Joannette c. Club Piscine Plus CPPQ (West Island) inc. | 2022 QCCQ 9668 | |||||
COUR DU QUÉBEC | ||||||
« Division des petites créances » | ||||||
CANADA | ||||||
PROVINCE DE QUÉBEC | ||||||
DISTRICT DE | MONTRÉAL | |||||
« Chambre civile » | ||||||
N° : | 500-32-712323-205 | |||||
|
| |||||
| ||||||
DATE : | 5 décembre 2022 | |||||
______________________________________________________________________ | ||||||
| ||||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE | L’HONORABLE | ENRICO FORLINI, J.C.S. | ||||
______________________________________________________________________ | ||||||
| ||||||
| ||||||
LYNE JOANNETTE | ||||||
Demanderesse | ||||||
c. | ||||||
LE CLUB PISCINE PLUS C.P.P.Q. (WEST ISLAND) INC. | ||||||
Défenderesse | ||||||
| ||||||
| ||||||
______________________________________________________________________ | ||||||
| ||||||
JUGEMENT [1] | ||||||
______________________________________________________________________ | ||||||
| ||||||
Aperçu
[1] En mars 2018, Mme Joannette achète une piscine hors terre de Le Club Piscine Plus C.P.P.Q. (West Island) inc. (« Club Piscine ») et celle-ci est installée en juin 2018.
[2] En mars 2020, moins de deux ans après son installation et son achat, la piscine s’effondre.
[3] Mme Joannette soutient que la piscine était affectée d’un vice caché au moment de la vente, ce qui explique son effondrement. Elle réclame 3 664 $ en dommages-intérêts à son vendeur.
[4] Club Piscine plaide que la piscine qu’elle a vendue n’était aucunement affectée d’un vice caché et que l’effondrement résulte plutôt d’une mauvaise fermeture de la piscine à l’automne 2019. En outre, elle soulève que l’accumulation excessive de neige et de glace conjuguée au cycle de gel et dégel survenu lors de l’hiver 2019-2020 constitue une force majeure.
Questions en litige
[5] Pour trancher le litige, le Tribunal doit répondre aux questions suivantes :
1) La présomption de responsabilité du vendeur professionnel est-elle déclenchée?
2) Dans l’affirmative, Club Piscine a-t-elle repoussé cette présomption?
3) Quels sont les dommages auxquels a droit Mme Joannette?
Analyse et décision
1) La présomption de responsabilité du vendeur professionnel est-elle déclenchée?
A. Cadre juridique
[6] La vente de la piscine s’inscrit dans un contexte de contrat de consommation et est donc régie tant par la Loi sur la protection du consommateur (RLRQ, c. P-40.1, « LPC ») que le Code civil du Québec (« C.c.Q. »).
[7] La demande soulève l’applicabilité de la garantie de qualité dont est redevable tout vendeur à l’égard d’un acheteur en vertu de l’article
[8] La demande fait également appel à la garantie de durabilité prévue à l’article
38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.
[9] Tant l’article
[10] Il s’agit d’une triple présomption réfragable en faveur de l’acheteur de : (1) l’existence d’un vice; (2) l’antériorité du vice par rapport au contrat de vente; et (3) du lien de causalité unissant le vice à la détérioration ou au mauvais fonctionnement du bien[3].
[11] Pour bénéficier de la présomption de responsabilité qui découle des articles
[12] Si l’acheteur ou le consommateur réussit à faire la preuve de ces deux conditions, il y a alors une présomption de responsabilité du vendeur professionnel ou du commerçant.
[13] Le vendeur professionnel ou le commerçant peut repousser la présomption de responsabilité s’il fait la preuve, par prépondérance, de la mauvaise utilisation du bien par l’acheteur, de la faute causale d’un tiers ou d’un cas de force majeure[5].
B. Application à l’espèce
La présomption de responsabilité – 1ère condition : vendeur professionnel ou commerçant
[14] Le 29 mars 2018, Club Piscine vend à Mme Joannette une piscine de modèle Integra de 24 pieds de diamètre au prix de 3 664 $, plus TPS et TVQ pour un prix total de 4 212,68 $[6]. Ce prix (avant taxes) inclut 2 299 $ pour la piscine, 965 $ pour son installation et 400 $ pour l’enlèvement de l’ancienne piscine qui s’était effondrée.
[15] Mme Joannette achète la piscine pour son usage personnel et est une consommatrice aux fins de la LPC.
