Décision

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Voghell c. Municipalité régionale de comté (MRC) de Rouville

 

2019 QCCS 773

 COUR SUPÉRIEURE

(Chambre civile)

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

SAINT-HYACINTHE

 

N° :

750-17-002978-165

 

 

 

DATE :

6 mars 2019

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

STEVE J. REIMNITZ, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

ROGER VOGHELL

et

GHISLAINE PAQUETTE

et

LES FERMES D.R.O.

Demandeurs

 

c.

 

MUNICIPALITÉ RÉGIONALE DE COMTÉ

(MRC) DE ROUVILLE

et

FERME MICHEL GAGNÉ INC.

et

F. MÉNARD INC.

et

ANDRÉ GAGNÉ

et

NORMAND NORMANDIN

et

DANIEL PAQUETTE

et

FERMES PIERRE VOGHELL INC.

et

FERME LIONEL ANGERS INC.

et

VILLE DE SAINT-CÉSAIRE

Mis en cause

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Le tribunal doit décider d’une demande introductive d’instance pour jugement déclaratoire, en nullité de règlement et en dommages et intérêts. Les demandeurs sont propriétaires de lots sur lesquels passe un « fossé », selon la position des demandeurs et un « cours d’eau », selon la position de la défenderesse, la Municipalité Régionale de comté de Rouville («MRC»).

[2]           S’il s’agit d’un « cours d’eau», le règlement 293.16 a été adopté légalement par la MRC. En effet, pour avoir compétence pour légiférer, la MRC doit être en présence d’un « cours d’eau » au sens de l’article 103 de la Loi sur les compétences municipales (« LCM »).

[3]           Tout le débat porte sur l’application de cet article aux faits du présent dossier.

Les parties

[4]           Les demandeurs Voghell et Paquette, « Voghell et Paquette », sont propriétaires d'un lot situé en la municipalité de Saint-Césaire et portant le numéro [...7] du Cadastre du Québec, circonscription foncière de Rouville (P-1).

[5]           La demanderesse Les Fermes D.R.O. inc., « DRO », est propriétaire d'un lot situé en la municipalité de Saint-Césaire et portant le numéro 1 593 915 du cadastre du Québec, circonscription foncière de Rouville (P-2).

[6]           La défenderesse MRC de Rouville « MRC » est une personne morale de droit public, responsable d'un territoire dont la municipalité de Saint-Césaire fait partie, habilité par la Loi sur les corporations municipales, notamment à la détermination et à la gestion des cours d'eau sur son territoire.

[7]           La mise en cause, Ferme Michel Gagné inc., « FMG », est une société légalement constituée, propriétaire d'un lot situé en la municipalité de Saint-Césaire et portant le numéro 1 593 952 du cadastre du Québec, circonscription foncière de Rouville (P-3).

[8]           La mise en cause, F. Ménard inc., « F. Ménard », est propriétaire d'un lot situé dans la municipalité de Saint-Césaire, portant le numéro. 1 593 898 du cadastre du Québec, circonscription foncière de Rouville (P-4).

[9]           Le mis en cause, André Gagné, est propriétaire d’un lot en la municipalité de Saint-Césaire et portant le numéro [...2] du cadastre du Québec, circonscription foncière de Rouville (P-5).

[10]        Les mis en cause, Normand Normandin et Daniel Paquette, « Normandin et Paquette », sont propriétaires d'un lot situé en la municipalité de Saint-Césaire et portant le numéro [...0] du cadastre du Québec, circonscription foncière de Rouville (P-6).

[11]       


La mise en cause, Fermes Pierre Voghell inc., « FPV », est propriétaire d'un lot situé en la municipalité de Saint-Césaire et portant le numéro 1 593 918 du cadastre du Québec, circonscription foncière de Rouville (P-7). 

[12]        La mise en cause, Ferme Lionel Angers inc., « Ferme Lionel », est propriétaire d'un lot situé en la municipalité de Saint-Césaire et portant le numéro 1 593 953 du cadastre du Québec, circonscription foncière de Rouville (P-8).

[13]        La mise en cause, Ville de Saint-Césaire, « Saint-Césaire », est l'autorité municipale concernée. L’ensemble des lots touchés par la demande sont situés sur son territoire et elle fait partie de la MRC de Rouville.  

La question en litige

[14]        La question en litige consiste à déterminer si le lit d’écoulement qui traverse les terrains appartenant aux demandeurs est un cours d’eau au sens de l’article 103 de la Loi sur les compétences municipales[1], (la « LCM ») ou s’il s’agit d’un fossé de drainage qui échappe à la compétence de la MRC.

[15]        L’article 103 LCM attribue aux MRC la compétence à l’égard des cours d’eau, à l’exception de certains fossés lorsqu’ils rencontrent certaines caractéristiques :

« (…)

103.      Toute municipalité régionale de comté a compétence à l’égard des cours d’eau à débit régulier ou intermittent, y compris ceux qui ont été créés ou modifiés par une intervention humaine, à l’exception:

(…)

4°   d’un fossé de drainage qui satisfait aux exigences suivantes:

a)   utilisé aux seules fins de drainage et d’irrigation;

b)   qui n’existe qu’en raison d’une intervention humaine;

c)   dont la superficie du bassin versant est inférieure à 100 hectares. (…) »

Les demandes

[16]        La demande vise à déterminer, par jugement déclaratoire, si le passage servant à transporter l’eau de manière intermittente à travers les propriétés des demandeurs et mis en cause est un fossé privé ou un cours d’eau au sens de la LCM.

[17]        Sous réserve des demandeurs Voghell et Paquette d’invoquer leur situation particulière en lien avec des droits acquis, la demanderesse DRO s’en remet à la décision du tribunal.

[18]        Advenant que le tribunal déclare que l’endroit où passe l’eau se qualifie de « fossé privé » au sens de l’article 103 (4) comme le réclament les demandeurs, ils réclament que le règlement 293-16 soit déclaré nul et de nullité absolue. Dans une telle éventualité, les demandeurs demandent à ce qu’il soit interdit à la MRC de faire réaliser quelques travaux que ce soit sur les terres des demandeurs et mis en cause en lien avec ledit règlement.

[19]        Si le tribunal conclut plutôt que l’endroit où passe l’eau au travers les terres des demandeurs et mis en cause, est un « cours d’eau » au sens de l’article 103 (1) LCM, les demandeurs Voghell et Paquette demandent que leur soit reconnu un droit acquis au drainage effectué en 1977.

[20]        En ce sens, les demandeurs Voghell et Paquette demandent à ce que le Règlement 293-16 soit amputé de toute indication référant à leur lot [...7] et demandent à ce que ce Règlement leur soit déclaré inopposable. En conséquence, ils demandent qu’une ordonnance soit rendue par le tribunal interdisant à la MRC de faire effectuer quelques travaux que ce soit sur leur lot [...7] en lien avec le Règlement 293-16.

[21]        Les demandeurs réclament aussi de la MRC qu’elle soit condamnée à leur verser à titre de dommages et intérêts compensatoires et punitifs, un montant de 25,000 $ aux demandeurs Voghell et Paquette, dont 15,000 $ pour troubles et inconvénients et 10,000 $ à titre de dommages punitifs.

[22]        Ils demandent aussi un montant de 25,000 $ à la demanderesse DRO, dont 15,000 $ pour troubles et inconvénients et 10,000 $ à titre de dommages punitifs. 

[23]        Ces demandes sont présentées en lien avec les frais et honoraires que les demandeurs qualifient d’inutiles, qu’ils ont dû faire pour pallier à la négligence de la MRC. Ces dommages auraient été causés par la négligence de la MRC à obtenir, préalablement à l'exercice de son pouvoir de réglementer les cours d'eau sur son territoire, une expertise ou, à défaut, une décision sur la qualification réelle de l'espace où circule l'eau au travers les propriétés des demandeurs et mis en cause.

Les faits

[24]        L'ensemble des lots visés sont situés en territoires agricoles et servent presque exclusivement à la culture fourragère ou céréalière.

[25]        Pour une illustration de la position respective de chacun des lots visés, les demandeurs déposent une photo aérienne identifiant les lots et identifiant ce qu'il convient de qualifier aux fins de la présente procédure de « fossé litigieux » identifié en gris sur ladite photo (P-9).

[26]        Le 21 mars 2014, FPV fait parvenir à la MRC une mise en demeure alléguant qu'un cours d'eau traversant sa propriété a été enterré par DRO. Il somme alors la MRC d'agir et de rétablir la situation (P-10).

[27]        Le 5 février 2015, la MRC répond à FPV et admet qu'elle n'avait aucune compétence pour remettre à l'état toute portion de ce qu'elle qualifie de « cours d'eau » remblayée avant le 1er janvier 2006, le tout tel qu'il appert d'une copie d'un courriel émanant de Marie-Ève Brin (P-11).

[28]        Le 30 octobre 2015, FPV fait de nouveau parvenir à la MRC une lettre réclamant de nouveau à la MRC d’intervenir (P-12).

[29]        Le 23 novembre 2015, FPV dépose une demande introductive d'instance dans le district judiciaire de St-Hyacinthe portant le numéro 750-17-002776-155 (P-13).

[30]        Par cette demande dirigée contre MRC et contre DRO, FPV allègue que DRO, dont la propriété est en aval de la sienne, a procédé sans autorisation au remplissage de ce que FPV qualifie de « cours d'eau » provoquant ainsi un refoulement.

[31]        FPV demande une ordonnance contre la MRC afin que cette dernière procède, en vertu de l'article 105 de la Loi sur les corporations municipales, aux travaux requis pour rétablir l'écoulement normal des eaux (P-8).

[32]        Le 15 juin 2016, la MRC adopte le Règlement numéro 293-16 décrétant des travaux d'aménagement dans la branche 56 de la Rivière à la Barbue (P-15).

[33]        Lors de l’adoption du Règlement 293-16, la MRC agit en considérant qu’il s’agit d’un cours d’eau visé par l’article 103 LCM, sur lequel la MRC a juridiction pour réglementer et décréter des travaux d’aménagement, et ce, en vertu des pouvoirs dévolus par les articles 104 et 106 LCM.

[34]        Ledit Règlement 293-16 implique des travaux majeurs tels que décrits à l'article 4 du Règlement comme suit :

«

(…)

Les travaux sont exécutés sans délai et en suivant les indications des plans et profils, du devis descriptif et de la règlementation de même que conformément aux directives qui peuvent être données au cours de la marche des travaux.

Les travaux décrétés par ce règlement sont des travaux d'aménagement afin de redonner au cours d'eau un écoulement régulier visant l'enlèvement de toute obstruction dans le littoral et en appliquant des mesures de protection (ex. : perré, sortie de drainage, sortie de fossé, intersection de deux cours d'eau, tournant dans le cours d'eau, engazonnement des talus et végétalisation des bandes riveraines).

La Branche 56 de la Rivière Barbue est aménagée à partir du chaînage 0+676 situé à la ligne séparatrice des lots [...2] et [...7] jusqu'au chaînage 1+618 situé à la ligne séparatrice des lots 1 593 952 et 1 593 953, soit une longueur d'environ 942 mètres.

La Branche 56 de la Rivière Barbue a une largeur au fond de 1,2 mètre et une profondeur minimale de 0,60 mètre à partir d'un point situé à la ligne des lots 1 593 898 et [...2] jusqu'à la limite des lots 1 593 915 et 1 593 918. De ce point, jusqu'à sa source, la Branche 56 a une largeur au fond de 0,90 mètre sur une profondeur minimale de 0,6 mètre.

Dans tous les cas, les talus ont une inclinaison minimale de 2 H:1V.

Les premiers travaux devant être effectués le plus tôt possible après l'entrée en vigueur du présent règlement. L'emplacement des travaux et les chaînages sont démontrés à l'annexe du présent règlement. (…) »

[35]        Il est également prévu à l'article 5 que les coûts entiers du projet, incluant les frais d'étude, les frais légaux et le coût des travaux, sont imposés à la municipalité de Saint-Césaire.

[36]        Le règlement impose des obligations aux propriétaires fonciers des terres sur lesquelles ledit « cours d'eau » sera aménagé et les rend passibles d'amende en cas de contravention.

[37]        C’est ce règlement que les demandeurs désirent voir déclarer nul.

