Décision

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Chartier c. Drouin

2022 QCCS 4320

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

SAINT-FRANÇOIS

 

No :

450-17-007624-191

 

 

 

DATE :

14 novembre 2022

______________________________________________________________________

 

 

L’HONORABLE

CLAUDE DALLAIRE, J.C.S.

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LAURIER CHARTIER

LAURENCE COMTOIS

Demandeurs

c.

BERTRAND DROUIN

CHANTAL MARCOUX

Défendeurs

et

OFFICE DE LA PUBLICITÉ DES DROITS DE LA CIRCONSCRIPTION FONCIÈRE DE RICHMOND

Mis en cause

 

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TRANSCRIPTION RÉVISÉE DU JUG EMENT RENDU ORALEMENT

LE 21 octobre 2022[1]

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1.                 L’APERÇU

[1]               Les demandeurs, des personnes âgées, qui sont propriétaires d’une terre agricole, veulent faire annuler un contrat contenant divers actes juridiques, qu'ils ont conclu avec les défendeurs, au motif qu'ils ont été induits en erreur par leurs cocontractants, qu'ils ont reçu de fausses représentations, qu'ils ont été mis sous pression, avec très peu de temps pour réfléchir, avant de signer le contrat que les défendeurs auraient intentionnellement digé de manière floue, pour faussement les sécuriser.

[2]               Le résultat de tout cela: ils sont maintenant privés de la possibilité de vendre leur immeuble comme bon leur semble, si le contrat n'est pas annulé.

[3]               Comme il y a aussi apparence d'un bail, portant sur la terre agricole des demandeurs, dans l'acte contesté, les défendeurs ont fait inscrire le bail au Registre foncier. Si nous annulons le contrat, les demandeurs souhaitent qu'une ordonnance soit rendue, pour radier l’inscription du Registre. 

[4]               Les défendeurs contestent les accusations des demandeurs, ne voyant pas pour quelles raisons le contrat devrait être annulé, pour le simple motif que le fils des demandeurs considère que ses parents auraient pu en négocier un meilleur.

[5]               Ils considèrent que le contrat a été librement consenti, et qu'il ne revient pas au fils de se mêler d’un contrat auquel il n’est pas partie, afin de tenter de refaire l’histoire, quelques mois après la signature du contrat, et alors que ses parents, les demandeurs, étaient tout à fait capables de gérer eux-mêmes leurs affaires, lorsqu'ils ont accepté de transiger avec eux, tant pour un bail, que pour leur consentir un pacte de préférence, pour l'achat éventuel de l'immeuble.

[6]               Les demandeurs ayant laissé l’exécution du contrat débuter, mais ayant changé d'idée, par la suite, en leur refusant l’accès à leur terre, ce qui les a privés du bénéfice relié au bail consenti, pour un minimum de 5 ans, cela explique la demande reconventionnelle des défendeurs, qui recherchent l’exécution forcée du contrat, en sus de dommages et intérêts, pour inexécution contractuelle, depuis le printemps 2019, qui demandent qu'une déclaration d’abus soit prononcée et que leurs honoraires professionnels leur soient remboursés, puisque la demande en annulation de contrat serait abusive, selon eux.

2.                 Les questions

[7]               Les questions que tranche ce jugement, telles que formulées par la partie demanderesse, sont les suivantes:

  1. Le document P-4 est-il d’une ambiguïté telle que cela le rend nul?
  2. Y a-t-il ici vice de consentement suivant erreur de bonne foi, provoquée par l’ambiguïté du document P-4?
  3. L’interprétation (du contrat) des défendeurs est-elle abusive, et constitue-t-elle une forme d’exploitation des personnes âgées, peu instruites en semblable matière, correspondant à l’article 48 de la Charte?

[8]               Les questions en défense, sont ainsi rédigées :

  1. Les défendeurs sont-ils en droit de demander l’exécution forcée du document P-4?
  2. Sont-ils fondés à demander 22 500 $, suite à l’inexécution du contrat?
  3. Sont-ils fondés à réclamer 5 000 $[2], quitte à parfaire, pour des honoraires, pour recours abusif?

3.                 La position des demandeurs

[9]                Ils plaident que le contrat est tellement ambigu, qu’il nécessite une interprétation, pour pouvoir décider s’il y a lieu de l’annuler, pour cause d’erreur. C’est aussi sur le caractère abusif du contrat, qu'il devrait être annulé, puisqu'il serait « incongru à plusieurs égards »[3].

[10]           Le contrat contiendrait aussi une entente de location perpétuelle, ce qui est déraisonnable, et milite en faveur de l'annulation, puisqu'illégal[4].

[11]           Pour les demandeurs, il ne fait aucun sens qu’ils délaissent leur propriété, en échange de presque rien, ou tout simplement parce qu’ils auront « moins d’ouvrage », du fait que les défendeurs, en en faisant l'acquisition, s'engagent à faire le travail de ferme à leur place.

[12]           De plus, avec les explications données par les défendeurs, il n’était pas nécessaire de prévoir un délai de 5 ans, pour le bail, soit jusqu’à ce que les demandeurs veuillent enfin vendre, avec une option d’achat. Ce délai aurait été mis « pour conforter les gens dans la signature du document », et constituerait une erreur et une forme d’abus contre des personnes âgées[5].

[13]           Le contrat ne contiendrait même pas de description de ce qui est loué et omettrait un aspect pourtant convenu entre les parties, et au bénéfice des demandeurs : le pacage des animaux.

[14]           Le fait que les défendeurs aient dit « on est pas des sauvages », pour convaincre les demandeurs qu’ils n’avaient pas besoin de faire affaire avec un notaire, aurait été dit pour « attirer les demandeurs et les faire signer», ce qui serait un élément très important, selon leur avocat.

[15]           Si le contrat avait été plus clair, les demandeurs, peu expérimentés en ces matières, auraient pu voir le danger contenu dans le document.

[16]           Les demandeurs prêtent donc des intentions malicieuses aux rédacteurs du contrat, qu'ils identifient comme étant seulement les défendeurs, et ils plaident que la bonne foi contractuelle, exigée par l’article1375 C.c.Q., n’a pas été respectée.

[17]           Au chapitre de la conclusion du contrat, il y aurait donc vice de consentement, provoqué par le flou du contrat (à savoir qu'est-ce qui était loué, au juste), par les paroles et promesses des défendeurs, et l'absence de consignation de certaines ententes, dans l’acte, ce qui sous-tend des fausses représentations, également[6].

[18]           À cause de la rédaction tordue faite par les défendeurs, les demandeurs n’ont pas réalisé qu’ils avaient consenti un droit de premier refus sur l’achat de leur terre, à un prix fixé 5 ans à l’avance.

[19]           Ils allèguent donc avoir commis une erreur de bonne foi, après avoir été induits en erreur, d'où les allégations d'exploitation de personnes âgées.

[20]           Le 11 avril 2019, ils ont rapidement dénoncé ces erreurs,[7] que les défendeurs ont contestées[8], en tentant ensuite de rectifier certains faits[9].

[21]           Pis encore, en réaction, le 10 juin 2019, leur nouvel avocat a poussé l'audace jusqu'à faire publier au bureau de la publicité des droits, le bail inclus dans le contrat contesté[10].

[22]           Ensuite, après que les demandeurs aient décidé de leur rembourser les taxes, qu'ils avaient payées à la municipalité, en exécution du contrat[11], les défendeurs ont encaissé leur chèque.

[23]           L’argumentation des demandeurs tourne donc autour de la mauvaise foi contractuelle des défendeurs, dans la rédaction du contrat, et des conséquences de l’erreur qui a été provoquée dans leur esprit, les demandeurs mettant l’emphase sur la grande expérience du défendeur en semblable matière, et plaidant que les défendeurs les ont manipulés, en sachant très bien qu'ils étaient des personnes âgées, vulnérables, et beaucoup moins expérimentées qu'eux, et ce, pour arriver à leurs fins.

[24]           Enfin, si le contrat est annulé, il y aurait lieu de radier l’inscription relative au bail, dans le Registre foncier, par voie de conséquence.

4.                 La position des défendeurs

[25]           Les défendeurs prétendent n’avoir rien à se reprocher. Ils considèrent que le contrat est tout à fait valide, que les demandeurs ont fourni un consentement libre et éclairé, qu'à quelques exceptions près, le contenu de l’acte reflète leur entente, et que tant la négociation que la conclusion de l’acte se sont déroulées de bonne foi, de part et d’autre.

[26]           Ils admettent avoir oublié certains éléments, discutés avec les demandeurs, mais ajoutent que ceux-ci n’ont aucun effet sur la validité du contrat. De plus, dès que ce fait a été porté à leur attention, ils ont tout de suite offert de préparer un autre acte, pour consigner ces autres ententes. Ils ont répété leur offre devant la Cour, mais elle a été refusée, dans les deux cas, les demandeurs voulant rouvrir l'entièreté des négociations, pour revenir sur d'autres aspects, ce que les défendeurs considéraient ne pas être acceptable.

