Syndic de Olivier | 2022 QCCS 2909 | |||||
COUR SUPÉRIEURE (Chambre commerciale)
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CANADA | ||||||
PROVINCE DE QUÉBEC | ||||||
DISTRICT DE | Longueuil. | |||||
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No : |
505-11-015127-181 | |||||
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DATE : | 18 JUILLET 2022. | |||||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE
| L’HONORABLE
| CHANTAL mASSE, J.C.S | ||||
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DANS L’AFFAIRE DE LA FAILLITE DE:
DAVID OLIVIER | ||||||
Débiteur | ||||||
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RAYMOND CHABOT INC. | ||||||
Syndic-requérant
c.
GILLES FOURNIER Défendeur
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jUGEMENT (sur requête modifiée en recouvrement de biens et en déclaration d’inopposabilité) | ||||||
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[1] Le Tribunal est saisi d’une requête modifiée en recouvrement de biens et en déclaration d’inopposabilité du Syndic Raymond Chabot Inc. (« le Syndic »).
[2] Les conclusions de cette requête modifiée en date du 22 juin 2020 se lisent comme suit :
DÉCLARER que le Défendeur Gilles Fournier est en défaut de payer au Débiteur David Olivier le solde de 61 577,73 $ dû en vertu de la cession de créance intervenue le 1er septembre 2015 entre David Olivier et Gilles Fournier devant le notaire Martin Fontaine sous le numéro 3967 de ses minutes et publiée au registre foncier de la circonscription foncière de Montréal le 2 septembre 2015 sous le numéro 21 808 020;
CONDAMNER le Défendeur Gilles Fournier à verser au Syndic-requérant pour le bénéfice de la masse des créanciers à la faillite de David Olivier la somme de 61 577,73$ avec intérêts au taux de 5% l’an depuis le 1er septembre 2015;
OU SUBSIDAIREMENT,
DÉCLARER la cession de créance intervenue le 1er septembre 2015 entre David Olivier et Gilles Fournier devant le notaire Martin Fontaine sous le numéro 3967 de ses minutes et publiée au registre foncier de la circonscription foncière de Montréal le 2 septembre 2015 sous le numéro 21 808 020 inopposable au Syndic-requérant;
CONDAMNER le Défendeur Gilles Fournier à verser au Syndic-requérant pour le bénéfice de la masse des créanciers à la faillite de David Olivier la somme de 61 577,73$ avec intérêts au taux de 5% l’an depuis le 1er septembre 2015;
LE TOUT avec les entiers dépens.
[3] Les dispositions invoquées par le Syndic sont les articles 1451 et 1452 C.c.Q, relatifs à la simulation, et, subsidiairement, les articles 4 et 96 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité[1] (« LFI ») permettant un recours en regard de certaines transactions sous-évaluées et enfin, l’article 1631 C.c.Q., permettant de déclarer inopposable un acte juridique passé en fraude des droits des créanciers. Les dispositions pertinentes sont reproduites en annexe de la présente décision.
[4] Initialement, dans sa requête du 9 octobre 2019, intitulée « Requête en annulation d’une transaction », et demandait uniquement de déclarer la cession de créance inopposable et de condamner le Défendeur Gilles Fournier (« Fournier ») à payer la somme de 61 577,73 $ au bénéfice de la masse. Le Syndic invoquait alors uniquement l’article 96 de la LFI et l’article 1631 C.c.Q.
[5] Dans sa contestation écrite à la requête modifiée, Fournier soutient que la requête doit être rejetée, ou, subsidiairement, qu’il lui soit ordonné de ne rembourser que la différence entre la somme qu’il aurait valablement reçue par compensation, soit 61 577,73 $ et ce qu’il a véritablement reçu.
Il demandait également certaines conclusions en lien avec sa demande en inscription de faux incident, demande dont il s’est toutefois désisté lors de l’audience.
[6] Ont témoigné lors de l’audience, le représentant du Syndic, Fournier et le débiteur David Olivier (le « Débiteur »). Une déclaration écrite tient lieu de témoignage du notaire qui a préparé la cession de créance du 2 septembre 2015. Les interrogatoires préalables de ces personnes sont également au dossier de la Cour.
[7] La cession de créance faisant l’objet du litige a été faite par le Débiteur le 1er septembre 2015 au profit du père de sa conjointe de fait, Fournier, lequel a appuyé financièrement le couple de plusieurs façons au fil du temps.
[8] Le dépôt de l’avis d’intention du Débiteur est en date du 14 mars 2018. Cela correspond à la date d’ouverture de la faillite[2]. Le recours suivant l’article 96 LFI a été intenté dès le 16 octobre 2019, le Syndic amendant sa procédure par la suite pour invoquer en première ligne la simulation, faisant de son recours suivant l’article 1631 C.c.Q. et suivant l’article 96 LFI, un recours subsidiaire.
[9] Pour les motifs qui suivent, il y a lieu de rejeter les moyens du Syndic quant à la simulation et à l’inopposabilité suivant les articles 1451, 1452 et 1631 C.c.Q. mais de faire droit en partie à son recours subsidiaire suivant l’article 96 LFI.