[38]        Les demandeurs ont d’ailleurs fait des démarches auprès de la MRC afin d’obtenir l’ensemble des documents leur permettant d'évaluer l'impact de ce règlement pour eux (P-16).

[39]         Le 11 octobre 2016, le procureur de DRO avise les autres parties à la procédure de FPV pour leur indiquer qu'une rencontre est prévue avec ses clients afin d'évaluer le dossier (P-17). 

[40]        Le 17 octobre 2016, le procureur de DRO écrit aux autres parties à la procédure de FPV pour leur indiquer leur position quant à l’adoption du Règlement 293-16. (P-17).

[41]        Le 18 octobre 2016, le procureur de la MRC répond au procureur de DRO et lui indique que sa cliente compte entreprendre les travaux projetés le 31 octobre 2016 (P-19).

[42]        La MRC estime à 67 729,65 $ le coût des travaux à être réalisés.

[43]        Les demandeurs ne nient pas que la MRC soit habilitée par la Loi sur les compétences municipales à légiférer en matière de gestion et d’aménagement de cours d'eau.

[44]        Le 1er janvier 2006, la MRC adoptait le Règlement 222-06 sur l'écoulement des eaux des cours d'eau, lui permettant notamment d'interdire à toute personne d'affecter ou d'effectuer des travaux susceptibles d'affecter l'écoulement des eaux d'un cours d'eau, tel qu'il appert plus amplement d'une copie dudit Règlement 222-06 (P-20).

[45]        Les demandeurs prétendent cependant que la MRC n'a pas compétence pour légiférer dans le cas précis visé par cette demande pour les motifs suivants :

[46]        Le pouvoir de la MRC de légiférer en matière de cours d’eau lui vient de l’application de la Loi sur les compétences municipales et, plus précisément, l’article 103.

[47]        L’article 103 a déjà été cité au paragraphe [15] du présent jugement.

[48]        La MRC ne pouvait adopter le règlement puisqu’il ne s’agit pas d’un cours d’eau en vertu de l’article précité.

[49]        Les demandeurs prétendent que les conditions prévues à l'article 103(4) LCM s'appliquent en l'espèce de telle sorte qu'il ne s'agissait pas d'un « cours d'eau », mais bien d'un fossé privé pour lequel le propriétaire est justifié d'effectuer tous les travaux de drainage qu'il veut sans nécessité de permission de quiconque.

[50]        Plusieurs déclarations ont été déposées à l’appui de la preuve en demande et plusieurs témoins ont aussi été entendus.

[51]        La question est de déterminer si le tracé bleu qui apparaît sur la photo P-9 est un fossé ou un « cours d’eau ». S’il s’agit d’un « cours d’eau », la MRC a compétence en vertu de la Loi sur les compétences municipales pour adopter divers règlements.

Michel Gagné

[52]        Le témoin identifie le lot qui lui appartient sur la photo P-9. Ce lot s’étend sur 26 arpents par deux arpents de large. Gagné est né sur la ferme située sur ce lot.

[53]        Gagné a installé un drain en 2014.

[54]        On fait remarquer au témoin la ligne bleue sur la photo. Le témoin précise qu’il s’agit d’un fossé qui traverse les terres, y compris son lot. Ce fossé traverse son lot sur sa largeur de 2 arpents.

[55]        Ce fossé est présent depuis aussi longtemps qu’il habite les lieux.

[56]        En 2012, il a nettoyé ce fossé avec une pelle mécanique. Son père, dans les années 1980, avait aussi creusé le fossé et fait du nettoyage.

[57]        En contre-interrogatoire, on lui suggère qu’il a nettoyé en 2012 le fossé pour aider l’écoulement des eaux.

[58]        Le témoin mentionne qu’il n’y avait plus d’accumulation d’eau dans ce fossé. Il précise avoir fait ces travaux en 2012 pour nettoyer le fossé et enlever le surplus de terre qui s’y est accumulé.   

[59]        Il ajoute que le fossé prend de l’eau provenant de chez Angers et l’eau descend à gauche chez Voghell. Le sens de l’écoulement de l’eau part du boisé qui apparaît sur le croquis P-9 jusque vers la rivière.

[60]        Le témoin ne détient aucune servitude lui permettant de déverser de l’eau vers la terre appartenant à Voghell. Ce fossé a toujours à sa connaissance été à cet endroit.

Bruno Voghell

[61]        Le témoin est agriculteur. Il réfère aussi au même plan P-9. Outre sa parcelle de terre, il loue celle située à côté et appartenant à monsieur Normandin. Concernant la terre qui appartient à son père, il s’en occupe depuis 15 ans. Il décrit le lot appartenant à son père comme étant bien drainé du nord au sud par un drain de 4 pouces enfoui sous terre.

[62]        Le drainage se fait par le drain souterrain situé tout le long du terrain (nord-sud). D’ailleurs, il note que le drainage en question a été fait ou autorisé par le MAPAQ qui vers les années 1978 ou 1979 offrait des subventions pour exécuter ce type de travaux.

[63]        Sur la terre appartenant à Normandin, on voit un fossé transversal. Il y a un petit creux d’environ 2 à 3 pieds qui fait la moitié de la largeur de la terre à Normandin. Selon lui, ce fossé transversal ne sert à rien.

[64]        Quant au voisin André Gagné, le témoin identifie le fossé transversal. La profondeur de ce fossé est comparable au sien.

François Angers

[65]        Il est situé complètement à droite sur la photo no 9.

[66]        Il représente la 7e génération familiale qui cultive à cet endroit. Il connaît bien les lieux pour y avoir toujours habité. Il décrit le fossé comme une petite dépression permettant d’évacuer l’eau à certains moments de l’année. Cette petite dépression commence au boisé et traverse son lot. Cette dépression est profonde d’environ un pied et demi.

[67]        Il y a environ 20 ans, Angers a creusé cette dépression sur une profondeur d’un pied et demi. Il venait de s’acheter une pépine qu’il désirait utiliser. Ce fossé sert à égoutter l’eau lors de forte pluie. L’eau ruisselle dans le fossé ou stagne selon le volume d’eau. Ces coups d’eau surviennent environ une ou deux fois par année.

[68]        Un drainage souterrain a été construit il y a quatre ou cinq ans.

[69]        En bas de la ligne bleue, l’eau se rend jusqu’à la Rivière Barbue par le système de drainage souterrain.

[70]        À partir du boisé, le sol est accidenté et on y retrouve du roc.

[71]        Selon Angers c’est un non-sens que de prétendre, comme le fait la MRC, que le fossé doit être qualifié « cours d’eau ».

[72]        Si la MRC a raison, il devra condamner le drainage souterrain pour être capable de drainer l’eau au nord de la ligne bleue.

[73]        On lui exhibe en contre-interrogatoire la pièce D-14 qui a trait au renoncement du prolongement des travaux. Il témoigne avoir déjà vu ce document. On lui demande ce qu’il a compris lorsqu’il a coché. Sa réponse est évasive. Le tribunal comprend qu’il ne comprenait pas très bien de quoi il est question. Il ignore s’il a rempli ce document avec un représentant de la MRC.

[74]        La MRC aurait remis le formulaire en 2016, avant l’adoption du règlement. On lui suggère qu’il était contre. Il répète que la situation et la position de la MRC dépassent l’entendement.

[75]        On réfère le témoin à la photo (P-9), plus précisément, à la flèche qui pointe vers sa propriété. Il ignore ce que veut dire l’expression « fin des travaux ».

[76]        Il a lu le règlement et comprend que les travaux doivent se faire chez lui. Il ajoute qu’on lui disait qu’il devait faire creuser toute la largeur chez lui et scraper le drainage en dessous.

[77]         Pour lui, le bois est autonome et peut absorber l’eau de pluie. Cependant, il arrive qu’en cas de forte pluie, l’eau sort dans le fossé nord-sud. Il y a assez de pente pour permettre ce dégagement d’eau.

[78]        Il comprend de ce litige qu’il ne peut toucher au fossé vu le litige. Lorsqu’il était jeune, ce fossé n’était qu’une petite dépression d’environ 6 pouces.

[79]        Cette dépression servait à délimiter les lopins de terre.

Daniel Ostiguy

[80]        Ostiguy est propriétaire du lot 1 593 915 depuis 2012. Auparavant, il ne connaissait pas l’endroit. En 2012, le lot avait 50 arpents. Il y avait sur le lot un boisé de 10 arpents.

[81]        Peu après l’achat de ce lot, il se rend à la municipalité de Saint-Césaire et demande les coordonnées de son voisin immédiat et demande l’autorisation de faire la coupe de bois sur son lot.

[82]        Il demande à la municipalité s’il y a présence d’un cours d’eau sur son lot, ce qui aurait pour effet de lui interdire de faire des travaux sans autorisation. Si cette information n’est pas à la connaissance de la municipalité, cette dernière devrait être en mesure de lui indiquer le nom de l’autorité compétente.

[83]        Ostiguy se rend à la municipalité de Saint-Césaire, il rencontre l’inspectrice municipale, madame Cadotte qui lui émet un certificat d’abattage (D-9).

« (…)

: propriété de Daniel Ostiguy (il n’y a aucun cours d’eau sur la propriété)

: voisin Þ Ferme Pierre Voghell inc. 132, Petite-Barbue, St-Césaire

: voisin Þ Normand Normandin (…) »

[84]        À l’audition, l’avocat de la MRC a indiqué qu’il n’était pas contesté que madame Cadotte a écrit ce qui apparaît sur le document D-9. Ostiguy a obtenu le document D-9, le 25 mai 2012.

[85]        Compte tenu du document D-9, et s’étant fait dire qu’il ne s’agit pas d’un « cours d’eau », il se rend voir Voghell et lui indique qu’il désire canaliser le fossé en installant une avaloire de 8 pouces et un drain de 10 pouces sur une distance de 250 pieds, dans la partie qui était déboisée à cette époque.

[86]        En expliquant ce qu’il désirait faire à Voghell, ce dernier lui donne son accord. Fort de la lettre de la municipalité (D-9), il réalise la première phase des travaux en août 2012. Le boisé a une longueur d’environ 450 pieds, il reste 250 pieds en prairie. Suite à cette phase réalisée en 2012, Ostiguy ne reçoit aucun avis d’infraction de la municipalité de Saint-Césaire ou de la MRC concernant ces travaux.

[87]        Ostiguy réalise la deuxième phase des travaux en 2013. Il ajoute de la terre pour niveler et pour pouvoir circuler avec la machinerie agricole. 

[88]        Pour ces travaux de septembre 2013, il se rend chercher son permis et monsieur St-Martin, nouvel inspecteur municipal à Saint-Césaire, émet le permis pour la deuxième phase.

[89]        Selon l’autorisation, il coupe les arbres dans le boisé, défriche et construit la canalisation sur la longueur de 450 pieds qui restait à faire.

[90]        La première section a été faite avec un drain perforé et la deuxième avec un ponceau rigide.

[91]        Novembre 2013, il reçoit l’avis d’infraction de la MRC (D-10)

[92]        Il se rend voir St-Martin, mais ce dernier n’est pas disponible pour le rencontrer. Il réussit à parler à monsieur Déry, Directeur général de la municipalité. Ce dernier lui répond que la municipalité n’a rien à voir dans ce dossier et lui suggère d’aller voir madame Brin de la MRC.

[93]        Ostiguy se rend voir madame Brin à la MRC située à Marieville. Brin affirme qu’elle ignore l’existence du document (D-9) et lui a dit : « On arrête toutes les procédures ».

[94]        Brin a témoigné et n’a pas abordé cet aspect du témoignage d’Ostiguy. Elle ne l’a donc pas contredit. Il s’agit d’une troisième personne qui agit pour confirmer ici tacitement qu’il ne s’agit pas d’un « cours d’eau » ou du moins Brin considérant ce que Cadotte a été, elle considère que cela suffit pour cesser les procédures liées à l’avis d’infraction.

[95]        La suite se résume à une série de rencontres où le point de vue de la municipalité et celui de Brin se modifient.

[96]        L’objet de ces rencontres est de vérifier s’il existe une solution possible. Ostiguy affirme qu’il n’a jamais empêché l’écoulement des eaux dans ce fossé.