[27]           Le fait que le contrat ait été publié au Registre foncier, pour la portion bail de l’entente, génère des effets juridiques, et il y aurait lieu de forcer l'exécution en nature du bail, les défendeurs voulant avoir accès à la terre, afin de la cultiver, comme cela a été convenu.

[28]           Puisque le contrat ne contient aucune ambiguï de la nature de celle décrite par les demandeurs, il ne resterait qu’à l’exécuter, dans son entièreté, car leurs cocontractants ne peuvent pas tenter de revenir sur leurs engagements, simplement parce qu'ils ont été influencés par leur fils, qui les aurait convaincus « qu’ils s’étaient fait arnaquer », lorsqu'il a pris connaissance du contrat, deux ou trois jours après la signature de l'entente.

[29]           D'ailleurs, ce n’est que plusieurs semaines après le fait, que les demandeurs les ont relancés, pour faire marche arrière, après les avoir laissés débuter les travaux d'épandage de purin, sur 20 des 100 acres de la terre louée. Ce n'est qu'à ce moment, et après avoir consulté un juriste, qu'ils ont décidé de leur bloquer l'accès à la terre louée, à la fin mars ou au début avril 2019.

[30]           Selon les défendeurs, linsatisfaction d’un tiers au contrat, ne constitue pas un motif d’annulation de celui-ci. Ce que pensent ces tiers, ne devrait avoir aucun impact sur la validité du consentement, que les demandeurs ont donné, de leur plein gré, puisque le tout s’est déroulé dans un contexte propice à la conclusion du contrat.

[31]           Dans son interrogatoire préalable, le demandeur Chartier aurait même avoué qu'il n’avait rien à reprocher aux défendeurs, ce qui démontre le caractère abusif du recours, à sa face même.

[32]           Voilà pourquoi les défendeurs demandent l’exécution forcée dudit contrat, ainsi que des dommages, vu l’inexécution de celui-ci par les demandeurs, depuis les dernières années, et qu'ils veulent obtenir le remboursement des honoraires extrajudiciaires qu'ils ont dû encourir, pour se défendre à l'encontre de l'abus des demandeurs, d’ester en justice[12].

[33]           Ce serait 2 500 $, pour l’épandage de purin effectué sur la terre des demandeurs, et qui a permis à ceux-ci d’engraisser leur terre, pour ensuite y cultiver 300 balles de foin, que les défendeurs ont perdu, et ils n'ont pu semer ni récolter le soya qu’ils avaient déjà acheté, avant de se faire interdire l'accès à la terre, ce qui leur a fait perdre des revenus évalués à 20 000 $, lors de l’audition, sans toutefois avoir déposé de preuve documentaire, à cet effet.

[34]           En droit, les défendeurs plaident qu’en sus du bail, d'une durée de 5 ans, contenu dans l’acte contesté, ce dernier comporte aussi un pacte de préférence, qui est tout à fait légal, et leur permettrait d'acheter la terre des demandeurs, au prix de 550 000 $, si ceux-ci décident de la vendre, éventuellement.

[35]           Si les demandeurs considèrent avoir été floués, et qu'il y a eu erreur, ce qui est nié, les défendeurs soutiennent qu'il s'agit alors d'une erreur inexcusable, au sens du Code civil du Québec, et qu’elle ne peut être invoquée, pour obtenir la nullité du contrat[13]. Ils ajoutent que parmi les obligations que tout contractant doit respecter, il y a celle voulant qu’ils se renseignent, avant de passer à l’acte[14].

[36]           Selon leur vision des choses, lessence du contrat contient un bail, d’un minimum de 5 ans, ce qui protège les demandeurs, puisqu'ils n’étaient pas prêts à vendre, lors de la conclusion du contrat. Mais cette durée est aussi bénéfique aux défendeurs, car elle leur permet de rentabiliser les investissements qu’ils devaient faire, sur la terre louée. Et quant au pacte de préférence, qui devait intervenir minimum après 5 ans, il a été ainsi convenu, parce que les demandeurs déclaraient ne pas être tout à fait prêts à vendre. Les défendeurs considèrent qu'il est évident que l'intention des parties n'a jamais été de conclure un bail perpétuel.

[37]           Si les demandeurs ne souhaitent pas vendre, le contrat leur permet tout à fait d'aller dans cette direction. Ce n'est que s’ils se décident à le faire, que les défendeurs plaident que chacun y trouvera alors son compte, de la manière dont le contrat a été conclu. À titre d'exemple, les insécurités des demandeurs, sur leur lieu de résidence et l'assumation des frais de celle-ci, en cas de vente, sont prévues dans le contrat.

[38]           Le fait que la vente ait lieu pour un prix prédéterminé de 550 000 $, serait raisonnable, et ne démontrerait aucune mauvaise foi des défendeurs, tout en respectant la préoccupation des demandeurs, qui ne voulaient pas vendre en deçà de 500 000$, si la vente avait eu lieu, en 2019.

[39]           Ainsi , l’argument du fils, selon lequel « La terre est pu à vous autres », lorsqu'il parle à ses parents, serait erroné, en plus d'être de nature inflammatoire, tout comme le fait de leur avoir dit qu'ils « se sont fait arnaquer’ », et c'est en réalité, ce qui est réellement à l’origine du litige.

[40]           Vu la nature des conclusions recherchées, dont l'annulation du contrat, les défendeurs plaident que nous n’aurions pas à entrer dans l’interprétation du contrat, mais seulement à évaluer ses conditions de formation, son objet et sa nature, respectent les règles du Code civil du Québec, ce qui inclut la bonne foi contractuelle. Si tel est le cas, il ne serait alors question que d'en forcer l’exécution, comme le prévoit l’article 1601 C.c.Q..

[41]           Selon eux, pour conclure à l’ambiguï du contrat, tel que le suggèrent les demandeurs, il faut se livrer à une interprétation, et cette démarche ne serait donc pas requise, vu ce qui est recherché par les demandeurs, qui ne demandent pas au Tribunal de trancher une difficulté dans l'interprétation du contrat, mais plutôt, de l'annuler complètement. D'ailleurs, si tant est que nous devions l'interpréter, pour arriver à la conclusion recherchée, ils plaident que le contrat est suffisamment clair, à sa face même, pour ne pas aller plus loin, dans un exercice d'interprétation[15].

[42]           Sur la qualité du consentement, la preuve ne démontrerait pas que celui que les demandeurs ont fourni, nétait pas libre et éclairé. Au contraire, la rencontre au cours de laquelle a été conclu ce contrat, s'est très bien déroulée, à l’issue de celle-ci, les demandeurs ont accepté de signer le contrat sur le champ, ils n'ont subi aucune pression pour le faire, puisque leur comportement postérieur, le jour même, démontre que la bonne entente était au rendez-vous, même après la signature du contrat[16].

[43]           Si d’aventure, nous considérons nécessaire d'entrer dans l’interprétation du contrat, pour disposer de la demande introductive en annulation, les défendeurs nous demandent d'étudier non seulement l’intention des parties, mais leur comportement postérieur, également, car même après que le fils des demandeurs les ait informés de l'arnaque suspectée, ce que les demandeurs ont fait, a été de venir demander des explications aux défendeurs, sur le contrat, en attirant leur attention sur certains autres points convenus, mais non notés. Ils ont aussi laissé les défendeurs se rendre sur la terre louée, en vertu du contrat, pour y épandre du purin, avant de leur dire de quitter et de leur bloquer l'accès, pour la suite des travaux, plusieurs semaines après la signature du contrat[17].

[44]           Selon eux, une personne raisonnable, placée dans les mêmes circonstances, n'aurait pas introduit un tel recours, car il est manifeste qu'il n'avait aucune chance raisonnable de succès, d'autant plus que depuis l’institution des procédures, les demandeurs n’ont jamais remis en cause la portion location du contrat, pour une durée de 5 ans, selon ce qui ressort entre autres de l’interrogatoire au préalable du demandeur Chartier, qui corrobore la version des défendeurs, sur le fait que la durée minimum de 5 ans, faisait suite à une demande expresse des demandeurs, qui n’étaient pas encore prêts à vendre[18].

[45]           Voyons maintenant la preuve, sur ces différentes positions.

5.                 La preuve

[46]           La preuve documentaire est composée des pièces P-1 à P-17 et des pièces D-1 à D-3, déposées de consentement, ou selon certaines spécifications énoncées au procès-verbal, pour les pièces dont la radiation avait été demandée par les défendeurs, plus tôt au cours de la gestion du dossier[19].