[10] La Cour d’appel, dans l’affaire Société d’aide au développement des collectivités Vallée-de-la-Gatineau c. Lyrette[3], après avoir cité les auteurs commentant la question, résume comme suit les éléments qui doivent être prouvés en matière de simulation :
[24] La simulation comprend donc deux éléments dont celui qui l’invoque doit faire la preuve, le premier est matériel (soit l’existence de deux actes, l’un apparent et l’autre secret); le second est intentionnel, soit la volonté des parties de duper les tiers en dissimulant leur volonté réelle par l’artifice de l’acte apparent. L’intention de tromper n’a pas à être nécessairement frauduleuse, comme cela le serait, par exemple, si l’objectif poursuivi était de priver d’un actif les créanciers de l’une ou l’autre des parties à l’opération.
[11] La Cour d’appel réfère également aux auteurs Lluelles et Moore, suivant lesquels « les tiers doivent […] avant tout être victimes de la simulation »[4].
[12] À première vue, il y a ici démonstration de l’existence d’une entente secrète modifiant les effets de la cession de créance puisque le Débiteur et Fournier paraissent s’être entendus pour déclarer à l’acte de cession qu’il y a eu un paiement au Débiteur par Fournier alors qu’en réalité, il y a eu selon eux compensation légale en raison d’une dette antérieure du Débiteur. L’autre façon de voir la chose, c’est de considérer que le véritable contrat intervenu entre les parties en est un de dation en paiement[5], plutôt qu’une simple cession de créance, le Débiteur transférant la propriété de son droit de créance à Fournier qui a accepté de le recevoir à la place et en paiement d’une somme d’argent qui lui était due.
[13] Le Tribunal note au passage que de telles subtilités du droit, la différence entre un paiement[6] et une dation en paiement, ne relèvent pas nécessairement de la connaissance de non-juristes tels que le Débiteur et Fournier. Pour eux, le paiement de Fournier consistait à effacer la dette du Débiteur et de sa conjointe. Ceci ne change rien au fait qu’en droit cela ne reflète pas l’opération intervenue, mais peut être considéré en ce qui concerne l’intention du Débiteur et de Fournier.
[14] Fournier plaide habilement que, la compensation légale opérant de plein droit, il n’est pas possible de conclure qu’il y a eu une « entente » modifiant celle qui apparaît à l’acte de cession. Selon lui, c’est plutôt l’effet de la loi, plus précisément celui de l’article 1673 C.c.Q. prévoyant que la compensation s’opère de plein droit dès que coexistent des dettes certaines, liquides et exigibles, qui est intervenu. Que l’acte de cession indique que paiement a été reçu alors que c’est plutôt la compensation a opéré de plein droit et éteint l’obligation de payer ne modifie pas l’existence de la cession de créance. Celle-ci a bel et bien pris place.
[15] Mais, quoi qu’il en soit de cette question, la preuve est clairement insuffisante pour démontrer que le Débiteur et Fournier ont cherché à tromper les tiers en agissant comme ils l’ont fait.
[16] Rien ne démontre qu’ils ont manipulé la réalité dans le but de tromper des tiers. Les témoignages du Débiteur et de Fournier établissent que le but de l’opération était de remettre à Fournier une partie de l’aide apportée, celle-ci dépassant largement le seul prêt de 100 000$ suivant la preuve non-contredite.
[17] Le Débiteur a donné mandat au notaire de procéder au transfert de la créance. L’interrogatoire préalable du notaire ayant préparé l’acte de cession, Martin Fontaine, indique en fait que celui-ci lui a fait part de l’exacte situation:
[…]
[18] Il n’est donc pas démontré que la façon dont la transaction a été libellée résulterait d’une intention de tromper les tiers. Rien dans la preuve n’indique que le Débiteur ou Fournier auraient donné instruction au notaire de ne pas faire état de la réalité, laquelle lui a été communiquée, dans l’acte de cession. Rien dans la preuve ne démontre non plus qu’il y avait une intention de duper les tiers en faisant la mention d’un paiement à l’acte de cession.
[19] Enfin, le fait que la valeur la créance cédée additionnée aux sommes déjà payées à Fournier excède le seul prêt de 100 000$ s’explique très bien dans le contexte de toute l’aide apportée par Fournier, à qui il était également demandé de patienter pour le remboursement des 250 000 $ prêtés à court terme pour l’investissement du Débiteur.
[20] Ce moyen ne peut donc être retenu.
[21] La preuve est insuffisante en regard des conditions posées pour l’application de l’article 1631 C.c.Q. Ni l’intention de frauder du Débiteur ni la mauvaise foi de Fournier n’ont été établies suivant la balance des probabilités.
[22] De plus, comme le délai de déchéance d’un an s’applique au recours intenté par le Syndic, et ce, qu’il ait ou non connaissance de la transaction visée ou du préjudice résultant de la transaction, celui-ci est de toute façon prescrit. C’est le libellé de l’article 1635 C.c.Q. qui impose cette interprétation en prévoyant que le délai d’un an s’applique pour un créancier à compter du jour où celui-ci a eu connaissance du préjudice résultant de l’acte attaqué alors que cette considération est absente et donc, a contrario, sans pertinence en regard du recours exercé par le syndic de faillite:
1635. L’action doit, à peine de déchéance, être intentée avant l’expiration d’une délai d’un an à compter du jour où le créancier a eu connaissance du préjudice résultant de l’acte attaqué ou, si l’action est intentée par un syndic de faillite pour le compte des créanciers collectivement, à compter du jour de la nomination du syndic.
