Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

Innus de Uashat et de Mani-Utenam c. Québec (Procureure générale)

2016 QCCS 1880

JD2836

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-17-084681-140

 

 

 

DATE :

19 avril 2016

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

THOMAS M. DAVIS, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

LES INNUS DE UASHAT ET DE MANI-UTENAM (« les Innus de UM »)

et

LE CHEF MIKE MCKENZIE

et

LA BANDE INNU TAKUAIKAN UASHAT MAK MANI-UTENAM

et

MAURICE VOLLANT, Vice-chef de Uashat mak Mani-Utenam, et les autres conseillers de Uashat mak Mani-Utenam, MARIE-MARTHE FONTAINE, NORBERT FONTAINE, ADÉLARD JOSEPH, ROLLAND THIRNISH, MIKE INNU PAPU MCKENZIE, WILLIAM FONTAINE, MARCELLE ST-ONGE et MATTHIEU MCKENZIE

Demandeurs

c.

LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC

et

DAVID HEURTEL, ès qualités de Ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques 

et

HYDRO-QUÉBEC

et

LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU CANADA

           Défendeurs

et

ADMINISTRATION PORTUAIRE DE SEPT-ÎLES         

            Mise en cause

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

sur une Demande de la Procureure générale du Québec en rejet

et sur un Avis d’opposition aux amendements

et

 sur une Requête en irrecevabilité

de la Procureure générale du Canada

______________________________________________________________________

 

 

INTRODUCTION

[1]           Les Innus de UM (les Innus) s’opposaient à la construction d’une ligne de transport d’énergie de 161 kV entre le poste Arnaud et l’Aluminerie Alouette (le Projet ou la ligne Alouette), ligne qui est maintenant complétée.

[2]           Ils soutiennent que, malgré que la ligne soit actuellement terminée, tant le gouvernement du Québec que le gouvernement du Canada ont une obligation de poursuivre la consultation et, au besoin, d’accommoder les Innus en relation avec le projet; les deux gouvernements ont manqué à leurs obligations à cet égard disent les Innus. Ils intentent une requête Haïda et en injonction interlocutoire et permanente.

[3]           Les conclusions à la requête Haïda sont très étendues. Elles sont rédigées en ces termes :

ACCUEILLIR la présente requête;

 

DÉCLARER que la Procureure générale du Québec et la Procureure générale du Canada ont manqué à leurs obligations de consulter et d’accommoder les demandeurs quant au projet de La Ligne Arnaud - Alouette;

 

DÉCLARER que le Certificat d’autorisation du 6 août 2014 autorisant Hydro-Québec à réaliser le projet de La Ligne Arnaud - Alouette est déraisonnable, illégal, nul et sans effet aucun;

 

ÉMETTRE une ordonnance enjoignant la Procureure générale du Québec et la Procureure générale du Canada de consulter et accommoder les demandeurs quant au Projet […] de La Ligne Arnaud - Alouette en mettant en place, notamment les accommodements détaillés à l’Annexe A des présentes; ÉMETTRE une ordonnance enjoignant à Hydro-Québec de cesser la mise en service et l’exploitation du projet de La Ligne Arnaud - Alouette, et ce, jusqu’à ce que les demandeurs aient été adéquatement consultés et accommodés tel que notamment prévu à l’Annexe A des présentes; dans le cas du défaut de la Procureure générale du Québec et la Procureure générale du Canada de s’acquitter de leurs obligations précédemment décrit dans un délai imparti, ÉMETTRE une ordonnance d’injonction enjoignant Hydro-Québec de cesser la mise en service et l’exploitation du projet de La Ligne Arnaud - Alouette et de démolir les composantes déjà réalisées et de remettre le territoire des demandeurs affecté par le Projet dans l’état où il était avant le début des travaux de réalisation du Projet;

 

 […]     

 

ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel; 

 

CONDAMNER solidairement la Procureure générale du Québec et la Procureure générale du Canada à payer aux demandeurs des dommages-intérêts d’une somme de onze (11) millions de dollars avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2015.

 

RÉSERVER aux demandeurs leurs autres recours.

 

LE TOUT avec dépens. [1]

[4]           À titre de conclusions permanentes, les Innus demandent :

ACCUEILLIR la présente requête;

 

DÉCLARER que le Projet viole le titre ancestral, les droits ancestraux et les droits issus de traités des demandeurs;

 

DÉCLARER que la Procureure générale du Québec et la Procureure générale du Canada ont violé leurs obligations constitutionnelles et fiduciaires et leurs obligations de gardiens envers les demandeurs à l’égard du Projet.

 

DÉCLARER  que la Procureure générale du Québec et la Procureure générale du Canada ont violé leurs obligations d’ordre environnemental envers les demandeurs en ce qui concerne le Projet.

 

DÉCLARER que le Certificat d’autorisation du 6 août 2014 autorisant HQ à réaliser le Projet est déraisonnable, illégal, nul et sans effet aucun

 

RENDRE une ordonnance d’injonction permanente enjoignant à HQ de cesser […] l’exploitation du projet de La Ligne Arnaud - Alouette et de démolir les composantes déjà réalisées et de remettre le territoire des demandeurs affecté par le Projet dans l’état où il était avant le début des travaux de réalisation du Projet;

 

[…]

 

COMDAMNER solidairement la Procureure générale du Québec, la Procureure générale du Canada et Hydro-Québec à payer aux demandeurs des dommages-intérêts d’une somme de vingt et un (21) million de dollars avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2015.

 

RÉSERVER aux demandeurs leurs autres recours.

 

ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel.

 

            LE TOUT AVEC DÉPENS contre les défendeurs, incluant les frais de toutes les pièces,    rapports d’experts et preuve par experts qui peuvent être exigés et sous réserve des             droits des demandeurs de prendre toutes autres procédures et sous réserve de             tous     droits et recours.[2]

[5]       La Procureure générale du Québec (la PGQ) demande le rejet de la requête introductive d’instance. Pour la PGQ, plusieurs raisons mènent au rejet. Elle soulève la litispendance, l’irrecevabilité des remèdes demandés, la conduite des Innus et allègue que les amendements apportés à la requête des Innus sont contraires aux intérêts de la justice.

[6]       Subsidiairement, elle s’oppose à certains des amendements.

[7]       La Procureure générale du Canada (PGC) fait valoir que plusieurs conclusions de la requête sont irrecevables à l’étape Haïda, y compris la demande qu’Hydro-Québec cesse l’exploitation de la ligne et la demande solidaire en dommages.

LE CONTEXTE

Le Projet

[8]           Le présent différend entre les parties fait partie d’un litige qui est beaucoup plus important. Les Innus revendiquent la reconnaissance de leur titre ancestral et les droits ancestraux sur une partie importante du Québec qu’on appelle communément le Nitassinan. En 2003, ils intentent une action qui vise à obtenir une déclaration reconnaissant que la bande et les requérants individuels possèdent des droits ancestraux et des droits issus de traités sur l’ensemble de la Nitassinan (dossier Pinette)[3]. On réclame également des dommages contre les défendeurs pour violation de ces droits.

[9]           La ligne Alouette est construite à l’intérieur du Nitassinan.

[10]        Avant d’intenter le présent recours, les Innus ont intenté une autre action dans laquelle ils contestaient le projet d’Hydro-Québec sur la rivière Romaine.

[11]        Dans le contexte du litige qui conteste le projet La Romaine, une série de négociations débute à l’automne 2013. Une entente de principe est signée en février 2014. Elle est ratifiée par un vote de la bande en mars 2014, mais contestée par plusieurs familles. Le 16 novembre 2015, le Tribunal entend les parties et, le 23 février 2016, rend un jugement refusant aux familles qui le tentent, le droit de continuer les procédures en dépit de l’approbation de l’entente par la bande[4]. Une déclaration d’appel a été produite dans ce dossier.

[12]        Toutefois, le Projet ne fait pas partie des négociations qui donnent lieu à l’entente et est exclu de celle-ci.

[13]        Aluminerie Alouette a besoin d’augmenter la charge d’électricité disponible pour son usine à Sept-Îles où elle prévoit une expansion, et demande à Hydro-Québec de construire une nouvelle ligne allant du poste Arnaud à ses installations. Le 31 juillet 2013, Hydro-Québec dépose une demande d’autorisation pour la construction de cette ligne auprès de la Régie de l’énergie.

[14]        Voici la description que les Innus donnent au Projet :

26. La Ligne Arnaud - Alouette est une ligne de transport électrique de 161 kV et d’une longueur de 15.81 km. Le Projet comprend plus particulièrement, mais de façon non limitative, la construction et l’exploitation de :

 

a)            deux départs de ligne à 161 kV au Poste Arnaud;

 

b)            42 pylônes rigides, dont deux pylônes jumelés, la portée moyenne desquels 42 pylônes […] est de 390m et le dégagement minimal des conducteurs au-dessus du sol […] est de 7m;

 

c)            une nouvelle ligne juxtaposée à la ligne de transport existante sur seulement 27% de son tracé, ce qui […] a requis l’élargissement de l’emprise existante de 35m à 42m additionnels;

 

d)            pour le reste du tracé, soit 73% du tracé, une nouvelle emprise de 11.5 km […] a été déboisée sur une largeur de 65m;

 

e)            la récupération de bois marchand;

 

f)             le forage;

 

g)            le creusage avant la mise en place des fondations et l’enfouissement des contrepoids;

 

h)            le nivellement d’aires de travail;

 

i)              l’assemblage et le montage de pylônes;

 

j)              la pose des conducteurs et accessoires;

 

k)            l’amélioration de chemins d’accès existants et l’aménagement de nouveaux chemins d’accès temporaires;

 

l)              la perte de 909m2 de milieux humides;

 

[…][5]

[15]        Le 22 novembre 2013, le Projet est approuvé par la Régie de l’énergie.

