9198-0110 Québec inc. c. Simindokht | 2023 QCCQ 6792 | |||||
COUR DU QUÉBEC | ||||||
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CANADA | ||||||
PROVINCE DE QUÉBEC | ||||||
DISTRICT DE | MONTRÉAL | |||||
LOCALITÉ DE | MONTRÉAL | |||||
« Chambre civile » | ||||||
N° : | 500-80-042333-212 | |||||
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DATE : | 6 octobre 2023 | |||||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE | L’HONORABLE | MAGALI LEWIS | ||||
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9198-0110 QUÉBEC INC. | ||||||
Appelante | ||||||
c. | ||||||
FALLAH SIMINDOKHT et DAMOON NASSERI | ||||||
Intimés | ||||||
et TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT Mise en cause | ||||||
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JUGEMENT | ||||||
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[1] Le 25 novembre 2021, le Tribunal administratif du logement (TAL) rejette le recours de 9198-0110 Québec inc. (la Locatrice) contre ses locataires, Fallah Simindokht et Damoon Nasseri (les Locataires), en recouvrement des loyers des mois de mars, juin et juillet 2021, résiliation de bail et expulsion des occupants[1].
[2] Pour conclure ainsi, le TAL retient que les locataires n’étaient pas en retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer, pour deux motifs :
- La preuve documentaire a établi que le loyer du mois de mars était payé depuis le 17 février 2021 ;
- La Locatrice détenait un dépôt de garantie de 1 650 $, suffisant pour couvrir les loyers des mois de juin et juillet 2021.
[3] Concernant le dépôt de sécurité, le TAL conclut :
[32] […] le Tribunal estime que tel que rédigé, le dépôt exigé par la locatrice n’est pas conforme à la loi.
[33] En effet, l’article
[34] Or, le dépôt exigé par la locatrice indique qu’il sera remis aux locataires à la fin du bail si toutes les obligations en vertu de celui-ci ont été respectées. Une telle rédaction aurait pour effet de permettre à la locatrice de se faire justice elle-même quant à des sommes potentiellement dues en dommages, ce qui est illégal et ne permet pas de conclure qu’il servira uniquement à couvrir le loyer.
[35] Ainsi, considérant que le dépôt de garantie de 1 650 $ versé lors de la conclusion du bail ne pouvait être obtenu par la locatrice tel que rédigé, puisque contraire aux dispositions de l’article
(Nos soulignements)
[4] Le 1er avril 2022, la Locatrice obtient la permission d’appeler de la décision du TAL aux seules fins de répondre à la question suivante[2] :
Est-ce que le T.A.L. a erré en confirmant que l’article
[5] Le juge qui autorise la demande de permission ordonne une nouvelle audience « selon la preuve documentaire et testimoniale présentée devant le tribunal administratif du logement ».
[6] L’appelante expose ainsi les motifs pour lesquels l’appel devrait être accueilli :
a) L’article
b) Une application absolutiste de l’article
c) En l’espèce, la juge administrative (la « Juge administrative ») retient de la preuve que les locataires (les « Locataires ») ont fait le choix entièrement éclairé et informé d’opter pour un dépôt de garantie. Elle rejette leur vision des faits selon laquelle ils auraient été trompés par le Locateur ;
d) Il ressort de ces mêmes faits et de cette même preuve que loin d’assujettir la conclusion du bail au versement d’un dépôt de garantie, le Locateur a plutôt demandé une sûreté aux Locataires, considérant l’absence d’historique de crédit de ceux-ci au Canada. Il a fourni aux Locataires des options parmi lesquelles ceux-ci pouvaient choisir et, en incluant le dépôt de garantie parmi ces options, il les a référés à l’article
e) À la lumière de ses propres conclusions de faits, la Juge administrative aurait dû conclure à la légalité du dépôt de garantie en l’espèce ;
f) Pourtant, la Juge administrative emprunte le chemin inverse en créant une distinction de traitement entre un dépôt de garantie et des loyers payés d’avance ou garantie de loyers. Cette distinction n’a aucune assise dans la loi et constitue une erreur de droit.