[23] Le Syndic invoque, au sujet du délai relatif à la déchéance, avoir été dans l’impossibilité en fait d’agir puisqu’il y aurait eu faute du Débiteur dans sa façon de représenter la réalité de la transaction dans le cadre de la cession de créance et qu’il n’aurait constaté l’inexistence d’un paiement, et donc, d’un préjudice résultant de l’acte attaqué, qu’au moment de l’interrogatoire du Débiteur.
[24] Le Syndic plaide les principes généraux énoncés dans les affaires Oznaga c. La Société d’exploitation des loteries et courses du Québec[8] et Ville de Montréal c. Vaillancourt[9], suivant lesquels la suspension de la prescription fondée sur l’impossibilité absolue en fait d’agir alors prévue à l’article 2232 C.c.B.-C. s’étendrait aussi au point de départ d’un délai de déchéance. C’est maintenant l’article 2904 C.c.Q. qui s’applique à cette question:
2904. La prescription ne court pas contre les personnes qui sont dans l’impossibilité en fait d’agir soit par elles-mêmes, soit en se faisant représenter par d’autres.
[25] Il plaide notamment la décision de la Cour d’appel dans l’affaire Hôtel Pilma sur le Lac Inc. c. Bertrand[10]. Or, dans cette affaire, il s’agissait d’un syndic agissant dans le contexte d’une proposition concordataire ne comportant pas le mandat de prendre un recours en inopposabilité. Ce syndic était donc dans l’impossibilité d’agir, ou, selon la Cour d’appel, sa nomination était sans pertinence (« irrelevant ») en l’absence d’un tel mandat aux fins de l’application de l’article 1040 C.c.B.-C., maintenant l’article 1635 C.c.Q.[11] La Cour d’appel écarte clairement l’application de ce raisonnement à un syndic agissant dans le cadre d’une faillite, comme en l’espèce, en s’exprimant comme suit à ce sujet:
[11] It is apparent that a trustee in bankruptcy seeking to bring paulian proceedings for the purpose of setting aside a fraudulent contract under Article 1032 C.C. would have to do so within one year from the date of his appointment.
[12] But in the present case we are concerned with a trustee under a proposal and not a trustee in bankruptcy. In my view, the difference is critical. Under the Bankruptcy Act, a trustee in bankruptcy has very broad powers to take proceeding relating to the property of the bankrupt (Section 14 (d)). There is no reason why he should not bring the proceedings within the year.
[26] Cette décision n’est donc pas une autorité permettant d’appliquer une impossibilité d’agir en fait à un syndic nommé dans le cadre d’une faillite mais seulement une autorité permettant d’appliquer le principe de l’impossibilité d’agir à un syndic nommé dans le cadre d’une proposition concordataire sans avoir le mandat d’intenter des procédures en inopposabilité. Tel qu’établi dans l’extrait cité plus haut, la Cour d’appel précise plutôt, au contraire de ce que plaide le Syndic, que son raisonnement ne s’applique pas à l’endroit d’un syndic de faillite qui lui, dispose du pouvoir d’intenter de telles procédures dès sa nomination, et ce, suivant la LFI.
[27] De plus, appliquer l’impossibilité d’agir en fait au motif de l’ignorance du Syndic d’un préjudice découlant de la cession de créance, celui-ci ayant été nommé en l’espèce dans le contexte d’une faillite, serait contraire au libellé de l’article 1635 C.c.Q. En effet, tel que déjà vu, cette disposition prévoit a contrario, que le délai d’un an s’applique au recours du syndic de faillite sans égard à sa connaissance ou non d’un préjudice résultant de l’acte attaqué.
[28] Le Tribunal ne peut donc faire droit au moyen du Syndic fondé sur l’article 1631 C.c.Q.
[29] Le Débiteur et Fournier sont des personnes liées au sens de 4 (3) f.1 LFI, puisque Fournier a un lien de sang au sens de 4 (3) e) avec sa fille, qui est la conjointe de fait du Débiteur. Ils sont donc présumés avoir un lien de dépendance au sens de 4 (5) LFI.
[30] Aucune preuve contraire n’a été faite, la preuve ayant plutôt eu pour effet de renforcer la présomption déjà applicable, Fournier ayant apporté son aide au Débiteur et à sa conjointe de fait de plusieurs manières, notamment en lui prêtant une mise de fond, ainsi qu’à sa fille, pour l’achat de leur résidence familiale.
[31] Comme il existe un lien de dépendance entre le Débiteur et Fournier et que la cession est survenue plus d’un an avant la faillite, mais dans les 5 années précédant celle-ci, le Syndic devait notamment démontrer, suivant les articles 95 et 96 LFI, que le Débiteur a disposé d’un bien mais aussi que cette disposition s’est faite pour une contrepartie nettement inférieure à la valeur marchande suivant l’évaluation du Syndic et que les critères énoncés à 96 (1) b) ii) A) ou B) LFI sont rencontrés, soit que le Débiteur :
(A) ou bien était insolvable au moment de la cession de créance du 1er septembre 2015, ou l’est devenu en raison de celle-ci,
(B) ou bien avait l’intention de frauder ou de frustrer un créancier ou d’en retarder le désintéressement.
[32] La preuve révèle que le Débiteur a cédé sa créance à Fournier non en échange d’un paiement en argent mais que les parties ont considéré qu’il y a eu compensation avec une dette que personne n’a véritablement ou sérieusement contesté, le Syndic utilisant d’ailleurs ce fait pour souligner le lien de dépendance entre le Débiteur et Fournier.