[16]        Le 6 août 2014, Québec émet un certificat d’autorisation permettant la réalisation du Projet par Hydro-Québec. Hydro-Québec en informe les Innus le 21 août 2014 et précise que le Projet débutera le 25 août 2014.

[17]        Le lendemain, le Chef Mike McKenzie envoie une lettre au Premier Ministre du Québec et à Hydro-Québec pour dénoncer ce qu’il caractérise comme une absence de consultation et d’accommodements. Il les met en demeure de suspendre l’exécution du Projet.

[18]        Des procédures en injonction interlocutoire et permanente, en demande Haïda, et pour obtenir des conclusions déclaratoires sont intentées le 10 octobre 2014.

[19]        Le 14 octobre 2104, le juge David R. Collier de la Cour supérieure refuse de prononcer une injonction provisoire pour arrêter le Projet.

[20]        Peu de temps après, la gestion particulière est confiée au soussigné et les parties sont entendues en gestion le 3 novembre 2014. Elles conviennent de procéder avec la demande Haïda en premier lieu ainsi qu’avec toute demande de sauvegarde reliée à cette demande.

[21]        Une audition a lieu le 18 décembre 2014.

[22]        Vu les discussions entre les parties, le 19 décembre 2014 l’audience est remise sine die afin de permettre une consultation entre Hydro-Québec, le Québec et les Innus.

[23]        Une nouvelle conférence de gestion a lieu le 21 janvier 2015. La Procureure générale du Québec informe le Tribunal qu’elle tentera de terminer le processus de consultation pour le 15 février 2015 (procès verbal du 21 janvier 2015).

[24]        Il y entente entre les Innus et Hydro-Québec pour suspendre la construction de la ligne pendant une période de temps, et ce, afin que la construction n’interfère pas avec la période de chasse des oiseaux migrateurs. Les travaux de construction de la Ligne Arnaud - Alouette sont suspendus entre les pylônes 16 à 25 et 34 à 41 pour la période du 15 avril au 15 juin 2015, et sur la totalité de la ligne pour la période du 1er mai au 15 juin 2015.

[25]        À la connaissance de tous, les travaux reprennent après et la ligne est complétée.

[26]        Le Tribunal reçoit peu de nouvelles après février 2015.

[27]        Le 16 novembre 2015, lors d’une nouvelle conférence de gestion, les Innus font valoir que le processus de consultation n’avait pas été complété à leur satisfaction; ils désirent reprendre les audiences sur leur requête Haïda, droit  que le Tribunal leur a réservé le 21 janvier 2015. Le Tribunal exige que les Innus mettent leur requête à jour et fixe une audience pour les 25 et 26 janvier 2016.

[28]        La requête est amendée; les amendements donnent lieu aux requêtes dont le Tribunal est maintenant saisi.

L’historique des Innus

[29]        Les Innus soutiennent qu’ils occupent et utilisent la région affectée depuis des temps immémoriaux, avant toute affirmation de souveraineté de la Couronne.

[30]        Ils décrivent leur utilisation du territoire affecté par le Projet en ces termes :

62.     Depuis avant le contact avec les Européens, les demandeurs ont exercé et exercent, et leurs ancêtres avaient et ont exercé, dans la zone affectée, des coutumes, pratiques et traditions fondamentales de la culture distinctive de leur société autochtone innue. Ils ont continuellement et régulièrement, depuis avant le contact avec les Européens, utilisé la région de la Baie des Sept Îles pour diverses activités de récolte de ressources naturelles, dont la chasse, la pêche, le piégeage et la cueillette, ainsi que pour des échanges économiques et sociaux.

63.     Les demandeurs et leurs ancêtres ont et exercent et leurs ancêtres avaient et ont exercé dans la Baie des Sept Îles notamment :

a.      chassé, piégé, pêché, cueilli et autrement récolté les ressources naturelles dans leur territoire traditionnel, incluant (non limitativement) le castor, le canard, le huard, l’outarde, le lièvre, le loup marin, la truite, le corégone, le saumon, la poule de mer, la plie, le hareng, le capelan, les clams et autres crustacés, les plaquebières, les fraises, les bleuets, les graines rouges, les pimbinas, et les camarines;

b.      utilisé et joui des ressources naturelles de cette région et utilisé tous les fruits et les produits de cette région, incluant les produits énumérés au sous-paragraphe (a) ci-haut relativement à la région de la Baie des Sept Îles;

c.      obtenu des moyens de subsistance de cette région et des ressources naturelles de celle-ci;

d.      habité et résidé dans cette région selon un mode de vie spécifique;

e.      tiré des bénéfices économiques de cette région;

f.       utilisé les rivières et eaux de cette région pour leurs activités traditionnelles, incluant pour la pêche;

g.      exercé des traditions spirituelles et culturelles dans cette région; et

h.      survécu comme membres d’un peuple dans cette région.[6]

[31]        Ils ajoutent que ces activités sont encore exercées à ce jour.

Les revendications

[32]        Les Innus font valoir ainsi qu‘ils possèdent un titre ancestral, des droits ancestraux et des droits issus de traités sur le territoire où le Projet se trouve.

[33]        Ils expliquent au Tribunal que ces droits comprennent le droit à l’occupation et à l’usage exclusif du territoire, y compris le droit de chasser, pêcher, piéger et cueillir. Ils estiment que ces droits sont protégés par la Loi constitutionnelle de 1982[7], et ce, plus particulièrement en vertu des articles 25, 35 et 52  de celle-ci.

[34]        De surcroît, ils allèguent que la « Résolution de l’Assemblée nationale portant sur la reconnaissance des droits des autochtones »[8] leur reconnaît un statut de Nation.

[35]        Les Innus soutiennent que le Canada et le Québec ont tous les deux une obligation de consultation et d’accommodement, et qu’ils l’avaient déjà avant que le Projet ne soit entamé, voire même avant l’émission du certificat d’autorisation du 6 août 2014.

[36]        Bien qu’ils reconnaissent qu’une consultation partielle a eu lieu suite à la suspension de l’instance en décembre 2014, et que la suspension de la construction était une forme d’accommodement, les Innus affirment que la consultation a été nettement insuffisante quant aux effets du Projet sur leur communauté.

LES POSITIONS DES PARTIES

La Procureure générale du Québec

[37]        Les motifs de la demande de rejet de  la PGQ sont décrits en ces termes :

29.     La Procureure générale du Québec conteste les modifications énumérées ci-dessus, de même que le bien-fondé du recours, au motif que ce dernier est mal fondé en faits et en droit, en ce que, plus particulièrement :

(a)   Litispendance : les conclusions finales recherchées au stade de l’injonction permanente ne contiennent aucune conclusion visant à reconnaître l’existence du titre et des droits ancestraux revendiqués par les demandeurs et ne peuvent donc être tranchées sans une décision finale dans un dossier connexe, où il y a identité des parties, d’objet et de cause;

(b)   Remèdes irrecevables : en droit, les demandeurs recherchent, au stade interlocutoire du recours, l’obtention d’une réparation qui est propre à une adjudication au mérite du dossier, ce qui n’est pas permis, même en prenant les faits pour avérés;

       Au surplus, les conclusions finales recherchées au stade de l’injonction permanente ne contiennent aucune conclusion visant à reconnaître l’existence du titre et droits ancestraux revendiqués par les demandeurs, faisant échec à toute demande intérimaire et à toute conclusion au fond relative à la violation de droits ancestraux;

(c)   Conduite des demandeurs: par leur inaction, les demandeurs ont implicitement renoncé à certaines des conclusions faisant l’objet de la Requête ré-réamendée, notamment en laissant la construction de la ligne se poursuivre sans s’adresser à la Cour en temps utile;

(d)   Modifications contraires aux intérêts de la justice : les modifications recherchées (au stade interlocutoire et au mérite) sont contraires aux intérêts de la justice en ce qu’elles ajoutent une demande de compensation monétaire nouvelle, grossièrement exagérée et vexatoire, et constituent par conséquent un abus du processus judiciaire au sens des articles 51 et suivants C.p.c.;

       Au surplus, aucune justification n’est fournie notamment quant à l’utilité ou la pertinence de l’ajout des réclamations en dommages-intérêts à ce stade de l’évolution du dossier;[9]

Hydro-Québec

[38]        Malgré qu’elle n’ait pas produit de requête, Hydro-Québec appuie la Procureure générale du Québec. Elle fait des représentations particulières sur le maintien de la conclusion qui vise le démantèlement de la ligne, car elle estime que les Innus, par leur comportement, ont renoncé à un tel remède.

La Procureure générale du Canada

[39]        Comme le Tribunal l’a déjà mentionné, la demande de la PGC vise plutôt l’inopportunité de traiter de certaines conclusions au stade d’une requête Haïda.

LE DROIT

[40]        Depuis l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Nation haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts)[10], il est reconnu que les gouvernements ont un devoir de consultation envers les premières nations. La Cour suprême s’est exprimée en ces termes.

32     La jurisprudence de la Cour étaye le point de vue selon lequel l’obligation de consulter et d’accommoder fait partie intégrante du processus de négociation honorable et de conciliation qui débute au moment de l’affirmation de la souveraineté et se poursuit au - delà du règlement formel des revendications.  La conciliation ne constitue pas une réparation juridique définitive au sens usuel du terme.  Il s’agit plutôt d’un processus découlant des droits garantis par le par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982.  Ce processus de conciliation découle de l’obligation de la Couronne de se conduire honorablement envers les peuples autochtones, obligation qui, à son tour, tire son origine de l’affirmation par la Couronne de sa souveraineté sur un peuple autochtone et par l’exercice de fait de son autorité sur des terres et ressources qui étaient jusque-là sous l’autorité de ce peuple.  Comme il est mentionné dans Mitchell c. M.R.N., [2001] 1 R.C.S. 911, 2001 CSC 33, par. 9, « [c]ette affirmation de souveraineté a fait naître l’obligation de traiter les peuples autochtones de façon équitable et honorable, et de les protéger contre l’exploitation » (je souligne).