(Caractères gras reproduits)
[7] Lorsqu’il s’agit pour le tribunal d’appel de décider d’une question de droit, la règle applicable en matière de contrôle des conclusions du juge de première instance est celle de la décision correcte. Le tribunal d’appel a ainsi toute latitude pour substituer son opinion à celle du juge de première instance[3].
[8] Cette règle découle du principe de l’universalité qui impose aux cours d’appel le devoir de veiller à ce que les mêmes règles de droit soient appliquées dans des situations similaires[4], et du fait que les cours d’appel jouent un rôle de création du droit[5].
[9] Au moment de l’instruction devant le TAL, les parties sont liées par un bail résidentiel d’une durée de 12 mois commençant le 1er mars 2021 (le Bail). Les Locataires sont solidairement responsables du paiement du loyer mensuel de 825 $ prévu au Bail.
[10] Le Tribunal ignore si les Locataires habitent toujours le logement objet du Bail au moment de l’instruction de l’appel.
* * *
[11] Lorsque, le 11 février 2021, les Locataires transmettent une demande de location par courriel à la Locatrice, ils sont au Québec depuis peu en vertu d’un permis d’études daté du 17 janvier 2021[6]. Ils louent un appartement jusqu’au 28 février, pour lequel ils payent 1 390 $ pour 46 jours[7], et n’ont pas d’historique de crédit au Québec.
[12] Devant le TAL, l’essentiel du litige entre les parties découle du refus des Locataires de verser les loyers des mois de juin et juillet 2021[8]. Pour justifier leur refus de payer ces deux mensualités de loyer, les Locataires reprochent au gestionnaire de la Locatrice d’avoir exploité leur méconnaissance des règles d’ordre public applicables en matière de logement résidentiel, pour leur soutirer un dépôt de sécurité interdit par l’article
[13] Le TAL n’a pas retenu la position des Locataires sur les circonstances qui ont entouré le paiement du dépôt de sécurité et a plutôt conclu qu’ils avaient valablement renoncé à la protection de l’article
[14] Curieusement, comme nous l’avons souligné dans l’extrait reproduit ci-dessus[9], la juge administrative indique pourtant que la Locatrice a « exigé » le dépôt de sécurité pour autre chose que le paiement du premier mois de loyer.
[15] La clause sur laquelle porte l’interprétation du TAL quant à la portée de l’article
3) security deposit: I propose to pay a deposit of $1650 to the signature of the lease which will be kept by the lessor. At the end of the lease, this amount will be returned to me if I have complied with the terms of the lease.
Notice: under article
(Notre soulignement)
[16] La version anglaise de la clause est celle qui est soumise aux Locataires dans le cadre des négociations qui précèdent la conclusion du bail et qu’ils approuvent.
[17] Au moment de signer le Bail, les Locataires signent la version française de la clause dans laquelle ils choisissent aussi l’option du dépôt de sécurité. La version française de la clause se lit ainsi :
Options de sûreté offertes aux candidat-locataire
dont la demande de location a été refusée
colocataire : Je propose une colocataire pour signer le bail. Cette personne accepte de se soumettre au même processus de vérification.
caution : Je propose une personne physique qui s’engagera à titre de caution pour la durée du bail et ses renouvellements. Cette personne réside au Québec et accepte de se soumettre au même processus de vérification.
Avis : un cautionnement par une personne morale (entreprise) n’est pas accepté. Un cautionnement ou une assurance, entraînant un déboursé et contracté (sic) par le locataire, n’est pas accepté s’il impose au locateur (propriétaire) des conditions et un contrat d’adhésion.
dépôt de garantie : Je propose de verser un dépôt de 1650 $ [montant manuscrit] à la signature du bail qui sera conservé par le locateur. À la fin du bail, ce montant me sera remis si j’ai respecté les conditions du bail.