[33] Par ailleurs, la preuve relative à la dette est non contredite et le Tribunal n’a pas de motifs de douter des témoignages entendus sur cette question, un document de 2008 étant également au dossier et en confirmant l’existence[12].
[34] La dette consistait en un prêt de 100 000 $ sans intérêts et a été contractée le 15 mai 2008 par le Débiteur et sa conjointe auprès du père de celle-ci, Fournier. Aucune convention entre les parties ne prévoyant la solidarité, il faut appliquer le principe suivant lequel les obligations sont conjointes puisqu’il ne s’agit pas ici d’une obligation contractée pour le service ou l’exploitation d’une entreprise[13]. Le Débiteur et sa conjointe devaient donc chacun 50 000 $ à Fournier à la suite de ce prêt[14].
[35] Il faut ici souligner que le fait que Fournier, beau-père de la conjointe du Débiteur, ait accordé un prêt au couple plutôt que de leur faire don de l’argent n’a rien d’étonnant considérant les statistiques bien connues liées à l’instabilité des couples en général, lesquelles sont de connaissance judiciaire[15].
[36] Des paiements totalisant 45 282,39 $ ont été faits par la remise de retours d’impôts -27 765,15$ du Débiteur et 17 816,94 $ de sa conjointe- à Fournier le 31 août 2015, tel qu’admis par celui-ci[16]. Ceci laissait un solde de 22 234,85 $ au prêt dû par le Débiteur à Fournier et de 32 183,06 $ pour sa conjointe, pour un solde combiné de 54 417,91 $.
[37] Suivant la preuve, le Débiteur et Fournier ont considéré que l’obligation de payer de Fournier suivant la cession de créance du 1er septembre était compensée par le solde de la dette de 100 000 $. La créance cédée valait toutefois 61 577 $ suivant ce qu’ont déclaré les parties à l’acte de cession[17]. C’est cette valeur que le Syndic reprend à son compte.
[38] En prétendant éteindre la dette de sa conjointe de fait, et non seulement la sienne, en cédant une créance de 61 577 $ lui appartenant à lui seul, le Débiteur obtenait pour son patrimoine une contrepartie inférieure à la valeur marchande de cette créance, soit la compensation d’une dette de 22 234,85 $[18], et favorisait ainsi une personne liée, soit sa conjointe, sans aucune considération quant à la partie de la dette dont celle-ci était encore responsable à ce moment, soit 32 183,06 $, non plus que pour le montant allant au-delà du solde de leurs dettes combinées, soit 7 160 $ (61 577 $ - 54 417 $).
[39] L’article 2 LFI définit une personne insolvable comme étant, pour une raison quelconque, incapable de faire honneur à ses obligations au fur et à mesure de leur échéance, comme ayant cessé d’acquitter ses obligations courantes dans le cours ordinaire des affaires au fur et à mesure de leur échéance ou dont la totalité des biens n’est pas suffisante, d’après une juste estimation, ou ne suffirait pas, s’il en était disposé lors d’une vente bien conduite par autorité de justice, pour permettre l’acquittement de toutes ses obligations échues ou à échoir. Suivant la jurisprudence, le défaut répété d’une personne de verser à un créancier le remboursement mensuel en capital de ses obligations démontre à lui seul l’état d’insolvabilité[19], sous réserve d’une preuve contraire montrant, par exemple, qu’il s’agit d’une mauvaise gestion plutôt que d’insolvabilité.
[40] Le Syndic a produit au dossier le jugement du juge Déziel, rendu le 15 février 2018 dans l’affaire Gestion Francis Bouillon inc. c. Olivier[20], lequel explique bien la situation dans laquelle se trouvait le Débiteur en raison de ses investissements malheureux, à la suite d’un jugement rendu en 2014, d’une mise en demeure de juillet 2015 et d’une saisie faite en août 2015 :
[4] Le 4 juillet 2014, jugement est rendu condamnant notamment Olivier [le Débiteur] et Bouillon à payer à différents créanciers désignés par les parties comme étant le Groupe Bourque une somme de 1.4 M $ et une autre de 14 000 $ plus les intérêts et frais.
[5] Le jugement résulte du non remboursement d’un prêt hypothécaire signé le 11 octobre 2012 consenti pour financer une partie du Projet.
[6] Le 6 août 2014, Bouillon et Gestion Bouillon remboursent la dette du Groupe Bourque en vertu d’une quittance subrogatoire.
[7] Subséquemment, Bouillon et Gestion Bouillon procèdent aux saisies-arrêts contestées, et ce, en exécution de la Quittance subrogatoire.
[…]
[327] En juillet 2015, Sécur exige le paiement des sommes en souffrance dues aux termes du prêt hypothécaire soit environ 163 000 $ en capital et environ 150 000 $ en intérêts.
[328] En août 2015, afin d’éviter les recours hypothécaires, Bouillon verse à Sécur une somme de 127 000 $ en contrepartie d’un engagement de Sécur de ne pas exercer de recours avant la mi-octobre 2015, ce qu’elle fera le 19 décembre 2015 en réclamant à Bouillon 2 490 392,95 $.