[41]        L’étendue de cette obligation varie suivant les circonstances. « Une revendication douteuse ou marginale peut ne requérir qu’une simple obligation d’informer, alors qu’une revendication plus solide peut faire naître des obligations plus contraignantes. »[11]

[42]        Le contenu de l’obligation est, d’autre part, variable. Il « dépend de l’évaluation préliminaire de la solidité de la preuve étayant l’existence du droit ou du titre revendiqué, et de la gravité des effets préjudiciables potentiels sur le droit ou le titre. »[12]

[43]        Chaque cas doit donc être analysé à la lumière de ses propres circonstances.

[44]        Qu’en est-il en l’espèce ?

DISCUSSION

La litispendance

[45]        Les enseignements de la Cour suprême dans Rocois Construction Inc. c. Québec Ready Mix Inc. doivent nous guider en matière de litispendance :

Les trois conditions requises pour qu'il y ait litispendance au sens de l'al. 1 de l'art. 165 du Code de procédure civile, L.R.Q., ch. C-25, correspondent aux exigences de l'art. 1241 C.c.B.-C. qui traite de l'autorité de la chose jugée: il faut qu'il y ait identité de parties, d'objet (ou de chose) et de cause (voir l'arrêt de notre Cour dans l'affaire Cargill Grain Co., précité). [13] 

[46]        Sur l’objet d’une cause, la Cour dit ceci :

Dissertant dans son traité Le droit civil canadien, t. 6, 1902, sur les conditions requises pour qu'il y ait chose jugée, Mignault écrit sur l'objet d'une demande le commentaire suivant, à la p. 105:

C'est évidemment le bénéfice juridique immédiat qu'on recherche en la formant, soit le droit dont on poursuit l'exécution ...

. . . mais il importe de compléter la règle en disant qu'il n'est pas nécessaire que les deux demandes concluent identiquement à la même condamnation, mais qu'il y aura chose jugée dès que l'objet de la seconde action se trouve implicitement compris dans l'objet de la première.[14]

[47]        La cause d’action est traitée en ces termes :

[…] Cette notion est extrêmement difficile à cerner; le flottement doctrinal sur la définition de ses éléments en témoigne éloquemment.

  Nadeau et Ducharme, op. cit., décrivent la cause comme suit dans leur traité, à la p. 482:

La cause est la source juridique de l'obligation.  C'est le fait juridique qui sert de fondement au droit réclamé, tels le contrat, le quasi-contrat, le délit ou le quasi-délit, ou au moyen de fond soulevé par la défense:  novation, prescription, etc. ..., et tendant à faire écarter le recours.  [Je souligne.]

Adoptant les termes de Mourlon, Chauveau donne de la cause la définition suivante dans De l'autorité de la chose jugée en matière civile (1903), no 119, à la p. 108:

Définissons la cause dans les actions:  c'est, dit Mourlon, le principe générateur du droit, ou du bénéfice qui a fait l'objet de la demande, en d'autres termes, le fait juridique qui a donné naissance au droit réclamé:  ce qui doit être prouvé pour obtenir gain de cause.  [Je souligne.]

De Lorimier, dans La bibliothèque du Code civil de la province de Québec, vol. IX, 1883, à la p. 603, note 1, affirme:

On entend ici par cause, l'origine ou le principe générateur du droit réclamé, ce qui doit être prouvé pour obtenir gain de cause [...] [Je souligne.]

Langelier, dans son ouvrage intitulé De la preuve en matière civile et commerciale (1894), écrit quant à lui, à la p. 84, no 200:

La cause de l'action est donc le fait juridique qui a donné naissance au droit du demandeur, et le fait qui constitue une violation de ce droit par le défendeur.  [Je souligne.]

Dans son ouvrage La preuve civile (1987), Royer affirme à la p. 292, no 791:

La cause est l'acte ou le fait principal qui constitue le fondement direct ou immédiat de la création, de la modification ou de l'extinction d'une obligation.  [Je souligne.][15]

[48]        La Cour suprême reconnaît que « le même ensemble de faits est donc susceptible d'engendrer autant de causes d'action qu'il y aura de qualifications juridiques pouvant donner ouverture à un recours. »[16]

[49]        Pour la Procureure générale du Québec, il y a litispendance entre le présent dossier et le dossier Pinette. Dans sa demande en rejet, la Procureure générale du Québec offre une longue analyse des deux dossiers et dit ceci :

46.  Il ressort autant de la cause Pinette que de la présente cause que la cause juridique à la base des recours des demandeurs est la revendication d’un titre et de droits ancestraux et issus de traités protégés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1867;[17]

[50]        Le Tribunal n’est pas en désaccord avec cette affirmation de la PGQ, mais elle ne mène pas nécessairement à la conclusion qu’il y a litispendance entre ce recours et celui institué dans le dossier Pinette.

[51]        Les Innus décrivent les faits juridiques constituant leur cause d’action en ces termes :

40.    Les faits juridiques constituant la cause d’action dans le présent recours sont :

a.      la violation du titre ancestral et des droits ancestraux et issus de traités des demandeurs,

b.      la violation par les Défendeurs de leur obligation de consultation et d’accommodement des Demandeurs à l’égard du Projet, ainsi que leurs obligations constitutionnelles et fiduciaires.

c.      les violations de la Loi sur la qualité de l’environnement, ainsi que les principes de protection environnementale découlant de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012), la Loi canadienne sur la Protection de l’environnement (1999), la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, la Loi sur la protection des eaux navigables, la Loi sur les pêches.

d.      les troubles excessifs et anormaux découlant du Projet (976 C.c.Q.),

e.      le droit à des injonctions et dommages-intérêts en réparation de ces divers fautes et manquements, le tout relativement à une portion bien ciblée de leur Territoire traditionnel et non sur son ensemble.

41.     Dans le dossier Pinette, la cause d’action est la violation par les défendeurs des droits des demandeurs et les dommages ainsi causés à l’ensemble du Territoire traditionnel des demandeurs avant le 30 décembre 2003, date d’introduction du recours.[18]

[52]        Ainsi, comme disent les Innus, la question de la violation du titre ancestral et des droits ancestraux et issus de traités est commune aux deux recours.

[53]        Cependant, en ce qui a trait aux revendications Haïda, le Tribunal ne peut pas conclure qu’il y a litispendance. Il en arrive à la même conclusion en relation avec les demandes de nature permanente.

[54]        Quant à la demande Haïda, les Innus n’ont pas à faire la démonstration d’un titre ancestral et de droits ancestraux et issus de traités. Au contraire, comme l’explique la Cour suprême :

« […] L’objectif de conciliation ainsi que l’obligation de consultation, laquelle repose sur l’honneur de la Couronne, tendent à indiquer que cette obligation prend naissance lorsque la Couronne a connaissance, concrètement ou par imputation, de l’existence potentielle du droit ou titre ancestral revendiqué et envisage des mesures susceptibles d’avoir un effet préjudiciable sur celui-ci : voir Halfway River First Nation c. British Columbia (Ministry of Forests), [1997] 4 C.N.L.R. 45 (C.S.C.-B.), p. 71, le juge Dorgan. »[19]

(Le Tribunal souligne)

[55]        Le principe générateur du droit que les Innus recherchent dans le cadre de la demande Haïda, voire la cause d’action, est l’obligation de la Couronne de consulter les autochtones, obligation qui découle du principe de l’honneur de la Couronne.

[56]        L’objet de l’action au stade Haïda est principalement d’obtenir la reconnaissance que la Couronne n’a pas satisfait à son devoir de consultation et les remèdes qui en découlent. Il est différent du principal objet recherché dans le dossier Pinette qui est justement la reconnaissance du titre ancestral et des droits ancestraux et issus de traités.

[57]        Bref, et avec égards pour la position contraire, faire échec au recours Haïda pour le motif de litispendance entre ce recours et celui réclamant le titre ancestral irait à l’encontre de la raison d’être du recours Haïda qui est justement de permettre aux peuples autochtones de protéger leurs intérêts légitimes en attendant que la question du titre ancestral soit tranchée.

[58]        Mais qu’en est-il des conclusions permanentes recherchées par les Innus, indépendamment de leur demande Haïda. Y a-t-il litispendance quant à celles-ci?

[59]        Pour poser la question autrement, est-ce qu’une demande de reconnaissance du titre ancestral et des droits ancestraux dans un large territoire, tel le Nitassinan, empêcherait un peuple aborigène de demander la reconnaissance de ce titre ou de ces mêmes droits sur une plus petite superficie à l’intérieur de ce large territoire?

[60]        Le Tribunal conclut que non.

[61]        Dans l’arrêt Nation Tsilhqot’in c. Colombie-Britannique[20], la Nation Tsilhqot’in a obtenu la reconnaissance du titre sur un territoire qui ne comportait que cinq pour cent des territoires traditionnels qu’elle revendiquait. On ignore pourquoi elle n’a pas cherché à faire reconnaître son titre sur un plus grand territoire, mais on comprend aisément des propos de la Cour suprême, le défi pour un peuple autochtone qui désire faire reconnaître un titre ancestral :

[38]     Pour établir une occupation suffisante des terres dans le but de fonder l’existence d’un titre, le groupe autochtone en question doit démontrer qu’il a toujours agi de façon à informer les tiers qu’il détenait la terre pour ses propres besoins.  Cette norme n’exige pas une preuve de l’utilisation notoire ou visible qui s’apparente à la preuve d’une revendication de possession adversative, mais l’occupation ne peut pas non plus être purement subjective ou interne.  Il faut une preuve d’une forte présence des Autochtones sur les terres revendiquées, qui se manifeste par des actes d’occupation qui pourraient raisonnablement être interprétés comme une preuve que les terres en question ont appartenu au groupe revendicateur ou que ce groupe y exerçait son contrôle ou une gestion exclusive.  Je le répète, les actes nécessaires pour indiquer la présence permanente d’un groupe sur des terres et son intention de conserver et d’utiliser les terres pour ses besoins dépendent de son mode de vie et de la nature des terres.  Pour établir l’occupation, il suffira peut-être de montrer que des champs ont été cultivés, que des habitations ont été érigées, que des travaux ont été effectués et qu’il y a eu une présence constante sur certaines parties du territoire, mais ce n’est pas essentiel.  La notion d’occupation doit aussi refléter le mode de vie des peuples autochtones, y compris ceux qui étaient nomades ou semi-nomades.  