[47]           Pour la preuve testimoniale, le premier témoin entendu, en demande, est le fils des demandeurs, Marco Chartier. Il apporte des précisions sur la demande que ses parents lui ont faite, pour vérifier sur internet, le prix de location des terres agricoles, dans leur région, sur le suivi qu’il leur fait, à ce sujet, le 20 février, donc après la signature du contrat P-4.

[48]           Il élabore sur la rencontre avec ses parents, quelques jours après la signature du contrat, dont la lecture qu'il a faite de celui-ci, et les commentaires qu'il leur a faits, qui se résument au fait qu'ils s’étaient fait arnaquer et déposséder de leur terre.

[49]           Il explique ensuite les démarches qu’il a faites, auprès d’un avocat, et celles, auprès des défendeurs, pour tenter de régler la situation, de manière plus avantageuse pour ses parents, notamment, afin que les ententes non spécifiées à P-4, mais étant aussi intervenues, soient honorées.

[50]           Lorsqu’il a demandé à ses parents pourquoi ils avaient signé ça, sans avoir obtenu les informations qu'ils lui avaient demandées, il rapporte que leur réponse a été qu’ils « voulaient essayer, et faire un papier pour 5 ans, pour l’essayer ».

[51]           Marco raconte que c’est après la relâche, en mars 2019, que son père et lui sont allés chez les défendeurs, « pour avoir des éclaircissements », et qu'il a discuté des points considérés par lui comme étant « nébuleux », ainsi que des sujets « pas discutés »[20].

[52]           Marco a compris que le défendeur Drouin était fâché qu'il l’accuse d’avoir abusé de ses parents. Et pour se disculper de l'effet créé par ses paroles, il déclare que ce qu’il voulait, à ce moment, était « juste vérifier sil était possible de mentionner dans le contrat, qu’après 5 ans, soit ses parents négociaient et rallongeaient le contrat, ou qu’ils y mettaient fin ».

[53]           Le demandeur Chartier est ensuite entendu, au sujet de l’exploitation de sa ferme, de ses relations avec les défendeurs, sur les circonstances entourant la conclusion du contrat, et sur sa compréhension de l’entente.

[54]           Nous comprenons que le défendeur Drouin l’a interpellé, dans le cadre d’une vente de foin, une ou deux semaines auparavant, qu’il lui a demandé s'il était intéressé à louer sa terre et peut-être même à la vendre, que Chartier a déclaré ne pas être intéressé à vendre, mais qu'il a offert à Drouin de venir discuter de la possibilité de la louer, car il avait besoin d’informations, sur ce sujet, et qu'il lui a proposé de passer chez lui, pour en discuter davantage.

[55]           C’est après cette rencontre, que Chartier est entré en communication avec son fils Marco, pour obtenir des informations, sur le prix de location des terres agricoles, dans sa région, puisqu'il n'avait pas accès à internet.

[56]           Le 18 février 2019, il raconte que le défendeur l'a appelé, pour passer chez lui, qu'il a accepté, que la rencontre a eu lieu le même jour, et qu'elle a duré plus d’une heure. Dès le début, le défendeur Drouin lui aurait déclaré qu’ils « sauveraient 1 000 $ de notaire », en discutant directement avec eux, et il a ajouté « qu'ils n'étaient pas des sauvages ».

[57]           La rencontre entre les quatre protagonistes a eu lieu dans la cuisine des demandeurs, et la discussion, sur le contrat, a duré un peu plus d’une demi-heure. C'est la défenderesse qui tenait la plume, pour la rédaction du contrat.

[58]           Chartier évoque le prix de la location convenu: les défendeurs devaient payer eux-mêmes les taxes sur l'immeuble, en guise de loyer. Il discute aussi des documents pertinents et des extraits d'informations relatives à ses comptes de taxes, qui ont été bien notés, sur chaque copie du contrat, à son souvenir.

[59]           Il est question de la durée du bail, qui aurait été arbitrée à 5 ans. À ce sujet, après avoir précisé que le défendeur Drouin voulait avoir un bail de 10 ans, et que son épouse, la demanderesse Comtois, voulait un bail de 3 ans, Chartier déclare ceci: « On a arrangé ça pour 5 ans ». Il a compris qu’il louait sa terre pour 5 ans, et que s’il était satisfait, il pourrait renouveler le bail. À défaut, il pouvait « les laissait aller », après 5 ans.

[60]           Sur la vente de l'immeuble, il précise que ce sujet a été discuté « plus qu’au milieu de la rencontre ». À la question de Drouin: « Si tu vends aujourd’hui, tu vendrais combien? », il se souvient d'avoir répondu ceci: « Aujourd’hui, 500 000 $, mais plus tard, je sais pas ».

[61]           Lorsque ce sujet est discuté, lors de l’audience, Chartier déclare qu'il a compris que la location se poursuivrait jusquà la vente.

[62]           Il y a lieu de souligner qu'au cours de son interrogatoire au préalable, ainsi qu’au procès, le moignage de Chartier, sur le prix de 500 000 $, est très flou.

[63]           Le demandeur Chartier confirme que lors de la rencontre avec les Drouin, il n’avait pas encore reçu les informations demandées à son fils.

[64]           La demanderesse Comtois, épouse de Chartier, est entendue, sur ce qu'elle a compris de la rencontre du 18 février 2019, et sur la manière dont le contrat est intervenu.

[65]           Il y a lieu de souligner que lorsqu'il est question de la location de la terre, son témoignage est plus précis, que lorsqu'elle est interrogée sur la vente de l'immeuble. Quand ce dernier sujet est abordé, elle répond « ne pas être au courant de ce boutte- ».

[66]           Elle se rappelle que Marco est venu les voir, quelques jours après la signature du contrat, et qu’il leur a dit « qu’ils s’étaient fait embarquer comme il faut ».

[67]           Abordons maintenant la preuve, en défense.

[68]           Le défendeur Drouin, lui aussi agriculteur, détenant un secondaire IV, et qui a fait un cours en mécanique agricole, élabore sur l’intérêt qu’il portait à la terre en litige, avant la rencontre de février 2019.

[69]           Il témoigne sur les démarches qu'il a faites à l'endroit de Chartier, avant le 18 février 2019, sur les circonstances et le contenu de cette rencontre, sur l’historique de la clause relative au bail, sur l’origine et les circonstances de l’option de premier acheteur et de premier refus, sur les tenants et aboutissants de la rédaction du contrat, et sur sa compréhension de l'entente convenue entre les parties, en signant le contrat P-4.

[70]           Il est aussi interrogé sur ce qui s’est passé, après la signature du contrat, notamment, lors d'une rencontre qui a eu lieu à la fin mars 2019, chez lui, avec Marco et Laurier Chartier, lors de laquelle son épouse était présente, bien qu'elle s'occupait plutôt des enfants.

[71]           Nous comprenons qu’en 2015, le défendeur Drouin a approché le demandeur, pour acheter sa terre et que ce dernier n'était pas intéressé. La démarche suivante a eu lieu en 2017, lors d’un encan, avec le même résultat. Puis, une semaine avant la rencontre qui nous intéresse, Chartier et lui discutent de nouveau de l'immeuble des demandeurs, lors d'une vente de foin. Cette fois, Chartier est ouvert à discuter de location, tout en ajoutant que son épouse veut obtenir de l’information, et il l'invite à passer chez eux, pour discuter du sujet, sans fixer de date précise, pour une éventuelle rencontre.

[72]           Drouin explique que le 18 février 2018, il appelle Chartier, qu'ils conviennent de tenir une réunion, le jour même, qu'elle a duré de 1h00 à 1h15, et que le ton était bon.  

[73]           Il explique la nature des investissements à faire, en chaux, s'il louait la terre, de même que les manœuvres, dont la nécessité de « revirer la terre, les premières années », afin d'exposer l'impact négatif d'un bail de moins de 5 ans, sur la rentabilité de l'investissement.

[74]           Lors de la réunion, les demandeurs leur déclarent qu’ils ne « veulent pas avoir la gestion de la ferme, comme tel, ni payer les comptes de taxes ». C'est ce qui expliquerait que le prix de la location ait été établi comme il l'a été, pour que les demandeurs « s’enlèvent des charges en ne payant pas (eux-mêmes) les taxes ».

[75]           Pour ce qui est de l’option d’achat, il déclare que les demandeurs leur ont clairement dit qu’ils n’étaient pas prêts à vendre, ce qui faisait l’affaire des défendeurs, car ils venaient tout juste de construire une étable, et n’avaient pas les liquidités nécessaires, pour acheter une autre terre agricole, à ce moment.

[76]           Il déclare avoir expliqué aux demandeurs que « sur tous les lots qu’on loue et qu’on investit, on aime avoir la possibilité de se porter acquéreur, quand on investit sur un fonds de terre ».