[329] Bouillon et Gestion Bouillon allèguent ce qui suit pour justifier l’exécution du jugement :
« 142. Ultimement, les demandeurs n’ont pas eu d’autre choix que de procéder à l’exécution forcée du jugement le ou vers le 5 août 2015, étant donné le gouffre financier qui découle de l’abandon du projet par Olivier et St-Pierre, la répudiation de leurs obligations et leur mauvaise gestion du Projet, incluant notamment :
Les dépassements de coûts du projet par rapport au budget initial;
Le non-paiement de plusieurs créanciers et fournisseurs;
Les garanties et cautions personnelles que les demandeurs ont dû accorder pour garantir les sommes dues aux créanciers ainsi que le paiement des taxes impayées;
Les paiements hypothécaires mensuels qui doivent être effectués pour respecter les termes des prêts hypothécaires contractés dans le cadre du projet. »
[330] La preuve ne démontre pas qu’Olivier ait offert de payer le quart des sommes dues en vertu du jugement, ni qu’il en avait la capacité.
[331] Au contraire, la preuve démontre qu’il est déjà en difficulté financière.
a) arrérages pour les frais de condos de la rue Préfontaine;
b) arrérages de taxes scolaires sur la résidence des requérants rue du Tamaris;
c) retard dans les paiements hypothécaires envers la Banque de Montréal;
d) perte de revenus sur ses immeubles de plus de 15 000 $ en 2014.
[332] Pour toutes ces raisons, le tribunal conclut qu’il y a absence d’abus de procédures, et ce, en regard de l’ensemble des circonstances de ce Projet, qui s’est mal terminé pour les trois actionnaires.
[41] Dans l'affaire Solomon c. Québec (Procureur général)[21], la Cour d'appel énonce que le juge saisi d'une affaire dans laquelle sont en cause des faits sur lesquels d'autres instances se sont prononcées ne peut en faire totalement abstraction.
[42] Selon la Cour d'appel, ces décisions, sans lier le juge saisi subséquemment d'un litige connexe, sont des faits juridiques qu'il faut considérer, dont il y a lieu de « déterminer le poids relatif »[22] et, « dans une certaine mesure et avec les nombreuses adaptations qui s'imposent »[23], le Tribunal doit « partager le respect que les tribunaux appelés à juger en second lieu d'une affaire témoignent aux déterminations et constats du juge l'ayant entendue en premier lieu »[24].
[43] Le poids à y accorder est ici d’autant plus important que plusieurs éléments de fait allant dans le même sens que les constats faits par le juge Déziel sont en preuve dans le présent dossier. Ceux-ci, avec les constats énoncés par le juge Déziel dans l’extrait cité plus haut, établissent que le Débiteur était non seulement en difficulté financière, mais était insolvable au sens de la LFI et de la jurisprudence peu avant septembre 2015, au moment de la cession de créance :
[44] Bien que la saisie d’août 2015 ait été contestée, le jugement rendu par le juge Déziel le 15 février 2018 n’a pas retenu la thèse du Débiteur, a fait état de plusieurs éléments montrant son insolvabilité avant même cette saisie, tel que vu plus haut, et a été suivi de la faillite du Débiteur le 14 mars 2018.
[45] Les présomptions de faits peuvent être retenues parce que graves, précises et concordantes. Il faut, pour paraphraser l'énoncé classique de Larombière repris par la Cour suprême dans Benhaim c. St-Germain, que:
[46] Malgré certains arguments présentés par le Débiteur, le Tribunal considère que celui-ci n’a pas produit au dossier une preuve prépondérante contraire à celle qui pointe de façon grave, précise et concordante dans le sens de son insolvabilité dès après la saisie d’août 2015, soit immédiatement avant la cession de créance de septembre 2015.
[47] Son procureur a notamment soulevé qu’il avait payé ses avocats tout au long du litige tranché par le juge Déziel. Or, le Tribunal n’a pas entendu de preuve sur la question de savoir par qui et comment ont été payés les avocats du Débiteur.
[48] Il a également invoqué la possibilité pour le Débiteur de se financer à nouveau à même les immeubles. Là non plus, le Tribunal ne dispose pas d’éléments de preuve lui permettant de conclure dans le sens d’une solvabilité sur la base d’une telle possibilité en 2015, et notamment après la saisie des loyers en août 2015, cette possibilité demeurant donc au mieux purement théorique et au pire dénuée de tout réalisme considérant les circonstances. Ajoutons que le Débiteur a admis, lors de son contre-interrogatoire lors de l’audience, que les créanciers hypothécaires ont éventuellement repris les immeubles.
[49] Enfin, le procureur du Débiteur a plaidé que personne n’avait tenté de mettre celui-ci en faillite en 2015 ni jusqu’en 2018. Ceci n’établit pas non plus la solvabilité du Débiteur alors qu’il existe au dossier des éléments de preuve suffisants permettant de conclure à son insolvabilité au moment de la cession de créance en septembre 2015.
[50] Ainsi, les conditions liées à l’application de 96 (1) b) ii) LFI sont réunies sous le premier volet, ce qui suffit à en permettre l’application. Le Tribunal a déjà indiqué que la preuve ne permet pas de conclure par prépondérance à une intention de frauder ou de frustrer l’intérêt des créanciers. Le Syndic n’aurait pas eu gain de cause sous le second volet de de 96 (1) b) ii) LFI.