[62]        À cela s’ajoute l’obligation de démontrer la continuité de l’occupation et l’occupation exclusive des terres au moment de l’affirmation de la souveraineté[21].

[63]        Ainsi, un peuple autochtone pourra être en mesure de démontrer son titre sur une portion du territoire revendiqué, mais pas sur la totalité. Cette réalité doit être considérée à la lumière des difficultés que les autochtones connaissent pour faire reconnaître leurs droits comme la Cour suprême l’a reconnu dans Nation haïda. Cette démarche requiert des ressources considérables, une preuve parfois très difficile et un temps de cour très important. Le Tribunal estime qu’il serait contre l’esprit des  enseignements de la Cour suprême d’empêcher un peuple autochtone qui fait face à un projet spécifique sur une partie de son territoire, de réclamer son titre ancestral et des droits ancestraux et issus de traités à l’égard de l’endroit où un projet est planifié ou construit parce que les mêmes droits sont revendiqués sur un territoire plus étendu.

[64]        Mais il y a plus. Une des raisons d’être de l’application de la litispendance, est d’éviter une multiplicité de recours ou des jugements contradictoires. La Cour d’appel l’explique dans Sàfilo Canada Inc. c. Chic Optic[22] en ces termes :

[28]     L’arrêt clé en matière de litispendance est Rocois Construction c. Québec Ready Mix,  [1990] 2 R.C.S. 440.  Après y avoir énoncé que le moyen de litispendance est régi par les mêmes principes que celui de la chose jugée, le juge Gonthier, au nom de la Cour suprême, précise que ces deux moyens consistent essentiellement à éviter la multiplicité des recours et la possibilité de jugements contradictoires.  Ils desservent donc un objectif d’intérêt public pour la protection de la sécurité et de la stabilité des rapports sociaux.

[29]     Le juge Gonthier ajoute cependant qu’en matière de litispendance, il faut faire preuve d’une très grande prudence car si les critères sont semblables à ceux de la chose jugée, il demeure que l’analyse se fait en contexte fort différent.  En effet, la chose jugée s’évalue à la lumière d’un jugement dont on peut évaluer les termes et la portée, alors que l’exception de litispendance s’évalue en fonction des actes de procédures soumis dans les deux instances, à un stade préliminaire des dossiers.  En d’autres mots, comme le rejet d’une action pour cause de litispendance peut entraîner la négation du droit d’un justiciable, sans examen de son affaire au mérite, en cas de doute, l’exception doit être rejetée (Rocois, p. 465; Cousineau c. Grundman, [1991] R.D.J. 99 (C.A.)).

(Le Tribunal souligne)

[65]        Vu les critères pour la reconnaissance du titre ancestral et des droits ancestraux et issus de traités, la possibilité de jugements contradictoires sur cette question n’existe pas, car si le Tribunal les reconnaît sur le territoire où le Projet est construit, ils ne seront pas affectés par une éventuelle détermination contraire dans le dossier Pinette quant aux autres endroits du territoire Nitassinan.

[66]        La Procureure générale du Québec fait valoir également qu’il existe identité d'objet entre le présent recours et le dossier Pinette au niveau des réclamations en dommages-intérêts. Le présent recours réclame la somme de 21 millions de dollars solidairement des Procureures générales du Québec et du Canada, et d’Hydro-Québec à l’étape permanente, tandis qu’au dossier Pinette, on réclame solidairement des défendeurs, y compris les procureures générales du Québec et du Canada, la somme d’un milliard de dollars, sauf à parfaire.

[67]        Bien que le territoire où le Projet est construit soit compris dans le territoire qui fait partie des revendications dans le dossier Pinette, à ce stade, le Tribunal ne peut pas conclure que nous sommes nécessairement devant des réclamations identiques. La réclamation dans le dossier Pinette tient compte des activités sur le territoire jusqu'à la fin de l’année 2003. Le Projet ayant été construit en 2014 et 2015, on ne peut conclure aisément que la somme réclamée en relation avec celui-ci soit nécessairement comprise dans la somme réclamée dans le dossier Pinette.

[68]        Le même constat ressort lorsqu'on analyse la question de la cause d’action. Les faits juridiques sur lesquels reposent les revendications dans le dossier Pinette remontent à la période antérieure au 31 décembre 2003, alors que le fait juridique sur lequel repose le présent dossier est né plus tard, voire au moment de la construction du Projet.

[69]        Pour clore sur la question de la litispendance, le Tribunal doit aussi considérer que plusieurs des conclusions demandées au présent recours lui sont uniques et n’ont pas été demandées dans le recours Pinette.

[70]        On demande que le certificat d'autorisation du 6 août 2014 autorisant Hydro-Québec à réaliser le Projet soit déclaré nul. On demande aussi d’ordonner à Hydro-Québec de cesser l’exploitation de la ligne Arnaud - Alouette et de la démolir.

La recevabilité des remèdes demandés

[71]        Dans sa demande en rejet, la Procureure générale du Québec résume ses propos en ces termes :

29.    […]

(b)   Remèdes irrecevables : en droit, les demandeurs recherchent, au stade interlocutoire du recours, l’obtention d’une réparation qui est propre à une adjudication au mérite du dossier, ce qui n’est pas permis, même en prenant les faits pour avérés;

       Au surplus, les conclusions finales recherchées au stade de l’injonction permanente ne contiennent aucune conclusion visant à reconnaître l’existence du titre et droits ancestraux revendiqués par les demandeurs, faisant échec à toute demande intérimaire et à toute conclusion au fond relative à la violation de droits ancestraux;[23]

[72]        Le Tribunal estime que cet élément de l’argument de la PGQ doit être traité en deux étapes. La première, et de loin la plus importante, est de déterminer la procédure appropriée qu’un demandeur doit suivre quand il estime que la Couronne n’a pas respecté ses obligations de consulter et d’accommoder.

[73]        Au stade Haïda, la Procureure générale du Québec fait valoir que la demande en dommages-intérêts, la demande de nullité du Certificat d’autorisation du 6 août 2014 et la demande de démolition de la ligne Alouette sont irrecevables. Selon elle, à l’étape Haïda, une cour ne doit pas octroyer des remèdes substantifs. Elle invite le Tribunal à convenir que le cadre d’analyse approprié, lorsqu’un peuple autochtone allègue un défaut de consulter de la Couronne, est celui de la révision judiciaire.

[74]        Dans Beckman c. Première nation de Little Salmon/Carmacks[24], la Cour suprême a effectivement estimé que la révision judiciaire était appropriée pour contester un défaut de consultation de la Couronne.

[75]        La Cour suprême y traite de la norme de contrôle en ces termes :

[48]         Dans l’exercice des pouvoirs discrétionnaires que lui confèrent la Loi sur les terres et la Loi du Yukon sur les terres territoriales, le directeur devait respecter les limites légales et constitutionnelles.  En ce qui a trait à la détermination de ces limites, on n’a pas à faire preuve de déférence à l’endroit du directeur.  La norme de contrôle à cet égard, y compris à l’égard du caractère adéquat de la consultation, est celle de la décision correcte.  Un décideur qui rend une décision fondée sur une consultation inadéquate commet une erreur de droit.  Dans les limites établies par le droit et la Constitution, toutefois, la décision du directeur doit être examinée selon la norme de la raisonnabilité : Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, et Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339.  En d’autres mots, s’il y a eu consultation adéquate, la décision du directeur d’approuver la concession de terres à M. Paulsen se situait-elle, compte tenu de toutes les considérations pertinentes, dans la gamme des résultats raisonnables?

[76]        Le Tribunal trouve ce cadre d’analyse utile, car il permet une étude très ordonnée de la décision que la Couronne a prise sur l’étendue de la consultation ou de l’accommodement requis.

[77]        Le Tribunal note aussi que les juges Deschamps et LeBel reconnaissent qu’un des objectifs de la consultation est « [d’] assurer la protection “provisoire” ou “interlocutoire” des droits constitutionnels des peuples autochtones. »[25] On n’exclut donc pas une réparation financière.

[78]        Dans Nation haïda, ce cadre d’analyse a aussi été discuté par la Cour suprême. Cependant, tout en reconnaissant que le devoir de consultation peut parfois comporter une obligation d’accommodement, l’arrêt ne traite pas des mesures spécifiques d’accommodement qui peuvent être appropriées. La Cour réfère toutefois à son arrêt dans R. c. Gladstone[26], où elle reconnaît qu’un défaut de consultation peut donner lieu à une indemnisation[27].