[97]        Lors d’une de ces réunions, la MRC indique qu’elle examinera la question avec des personnes ressources. Il n’a eu aucun procès-verbal de cette réunion. Suite à cette réunion, il se rend de nouveau rencontrer Pierre Voghell pour vérifier s’il accepte de couper des branches appuyées sur des roches dans le fossé. Voghell est indécis. Il y a une souche de 30 pouces qui était située au centre du fossé.

[98]        À l’été 2014, Ostiguy travaille le fossé entre Voghell et DRO. Ces travaux ont été faits à l’aide d’une pelle mécanique. Il se rend jusqu’à 20 pieds du fossé et suggère d’enlever la chaîne de roches. Voghell préfère conserver cette chaîne de roches. Il doit contourner ces roches.

[99]        Après la rencontre d’avril 2014, une autre a lieu à l’automne 2014 qualifiée de réunion d’urgence.

[100]     Pour cette réunion de l’automne 2014, Brin lui téléphone vers 11 heures afin qu’Ostiguy se présente à midi au bureau de la MRC. Les bureaux de la MRC sont situés à 12 kilomètres de l’endroit où se trouve Ostiguy. Il est en train de travailler, pour Ostiguy ce délai est court.

[101]     À cette rencontre les représentants de la MRC émettent le point de vue à l’effet que l’eau doit circuler du nord au sud de son lot. Ostiguy perd alors 30 pieds de terrain. La distance à respecter pour faire de l’agriculture et étendre de l’engrais sur une bande riveraine doit être respectée selon la MRC. C’était faisable, mais plus long que si on le fait sur la ligne transversale. Ostiguy doit se décider à cette rencontre. Les lignes rouges représentent le tracé de la MRC. Ostiguy mentionne que le tracé bleu représente l’original. Brin revenait avec le tracé rouge.

[102]     Par la suite, une autre rencontre se tient toujours à la MRC le 11 avril 2016. Sont présents Brin, Audrey Ostiguy, la fille d’Ostiguy et Ostiguy lui-même. Les discussions portent sur la Rivière Barbue. On réfère au rapport de monsieur Beaulieu, Agronome du MAPAQ. La MRC voulait « ouvrir » le fossé bleu.

[103]     Une autre rencontre a lieu le 8 juillet 2016. Sont présents Brin, Ostiguy et sa fille. La MRC revient toujours avec la même position représentée par les lignes rouges.

[104]      Le 11 octobre 2016, se tient une autre réunion pour discuter des travaux comme tels. L’excavateur est présent. Selon Ostiguy, c’est le tracé de la ligne bleue qui est considéré. Il reçoit les devis des travaux. Les travaux doivent débuter le 31 octobre 2016.

[105]     Selon Ostiguy, si chaque propriétaire de lot nettoie son fossé mitoyen, la ligne bleue ne sert à rien, puisque le drainage se fait vers la rivière Petite Barbue.

[106]     Il ajoute que les vaches appartenant à Voghell circulent dans cette ligne bleue. Par conséquent, s’il s’agit d’un « cours d’eau » comme le suggère la MRC, les animaux n’auraient pas accès à cet endroit aussi facilement, opine Ostiguy.

[107]     Le règlement est adopté le 15 juin 2016 (P-15). Selon Ostiguy, ce règlement aura entre autres comme conséquence de dévaluer la valeur des propriétés et des lots.

[108]     Il répète qu’il n’a jamais empêché l’écoulement des eaux dans le fossé transversal.

[109]     Le 8 juillet 2016, se tient une soirée d’information sur le règlement. Ostiguy témoigne qu’on ne lui a pas remis copie du règlement.

[110]     Ostiguy aborde la poursuite de Pierre Voghell, laquelle poursuite demande une injonction forçant la MRC à faire enlever les travaux d’Ostiguy lorsqu’il a travaillé dans le fossé. Il y a aussi des conclusions en injonction contre Ostiguy.

[111]     Une réunion d’information a aussi eu lieu le 20 août 2016. Sont présents Brin, Ouellet, le maire de Saint-Césaire (Guy Benjamin), Suzie Dubois et le directeur de la MRC, quelques conseillers municipaux sont aussi présents. Toutes les personnes intéressées par le sujet de la ligne bleue peuvent assister à la réunion.

[112]     Lors de cette réunion, les représentants de la MRC expliquent le règlement et l’appel d’offres pour les travaux envisagés. 

[113]     Le 11 octobre 2016, se tient une réunion de chantier au bureau de la municipalité de Saint-Césaire. Le contrat a été octroyé à l’excavateur Frégeau. On demande à Ostiguy de signer un document concernant ces travaux, ce qu’il refuse de faire.

[114]     Le 24 octobre 2016, c’est le dépôt de la procédure de DRO.

[115]     Entretemps, le maire Benjamin téléphone à Ostiguy. Il lui dit qu’il s’est rendu au fossé bleu sur le lot Ostiguy et lui dit qu’il ne voit aucun débordement. Selon Benjamin, Ostiguy n’a pas besoin d’installer une avaloire.

[116]     Ostiguy rencontre Pierre Voghell. Moyennent le paiement d’une somme d’argent, Voghell lui aurait dit qu’il est prêt à laisser tomber ses procédures.

[117]     Aussi, le maire Benjamin aurait selon Ostiguy mentionné en réunion devant Roger Voghell, devant la fille à Ostiguy, le Directeur général et un conseiller municipal de Saint-Césaire, qu’il a l’intention de rencontrer Brin et de lui demander de tout arranger ce dossier à l’interne.

[118]     Le tribunal n’a aucune raison de ne pas croire Ostiguy lorsqu’il rapporte que le maire de Saint-Césaire veut aller voir Brin et arranger à l’interne la situation. Il s’est rendu voir le fossé et, en période de pluie, il n’a constaté aucune présence d’eau dans ce lit de fossé.

[119]     Durant la période avant d’entreprendre les présentes procédures, Ostiguy a fait appel à des experts de l’UPA pouvant aider à solutionner le litige. Ces personnes de l’UPA ont tenté d’entrer en contact avec Brin à deux reprises. Elle refuse de les rencontrer.

Jean-Christophe Hébert

[120]     Monsieur Hébert est agronome depuis 2001. Il a développé au fil des ans une expertise en science des plantes et gestion de culture, ce qui comprend la gestion de l’eau. Cela comprend le drainage souterrain et de surface et le contrôle de l’érosion des sols et la gestion des sols.

[121]     Il identifie d’entrée de jeu que c’est la MRC qui a la compétence selon la LCM afin de déterminer s’il s’agit ou non d’un cours d’eau.

[122]     Il reçoit mandat d’Ostiguy (ferme DRO) et de Roger Voghell. La demande est de valider ou non si le fossé est bel et bien un fossé de drainage ou un cours d’eau. Pour accomplir son mandat, il identifie et applique les critères prévus à la LCM.

[123]     Le début de sa démarche est de déterminer si le lieu en question est un lieu naturel ou anthropique (construit par l’homme). Il débute en se rendant sur le site Info sol, lequel site est géré par le MAPAQ, et fait la recherche de diverses photos aériennes qui permettent de suivre au fil des ans l’évolution de la situation sur les lots visés par ce recours.

[124]     La seule carte à laquelle il a eu accès est une carte du MAPAQ de l’année 1992 où on peut percevoir un écoulement d’eau intermittent.

[125]     La MRC étant détenteur des informations portant sur ce territoire, c’est elle qui peut donner accès à ces informations, entre autres, accès aux cartes nécessaires pour faire l’évaluation des critères prévus dans la LCM. Entre autres, la détermination du caractère naturel ou anthropique.

[126]     Durant l’exécution de son mandat, Hébert demande à la MRC de lui fournir les cartes avant l’entrée en vigueur du règlement adopté dans le présent dossier.

[127]     La réponse de la représentante de la MRC est qu’elle préfère ne rien lui donner étant donné que le dossier est judiciarisé. Des demandes ont aussi été faites par Hébert par courriel. Il reçoit la même réponse de la MRC, précisant qu’elle ne veut pas nuire au dossier judiciaire.

[128]     Nous reviendrons lors de l’analyse sur cette question de l’accès à l’information.

[129]     Ce n’est que la semaine avant l’audition que la fille d’Ostiguy a pu mettre la main sur une carte datant de 1973.

[130]     Cette carte est déposée sous P-33. Sur cette carte on ne voit aucun tracé d’écoulement. L’accès à cette carte a rendu difficile l’évaluation du dossier pour le demandeur. 

[131]     Dans son rapport, Hébert se questionne sur un cas qu’il qualifie de similaire dans le secteur de la MRC de Beauharnois (annexe 11). Dans cet exemple, un cours d’eau intermittent apparaît sur les cartes du MAPAQ. Il est remblayé avant l’entrée en vigueur de la LCM. Il s’agit comme ici, à ce moment, d’un « cours d’eau » non réglementé. La MRC l’a pris en charge dans l’état où il était avant l’entrée en vigueur de la LCM et a exclu la portion remblayée avant 2006 du tracé qualifié de « cours d’eau ». Hébert se demande pourquoi ici dans ce dossier la MRC de Rouville privilégie de réouvrir le fossé en litige alors qu’il est remblayé en partie depuis 20 à 30 ans et que le drainage des terres s’effectue par un réseau de fossés mitoyens.

[132]     Hébert réfère par la suite à la carte de 1992 où on voit un lit d’écoulement. 

[133]     Hébert a par la suite discuté avec un ingénieur du MAPAQ (P-31, p. 20). Il apprend qu’il peut exister une incohérence entre les différentes cartes qui ne sont pas constamment mises à jour.

[134]     Dans son rapport, Hébert note que la carte des cours d’eau du MAPAQ répertorie tous les cours d’eau à débit régulier ou intermittent à l’époque où les cours d’eau étaient gérés par cet organisme et que les notions de fossés et cours d’eau étaient définies par les articles 73 du Code municipal.

[135]     Le MAPAQ a durant plusieurs années encouragé le drainage.

[136]     Il a pu discuter avec Robert Beaulieu, ingénieur retraité du MAPAQ qui lui indique qu’il était fréquent que des « cours d’eau » intermittents soient remblayés en tout ou en partie dans un contexte où le MAPAQ faisait la promotion du drainage pour améliorer l’égouttement et l’aménagement des terres. Il ajoute :

« (…). Beaucoup de ces cours d’eau intermittents n’avaient plus d’utilité dans la mesure où le drainage souterrain combiné à un bon réseau de fossés et des travaux de remblayage et nivellement des terres permettaient de gérer adéquatement les eaux de surface. Cette situation était acceptée par le MAPAQ dans la mesure où l’égouttement des terres en amont était adéquat et ne causait pas de préjudice aux fonds supérieurs. Le document « Projet d’améliorations foncières et de drainage souterrain » (annexe 12) préparé pour le lot P-91 ([...7]) par le MAPAQ va exactement en ce sens. Ce document ne mentionne pas la présence de cours d’eau sur le lot de M. Voghell. Il recommande d’améliorer les fossés de ligne (mitoyens) afin d’intercepter les eaux provenant des terrains avoisinants. Par ailleurs, on ne trouve pas de mention de cours d’eau, mais plutôt de fossé sur le plan de drainage préparé pour le lot P-91 de M. Voghell, ni pour le plan de drainage des lots 98, 99, 100 appartenant à Lionel Angers. Le fossé litigieux apparait en tant que fossé. Il existe donc des divergences entre la carte des cours d’eau du MAPAQ, les rapports produits par le MAPAQ et les plans de drainage produits quant au statut du fossé litigieux. Ceci indique que la carte des cours d’eau du MAPAQ qui servait de référence n’était pas tout à fait à jour et ne tenait pas nécessairement compte des travaux d’améliorations foncières apportés aux terres agricoles. Ceci peut s’expliquer par le fait que le fossé litigieux n’a jamais fait l’objet de travaux d’entretien de la part du MAPAQ ou de la MRC par la suite et que la situation du fossé litigieux n’avait jamais été réévaluée. Par ailleurs, comme le spécifiait M. Beaulieu en 2005 dans une publication du MAPAQ l’entrée en vigueur de la LCM viendra également changer la donne. Il indiquait que « certains cours d’eau qui sont totalement artificiels, par exemple dans le fronteau des terres ou entre deux producteurs agricoles et qui drainent moins de 100ha redeviendront des fossés privés. » (…) »

[137]     L’expert note par la suite que la MRC a fourni une carte officielle des cours d’eau en vigueur en 2017 où on voit la branche 56 de la Rivière Barbue. Selon l’expert, cette carte reflète l’entrée en vigueur du règlement en cause le 293-16 en juillet 2016.