Avis : en vertu de l’article
Proposé par ___________________________________________ candidat-locataire
* * *
[18] Il s’agit pour le Tribunal de déterminer si le TAL a erré dans l’interprétation qu’il a faite de l’article
[19] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal répond par la négative à la question.
[20] L’article
[21] Cette disposition se trouve dans la section qui porte sur les règles applicables au bail d’un logement, dans la section qui traite du loyer. Le législateur y prévoit que :
1904. Le locateur ne peut exiger que chaque versement excède un mois de loyer ; il ne peut exiger d’avance que le paiement du premier terme de loyer ou, si ce terme excède un mois, le paiement de plus d’un mois de loyer.
Il ne peut, non plus, exiger une somme d’argent autre que le loyer, sous forme de dépôt ou autrement, ou exiger, pour le paiement, la remise d’un chèque ou d’un autre effet postdaté.
(Nos soulignements)
[22] Au sujet de l’alinéa 2 de l’article 1904, Pierre-Gabriel Jobin écrit :
[…] tout gage d’une somme d’argent est interdit. Le législateur veut ainsi éviter qu’à la fin du louage le locataire ait le fardeau de réclamer en justice la somme remise, qu’un locateur peu scrupuleux garderait sans droit pour une prétendue violation du bail.
Des locateurs tentent de contourner cette règle en incluant au bail une stipulation selon laquelle « le locataire, sans y être obligé et de façon purement volontaire », a remis cette somme en garantie de ses obligations, alors qu’en réalité c’était une condition verbale de la conclusion du contrat. Puisque le texte de l’article 1904 [L.Q. 1991, c. 64] interdit d’« exiger » la remise de tels fonds et qu’en principe on ne peut pas contredire les termes d’un contrat écrit, on croit la manœuvre inattaquable. Néanmoins, il faut permettre au locataire d’échapper aux conséquences de cette manœuvre, en faisant appel aux règles générales du droit privé.
Il s’agit d’une fraude à la loi. On a déjà rencontré ce problème à propos de la remise de chèques postdatés et des paiements anticipés autres que celui d’un mois de loyer. Les mêmes arguments peuvent être employés pour attaquer cette violation délibérée de l’article 1904, [L.Q. 1991, c. 64 alinéa 2] alinéa 2, soit : l’analyse de cette disposition au moyen de la règle de l’interprétation par l’absurde et l’admissibilité de la preuve testimoniale pour prouver une fraude à la loi et la nullité du contrat.[11]
(Références omises)
(Notre soulignement)
[23] La Locatrice soumet au Tribunal deux décisions pour appuyer la thèse qu’elle défend selon laquelle l’article
[24] Sans surprise, la Locatrice ne réfère pas à la décision rendue contre elle en 2019 dans Tatkeu Njike c. 9198-0110 Québec inc.[12], décision qu’elle n’a pas portée en appel dans laquelle le TAL lui rappelle qu’elle ne peut pas « exiger », « au sens courant de « demander », « solliciter », « requérir » ou « réclamer » », la remise d’un dépôt au moment de la conclusion du bail autre que le premier mois de loyer[13].
[25] Elle ne fait pas non plus mention de cette décision dans la clause qu’elle soumet aux locataires potentiels pour leur demander un dépôt de garantie après avoir refusé leur demande de location, lorsqu’elle indique dans son formulaire que sa demande est permise par la loi.
[26] Au soutien de ses prétentions, la Locatrice réfère d’abord au paragraphe 27 de la décision dans Tremblay c. Compagnie Montréal Trust du Canada[14], dans laquelle on peut lire :
[27] L’article
(Notre soulignement)
[27] Il n’est nullement question dans cet extrait de la possibilité pour le locateur de demander à un locataire un paiement d’avance pour autre chose que la première mensualité de loyer. Tout ce que cet extrait indique c’est que le locateur peut accepter un dépôt de plus d’un mois de loyer si le locataire l’offre de sa propre initiative.