[77]           À un certain moment, Drouin aurait vérifié si l’un ou l’autre des enfants des demandeurs, qu’il connaissait, était intéressé par la terre. Il s'est fait répondre que non. Ce serait à la suite de cette réponse, que Drouin a vérifié s'ils pourraient acheter, s'il y avait éventuellement vente de la terre, ce à quoi il se serait fait répondre « Y a pas de problème ». Ce serait dans ce contexte que les demandeurs étaient prêts à leur conférer une option de premier acheteur.

[78]           Drouin ajoute que lors des discussions, son épouse et lui étaient intéressés à connaître les besoins des demandeurs, et que tous les participants ont pris des notes, pendant la réunion.

[79]           Lorsqu'il a été question de la vente, il leur a demandé à quel prix ils vendraient, s'ils la vendaient ce jour-là, et que « Laurence »[21] leur a dit qu’elle ne vendrait pas, en bas de 500 000 $.

[80]           Lorsqu'il a demandé sils pouvaient mettre cela dans le contrat, elle aurait répliqué que les terres continueraient à prendre de la valeur, et que c'est après cette réponse, qu’il lui aurait suggéré d’inscrire 550 000 $, au contrat, ce à quoi elle aurait répondu « Oui », et qu'il ajoute qu'elle l'a fait « avec un sourire et après avoir regardé son mari ».

[81]           C'est après cela, qu'il a été convenu entre eux, qu’ils achèteraient la terre pour 550 000 $, lorsque les demandeurs se décideraient à vendre, et que si cette hypothèse se matérialisait, que ces derniers pourraient continuer d'habiter dans leur maison, s'ils le voulaient.

[82]           Sur sa compréhension de la pièce P-4, il décrit que sa conjointe et lui louaient pour un minimum de 5 ans, parce que les demandeurs voulaient encore rester là, durant 5 ans, car ils y étaient bien et qu'ils voulaient continuer de demeurer propriétaires des lieux.

[83]           Puisque rien de particulier n'est spécifié, sur ce qui fait l'objet du bail, il déclare avoir compris qu'il ne s'agissait que de la terre cultivable, de 100 acres, puisque selon lui, « le bois ça se loue pas et la maison non plus ». Par contre, il confirme que l’option de premier acheteur portait sur toute la terre et la maison, ajoutant « parce que ça se sépare pas, 249 acres ».

[84]           Il réitère qu'ils ont convenu d'un bail d'une durée minimum de 5 ans, avant la mise en œuvre possible du pacte de préférence, afin de protéger les demandeurs, puisqu’ils n’étaient pas « prêts à vendre » immédiatement.

[85]           Il reconnaît que certaines promesses, qu'ils ont faites aux défendeurs, lors des discussions, ne se sont pas retrouvées dans la pièce P-4, mais ajoute ceci: « Il s'agit d’une vraie erreur de notre part. Ça été discuté, que Chartier voulait garder une partie de pacage pour deux vaches et un taureau ».

[86]           Lors des discussions survenues à la fin mars 2019, il a proposé aux Chartier de semer la parcelle désirée en neuf, et a même proposé de refaire la clôture.

[87]           En revenant un peu en arrière, il est étonnant d'entendre que le défendeur et sa conjointe ont eu la visite des demandeurs, chez eux, au cours de la soirée du 18 février 2019, donc après la signature du contrat en litige, et que le couple a alors visité leur ferme laitière, et rencontré leurs enfants; ils semblaient très contents. La défenderesse précise qu'à cette occasion, les demandeurs ont regardé leurs robots de traite, et elle ajoute que « tout était merveilleux »[22].

[88]           À la fin mars 2019, Drouin raconte que Marco et son père sont venus le rencontrer, au motif qu'ils voulaient « avoir des éclaircissements au contrat ». À ce moment, en référant au pacage, sur un coin de la terre louée, Marco lui a reproché d’avoir pris des ententes avec ses parents, et de ne pas vouloir les respecter.

[89]           Le défendeur a rétorqué en lui offrant de faire un contrat, pour traiter ce sujet, et qu'il se serait fait répondre: « C’est pas ça le problème, on défait tout ce qui a été écrit ».

[90]           C’est à ce moment que les choses se sont moins bien passées. Le défendeur décrit que le demandeur Chartier était assez calme, mais que Marco a levé le ton, ce qui donnait l’impression que le fils tentait de l’impressionner, après l’avoir accusé davoir arnaqué ses parents, ce qui l'a insulté.

[91]           Le défendeur reconnaît avoir encaissé le chèque de 2 718,95 $, que les demandeurs lui ont fait parvenir, plus tard, en remboursement des taxes payées par les défendeurs, pour l'année 2019, en guise de loyer, puisqu'ils n'ont pas pu exploiter la terre. En contre-interrogatoire, il est établi que le montant de taxes payées, visait l'ensemble de la propriété, donc incluant la terre à bois, et le défendeur en profite pour ajouter ceci: « Ben oui, mais ça se sépare pas (les taxes sur les terres) ». Il poursuit en disant qu'ils auraient très bien pu faire une proportion, pour payer moins cher, mais que le prix convenu était « tant mieux pour les demandeurs »[23].

[92]           Puisqu’il y a une demande reconventionnelle, le défendeur explique ses diverses réclamations, dont ses pertes de revenus, qui n'ont été prouvées par aucune preuve documentaire, ce qui a justifié le maintien d’une objection à la preuve testimoniale que le défendeur voulait offrir, à ce sujet, puisque ce n'est pas de cette manière que de telles pertes peuvent être démontrées.

[93]           La défenderesse Marcoux, détentrice d'un diplôme de Saint-Hyacinthe, en élevage est ensuite entendue, sur la rencontre du 18 février 2019, les circonstances de la rédaction et de la signature du contrat, sur l’option de premier acheteur, et l’attitude du demandeur et de son fils, à la fin de la rencontre, en mars 2019.

[94]           Lorsqu'il a été question d'une rencontre avec les demandeurs, son conjoint lui a dit que le but était que « Bertrand s’occupe des travaux au champ et des ententes de location », et qu’elle ne faisait que « suivre, ce jour-là », puisqu'elle est associée, dans la ferme familiale.

[95]           Elle décrit la rencontre de février comme étant très conviviale. Tout le monde était à sa place et très ouvert. Elle précise qu’ils ont discuté « de tout et rien », et que de son côté c'était la première fois qu'elle rencontrait les demandeurs, de sorte qu'elle n’est pas vraiment intervenue, et que c’était surtout les trois autres, qui discutaient.

[96]           Elle se souvient qu’il a été question des 100 acres de terre cultivable, de la location pour 5 ans et que s’il y avait achat de la terre, les demandeurs pourraient rester dans leur maison.

[97]           Elle évalue la durée de la rencontre à un peu plus de 30 minutes et ajoute qu’elle n’a pas été chargée de rédiger l’entente, mais que « Ça tombait de même ».

[98]           Elle explique avoir synthétisé ce qui avait été discuté, mais que ce n’était sûrement pas parfait. Par contre, elle ajoute ceci, que nous considérons très important : « Je relisais, pour faire valider car c’est pas des choses que je maîtrise; je voulais pas écrire quelque chose que eux auraient pas voulu dire ».

[99]           Sur la méthodologie, elle explique avoir pris des notes brouillon, puis avoir fait le ménage de celles-ci, en plus de relire à haute voix, ce qu’elle avait retenu. Selon elle « Tout le monde était d’accord », et elle a donc mis le tout « au propre, deux fois plutôt qu’une ».

[100]       Autre fait intéressant, la défenderesse précise ceci: « Mme Comtois la relu une fois, certainement, elle a pris le temps, et suite à ça, tout le monde a signé".

[101]       Le résumé de sa compréhension de l’entente est le suivant : « On louait la terre pour au moins 5 ans, c’est nous qui payons les taxes municipales et scolaires et il y avait entente que sil y avait transaction de vente, on était avisé du montant de la vente ».

[102]       Lors de la rencontre suivante, en mars, elle déclare avoir été plus ou moins « dans l’action », du moins, jusqu’à tant qu’elle sente « un certain dérapage ». Elle ne saurait dire qui a commencé cette phase, mais elle évoque clairement « qu'elle n'a pas aimé ça », car le ton a monté et qu'elle a eu « peur pour ses enfants ».

[103]       Du discours de Marco Chartier, elle a compris que son père ne pouvait pas signer « un document comme ça, car il n’avait pas la scolarité pour prendre une telle décision ».

[104]       Le recours a été entrepris à la fin décembre 2019. La demande introductive a été modifiée, le 26 février 2020, entre autres, pour y mettre au long le contenu de pièces P5 et P-6, qui donnent le ton à la dénonciation contemporaine des circonstances de la rencontre et des doléances des demandeurs, qui tentaient alors de trouver une solution, plutôt que d'entreprendre un recours judiciaire[24].