[138]     Cependant, comme on l’a vu, la MRC a refusé de fournir une carte montrant les cours d’eau en vigueur avant le règlement, prétextant l’existence du litige.

[139]     Hébert ajoute :

« (…). Il aurait été intéressant de voir cette carte afin de comparer avec la carte de 2017, puisque dans un courriel envoyé à Me Sylvain Unvoy, elle désigne le fossé litigieux comme étant un fossé avant l’entrée en vigueur de la LCM au 1er janvier 2006 (annexe 13). Elle confirme du même coup qu’il ne s’agit pas d’un cours d’eau réglementé (verbalisé) et qu’il n’a jamais fait l’objet de travaux par le passé, ce qui veut dire qu’il n’en existe pas de profil. Le rapport qu’elle a produit pour le conseil de la MRC en 2014 est au même effet (annexe 14). (…) »

[140]     Suivant Hébert, la carte des « cours d’eau » basée sur la GRHQ (Géobase du réseau hydrographique du Québec) montre l’absence de cours d’eau sur les lots de Roger Voghell, Normand Normandin, Ferme DRO, Fermes Pierre Voghell, Ferme Michel Gagné et Ferme Lionel Angers.

[141]     C’est cette même source d’information qu’utilise la Commission de protection du territoire agricole du Québec, la commission toponymique, le Centre d’expertise Hydrique du MDDELCC et le site info-sols.

[142]     S’agissant de déterminer s’il s’agit d’un cours d’eau naturel ou d’un fossé anthropique, l’expert Hébert réfère aux photos déposées dans son rapport. Sur la photo de 1930, p. 37 de son rapport, il identifie la présence d’un fossé.

[143]     Il insiste sur le caractère rectiligne de ce fossé. Il fait remarquer la présence de 4 changements de direction à angles droits aux limites des lots 1 593 915 et 1 593 918 et 1 593 915 et [...0].

[144]     Sur les photos de 1950, p. 39 et celle de 1964, p.41, le tracé est similaire à celui de 1930.

[145]     L’expert indique que la volonté du MAPAQ a été mise en application à partir de 1979, alors qu’il y a eu drainage souterrain permettant de rabattre la nappe phréatique et d’assécher les sols. Par conséquent, combiné à des travaux sur les fossés, il est possible d’égoutter les terres de manière plus efficace que seulement en surface. Ce qui est le cas de Voghell et Normandin.

[146]     L’expert aborde par la suite le tableau 3 de son rapport traitant des forces tractrices. Il indique :

« (…). Quand on compare ces valeurs avec la résistance aux forces d’arrachement des types de couverts forestiers et de prairies indigènes présentées au tableau 4, il est raisonnable de penser que l’écoulement de l’eau à la surface du sol n’a pas pu former un lit d’écoulement naturel par les processus d’érosion hydrique. (…) »

[147]     L’expert Lachance n’arrive pas au même résultat. Hébert considère un couvert forestier et Lachance considère un sol à nu, ce qui n’existe pas en l’espère. Cela amène une conclusion différente quant à la résistance sur les types de surface que l’on retrouve à la page 22 du rapport Hébert.

[148]     Ce qui confirme, selon Hébert, que le fossé en cause a été creusé par la main de l’homme et qu’il ne s’agit pas d’un « cours d’eau » formé naturellement qui, s’il avait été naturel, aurait été décelé, avant 1930, ce qui n’est pas le cas.

[149]     L’autre élément qui est considéré pour l’examen de la nature anthropique du fossé porte sur la superficie du bassin versant. Hébert note que le bassin versant du fossé en cause, tel que produit par la MRC, représente une superficie de 66.5 hectares. Sur le tracé d’info-sols, il représente un bassin de 76.9 hectares. Quant au rapport de ALPG, en juillet 2015, on mentionne une superficie de 70 hectares.

[150]     Le bassin versant est inférieur à 100 hectares, ce qui rencontre une des conditions de la LCM pour être considéré comme fossé de drainage.

[151]     Il faut que le bassin soit inférieur à 100 hectares. Lachance au départ affirmait qu’il s’agit d’un bassin de 115 hectares. Il y a eu rencontre entre experts pour vérifier les possibilités d’entente sur certains points de divergences et Lachance retenait la partie du boisé chez Angers dans son calcul. Hébert a proposé son calcul et Lachance a revu son calcul pour le ramener de 95 à 100 hectares.

[152]     Quant à l’utilisation du fossé, Hébert retient qu’il est intermittent et il n’y a pas d’égouttement régulier. Il n’est pas navigable et devient sec l’été. Il n’y a aucune activité telle la pêche, baignade ou navigation.

[153]     Il conclut que la preuve provenant des témoins entendus et déclaration assermentées indique qu’il s’agit d’un fossé de drainage et qu’il n’a jamais servi à rien d’autre qu’en tant que fossé de drainage.

Hugues Lachance

[154]     L’expert Lachance a reçu une formation en hydrogéomorphologie. Son travail l’amène à étudier les formes de terrain et la résultante. Ce qui comprend le transport de sédiment et la géométrie des cours d’eau. Il travaille dans la gestion des cours d’eau depuis 15 ans. Il est impliqué au niveau des MRC. Il obtient de la part des MRC des mandats afin de statuer sur la classification des cours d’eau. Il reçoit aussi des mandats de municipalités, du MDD et de certains promoteurs.

[155]     En début de témoignage, la question fut posée au témoin à savoir s’il connaissait le litige dans ce dossier avant d’obtenir son mandat. Il a répondu non dans un premier temps pour, par la suite, reconnaître qu’il connaissait la nature du présent litige. 

[156]     Il reçoit son mandat le 1er février 2017 de la part de la MRC Rouville. Cette expertise est commandée afin de valider la nécessité d’intervenir dans le cadre de l’application de compétences afférentes à la Loi sur les compétences municipales et, particulièrement, sur la définition de « cours d’eau » dont il est fait état dans ce dossier.

[157]     L’expert énumère ce qui a servi à faire cette expertise :

-     Recherche d’informations pertinentes (études, bases de données, cartographies, photographies aériennes, etc.) disponibles pour le secteur à l’étude ;

-    Interprétation de photographies aériennes multidates (1930 à 2015) en mode stéréoscopique (3D) ;

-    Traitement de données Lidar et découpage du bassin versant du lit d’écoulement ; 

-     Calcul hydromorphologique afin de valider la géométrie du lit d’écoulement ;

-     Cartographie des résultats d’interprétation dans un SIG ;

-    Rédaction d’une note technique comprenant les résultats des analyses.

[158]     La méthodologie vise à interpréter l’expression « cours d’eau » de l’article 103 de la Loi sur les compétences municipales et du document « Critères permettant la détermination des cours d’eau visés par l’application de l’article 22 de la Loi sur la qualité de l’environnement et de la Politique des rives et du littoral et des plaines inondables ».

[159]     Lachance considère que la définition utilisée pour statuer sur le sujet provient d’une définition très large d’un « cours d’eau » de l’article 103 de la LCM et du MDDEP, soit : « le lit est une dépression où les signes d’écoulement de l’eau sont bien visibles ».

[160]     Il réfère aussi au règlement sur les normes d’intervention dans les forêts du domaine de l’état, qui définit ainsi un lit d’écoulement : « dépression naturelle du sol exempte de végétation ou avec présence d’une prédominance de plantes aquatiques et caractérisée par des signes de l’écoulement de l’eau ». Bien que cette définition s’applique uniquement sur les terres publiques de l’État, l’expert considère qu’elle peut servir de guide dans le présent dossier.

[161]     L’expert utilise deux approches, la première consiste à l’utilisation de la « photo-interprétation multidates de photos aériennes entre les années 1930 à 2015 en mode stéréoscopique (3D) ». Dans son rapport des photographies aériennes ont aussi été numérisées à 800 DPI puis géoréférencées dans un SIG afin de permettre leurs superpositions.

[162]     L’expert ajoute que la couverture des photographies aériennes utilisées dans la présente expertise apparaît au tableau numéro 1 du rapport.

[163]     La deuxième méthode utilisée consiste à valider, à l’aide « d’équations applicables dans le domaine de l’hydrogéomorphologie », la présence d’un « cours d’eau ».

[164]     L’expert témoigne que les validations ont été réalisées avec trois méthodes distinctes.

[165]     Concernant la première méthode « relation de géométrie hydraulique du lit d’écoulement à l’aide du bassin versant », cette méthode consiste à valider la largeur du chenal d’écoulement en fonction de la surface du bassin versant à l’aide d’équations de géométrie hydraulique. Pour effectuer ces validations, l’expert a réalisé plusieurs mesures de largeur du lit d’écoulement. Il note dans l’explication de cette méthode que le lit d’écoulement, selon « nos observations » n’aurait pas été perturbé par l’homme. Il ajoute : « on note sur ce segment la présence d’un tracé sinueux du lit d’écoulement. Ce segment de +ou- 350 mètres est localisé sur le lot 1 593 898. »

[166]     La deuxième méthode est faite à partir de la simulation du patron d’écoulement. Cette méthode consiste à valider, à l’aide d’indices topographiques, si la topographie et la forme du bassin versant pouvaient produire un écoulement suffisamment important pour développer un réseau hydrographique et des chenaux naturels. Il précise que la méthodologie est disponible en annexe A. Si on se rend à cette annexe y est reproduit la méthodologie utilisée sans que l’expert ne l’explique davantage lors de son témoignage.  

[167]     Quant à la troisième méthode, il s’agit de calculs des contraintes de cisaillement et consiste à valider, à l’aide d’équations, si le ruissellement produit par le bassin versant pourrait créer des conditions permettant le déplacement des particules du sol. Cette partie de l’étude a été faite en réalisant une modélisation hydrologique, à l’état naturel, à deux endroits distincts sur le bassin versant. Ces calculs hydrologiques ont été réalisés à l’aide du logiciel SWMHYMO, pour les récurrences de pluies de 14 mm, 22 mm, 1 an, 2 ans et 5 ans.

[168]     Par la suite, l’expert valide si les débits produits dépassaient les contraintes de cisaillement critiques du sol et des éléments constituant le sol.

[169]     Il conclut que : « Nos validations ont permis de déterminer que la taille du bassin est de plus ou moins 115 hectares. » Comme on l’a vu à ce niveau, une rencontre entre experts a permis à l’expert Lachance de modifier son point de vue et situe la taille du bassin versant à entre 95 à 100 hectares.

[170]     Par la suite, l’expert Lachance procède à une validation du plan de drainage de 1976 de M. Voghell. Ces éléments corroborent, suivant l’expert, que le lit l’écoulement a été remblayé entre le PK 675 et 790, sur les terrains de M. Voghell. La conduite permet d’évacuer l’eau de surface des voisins amont de Voghell. Il ajoute :

« (…)

Finalement, nous avons géoréférencé un extrait du plan de drainage indiquant la position de la conduite de 24 pouces sur le terrain de M. Voghell. Cette analyse permet de statuer que la conduite de 24 pouces est localisée au même endroit que le segment du lit d’écoulement remblayé sur les photographies aériennes à partir de 1976. Ces aspects sont illustrés au plan 6. (…) »

[171]     Il conclut que les calculs hydrogéomorphologies préliminaires ont permis de valider que les seuils critiques d’érosion des particules du sol sont dépassés, ce qui permet de valider que le ruissellement provenant du bassin versant peut éroder le sol et donc créer à long terme un lit d’écoulement.

[172]     Les aspects décrits dans le rapport l’autorisent à conclure que les conditions à l’état naturel du lit permettent la création d’un lit d’écoulement et donc qu’il s’agit d’un « cours d’eau ».

[173]     Il conclut :

« (…)

Suivant le résonnement des annexes 2 et 3 du document « Guide Identification et délimitation des écosystèmes aquatiques, humides et riverains » du MDDELCC (2006). « Critères permettant la détermination des cours d'eau visés par l'application de l'article 22 de la loi sur la qualité de l'environnement (LQE) et de la Politique de protection des rives et du littoral et des plaines inondables », JFSA applique le raisonnement suivant afin de déterminer la classification du lit d'écoulement.