[28] Dans Immeubles À côté inc. c. Mirzica[15], l’appelante réfère le Tribunal à l’extrait suivant :
[39] Pour sa part, l’article
[…]
[40] C’est là dire que le locateur ne peut pas exiger du locataire qu’il lui remette une série de chèques postdatés non plus qu’il ne peut exiger que le locataire lui verse un dépôt de garantie.
[41] L’article
[42] Il vaut par ailleurs de souligner que cette liberté dont dispose le locataire de renoncer aux droits visés par l’interdiction de l’article
[43] Le législateur a donc clairement indiqué, en adoptant le formulaire obligatoire du bail de logement, qu’un locataire dispose du droit de renoncer à l’interdiction prévue à l’article
(Référence omise)
[29] Pour bien comprendre la portée de la décision dans Mirzica, il est utile de reproduire l’annexe 5 du Règlement sur les formulaires obligatoires et sur les mentions de l’avis au nouveau locataire[16] à laquelle le décideur réfère :
D | LOYER (art. |
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Le loyer est de ____________________ $. Par mois Par semaine | Loyer : Le loyer est payable par versements égaux ne dépassant pas un mois de loyer, sauf le dernier versement, qui peut être moins élevé. Le bail d’une durée de plus de douze mois peut faire l’objet d’un seul réajustement du loyer au cours de chaque période de douze mois. Il ne peut varier au cours des douze premiers mois (art. Le locateur ne peut exiger aucune autre somme d’argent du locataire (exemple : dépôt pour les clés). Paiement du premier terme de loyer : Lors de la conclusion du bail, le locateur ne peut exiger d’avance que le paiement du premier terme de loyer (exemples : le premier mois, la première semaine). Cette avance ne peut dépasser un mois de loyer. Paiement des autres termes : Le loyer est payable le premier jour de chaque terme (exemples : mois, semaine), sauf entente contraire. Mode de paiement : Le locateur ne peut exiger la remise d’un chèque ou d’un autre effet postdaté, sauf entente contraire. Preuve de paiement : Le locataire a droit à un reçu pour le paiement de son loyer en argent comptant (art. Lieu du paiement : Le loyer est payable au domicile du locataire, sauf entente contraire (art. | |||||||
Le coût total des services est de _______ $. Par mois Par semaine | ||||||||
Le loyer total est de _________________ $. Par mois Par semaine | ||||||||
Le locataire bénéficie d’un programme de subvention pour le paiement du loyer. Oui Non | ||||||||
Préciser | ||||||||
DATE DU PAIEMENT | ||||||||
premier terme | ||||||||
Le loyer sera payé le |
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Jour Mois Année | ||||||||
autres termes | ||||||||
Le paiement du loyer se fera le 1er jour Du mois De la semaine | ||||||||
Ou le ________________________________________________________________. | ||||||||
Préciser | ||||||||
MODE DE PAIEMENT | ||||||||
Le loyer est payable selon le mode de paiement suivant : Argent comptant | ||||||||
Chèque Virement bancaire électronique Autre __________________ . | ||||||||
Le locataire accepte de remettre des chèques postdatés au locateur pour la durée du bail. | ||||||||
Oui Non |
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Initiales du locataire Initiales du locataire | ||||||||
LIEU DU PAIEMENT Le loyer sera payable au _______________________________________________________ Lieu du paiement (indiquer si le paiement est effectué par la poste, le cas échéant) | ||||||||
(Notre soulignement)
[30] À la lumière de ce que prévoit le formulaire obligatoire de bail, la portée de la décision Mirzica est limitée. Dans cette affaire, c’est la locataire qui, habituée à ce type de dépôt dans son pays d’origine, a proposé au locateur de lui remettre un dépôt de sécurité[17]. Ainsi, Mirzica ne dit pas que le locateur peut demander à un locataire potentiel qu’il paie un dépôt de sécurité pour autre chose que du loyer.