[16] Club Piscine est une entreprise qui fait de la vente au détail de biens à la consommation, dont des piscines. Elle est un vendeur professionnel au sens du Code civil ainsi qu’un commerçant au sens de la Loi sur la protection du consommateur.
[17] Club Piscine est une personne tenue à la garantie du vendeur professionnel ou d’un commerçant au sens de la LPC
[18] La première condition est donc remplie.
Présomption de la responsabilité – 2e condition : détérioration prématurée
[19] Celui qui invoque le bénéfice de la présomption de responsabilité qui découle des articles
[20] Le consommateur peut aussi se prévaloir de la présomption de responsabilité de l’article
[21] La piscine est vendue le 29 mars 2018 et installée par Club Piscine au courant des deux premières semaines de juin 2018 à la résidence de Mme Joannette.
[22] Entre le milieu et la fin du mois de mars 2020, les murs d’acier de la piscine gondolent et s’effondrent. De plus, cet effondrement partiel provoque le détachement de la toile. Les photos produites par les parties établissent qu’il y a une détérioration du bien vendu et qu’il n’est plus possible d’utiliser normalement la piscine[8].
[23] De plus, le Tribunal estime que vu le montant payé pour la piscine (4 212,68 $) et que l’effondrement survient moins de deux ans après son installation, il y a ici détérioration prématurée de la piscine. En d’autres mots, la piscine n’a pas servi à un usage normal pendant une durée raisonnable eu égard à son prix[9].
[24] Mme Joannette a prouvé les deux conditions d’application de la présomption de responsabilité de l’article
2) Dans l’affirmative, Club Piscine a-t-elle repoussé cette présomption?
[25] Puisque la présomption de responsabilité s’applique, Club Piscine est donc présumée responsable d’avoir manqué à son obligation de durabilité à l’égard de la piscine et des dommages subis par Mme Joannette à moins qu’elle prouve par prépondérance que son effondrement résulte de la mauvaise utilisation de celle-ci par Mme Joannette, une faute causale d’un tiers ou d’un cas de force majeure.
[26] Club Piscine n’invoque pas la faute causale d’un tiers comme moyen d’exonération.
[27] Toutefois, elle plaide qu’elle a renversé la présomption de responsabilité puisque l’effondrement de la piscine résulte de sa mauvaise utilisation par Mme Joannette et son conjoint, M. Gilles Huneault. Plus particulièrement, elle soutient que la piscine s’est effondrée parce qu’elle a été mal fermée à l’automne 2019.
[28] Club Piscine a effectué le service d’ouverture de la piscine lors de son installation en juin 2018. Elle a également fait le service de fermeture à l’automne 2018.
[29] Au printemps 2019, M. Huneault fait appel à une autre entreprise pour effectuer le service d’ouverture de la piscine puisque celle-ci offre le service à moindre coût que Club Piscine. Il retient à nouveau les services de cette tierce partie à l’automne 2019 pour la fermeture de la piscine.
[30] Selon Club Piscine, cette tierce partie n’a pas respecté les règles de l’art applicables lorsqu’il faut fermer une piscine hors terre avant la saison hivernale puisqu’elle n’a pas correctement fermé la valve trois voies.
[31] Ce manquement a occasionné un bris de la valve lors du gel, ce qui a par la suite provoqué une fuite d’eau de la piscine. Selon la théorie de Club Piscine, une couche épaisse de glace - un pont de glace - s’est formée sur le dessus de l’eau de la piscine l’hiver. Vu la fuite dans la valve trois voies, l’eau s’échappe lentement de la piscine par la valve trois voies fissurées et crée un espace vide sous le pont de glace.
[32] Au printemps, le pont de glace s’effondre, cause une déchirure la toile de la piscine, et l'intégrité structurelle des parois en acier de la piscine est perdue et celle-ci s'effondre.
[33] Cette preuve repose sur le témoignage d’un préposé de Club Piscine et de M. Stéphane Boucher, un expert en fermeture de piscine et sous-traitant de Club Piscine.
[34] Or, comme le Tribunal l’a souligné lors de l’instruction, ce témoignage constitue un témoignage d’opinion et celui-ci est recevable seulement si l’a partie a, préalablement à l’instruction, déposée au greffe de la Cour un rapport d’expertise[10].