A.             La branche 56 constitue un lit d'écoulement ;

B.            Le tracé de ce lit d'écoulement a été modifié par l'homme et est à l'origine naturelle ;

C.            La superficie du bassin versant est supérieure à 100 hectares.

En annexe C, la figure annotée par JFSA permet de visualiser le parcours décisionnel en fonction des paramètres d'analyse. JFSA est donc en mesure de statuer avec confiance que la Branche 56 de la rivière Barbue constitue un cours d'eau au sens de l'article Loi sur les compétences municipales, de la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables ainsi que l'article 22 de la Loi sur la Qualité de l'environnement. (…) »

 

Audrey Ouellet

[174]     Madame Ouellet est ingénieur hydraulique et travaille en aménagement et entretien des « cours d’eau ». Son travail exige qu’elle réponde, entre autres, aux demandent de la MRC.

[175]     Elle a obtenu un mandat dans ce dossier particulièrement pour l’examen de la branche 56. Madame Brin lui demande de trouver une solution pour le drainage de la terre de Pierre Voghell, l’eau pourrait provenir de travaux faits chez Ostiguy.

[176]     Pour exécuter son travail, elle vérifie les cartes du territoire disponibles. Elle cherche à confirmer qu’il s’agit bel et bien d’un « cours d’eau ». Elle réfère à la pièce D-2 et, particulièrement, à l’endroit où se trouve une flèche.

[177]     Elle examine par la suite la matrice graphique de la MRC (P-9). Cette matrice donne des informations quant aux lignes d’eau sur le territoire.

[178]     Elle fait un rapport de ce qu’elle constate et dépose la pièce D-3. Elle témoigne que selon elle le « cours d’eau » a été obstrué, un bassin d’eau formé suite à des travaux exécutés.

[179]     Sa vision du rapport D-3 est de chercher trois solutions de drainage pour Pierre Voghell.

[180]     Dans le cadre de son travail, elle s’est rendue à la municipalité de Saint-Césaire, et a abordé avec les autorités municipales les trois scénarios. Un appel a été fait à Ostiguy pour discuter avec lui et vérifier s’il comptait collaborer.

[181]     Une rencontre a eu lieu à la municipalité de Saint-Césaire. Lors de cette réunion Déry, Brin, le maire Benjamin et l’inspecteur municipal sont présents et les trois scénarios sont analysés.

[182]     L’idée de remettre le tronçon comme il était pouvait provoquer un problème de drainage, si Voghell ne le rétablit pas.

[183]     La prochaine étape consiste à demander l’avis du ministère de l’Environnement. Le ministère répond qu’il faut rétablir le lit d’origine (D-13). De façon générale, le ministère préconise la remise en état des « cours d’eau ».

[184]     À ce jour, les travaux n’ont toujours pas été exécutés.

[185]     Madame Ouellet confirme qu’elle a travaillé dans d’autres dossiers similaires et ajoute même qu’il est rare que les « cours d’eau » adoptent un tracé sinueux. Ils sont souvent manipulés par l’homme.  


 

Marie-Ève Brin

[186]     Madame Brin travaille comme coordonnatrice à la gestion des cours d’eau pour la MRC de Rouville.

[187]     Elle témoigne sur la pièce D-11, soit une demande d’intervention de Pierre Voghell qui a été préparée suite à une inspection le 4 juillet 2014. Cette demande constitue le départ pour l’étude du dossier. Cette demande fait part d’un problème d’écoulement des eaux présenté par un citoyen. Devant une telle demande la MRC agit à partir de l’article 105 LCM. Le but est d’évaluer le rétablissement de l’écoulement. Elle réfère au rapport D-12.

[188]     Madame Brin participe à la confection du règlement numéro 293-16.  Selon elle, un « cours d’eau » a été localisé sur les lots pertinents.  Dans un tel cas, la MRC réalise les travaux et envoie aux municipalités la facture de l’étude et de l’entrepreneur pour la réalisation des travaux. La municipalité décide par la suite si elle assume les couts et/ou s’il y a lieu de faire une répartition de ces coûts. 

[189]     C’est elle qui prépare le formulaire déposé sous D-14, signé suite à l’inspection du terrain de monsieur Angers. Elle désirait l’informer de la position de la MRC et vérifier si monsieur Angers désirait renonce à participer aux travaux.

[190]     Elle assiste à une rencontre avec Ostiguy en vue de l’adoption du règlement 293-16.

[191]     Elle dépose un avis d’infraction (D-10) transmis à Ostiguy. Le point de vue de la MRC était qu’il y avait présence d’un « cours d’eau » et ce qu’Ostiguy venait de faire nuisait à l’écoulement des eaux sur les terres en amont. Depuis 2013, c’est la MRC qui agit dans ces cas. Elle dépose le règlement adopté sous P-20.

[192]     Elle aborde par la suite la poursuite de Pierre Voghell contre la MRC. Cette poursuite a été intentée le 23 novembre 2015 (P-13). Cette poursuite a été transmise aux assurances et selon Brin il appartenait à la MRC de faire quelque chose, de « prendre action ». La base des reproches de Voghell est que la MRC n’a pas fait son travail qui est d’appliquer la Loi concernant l’écoulement des eaux dans un « cours d’eau ».

[193]      Elle a bien reçu les demandes de l’expert Hébert. Celui-ci désirait obtenir certaines cartes. Elle témoigne que la MRC ne transmet pas d’emblée de tels documents, des règles de confidentialité s’appliquent à la MRC. Elle soutient lui avoir donné accès au plan d’aujourd’hui, mais elle témoigne ne pas pouvoir reculer dans le temps et transmettre les cartes antérieures concernant ce secteur.   

[194]     Brin dit avoir été consultée en 2012 par St-Martin pour savoir si la dépression en question est un « cours d’eau » ou un fossé. Elle a par la suite communiqué avec Pierre Voghell.

[195]     Elle confirme avoir constaté la présence d’une avaloire constituant une obstruction dans le cours d’eau. Cela étant le résultat d’un détournement d’eau chez Pierre Voghell.

[196]     On réfère madame Brin aux paragraphes 9 et 10 de sa déclaration où elle dit :

« (…)

9.          Je sais qu’à l’époque, monsieur Ostiguy de Fermes DRO prétendait que le cours d’eau qu’il était à remblayer n’était pas qualifié comme tel par l’inspectrice de la Ville de Saint-Césaire et que c’est probablement sur la base de cette information, qu’il avait procédé à ces travaux; en effet, la MRC n’a pas compétence sur les fossés;

10.        Le permis que Saint-Césaire a délivré à Fermes DRO, en 2012, pour l’abattage d’arbres dans ce secteur, de même que la note manuscrite qui y était jointe, sont produits comme pièce D-9 (la photographie annotée est déjà produite comme pièce P-21) ; ce document ne sera porté à ma connaissance qu’en mars 2014; (…) »

[197]     Au paragraphe 14, elle parle d’une rencontre le 15 novembre 2013. Il y a erreur au niveau des dates. Elle en a pris connaissance en 2013, mais la municipalité a été informée du dossier par la suite.

[198]     Elle connaissait l’existence de la carte P-33 qu’elle décrit comme un vestige du MAPAQ qui servait d’aide-mémoire. Cette carte pour elle ne faisait pas partie du processus d’analyse. Elle fait la distinction entre la carte du MAPAQ et celle d’Hydro Québec. De par son mandat, la MRC a hérité des archives du MAPAQ, ce qui comprend les cartes du territoire. Elle reconnaît que sur cette carte il est écrit « plan de la rivière Barbue et branches 1 à 54 ».

[199]     Le MAPAQ aurait délaissé ce champ de compétence vers le début des années 1990. À partir de 1992, la MRC a débuté à s’occuper de ce sujet et par le fait même récupéré les archives du MAPAQ. La MRC est devenue la gardienne des archives entreposées dans une voute anti feu à la MRC.

[200]     Suite à la demande de Pierre Voghell, elle se rend inspecter l’endroit. C’est là qu’elle prend connaissance pour la première fois du lit identifié par le tracé bleu. Selon elle, cet endroit est typique d’un « cours d’eau » en terre agricole.

[201]     Elle a par la suite donné mandat à ALPG afin de se prononcer sur la détermination à savoir s’il s’agit ou non d’un « cours d’eau ». Elle avait cependant déjà statué qu’il s’agit d’un « cours d’eau ». Le rapport de ALPG ne l’a pas contredit.

[202]     Elle constate un tracé linéaire pour une partie du tracé, mais elle ne se demande pas comment un tel tracé est possible en présence d’un « cours d’eau » naturel.

[203]     Elle ne s’est tout simplement pas posé la question. Elle constate que 0 à 500 c’est un tracé naturel, mais de 500 à 1,850 c’est, selon elle, aussi un tracé d’origine naturelle.   

[204]     Les travaux projetés le sont pour le réaménagement du « cours d’eau » afin de revenir au tracé d’origine et elle réfère à ce sujet à un tracé original avant une quelconque intervention humaine.

[205]     Le ministère a été impliqué au dossier parce que la MRC doit obtenir leur autorisation en vertu de la LQE.

ANALYSE

[206]     Avant d’entreprendre l’étude de l’article 103 LCM comme tel, il convient de préciser qu’il n’existe aucune définition de la notion de « cours d’eau » dans le contexte de cette loi. L’auteur Daniel Bouchard écrit sur le sujet dans son article « Fossé ou cours d’eau : une distinction qui a des implications? »[2] :

« (…)

Pour un juriste, la règle est simple en matière d’interprétation : on s’en tient aux définitions retenues par la loi quant au sens à donner à un mot ou, en l’absence de définition dans la loi, on s’en remet au sens usuel des termes : et c’est dans le dictionnaire, généralement, qu’on retrouve ce sens usuel.

Malheureusement, en ce qui a trait aux notions de « cours d’eau » et de « fossé », cette règle est de peu d’utilité. Aucune loi, en effet, ne définit ce qu’est un cours d’eau ; et les dictionnaires ne sont guère utiles non plus, on l’a vu, pour fournir une réelle piste de solution; (…) »

[207]     Le tribunal est d’accord avec le fait qu’il faille s’en remettre au sens usuel des termes pour répondre à la question posée dans ce litige. Nous y reviendrons lors de l’examen de l’interprétation qu’en ont donnée certains intervenants ou représentants des autorités municipales.

[208]     L’expression « cours d’eau » se retrouve dans d’autres contextes législatifs qui ont des objectifs différents. Me Bouchard écrit :

« (…)

Maître Brassard souligne donc que le rôle joué par les municipalités (principalement les MRC) en vertu de la L.C.M. en matière de gestion de l’écoulement des eaux dans les cours d’eau n’a « aucun lien direct avec la mise en application de la Politique de protection, laquelle relève principalement de l’autorité des municipalités locales pour les projets à des fins résidentielles. » Elle ajoute que le rôle de gestion de l’écoulement des eaux « ne vise pas directement la qualité de l’eau », laquelle relève de la compétence du ministre de l’Environnement. Elle conclut que la Politique de protection de 2005 ne s’est pas révélée d’une grande aide pour « concilier » les diverses notions de « cours d’eau » et de « fossé » ayant cours dans chacune des sphères sociales où ces notions exigent une définition.

Pour elle comme pour nous, incidemment, l’existence de plusieurs interprètes (chaque intervenant dans le domaine de l’eau étant un interprète potentiel de ces notions) et de plusieurs domaines de préoccupation sociale (la protection des berges est certainement un domaine de préoccupation sociale tout aussi pertinent que celui lié à la délimitation de la propriété publique) fait en sorte, vu l’absence de définitions législatives de ces notions, que plusieurs interprétations coexistent et qu’il en résulte confusion […] ;

(…)

La solution serait que ces notions (fossé et cours d’eau) soient à tout le moins définies aux fins de l’application des lois qui doivent les prendre en compte. Or, ce n’est pas le cas. En fait, il semble qu’il faille accepter, du moins pour l’instant, que la portée de ces notions soit définie au cas par cas selon la législation applicable et la matière en cause. (…) »

[209]     Pour déterminer si le lit d’écoulement est un « cours d’eau » relevant de la compétence de la MRC, il faut examiner les faits à la lumière des critères contenus dans l’article 103 LCM précitée.

