Arrangement relatif à Endoceutics inc. | 2024 QCCS 1482 | |
COUR SUPÉRIEURE | ||
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CANADA | ||
PROVINCE DE QUÉBEC | ||
DISTRICT DE QUÉBEC | ||
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N° : | 200-11-028152-224 | |
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DATE : | 23 avril 2024 | |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE DANIEL DUMAIS, j.c.s. | ||
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DANS L’AFFAIRE DE LA Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, L.R.C. (1985), ch. C-36 | ||
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ENDOCEUTICS, INC. 15040582 CANADA INC. ENDOCEUTICS PHARMA (QUÉBEC) INC. ENDOCEUTICS SA ENDOCEUTICS PHARMA (USA) INC. | ||
Débitrices / Intimées | ||
et | ||
ENDORECHERCHE INC. | ||
Mise en cause | ||
et | ||
MILLICENT PHARMA LIMITED | ||
Requérante | ||
et | ||
ERNST & YOUNG INC. | ||
Contrôleur | ||
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JUGEMENT | ||
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[1] Le présent jugement statue sur le sort de diverses ententes liées aux droits de commercialisation, de distribution et de licence d’un produit pharmaceutique sur le territoire des États-Unis.
[2] Ce produit, appelé Intrarosa, a été développé par les sociétés débitrices. Or, celles-ci ont fait face à diverses difficultés financières qui les ont amenées à recourir aux protections et mécanismes prévus à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (« LACC »).
[3] C’est dans le cadre du processus de restructuration que se situe le litige. Il oppose le titulaire de la licence américaine, Millicent Pharma Ltd (« Millicent ») à la débitrice Endoceutics Inc. (« Endoceutics »), laquelle a octroyé la licence.
[4] Invoquant les dispositions de l’article 32 LACC, Endoceutics a envoyé un avis de résiliation de six contrats. Millicent s’y oppose.
[5] Le Tribunal doit donc interpréter cet article 32 dans un contexte de droit de propriété intellectuelle. Certaines des questions en jeu n’ont jamais fait l’objet de décisions par les tribunaux.
[6] Il ne s’agit pas, dans la présente section, de résumer la volumineuse preuve dans ses moindres détails. Le procès a duré sept jours, la documentation écrite est imposante et de nombreux témoins, dont quatre experts, ont été entendus. Une synthèse générale suffira de façon à comprendre l’analyse qui suivra.
[7] Incorporée en 2006, Endoceutics appartient à 100% à Endorecherche Inc. Elle est la société mère de ce qu’on appelle le Groupe Endo. C’est Endoceutics qui détenait, jusqu’en 2023, les droits de licence du produit Intrarosa. C’est elle qui supervisait et gérait l’ensemble des opérations du Groupe Endo, à partir de son siège social de Québec. Elle y employait 18 personnes.
[8] 15040582 Canada Inc., anciennement Endoceutics Pharma (MSH) Inc. (« MSH »), filiale d’Endoceutics était chargée des opérations et de la fabrication de l’Intrarosa à partir de son usine située à Mont-Saint-Hilaire. Environ 80 personnes y travaillent.
[9] Endoceutics Pharma (Québec) Inc., une filiale, détenait une usine à L’Ancienne-Lorette. Cette société est devenue inactive à la suite de la vente de ses actifs.
[10] Endoceutics Pharma (USA) Inc. est une autre filiale inactive. Elle est incorporée au Delaware.
[11] Endoceutics SA, troisième filiale, est incorporée en Belgique et détenait les autorisations de mise en marché de l’Intrarosa en Europe.
[12] AMAG Pharmaceuticals Inc. (« AMAG ») est une société basée en sol américain. En février 2017, elle s’est vu accorder les droits de propriété intellectuelle afin de vendre, commercialiser et distribuer l’Intrarosa aux États-Unis[1]. Elle aurait alors versé environ 73 000 000 $US à Endoceutics afin d’acquérir ces droits exclusifs.
[13] Millicent est une société privée américaine créée en 2018. Son président est M. Andy McClenaghan. Elle commercialise essentiellement deux produits pharmaceutiques destinés à la santé féminine. Le premier est le Femring alors que le second est l’Intrarosa. Millicent a acquis les droits de AMAG en mai 2020 pour environ 20 000 000 $US. C’est donc Millicent qui a remplacé AMAG dans sa relation contractuelle avec Endoceutics.
[14] CRG Servicing LLC (« CRG ») est un fonds d’investissement œuvrant dans le domaine de la santé. Il soutient le développement et la croissance de nouveaux produits. C’est CRG qui est le principal créancier garanti du Groupe Endo. Il le finance depuis le début de la mise en marché. À la fin 2022, sa créance s’élevait à approximativement 87 000 000 $CA. Elle totalise actuellement aux alentours de 75 000 000 $CA après la vente de divers actifs.
[15] Cosette Pharmaceutical Inc. (« Cosette ») opère également dans le secteur pharmaceutique. Elle est basée aux États-Unis. C’est elle qui a acquis, d’Endoceutics, l’ensemble des droits de commercialisation de l’Intrarosa à travers le monde, dont les droits de licence détenus par Millicent aux États-Unis, ces derniers faisant toutefois l’objet d’une clause conditionnelle à la résiliation des contrats avec Millicent.
[16] Ernst and Young (« EY ») agit comme Contrôleur désigné par la Cour depuis le début du processus de restructuration. C’est M. Martin Carrière qui assume la charge du dossier. Il a produit une dizaine de rapports.
[17] Monsieur Dennis Turpin a joint le Groupe Endo en 2018. Il en assume la direction depuis le décès du docteur Fernand Labrie, en 2019. C’est ce dernier qui a mené les destinées de l’Intrarosa du tout début jusqu’à sa mort.
[18] 14896394 Canada Inc. (« Canada Inc. ») est une société contrôlée par M. Jaafar Zerhouni. C’est elle qui a acheté l’usine de Mont-Saint-Hilaire au printemps 2023, au prix de 3 500 000 $CA. Elle fabrique l’Intrarosa de même que certains autres produits qui n’y sont pas reliés.
[19] Après des dizaines d’années de recherche en endocrinologie. Dr Labrie et son équipe ont développé l’Intrarosa. C’est un traitement qui soigne l’un des symptômes de l’atrophie vulvovaginale[2] qui se manifeste chez une partie importante des femmes ménopausées. L’Intrarosa, appliquée quotidiennement, vise à réduire ou éliminer les douleurs lors des relations sexuelles.
[20] Ce sont ces travaux et recherches qui ont conduit à la création, en 2006, de la société biopharmaceutique à l’origine du Groupe Endo.
[21] L’Intrarosa a été approuvé par la U.S. Food and Drug Administration (« FDA ») en 2016. Il a fait son entrée sur le marché américain l’année suivante. Il a ensuite été reconnu en Europe et au Canada.
[22] Il est actuellement approuvé dans une quarantaine de pays et commercialisé dans près d’une vingtaine. On le vend au Canada depuis l’automne 2022.
[23] Afin de débuter la commercialisation de l’Intrarosa aux États-Unis, Endoceutics conclut diverses ententes avec AMAG en 2017. Elle signe, entre autres, une Licence Agreement qui lui accorde l’exclusivité des droits de propriété intellectuelle sur l’ensemble des États-Unis[3]. AMAG verse environ 73 000 000 $US pour acquérir ces droits. Une entente intervient également entre AMAG et MSH pour confier la fabrication à cette dernière.
[24] Le contrat de licence prévoit un budget de lancement pour la première année du produit[4]. AMAG investit des montants substantiels pour la mise en marché, soit 135 000 000 $US[5]. Endoceutics contribue, elle aussi, en payant plus de 8 000 000 $CA pour de la publicité directe aux consommateurs.
[25] AMAG affecte plus d’une centaine de représentants aux ventes, fait beaucoup de publicité et investit énormément de temps et d’argent. Tel que prévu, elle verse des royautés (un pourcentage sur les ventes nettes) à Endoceutics.
[26] Si le produit effectue une certaine percée dans le marché, il ne performe pas à la hauteur des prévisions d’Endoceutics et des attentes d’AMAG. En fait, cette dernière ne fait aucun profit et perd de l’argent continuellement.
[27] Trois ans après la signature de l’entente, AMAG entreprend une démarche de vente de ses droits exclusifs. Elle initie un processus de vente en 2020, lequel conduit à une transaction avec Millicent. Celle-ci paie approximativement 20 000 000 $US à AMAG, ce qui représente une perte importante sur son investissement initial.
[28] C’est ainsi que Millicent remplace officiellement AMAG en mai 2020. Nous sommes alors entrés en pandémie depuis quelques mois.
[29] Les représentants de Millicent rencontrent ceux d’Endoceutics et leur exposent leur plan et leur stratégie, fort du succès antérieurement vécu avec un autre produit nouveau.
[30] Millicent n’entend pas poursuivre l’approche de vente et de marketing d’AMAG. Pour elle, il n’est pas question d’encourir des pertes et de dépenser sans limites. La croissance est requise pour entraîner des dépenses importantes. Elle vise la rentabilité.
[31] Soulignons ici, sans en discuter l’impact[6], que le contrat de licence contient des clauses qui :
i) Imposent un mécanisme de règlement des différends, dont un arbitrage, advenant conflit;
ii) Prévoient les avis à donner au cas de défaut d’une partie;
iii) Obligent Millicent à déployer des efforts commercialement raisonnables;
iv) Appliquent le droit de l’État de New York à l’ensemble du contrat.
[32] Millicent assume donc la commercialisation de l’Intrarosa en territoire américain depuis la mi-2020. Elle réussit à rendre profitables les opérations en ce qui la concerne et verse les royautés dues. Cependant, les ventes déclinent aux États-Unis. Ailleurs, dans le monde les résultats varient. Certains pays font mieux qu’avant, d’autres non. Chose certaine, ce sont les États-Unis qui demeurent le principal marché pour l’Intrarosa.
[33] Comme on le verra, aucun avis de défaut n’est envoyé à Millicent avant la signification de l’avis de résiliation de juin 2023 dont il sera question plus loin.
[34] Sans en discuter les raisons à ce stade-ci, il est indéniable que les affaires vont mal pour le Groupe Endo.
[35] Les ventes n’ont jamais atteint les prévisions initiales. La rentabilité n’est nullement au rendez-vous et les dettes augmentent.
[36] Cette réalité dure depuis le début[7]. Heureusement, le prêteur, CRG, accepte de supporter l’entreprise et de lui renouveler sa confiance. En échange, les coûts de financement sont très élevés. Les échéances ne sont pas respectées, les intérêts s’accumulent et l’avenir n’est pas rose.