[51] Le recours du Syndic suivant cette disposition a été intenté à l’intérieur du délai de trois ans suivant la faillite et la nomination de celui-ci. Le recours n’était donc pas prescrit, l’article 2925 C.c.Q., prévoyant une prescription de 3 ans, étant applicable pour demander la déclaration d’inopposabilité des transactions intervenues pendant la période suspecte[25], soit dans les 5 années précédant la faillite.
[52] Vu ce qui précède, l’article 96 LFI permet au Tribunal, puisqu’il estime que le Débiteur a conclu une opération sous-évaluée, soit de déclarer cette opération inopposable au Syndic ou ordonner que le Débiteur verse à l’actif, seul ou avec l’ensemble ou certaines des parties ou personnes intéressées par l’opération, la différence entre la valeur de la contrepartie qu’il a reçue et la valeur de celle qu’il a donnée.
[53] Fournier demande d’ailleurs, de façon subsidiaire à sa demande de rejeter complètement le recours du Syndic, à n’être condamné qu’à rembourser cette différence.
[54] C’est cette option, envisagée par Fournier lui-même, que le Tribunal doit ici retenir, en l’absence d’une preuve suffisante de fraude et puisque les conclusions de la demande du Syndic ne visent pas le Débiteur mais seulement Fournier. Une conclusion visant aussi le Débiteur serait donc ultra petita et ne répondrait pas aux exigences du droit d’être entendu, le Débiteur n’ayant pas fait de représentations à ce sujet puisque le recours du Syndic ne le vise pas.
[55] Tel que vu plus haut, la créance cédée avait une valeur de 61 577 $ alors que le solde de la dette du Débiteur envers Fournier était de 22 234,85 $. Fournier doit donc rembourser la somme de 39 342,15 $.
[56] Le Tribunal ne retrouve pas à la requête modifiée du Syndic l’assise pour sa demande d’appliquer un taux d’intérêt de 5%, non plus qu’à la LFI[26]. En application des articles 72 LFI et de l’article 1617 C.c.Q. le Tribunal considère, dans les circonstances du présent dossier et en l’absence de preuve prépondérante d’une intention frauduleuse, que le taux légal s’applique aux intérêts réclamés par le Syndic, et ce, à compter de la requête du 9 octobre 2019, soit le moment auquel il a pris son recours suivant l’article 96 LFI.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[57] ACCUEILLE en partie la requête modifiée en recouvrement de biens et en déclaration d’inopposabilité du Syndic-requérant;
[58] ORDONNE au défendeur Gilles Fournier de verser au Syndic-requérant pour le bénéfice de la masse des créanciers à la faillite de David Olivier la somme de 39 342,15$ avec intérêts au taux légal suivant l’article 1617 C.c.Q. à compter du 9 octobre 2019;
[59] AVEC DÉPENS.
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CHANTAL MASSE, j.c.s.
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David Olivier | ||
Partie débitrice | ||
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Me Lyne Guilbault | ||
Gilbert Séguin Guilbault | ||
Pour le Syndic - requérant Raymond Chabot Inc. (Réjean Bouchard) | ||
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Me David Lacoursière | ||
Me Fréderic-Alexandre Yao | ||
Lacoursière Avocats Inc. | ||
Pour la partie défenderesse Gilles Fournier | ||
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Me Patricia Proulx | ||
Weidenbach, Leduc, Pichette | ||
Pour la partie mise en cause Martin Fontaine, Notaire | ||
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Dates d’audience :
| 3 et 4 mai 2021 | |
ANNEXE
1. Extraits de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité;
2 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.
[…]
personne insolvable Personne qui n’est pas en faillite et qui réside au Canada ou y exerce ses activités ou qui a des biens au Canada, dont les obligations, constituant à l’égard de ses créanciers des réclamations prouvables aux termes de la présente loi, s’élèvent à mille dollars et, selon le cas :
a) qui, pour une raison quelconque, est incapable de faire honneur à ses obligations au fur et à mesure de leur échéance;
b) qui a cessé d’acquitter ses obligations courantes dans le cours ordinaire des affaires au fur et à mesure de leur échéance;
c) dont la totalité des biens n’est pas suffisante, d’après une juste estimation, ou ne suffirait pas, s’il en était disposé lors d’une vente bien conduite par autorité de justice, pour permettre l’acquittement de toutes ses obligations échues ou à échoir. (insolvent person)
[…]
4 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.
[…]
groupe lié Groupe de personnes dont chaque membre est lié à chaque autre membre du groupe. (related group)
[…]
(2) Pour l’application de la présente loi, des personnes sont liées entre elles et constituent des personnes liées si elles sont :
a) soit des particuliers unis par les liens du sang, du mariage, d’une union de fait ou de l’adoption;
[…]
(3) Pour l’application du présent article :
[…]
e) des personnes sont unies par les liens du sang si l’une est l’enfant ou autre descendant de l’autre ou si l’une est le frère ou la soeur de l’autre;
[…]
f.1) des personnes sont unies par les liens d’une union de fait si l’une vit en union de fait avec l’autre ou avec une personne qui est unie à l’autre par les liens du sang ou de l’adoption;
[…]
(4) La question de savoir si des personnes non liées entre elles n’avaient pas de lien de dépendance, à tel ou tel moment, est une question de fait.
(5) Les personnes liées entre elles sont réputées avoir un lien de dépendance tant qu’elles sont ainsi liées et il en va de même, sauf preuve contraire, pour l’application des alinéas 95(1)b) ou 96(1)b).