1)   Il n’existe qu’en raison d’une intervention humaine

1.1)      Le tracé rectiligne

[210]     Un cours d’eau ne peut partir de nulle part et se terminer nulle part. Les quatre photos aériennes que les demandeurs ont prises entre 1964 et 2016 démontrent de l’avis du tribunal l’absence de cours d’eau. À la vue de ces photos, les tracés linéaires que l’on voit sur celles-ci démontrent qu’ils ont été faits par la main de l’homme. Ils débutent et se terminent sans aucun lien avec le début d’une source d’eau et la fin d’une source d’eau. Comme le suggèrent les demandeurs, un cours d’eau ne peut partir de nulle part et se terminer nulle part. Cela participe à démontrer que du point 500 à 1,850 il s’agit bel et bien d’une rigole creusée par l’homme sur les lots concernés. Les photos déposées sous P-22 représentent bien la situation.

[211]     L’expert Hébert démontre, à partir des photos, l’existence d’un tracé rectiligne de ce fossé sur une grande partie de son parcours. Il fait remarquer la présence de quatre (4) changements de direction à angles droits aux limites des lots 1 593 915 et 1 593 918 et 1 593 915 et [...0]. Sur les photos de 1950, p. 39 et celles de 1964, p.41, le tracé est similaire à celui de 1930.

[212]     Le tribunal retient la proposition de Hébert à l’effet que ces changements de direction à angles droits sont contraires aux méandres naturels que l’on retrouve normalement dans un « cours d’eau ». Le tribunal est d’accord avec Hébert lorsqu’il propose qu’il soit par conséquent donc raisonnable d’y voir là l’œuvre de l’homme.

[213]     Comment un lit d’écoulement d’un cours d’eau naturel peut créer un tel tracé?

[214]     La trajectoire du fossé est, pour le tribunal, un élément convaincant pour conclure que le fossé en cause a été construit par la main de l’homme, sauf pour le chaînage 0 à 500 qui, lui, fait clairement voir un tracé sinueux. Le tracé du chaînage 500 à 1,850 n’est vraisemblablement pas le prolongement de la portion sinueuse comprise entre le chaînage 0 à 500.

[215]     Peu importe que l’on examine l’une ou l’autre des photos aériennes, la plus ancienne datant de 90 ans, le tracé demeure substantiellement le même et est en tout temps rectiligne avec présence de quatre angles droits de changements de direction. 

[216]     Rien n’appuie le point de vue de l’expert Lachance à l’effet que ce lit d’écoulement aurait été construit dans un lit d’eau naturel qui existait à cet endroit préalablement. Il faudrait comprendre de ce point de vue que la main d’homme a modifié le tracé sinueux pour le rendre rectiligne, rien ne supporte cette assertion.

[217]     Concernant la première méthode « relation de géométrie hydraulique du lit d’écoulement à l’aide du bassin versant », Lachance note dans l’explication de cette méthode que le lit d’écoulement, selon « nos observations », n’aurait pas été perturbé par l’homme. Il ajoute : « on note sur ce segment la présence d’un tracé sinueux du lit d’écoulement. Ce segment de +ou- 350 mètres est localisé sur le lot 1 593 898. »

[218]     Cette affirmation de l’expert Lachance, qui propose que le tracé du lit sous étude n’aurait pas été perturbé par la main de l’homme, surprend lorsqu’on tient compte du tracé du lit d’écoulement. La simple vision de ce tracé contredit l’expert.

[219]     Le tribunal se permet de suggérer que lorsque l’expert ne parvient pas à expliquer le processus scientifique utilisé, mais se contente d’en donner les résultats, la crédibilité de son expertise en est d’autant affectée.

[220]     Le défi d’un expert est justement d’expliquer à des non-experts, ce qui comprend le tribunal, la méthode utilisée pour la rendre plausible et probante. Il ne suffit pas d’énumérer des concepts abstraits et de dire que ce concept utilisé appuie sa conclusion. Ici, qu’il s’agit d’un cours d’eau.

[221]     Cette façon de procéder affecte la valeur probante de l’opinion de l’expert.

[222]     Il en va de même de la deuxième méthode qui est faite à partir de la simulation du patron d’écoulement. Il explique que cette méthode consiste à valider, à l’aide d’indices topographiques, si la topographie et la forme du bassin versant pouvaient produire un écoulement suffisamment important pour développer un réseau hydrographique et des chenaux naturels. Comme explication, il réfère tout simplement à la méthodologie qui est disponible en annexe A. L’expert ne donne aucune explication sur cette méthode. Le tribunal a lu l’explication de cette méthodologie sans en comprendre la validité et par conséquent la valeur probante.

[223]     De deux choses l’une, ou cette méthodologie est probante et on en explique les tenants et aboutissants, ou elle ne l’est pas et on y réfère sans expliquer sa nature. Il est possible que l’explication de cette méthode puisse être très, voir trop compliquée pour tous sauf l’expert. En tel cas, le tribunal ne peut conclure que la méthodologie respecte le fardeau de la preuve qui est imposé à l’expert.

[224]     La preuve par simulation a ceci de particulier, soit de tenter de reproduire une réalité à partir d’un processus de simulation. On peut avoir l’impression de voir ou de reproduire la réalité, ce qui en fait n’est pas exact est faux. Cette réalité qu’on nous représente est simplement simulée.

[225]     Ce type de preuve admis par les tribunaux doit se faire d’une manière à rendre probable le cheminement menant au choix et à la méthode de simulation.

[226]     Lorsqu’il est question de simulation, les tribunaux doivent faire preuve de prudence. C’est une façon de procéder qui est acceptée en preuve à condition toutefois qu’on explique en détail les étapes de la simulation. Ce fardeau de démonstration est imposé à celui qui dépose les résultats de la simulation et qui veut en bénéficier.

[227]     Comme ce moyen de preuve est une reconstitution de ce qu’on présente comme la réalité, il devra comme toute preuve d'un élément matériel, faire l'objet d'une preuve distincte qui en établisse l'authenticité, le tout en vertu des règles de preuve prévues au Code civil du Québec (art. 2855).

[228]     De façon concrète, il faut que l’expert qui dépose les résultats d’une simulation expose comment il a procédé, sur quels éléments matériels il se base pour en venir aux résultats de simulation présenté. 

[229]     Ce processus n’a pas été ici respecté.

[230]     La troisième méthode utilisée par l’expert portant sur le calcul des contraintes de cisaillement qui consiste à valider, à l’aide d’équations, si le ruissellement produit par le bassin versant pourrait créer des conditions permettant le déplacement des particules du sol, est tout aussi inexpliquée. L’expert témoigne avoir fait une modélisation hydrologique, à l’état naturel, à deux endroits distincts sur le bassin versant. Ces calculs hydrologiques ont été réalisés à l’aide du logiciel SWMHYMO, pour les récurrences de pluies de 14 mm, 22 mm, 1 an, 2 ans et 5 ans.

[231]     Les commentaires précédents s’appliquent en partie pour cet aspect de l’expertise de l’expert Lachance. Bien que la modélisation ne vise pas à reproduire par simulation une situation réelle, le fardeau de démontrer l’utilité de cette méthode est imposé aussi à celui qui l’invoque. Ici, encore l’expert donne le résultat sans expliquer le fondement ou le processus menant à ce résultat.

[232]     De cette analyse, le tribunal conclut qu’en toute probabilité le fossé transversal en cause parait être un fossé crée de la main de l’homme qui aurait été connecté à angle droit à la portion de la Rivière Barbue afin de permettre l’écoulement des eaux de surface des lots que l’on désirait drainer.

1.2)      La présence d’eau

[233]     Suivant le sens courant de l’expression « cours d’eau » on peut penser qu’on se réfère à un écoulement d’eau entre une source et une embouchure.

[234]     Or, dans le présent dossier, aucune trace d’un lit d’écoulement naturel n’est visible sur les photographies déposées. Il semble tomber sous le sens que de retrouver régulièrement de l’eau dans un cours d’eau.

[235]     Or, même lors de la visite des lieux de certains témoins, sauf pour les périodes de drainage, la preuve n’a pas été faite de présence d’écoulement continue d’une eau courante circulant dans le lit d’écoulement.

[236]     Le tribunal n’a vu aucune photo où on peut voir une présence d’eau, ce qui n’est pas sans conséquence lorsqu’il s’agit de déterminer s’il s’agit d’un « cours d’eau ».

1.3)      L’attitude de la MRC et l’accès à l’information et aux cartes des lieux

[237]     Traitant de la nature du tracé, il est important pour ceux qui se penchent sur ce tracé d’avoir accès aux cartes des lieux au fil des ans.

[238]     La notion de détermination de cette notion de « cours d’eau » est octroyée par le législateur à la MRC, cela rend la situation de la contestation de la décision de la MRC quelque peu problématique lorsque, comme ici, la MRC s’est déjà prononcée sur le sujet.

[239]     D’ailleurs, cette détermination donne lieu à une zone d’imprécision. Le choix que peut faire celui qui a à se prononcer sur cette question (à savoir qu’il s’agit ou non d’un cours d’eau) donne lieu à l’interprétation de critères laissant place à une large discrétion.

[240]     Autrement dit, si on veut contester le choix de la MRC de qualifier l’endroit de « cous d’eau », cette contestation doit pouvoir se faire à armes égales, c’est-à-dire permettant l’accès aux mêmes informations que la MRC a accès.

[241]     En accordant à la MRC le pouvoir de déterminer s’il s’agit ou non d’un « cours d’eau », le législateur ne peut avoir eu l’intention de faire en sorte que ce choix ne puisse être contesté.

[242]     Partant, la MRC doit faire preuve de transparence et donner accès aux informations demandées par la personne intéressée par cette détermination ou son représentant, ici l’expert Hébert. Par personne intéressée, le tribunal fait référence au propriétaire du lot qui voit ses droits affectés par la décision de la MRC.

[243]     La décision de la MRC de déterminer qu’il s’agit d’un « cours d’eau » a des conséquences importantes sur le droit de propriété des personnes visées par cette décision. Que ce soit en termes de libre usage de sa propriété ou de la fixation de la valeur du lot en cause. Les impacts sont énormes.  

[244]     D’ailleurs, comme l’a reconnu Brin lorsque Hébert lui demandait de l’information, elle savait très bien à quoi il référait, à quel lot il référait et à quel litige il était fait référence.  Lorsqu’elle a dit que le dossier était judiciarisé et qu’elle ne veut pas nuire à la démarche judiciaire en cours, elle a plutôt agi de manière à se protéger, à défendre son point de vue et celui de la MRC, en ne donnant sans motif accès à des informations dont la partie adverse n’a pas accès.  

[245]     Par conséquent, en refusant de donner l’information à laquelle Ostiguy et son expert avait droit, elle a agi de manière à nuire à la cueillette des informations en temps utile auxquelles Ostiguy avait droit.

[246]     Aussi, le tribunal considère que la MRC, organisme public, a une obligation d’agir de bonne foi dans l’exécution de ses devoirs que la Loi lui confie. La loi ne lui a pas confié un droit particulier à partir duquel sa détermination de la qualification d’un « cours d’eau » devient incontestable pour les propriétaires de lots visés par cette détermination.

[247]     On peut se demander pourquoi la MRC a agi de cette manière. Le tribunal propose que se voyant poursuivie par la municipalité et par Voghell, la MRC au lieu de garder son indépendance et impartialité dans le processus de détermination a plutôt choisi de céder à la pression créée par ces procédures et à orienter le dossier en fonction de la direction que lui suggéraient ces procédures.

[248]     Partant, elle a agi au détriment du droit des propriétaires de lots visés par la décision.

[249]     Les travaux proposés par la MRC suite à l’adoption de son règlement amènent des inconvénients importants pour les propriétaires, tel Roger Voghell, puisque ces travaux vont créer une tranchée au milieu de grandes parcelles de terre, ce qui nuit aux opérations de la ferme. Les travaux proposés vont éliminer des travaux d’améliorations foncières que les propriétaires ont pu faire au cours des années, entre autres, en installant un réseau de fossés mitoyens qui permet d’évacuer les eaux provenant des terres voisines.