[35] Club Piscine n’a jamais déposé de rapport d’expertise pour appuyer sa théorie sur la cause de l’effondrement de la piscine. Pourtant, la convocation à l’audience qu’elle a reçue lui rappelle clairement qu’elle avait l’obligation de déposer tous ses pièces et documents qui ne l’avaient pas encore été au moins 30 jours avant la date fixée pour l’audience.
[36] Vu l’omission de Club Piscine de se conformer aux règles prévues au Code de procédure civile, le Tribunal a jugé irrecevable les témoignages d’opinion du préposé et représentant de Club Piscine et de M. Boucher.
[37] Il est vrai que l’article
[38] Le but du rapport d’expertise et de l’obligation de communiquer celui-ci au moins 30 jours avant l’instruction est d’éviter de prendre par surprise la partie adverse
[39] En l’espèce, la demanderesse n’a pas produit de rapport d’expertise. Il n’était pas déraisonnable ou téméraire pour elle de ne pas le faire puisque sa demande s’appuyait sur la présomption de responsabilité des articles
[40] Étant donné que les conditions dans lesquelles la présomption de responsabilité peut être renversée sont très limitées et font souvent, sinon généralement appel à une preuve d’expertise, et vu le moyen de défense qu’elle invoquait, il était raisonnablement prévisible pour un vendeur professionnel tel que Club Piscine de savoir qu’elle avait l’obligation de produire un rapport d’expertise pour appuyer sa défense. Elle ne l’a pas fait et le Tribunal ne peut dans ces circonstances faire appel à la mesure exceptionnelle prévue à l’article
[41] Les principes directeurs de la procédure, incluant la règle selon laquelle les parties se doivent de coopérer notamment en s’informant mutuellement, en tout temps, des faits et des éléments susceptibles de favoriser un débat loyal (art.
[42] Puisque la preuve que Club Piscine a tenté d’admettre a été jugée irrecevable vu qu’elle a omis de déposer un rapport d’expertise, elle n’a pas réussi à repousser la présomption de responsabilité.
[43] Elle est donc responsable du préjudice subi par Mme Joannette en raison de l’effondrement prématuré de la piscine.
3) Quels sont les dommages auxquels a droit Mme Joannette?
[44] Mme Joannette réclame des dommages-intérêts de 3 664 $. Il s’agit du prix payé en juin 2018 pour l’achat de la piscine, incluant l’installation et l’enlèvement de l’ancienne piscine, en excluant les taxes applicables.
[45] Aucune des parties n’a administré une preuve quant au montant de la dépréciation applicable à une piscine usagée de deux ans.
[46] En l’absence d’une telle preuve, le Tribunal doit tout de même tenir compte de la dépréciation, mais doit l’arbitrer. En outre, le Tribunal tient compte du fait que le montant réclamé inclut 400 $ pour l’enlèvement de l’ancienne piscine.
[47] Le Tribunal estime qu’une indemnité de 3 000 $ est juste et raisonnable. Ce montant correspond à une dépréciation de 8 % du prix d’achat excluant les taxes et les frais d’enlèvement.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[48] ACCUEILLE la demande;
[49] CONDAMNE Le Club Piscine Plus C.P.P.Q. (West Island) inc. à payer à Lyne Joannette 3 000 $ avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article
[50] AVEC FRAIS DE JUSTICE de 104 $ payable par Le Club Piscine Plus C.P.P.Q. (West Island) inc. à Lyne Joannette.
| ||
| __________________________________ ENRICO FORLINI, J.C.S. | |
| ||
| ||
| ||
| ||
| ||
| ||
| ||
| ||
| ||
Date d’audience : | 22 novembre 2022 | |
[1] À la suite de sa nomination à la Cour supérieure du Québec, le juge soussigné rend, conformément à l’article
[2] Capmatic Ltd. c. American Brands,
[3] Groupe Royal inc. c. Crewcut Investments Inc.,
[4] Capmatic Ltd. c. American Brands,
[5] CNH Industrial Canada Ltd. c. Promutuel Verchères, société mutuelle d’assurances générales, précité, note 8, paragr. 31 à 34.
[6] P-2 : Contrat de vente.
[7] Art.
[8] D-3 : Courriels échangés entre les parties et photos transmises par M. Huneault à Club Piscine le 10 avril 2020; P-7, P-8, P-9 photos de la piscine.
[9] Viau c. Club Piscine CPPQ (St-Jérôme) inc.,
[10] Art.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.