[105]       Le 6 mars 2020, les moyens de défense et la demande reconventionnelle sont transmis à la partie demanderesse. Le 15 janvier 2021, après l’interrogatoire au préalable des demandeurs, qui a eu lieu le 22 octobre 2020[25], en même temps que celui des défendeurs[26], les moyens de défense sont modifiés: le quantum passe de 12 500 $ à 22 500 $, pour les pertes de profit, et les références au contenu de l’interrogatoire du demandeur Chartier, sont ajoutées.

[106]       C'est sur cette trame que nous abordons les motifs de notre décision.

6.                 La décision

[107]       Les demandeurs sont âgés de plus de 70 ans, ils sont mariés depuis 1967, ont deux enfants, dont un garçon, Marco, qui est l’un des acteurs importants de ce dossier, et que les demandeurs voient à toutes les semaines[27].

[108]       De 1967 à 1993, ils ont exploileur terre agricole, de 250 acres, à Wotton, constituée de 150 acres de terre à bois et de 100 acres de terres cultivables. [28]

[109]       Cette terre, acquise la même année que leur mariage, a été leur principal gagne-pain, jusqu’à un incendie, survenu en 1993.

[110]       Par la suite, le demandeur a travaillé comme mécanicien d’entretien[29], dans le domaine agricole[30], jusqu’au moment de prendre sa retraite, à l'âge de 65 ans. Mais son épouse et lui ont toutefois continué d’effectuer de 5 à 6 heures de travail par jour, sur cette terre[31].

[111]       Le demandeur a fini une 8e année de scolarité et son épouse, une 7e année. Ni l'un ni l'autre n'est expérimenté dans les transactions immobilières.

[112]       De l'aveu des Chartier, ses enfants ne sont pas intéressés par l'exploitation de la terre agricole familiale.

[113]       Les Drouin-Marcoux forment aussi un couple d’agriculteurs et ont de jeunes enfants.

[114]       Ils possèdent des terres agricoles, situées dans le même rang que celle des demandeurs, et ils se spécialisent dans la production laitière.

[115]       Ils louent également d'autres terres, pour en tirer des revenus, et exercent leurs activités agricoles, sous le nom Ferme Jocha s.e.n.c.[32].

[116]       Le demandeur Chartier connaît les défendeurs, depuis qu’ils sont enfants.

[117]       De l’interrogatoire au préalable du demandeur, nous comprenons ceci, de pertinent pour notre décision.

[118]       Au sujet du contexte de la relation entre les parties, nous comprenons que depuis quelques années, lorsque le défendeur croise Chartier, il lui demande « s’il est à vendre ». Dans les 5 dernières années, cela s'est produit à deux ou trois reprises, et la réponse a toujours été la même : les demandeurs n’étaient pas intéressés à louer ni à vendre[33].

[119]       Le demandeur considère sa relation avec les défendeurs, comme étant « ben normale »; lorsqu’ils se voient, ils se saluent[34].

[120]       Chartier ajoute que les défendeurs ne sont pas les seuls à s'intéresser à leur terre : d'autres personnes l'on fait [35], « juste avant que je leur loue », déclare-t-il. Un voisin, il y a 3 ans, un autre, qui l’a appelé, 3 ou 4 ans avant Drouin[36], et un dernier voisin, qui s'était manifesté quand il est passé au feu[37], en 1993-1994, alors qu'il n’était pas plus à vendre, à l'époque[38].

[121]       Une semaine avant la rencontre de février 2019, Chartier confirme que le défendeur est venu acheter de son foin et qu'il lui a demandé ce qu’il faisait avec la terre, une fois de plus. Cette fois, il a été discussion d'une possible location de sa terre, mais toujours pas d'une vente[39].

[122]       Au cours de la semaine précédant la réunion, Chartier avait justement fait appel à son fils Marco, pour qu'il vérifie sur internet, « le prix que ça vaut le louage dans le coin »[40]. Il a aussi parlé à son épouse du fait que l'épandage du fumier devait venir sur le tapis[41], mais il se rétracte ensuite, en affirmant qu’il n’a finalement rien discuté avec elle, en précisant « Non, pas plus que ça », en faisant référence à ses discussions avec elle, sur le sujet d'une éventuelle location[42].  

[123]       Le 18 février 2019, il raconte qu'une rencontre rapide a lieu, entre lui et Bertrand, et que ce dernier était intéressé à louer sa terre[43].

[124]       Les deux couples participent à la rencontre, au cours de laquelle il tient à préciser que l'épouse du défendeur agissait comme « secrétaire »[44].

[125]       Le demandeur juge qu’il n’a pas besoin que son fils participe à la rencontre. Il ajoute qu'il ne voulait pas « lui faire perdre une journée d’ouvrage »[45].

[126]       Pour le demandeur, le but de la rencontre était de discuter de la location de la terre cultivable[46].

[127]       Il décrit que la rencontre s'est déroulée « ben normalement »[47], qu’ils ont discuté entre autres de l’obtention d’une subvention et qu’il fallait signer avant la fin de mois de février, pour que les défendeurs puissent demander cette subvention, si jamais ils en venaient à louer la terre[48].

[128]       Pour lui, le document signé ce jour-là, P-4,  ne visait que « le louage de terre »[49].

[129]       Et répondant à une question de la défense, sur la possibilité que les défendeurs achètent éventuellement sa terre, Chartier répond ceci : « Il ( Drouin) m’a juste dit que si j’étais à vendre un bon matin, de y dire ». Il lui aurait ensuite dit qu’il n’était pas à vendre.

[130]       Mais il reconnaît que s’il avait été à vendre, il aurait avisé Drouin, ajoutant que tout cela n’était  «que des discussions »[50].

[131]       Le demandeur reconnaît aussi que le défendeur lui a demandé combien il demanderait, s'il vendait, et qu’il lui a pondu « Pour aujourd’hui, 500 000 $ mais  plus tard je le sais pas », ajoutant que ce ne serait pas en bas de 500 000 $, et qu'à un million, il aurait vendu[51].

[132]       Dans son interrogatoire, la demanderesse Comtois déclare n’avoir aucune idée pourquoi il y a 50 000 $ de plus que le 500 000$  évoqué, qui se retrouve dans le contrat P-4[52].

[133]       Selon les demandeurs, l’épouse du défendeur tenait la plume, et consignait ce qui est intervenu comme entente, à leur résidence, après une rencontre dont la durée aurait varié de 30 minutes à 1h30, selon les versions.

[134]       Nous retenons de la preuve, que chaque clause a été discutée, puis lue, avant la signature du contrat, et que les demandeurs ont accepté les propositions des défendeurs, séance tenante, tout le monde ayant ensuite signé les deux documents originaux préparés, de bon gré, et qu'il s'agissait d'une œuvre collective, et non le fruit d'une concoction des défendeurs.

[135]       Une fois le document exhibé, à l’audience, le demandeur reconnaît le contrat P-4, en ce sens que sa signature y apparaît bel et bien.

[136]       Lors de son interrogatoire au préalable, Chartier a déclaré qu'après le départ des défendeurs, il avait relu le contrat, et avait réalisé que la défenderesse avait écrit « ben des affaires », alors que pour lui, c’était « juste la location », dont ils avaient convenu[53].

[137]       Un ou deux jours plus tard, Marco est venu le voir, et il lui a montré le contrat. Après qu'il en ait pris connaissance, il lui a dit qu’ils s'étaient fait arnaquer, « la terre est pu à toé », et que c'est ce qui a enclenché la démarche, pour prendre un arrangement, survenu une quinzaine de jours ou trois semaines plus tard. Il raconte que Drouin aurait « pogné les nerfs » et lui aurait répondu « C’est signé c’est signé », en refusant de revenir sur le contrat[54].

[138]       Le demandeur reconnaît à deux reprises, qu’en louant sa terre, cela lui occasionnerait « moins d’ouvrage », en ce sens, qu'il n'aurait plus à faire lui-même les foins[55], et ajoute qu’il était « supposé de se reposer », selon ce qu'il avait entendu dire, sans être plus précis sur ce sujet[56].

[139]       Chartier comprend que la location de la terre se faisait pour le prix des taxes, et ajoute que le bail ne portait que sur les terres cultivables[57].

[140]       Lors de la rencontre, il rapporte qu'il a été question de notaire et que le défendeur l’aurait incité à ne pas aller en voir un, « pour sauver ». Curieusement, malgré la thèse qu'il soutient, il ajoute que de toute façon, il ne voulait pas lui-même aller en voir un, un notaire. Mais nous comprenons qu'il se serait senti rassuré, par la déclaration des défendeurs, « qu'ils n'étaient pas des sauvages, qu’ils pouvaient se parler »[58].