[31] Cette décision a été interprétée par le TAL tout récemment dans LG2I inc. c. Doyon, conformément à la tendance qui prévaut[18] selon laquelle « un dépôt peut être valide ou légal s’il n’est pas suggéré, demandé ou exigé par le locateur, mais plutôt proposé uniquement par le locataire pour des raisons qui lui sont propres »[19].
[32] Cette interprétation est conforme à la fin recherchée par l’article
[33] Dans TEAM Gestion immobilière inc. c. Lavoie[20], la juge administrative réfère aux propos de sa collègue dans l’affaire Matchim c. Hamadi[21] de 2016 pour conclure dans le même sens que Mirzica et LG21. :
[9] La juge administrative Francine Jodoin a posé la question suivante ?
« La locatrice a-t-elle contrevenu à l’article
[10] Voici sa réponse :
« Il importe toutefois de préciser que cette disposition vise à empêcher le locateur de solliciter, réclamer ou demander le versement de plus d’un mois de loyer de façon à en faire une condition à la formation du contrat de bail. Le législateur s’assure ainsi d’équilibrer le rapport de force qui peut parfois prévaloir lors de la conclusion d’un contrat de bail.
En l’occurrence, la preuve révèle que c’est à la demande de la locatrice que le dépôt a été versé et qu’il ne s’agit pas véritablement d’une offre faite par les locataires pour obtenir le logement, car, n’eût été des réticences du mandataire de la locatrice pour leur louer le logement, ce dépôt n’aurait pas été versé.
On place ainsi les locataires devant l’alternative de verser un dépôt sans quoi la location leur est refusée. Il s’agit là précisément de la situation que vise à prohiber l’article
D’ailleurs, un tel dépôt lorsqu’il est remis ne peut permettre à la locatrice de décider unilatéralement de l’octroi d’une compensation pour les dommages encourus ou leur valeur. »
(Référence omise)
(Nos soulignements)
[34] Les trois options que donne la Locatrice après avoir refusé une demande de location sont formulées ainsi :
Security options offered to the prospective tenant whose rental application has been refused
1) roomate: I propose a roommate to sign the lease. That person agrees to go through the same verification process.
2) deposit: I propose a natural person who will act as surety for the duration of the lease and its renewals. This person resides in Quebec and agrees to go through the same verification process.
Notice: a surety bond by a legal person (company) is not accepted. A bond or insurance, resulting in an outlay and contracted by the tenant, is not accepted if it imposes on the landlord (owner) terms and a membership contract.
[35] La troisième option est déjà reproduite au paragraphe 15 ci-dessus.
[36] Le formulaire de sûreté que le locataire doit signer de façon contemporaine au Bail indique faussement que le choix de la sûreté est « proposé par » lui. Le dépôt de sécurité (lorsque c’est le choix que fait le locataire potentiel) n’est pas offert par lui. Il est imposé par la Locatrice après qu’elle a refusé une demande de location, à défaut par le locataire de pouvoir fournir un cautionnement ou d’accepter de prendre un colocataire pour garantir les obligations prévues au Bail.
[37] Le TAL dans la décision qu’il a rendue dans la présente affaire est silencieux quant à la question de savoir si, alors qu’ils sont au pays avec un visa d’étude depuis quelques semaines lorsqu’ils présentent une demande de location à la Locatrice, les Locataires connaissent une « personne physique » au Québec qui peut cautionner leurs obligations, comme le demande la deuxième option présentée par la Locatrice comme condition de conclusion du Bail.
[38] Suggérer à un locataire potentiel qu’il prenne un colocataire pour satisfaire à l’exigence de fournir une garantie, empiète sur le droit de toute personne de décider de ses arrangements domestiques. Ça l’est d’autant plus lorsque, comme dans la situation des Locataires, les gens ont la mi-trentaine et sont en couple.