[79]        L’arrêt de la Cour dans Rio Tinto Alcan Inc. c. Conseil tribal Carrier Sekani, traite de la question de dommages en ces termes :

[49] Il faut déterminer si une revendication ou un droit est susceptible d’être compromis par la mesure ou la décision actuelle du gouvernement.  L’atteinte antérieure et continue, y compris l’omission de consulter, ne fait naître l’obligation de consulter que si la décision actuelle risque d’avoir un nouvel effet défavorable sur une revendication actuelle ou un droit existant.  Il peut néanmoins y avoir recours pour une atteinte antérieure et continue, y compris l’omission de consulter.  Comme le signale la Cour dans l’arrêt Nation Haïda, le non-respect de l’obligation de consulter peut donner droit à diverses réparations, dont l’indemnisation.  Pour que naisse une nouvelle obligation de consulter — ce dont il est question en l’espèce —, une mesure envisagée par la Couronne doit mettre en péril une revendication actuelle ou un droit existant.[28]

(Le Tribunal souligne)

[80]        L’arrêt Nation Tsilhqot’in c. Colombie-Britannique[29] est encore plus clair quand aux types de réparation qui peuvent être recherchés. La Cour s’est exprimée en ces termes :

[89]         Avant que l’existence du titre soit établie par un jugement déclaratoire ou une entente, la Couronne est tenue de consulter de bonne foi les groupes autochtones qui revendiquent le titre sur des terres au sujet de ses projets d’utilisation des terres et, s’il y a lieu, de trouver des accommodements aux intérêts de ces groupes.  Le niveau de consultation et d’accommodement requis varie en fonction de la solidité de la revendication du groupe autochtone et de la gravité de l’effet préjudiciable éventuel sur l’intérêt revendiqué.  Le manquement par la Couronne à son obligation de consultation peut donner lieu à diverses mesures de réparation, notamment une injonction, des dommages-intérêts ou une ordonnance enjoignant la tenue de consultations ou la prise de mesures d’accommodement : Rio Tinto Alcan Inc. c. Conseil tribal Carrier Sekani, 2010 CSC 43, [2010] 2 R.C.S. 650, par. 37.

(Le Tribunal souligne)

[81]        De ces arrêts, il semble clair que le défaut d’un gouvernement de consulter une première nation de manière adéquate, et le cas échéant de l’accommoder, peut donner lieu à une réparation en dommages et à d’autres remèdes telle l’injonction.

[82]        Mais quel est le moyen procédural approprié pour traiter des réparations demandées dans le cadre d'un recours Haïda?

[83]        Le Tribunal est d’avis que la vraie question n’est pas celle de savoir si une première nation peut demander une réparation monétaire ou autre dans le cadre d’une requête Haïda, mais plutôt de trouver une manière proportionnelle d’aborder la question. Pour poser la question autrement : est-ce que l’instruction, en même temps, du débat sur la réparation recherchée pour une consultation insuffisante et sur la suffisance de la consultation, constitue une utilisation appropriée des ressources judiciaires?

[84]        Le Tribunal estime que non, vu que les éléments de preuve requis pour trancher les deux questions sont très différents. De surcroît, dans le présent dossier, les Innus réclament onze millions de dollars pour le défaut de consultation allégué, mais la requête ainsi que les affidavits ne précisent pas comment les Innus arrivent à la détermination de cette somme.

[85]        La preuve de cette somme, du moins de prime abord, ne semble pas être facile; le Tribunal doit également accorder aux défendeurs l'opportunité de se défendre sur la question des dommages. Pourquoi y consacrer du temps alors que la question de la suffisance de la consultation n’est même pas tranchée?

[86]        En conséquence, le Tribunal en vient à la conclusion qu'il se trouve dans une situation où il serait approprié, en vertu de l’article 158 C.p.c., de scinder les débats sur le prétendu défaut de consultation et celui qui traitera de la demande de réparation des Innus.

[87]        Le Tribunal entendra d'abord les parties sur la question de la suffisance de la consultation et des accommodements offerts et, en deuxième lieu, s’il décide que la consultation ou les accommodements étaient insuffisants, sur les réparations appropriées.

[88]        Le Tribunal aborde maintenant la question d'identifier, parmi les réparations demandées par les Innus, lesquelles il est approprié de considérer advenant qu’il décide que la consultation ou les accommodements offerts n’étaient pas suffisants.

[89]        Le Tribunal porte une attention particulière aux conclusions visant à faire déclarer nul le certificat d’autorisation du 6 août 2014 qui autorisait Hydro-Québec à réaliser le projet de la Ligne Arnaud-Alouette, à faire cesser l’exploitation de la ligne par Hydro-Québec et à  faire démolir les composants de la ligne.

[90]        Le Tribunal estime que ces remèdes ne doivent pas être traités dans le cadre de la demande Haïda.

[91]        Ce constat ressort de l’arrêt Nation haïda :

48           Ce processus ne donne pas aux groupes autochtones un droit de veto sur les mesures susceptibles d’être prises à l’égard des terres en cause en attendant que la revendication soit établie de façon définitive.  Le « consentement » dont il est question dans Delgamuukw n’est nécessaire que lorsque les droits invoqués ont été établis, et même là pas dans tous les cas.  Ce qu’il faut au contraire, c’est plutôt un processus de mise en balance des intérêts, de concessions mutuelles.

49           Cette conclusion découle du sens des termes « accommoder » et « accommodement », définis respectivement ainsi : « Accommoder qqc. à. L’adapter à, la mettre en correspondance avec quelque chose . . . » et « Action, résultat de l’action d’accommoder (ou de s’accommoder); moyen employé en vue de cette action. [. . .] Action de (se) mettre ou fait d’être en accord avec quelqu’un; règlement à l’amiable, transaction » (Trésor de la langue française, t. 1, 1971, p. 391 et 388).  L’accommodement susceptible de résulter de consultations menées avant l’établissement du bien-fondé de la revendication correspond exactement à cela : la recherche d’un compromis dans le but d’harmoniser des intérêts opposés et de continuer dans la voie de la réconciliation.  L’engagement à suivre le processus n’emporte pas l’obligation de se mettre d’accord, mais exige de chaque partie qu’elle s’efforce de bonne foi à comprendre les préoccupations de l’autre et à y répondre.[30]

(Le Tribunal souligne)

[92]        La Cour fédérale prend une approche similaire dans Ka'A'Gee Tu First Nation v. Canada (Attorney General)[31], où le juge de Montigny s’exprime en ces termes :

             [123]      The duty to consult is not intended to provide Aboriginal people immediately with what they could be entitled to, if and when they prove their claims or settle them through treaty.  Otherwise, there would be no incentive for Aboriginal people to negotiate treaties or seek to prove their claims.  The duty to consult, therefore, is not meant to be an alternative to comprehensive land claims settlements, but a means to ensure that the land and the resources that are the subject of the negotiations will not have been irremediably depleted or alienated by the time an agreement is reached.

[93]        Il ressort donc de ces textes que le Tribunal ne doit pas prononcer, dans le cadre d'une requête Haïda, des ordonnances qui, à toutes fins pratiques, sont des ordonnances finales.

[94]        Mais cette affirmation doit être considérée en tenant compte des paroles du juge Binnie dans l’arrêt Première nation crie Mikisew c. Canada (Ministre du Patrimoine canadien), où il s’exprime en ces termes :

Dans les cas où, comme en l’espèce, la Cour est en présence d’une « prise » projetée, il n’est pas indiqué (même si on a conclu que la mesure envisagée, si elle était mise en œuvre, porterait atteinte aux droits de chasse et de piégeage issus du traité) de passer directement à une analyse fondée sur l’arrêt Sparrow.  La Cour doit d’abord examiner le processus selon lequel la « prise » doit se faire, et se demander si ce processus est compatible avec l’honneur de la Couronne.  Dans la négative, la première nation peut obtenir l’annulation de l’ordonnance de la ministre en se fondant sur le motif relatif au processus, peu importe que les faits de l’affaire justifient par ailleurs une conclusion que les droits de chasse, de pêche et de piégeage ont été violés. [32]

[95]        Dans Squamish Nation v. British Columbia (Community, Sport and Cultural Development)[33], le juge Greyell a, quant à lui, annulé un ordre ministériel.

[96]        Ces enseignements des Cour suprême du Canada et de la Colombie-Britannique démontrent qu’à l’étape Haïda, il peut  arriver, lorsqu'un Tribunal détermine que la consultation a été insuffisante, qu'il puisse alors considérer la nullité d’un certificat d’autorisation. Toutefois, le Tribunal estime que les faits du présent dossier se distinguent de ceux qui se retrouvent dans les affaires Première nation crie Mikisew et Squamish Nation.

[97]        Dans Première nation crie Mikisew, la Cour suprême traitait d’une autorisation ministérielle pour une route temporaire d’hiver. Dans Squamish Nation, on traitait d’un plan communautaire où la principale préoccupation de la Nation Squamish était la manière dont le plan traitait des chambres d’hôtel. On se trouvait donc loin de la situation qui existe dans le présent dossier où une ligne de transmission d’électricité est déjà construite.

[98]        Compte tenu de cette réalité, traiter de la validité du certificat à l’étape de la demande Haïda serait superflu, vu les autres conclusions du Tribunal sur l’opportunité de considérer des réparations qui ont une portée finale.

[99]        Quant à la demande  visant la cessation de l’exploitation de la ligne par Hydro-Québec pendant tout le processus de consultation que le Tribunal pourrait ordonner, il n’y a pas lieu de la considérer.

[100]     Le Tribunal est bien conscient de sa décision dans Uashaunnuats  (Innus de Uashat et de Mani-Utenam) c. Québec (Procureur général)[34], dans lequel il a reconnu le droit des Innus de présenter une requête en injonction interlocutoire en même temps qu’une requête Haïda. Toutefois, le présent dossier se distingue de celui-là.