1.4)      L’exemple de la MRC de Beauharnois

[250]     En cours de témoignage, Hébert se questionne sur l’attitude de la MRC. Il donne en exemple un cas semblable dans le secteur de la MRC de Beauharnois (annexe 11 de son rapport). Dans cet exemple, un cours d’eau intermittent apparaît sur les cartes du MAPAQ, il est remblayé avant l’entrée en vigueur de la LCM. Il s’agissait, comme ici, d’un « cours d’eau » non réglementé. La MRC l’a pris en charge et l’a considéré dans l’état où il était avant l’entrée en vigueur de la LCM et a exclu la portion remblayée avant 2006 du tracé qualifié de « cours d’eau ». Hébert se demande, avec raison selon le tribunal, pourquoi ici dans ce dossier la MRC de Rouville privilégie de réouvrir le fossé en litige alors qu’il est remblayé en parti depuis 20 à 30 ans et que le drainage des terres s’effectue par un réseau de fossés mitoyens.

[251]     Bien qu’on ne connaisse pas le contexte du dossier concernant la MRC de Beauharnois, on peut tout de même penser que la gestion du présent dossier aurait pu être semblable à celle proposée par l’expert dans cet exemple.

[252]     Aussi Hébert pose une question pertinente lorsqu’il écrit :

« (…)

Au départ, la prise de décision de la MRC de décréter des travaux visant à « restaurer » le fossé litigieux repose en partie sur un rapport de la firme ALPG produit en juillet 2015. Ce rapport abordait 3 scénarios pour rétablir l’écoulement de l’eau suite aux démarches de M. Pierre Voghell. Un avis écrit de la part du MDDELCC datant de février 2016 indique que, quel que soit le scénario retenu, une demande de certificat d’autorisation sera nécessaire. Dès lors, pourquoi la MRC a-t-elle privilégié l’option de recreuser le lit original du fossé litigieux, malgré l’opposition de la majorité des propriétaires impactés, alors qu’il est possible de dévier l’écoulement dans le fossé mitoyen séparant les terrains de M. Ostiguy et Pierre Voghell. Il est vrai que le MDDELCC dans ce cas-ci préconise la restauration dans son lit original, mais il n’interdit pas l’option de déviation. Bien que la MRC ait le pouvoir d’agir à sa guise, il est difficile de comprendre pourquoi en tant qu’organisme desservant le public, elle n’a pas tenu compte des commentaires de Roger Voghell et Daniel Ostiguy alors qu’une solution de compromis était à la portée. (…) »

[253]     Ce questionnement permet d’expliquer le fondement de la décision de la MRC par le fait que cette dernière s’est retrouvée au centre d’un litige où la municipalité et Pierre Voghell qui pressaient la municipalité de prendre position, à défaut, il y aurait poursuite judiciaire d’intentée contre elle. La MRC a choisi, à tort suivant le tribunal, de se mettre à l’abri de ces menaces de poursuites, pour se retrouver devant une autre poursuite, celle en cause, qui au final fait ressortir le caractère mal fondé, voire déraisonnable, de la décision de la MRC.

1.5)      Les forces tractrices

[254]     L’évaluation des forces tractrices est aussi utile à l’examen de la question posée. Selon l’expert Hébert, le débit d’eau en provenance du bassin versant est insuffisant pour créer un lit d’écoulement naturel. Par conséquent, il a fallu que le lit d’écoulement soit créé par le travail de l’homme.

[255]     L’opinion des deux experts est divergente sur ce point. L’expert Hébert prend en considération un sol présentant un certain couvert végétal, tandis que l’expert Lachance fait ses calculs en considérant un sol à nu.

[256]     Le tribunal préfère la position de l’expert Hébert, en prenant appui sur le fait que dans un milieu agricole comme celui en cause il est probable que le sol ne soit pas un sol à nu. À cet égard le tribunal réfère à la photo située à la page 77 du rapport de l’expert Hébert. Aussi, l’expert Hébert s’appuie sur un article scientifique qui traite justement de la question de la force requise par l’eau pour créer de l’érosion.

[257]     Le tribunal prend aussi en considération le fait que le calcul de l’expert Lachance a subi des modifications lors de l’audition et lors de son contre-interrogatoire.

[258]     Si le bassin versant est plus vaste, il y aura un débit d’eau plus important et donc susceptible de créer par l’érosion un lit d’écoulement naturel.

[259]     Cela devrait aussi avoir un impact sur la simulation du patron d’écoulement que présente l’expert Lachance dans son rapport (page 14, D-1). Cette simulation a été présentée dans le rapport sans que l’on puisse connaître la démarche derrière le résultat de simulation qu’il présente.

[260]     Aussi, il a admis que l’évaluation du bassin versant devait être modifiée passant de 115 hectares à 95 à 100 hectares.

[261]     Pour ces motifs, le tribunal considère que l’opinion de l’expert Hébert est probante en ce que l’eau provenant du bassin versant n’a pas le débit nécessaire pour créer par érosion un lit d’écoulement naturel à l’endroit où se trouve le fossé transversal et, par conséquent, le lit d’écoulement qui s’y trouve a été creusé par l’homme ayant comme objectif le drainage.

1.6)      Carte de 1973 du Ministère de l’Agriculture et de la Colonisation du Québec

[262]     Le tribunal réfère à la carte préparée en 1973 par le ministère de l’Agriculture et de la Colonisation du Québec. Il s’agit d’une carte qui porte sur la Rivière Barbue et cette carte ne montre aucune branche passant par les lots des demandeurs. Cette carte ne montre aucune branche pouvant être associée au fossé transversal en cause dans ce dossier.

[263]     Cela constitue un indice majeur du fait que le fossé en cause aurait été construit au fil des ans par la main de l’homme.

[264]     S’il y avait eu sur place un cours d’eau, celui-ci aurait été indiqué comme branche de la Rivière Barbue par ceux qui ont préparé cette branche.

[265]     On ne peut non plus raisonnablement prétendre que le cours d’eau s’est créé par la suite.

[266]     S’il n’existait pas en 1973, il n’en existe pas davantage aujourd’hui.

[267]     Sur la carte les branches qui apparaissent sont les numéros 1 à 54. La branche 56 a été créée par la MRC lors de l’adoption du son règlement en 2016.

[268]     Cela appuie le point de vue à l’effet que la MRC a agi dans ce dossier en réaction à la poursuite intentée contre elle.

[269]     Autrement dit, la MRC ne s’est pas demandé objectivement si la portion du lit d’écoulement était ou non un « cours d’eau », mais a décidé qu’il en était ainsi et les décisions subséquentes ont été prises pour appuyer ce point de vue initial à l’effet qu’il s’agit d’un cours d’eau.

1.7)      La demande de 1976 de Voghell et les autres plans de drainage déposés          par d’autres propriétaires

[270]     Tel que révélé par la preuve en novembre 1976, Voghell a présenté au ministère de l’Environnement de l’époque une demande d’autorisation. Lors de l’étude de cette demande, le ministère n’a identifié à cet endroit aucun « cours d’eau ».

[271]     Tout comme pour la carte D-2, il faut rappeler que cet examen par le Ministère est antérieur à la LCM.

[272]     Même chose pour les plans de drainage P-25 à P-28 déposés par d’autres propriétaires de lots traversés par le fossé en cause.

[273]     Notons que sur le plan P-29, concernant le terrain de monsieur Normandin, apparaît une mention à l’effet que le terrain est traversé par « un cours d’eau sans dénomination ». Ici aussi il faut tenir compte du fait que le Code municipal à cette époque donnait une définition large de « cours d’eau ». Rappelons qu’à cette époque un fossé entièrement créé par l’homme qui servait à l’écoulement de plus de deux terrains pouvait être considéré comme un « cours d’eau ».

[274]     Même chose pour le rapport P-24, concernant le projet de drainage de Roger Voghell, où on inclut dans l’analyse des cours d’eau, page 6 de 13, les fossés F1-2 et F1-3. Ces fossés sont des fossés de lignes selon les informations de la page 7 de 13, dont d’origine humaine. Ces fossés sont présentés comme des cours d’eau, alors qu’ils ne sont pas d’origine naturelle.

[275]     Autrement dit, la présence d’un lit d’écoulement sur une carte de 1974, soit 44 ans après les informations obtenues de la carte de 1930, semble moins crédible et ne constitue pas un indice à l’effet que ce lit d’écoulement serait d’origine naturelle et non anthropique.

[276]     De l’ensemble de cette analyse, le tribunal conclut que le lit d’écoulement n’existe qu’en raison de l’intervention humaine.

2)   Bassin versant de moins de 100 hectares

2.1)      Les évaluations antérieures de la MRC

[277]     Cette question a été abordée précédemment. L’expert de la demande, monsieur Hébert, conclut à une dimension du bassin versant de 76.9 hectares. Comme on l’a vu, l’expert modifie son évaluation initiale pour la ramener de 115 hectares à 100 hectares.

[278]     Les demandeurs soutiennent que le calcul de leur expert révèle une grande précision puisqu’il a été préparé à l’aide des données d’élévation LIDAR, acronyme de « Light Detection And Ranging ».

[279]     En 2015, la firme ALPG avait été mandatée par la MRC et avait fait état d’un bassin versant d’environ 70 hectares, le tout tel qu’il appert de la page 1 du rapport D-3, section 1.3.

[280]     Cette évaluation concordait avec une première évaluation de la MRC, tel qu’il appert de l’annexe 1 du rapport D-3. On y retrouve un document signé par madame Brin qui indique que la longueur des travaux anticipés serait d’environ 970 mètres et ajoute que le bassin versant du cours d’eau a une superficie d’environ 66.5 hectares.

2.2)      L’évaluation de l’expert Lachance

[281]     Il a été établi que l’expert Lachance concluait dans son rapport à un bassin versant de 115 hectares. Il a par la suite changé de point de vue, pour ramener son évaluation à 100 hectares. Un tel changement de position dans un rapport d’expertise surprend et affecte la crédibilité de l’expert.

[282]     Le tribunal ajoute que lors du témoignage de l’expert Lachance celui-ci ne semblait pas apprécier les questions posées. Il a manifesté une certaine impatience. Pourtant le contre-interrogatoire fait partie du processus et vise justement à évaluer le degré de crédibilité du témoin soumis au contre-interrogatoire. Selon le paragraphe B) de l’article 103, le bassin doit être de moins de 100 hectares et l’expert le ramène non pas à 99 ou moins, mais bien à 100 hectares. De l’avis du tribunal, l’expert Lachance a témoigné pour défendre le point de vue du client qui l’a engagé, soit la MRC.

[283]     Difficile pour un tribunal de faire la part des choses dans un domaine aussi technique. Lorsqu’un des deux experts modifie un élément important de son rapport initial et que rien ne laisse voir qu’il n’avait pas les éléments nécessaires pour apporter dès le début la bonne mesure du bassin versant, cela affecte la crédibilité de cet expert.

[284]     C’est la prise en compte du boisé qui a amené l’expert à changer son point de vue. En fait, le bassin a été évalué en utilisant des courbes d’élévation imprécises. Dans son rapport l’expert indique que la superficie du bassin versant a été déterminée à l’aide des courbes de niveau au 0.5 mètre.

[285]     Il tient compte du boisé situé au Nord-Est du lit d’écoulement, pour se rendre compte plus tard qu’il doit retirer ce boisé dans le calcul puisqu’il a après coup constaté que l’eau en provenant de ce boisé ne se rend pas au fossé faisant l’objet du litige.

[286]     L’eau rejoint ou non le fossé. Ce n’est pas un sujet de point de vue, c’est un fait qui se constate. Le fait de ne pas avoir fait la constatation factuelle à faire affecte la crédibilité de l’expert. Notons en plus que ce constat admis par l’expert Lachance a été fait lorsqu’il y a eu visite des lieux communs avec l’expert Hébert qui lui a fait remarquer ce fait.

[287]     Cela est d’autant plus surprenant qu’il a affirmé dans son témoignage qu’il a validé ses calculs par des visites sur le terrain. Il faut noter que son rapport ne mentionne aucune date de visite et ne contient aucune photographie. S’il y avait eu visite du terrain, on se serait attendu à une explication sur le fait qu’il n’a pas vérifié la portion du boisé pris en compte dans le calcul du bassin versant.

2.3)      Incorporation d’une portion de la route 112

[288]     Un autre élément doit être considéré dans l’examen du rapport de l’expert Lachance. Le nouveau tracé incorpore au bassin versant une portion de la route 112.

[289]     Dans son rapport original, plan 5, l’expert Lachance arrête le tracé du bassin versant à la limite Sud de la route 112, indiquant ainsi que l’eau provenant de la route elle-même ne contribue pas au bassin versant, alors que dans son nouveau tracé, le bassin versant se prolonge jusqu’au milieu de la route 112.