95 (1) Sont inopposables au syndic tout transfert de biens, toute affectation de ceux-ci à une charge et tout paiement faits par une personne insolvable de même que toute obligation contractée ou tout service rendu par une telle personne et toute instance judiciaire intentée par ou contre elle :
a) en faveur d’un créancier avec qui elle n’a aucun lien de dépendance ou en faveur d’une personne en fiducie pour ce créancier, en vue de procurer à celui-ci une préférence sur un autre créancier, s’ils surviennent au cours de la période commençant à la date précédant de trois mois la date de l’ouverture de la faillite et se terminant à la date de la faillite;
b) en faveur d’un créancier avec qui elle a un lien de dépendance ou d’une personne en fiducie pour ce créancier, et ayant eu pour effet de procurer à celui-ci une préférence sur un autre créancier, s’ils surviennent au cours de la période commençant à la date précédant de douze mois la date de l’ouverture de la faillite et se terminant à la date de la faillite.
(2) Lorsque le transfert, l’affectation, le paiement, l’obligation ou l’instance judiciaire visé à l’alinéa (1)a) a pour effet de procurer une préférence, il est réputé, sauf preuve contraire, avoir été fait, contracté ou intenté, selon le cas, en vue d’en procurer une, et ce même s’il l’a été sous la contrainte, la preuve de celle-ci n’étant pas admissible en l’occurrence.
(2.1) Le paragraphe (2) ne s’applique pas aux opérations ci-après et les parties à celles-ci sont réputées n’avoir aucun lien de dépendance :
a) un dépôt de couverture effectué auprès d’une chambre de compensation par un membre d’une telle chambre;
b) un transfert, un paiement ou une charge qui se rapporte à une garantie financière et s’inscrit dans le cadre d’un contrat financier admissible.
(3) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.
Chambre de compensation Organisme qui agit comme intermédiaire pour ses membres dans les opérations portant sur des titres. (clearing house)
Créancier S’entend notamment de la personne qui se porte caution ou répond d’une dette envers un tel créancier. (creditor)
Dépôt de couverture Tout paiement, dépôt ou transfert effectué par l’intermédiaire d’une chambre de compensation, en application des règles de celle-ci, en vue de garantir l’exécution par un membre de ses obligations touchant des opérations portant sur des titres; sont notamment visées les opérations portant sur les contrats à terme, options ou autres dérivés et celles garantissant ces obligations. (margin deposit)
Membre Personne se livrant aux opérations portant sur des titres et qui se sert d’une chambre de compensation comme intermédiaire. (clearing member)
96 (1) Sur demande du syndic, le tribunal peut, s’il estime que le débiteur a conclu une opération sous-évaluée, déclarer cette opération inopposable au syndic ou ordonner que le débiteur verse à l’actif, seul ou avec l’ensemble ou certaines des parties ou personnes intéressées par l’opération, la différence entre la valeur de la contrepartie qu’il a reçue et la valeur de celle qu’il a donnée, dans l’un ou l’autre des cas suivants :
a) l’opération a été effectuée avec une personne sans lien de dépendance avec le débiteur et les conditions suivantes sont réunies :
(i) l’opération a eu lieu au cours de la période commençant à la date précédant d’un an la date de l’ouverture de la faillite et se terminant à la date de la faillite,
(ii) le débiteur était insolvable au moment de l’opération, ou l’est devenu en raison de celle-ci,
(iii) le débiteur avait l’intention de frauder ou de frustrer un créancier ou d’en retarder le désintéressement;
b) l’opération a été effectuée avec une personne qui a un lien de dépendance avec le débiteur et elle a eu lieu au cours de la période :
(i) soit commençant à la date précédant d’un an la date de l’ouverture de la faillite et se terminant à la date de la faillite,
(ii) soit commençant à la date précédant de cinq ans la date de l’ouverture de la faillite et se terminant à la date qui précède d’un jour la date du début de la période visée au sous-alinéa (i) dans le cas où le débiteur :
(A) ou bien était insolvable au moment de l’opération, ou l’est devenu en raison de celle-ci,
(B) ou bien avait l’intention de frauder ou de frustrer un créancier ou d’en retarder le désintéressement.
(2) Lorsqu’il présente la demande prévue au présent article, le syndic doit déclarer quelle était à son avis la juste valeur marchande des biens ou services ainsi que la valeur de la contrepartie réellement donnée ou reçue par le débiteur, et l’évaluation faite par le syndic est, sauf preuve contraire, celle sur laquelle le tribunal se fonde pour rendre une décision en conformité avec le présent article.
(3) Au présent article, personne intéressée s’entend de toute personne qui est liée à une partie à l’opération et qui, de façon directe ou indirecte, soit en bénéficie elle-même, soit en fait bénéficier autrui.
2. Extraits du Code civil du Québec.
1451. Il y a simulation lorsque les parties conviennent d’exprimer leur volonté réelle non point dans un contrat apparent, mais dans un contrat secret, aussi appelé contre-lettre.
Entre les parties, la contre-lettre l’emporte sur le contrat apparent.
1452. Les tiers de bonne foi peuvent, selon leur intérêt, se prévaloir du contrat apparent ou de la contre-lettre, mais s’il survient entre eux un conflit d’intérêts, celui qui se prévaut du contrat apparent est préféré.