[37] Au fil du temps, CRG accepte de modifier treize fois les conditions de ses contrats de prêt[8]. Elle reporte des échéances, réaménage les paiements, mais cela n’y fait rien. L’endettement progresse, d’autant plus que les taux de financement sont très élevés.
[38] Il n’y a pas que CRG qui vit cette situation. De nombreux créanciers ordinaires ne sont pas payés. Ainsi au 31 août 2022, selon la demande d’ordonnance initiale, on totalise des dettes de 55 421 000 $CA, en plus de ce qui est dû à CRG (87 640 000 $CA). Les états financiers démontrent un passif de 148 000 000 $CA à cette même date.
[39] Parallèlement à cela, le Groupe Endo cherche du financement et essaie d’intéresser des investisseurs. Ses démarches restent vaines puisque personne n’y donne suite.
[40] Dans la demande d’ordonnance initiale, M. Turpin explique ces revers et insuccès par divers éléments dont :
Un service de la dette insoutenable auprès de son principal créancier garanti (CRG);
Des prévisions financières jamais rencontrées et une réduction significative des ventes;
Des investissements importants pour soutenir le produit;
Un marché compétitif et peu innovant;
Des difficultés de pénétration dans un marché mature;
La compétition de produits génériques;
L’effet de la pandémie COVID-19[9].
[41] Il ne fait aucun doute que le Groupe Endo est en très mauvaise posture financière en 2022. Il se dirige vers la faillite si rien n’est fait.
[42] Dans son rapport du 24 septembre 2022, le Contrôleur écrit : « En résumé, le Groupe Endo a encouru et continue d’encourir des pertes d’exploitation importantes, lesquelles sont combinées à un niveau d’endettement élevé, et les débitrices font face actuellement à une crise de liquidités[10]. Le déficit de l’avoir des actionnaires atteint 112 400 000 $US au 31 août 2022 et Endoceutics ne peut rencontrer les échéances de son prêt envers CRG et ne dispose d’aucune autre source de financement ou de refinancement ».
[43] Le 23 septembre 2022, les débitrices déposent une requête afin d’obtenir une ordonnance initiale de protection telle que prévue par la LACC. Elles recherchent notamment la suspension de procédures judiciaires à leurs égards. Notons qu’Endorecherche Inc., mise en cause, n’est pas requérante et incluse dans le Groupe Endo.
[44] Trois jours plus tard, après une audience sommaire, la Cour supérieure prononce une ordonnance initiale, suspend les procédures envers les débitrices jusqu’au 11 octobre 2022, nomme EY à titre de Contrôleur et accorde d’autres mesures de redressement. C’est Mme la juge Lise Bergeron, j.c.s., qui rend jugement et demeure saisie du dossier.
[45] Le processus de restructuration est ainsi enclenché. Cela n’affecte pas la continuité des opérations. L’Intrarosa est toujours vendu, fabriqué et commercialisé tant aux États-Unis qu’ailleurs dans le monde.
[46] Des démarches sont entreprises afin de faire reconnaître la procédure de restructuration aux États-Unis. Ce qui permet d’y obtenir une protection similaire des actifs qui s’y retrouvent.
[47] L’ordonnance initiale, datée de la fin septembre 2022 est renouvelée périodiquement. À chaque fois, les débitrices s’adressent à cette fin à la Cour et le Contrôleur produit un rapport. C’est Mme la juge Bergeron qui émet les ordonnances sollicitées.
[48] Ainsi, la suspension de procédures est prolongée successivement au 10 novembre 2022, 7 décembre 2022, 31 mars 2023, 21 avril 2023, 15 mai 2023, 29 septembre 2023 et au 24 novembre 2023.
[49] Le 3 novembre 2022, les représentants et conseillers des débitrices, de CRG et du Contrôleur se rencontrent. Les débitrices font part des points saillants de leur plan de restructuration[11].
[50] Ce plan prévoit la mise en œuvre d’un processus de sollicitation précédé de la résiliation du contrat de licence consenti à AMAG puis cédé à Millicent. Les débitrices veulent se réapproprier les droits de distribution exclusifs pour les États-Unis et invoquent des manquements contractuels opposables à Millicent[12]. L’intention est d’attirer ainsi plus d’investisseurs/acheteurs et d’accroître la valeur des offres.
[51] CRG s’oppose à cette avenue de résiliation et désire que l’on débute le processus de sollicitation sans délai.
[52] C’est ce qui est fait. Les débitrices initient un processus de sollicitation visant à « maximiser la valeur des actifs et, idéalement, assurer le maintien de ses activités et de ses opérations, au bénéfice de toutes les parties prenantes »[13]. (…) « L’objectif du processus de sollicitation sera de solliciter l’intérêt et les opportunités pour une vente de l’entreprise et/ou vente des actifs, un investissement, une restructuration, une recapitalisation, un refinancement ou une autre forme de transaction de réorganisation concernant les débitrices »[14].
[53] Comme on voit, rien n’est trop défini quant à la forme de restructuration envisagée. Le processus de sollicitation, baptisé SISP[15], semble ouvert à bien des options. Quant au calendrier, on prévoit deux phases s’étalant sur 114 jours. On indique également que la créancière CRG sera consultée. Le SISP est approuvé par la Cour le 7 décembre 2022.
[54] Le 22 novembre 2022, les procureurs d’Endoceutics écrivent à Millicent : « Any action taken in violation of Section 34 of the CCAA and of the stay imposed pursuant to the Initial Order and the Relief Order is void, without effect and may warrant civil recourses. Therefore, Millicent cannot exercise the Supply Contingency Clause or take any step that would change the status quo regarding the manufacturing and supplying on Intrarosa »[16].
[55] Le procureur de Millicent y répond le 12 décembre 2022[17]. Il précise notamment que sa cliente désire le maintien du statu quo concernant la commercialisation et l’approvisionnement d’Intrarosa. Compte tenu des droits détenus par Millicent, il veut être informé du SISP, des développements et intentions d’Endoceutics et être impliqué avec les éventuels acquéreurs.
[56] Le 17 janvier 2023, M. le juge Panos de la US Bankruptcy Court du Massachusetts accueille une requête et reconnaît les procédures en vertu de la LACC comme des procédures étrangères principales conformément aux dispositions du chapitre 15 du US Bankruptcy Code.
[57] De concert avec les débitrices et CRG, le Contrôleur identifie 199 soumissionnaires potentiellement intéressés par le SISP. Ceux-ci sont contactés.
[58] Du nombre, 22 signent l’entente de confidentialité permettant d’accéder à la documentation et huit déposent une lettre d’intérêt. Trois de ceux-ci ne soumettent pas d’offre. Les cinq autres le font, en plus de CRG qui dépose une offre de type « Credit-Bid ».
[59] Quatre des offres reçues concernent, entre autres, les droits de commercialisation de l’Intrarosa aux États-Unis. Elles proviennent de :
CRG qui offre 12 000 000 $US pour l’ensemble des actifs et tous les droits de propriété intellectuelle portant sur l’Intrarosa, conditionnelle à une entente (ou résiliation) avec Millicent et à la mise à pied des employés du Groupe Endo;
Cosette qui offre 28 000 000 $CA pour l’ensemble des droits de commercialisation à travers le monde, ou 10 000 000 $CA pour ces droits excluant les É.-U.
Millicent qui offre 7 300 000 $CA pour les droits de commercialisation exclusifs de l’Intrarosa aux É.-U.
Searchlight Pharma Ltd qui offre 1 000 000 $CA pour les droits mondiaux sauf les É.-U.
[60] Par ailleurs, M. Jaafar Zerhouni, au nom d’une société, offre 3 500 000 $CA pour acquérir toutes les actions faisant partie du capital-actions de MSH de même que les actifs reliés aux opérations de cette compagnie. Il s’agit en fait de l’usine de Mont-Saint-Hilaire où se fabrique notamment l’Intrarosa.
[61] Désirant éviter que CRG s’approprie les droits, le Contrôleur entame des discussions avec Cosette. Comme la résiliation de l’entente Millicent risque d’engendrer un litige, il essaie d’obtenir un montant supérieur tout en sachant qu’il ne peut garantir le transfert des droits exclusifs en sol américain.
[62] Après négociations, Cosette module son offre portant sur certains actifs et sur la totalité des droits de propriété intellectuelle de l’Intrarosa, tel qu’il suit :
Une première tranche de 15 000 000 $CA payable à la clôture moyennant approbation de la Cour;
Une seconde tranche de 10 000 000 $CA payable si Cosette obtient les droits de commercialisation exclusifs de l’Intrarosa aux É.-U.
[63] Il s’agit donc d’une offre ferme incluant la possibilité pour Cosette d’obtenir plus (et de payer plus) si la condition prévue est remplie, ce qui suppose la résiliation du contrat avec Millicent.
[64] Cette offre combinée à celle de M. Zerhouni permet aux débitrices d’obtenir 18 500 000 $CA et de sauvegarder l’usine et les emplois qui y sont rattachés. CRG, seule créancière remboursée (partiellement) l’accepte tout comme le Contrôleur et les débitrices, sujet à l’accord de la Cour.
[65] Il est prévu qu’une réserve de 2 000 000 $CA soit conservée et utilisée pour financer la poursuite temporaire des activités et financer le litige relatif à la résiliation du contrat avec Millicent. Ce montant est précisé à l’entente avec Cosette et puisé à même le versement du 15 000 000 $CA. Cette même entente stipule que les débitrices s’engagent envers Cosette à entreprendre les efforts commercialement raisonnables pour résilier l’entente et mettre la main sur les droits de commercialisation de l’Intrarosa aux É.-U, ce qui permettra, le cas échéant, leur acquisition par Cosette.
[66] Dans son sixième rapport à la Cour, le Contrôleur recommande l’approbation de ces deux transactions. Nous sommes alors le 13 mai 2023.
[67] Une requête est donc soumise à cet effet. Or, CRG fait volte-face. Elle invoque un droit de veto prévu à l’article 4.9 du processus de vente. Elle plaide également que les transactions combinées sont insuffisantes. Elle requiert du Tribunal qu’il autorise la transaction de type « Credit-Bid » qu’elle a antérieurement proposée.
[68] Le débat est entendu les 15 et 16 mai 2023. Sans y prendre une part active, Millicent demande que l’on respecte ses droits.
[69] Le 18 mai 2023, Mme la juge Bergeron rend jugement. Elle rejette les prétentions de CRG et considère que sa conduite s’apparente à de la mauvaise foi. Elle prononce les ordonnances d’approbation et de dévolution et approuve les transactions de ventes d’actifs en dehors du cours normal des affaires. Celles-ci sont clôturées le 23 mai suivant.