[101]     Le caractère de l’injonction interlocutoire a récemment été traité par la Cour d’appel dans Association générale des étudiants de la Faculté des lettres et sciences humaines de l'Université de Sherbrooke c. Roy Grenier[35], en ces termes :

[39]        L'injonction interlocutoire, remède discrétionnaire, impose la contrainte judiciaire à une partie, à la demande d'une autre, alors que leurs droits respectifs n'ont pas été examinés de manière définitive, sur la base d'une preuve complète. Son caractère provisionnel et ses conséquences draconiennes en font une mesure exceptionnelle, qui ne saurait être accordée qu'avec parcimonie, dans le respect de conditions strictes. Elle ne se satisfait pas de considérations hypothétiques et ne peut être prononcée en l'absence d'une atteinte actuelle ou imminente à un droit apparent, atteinte dont la survenance causerait un préjudice irréparable qu'on cherche donc à limiter ou prévenir. Comme l'écrit la Cour suprême, sous la plume du juge Gonthier, dans A.I.E.S.T., local de scène no 56 c. Société de la Place des Arts de Montréal :

[13]          […] Au Québec comme ailleurs, l’injonction constitue une forme exceptionnelle et discrétionnaire de réparation. Le tribunal ne décernera pas une injonction en vertu de l’art. 751 et suiv. simplement parce que le demandeur y a droit en principe. Celui-ci doit en outre démontrer que les circonstances justifient l’octroi d’une telle réparation potentiellement contraignante et qu’il mérite pareille réparation. Voir, p. ex., Société de développement de la Baie James c. Kanatewat, [1975] C.A. 166, p. 183. Le caractère contraignant de l’injonction tient en partie aux effets qu’elle entraîne pour l’avenir. Plutôt que de la sanctionner pour son inconduite antérieure (comme l’amende infligée à la SPA par le Tribunal du travail), l’injonction interdit à la personne visée d’adopter une conduite future sous peine d’outrage au tribunal. Sans exagérer, on peut dire que la personne visée par une injonction voit sa liberté restreinte par le tribunal. Cela dit, l’objet de mon propos n’est pas de refuser de reconnaître ni de mettre en doute le bien-fondé de l’injonction lorsque la situation s’y prête.

(Références omises. Le Tribunal souligne)

[102]     Les propos de la Cour d’appel dans le dossier connexe Uashaunnuat (Innus de Uashat et de Mani-Utenam) c. Québec (Procureure générale)[36], sont également très pertinents :

[73] L'injonction interlocutoire est un moyen procédural qui permet aux parties de présenter sommairement leurs arguments lorsque l'une d'elles cherche à obtenir du tribunal une intervention en cours d'instance visant la mise en place d'une ordonnance jugée essentielle au maintien de l'équilibre de leurs droits et obligations de sorte que ne se crée pas, en raison de l'écoulement du temps, un état de fait préjudiciable auquel le jugement final ne pourra remédier.

(Références omises)

[103]     Ordonner qu’Hydro-Québec cesse l’exploitation de la ligne durant toute la période de consultation ne changera aucunement l’équilibre entre les parties à ce stade.

[104]     Bien sûr, cette demande porte un revêtement provisoire à certains égards. Cependant, il faut répéter que la consultation avec la Couronne ne donne pas un droit de veto à une première nation. Ordonner à Hydro-Québec de cesser l’exploitation de la ligne le ferait.

[105]     Il ne faut pas perdre de vue non plus que la construction de la ligne s’est poursuivie après l’accommodement du printemps 2015 sur l’arrêt temporaire de la construction, et ce, à la connaissance de toutes les parties. Cet aspect du présent dossier le distingue du jugement prononcé par le Tribunal le 13 décembre 2012[37] concernant le projet sur la Rivière Romaine car au moment de ce jugement le projet était en voie de construction; la poursuite de la construction était susceptible de causer un préjudice irréparable aux Innus.

[106]     Il est difficile de croire que les Innus subiront un préjudice irréparable si Hydro-Québec continue à exploiter la ligne Alouette en attendant le résultat d'une possible consultation future.

[107]     Le Tribunal estime que la demande d’ordonner à Hydro-Québec « de cesser la mise en service et l’exploitation du projet de La Ligne Arnaud - Alouette et de démolir les composantes déjà réalisées et de remettre le territoire des demandeurs affecté par le Projet dans l’état où il était avant le début des travaux de réalisation du Projet » équivaut aussi à une ordonnance permanente qui ne doit pas être traitée à l’étape de la demande Haïda.

[108]     Un autre élément qui milite vers cette conclusion du Tribunal est la demande des Innus visant à faire condamner le Québec et le Canada à leur verser la somme de onze millions de dollars en dommages, et ce, à cause du défaut de consultation de la Couronne avant et durant la construction. Il y a une certaine incongruité entre cette demande et celle demandant l’arrêt de l’exploitation de la ligne ou la démolition de celle-ci.

Les réparations demandées à l’étape finale

[109]     Qu’en est-il des demandes des Innus à l’étape finale dont celle visant la démolition de la ligne et celle réclamant des dommages au montant de 21 millions de dollars? Leur sort dépendra du jugement du Tribunal sur le titre ancestral, les droits ancestraux et les droits issus de traités dont les Innus demandent la reconnaissance.

[110]     La PGQ fait valoir que la requête ne contient aucune conclusion visant à reconnaître l’existence de ces droits, empêchant ainsi le Tribunal de conclure, au fond,  à la violation des droits des Innus.

[111]     Qu’en est-il?

[112]     Il est exact que la requête des Innus ne contient pas de conclusion visant la reconnaissance de leur titre ancestral. Cependant, les Innus allèguent que : « Les demandeurs ont un titre ancestral, des droits ancestraux et droits issus de traités existants dans et sur la zone affectée par la Ligne Arnaud - Alouette, y compris à l’égard de toutes les ressources naturelles de celle-ci. »[38]

[113]     Ainsi, on peut aisément comprendre que les Innus, quand le dossier atteindra l’étape de l’injonction permanente et la demande en dommages de 21 millions de dollars, devront prouver soit leur titre ancestral soit les droits ancestraux ou les droits issus de traités avant de pouvoir réussir.

[114]     À ce stade, le Tribunal estime que le fait que la requête ne contienne pas de conclusion demandant une déclaration de leur titre ancestral, des droits ancestraux et droits issus de traités existant dans et sur la zone affectée par la Ligne Arnaud - Alouette, est tout au plus une question de forme qui ne donne pas lieu au rejet de la requête.

L’abandon de leurs droits

[115]     Le dernier point à traiter est l’argument de la PGQ voulant que les Innus, par leur comportement, aient abandonné leurs droits. Elle s’exprime en ces termes :

Ø  Le processus de consultation et d’accommodement a déjà été complété pour les fins de la ligne Arnaud-Alouette;

Ø  Une entente de principe est intervenue entre les parties quant à la poursuite de la construction de la ligne Arnaud-Alouette;

Ø  L’inaction des demandeurs en temps utile empêche ceux-ci d’avoir recours aux redressements discrétionnaires recherchés en l’espèce;[39]

[116]     Elle fait valoir qu’une transaction est intervenue dans le dossier ou, subsidiairement, que la théorie des laches s’applique et donne lieu au rejet de la requête.

[117]     Cet argument prend sa source en décembre 2014 alors que l’audience a été suspendue afin de permettre qu’un processus de consultation ait lieu.

[118]     Le 6 janvier 2015, les Innus écrivent à la Procureure générale du Québec (pièce GV-3) et demandent que les discussions entamées lors des audiences de décembre 2014 se poursuivent. Jointe à cette lettre, se trouve une liste des sujets de consultation[40] et une liste des accommodements proposés[41].

[119]     Pour sa part, la Procureure générale du Québec entrevoit un processus beaucoup plus restreint. Sa lettre du 20 janvier 2015 (pièce GV-2) le décrit en ces termes :

En considération des nouvelles données ressorties à travers le litige quant à l’exercice d’activités traditionnelles par certains membres de la communauté d’Uashat mak Mani-Utenam sur le territoire visé par le projet de ligne hydroélectrique Arnaud-Alouette, il a été convenu que les autorités gouvernementales compétentes rencontrent les représentants du Conseil de  bande en vue de recueillir les préoccupations de la communauté à cet égard, notamment celles ayant trait aux impacts appréhendés du projet sur l’exercice des activités précitées.

[120]     Les procureurs des Innus répondent le même jour (pièce GV-4). Ils expriment leur déception « notamment compte tenu de l’absence de détails quant au processus de consultation et accommodements qui doit être mis en place dans le cadre du projet ».

[121]     Plus particulièrement quant à la suspension des travaux sur une partie de la ligne pendant la période de chasse du printemps, ils indiquent qu’ils considèrent « cet “accommodement” comme un minimum » et réfèrent de nouveau à la liste communiquée le 6 janvier 2015.

[122]     Dans un courriel du 19 février 2015 (pièce GV-5), ces mêmes procureurs soulignent de nouveau les préoccupations formulées dans leur lettre du 6 janvier 2015[42].

[123]     Ces propos sont repris dans une nouvelle lettre des procureurs du 24 février 2015 (pièce GV-6).

[124]     Le 10 mars 2015, les procureurs des Innus envoient un projet d’entente sous forme de lettre (pièce GV-7A) où ils visent à « formaliser par la présente l’accord intervenu le 9 mars 2015 entre les demandeurs, Hydro-Québec et la Procureure générale du Québec concernant la mesure d’accommodement visant la suspension des travaux de construction de la ligne Arnaud-Alouette lors de la période de chasse du printemps 2015 ». Ce projet d’entente requiert la continuation des discussions quant aux autres mesures d’accommodements possibles, mais n’est jamais signé.

[125]     La procureure générale du Québec répond le 23 mars 2015 (pièce GV-8). Elle confirme la suspension des travaux au printemps 2015. Cependant, elle indique qu’aucune autre mesure d’atténuation ne sera proposée par Hydro-Québec et que le gouvernement du Québec estime que les mesures proposées constituaient des accommodements appropriés.

[126]     Le 7 avril 2015, les procureurs des Innus répondent (pièce GV-9) et déplorent la position du gouvernement du Québec de rompre les discussions quant aux accommodements.

[127]     Le 15 juillet 2015, les procureurs des Innus (pièce GV-10) demandent un suivi auprès de la Procureure générale du Québec « notamment la question du suivi des impacts de la nouvelle ligne sur les vols d’oiseaux ».

[128]     Le premier constat du Tribunal quant à ces correspondances est qu’on ne peut sûrement pas y trouver une entente de principe ni sur l’étendue du processus de consultation requis, ni sur les mesures d’accommodements. Bien sûr, les parties se sont entendues sur une mesure d’accommodement pour le printemps 2015, mais les Innus n’ont jamais abandonné leur demande pour une consultation plus poussée, ce qui aurait pu donner lieu, selon eux, à d’autres accommodements.