[141]       À la suite de l’entente, Chartier confirme avoir laissé les défendeurs venir épandre du purin, sur environ 20 acres de leurs terres cultivables[59]. Et en 2019, il a ramassé environ 300 balles de foin, sur sa terre[60].

[142]       Voici le contenu de l'entente, remise en cause :

« Signé à Wotton le 18 février 2019

Entente entre M. Laurier Chartier, Mme Laurence Comtois

Et Ferme Jocha senc. M. Bertrand Drouin, Mme Chantal Marcoux

Objet : location pour le prix du montant des taxes municipales et scolaire (sic) pour une durée minimale de 5 ans. L’entente ce (sic) poursuit jusqu’à la vente. L’entente inclus (sic) aussi l’option de premier acheteur au montant de 550 000 $ au moment désirée (sic) par les propriétaires.

Les investissements mécanisés seront tous mis par écrit suite à l’entente entre les deux partis (sic) et remboursés si Ferme Jocha senc n’achète pas la terre.

Au moment de la transaction de la vente, M. Chartier et Mme Comtois peuvent demeuré (sic) dans la maison gratuitement. L’entretien de la propriété sera aux frais de la Ferme Jocha senc.

Numéro Matricule : [...]

31/RG 07, 31-P/RG06, 32/RG07, 32-B/RG06, 33-B/RG-06, 33-P/RG07, 34-P/RG07

Laurier Chartier :   (s) Laurier Chartier

Laurence Comtois :  (s) Laurence Comtois

Bertrand Drouin :  (s) Bertrand Drouin

Chantal Marcoux :  (s) Chantal Marcoux »

(nos soulignements et emphases)

[143]       Au cours des quelques jours suivant la transaction, soit jusqu’à ce que Marco soit mis au parfum de la transaction, les parties ont continué de vaquer à leurs affaires, et il n'y a rien de particulier à signaler, outre une visite des demandeurs chez les défendeurs, le soir même, et lors de laquelle tout semble « merveilleux », selon le souvenir de la défenderesse, ce qui n'a pas été contredit, par une contre-preuve.

[144]       Mais après les commentaires du fils Chartier, les choses changent et les demandeurs souhaitent faire marche arrière, se mettant alors à invoquer qu’ils n’auraient pas bien compris ce qu’ils ont signé et qu’ils auraient été induits en erreur, pour tenter d'en arriver à un autre arrangement, alors que les défendeurs, loin d'être du même avis qu'eux, refusent de rouvrir ce contrat, tout en étant prêts à en signer un autre, sur les autres sujets discutés lors de la rencontre de mars 2019.

[145]       Les témoignages du père et du fils Chartier, démontrent que ce dernier leur a fait réaliser qu’ils avaient cristallisé le prix de vente de leur terre à 550 000$, lors d'une éventuelle vente, alors que le montant qu'ils auraient pu obtenir, 5 ans plus tard, aurait pu être beaucoup plus élevé que le montant convenu, vu l’explosion du prix des terres agricoles, depuis les dernières années, le fils considérant qu’ils avaient fait une mauvaise affaire et les ayant convaincus de tenter de se sortir de ce contrat.

[146]       S’ensuivent les échanges légaux, dans le but de faire marche arrière, et les échanges, du côté des défendeurs, pour obtenir la mise en œuvre de l’entente, puisque de fil en aiguille, les terres louées, n'ont pu être exploitées, d’où la demande reconventionnelle.

[147]       Lors de son interrogatoire au préalable, le demandeur déclare en être rendu (des procédures judiciaires), parce qu’ils n’ont pas pu s'entendre à l’amiable[61]. Mais lorsqu'il se fait demander ce qu'il reproche aux défendeurs, sa réponse est « Rien ».

[148]       Voilà qui est a priori déterminant. En effet, comment est-il possible de réconcilier cet aveu judiciaire, avec la position plaidée lors de l’audition, alors que les demandeurs reprochent aux défendeurs une foule de manquements?

[149]       Cela est difficile.

[150]       Pour apprécier si les demandeurs se sont fait « duper », comme le plaide leur avocat, il faut déterminer ce qui les animait, lors de la rencontre du 18 février 2019.

[151]       Or, le témoignage de Chartier est clair : il ne voulait plus travailler sur la terre, il ne voulait pas vendre immédiatement, il était prêt à louer pour 5 ans, et il voulait rester dans sa maison, car il l'habitait depuis 1967.

[152]       Le demandeur Chartier met beaucoup l’emphase sur sa perception qu’il ne s’agissait que d’une location, pour lui et sur le fait qu’en signant ce contrat, il n’a pas compris qu’il accordait un droit (de préférence) aux défendeurs, d'acheter son immeuble pour un prix gelé à 550 000 $, s'il décidait de vendre cet immeuble, peu importe quand la vente aurait lieu.

[153]       Or, le texte reproduit ci-haut, sur lequel nous avons de l'emphase, est court et relativement simple, me pour quelqu’un qui n’a pas étudié durant longtemps, et qui n'a pas fait d'études en droit.

[154]       Cette entente de location, avec laquelle il était d’accord, et que lon sait qui ne porte que sur les 100 acres cultivables, puisqu'il a reconnu comprendre cette portion du contrat, est pour un minimum de 5 ans, et contre paiement des taxes de l'immeuble, en guise de loyer.

[155]       De plus, il est clair que cette location se poursuivait jusqu’à la vente, si un jour, il y a vente.

[156]       Les mots « location » et « vente » se retrouvent tous les deux, dans cet acte. Il est difficile de croire que les demandeurs n'aient pas compris qu'il était question de deux actes différents, dans ce contrat, surtout lorsque la clause relative aux investissements mécaniques, précise que cette hypothèse aura lieu « si Jocha n’achète pas la terre ». Il était donc question d'un possible achat par les défendeurs.

[157]       Ensuite, il y a une référence « au moment de la transaction de vente », pour faire état du besoin des Chartier, de ne pas être évincés de chez eux, et du fait que le contrat stipule que les demandeurs pourront demeurer dans leur maison « gratuitement ».

[158]       Pourquoi parler du fait de demeurer dans sa propre maison gratuitement, si le seul acte visé par le contrat n'était qu'une location?

[159]       Chartier est même rassuré que l’entretien de la propriété sera fait par Jocha, ce qui ferait en sorte qu'il cesse de sortir de ses propres fonds. Mais pourquoi tout cela?

[160]       À notre avis, une personne raisonnable, de plus de 70 ans[62], qui est en bonne santé physique et psychologique, ce qui est manifestement le cas du témoin Chartier, que nous avons entendu[63], même s'il n’est pas très scolarisé, pouvait comprendre, que la transaction signée comportait divers aspects, et ce, assez facilement, qu'il y avait 1) une location de terres cultivables « pour le prix des taxes municipales et scolaire (sic), pour une durée minimale de 5 ans », 2) et également, « une option de premier « acheteur », « au montant de 550 000 $ », « au moment désirée(sic) par les propriétaires » 3) que des modalités relatives aux « investissements mécanisés » devaient être déterminées par écrit, et que ces investissements seraient « remboursés si Ferme Jocha senc n’achète pas la terre », 4) qu'un droit d’habitation gratuit leur serait conféré, « au moment de la vente », et 5) que les coûts dentretien de la propriété[64], seraient assumés par Jocha.

[161]       Le nombre de fois que les mots clés : vente, acheteur, achat sont cités, ne pouvaient être passés inaperçus, aux yeux des demandeurs, après que le contenu de l'acte ait été discuté, puis lu, avant d'être signé, en deux copies, que la défenderesse précise que la demanderesse a pris le soin de relire dans chaque cas, avant de signer[65].

[162]       Si le texte était difficile à lire, ce qui n’est pas en preuve, les demandeurs ont eu l'occasion de l'entendre, après en avoir discuté les modalités, et le contexte décrit par les défendeurs, sur la manière dont les négociations, la rédaction et la signature sont intervenues, est très crédible.

[163]       Rien, dans la preuve, ne ressemble à une arnaque, dans cette affaire et ce constat explique que Chartier, au final, déclare n’avoir rien à reprocher aux défendeurs.

[164]       Nous tenons à rappeler que les demandeurs ne sont ni ignares ni inaptes.

[165]       De plus, au chapitre de la pression et des stratagèmes, soi-disant pour leur arracher une signature, la preuve ne contient rien. 

[166]       Ainsi, les demandeurs avaient la capacité physique de transiger, la capacité juridique de le faire, puisqu’ils ne sont pas inaptes, et au contraire, présumés aptes à décider de leur avenir, de même que de celui de leurs biens, ce qui règle l'argument de la validité du consentement à l’acte.

[167]       Qu'en est-il de l’objet et de la nature du contrat?

[168]       La durée minimale de location, pour 5 ans, n'est pas contre l’ordre public, et ne peut justifier l’annulation du contrat, surtout lorsque le demandeur Chartier ne répudie pas cet aspect du contrat.