[70] La plupart des emplois sont sauvés et les opérations liées à l’Intrarosa se poursuivent. Une entente de transition, signée par Cosette et Endoceutics, fait en sorte que cette dernière s’occupe notamment du suivi avec Millicent.
[71] Quant au produit de la vente, il sert à payer les employés et professionnels et le solde revient à la créancière CRG[18].
[72] Le 9 juin 2023, les débitrices transmettent à Millicent un avis de résiliation en vertu de l’article 32 de la LACC[19]. Elles donnent ainsi suite à leurs engagements contractuels envers Cosette. Le Contrôleur acquiesce à cette démarche. Selon les termes de cet avis, six contrats de Millicent sont visés et seront résiliés à compter du 1er novembre 2023.
[73] Parmi ces six contrats, on retrouve celui intervenu à l’origine entre AMAG et Endoceutics concernant les droits de propriété intellectuelle aux É.-U. et celui d’approvisionnement avec MSH.
[74] L’avis de résiliation réfère tant au texte de l’article 32(2) LACC qu’à l’article 32(6) en raison de défauts reprochés à Millicent, laquelle n’aurait pas respecté ses obligations contractuelles.
[75] Le 25 juin 2023, Millicent conteste cet avis de résiliation et dépose deux requêtes intitulées :
Application by Millicent Pharma Ltd to Lift the Stay of Proceedings to Allow for an Arbitration;
Application by Millicent Pharma Ltd for an Order that the Agreements are not to be Disclaimed or Resiliated.
[76] Le Tribunal et les parties tiennent ensuite diverses séances de gestion dans le but de mener ces deux demandes à procès le plus tôt possible. Des échéances sont établies, des interrogatoires sont tenus.
[77] C’est le juge soussigné qui est chargé d’entendre ces requêtes et d’assumer la gestion de ce dossier à compter du 24 octobre 2023.
[78] Le procès est fixé dans la semaine du 29 janvier 2024, tandis que les plaidoiries sont entendues les 13 et 14 février 2024.
[79] Le présent débat porte essentiellement sur la résiliation, ou non, de six ententes auxquelles sont parties l’une ou l’autre des débitrices et AMAG, cette dernière ayant cédé et vendu ses droits à Millicent.
[80] Les six contrats concernés sont les suivants :
[81] Le 9 juin 2023, les débitrices avisent Millicent et le Contrôleur de leur intention de résilier les six conventions ci-avant décrites en date du 1er novembre suivant[26]. Elles appuient cette démarche sur l’article 32(1) LACC. Elles invoquent, de plus, que Millicent ne pourra conserver et utiliser quelque droit de propriété intellectuelle, malgré l’art. 32(6), vu ses nombreux et répétitifs manquements à ses obligations contractuelles.
[82] Conformément à la loi, Millicent dispose de 15 jours pour s’opposer à cet avis. C’est ce qu’elle fait par l’envoi des deux requêtes ci-haut décrites à l’origine du présent jugement.
[83] Le litige soulève plusieurs questions que le Tribunal résume ci-après.
[84] D’abord, il doit décider s’il y a lieu d’ordonner que les six contrats ne soient pas résiliés en vertu de l’article 32(1), (2), (4) et (5) LACC. Se pose notamment ici la question de savoir qui assume le fardeau de la preuve. Advenant une ordonnance de non-résiliation, les ententes demeurent et doivent être respectées.
[85] En second lieu, si la résiliation est permise, il faut décider de l’impact de l’article 32(6) tenant compte de la nature des contrats. Cela nécessite l’analyse des aspects ci-après énoncés :
i) Les contrats visés confèrent-ils un droit d’utilisation de propriété intellectuelle?
ii) Qu’entend-on par « respect des obligations contractuelles à l’égard de l’utilisation de ce droit », tel qu’indiqué à l’article 32(6)?
iii) La détermination du non-respect des obligations (s’il en est) doit-elle se faire en vertu du mécanisme de règlement de conflits (notamment l’arbitrage) prévu à l’entente R-1?
iv) Dans la négative, le Tribunal doit se prononcer sur le respect (ou non) des obligations contractuelles incluant la question de savoir sur qui repose le fardeau de preuve;
v) Qu’en est-il des obligations futures des parties si les droits d’utilisation de la propriété intellectuelle sont maintenus?
a) Y a-t-il lieu d’ordonner que les six contrats ne soient pas résiliés?
[86] L’article 32 LACC est relativement nouveau. Son adoption remonte à 2009.
[87] Il permet à une débitrice de résilier les contrats auxquels elle est partie, et ce, dans le but de faciliter sa restructuration. C’est un droit statutaire distinct de ceux que l’on peut retrouver aux dispositions contractuelles ou en vertu du Code civil du Québec.
[88] Lorsque le Contrôleur acquiesce à la demande, la résiliation prend effet 30 jours après l’envoi du préavis sauf si une partie au contrat s’y oppose dans les 15 jours[27].
[89] C’est ici notre cas.
[90] Il revient alors au Tribunal de statuer sur la demande d’ordonner que le contrat ne soit pas résilié.
[91] L’article 32(4) réfère aux facteurs à prendre en considération. Il se lit ainsi :
32(4) Pour décider s’il rend l’ordonnance, le tribunal prend en considération, entre autres, les facteurs suivants :
a) l’acquiescement du Contrôleur au projet de résiliation, le cas échéant;
b) la question de savoir si la résiliation favorisera la conclusion d’une transaction ou d’un arrangement viable à l’égard de la compagnie;
c) le risque que la résiliation puisse vraisemblablement causer de sérieuses difficultés financières à une partie au contrat.
[92] Comme on le voit, trois facteurs, non limitatifs, sont énumérés.
[93] Il est clair qu’une débitrice soumise à la LACC possède le droit de résilier, sans avis de défaut préalable, les ententes qu’elle considère trop onéreuses ou contraignantes en vue de sa restructuration[28]. Tant l’article 32(1) LACC que la jurisprudence[29] vont en ce sens.
[94] Ce droit d’exception n’est cependant pas absolu. Si le cocontractant s’objecte, c’est le Tribunal qui décide de ce qu’il adviendra du contrat en jeu. Il appartient à la partie qui s’oppose de faire la demande à cet effet, car, à défaut, il y aura résiliation[30]. Il n’est cependant pas clair qu’elle ait une obligation de convaincre qui dépasse celle des débitrices. Aux yeux du soussigné, le Tribunal statue en fonction de tout ce qui lui est présenté, sans imposer de fardeau, plus à l’un qu’à l’autre. Il appartient à chacun de faire valoir ses prétentions après quoi le tribunal rend sa décision.
[95] En cette matière, le Tribunal exerce une discrétion judiciaire. Il doit procéder à son analyse en fonction des trois critères exprimés et d’autres éléments qu’il estime pertinents et appropriés.
[96] Il doit s’agir d’une évaluation globale, qui s’avère équitable et raisonnable[31] et qui tient compte de l’ensemble des parties prenantes sans se limiter aux seuls intérêts des débitrices et de ceux du cocontractant qui s’oppose[32].
[97] Qu’en est-il ici?
[98] Voyons d’abord les facteurs identifiés à l’article 32(4) LACC.
[99] L’opinion du Contrôleur, souvent qualifié des yeux et des oreilles du Tribunal[33], ne peut être discartée par ce dernier sans considération. C’est un expert indépendant qui mérite, en général, déférence de la Cour.
[100] Cela ne signifie pas, par ailleurs, que le Tribunal doive souscrire nécessairement et en tout temps à sa position. Si tel était le cas, on l’aurait écrit ainsi dans la loi.
[101] Le procureur du Contrôleur appuie fortement sur la règle dite du « business judgment » du débiteur :
« Du point de vue du Contrôleur, il ne lui appartient pas de substituer son opinion à celle du débiteur ou de vérifier le processus de révision et de négociation des contrats de ce dernier, le Contrôleur devant respecter le « business judgment » du débiteur »[34].
[102] Quoique reconnu en jurisprudence[35], ce principe ne peut lier automatiquement le Tribunal. Sinon, on en viendrait à ce que le Contrôleur endosse sans réserve le débiteur et que le Tribunal en fasse autant à l’endroit du Contrôleur. En fin de compte, c’est le débiteur qui déciderait sans égard aux arguments des parties affectées par la résiliation. Cela ne saurait être aussi simple que cela. Il faut aussi considérer la position des tiers intéressés, des créanciers et surtout des cocontractants.
[103] Le Contrôleur explique, en l’instance, avoir acquiescé à l’avis de résiliation du 9 juin 2023, car cette initiative était avantageuse ou bénéfique aux efforts de restructuration des débitrices, sans nécessairement en être un élément essentiel. Il réfère au « portrait global » de la situation, et aux intérêts de l’ensemble des créanciers et parties prenantes.
[104] De façon plus spécifique, il explique avoir considéré ce qui suit :
Dès le début du dossier, la résiliation faisait partie du plan de restructuration;
Au fil du temps, cette résiliation est devenue inévitable vu la teneur des offres reçues;
L’entente avec Cosette cristallise la nécessité de cette résiliation vu l’engagement contractuel des débitrices d’entreprendre les efforts commercialement raisonnables afin d’y parvenir;
Il fallait s’entendre avec Cosette et M. Zerhouni sous peine de voir le sauvetage échouer;
La résiliation assure la maximisation du recouvrement des créanciers, en ajoutant 10 000 000 $CA si les droits de commercialisation de l’Intrarosa aux É.-U. passent entre les mains de Cosette.
[105] En résumé, plaide-t-il la résiliation est bénéfique, voire essentielle, car c’est une condition de la mise en œuvre des transactions et de la restructuration. Elle met à l’écart celui que l’on considère responsable des ventes décevantes aux É.-U. (Millicent) et ajoute une somme substantielle pour les créanciers.
[106] Il est vrai que la possibilité d’une éventuelle résiliation a aidé à s’entendre avec les acheteurs. Mais la résiliation n’est pas garantie. Preuve étant qu’on a affecté un fonds de 2 000 000 $CA aux fins d’un litige. C’est une condition dont la réalisation incertaine n’est ni nécessaire ni exigée pour rendre le contrat valide et exécutoire. Celui-ci est en vigueur et ne peut être annulée, quelle que soit l’issue du présent débat.
[107] Tant les débitrices que le Contrôleur étaient conscients qu’ils ne pouvaient vendre à Cosette, sans condition et réserve, les droits de Millicent. Sinon, ils auraient accepté sa première offre de 28 000 000 $CA. Cosette le savait elle aussi.
[108] Devant cette incertitude, il a été convenu que la transaction aurait lieu, quoiqu’il arrive de la résiliation et qu’un paiement conditionnel s’ajouterait si elle était obtenue.