[129]     Bref, les critères pour conclure qu’il y a une transaction entre les parties ne sont pas présents.

[130]     Sur la position de la Procureure générale du Québec que le processus de consultation a été complété, il ressort que cette dernière a unilatéralement mis fin à celui-ci. Même si on accepte « [qu’il] doit y avoir quelqu’un qui met un terme à la consultation »[43], une telle décision de la PGQ ne peut pas la mettre à l’abri de la révision de celle-ci par cette Cour.

[131]     Il reste à déterminer si par leur comportement subséquent les Innus ont abandonné leur droit de poursuivre leur requête Haïda ou leur droit de demander certaines conclusions. La discussion de cet élément requiert que le Tribunal décide si le délai entre la lettre de la Procureure générale du Québec du 23 mars 2015 (ou celle des Innus du 7 avril 2015) et la demande des Innus du 16 novembre 2015 pour réactiver la requête Haïda, équivaut à une renonciation par les Innus de poursuivre leur requête. La Procureure générale invite le Tribunal à appliquer la théorie des laches.

[132]     L’applicabilité de la théorie des laches en matière du droit autochtone doit tenir compte de l’importance que la Cour suprême donne à l’honneur dont doit faire preuve la Couronne dans ses relations avec les premières nations. Bien que seulement l’audition de la demande Haïda permettra de cerner l’étendue de cette obligation dans le présent dossier, le Tribunal estime que son analyse du comportement des Innus et de la théorie des laches doit être entamée en présumant que les Innus démontreront que l’honneur de la Couronne est engagé envers eux.

[133]     Dans Manitoba Metis Federation Inc. c. Canada (Procureur général), la Cour suprême traite de quatre situations où l’honneur de la Couronne est engagé, dont :

 (2)    Le principe de l’honneur de la Couronne guide l’interprétation téléologique de l’art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et fait naître une obligation de consultation lorsque la Couronne envisage des mesures qui auront une incidence sur un intérêt autochtone revendiqué, mais non encore établi (Nation haïda, par. 25);[44]

[134]     C’est le cas ici.

[135]     Dans ce même arrêt, la Cour suprême traite de la théorie des laches en ces termes :

[145]      La doctrine des laches reconnue en equity exige qu’une procédure judiciaire fondée sur l’equity soit engagée sans retard injustifié.  Elle ne fixe aucune limite précise, mais prend en compte les circonstances de chaque affaire.  Pour déterminer si un retard peut être considéré comme donnant application à la doctrine des laches, il faut principalement considérer s’il y a eu : (1) acquiescement de la part du demandeur; et (2) changement de position de la part du défendeur parce qu’il croyait raisonnablement que le demandeur acceptait le statu quo.

(Références omises)

[136]     Les faits dans le présent dossier ne permettent pas de conclure que les Innus ont acquiescé à mettre fin au processus de consultation. Les communications entre les parties, tel que précédemment discuté, démontrent le contraire.

[137]     On ne peut pas dire non plus que la Procureure générale du Québec ait modifié sa position sur la consultation à cause du comportement des Innus. En mars 2015 (pièce GV-8), elle a décidé de mettre fin au processus. Entre mars et novembre 2015, elle n’a rien fait pour changer sa position.

[138]     Il demeure toutefois un questionnement sur l’acquiescement des Innus à la poursuite des travaux sur la ligne, suite à l’interruption des travaux convenue au printemps 2015.

[139]     Il reste aussi la question de savoir si Hydro-Québec a modifié sa position en conséquence. Le Tribunal y reviendra.

[140]     La discussion de la théorie des laches requiert aussi une analyse pour déterminer si le retard en soi équivaut à un acquiescement.

[141]     Le Tribunal estime que non. Premièrement, le retard n’a pas été si important. De plus, durant la même période, les Innus avaient possiblement d’autres priorités dont la finalisation de l’entente dans le dossier La Romaine.

[142]     Mais il y a plus. La Cour suprême questionne l’applicabilité de cette théorie à un litige qui traite de l’honneur de la Couronne en ces termes :

Nous voyons mal comment un tribunal, dans son rôle de gardien de la Constitution, pourrait appliquer une doctrine d’equity pour rejeter une demande de jugement déclarant qu’une disposition de la Constitution n’a pas été respectée comme l’exigeait l’honneur de la Couronne.[45]

[143]     Bien que le Tribunal n’ait pas à décider de cette question, il est évident de ces propos que dans de telles situations la prudence s’impose avant de rejeter une action sur la base de la théorie des laches.

[144]     Ceci est encore plus vrai, vu que par la nature même de l’obligation de la Couronne, il est difficile de conclure que l’obligation de consulter soit atteinte tant et aussi longtemps que le projet est en cours. La Cour suprême décrit l’obligation de consulter en ces termes dans Nation Tsilhqot’in :

[89]       Avant que l’existence du titre soit établie par un jugement déclaratoire ou une entente, la Couronne est tenue de consulter de bonne foi les groupes autochtones qui revendiquent le titre sur des terres au sujet de ses projets d’utilisation des terres et, s’il y a lieu, de trouver des accommodements aux intérêts de ces groupes.  Le niveau de consultation et d’accommodement requis varie en fonction de la solidité de la revendication du groupe autochtone et de la gravité de l’effet préjudiciable éventuel sur l’intérêt revendiqué.[46]

(Le Tribunal souligne)

[145]     L’obligation de consulter en demeure donc une qui continue durant le processus de la reconnaissance de titre, de sorte que les Innus pouvaient demander une reprise du processus, et ce, même en novembre 2015.

[146]     Qu’en est-il de la position d’Hydro-Québec? Peut-elle tirer bénéfice du comportement des Innus et de la doctrine des laches? Le Tribunal estime que non.

[147]     Hydro-Québec n’a point démontré qu’elle a modifié sa position malgré le défaut des Innus d’être plus proactifs avec leur demande pour que la consultation reprenne entre avril et novembre 2015. Elle a toujours eu l’intention de poursuivre la construction de la ligne, et la suspension des travaux au printemps 2015 a toujours été vue comme une concession temporaire.

[148]     La dernière question dont le Tribunal doit traiter est si les Innus par leur comportement ont renoncé à leur demande de démolition de la ligne.

[149]     Tout en concédant que la démolition de la ligne soit un remède qui pourra être difficile à obtenir, le Tribunal ne peut pas conclure que les Innus ont abandonné cette demande. Dans la mesure où leur titre ou droits ancestraux ou issus de traités pourraient être reconnus, il semble que la démolition de la ligne serait un remède potentiel.

[150]     Dans l’arrêt Nation Tsilhqot’in c. Colombie-Britannique la Cour suprême s’est exprimée en ces termes :

[139]         J’ai déjà indiqué que l’art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 impose des limites quant à la façon dont les gouvernements, tant fédéral que provinciaux, peuvent traiter les terres visées par un titre ancestral.  Ces gouvernements ne peuvent faire des lois qui entraînent une diminution appréciable d’un droit ancestral ou issu d’un traité à moins que l’atteinte soit justifiée dans l’intérêt public général et qu’elle soit compatible avec l’obligation fiduciaire qu’a la Couronne envers le groupe autochtone.  L’objectif consiste à protéger les droits ancestraux et issus d’un traité tout en permettant la conciliation des intérêts autochtones avec ceux de la société en général.[47]

[151]     Ainsi, si le Tribunal arrive à la conclusion que les Innus ont un titre ou des droits ancestraux ou issus de traités sur le territoire où le Projet se trouve, la question de sa justification devra être traitée. La démolition est un remède qui ne peut pas être écarté à ce stade.

[152]     Il reste maintenant à traiter de l’opposition de la PGQ aux amendements et de la requête en irrecevabilité de la PGC.

[153]     Le Tribunal estime que l’opposition de la PGQ aux amendements doit être rejetée pour les motifs déjà discutés.

[154]     Il en est de même pour la requête en irrecevabilité de la Procureure générale du Canada. Les arrêts de la Cour suprême du Canada déjà traités par le Tribunal laissent ouverte la possibilité que le défaut de la Couronne d’avoir respecté son devoir de consultation puisse donner lieu à une demande d’indemnisation d’une première nation. Une demande d’injonction est également possible.

[155]     Cela-dit, comme le Tribunal l’a déjà mentionné, la question des remèdes appropriés sera traitée après que la question de la suffisance de la consultation et, le cas échéant, des accommodements est décidée.

[156]     POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[157]     REJETTE la Demande de la Procureure générale du Québec en rejet de la requête introductive d’instance des demandeurs;

[158]     REJETTE l’Opposition de la Procureure générale du Québec aux modifications;

[159]     REJETTE la Requête en irrecevabilité de la Procureure générale du Canada;

[160]     DÉCLARE qu’en relation avec la demande Haïda, le Tribunal traitera de la question de la suffisance de la consultation et, le cas échéant, des accommodements en premier lieu et convoquera au besoin les parties à une audience sur les réparations appropriées;

[161]     DÉCLARE que les autres demandes feront l’objet d’une audience distincte;

[162]     LE TOUT, avec frais de justice.

 

 

 

________________________________

THOMAS M. DAVIS, J.C.S.

 


 

Me James O’Reilly

Me Gary Carot

Me Marie-Claude André-Grégoire

Mme Sophia Ladovrechis, stagiaire

O’Reilly & Associés

et

Me Jean-François Bertrand

Me Isabelle Boisvert-Chastenay

Jean-François Bertrand Avocats inc.