1631. Le créancier, s’il en subit un préjudice, peut faire déclarer inopposable à son égard l’acte juridique que fait son débiteur en fraude de ses droits, notamment l’acte par lequel il se rend ou cherche à se rendre insolvable ou accorde, alors qu’il est insolvable, une préférence à un autre créancier.
1632. Un contrat à titre onéreux ou un paiement fait en exécution d’un tel contrat est réputé fait avec l’intention de frauder si le cocontractant ou le créancier connaissait l’insolvabilité du débiteur ou le fait que celui-ci, par cet acte, se rendait ou cherchait à se rendre insolvable.
1633. Un contrat à titre gratuit ou un paiement fait en exécution d’un tel contrat est réputé fait avec l’intention de frauder, même si le cocontractant ou le créancier ignorait ces faits, dès lors que le débiteur est insolvable ou le devient au moment où le contrat est conclu ou le paiement effectué.
1634. La créance doit être certaine au moment où l’action est intentée; elle doit aussi être liquide et exigible au moment du jugement sur l’action.
La créance doit être antérieure à l’acte juridique attaqué, sauf si cet acte avait pour but de frauder un créancier postérieur.
1635. L’action doit, à peine de déchéance, être intentée avant l’expiration d’un délai d’un an à compter du jour où le créancier a eu connaissance du préjudice résultant de l’acte attaqué ou, si l’action est intentée par un syndic de faillite pour le compte des créanciers collectivement, à compter du jour de la nomination du syndic.
1636. Lorsque l’acte juridique est déclaré inopposable à l’égard du créancier, il l’est aussi à l’égard des autres créanciers qui pouvaient intenter l’action et qui y sont intervenus pour protéger leurs droits; tous peuvent faire saisir et vendre le bien qui en est l’objet et être payés en proportion de leur créance, sous réserve des droits des créanciers prioritaires ou hypothécaires.
[1] L.R.C. (1985), ch. B-3.
[2] Voir la définition des termes « ouverture de la faillite » à l’article 2 LFI.
[3] 2020 QCCA 1107, par. 24.
[4] Id., par. 25.
[5] Art. 1799 C.c.Q. : « 1799. La dation en paiement est le contrat par lequel un débiteur transfère la propriété d’un bien à son créancier qui accepte de la recevoir, à la place et en paiement d’une somme d’argent ou de quelque autre bien qui lui est dû. » Un droit de créance est un bien meuble incorporel. Voir les articles 899 et ss. C.c.Q. et Caisse populaire Desjardins de Val-Brillant c. Blouin, [2003] 1 R.C.S. 666, par. 3 : « [3] Dans son acception générale, le mot « bien » inclut autant les biens corporels que les biens incorporels, qui comprennent eux-mêmes l’ensemble des droits personnels susceptibles de faire partie du patrimoine d’une personne, notamment les droits de créance. […] »
[6] Art. 1553 C.c.Q. : « 1553. Par paiement on entend non seulement le versement d’une somme d’argent pour acquitter une obligation, mais aussi l’exécution même de ce qui est l’objet de l’obligation. » Même pour les juristes, tel que le notaire ayant agi en l’instance ou même les juges, y compris la soussignée, les fines distinctions sur le plan juridique ne sont pas toujours des plus évidentes à faire.
[7] Interrogatoire préalable de Martin Fontaine, pièce R-6, p. 15-17.
[8] [1981] 2 R.C.S. 113.
[9] [1977] 2 R.C.S. 849.
[10] EYB 1984-142562 (C.A.).
[11] Id., par.27 : «[27] Although it is true that the trustee was appointed trustee under the proposal on September 21, 1978, that appointment was irrelevant for purposes of Article 1040 C.c.B.-C., since it did not include any mandate or power to exercise the recourse contemplated by that article. […] It was not until the proposal was amended on April 14, 1981 that his appointement included the mandate to take proceedings and that it became possible for him to act. »
[12] Pièce D-1.
[13] Art. 1525 C.c.Q.
[14] Art. 1518 C.c.Q.
[15] Voir notamment, le rapport du Comité consultatif sur le droit de la famille de juin 2015, Pour un droit de la famille adapté aux nouvelles réalités conjugales et familiales, aux pages 25 à 34, à ce sujet.
[16] Par. 8 de la contestation écrite de Fournier et pièce D-4, le Débiteur ayant de plus confirmé lors de son témoignage qu’il s’agissait de retours d’impôts.
[17] Pièce R-2.
[18] La compensation est un mode d’extinction des obligations s’appliquant lorsque deux personnes sont réciproquement débitrices et créancières l’une de l’autre : articles 1672 et 1673 C.c.Q. La conjointe du Débiteur n’était pas créancière de Fournier puisque la créance cédée ne lui appartenait pas.
[19] Transport Passion R inc. c. Banque de développement du Canada, 2019 QCCS 2518 aux par. 85-86.
[20] 2018 QCCS 586.
[21] [2008] R.J.Q. 2127 (C.A.).
[22] Id., paragr. 55.
[23] Id., paragr. 54.
[24] Id.
[25] Perrette inc c Québec (Sous-MR), [1998] R.J.Q. 1015 (C.A.), référant à The Employer’s Liabilities Assurance Corporation Ltd c Ideal Petroleum (1959) Ltd, [1978] 1 RCS 230.
[26] L’article 122 LFI fait état d’un tel taux mais n’est pas applicable ici.
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