[109] Les débitrices soulignent qu’advenant absence d’autorisation de résilier, on privera les créanciers et autres parties prenantes d’un montant de 10 000 000 $CA. Toutefois, la réalité, c’est que c’est uniquement CRG qui en est potentiellement privée et que c’est elle qui a refusé, à l’issue de la rencontre du 3 novembre 2022, que l’on résilie les contrats préalablement ou concurremment au processus de sollicitation. Personne d’autre ne recevra d’argent. Il convient de rappeler ce qu’écrivait Mme la juge Bergeron dans son jugement sur requête pour l’émission d’ordonnances d’approbation et de dévolution où s’opposaient les débitrices et CRG :
« CONSIDÉRANT la conduite de CRG en tant que créancier garanti, qui s’apparente à de la mauvaise foi et qui constitue une fin de non-recevoir pour bris de l’équité du processus … ».
CRG ne peut s’en prendre qu’à elle-même si la résiliation n’a pas lieu et elle est bien mal venue de s’en plaindre.
[110] Il s’en est suivi que Millicent, elle-même soumissionnaire, n’a jamais été informée, à l’époque, que la résiliation de ses ententes était capitale pour le processus de restructuration. C’est plutôt l’inverse lorsqu’on lit la lettre qu’Endoceutics lui a envoyé le 22 novembre 2022[36]. Celle-ci exigeait alors, en phase de restructuration, que le statu quo demeure quant à l’approvisionnement et à la fabrication d’Intrarosa aux É.-U. On était bien loin de l’annonce d’une résiliation à venir.
[111] Le Contrôleur et les débitrices s’appuient sur la décision Quest University Canada (Re)[37]. Sauf que dans ce dernier jugement, la transaction de vente soumise pour approbation était conditionnelle à la résiliation de certains contrats et le débat portant sur l’approbation de la transaction et la résiliation demandée s’est tenu de façon conjointe. Tel n’est pas le cas ici, puisque ni les transactions ni la restructuration ne sont conditionnelles à la résiliation. Ce sont deux étapes distinctes.
[112] Les débitrices insistent aussi sur le fait que les tribunaux n’exigent pas que la résiliation soit essentielle aux transactions ou à l’arrangement[38]. Il suffit qu’elle y soit bénéfique ou avantageuse. C’est ainsi qu’il faut lire, plaident-elles, le second critère, lequel traite de la question de savoir si la résiliation favorisera la conclusion d’une transaction ou d’un arrangement viable à l’égard de la compagnie.
[113] Elles soumettent, tout comme le Contrôleur, qu’il faut interpréter ce second critère de façon large de sorte que l’on se satisfasse qu’un effet avantageux ou bénéfique aux efforts de la restructuration, découle de la résiliation. Or, la transaction, en l’espèce, a eu lieu avant l’envoi de l’avis de juin 2023. L’usine et ses emplois sont sauvés avant cet envoi et l’Intrarosa continue à être fabriqué, vendu et distribué tant à l’international qu’au Canada et aux États-Unis quoiqu’il advienne de la résiliation.
[114] Dans leur plan d’argumentation, les débitrices écrivent :
80. Considérant la pression de CRG, son refus de financer la conclusion de la restructuration qui incluait la mise en œuvre du processus de résiliation des Contrats de même que l’urgence d’agir très rapidement en raison de l’effritement des liquidités, Cosette a accepté que la condition de la résiliation des Contrats s’effectue après la clôture de la transaction, conditionnellement à ce qu’une somme de 10 000 000 $ soit retenue jusqu’à ce que les Contrats soient résiliés.
[115] On laisse ici entendre que la résiliation et le paiement additionnel potentiel de 10 000 000 $CA étaient assurés, mais simplement reportés après la clôture avec Cosette. Ce n’est pas ce que prévoit l’entente.
[116] Par ailleurs, aucune preuve ne démontre que les opérations futures, par l’entremise de Cosette aux É.-U., donneront de meilleurs résultats que ceux obtenus avec Millicent. On ignore s’il y aurait un effet bénéfique pour quiconque.
[117] Ça pourrait être l’inverse. La résiliation des ententes pourrait possiblement compromettre la restructuration. Par exemple, si Millicent conservait ses droits de licence par l’effet de l’article 32(6) et décidait de faire fabriquer le produit par une autre société que Canada Inc., il y aurait risque de baisse de production à l’usine de Mont-Saint-Hilaire. Les emplois sauvés ne le seraient peut-être pas pour longtemps.
[118] Quant à la performance de Millicent, il en sera question plus loin. Comme on le verra, on lui impute une bien grande part de responsabilité dans l’échec financier de l’Intrarosa alors que plusieurs éléments factuels pointent vers d’autres directions. S’il est vrai que le droit de résiliation statutaire de l’article 32 n’exige aucunement un défaut ou un avis de défaut préalable, on peut tout de même tenir compte du comportement des parties lorsqu’on veut faire porter le blâme par l’une d’elles.
[119] En ce qui concerne le troisième critère de l’article 32(4), la preuve ne démontre pas que la résiliation des ententes causerait vraisemblablement à Millicent de sérieuses difficultés financières. Elle risquerait de perdre des revenus,[39] mais cela ne veut pas dire que sa survie financière soit menacée. En revanche, on sait qu’elle a déboursé approximativement 20 000 000 $US pour acquérir les droits de commercialisation dont elle serait privée unilatéralement.
[120] D’autres aspects ont été soulevés par les parties au soutien de leur argumentation.
[121] Ainsi, les débitrices rappellent que le processus de restructuration en est un de continuité formée de jalons ou « building blocks » tel que mentionnée par M. le juge Horawetz dans Target Canada (Re)[40]. Les ordonnances antérieures doivent être gardées à l’esprit dans les démarches subséquentes de façon à ne pas préjudicier les droits des parties en relation avec ce qui a été fait depuis le début. Ainsi, l’engagement des débitrices de demander la résiliation des contrats avec Millicent, que l’on retrouve aux transactions approuvées par Mme la juge Bergeron, ne saurait être mis de côté.
[122] Or, les débitrices n’ont pas contracté l’obligation de résilier. Tous savaient qu’elles ne pouvaient s’y engager. Elles ont plutôt accepté de faire les efforts commercialement raisonnables à cette fin[41]. Aucun résultat n’est promis ou garanti comme le démontre la somme de 2 000 000 $CA dévolue à cet exercice.
[123] Personne ne peut reprocher aux débitrices de ne pas avoir fait les efforts attendus. On ne peut cependant dénaturer l’obligation et s’en servir comme si la résiliation contestée était acquise. Mme la juge Bergeron n’a aucunement tranché la question de la résiliation, d’autant plus qu’aucun avis n’avait été donné au moment de son jugement. Elle entendait l’opposition de CRG face aux débitrices et à Cosette. L’éventuelle résiliation n’était pas en jeu et n’était pas alléguée dans la requête pour l’émission d’ordonnances d’approbation et de dévolution du 11 mai 2023.
[124] Cela est tellement vrai que son jugement déclare expressément :
39 Orders that nothing in the present order affects the rights, if any, of Millicent Pharma Ltd, the debtors, the impleaded party, Endorecherche inc., the purchaser and their respective affiliates pursuant to s. 32(6) or 36(8) of the CCAA which rights, if any, shall be determined at a subsequent hearing…
[125] On retrouve également une telle réserve de droits dans l’ordonnance rendue par la Cour de faillite du district de Massachusetts[42].
[126] Les débitrices insistent que les deux transactions intervenues (avec Cosette et Canada Inc.) constituaient la seule avenue possible de restructuration permettant la continuité des opérations, au Québec, au bénéfice des utilisatrices d’Intrarosa, employés, fournisseurs et créanciers.
[127] Elles martèlent que l’article 36 LACC permet la vente de l’entreprise si cela assure le maintien des activités, le sauvetage des emplois, et ce, même si les débitrices, elles-mêmes, ne sont pas celles qui continueront les opérations.
[128] Millicent ne conteste pas cela. Le débat sur la forme de la restructuration a eu lieu et la Cour a autorisé la proposition du Contrôleur et des débitrices. Ce n’est pas l’enjeu discuté ici.
[129] La preuve entendue ne convainc pas que cette restructuration réussira mieux avec (plutôt que sans) la résiliation. Ce sera peut-être le cas, mais personne ne peut l’affirmer puisqu’on ignore ce qu’il adviendra de la commercialisation américaine de l’Intrarosa advenant résiliation.
[130] À première vue, l’absence de résiliation autorisée pourrait priver la créancière garantie CRG d’une somme importante. Le Tribunal a déjà relevé le comportement de ce créancier et son refus initial de résilier. Mais il y a plus. Même si les ententes étaient résiliées, les droits de Millicent seraient conservés en vertu de l’article 32(6) comme on le verra dans la prochaine section. Personne n’est donc privé de rien puisque les débitrices ne pourraient transférer ces droits à Cosette, laquelle n’aurait pas à payer le 10 000 000 $.
[131] On mentionne, du côté des débitrices, que le plan de restructuration prévoyait, dès octobre 2022, la résiliation des ententes. Ce n’était pas l’avis de CRG. Elle voulait faire vite et vendre avant toute résiliation. Cette restructuration n’est (et n’était pas) tributaire d’une résiliation obligatoire. Sans résiliation, l’Intrarosa continuera d’être vendu et commercialisé aux É.-U. (et ailleurs). Des royautés seront versées comme c’est le cas depuis l’ordonnance initiale. L’usine poursuivra ses activités à Mont-Saint-Hilaire. Quant aux débitrices, elles deviendront inopérantes, peu importe ce qu’il advient de la résiliation.
[132] Si la résiliation était au cœur du processus, pourquoi avoir exigé de Millicent qu’elle maintienne le statu quo en novembre 2022? Pourquoi ne pas l’avoir informé de ce qui était projeté? Pourquoi l’avoir laissé participer au processus de sollicitation (elle a offert 5 400 000 $US pour acquérir les droits américains dont elle détenait la licence) sans l’aviser des intentions projetées? Pourquoi, en juin 2023, lui donner un avis effectif au 1er novembre 2023 alors que la résiliation s’opère dans les 30 jours selon la loi[43]? Pourquoi rappeler Cosette pour négocier, mais pas Millicent?
[133] Il ne s’agit pas, ici, de se défaire d’un contrat désavantageux dans le but de relancer l’entreprise, de maximiser le recouvrement des créanciers ou de sauver des emplois. Il s’agit plutôt de permettre à un compétiteur-acquéreur de mettre la main sur des droits de licence dans un contexte où la restructuration est déjà mise en place, fonctionnelle[44] et sera complétée dès que la résiliation (ou la non-résiliation) sera réglée. En fin de compte, on cherche à priver Millicent de ce qu’elle a acheté pour 20 000 000 $US en le revendant à un compétiteur pour moins que la moitié du prix.
