du 18 mars 2025 relativement au chef d’infraction contenu à la plainte pour avoir contrevenu aux articles 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r. 7)
ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures quant à l’article 10 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r. 7);
ET SE PRONONÇANT SUR LA SANCTION :
ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de cinq ans;
ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans les lieux où ce dernier a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 7 de l’art. 156 du Code des professions;
CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément à l’art. 151 du Code des professions;
PERMET la notification de la présente décision aux parties par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c.C-25.01), soit par courrier électronique.
| (S) Me Madeleine Lemieux |
| Me Madeleine Lemieux Présidente du comité de discipline (S) Céline Paret |
| Mme Céline Paret Membre du comité de discipline (S) Patrick Warda |
| M. Patrick Warda, A.V.C., Pl. Fin. Membre du comité de discipline |
Me Valérie Déziel
CDNP AVOCATS
Procureure de la partie plaignante
M. Kishan Selvanayagam
Partie intimée, présent et non représenté
Date d’audience : 18 mars 2025
COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ
A0042