[169]       Nous n’y voyons aucun vice.

[170]       Si les parties souhaitaient poursuivre cette location, étant donné qu'il n'y a pas de modalités de précisées, pour la suite, il est dans l'ordre des choses, que ces modalités puissent être renégociées, puisque rien, dans le contrat, ne justifie les défendeurs d’exiger les mêmes conditions, après 5 ans.

[171]       Quant au droit des défendeurs, de transiger en premier sur l’immeuble, advenant la décision des demandeurs de vendre, et de pouvoir le faire à 550 000 $, n’est ni illégal ni abusif.

[172]       Même si un contrat plus avantageux, pour les demandeurs, avait pu être négocié, ce n’est pas un critère qu'il nous faut analyser, car les parties étaient libres de transiger, selon leur bon vouloir, et c’est ce qu’elles ont fait.

[173]       Puisqu'il y a eu rencontre de volonté, il ne nous revient pas de nous immiscer autrement dans cette affaire, que pour faire respecter les ententes intervenues.

[174]       Les flous laissés, tant par le demandeur que par son épouse, sur cette partie précise de la transaction, au sujet de la vente et du prix de l’immeuble, face aux détails fournis par les défendeurs, que nous jugeons très crédibles, ne permettent pas d’accorder foi à la thèse du fils, que les demandeurs se sont fait flouer.

[175]       Il n’y a eu ni dol ou erreur, ni manquement à la bonne foi et aucun abus contractuel, de la part des défendeurs.

[176]       La preuve ne démontre pas la mise en place d'un scénario d’abus, dont des personnes âgées auraient été les victimes[66]. Cette preuve démontre plutôt une remise en question du contenu du contrat, une fois que le fils est passé dessus, après que ses parents aient décidé de le signer[67].

[177]       Si les demandeurs considèrent avoir fait une erreur, il nous faut alors la qualifier d'inexcusable, puisqu’ils n’ont pas attendu d'avoir les informations de leur fils, sur le prix de location des terres, dans leur région, et qu'ils n’ont pas jugé nécessaire de faire participer ce dernier à leur rencontre, pour les assister, afin de les informer davantage, avant de signer, alors qu’aucune urgence pour la tenue de la rencontre, n’a été démontrée[68].

[178]       L'enregistrement du contrat au Registre foncier, pour dénoncer aux tiers, l’existence d’un bail commercial sur l'immeuble, est valable, et le contrat P-4 étant jugé valide, il doit générer ses effets.

[179]       Cependant, puisque les demandeurs en ont empêché l’exécution[69], ils sont donc imputables des dommages subis par les défendeurs, qui n’ont pas pu exploiter la terre, depuis la signature de l’acte[70].

[180]       Mais à quels dommages ont-ils droit, et quelle preuve ont-ils présentée ?

[181]       Pour le purin, ils ont dépensé et prouvé leur réclamation de 2 500 $. Ils ont épandu sur 20% des 100 acres, donc sur 20 acres, et le montant de la facture n’est pas exorbitant,me si la preuve n'est pas parfaite[71].

[182]       Maintenant, pour ce qui est des pertes d’exploitation, initialement d'un montant de 12 500 $, puis augmentées à 22 500 $, il y a un gros problème, car aucune preuve documentaire n'est déposée, et ce n'est pas la manière dont de telles pertes peuvent être prouvées[72].

[183]       Elles seront donc rejetées.

[184]       Ensuite, sur les dommages pécuniaires, la seule réclamation que nous pouvons accorder, et cela, pour un montant arbitraire, est liée aux 300 balles de foin récoltées, pour lesquelles le travail d’épandage financé et effectué par les défendeurs, et a été utile.

[185]       Mais encore là, sur 20 acres, combien cela vaut-il, en l’absence de toute preuve du coût d’une balle de foin, information qui n’est pas de connaissance judiciaire?

[186]       Nous accordons donc un montant de 2 000 $, pour le travail effectué, en sus du purin qui a été acheté.

[187]       Sur l’abus, il ne s'agissait pas d'une cause si facile, et des arguments découlant de la rédaction du contrat ont valablement été présentés. Même si nous ne les avons pas retenus, le dossier aurait pu tomber dans la catégorie des recours abusifs, mais étant donné que l’on nous demande de réserver ce genre de déclarations aux cas les plus patents de témérité blâmable, et que celui-ci ne nous semble pas en être un, il n'y aura pas de déclaration d’abus contre les demandeurs. En conséquence, il n'y aura également aucun octroi d’honoraires extrajudiciaires.

[188]       La règle étant que la partie qui perd se voit contrainte de payer les frais de justice, les demandeurs, qui ont perdu, seront donc condamnés à ces frais.  

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[189]       REJETTE la demande introductive d’instance modifiée;

[190]       ACCUEILLE, en partie, la demande reconventionnelle modifiée;

[191]       ORDONNE aux parties de se conformer aux obligations contenues dans l’acte P4, ET NOTAMMENT, aux demandeurs, de laisser les défendeurs accéder aux 100 acres cultivables de leur terre, afin de pouvoir cultiver celle-ci, pendant toute la durée du contrat;

[192]       CONDAMNE les demandeurs à payer aux défendeurs, la somme de 4 500 $, pour l’achat et l’épandage du purin, sur leur terrain, au printemps 2019, dans les 30 jours de ce jugement, avec intérêts au taux légal et lindemnité additionnelle de l’article 1619 C.c.Q., à compter de lassignation;

[193]       AVEC FRAIS DE JUSTICE contre les demandeurs.

 

 

 

__________________________________

CLAUDE DALLAIRE j.c.s.

 

Me Denis Beaubien

Avocat pour les demandeurs

 

Me Amélie L’Heureux

Beauvais Truchon s.e.n.c.r.l.

Avocate pour les défendeurs

 

Dates d’audience :

11 et 12 avril 2022

Date du délibéré :

12 avril 2022

Date de demande de transcription :

24 octobre 2022

 


[1]  Le jugement a été rendu séance tenante. Comme le permet l’arrêt Kellogg’s Company of Canada c. P.G. du Québec, [1978] C.A. 258, 259-260, au moment de rendre sa décision, le Tribunal s’est réservé le droit d’en modifier, amplifier et remanier les motifs. La soussignée les a donc remaniés pour en améliorer la présentation et la compréhension.

[2]  Le montant a été augmenté, lors de l'audition, pour correspondre davantage aux frais encourus jusque-là.

[3]  Paragraphe 10 du recours.

[4]  Sur ce sujet, les contrats perpétuels, voir l'article 1880 C.c.Q., qui prévoit qu'un bail peut durer 100 ans. Voir aussi l'arrêt Filles de la charité du Sacré-Cœur-de-Jésus c. Ville de Sherbrooke, 2022 QCCA 112, par. 9 à 15, qui dispose de cet argument pour un pacte de préférence.

[5]  Article 48 de la Charte.

[6]  Articles 1385, 1399, 1400, 1401, 1405 C.c.Q.

[7]  Pièce P-5. On y lit que les demandeurs sont âgés, peu scolarisés, qu’ils n’ont pas beaucoup d’expérience en transactions immobilières, qu’ils vivent sur leur terre depuis 51 ans, que le but de la rencontre était exclusivement d’explorer la possibilité de louer leur terre en culture, 100 acres, pendant un certain temps, que Chartier avait souvent dit à Drouin qu’il n’avait pas l’intention de vendre, dans le passé, que lors d’une rencontre exploratoire, au moment d’une vente de foin, une semaine auparavant, il avait été question d’une rencontre, pour en discuter, puisqu’il ne savait pas comment ça fonctionnait. Cette lettre contient un aveu qu’ils ont consenti à une location de 5 ans (page 2). La lettre fait référence au fait qu'il manquait quelques acres de pâturage, que les demandeurs voulaient se garder, et qui n’apparaissent pas dans l’acte. Le défendeur Drouin a avoué, lors de son témoignage, qu'il s'agissait d'un oubli et qu'il était prêt à leur consentir ce droit, dans un autre contrat que celui contesté. Il est fait référence au fait qu'il y aurait eu une discussion, en cas de vente éventuelle de leur immeuble, et que sans faire aucune vérification, les demandeurs auraient eux-mêmes évoqué le prix de 500 000 $ (ce qui tend à démontrer qu’il y a eu discussion, ou proposition acceptée, puisque ce n’est pas le chiffre inscrit dans le contrat, qui a été majoré à 550 000 $). Les demandeurs renient avoir accepté de vendre et ce, à un prix fixé à l’avance et d'avoir accepté de garder un droit d’habitation dans leur résidence, une fois l'immeuble vendu. Au contraire, ils allèguent qu'ils devaient garder un lot, avec leur résidence (cela démontre qu’ils ont discuté de quelque chose, en lien avec la vente). Ils allèguent déjà avoir commis une erreur de bonne foi, en signant le contrat. Dans cette lettre, plusieurs questions intéressantes sont posées, pour démontrer certaines des ambiguïtés alléguées. Il est fait mention que les demandeurs « auraient les mains attachées », si l’on suit l’interprétation du contrat que suggèrent les défendeurs (page 4). La thèse du consentement vicié, du non-respect des exigences de la bonne foi et de l’abus de personnes vulnérables y est bien expliqué, pour justifier la nullité du contrat, d’où leur intention de ne pas leur laisser accès à leur terre, si l’entente est nulle. Ils n’auraient aucune obligation de le faire et il devrait tout simplement y avoir restitution des contreparties, dont le remboursement du paiement des taxes payées, ce qu'ils ont fait. 