[134] Avec ce qu’il a entendu et pour les motifs ci-avant exposés, le Tribunal ne considère ni équitable ni raisonnable de donner son aval à la résiliation statutaire des contrats avec Millicent.
[135] Il ne peut conclure, contrairement à l’affaire Century Services Inc. c. Canada (Procureur général)[45] que son « ordonnance contribuera utilement à la réalisation de l’objectif réparateur de la LACC, à savoir éviter les pertes sociales et économiques résultant de la liquidation d’une compagnie insolvable »[46]. Cet objectif est déjà atteint sans que la résiliation soit nécessaire.
[136] Cette conclusion s’impose d’autant plus que la résiliation des ententes n’apporterait pas les effets escomptés par les débitrices comme on le verra ci-après.
b) Qu’en est-il des droits de propriété intellectuelle tenant compte des dispositions de l’article 32(6) LACC?
[137] En fonction de la réponse donnée à la première question, le débat est clos et la résiliation des contrats n’est pas autorisée. Ceux-ci demeurent donc en vigueur et opposables aux parties.
[138] Malgré cela, le Tribunal entend se prononcer sur les diverses questions liées à l’article 32(6) LACC. Les parties y ont consacré une portion importante du procès et il serait inapproprié de ne pas leur fournir l’éclairage de la Cour même si cela s’avère en obiter dictum.
[139] Voici donc ce qu’aurait décidé le Tribunal sur ces aspects dans l’hypothèse où il aurait accepté la résiliation des ententes.
i) Les contrats visés (6) confèrent-ils un droit d’utilisation de propriété intellectuelle?
[140] Il convient, en premier lieu, de citer le texte de l’article 32(6) LACC :
(6) Si la compagnie a autorisé par contrat une personne à utiliser un droit de propriété intellectuelle, la résiliation n’empêche pas la personne de l’utiliser ni d’en faire respecter l’utilisation exclusive, à condition qu’elle respecte ses obligations contractuelles à l’égard de l’utilisation de ce droit, et ce pour la période prévue au contrat et pour toute période additionnelle dont elle peut et décide de se prévaloir de son propre gré.
[141] Du côté de Millicent, on plaide que les droits de licence consentis par Endoceutics constituent tous des droits d’utilisation de la propriété intellectuelle de l’Intrarosa. Il en est de même des ententes connexes qui en découlent. Bref, pour elle, les six contrats résiliés jouissent de la protection législative de l’article 32(6) LACC.
[142] Endoceutics voit les choses différemment. Parmi les contrats, seule l’entente de licence R-1 accorde des droits d’utilisation de propriété intellectuelle à Millicent. Les ententes d’approvisionnement, de qualité, et de « non disturbance » ne sont nullement concernées puisqu’ils ne confèrent aucun droit d’utilisation de la propriété intellectuelle.
[143] Le Tribunal donne raison à Endoceutics. L’article 32(6) a été adopté afin de préserver les droits de licence consentis à autrui même si on résilie l’entente lui attribuant de tels droits. À l’origine, cet article était destiné à protéger les licences technologiques. C’est une mesure protectrice pour éviter qu’une partie soit privée injustement des droits de licence obtenus et qu’elle puisse continuer à les utiliser. On désire éviter ce qui est survenu aux É.-U. dans l’affaire Lubrizol[47]. La Cour d’appel du 4e circuit y avait conclu que le détenteur d’une licence dont le contrat est résilié perd son droit d’utiliser la propriété intellectuelle attachée à cette licence.
[144] La présente affaire se présente sous un jour différent (et peut-être imprévu). En effet, il ne s’agit pas de propriété intellectuelle liée à la technologie, mais plutôt au monde pharmaceutique. Quoiqu’il en soit, nul doute que Millicent a acquis des droits de licence portant sur la propriété intellectuelle de l’Intrarosa. Ces droits sont donc sujets à la protection de l’article 32(6), ce qui n’est pas le cas pour les cinq autres contrats qui portent sur un objet différent.
ii) Qu’entend-on par « à condition qu’elle respecte ses obligations contractuelles à l’égard de l’utilisation de ce droit »?
[145] Tous ont reconnu à l’audience qu’il n’existe pas de précédents sur cette question nouvelle. La difficulté est d’autant plus grande lorsqu’on considère qu’il ne s’agit pas, en l’instance, de l’utilisation d’une licence technologique, mais de droits de commercialisation d’un produit pharmaceutique. La réponse ici donnée ne vaut donc pas nécessairement à titre de règle générale lorsqu’on considère l’usage d’une licence technologique. Les faits générateurs de droit ne conduisent pas toujours aux mêmes résultats malgré qu’ils concernent une même règle juridique.
[146] Millicent plaide, en substance, ce qui suit :
[147] Elle appuie son argumentation sur l’interprétation et l’application de la section 365(n) du Bankruptcy Code des É.-U. Adopté en réponse à l’arrêt Lubrizol, cet article aurait inspiré ce qui est devenu l’article 32(6) LACC. Il permet au détenteur d’une licence de propriété intellectuelle de conserver ses droits malgré la résiliation du contrat qui lui attribue la licence pourvu qu’il paie les royautés. C’est là sa seule obligation.
[148] L’ex-juge James M. Peck de la US Bankruptcy Court, expert engagé par Millicent, écrit dans son rapport :
« There is an unequivocal right to retain the intellectual property in question conditioned solely on making all royalty payments due for the terms of the agreement. The word performance is not mentioned at all ».[48]
[149] Millicent cite également un extrait de doctrine de Me Philippe H. Bélanger (devenu juge à la Cour supérieure) et de Me Gabriel Faure :
« L’obligation du titulaire de licence de respecter « ses obligations contractuelles à l’égard de l’utilisation du droit de propriété intellectuelle » réfère vraisemblablement aux redevances payables au débiteur-concédant, à l’instar de ce que prévoit le droit américain »[49].
(Le Tribunal a souligné)
[150] De leur côté, les débitrices soutiennent que le droit d’utilisation de la propriété intellectuelle est éteint si le titulaire a fait défaut de remplir ses obligations de performance, qu’elles soient passées ou présentes. C’est d’ailleurs ce qu’elles ont indiqué dans leur avis de résiliation de juin 2023.
[151] Questionné au procès, leur procureur ajoute que les débitrices, de leur côté, seraient libérées de certaines obligations découlant du contrat de licence. C’est d’ailleurs ce qu’il a relaté dans son témoignage écrit au soutien des procédures américaines.
In the case of intellectual property licences, even where an IP licence is disclaimed, the licensee retains the right to use the IP and to assert rights of exclusivity, although the licensor will not have to perform certain additional obligations under the license[50].
(Le Tribunal a souligné)
[152] Le Tribunal note que cette déclaration ne laisse aucunement entendre que le titulaire de la licence, Millicent, puisse perdre son droit d’utilisation pour manquements contractuels passés. Aucune distinction n’est alors formulée devant la Cour du Massachusetts.
[153] Ceci étant exprimé, le Tribunal ne peut souscrire aux arguments de Millicent dans le contexte inhabituel du présent dossier. L’article 32(6) LACC ne reprend pas le texte spécifique de l’article 365(n) du US Bankruptcy Code. Il va au-delà de la simple obligation de payer des royautés et ratisse plus large. Le soussigné ne peut, dans ce cas-ci, accepter que les droits de commercialisation demeurent à la seule condition que Millicent paie les royautés. Ses obligations vont au-delà de cela. Il ne ferait guère de sens qu’elle conserve les droits exclusifs sans avoir à faire les efforts commerciaux raisonnables de développement auxquels elle a souscrit et dont son vis-à-vis est en droit de s’attendre.
[154] Il serait aussi inéquitable qu’elle puisse profiter de ces droits sans égards à ses manquements passés, s’il en est, sous réserve des avis et droits de corriger les défauts dont elle peut disposer.
[155] Le contrat sous étude ne se résume pas à un droit d’usage d’une licence en contrepartie d’un paiement. Les engagements vont bien au-delà et on ne peut les mettre de côté par une lecture tronquée de l’article 32(6). Millicent ne peut revendiquer ses droits et faire fi de ses obligations passées, présentes et futures.
c) Le respect (ou non) des obligations contractuelles doit-il être déterminé par arbitrage ou par la Cour supérieure?
[156] Comme on l’a vu, le droit d’utilisation de la propriété intellectuelle accordé par l’article 32(6) LACC est conditionnel au respect des obligations contractuelles par son titulaire. Il faut donc que quelqu’un détermine si la condition est remplie.
[157] Se pose alors la difficulté suivante : ce litige doit-il être entendu par trois arbitres comme le prévoit l’entente ou s’il peut être décidé par la Cour supérieure, laquelle est saisie du processus de restructuration?
[158] Millicent argue, depuis le début, que cette question relève du contrat et du mécanisme d’arbitrage[51]. Le soussigné n’aurait donc pas compétence pour se prononcer et aurait dû renvoyer les parties dans l’État de New York. C’est là l’objet de sa requête pour lever la suspension des procédures et référer les parties en arbitrage.
[159] Les débitrices défendent la position contraire. Pour elles, la Cour supérieure a compétence et se doit de régler la question. L’entente étant résiliée, la procédure d’arbitrage n’existe plus et ne s’impose plus aux parties.
[160] Sans se prononcer sur ce point, le juge soussigné a ordonné que l’on débatte devant lui tant la question de la juridiction que celle du mérite des arguments de fond. Cette approche pratique visait à sauver honoraires et délais dans la mesure où il se déclare compétent. D’autant plus qu’il fallait, de toutes façons, tenir le procès sur la résiliation selon l’article 32(4), cet aspect ne pouvant être du ressort de trois arbitres américains. L’arbitrage ne pouvait donc tout régler contrairement à ce qu’affirme Millicent.
[161] Il est incontestable qu’à l’origine, les parties ont choisi de s’en remettre à un forum arbitral comme on le voit souvent dans ce genre de transactions commerciales. C’était là leur volonté.
[162] Elles ont aussi accepté que tout différend soit régi par les lois de l’État de New York. Ainsi, le Tribunal devrait normalement y donner suite et décliner juridiction.
[163] Cependant, le contexte du présent dossier, celui d’une restructuration en vertu de la LACC, autorise le tribunal québécois à trancher les enjeux de fond même s’ils sont régis par le droit étranger.
[164] La jurisprudence reconnaît l’intérêt public de centraliser les procédures d’insolvabilité devant un même décideur. Ce contrôle unique repose sur le besoin d’une « gestion expéditive, efficace et économique des retombées d’un effondrement financier »[52].