Procureurs des demandeurs

 

Me Stéphanie Lisa Roberts

Me Florence Lavigne-LeBuis

Bernard, Roy (Justice Québec)

Procureurs de la Procureure générale du Québec

 

Me Emil Vidrascu

Lavery, de Billy

et

Me René Bourassa

Cellucci, Fréchette

Procureurs d’Hydro-Québec

 

Me Tania Mitchell

Me Stéphanie Dépeault

Ministère de la Justice du Canada

Procureurs de la Procureure générale du Canada

 

Dates d’audience :

25 et 26 janvier 2016

 


ANNEXE A
SANS PRÉJUDICE
PROJET DE LIGNE ARNAUD-ALOUETTE
Sujets de consultation (6 janvier 2015)

 

-      La raison d'être/justification du Projet;

-      Les variantes étudiées (2009 et 2012);

-      Le choix du tracé;

-      L'évaluation environnementale du Projet;

-      Le processus d'autorisation gouvernementale;

-      L'échéancier des travaux;

-      Les impacts du Projet (lors de la construction et de l'exploitation) sur les activités traditionnelles des Innus de Uashat mak Mani-Utenam (notamment la chasse aux oiseaux migrateurs au printemps);

-      Les impacts du Projet sur la faune et la flore, incluant entre autres :

o    La destruction de la flore et la faune;

o    La destruction de l'habitat de la flore et la faune;

o    L'évitement de la faune;

o    Les impacts sur migration de la faune, notamment les oiseaux migrateurs;

o    Les impacts sur les milieux humides;

o    Les collisions et l'électrocution des oiseaux avec la ligne;

o    La proximité de la ligne au littoral.

-       La balance du déboisement à faire: lieux et échéancier;

-       Le bruit et champ électromagnétique des lignes;

-       L'entretien des emprises / utilisation de phytocides;

-      Travaux et projets connexes futurs non prévus dans les autorisations actuelles;

-      Les futurs projets de développements projetés dans le territoire traditionnel des Innus de Uashat mak Mani-Utenam, notamment dans la région de la Baie des Sept-Îles;

-      Les impacts cumulatifs du Projet et les autres projets de développement (existants, en constructions et projetés) situés dans le territoire traditionnel des Innus de Uashat mak Mani-Utenam;

-      L'accès aux emprises des lignes de transport par les Innus de Uashat mak Mani-Utenam lors de l'exploitation du Projet;

-      L'ouverture du territoire et l'accès au territoire traditionnel des Innus de Uashat mak Mani-Utenam par des non autochtones;

-      Tout autre sujet de préoccupation.


ANNEXE B
SANS PRÉJUDICE
PROJET DE LIGNE ARNAUD-ALOUETTE
Liste d'accommodements (6 janvier 2015)

Mesures socio-environnementales :

-      Suspension des travaux de construction sur toute la ligne de transport lors de la période de chasse aux oiseaux migrateurs au printemps par les Innus de Uashat mak Mani-Utenam (au minimum couvrant la période du 27 mars au 19 juin 2015);

-      Mesures pour atténuer les impacts liés à l'entretien de l'emprise de la ligne de transport ainsi que les autres lignes de transport d'Hydro-Québec, et ce, en interdisant l'usage de phytocide et en évitant que l'entretient mécanique se fasse lors de la période de chasse aux oiseaux migrateurs au printemps par les Innus de Uashat mak Mani-Utenam;

-      Informer régulièrement les Innus de Uashat mak Mani-Utenam du calendrier des travaux du Projet;

-      Informer à l'avance les lnnus de Uashat mak Mani-Utenam du calendrier des travaux d'entretien des lignes de transport situées dans le territoire traditionnel des Innus de Uashat mak Mani-Utenam;

-      Informer les Innus de Uashat mak Mani-Utenam de la confirmation par Aluminerie Alouette de la réalisation de sa Phase III;

-      Mesures pour atténuer les impacts du Projet sur la migration de la faune, particulièrement les oiseaux migrateurs;

-      Mesures pour atténuer les collisions et l'électrocution des oiseaux migrateurs avec la ligne de transport;

-      Mesures pour compenser la perte des milieux humides occasionnée par le Projet;

-      Mesures pour atténuer les impacts visuels et sonores du projet;

-      Autres mesures pour atténuer les impacts du Projet sur la faune, la flore et les activités traditionnelles des Innus de Uashat mak Mani-Utenam;

-      Récupération par les Innus de Uashat mak Mani-Utenam du bois coupé dans le cadre du Projet;

-      Strict contrôle quant à l'accès des non autochtones dans le territoire traditionnel des Innus de Uashat mak Mani-Utenam, notamment pour la chasse et la pêche;

-      Études des impacts de la construction et l'exploitation du Projet sur les oiseaux migrateurs et la chasse aux oiseaux migrateurs par les lnnus de Uashat mak Mani-Utenam;

-      Études des effets cumulatifs des projets de développement (existants, en construction et projetés) sur les oiseaux migrateurs et la chasse aux oiseaux migrateurs par les lnnus de Uashat mak Mani-Utenam;

-      Études sur les effets cumulatifs de tous les projets de développements (existants, en construction et projetés) dans le territoire traditionnel des lnnus de Uashat mak Mani-Utenam;

-      Mesures pour protéger et perpétuer la migration des oiseaux ainsi que la chasse aux oiseaux migrateurs par les lnnus de Uashat mak Mani-Utenam le long de la côte, y compris dans la région de la Baie des Sept-Îles;

-      Implication des Innus de Uashat mak Mani-Utenam dans les mesures de suivi, d'atténuation et de compensation du Projet;

-      Autres mesures à convenir.

Mesures socio-économiques:

-      Compensation pour le coût des procédures visant à obtenir une consultation et des accommodements quant au Projet;

-      Compensation pour les terres appropriées pour le Projet;

-      Compensation pour les arbres coupés dans te cadre du Projet;

-      Création d'un fonds pour la pratique des activités traditionnelles communautaires;

-      Création d'un fonds pour des travaux rémédiateurs;

-      Mesures pour favoriser la formation, l'emploi et la main d'œuvre pour les Innus de Uashat mak Mani-Utenam;

-      Mesures pour former et financer des gardes de chasse et de pêche Innus;

-      Favoriser l'embauche d'Innus de Uashat mak Mani-Utenam chez Hydro-Québec et l'Aluminerie Alouette, notamment si la Phase III du projet d'expansion d'Aluminerie Alouette se réalise;

-      Contrats préférentiels pour les entreprises des Innus de Uashat mak Mani­Utenam (par exemple pour l'entretien des lignes de transport);

-      Autres mesures à convenir.

 



[1]     Requête introductive d’instance en nullité, en injonction […] permanente, en demande « Haïda », […] et pour l’obtention de conclusions déclaratoires ré-réamendée, du 17 décembre 2015.

[2]     Id.

[3]     Bande Innu Takuikan Uashat mak Mani-Utenam, et ancien chef Rosario Pinette c. Canada (Procureur général), dossier no 200-17-004196-036.

[4]     Uashaunnuat (Innus de Uashat et de Mani-Utenam) c. Québec (Procureure générale), 2016 QCCS 807.

[5]     Précitée, note 1.

[6]     Précitée, note 1, par. 62 et 63.

[7]     Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (1982, R.-U., c. 11).

[8]     QUÉBEC, SECRÉTARIAT AUX AFFAIRES INTERGOUVERNEMENTALES CANADIENNES, « Document 19 : Résolution de l’Assemblée nationale du Québec du 20 mars 1985 sur la reconnaissance des droits des Autochtones et résolution du 30 mai 1989 sur la reconnaissance de la nation malécite ».

 

[9]     Demande de la Procureure générale du Québec en rejet, du 20 janvier 2016.

[10]    [2004] 3 R.C.S. 511, 2004 CSC 73.

[11]    Id., par. 37.

[12]    Id., par. 39.

[13]    [1990] 2 R.C.S. 440, 448, 1990 CanLII 74 (CSC).

[14]    Id., pp. 451-452.

[15]    Id., pp. 453-454.

[16]    Id., p. 455.

[17]    Précitée, note 9.

[18]    Plan d’argumentation des demandeurs à l’appui de leur requête en demande « Haïda » ré-réamendée Volet- Litispendance, du 24 janvier 2016.

[19]    Nation haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts), précité, note 10, par 35.

[20]    [2014] 2 R.C.S. 257, 2014 CSC 44.

[21]    Id., par. 45 et 47.

[22]    2004 CanLII 46683 (QC CA).

[23]    Précitée, note 9.

[24]    [2010] 3 R.C.S. 103, 2010 CSC 53.

[25]    Id., par. 103.

[26]    [1996] 2 R.C.S. 723, 1996 CanLII 160 (CSC).

[27]    Précité, note 10, par 23.

[28]    [2010] 2 R.C.S. 650, 2010 CSC 43.

[29]     Précité, note 20.

[30]    Précité, note 10.

[31]    2012 FC 297.

[32]    [2005] 3 R.C.S. 388, 2005 CSC 69, par. 59.

[33]    2014 BCSC 991.

[34]    C.S. Montréal, no 500-17-050868-093, 13 décembre 2012, j. Davis.

[35]    2016 QCCA 86.

[36]    2014 QCCA 2193.

[37]    Précité, note 34.

[38]    Requête introductive d’instance en nullité, en injonction […] permanente, en demande « Haïda », […] et pour l’obtention de conclusions déclaratoires ré-réamendée, du 17 décembre 2015, par. 78.

[39]    Plan d’argumentation de la Procureure générale du Québec au soutien de la demande en rejet, du 25 janvier 2016, par. 77.

[40]    Annexe A du présent jugement.

[41]    Annexe B du présent jugement.

[42]    Bien que le courriel réfère à une lettre du 6 février 2015, les parties ont confirmé qu’il s’agit de la lettre du 6 janvier (pièce GV-3).

[43]    Beckman c. Première nation de Little Salmon/Carmacks, précité, note 24, par. 84.

[44]    [2013] 1 R.C.S. 623, 2013 CSC 14, par. 73.

[45]    Id., par. 153.

[46]    Précité, note 20, par. 89.

[47]    Précité, note 20, par 139.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.