[39] À noter que, dans le dossier à l’origine du présent appel, la preuve est silencieuse quant à savoir si le nombre de pièces du logement convoité était suffisant pour qu’en prenant un colocataire, les Locataires respectent l’article
[40] Dans les situations où cela n’est pas le cas, cette option n’en est pas une, comme celle d’offrir à de nouveaux arrivants de trouver une « personne physique » pour cautionner les obligations prévues au bail.
[41] Le fait qu’un locataire choisisse parmi les options offertes de verser un dépôt de sécurité comme condition de conclusion du Bail ne relève pas de la manifestation de sa volonté, mais de sa réponse à une exigence de la Locatrice formulée en contravention avec l’article
[42] Le Tribunal est d’accord avec la décision du TAL dans Graham c. 10643688 Canada inc.[22], lorsque la juge administrative indique que si « le dépôt de sécurité [fait] partie de plusieurs options présentées aux locataires », « puisque la conclusion du bail [est] conditionnelle audit dépôt, » il est contraire à la loi[23].
[43] Il est utile de préciser ici que la Locatrice représente faussement dans son formulaire de demande de cautionnement que cette demande est permise par la loi, alors que l’article
[44] Dans Diallo c. Menu[25], le TAL écrit à ce sujet :
30] […] une certaine jurisprudence semble vouloir exclure l’illégalité d’un tel dépôt lorsque les circonstances propres au dossier laissent entrevoir une offre du locataire plutôt qu’une exigence du locateur. Cette interprétation réduit, donc, l’interdiction contenue à l’article
(Notre soulignement)
[45] Par ailleurs un locateur ne peut jamais conserver le montant d’un dépôt de garantie pour se payer autre chose que des arrérages de loyer. Il doit remettre le montant du dépôt à la fin du bail s’il a reçu paiement de tous les loyers. Conformément à l’article
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[46] REJETTE l’appel ;
[47] LE TOUT avec les frais de justice.
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| __________________________________ MAGALI LEWIS, JCQ | |
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Me Vincent Cérat Lagana | ||
FASKEN MARTINEAU DUMOULIN | ||
Avocats de la demanderesse | ||
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Me Manuel Johnson | ||
OUELLET NADON ET ASSOCIÉS | ||
Avocats des défendeurs | ||
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Me Jennifer Memmi | ||
Me Pamela Cataldo | ||
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||
Avocats de la mise en cause | ||
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Date d’audience : | 6 avril 2023 | |
[1] 9198-0110 Québec inc. c. Simindokht,
[2] 9198-0110 Québec inc. c. Simindokht,
[3] Housen c. Nikolaisen,
[4] Id., par. 9.
[5] Id.
[6] Pièce P-3, Permis d’étude des locataires.
[7] Pièce P-1, Enquête pré-location.
[8] Comme nous l’avons expliqué en introduction, la Locatrice prétendait également que les Locataires n’avaient pas payé le loyer du mois de mars 2021, mais cette allégation a été rejetée.
[9] Supra, par. 3.
[10] Gestion HMB inc. c. Sauvestre,
[11] Pierre-Gabriel JOBIN,
[12]
[13] Id., par. 57-64.
[14]
[15]
[16] Règlement sur les formulaires de bail obligatoires et sur les mentions de l’avis au nouveau locataire, RLRQ, c. T-15.01, r. 3, art. 1 (5).
[17] Mirzica, préc., note 15, par. 45-46.
[18] Hubert c. Brocksert,
[19]
[20]
[21]
[22]
[23] Id., par. 12.
[24] Matchim c. Hamadi,
[25]
[26] Hérard c. Bruzzese,
[27] Diallo c. Menu, préc., note 25. Voir aussi Poliquin c. Gareau,
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.