[165] Certes, l’application du droit de l’État de New York peut, à première vue, poser un défi. Toutefois, on y parvient par le dépôt d’expertises et de témoignages qui exposent et font la preuve de ce droit. C’est d’ailleurs ce qu’a fait Millicent avec l’expert Holwell.
[166] Dans sa récente décision Peace River Hydro Partners c. Petrowest Corp.[53], la Cour suprême du Canada confirme le pouvoir de la Cour supérieure de mettre de côté et de déclarer inopérante une convention d’arbitrage dans un contexte de mise sous séquestre. Une telle exception vaut également sous la LACC[54], étant entendu qu’il revient à celui qui veut se soustraire à l’arbitrage de convaincre du bien-fondé de sa demande.
[167] Pour décider s’il est justifié de déclarer inopérante une convention d’arbitrage, la Cour suprême réfère aux facteurs suivants :
L’effet de l’arbitrage sur l’intégrité dans les procédures d’insolvabilité;
Le préjudice relatif pour les parties à la convention d’arbitrage et autres parties prenantes;
L’urgence de régler le différend;
L’effet d’une suspension d’instance;
Tout autre facteur que le tribunal estime significatif.
[168] Référer à l’arbitrage n’avantagerait ici personne et nuirait, au contraire, au sauvetage mis en place. Il en résulterait un délai additionnel et des coûts substantiels. Les arbitres seraient appelés à interpréter l’article 32(6) LACC, ce qui est du ressort des tribunaux canadiens.
[169] En d’autres termes, personne n’y gagnerait quoique ce soit. À l’inverse, une décision judiciaire de la Cour supérieure, aux termes d’un procès selon les règles habituelles, conduit à une réponse rapide, moins coûteuse et avantageuse pour tous ceux concernés par les procédures prises en vertu de la LACC. Sans oublier que les débitrices, selon le rapport du Contrôleur, sont à court de liquidités et n’ont pas les ressources financières pour reprendre le débat à New York.
[170] En résumé, la Cour supérieure peut se prononcer sur le litige contractuel et sur les manquements qu’allèguent les débitrices. Cet exercice doit se faire en fonction du droit new-yorkais, tel que rapporté, et de la preuve faite au procès.
[171] C’est ce qui nous amène à la prochaine question.
d) Qu’en est-il du respect des obligations contractuelles de la part de Millicent?
[172] Voilà l’aspect qui a été le plus discuté lors du procès. Chaque partie a fait entendre des témoins pour justifier sa position incluant un expert en commercialisation pharmaceutique. Comme on peut s’y attendre, les conclusions sont diamétralement opposées. Endoceutics allègue que Millicent a commis des manquements qui lui font perdre son droit de continuer à utiliser la propriété intellectuelle de l’Intrarosa aux É.-U. Cette dernière prétend le contraire.
[173] En réponse à la sauvegarde des droits de propriété intellectuelle de Millicent sous l’art. 32(6), l’avis de résiliation daté du 9 juin 2023 énonce ce qui suit :
7. Furthermore, Endoceutics also hereby advise you that as and from November 1st, 2023, or such other date agreed to among the Debtors, the Monitor and Millicent or otherwise ordered by the Court, Millicent shall not be entitled to exercise any right, including any exclusive right, to use the intellectual property licensed by Endoceutics to Millicent (the "lntellectual Property"), pursuant to subsection 32(6) of the CCAA, given Millicent's numerous, repeated and continuous breaches of its obligations under the Agreements, including in relation to the use of lntellectual Property.
8. More specifically, Millicent has failed to make Commercially Reasonable Efforts (as this term is defined in the License Agreement) to market, promote and otherwise Commercialize the Product (as these terms are defined in the License Agreement) for the treatment of moderate to severe dyspareunia, a symptom of vulvar and vaginal atrophy, due to menopause, in the United States in accordance with sections 6.1 to 6.4 of the License Agreement.
9. Millicent has made insufficient efforts and repeatedly failed to invest proper and adequate resources to commercialize the Product deployed over the years. Millicent's efforts and resources were not, and are still not, consistent with the exercise of customary and commercially reasonable scientific and business practices, as applied in the pharmaceutical industry at similar stages of commercialization, insofar as Millicent showed, among other things:
a) absence, or at best significant lack of investments, in Direct-to-Consumer Advertising;
b) significant lack of investments in Direct-to-Physician Advertising:
a. wholly insufficient educational speaker programs;
b. grossly insufficient digital/non-persona! promotion;
c. insufficient number and territorial coverage of the pharmaceutical sales representatives;
d. grossly insufficient marketing efforts in order to expand the prescriber pool including, without limitation, with respect to nurse practitioners, physician assistants and primary care providers;
c) significant lack of investments in non-promotional support for the product:
a. insufficient investment in medical congresses or conferences;
b. lack of pull through of medical publication plan; and
c. absence of field medical personnel;
(Le Tribunal a souligné)
[174] Comme l’entente est régie par le droit de l’État de New York[55], il faut s’en remettre à l’exposé, non contesté, du droit applicable. C’est l’ex-juge Holwell qui a éclairé le Tribunal.
[175] Sur la question du fardeau, le Tribunal opine qu’il appartient à Endoceutics de faire la preuve du non-respect des obligations découlant du contrat. En effet, le droit d’utilisation est concédé même si l’entente est résiliée. Si la débitrice estime que l’article 32(6) est inapplicable, c’est à elle de dire pourquoi et de le démontrer.
[176] Devant la Cour de faillite du Massachusetts, les procureurs l’ont reconnu ainsi :
In the case of intellectual property licences, even where an IP licence is disclaimed, the licensee retains the right to use the IP and to assert rights, of exclusivity, although the licensor will not have to perform certain additional obligations under the license[56].
(Le Tribunal a souligné)
[177] La rétention du droit d’utilisation est donc la règle à moins d’une preuve de bris des obligations contractuelles dont le fardeau incombe à Endoceutics. Il serait d’ailleurs inhabituel qu’il incombe à une partie de faire la preuve qu’elle respecte son contrat en l’absence de contestation.
[178] Quelles étaient donc les obligations contractuelles et en quoi auraient-elles été inexécutées?
[179] Pour y répondre, il faut évidemment voir ce que prévoit l’entente, laquelle devient la loi des parties[57]. En outre de devoir payer des royautés à Endoceutics, ce qui n’est pas un enjeu litigieux[58], Millicent devait :
6.4 Diligence. During the Term, AMAG shall use Commercially Reasonable Efforts to market, promote, and otherwise Commercialize the Product in the Field in the Territory. During the Term, each Party shall use Commercially Reasonable Efforts to perform the Commercialization activities assigned to it under Section 6.1 or in the Commercialization Plan.
[180] On évalue donc la performance en appréciant les efforts de commercialisation. Ceux-ci se doivent d’être raisonnables.
[181] De façon plus spécifique, les parties ont convenu, aux articles 6.1 et 6.2 du contrat de licence, que Millicent dispose d’une large latitude dans le choix et l’application de sa stratégie commerciale. Aucun plan précis n’est prévu sauf pour la première année du lancement, ce qui incombait à AMAG.
[182] Il n’est question ni de volume de ventes minimal, ni de bénéfices à atteindre, ni du nombre et de l’affectation des représentants, ni du budget de dépenses.
[183] En fait, la convention définit ainsi les « efforts commerciaux raisonnables » :
1.27 « Commercially Reasonable Efforts » means, with respect to a Party’s obligations under this Agreement with respect to the Product, those efforts and resources that are consistent with the exercise of customary scientific and business practices as applied in the pharmaceutical industry for development, regulatory and commercialization activities conducted with respect to products at a similar stage of development or commercialization and having similar commercial potential, taking into account all relevant factors, including relative safety and efficacy, product profile, the proprietary position, the competitiveness of the marketplace and the market potential of such products, the nature and extent of market exclusivity, including patent coverage and regulatory date protection, price and reimbursement status and other relevant scientific, technical and commercial factors ….
[184] Comme on le voit, la définition est très large et il y a matière à interprétation vu l’absence d’éléments quantifiés ou précisément définis.
[185] Selon l’expert juriste Holwell, aucune définition n’est fournie en jurisprudence. Ce que l’on sait, c’est qu’il s’agit d’apprécier une norme objective[59]. On ne réfère pas aux meilleurs efforts, mais à ce qui apparaît suffisant et raisonnable eu égard au contexte. Une partie n’est pas tenue de poursuivre des efforts qui ne portent pas fruit ou qui ne procurent pas un retour adéquat.
[186] C’est ce que la Cour a décidé dans une affaire récente de l’État de New York. Dans InspiRX[60], le titulaire d’une licence pharmaceutique avait changé son approche de développement du produit concerné. Il avait notamment supprimé sa force de vente vu les résultats décevants. Son cocontractant voulait résilier l’entente pour défaut d’avoir déployé des efforts commercialement raisonnables. La Cour a rejeté cette demande notant que le titulaire avait déjà subi des pertes substantielles. Elle a affirmé que : « it is well-settled that a commercially reasonable efforts clause does not require the signatory to act against its own interest »[61].
[187] Il n’est donc pas requis d’obtenir des résultats précis. Ce qui importe, ce sont les moyens qui sont pris. Citant Shane Campbell Gallery Inc. v. Frieze Event Inc.[62], l’expert Holwell décrit un fardeau peu élevé (« lenient »)[63].
[188] Les débitrices accusent Millicent d’avoir failli à ses obligations de commercialisation et de distribution à compter de l’acquisition des droits en mai 2020. Pour elles, Millicent chaussait les souliers d’AMAG et ne pouvait faire moins d’efforts de vente que ce qu’avait fait cette dernière. Le contrat demeurait inchangé et il fallait continuer d’œuvrer avec la même intensité. Un changement de cap était inacceptable et n’a jamais été approuvé par les représentants d’Endoceutics.
[189] Ces affirmations sont inexactes. D’une part, la stratégie adoptée par AMAG, lors des premières années, n’équivaut pas à un minimum ou à une norme objective de ce qui devait être fait par la suite. Cela est d’autant plus vrai qu’AMAG aurait investi environ 135 000 000 $US pour les premières années du lancement sans jamais approcher le seuil de la profitabilité (ni pour elle ni pour Endoceutics). On était bien loin des prévisions escomptées par Endoceutics et des revenus minimaux exigés par CRG. Le Tribunal voit mal comment Endoceutics pourrait exiger la même approche et les mêmes pertes financières de son successeur. On peut comprendre qu’un changement de stratégie se soit imposé. D’autre part, si Endoceutics n'a pas explicitement entériné le nouveau plan soumis par Millicent, elle ne l’a pas non plus rejeté ou commenté.