[290]     Ce changement visant à inclure dans le bassin versant la portion qui se prolonge jusqu’au milieu de la route 112 est aussi questionnable. On a fait remarquer à l’expert que la route 112 est bordée d’un fossé au Sud, ce fossé est logé par une piste cyclable le long de la route 112 et cette piste cyclable est elle-même bordée par un autre fossé.

[291]     Il devient dès lors peu probable que l’eau en provenance de la route 112 contribue à l’évaluation du bassin versant, ce que l’expert Lachance prétend.

[292]     Il est vrai que l’expert Lachance a suggéré la présence de ponceaux qui pourraient permettre le transfert de l’eau entre les fossés, ce qui pourrait soutenir sa position à l’effet que le bassin versant puisse se prolonger jusqu’au milieu de la route 112.

[293]     Cependant, lors du contre-interrogatoire fait par l’avocat des demandeurs, l’expert Lachance n’a pu indiquer l’endroit où se trouve ces ponceaux, ni combien on en retrouve. Il n’a pas non plus de photos à ce sujet.

[294]     Le tribunal considère qu’encore une fois c’est une observation facile à faire et à prendre en photo, si effectivement on fait une visite des lieux.

[295]     Pour ces motifs, le tribunal retient comme le fait la partie demanderesse et son expert que le bassin versant est plutôt d’une dimension inférieure à 100 hectares.

3)   UTILISATION AUX SEULES FINS DE DRAINGAGE

[296]     Pour remplir la condition décrite au paragraphe C) de l’article 103, le lit d’écoulement doit être utilisé aux seules fins de drainage.

[297]     Le fossé transversal n’a ici aucune autre fonction que de drainer les terres agricoles qu’elle traverse. Tous les témoins entendus confirment ce point de vue. Le fossé est en permanence ou presque à sec. Il sert à contrôler la présence d’eau et évacue l’excès vers les fossés de ligne ou vers la rivière.

[298]     Si Pierre Voghell a déposé une plainte, c’est qu’il se plaint d’une possible accumulation d’eau sur son lot et qu’il désire contrôler la présence de cette eau en l’évacuant vers les fossés de ligne ou la Rivière Barbue. Il désire drainer la présence d’eau sur son lot.

[299]     Le système de drainage, installé par Roger Voghell dans les années 1970, visait à remplacer le drainage effectué par le fossé. Il est toujours question de travaux de drainage.

[300]      Le tribunal retient que le fossé est utilisé aux seules fins de drainage des terres agricoles qu’elle traverse.

3.1)      Haute-Yamaska (Municipalité régionale de comté de la) c. Camping Granby inc.[3]

[301]     Il est ici utile d’examiner la décision en titre qui se penche sur la notion de drainage.

[302]     Dans ce dossier, la MRC concernée était d’avis que des travaux d’excavation ont été faits sans permis dans un cours d’eau sous sa juridiction. La défenderesse admet avoir fait certains travaux afin d’ouvrir douze terrains sur son camping. Elle ajoute qu’elle avait le droit de faire ces travaux, car cette section du cours d’eau est un fossé de drainage et non un cours d’eau.

[303]     Le litige porte sur une portion d’environ 10 % du parcours, l’autre 90 % est considéré par les deux parties comme un cours d’eau.

[304]     Une plainte pour travaux illégaux faits dans la portion en litige a été faite auprès de la MRC. Le coordonnateur des cours d’eau à la MRC considère que les travaux concernent un cours d’eau. Il faut par conséquent un certificat d’autorisation. Il considère qu’il s’agit d’un cours d’eau non anthropique et qu’il ne s’agit pas d’une situation de drainage. Pour lui, évacuer le trop-plein du petit lac, ce n’est pas le drainer. Si on draine, selon ce coordonnateur on veut rendre à sec.

[305]     Citant les dictionnaires le Nouveau Petit Robert 2007 et Le Larousse, drainer c’est se débarrasser de l’excès d’eau. En ce sens, contrôler le niveau du lac c’est enlever l’excès d’eau, sans nécessairement vouloir l’assécher. Drainer, c’est contrôler la présence d’eau.

[306]     La Cour d’appel examine le dossier et les questions en cause dans Haute-Yamaska (Municipalité régionale de comté de la) c. Camping Granby inc.[4] La Cour d’appel cite le juge de la Cour Supérieure :

« (…)

[31]       Il ne faut pas, selon le Tribunal, banaliser la notion de fossé de drainage sinon tout ce qui est filet d’eau sur nos terres agricoles québécoises sera qualifié de cours d’eau.

[32]       Certains fossés de drainage peuvent être stagnants, mais la plupart des fossés de drainage vont à un moment donné s’écouler, par gravité, dans un cours d’eau.  Ce faisant, en donnant une qualification rétroactive de cours d’eau à ce qui était au début un fossé de drainage, on dénature celui-ci.  D’ailleurs, dans l’exemplaire donné dans l’annexe 2 accompagnant le guide, on semble garder l’appellation "fossé de drainage" avant le point de jonction avec un cours d’eau. (…)

[307]     La Cour d’appel conclut que cette détermination tombe sous le sens et ajoute :

« (…)

[11]       Par ailleurs, un employé de l’appelante qui connaissait les lieux aurait identifié, en consultant une photographie aérienne de 2011, la présence d’une dépression sinueuse, à l’ouest du fossé, provenant de la forêt.  Cela lui sembla un cours d’eau naturel aboutissant dans le fossé litigieux, ce qui en ferait un cours d’eau assujetti.  Rendu sur place, en 2013, il constata toutefois que la dépression ne pouvait être localisée en raison, semble-t-il, de travaux exécutés sur la ligne séparatrice des lots.

[12]       Certaines questions demeurent sans réponse à la suite de ce témoignage.  Les photos commentées par le témoin n’ont pas été produites.  Lors d’une visite des lieux qui remonte à 2010, il n’a pas constaté que de l’eau de ruissellement aboutissait au fossé litigieux. En réponse à une question de l’appelante à ce sujet, l’expert de l’intimée a expliqué, en somme, qu’un fossé de drainage ne devient pas un cours d’eau parce qu’un écoulement diffus d’origine naturelle s’y retrouve. Quoi qu’il en soit, ce témoignage ne démontre pas que le cours d’eau que l’on a cru repérer existait en 2010, au moment des travaux litigieux. (…) »

[308]     La Cour d’appel conclut :

« (…)

[13]       Force est de conclure que le juge a écarté cette preuve de la dernière heure parce que non probante. (…) »

[309]     Le tribunal considère que cette décision de la Cour supérieure, confirmée par la Cour d’appel, appuie le point de vue des demandeurs.

[310]     Drainer, c’est se débarrasser de l’excès d’eau sans, dans tous les cas, assécher les lieux.

[311]     Drainer, c’est contrôler la présence d’eau.

[312]     Comme le suggère le juge Bellavance : « Il ne faut pas, selon le Tribunal, banaliser la notion de fossé de drainage sinon tout ce qui est filet d’eau sur nos terres agricoles québécoises sera qualifié de cours d’eau. »

4)  INTERPRÉTATION DE CERTAINS REPRÉSENTANTS

4.1)      Interprétation de madame Cadotte

[313]     L’analyse de la question posée se répond par l’examen de plusieurs éléments. D’une part, le fait que certains représentants en autorité soient de la municipalité ou même de la MRC constitue une indication.

[314]     Premièrement, Caroline Cadotte mentionne à Daniel Ostiguy (DRO) qu’il n’avait pas besoin de permis pour drainer son lot.

[315]     Madame Cadotte n’est pas n’importe qui, elle s’occupe de l’émission des permis pour la municipalité de Saint-Césaire.

[316]     Madame Cadotte l’informe clairement qu’il n’avait pas besoin d’aucun permis puisqu’il n’y avait aucun cours d’eau sur son lot.

[317]     Elle lui a remis un plan annoté sur lequel elle indique qu’il n’y a aucun cours d’eau (P-21).

[318]     Cette interprétation n’est pas sans conséquence. Madame Cadotte, qui a accès aux plans et documents pertinents, considère qu’il ne s’agit pas d’un cours d’eau.

4.2)      La demande de Voghell en novembre 1976

[319]     En novembre 1976, Voghell présente une demande afin de pouvoir faire des travaux de drainage sur son lot. À cette fin, il a fait préparer des plans de drainage pour satisfaire ce qu’exige le ministère concerné.

[320]     Lesdits plans de drainage sont déposés sous P-23. Or, il appert de ces plans qu’aucun « cours d’eau » n’est identifié, seuls des fossés apparaissent sur ces plans, tel que le précise la légende.

[321]     Le 18 novembre 1977, Voghell obtient l’autorisation pour faire ces travaux de drainage, avec rapport et directives (P-24).

[322]     Tel qu’en fait foi ce rapport, aucun « cours d’eau » n’est identifié sur le lot connu aujourd’hui comme état le [...7] du cadastre du Québec. Plus précisément, l’ingénieur qui a rédigé ce rapport traite de l’état des « cours d’eau » et ne mentionne aucun cours d’eau, il fait plutôt état de fossés devant être creusés et agencés pour évacuer vers la Rivière Barbue.

[323]     Ces faits mis en preuve appuient de manière convaincante la position des demandeurs dans ce dossier.

CONCLUSION

Nullité du règlement

[324]     Le tribunal est d’opinion que le passage permettant de façon intermittente à l’eau de traverser la propriété des demandeurs et des mis en cause est un « fossé privé » et non un « cours d’eau » au sens de l’article 103 (4) LCM.

[325]     Pour l’ensemble de ces motifs, le tribunal est d’opinion que le règlement no 293-16, est ultra vires et doit être déclaré nul de nullité absolue.

La demande en dommages

[326]     Les demandeurs réclament une indemnité pour troubles et inconvénients. Ils considèrent avoir été traités de manière cavalière par la MRC, et ce, tout au long du processus.

[327]     Le tribunal considère cependant que le sujet de la détermination de savoir s’il s’agissait d’un fossé de ligne ou d’un « cours d’eau » est un sujet qui pouvait donner lieu à interprétation. Il est possible que la MRC comme mentionné dans ce jugement ait voulu adopter une position et s’est employée à la défendre tout au long du processus. Cependant, le tribunal ne croit pas qu’il s’agit là d’un comportement fautif justifiant l’octroi des dommages réclamés.

[328]     D’ailleurs, la question des dommages a été plus que sommairement abordée lors de la preuve.

[329]     Somme toute, le recours en dommages doit échouer tout autant que le recours pour dommages punitifs.

[330]     POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[331]     ACCUEILLE la présente demande;

[332]     DÉCLARE que le passage permettant de façon intermittente à l’eau de traverser la propriété des demandeurs et des mis en cause est un « fossé privé » au sens de l’article 103 (4) LCM;

[333]     DÉCLARE le Règlement numéro 293-16 décrétant des travaux d’aménagement dans la Branche 56 de la Rivière Barbue adopté le 15 juin 2016 est nul de nullité absolue;

[334]     ORDONNE à la défenderesse MRC de cesser, sur les lots des demandeurs et mis en cause, la poursuite de tous travaux de quelque nature que ce soit en application dudit Règlement;

[335]     REJETTE le recours en dommages à l’encontre de la MRC;

[336]     LE TOUT, avec frais de justice et frais d’expertise.

 

 

__________________________________

STEVE J. REIMNITZ, J.C.S.

 

Me Jonathan Bachir-Legault

MUNICONSEIL AVOCATS INC.

Procureur des demandeurs

 

Me Armand Poupart

POUPART & POUPART, AVOCATS

Procureur de la défenderesse

 

Me Marie-Ève Paradis

BÉLANGER SAUVÉ

Procureure de la mise en cause, Ville de St-Césaire

 

Me Isabelle Blackburn

CAIN LAMARRE, s.e.n.c.r.l.

Procureure de la mise en cause, Fermes Pierre Voghell inc.

 

Dates d’audience :

Les 1er et 2 octobre 2018

Date du début du délibéré :

Le 12 novembre 2018

 



[1]     RLRQ c. C-47.1.

[2]     (2014) 2 C.P. du N. 153-186, aux pages 163-164.

[3]     2013 QCCS 3023.

[4]     2014 QCCA 2200.

AVIS :
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