[8]  Pièce P-6.

[9]  Nous y lisons que cela fait plusieurs années que les défendeurs sont intéressés à acheter la terre des demandeurs. Lorsqu’il a été question de location, Chartier aurait répondu à Drouin qu’il avait quelqu’un d'intéressé à louer, avec option d’achat (ce que nient les demandeurs, pièce P-7). Cette déclaration aurait allumé Drouin, qui s’est montré tout aussi intéressé que ce tiers, face à un tel scénario. C’est suite à une proposition de Chartier, qu'une rencontre a d'ailleurs eu lieu, chez les demandeurs, ce qui donne une autre saveur au contexte d’abus allégué par les demandeurs. Il semblerait que la plus active, lors des négociations, était la demanderesse Comtois, qui a manifesté des besoins que les défendeurs ont pris en considération, lors de la rédaction de l’entente. Le fait que les enfants n’avaient aucun intérêt à acheter la ferme, aurait aussi été évoqué, ainsi que l’idée que les vendeurs puissent demeurer dans leur maison, après la transaction de vente à venir. Quant au prix, il était de près du double de l’évaluation municipale, ce que les défendeurs ne considéraient pas abusif, comme chiffre. Cinq semaines plus tard, des précisions ont été demandées sur la transaction, et le droit à un hectare de pâturage leur a été consenti, chez les défendeurs, qui ont offert de fournir le foin au troupeau, en période hivernale. La lettre informe les demandeurs que d'importantes quantités de chaux et de soya ont été commandées. Ces éléments sont pertinents par rapport au comportement postérieur des parties, en vertu de l'article 1426 C.c.Q.

[10]  Pièces P-10 et P-11.

[11]  Pièces P-2, P-13, P-14.

[12]  Pièce D-2.

[13]  Ils réfèrent à la décision Lachance c. Lac-Mégantic (Ville de), 2010 QCCS 4899, par. 71, qui rappelle l'importance de prouver une telle erreur, et que le simple fait de l'alléguer ne suffit pas.

[15]  Uniprix inc. c. Gestion Gosselin et Bérubé inc., [2017] 2 R.C.S. 59, par. 34 à 36; Entreprises Denis Bilodeau inc. c. Miro, 2007 QCCS 627, par. 47, 49.

[16]  Le seul sujet relié au temps, qui ressort des discussions, est en lien avec une subvention, pour laquelle les défendeurs avaient encore deux semaines, pour la réclamer, et ce sujet ne ressort pas comme de la pression, ni d'un côté ni de l'autre, dans les témoignages. Le soir de la signature, les demandeurs sont allés rendre visite aux défendeurs, pour voir leurs installations de ferme laitière, et la bonne humeur était au rendez-vous, ce qui ne correspond pas à une réaction d'une personne qui se serait fait flouer et qui a été mise sous pression. Notre dossier s'apparente à ce qui s'est produit, dans le dossier Entreprises Denis Bilodeau inc. c. Miro, précitée, note 15.

[17]  Article 1426 C.c.Q.

[18]  Sur l’abus, les défendeurs nous réfèrent à la décision Babin c Gérin 2018 QCCS 4763, par. 152-153, qui est pertinente.

[19]  Voir procès-verbal du 11 avril 2022.

[20]  Comme étant 1) le foin donné ou une partie de la terre, pour son père fasse paître ses animaux, 2) un droit de passage, pour que son père puisse couper son bois; il n'y avait pas de problème pour aller chercher le bois, 3) des points à éclaircir, dans le contrat, pour les travaux mécanisés, 4) sur le terme : 5 ans, il voulait valider avec le défendeur, si c'était vraiment 5 ans et pourquoi il était nommé premier acheteur, avec un montant précis.

[21]  Épouse du demandeur.

[22]  Ces déclarations n'ont été contredites par aucune contre-preuve et sont pertinentes à l'appréciation du comportement postérieur des demandeurs, en vertu de l'article 1426 C.c.Q.

[23]  Que juste celles applicables pour 100 acres de terre cultivable. L'idée derrière la réponse était de tenter de démontrer qu'il n'y avait pas eu d'abus envers les demandeurs.

[24]  Paragraphes 14 à 25.

[25]  Pièces D-1 et D-2.

[26]  Non déposés, même s’ils sont physiquement au dossier de la cour.

[27]  Interrogatoire du demandeur, p. 16.

[28]  Pièce P-1.

[29]  Sa formation, dans les années 1970, pages 10-11.

[30]  Ramassage de lait aussi, page 11.

[31]  Pages 5-6, 13.

[32]  Pièce P-3.

[33]  Pages 28-29-30-31-32.

[34]  Page 30.

[35]  Page 33.

[36]  Page 34.

[37]  Page 35.

[38]  Id.

[39]  Pages 35, 36, 37.

[40]  Pages 37-38.

[41]  Pages 38-39.

[42]  Page 39. Comme s'il ne voulait pas trop l'impliquer dans l'histoire.

[43]  Il n'y a pas d'autre rencontre, le 18 février, il y a eu un appel préalable, selon la preuve.

[44]  Page 40.

[45]  Pages 41-42.

[46]  Page 42. Donc, il connaît l'étendue de la surface louée, même si elle n'est pas décrite à P-4, et il sait que le boisé n'est pas visé par l'entente de location.

[47]  Id.

[48]  Page 43. Donc il n'était pas absolument nécessaire de signer le jour même le contrat, puisqu'il restait encore plusieurs jours, avant la fin du mois.

[49]  Page 45.

[50]  Pages 45-46.

[51]  Pages 46, 47 et 48.

[52]  Page 7.

[53]  Pages 48-49.

[54]  Pages 49, 50, 51.

[55]  Pages 51-52.

[56]  Page 52.

[57]  Id.

[58]  Page 53.

[59]  Pages 54, 55, 57, 58. Pièce P-15, prise fin mars début avril 2019, selon le fils et fin avril selon le père (quand même!).

[60]  Pages 59-60.

[61]  Page 13.

[62]  77 au procès, en 2022, donc 74 lors de signature en 2019.

[63]  Aucune preuve d'une quelconque incapacité à comprendre le contrat n'a été présentée. Voir Périllat c. Larouche, 2012 QCCS 3201, par. 52.

[64]  L’on ne sait pas trop quand mais rien ne la limite dans le temps ou selon la phase contractuelle .

[65]  Cela n'a pas été contredit par une contre-preuve, non plus. Voir les articles 1425 à 1432 C.c.Q.

[66]  Voir sur le sujet, Périllat c. Laroche, précitée, note 63, par. 56, 60, 65, 66, 68, 69 qui confirme que le simple fait d'être âgé ne comporte pas en soi un état de dépendance ou de vulnérabilité et que la preuve d'une exploitation est requise, pour avoir gain de cause; voir aussi la toute récente décision Sirois c Morissette, 2022 QCCS 3708.

[67]  Il y a une analogie à faire avec la décision Lachance c. Lac-Mégantic (Ville de), précitée, note 13, par. 81. Voir aussi Périllat c. Larouche, précitée, note 63, par. 24, 70.

[68]  Périllat c. Larouche, précité, note 63, par. 79 à 81.

[69]  Sans obtenir l'aval du Tribunal, pour justifier leur geste.

[70]  Outre pour épandre du purin sur 20% de celle-ci, mais sans récolter les fruits de ce travail. Voir les articles 1601, 1611 et 1613 C.c.Q.

[71]  Lors de la lecture du jugement, le Tribunal avait référé à 20% de la terre, mais avait malencontreusement dit 10 acres, ce que nous avons pris la liberté de corriger, pour que la logique mathématique soit prise en considération, avec ce qui est dit dans le reste du jugement. Pour le caractère « parfait » de la preuve, ce n'est pas le standard exigé, et nous référons à l'aveu du demandeur Chartier, pour le pourcentage de terre sur lequel il y a eu épandage, ce chiffre n'ayant pas été contredit par les défendeurs.

[72]  Il faut une expertise, selon l'état de la jurisprudence. La preuve par témoignage n'est pas recevable.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.