[190] Monsieur Hosier, l’expert d’Endoceutics a écrit et témoigné que les efforts commerciaux de Millicent se sont avérés « far below » le seuil de ce qui est considéré raisonnable pour commercialiser l’Intrarosa partout aux États-Unis, et ce, entre 2020 et 2023. Il a relaté son expérience, sur ce point, dans la commercialisation de produits pharmaceutiques.
[191] De manière plus spécifique, il a appuyé son opinion sur ce qui suit[64] :
Millicent n’a pas mis en marché, fait la promotion et commercialisé l’Intrarosa de façon indépendante de son produit phare, le Femring, le tout en contravention de l’entente de licence;
Le budget marketing ne représentait que 10 à 25% de ce qui doit être dépensé soit un sous-financement d’entre 750 000 $US et 1 750 000 $US par année;
Le plan commercial était mal défini, mal ciblé et focalisait uniquement sur les médecins prescripteurs déjà recrutés par AMAG;
Le nombre de représentants affectés à l’ensemble du pays a été réduit drastiquement passant d’une centaine, sous AMAG, à une quinzaine puis à trois sous Millicent. On en compterait actuellement une dizaine avec la sortie d’un nouveau produit et viserait d’en embaucher une trentaine sous peu. Ce nombre est insignifiant et ne permet aucunement de couvrir adéquatement le territoire;
Le nombre d’appels quotidien via « telesales » serait nettement inférieur à la moyenne de l’industrie;
Millicent ne possède pas de ressources médicales et professionnelles appropriées afin d’épauler l’équipe de vente;
Le programme d’aide financière Copay est inefficace et insuffisant vu ses limites et conditions de remboursement;
Millicent a mis un terme aux dépenses de marketing destinées aux consommateurs (DTC) sans profiter et miser de l’avantage de ne pas avoir l’obligation d’insérer une « black box warning » sur l’emballage[65];
La pandémie de la COVID-19 n’a pas entraîné une réduction du marché de l’atrophie vulvovaginale;
Millicent ne semble pas croire au potentiel d’Intrarosa et ne semble pas convaincue de l’avantage que représente l’absence d’obligation d’apposer la « black box warning ».
[192] En réponse, Millicent, appuyé par son expert M. Bell, soutient que :
Endoceutics n’a jamais, même dans les motifs de son avis de résiliation soulevé de reproches concernant la vente du Femring. Ce produit n’est d’ailleurs pas un concurrent de l’Intrarosa. Ni l’expert Hosier[66] ni les gens d’Endoceutics[67] l’ont identifié comme concurrent sans compter qu’Endoceutics en a autorisé expressément la vente aux termes d’un amendement au contrat[68];
Lorsqu’elle a pris le relais, la phase de lancement (3 ans) était presque terminée et les résultats n’étaient pas satisfaisants malgré les investissements massifs. Il était contre-indiqué et irresponsable de garder la même stratégie. C’est ce qui a conduit à la réduction massive de représentants sur la route dont la compensation individuelle oscille autour de 250 000 $US chacun;
Elle s’est donc tournée vers les téléventes, ce qui est devenu la seule alternative lorsque la pandémie a forcé les gens à rester chez eux;
Les dépenses DTC avaient déjà été abandonnées tant par AMAG que par Endoceutics. Cette dernière a totalement cessé d’y investir alors qu’elle avait versé environ 8 000 000 $ pour le lancement;
D’autres distributeurs, ailleurs dans le monde, ont connu une baisse des ventes du produit, sans que leur entente soit résiliée;
Selon l’expert Bell, le pourcentage du budget marketing, versus les ventes, répond aux normes du marché;
Plutôt que de conduire à sa perte financière[69], Millicent a présenté, dès le début, un plan axé sur la croissance « Pay as you Grow » dont Endoceutics ne s’est jamais plaint tel que le révèlent les minutes des réunions conjointes. Ce plan module les dépenses en fonction de ce que rapportent les efforts déployés;
Millicent a amélioré les programmes d’assistance Copay notamment pour les patientes de plus de 65 ans sujettes à Medicare;
Elle a mis l’accent sur l’envoi et la remise d’échantillons auprès des professionnels et cliniques sollicités par les représentants virtuels, ce qui constitue une dépense majeure puisqu’il lui faut payer ces échantillons aux débitrices;
Elle opère une ligne 1-800. Les patientes et professionnels de la santé peuvent y joindre le docteur Ellman qui peut répondre aux demandes d’informations sur l’Intrarosa;
Millicent est une PME qui n’a ni l’expérience ni les ressources d’une multinationale pharmaceutique. On ne peut évaluer ses structures opérationnelles et commerciales sans en tenir compte.
[193] Les positions réciproques se défendent. Tout n’est pas parfait dans les efforts de commercialisation et Millicent aurait sans doute pu faire mieux et autrement. D’un autre côté, Millicent pouvait prendre une approche différente d’AMAG compte tenu de l’échec des premières années. On ne peut quand même pas prétendre, sérieusement, que tout allait bien, aux É.-U. à l’époque d’AMAG. On cumulait des pertes et les ventes étaient bien loin du rêve initial.
[194] À la lumière de ce qu’il a vu, lu et entendu, le Tribunal ne peut conclure que Millicent n’a pas rempli ses obligations contractuelles. Or, il appartenait aux débitrices de le convaincre, ce qu’elles n’ont pas réussi.
[195] Au-delà des opinions divergentes des experts et des arguments de stratégie de commercialisation disputés, deux éléments aident particulièrement à y voir clair.
[196] D’abord, Endoceutics s’est très rarement plainte des décisions et actions de son partenaire américain[70]. On ne retrouve aucune dénonciation, avis, menace ou autre qui laisse croire qu’Endoceutics considérait sa performance inacceptable. Il y a encore moins d’avis formels[71], tels que prévus au contrat. Il n’y a jamais eu, non plus, d’évaluation de la performance de Millicent. Tout ce que l’on a soumis ce sont quelques rares courriels, dont un, d’avril 2021 où on qualifie les ventes de désastreuses[72], et deux autres de septembre 2020 et mai 2022 où on requiert de connaître la stratégie pour faire mieux, les ventes s’avérant décevantes[73].
[197] Millicent présentait son plan commercial lors de réunions périodiques et Endoceutics n’a guère formulé de commentaires négatifs[74]. Millicent n’était-elle pas en droit de comprendre que ses efforts et sa stratégie n’étaient pas remis en cause? Tout n’était sans doute pas parfait, mais elle était loin de s’attendre à l’avis de résiliation et aux allégations de bris de contrat qui ont suivi la vente à Cosette. D’autant plus qu’on lui avait écrit et rappelé l’importance de maintenir le statu quo quelques mois auparavant[75].
[198] Endoceutics explique qu’elle ne pouvait pas rendre public son mécontentement alors qu’elle était à la recherche de nouveaux prêteurs ou investisseurs. Si cela est vrai, ça ne peut être opposé à Millicent et justifier la surprise qu’on lui réservait. La quantité et la nature des reproches invoquées à l’audience ne sont guère conciliables avec l’attitude adoptée par Endoceutics à l’égard de Millicent de 2020 à 2023. S’il y avait une certaine insatisfaction, elle ne semble pas avoir eu l’importance qu’on tente aujourd’hui de lui donner.
[199] En second lieu, Endoceutics semble imputer son échec commercial à Millicent. Elle cible cette dernière, en grande partie, en tant que responsable des malheurs de l’Intrarosa. Si Millicent n’avait pas failli à ses obligations, on n’en serait pas là. C’est ce que dégage sa preuve et ses représentations dans le cadre des présentes requêtes.
[200] Le Tribunal ne partage pas ce point de vue. Le produit n’a jamais atteint, à compter de sa mise en marché, des résultats qui s’approchent des prévisions initiales. Aucune des projections ne s’est matérialisées.
[201] L’Intrarosa n’a pas reçu, de la FDA, l’autorisation envisagée. Il n’a pas été reconnu au-delà du traitement de la dyspareunie modérée à sévère, l’un des symptômes de l’atrophie vulvovaginale. Les fondateurs espéraient que l’Intrarosa soit prescrit pour l’ensemble des symptômes et même pour la dysfonction sexuelle féminine[76]. Ce n’est pas ce qui s’est produit et le marché convoité s’est vu substantiellement réduit.
[202] Malgré ses investissements massifs, AMAG n’a pas réussi à atteindre les niveaux escomptés ni les revenus exigés par le prêteur. À l’automne 2019, avant l’arrivée de Millicent, les débitrices éprouvaient des difficultés financières et AMAG voulait quitter le navire. Les affaires n’allaient pas bien quoi qu’on en dise.
[203] CRG a témoigné de cette réalité fort décevante. Dans sa déclaration sous serment du 6 décembre 2022, son représentant relate les déboires répétés, la non-atteinte constante des objectifs par les débitrices qui « have a demonstrated pattern of poor forecasting, having never generated sufficient revenues to achieve any forecast, even its reduced forecast »[77].
[204] CRG n’a aucunement dénoncé la performance de Millicent. Elle n’a pas voulu qu’on résilie son entente lors de l’appel d’offres. En mars 2022, elle a mandaté la firme MatMar International Inc. pour obtenir un diagnostic. Cette entreprise n’a pas, elle non plus, mis le blâme sur les efforts de commercialisation de Millicent[78]. C’est plutôt l’administration des débitrices qui était remise en cause.
[205] Mais il y a pire. Endoceutics, elle-même, a expliqué sa situation financière précaire par d’autres facteurs. Sa demande d’ordonnance initiale de septembre 2023 ne dit rien sur son partenaire américain, sa stratégie et sa performance. Elle souligne plutôt : un service de la dette insoutenable avec son principal créancier garanti, des investissements élevés, un marché compétitif et peu innovant, des difficultés à pénétrer un marché mature et les effets de la pandémie[79].
[206] Lors de son témoignage au soutien de cette requête, devant Mme la juge Bergeron, le 29 septembre 2022, M. Turpin, d’Endoceutics, a identifié deux causes de la déconfiture soit la survenance de la pandémie et la présence accrue de produits génériques sur le marché[80] :
« Donc là on change de partenaire, il s’appelle Millicent, une équipe chevronnée au niveau du management qui a de l’expertise pour vendre les produits endocrinologie. Et puis ces gens-là, de bonne foi, voulaient lancer le produit d’une façon agressive. Cependant avec l’arrivée de la pandémie ce qui a freiné les efforts d’une façon marquante c’est que à cause de la pandémie les représentants pharmaceutiques n’ont pas accès aux médecins visés à travers tout le territoire des États-Unis à cause des lock-downs qui ont été imposés.
Les institutions, les centres médicals (sic) ne permettaient pas à des gens de … pour représenter notre produit de se présenter même sur place et les médecins, on en convient, devaient se concentrer plus sur la gestion de la pandémie. Donc c’est une des raisons, là, qui fait que les ventes n’ont pas levé à un niveau approprié.
Bien entendu, ce que Millicent fait en tant que petite PME par rapport à AMAG, ils sont beaucoup plus conservateurs dans leur approche. Donc, ils attendent que le marché revienne fonctionnel pour pouvoir être plus agressif pour la vente d’Intrarosa.
Ils ont comme intention, par exemple, de faire un lancement d’un autre produit dans les prochains mois et combiner leurs efforts de lancement de ce produit-là avec celui d’Intrarosa. Donc ça donne l’explication par rapport au marché en général, l’accès était difficile.
L’autre chose c’est que pendant cette période-là, beaucoup de génériques se sont vendus, beaucoup de produits hormonaux à faible dose qui sont quand même, comme je mentionnais, beaucoup moins sécuritaire que notre produit novateur, continuent d’être vendus sur le marché américain. Il y a une pression par rapport à l’accès de ces produits-là qui est moins dispendieux et ça laisse les produits novateurs comme Intrarosa un peu sur le côté. Donc, on a moins de pénétration de marché à cause de la compétition des génériques aussi »[81].
(Le Tribunal a souligné)
[207] Comme on le voit, les dirigeants d’Endoceutics, en septembre 2023, étaient loin de juger Millicent responsable de ce qui arrivait. Ils n’en parlaient même pas. Or, voilà qu’après la vente à Cosette, le discours change radicalement.
[208] Peut-être que Cosette pourrait faire mieux que Millicent et AMAG. On ne le sait pas. Mais là n’est pas la question lorsqu’on analyse l’obligation de fournir les efforts commercialement raisonnables.
[209] Mais il y a encore plus. Le contrat de licence confère à Millicent le droit de remédier au défaut allégué, s’il en est. L’article 14.2 stipule :
[I]f a Party materially breaches any of its obligations under this Agreement, in addition to any other right and remedy the other Party may have, the non-breaching Party may terminate this Agreement by providing ninety (90) days’ prior written notice […] to the other Party […], such notice to specify the breach and the notifying Party’s claim of right to terminate [82]
(Le Tribunal a souligné)
[210] La résiliation potentielle est donc sujette à ce droit de correction dont profite Millicent. C’est ce qu’ont décidé les parties. Le Tribunal ne saurait donc conclure au non-respect des obligations contractuelles de la part de Millicent sans lui donner l’opportunité de s’amender.
[211] Il ne pourrait donner raison à Endoceutics au motif du non-respect du contrat par Millicent sans par ailleurs accorder à cette dernière les droits de remédiation qui lui sont accordés dans le même contrat. Il ne saurait y avoir deux poids deux mesures.
e) Qu’en est-il des obligations futures des parties?
[212] Comme les ententes ne sont pas résiliées, elles continuent à s’appliquer, de même que les droits et obligations qu’elles contiennent.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[213] DÉCLARE nul les avis de résiliation du 9 juin 2023 concernant les contrats R-1 à R-6 et ORDONNE la non-résiliation de ces contrats;
[214] REJETTE la requête afin que soit levée la suspension des procédures et que le litige soit référé au processus de règlement des conflits et à l’arbitrage contenu au contrat R-1;
[215] SANS FRAIS de justice.
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| DANIEL DUMAIS, j.c.s. | ||||||
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Me Alain Tardif Me Frédérique Drainville Me Jean Lortie Me François-Xavier Tremblay | |||||||
Mc Carthy Tétrault | |||||||
Pour les Débitrices / Intimées | |||||||
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Me Danny Duy Vu | |||||||
Stikeman Elliot | |||||||
Pour le Contrôleur | |||||||
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Me Éric Préfontaine | |||||||
Osler, Hoskin & Harcourt | |||||||
Pour la Mise en cause | |||||||
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Me Nicholas Scheib | |||||||
Pour la Requérante | |||||||
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Dates d’audience : | Les 29, 30, 31 janvier, 1, 2, 13 et 14 février 2024 | ||||||
[1] Pièce MP-2.
[2] Moderate to severe dyspareunia.
[3] Pièce MP-2.
[4] Id., annexe 6.3.
[5] Pièce MP-103, Exhibit E-3 (rapport de l’expert Bell).
[6] Ce qui sera fait plus loin dans le texte.
[7] Voir l’affidavit de M. Luke Duster, pièce MP-107; voir aussi le rapport indépendant préparé par MatMar International inc., pièce LD-10.
[8] Id.
[9] Requête pour ordonnance initiale aux paragraphes 6, 44 à 65, attestés par la déclaration sous serment de ce dernier et par son témoignage au préalable; pièce MP-99, p. 33-35.
[10] Voir le rapport du Contrôleur du 24 septembre 2022, p. 6.
[11] Pièce R-10.
[12] Id., p. 8-11.
[13] Voir le 3e rapport du Contrôleur daté du 6 décembre 2022, p. 7.
[14] Id.
[15] Sale and Investment Solicitation Process.
[16] Pièce MP-11.
[17] Pièce MP-12.
[18] Voir le 7e rapport du Contrôleur, 13 juin 2023, p. 8.
[19] Pièce MP-1.
[20] Pièce R-1.
[21] Pièce R-2.
[22] Pièce R-3.
[23] Pièce R-4.
[24] Pièce R-5.
[25] Pièce R-6.
[26] Pièce R-7.
[27] Art. 32(2) de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, L.R.C. 1985, c. C-36.
[28] Arrangements relatifs à Nemaska Lithium inc.,
[29] AbitibiBowater inc. (Arrangement relatif à),
[30] Art. 32(5)a) LACC.
[31] AbitibiBowater inc. (Arrangement relatif à) préc., note 29, par. 26 et 30; Arrangement relatif à Rebuts solides canadien,
[32] Clear Creek Contracting Ltd. v. Skeena Cellulose Inc., 2003BCCA 344, par. 35.
[33] 9354-9186 Québec inc. c. Callidus Capital Corp.,
[34] Plan d’argumentation du Contrôleur, p. 6, par. 29.
[35] Arrangement relatif à Rebuts solides canadiens inc., préc., note 31, par. 14; AbitibiBowater inc. (Arrangement relatif à),
[36] Pièce MP-11.
[37] 2020 BCSC 1883 (autorisation d’appeler refusée par
[38] AbitibiBowater inc. (Arrangement relatif à), préc., note 35, par. 23; Arrangement relatif à Rebuts solides canadiens inc., préc., note 35, par. 16; Homburg Invest Inc. (Arrangement relatif à),
[39] Aveos Fleet Performance Inc./Aveos Fleet Performance aéronautique Inc. (Arrangement relatif à),
[40] Target Canada Co (Re)., 2016 ONSC 316, par. 81.
[41] Pièce MP-75, clause 6.4.2 : « Endoceutics shall use commercially reasonable efforts to cause the condition set out in section 6.4 with respect to the transfer of the US rights to be satisfied …».
[42] Voir le jugement du juge Panos du 17 janvier 2023, par. 14 et 15.
[43] Voir le par. 6 de la pièce R-7.
[44] Cosette et Canada Inc. exploitent actuellement les entreprises.
[45] Century Services Inc. c. Canada (Procureur général),
[46] Id., p. 382.
[47] Lubrizol Enterprises Inc. v. Richmond Metal Finishers Inc., 756 F.(2d) 1043 (4th Cir. 1985).
[48] Rapport d’expertise du 10 novembre 2023, pièce MP-101, par. 31.
[49] Philippe H. Bélanger et Gabriel Faure, « Les modifications à la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies sur les contrats relatifs à l’utilisation d’un droit de propriété intellectuelle : tentative de rapiéçage du législateur? », (2020) 32 :1, Les Cahiers de propriété intellectuelle, p. 47.
[50] Pièce MP-10, par. 20.
[51] Tel que prévu à l’article 15 du contrat MP-2.
[52] Sam Lévy & Associés Inc. c. Azco Mining Inc.,
[53] Peace River Hydro Partners c. Petrowest Corp.,
[54] Arrangement relatif à Rebuts solides canadiens inc., préc., note 35, par. 47.
[55] Pièce MP-2, art. 16.1.
[56] Pièce MP-110, par. 20.
[57] B.P. Canada Ltd c. Traders Finance Corporation Ltd,
[58] Interrogatoire de M. Dennis Turpin, pièce MP-100, p. 104.
[59] Pièce MP-102, par. 20.
[60] Inspirx, Inc. v. Lupin Atlantis Holdings SA, 554 F. Supp. (3d) 542 (S.D.N.Y. 2021).
[61] Id., p. 557; Pour une application en droit canadien, voir Geoff R. HALL, Canadian Contractual Interpretation Law, 4e ed, Toronto, LexisNexis, 2020, aux p. 315–316.
[62] Shane Campbell Gallery Inc. v. Frieze Event Inc.,441 F. Supp. 3d 1 (S.D.N.Y. 2020).
[63] Id., p. 4.
[64] Ce ne sont là que certains des multiples reproches formulés par Endoceutics. Il n’est guère possible de tout énumérer. Cela exigerait d’aller dans les moindres détails. La même remarque vaut également pour les explications de Millicent et les moyens qu’elle dit avoir mis en place.
[65] Comme l’Intrarosa ne contient pas d’estrogène, contrairement à ses concurrents, la FDA n’exige pas qu’on appose un avis prévenant des risques potentiellement liés à l’estrogène.
[66] Pièce R-25, p. 11-12.
[67] Pièce R-24.
[68] Pièce R-3.
[69] M. Bell réfère aux investissements de 135 900 000 $ par AMAG pour ne réaliser des ventes nettes que de 42 700 000 $, pièce MP-103, p. 99-100 et Exhibit E-1.
[70] Notes sténographiques de l’interrogatoire de M. Dennis Turpin, pièce MP-100, p. 116 et pièce MP-113, p. 34 et 35.
[71] Pièce MP-2, art. 14.2.
[72] Pièce R-17.
[73] Pièces R-15 et R-16.
[74] Elle l’a fait au procès-verbal des réunions de décembre 2020 et juin 2022 où on mentionne des prévisions « low and unacceptable ».
[75] Pièce MP-11.
[76] Pièce MP-91, p. 90.
[77] Pièce MP-107, par. 8a).
[78] Pièce LD-10 annexée à la déclaration MP-107.
[79] Requête pour ordonnance initiale, par. 44 à 65.
[80] Pièce MP-103-A, tableaux D-3 et D-2.
[81] Notes sténographiques MP-99, p. 33 à 35.
[82] Pièce MP-2, art. 14.2.
AVIS :
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