Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
_

Trudel c. Promutuel L'Abitibienne, société mutuelle d'assurances générales

2008 QCCQ 1508

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT  D'

ABITIBI

LOCALITÉ DE

VAL-D’OR

« Chambre civile »

N° :

615-22-001323-061

 

 

 

DATE :

 26 février 2008

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

CLAUDE BIGUÉ, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

LINE TRUDEL

Demanderesse

c.

PROMUTUEL L’ABITIBIENNE, SOCIÉTÉ MUTUELLE D’ASSURANCE GÉNÉRALE

Défenderesse

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]                Suite à un incendie survenu à sa résidence, la demanderesse Line Trudel réclame de ses assureurs la somme de 23 115,86 $.

Questions en litige :

[2]                Le montant des dommages n’est pas contesté, sauf pour les troubles et inconvénients.

[3]                La défenderesse refuse de payer la réclamation. Elle demande au Tribunal de déclarer nul « ab initio » le contrat d’assurance, pour le motif que la demanderesse n’a jamais déclaré à l’assureur une clause contenue dans l’offre d’achat, où la vendeuse déclarait que le foyer et la cheminée n’étaient plus fonctionnels.

[4]                Or, l’incendie fut causé à l’occasion de l’utilisation du système de chauffage au bois, et plus particulièrement du foyer.

Les faits :

[5]                Vers le 1er février 2005, la demanderesse visite une résidence qu’elle décidera ensuite d’acheter.

[6]                Cette résidence est munie d’une cheminée à deux conduits. Le premier sert à un foyer qui est en utilisation lors des visites. Le deuxième conduit servait pour un poêle à bois qui a été enlevé.

[7]                Lors des deux visites préachat, dont au moins une est faite en compagnie de l’agent d’immeuble de la demanderesse, la vendeuse expose qu’elle n’utilise que le foyer. Quant au poêle à bois, elle l’a enlevé et vendu, car elle ne s’en servait plus; elle a fait boucher le conduit de la cheminée qui servait pour le poêle.

[8]                Après avoir fait une proposition à la vendeuse le 1er février, la demanderesse accepte une contre-proposition le 3 février 2005, laquelle comporte une annexe où apparaît la clause suivante (pièce P-2, AG-36857) :

«Clause 6.1 b) :   Le vendeur déclare que le foyer est non fonctionnel, il est vendu tel quel. De plus, la cheminée du sous-sol n’est plus fonctionnelle et déjà condamnée par le vendeur. L’acheteur est conscient des conditions des cheminées et accepte le tout…»

[9]                L’acte de vente, signé le 27 mai 2005, comporte une référence spécifique aux documents pré-contractuels « non reproduits aux présentes ».

[10]            La demanderesse prend possession de sa maison vers le 1er juin 2005.

[11]            En mai 2005, elle avait contacté son assureur habituel, la défenderesse, afin qu’elle assure sa nouvelle acquisition.

[12]            La proposition d’assurance est faite par téléphone à l’agente Véronique Mingo.

[13]            La demanderesse informe Mme Mingo que la résidence est munie d’un chauffage à l’électricité et d’un système auxiliaire de chauffage au bois, comportant un foyer, et aussi un emplacement permettant d’installer un poêle à bois au sous-sol. Elle n’informe pas l’assureur des documents pré-contractuels qu’elle a signés, comportant entre autres la clause 6.1 b) reproduite au paragraphe 8 des présentes.

[14]            L’automne arrive. Le conjoint de la demanderesse fait venir un ramoneur, puis achète un poêle à bois le 24 octobre 2005. Il installe ce poêle à bois avec l’aide d’un ramoneur et les conseils d’un pompier. Le demandeur commence à utiliser son chauffage au bois.

[15]            Le 22 janvier 2006, alors que le poêle et le foyer fonctionnent, un incendie se déclare dans un des murs de la résidence, près du foyer.

[16]            Heureusement, cet incendie a pu être maîtrisé sans que la résidence ne soit détruite, mais non sans lui causer des dommages importants qui sont aujourd’hui réclamés.

[17]            Le rapport des pompiers indique que :

«(…) Le foyer d’origine a été localisé à l’intérieur de la base de la cheminée. La cause de l’incendie est l’infiltration de gaz chauds et tisons dans la structure du mur arrière au foyer encastré situé au rez-de-chaussée. La céramique dans la cheminée démontre une fissure d’environ 5 cm par 25 cm de hauteur, ce qui a pu laisser circuler des tisons et créer l’effet de pyrolyse. CPF Tremblay.»

(Soulignements du Tribunal)

[18]            La demanderesse a engagé l’entrepreneur recommandé par la défenderesse pour effectuer la remise en état. Les travaux ont débuté vers le milieu de février 2005.

[19]            Le 22 février 2005, la défenderesse envoie sur les lieux un expert en sinistre, monsieur Marcel Grégoire, qui examine le foyer de métal, retiré de son emplacement, ainsi que les conduits de la cheminée, dégagés par l’entrepreneur pour exécuter les travaux de réparation. Il prend des photographies.

[20]            Le 27 février 2006, M. Grégoire revient chez la demanderesse et lui remet un chèque de 15 000,00 $ en acompte sur le règlement du sinistre. Il lui pose aussi des questions sur la clause pré-contractuelle.

[21]            Le lendemain, la défenderesse appelle la demanderesse à l’effet qu’elle mettra un arrêt de paiement sur ce chèque, et qu’elle refuse maintenant la réclamation.

[22]            Le 6 mars 2006, la défenderesse écrit à la demanderesse pour l’informer qu’elle considère comme nul le contrat d’assurance. Deux chèques sont inclus à titre de remboursement des primes. La demanderesse n’encaisse pas ces chèques.

[23]            Face à ce refus de sa réclamation, la demanderesse intente le présent recours, contesté par la défenderesse pour le motif de fausses déclarations et réticences dues à l’omission de révéler l’existence des documents pré-contractuels, et plus particulièrement de l’annexe AG-36857.

Analyse :

- L’obligation de déclarer :

[24]            En ce qui concerne les déclarations du preneur d’assurance, ici la demanderesse, les principales dispositions pertinentes sont les articles 2408, 2409 et 2411 du Code civil du Québec :

2408 :  Le preneur, de même que l’assuré si l’assureur le demande, est tenu de déclarer toutes les circonstances connues de lui qui sont de nature à influencer de façon importante un assureur dans l’établissement de la prime, l’appréciation du risque ou la décision de l’accepter, mais il n’est pas tenu de déclarer les circonstances que l’assureur connaît ou est présumé connaître en raison de leur notoriété, sauf en réponse aux questions posées.

2409 :  L’obligation relative aux déclarations est réputée correctement exécutée lorsque les déclarations faites sont celles d’un assuré normalement prévoyant, qu’elles ont été faites sans qu’il y ait de réticence importante et que les circonstances en cause sont, en substance, conformes à la déclaration qui en est faite.

2411 :  En matière d’assurance de dommages, à moins que la mauvaise foi du preneur ne soit établie ou qu’il ne soit démontré que le risque n’aurait pas été accepté par l’assureur s’il avait connu les circonstances en cause, ce dernier demeure tenu de l’indemnité envers l’assuré, dans le rapport de la prime perçue à celle qu’il aurait dû percevoir.

- 1o La bonne foi :

[25]            En mai 2005, par téléphone, la demanderesse a répondu aux questions qui lui étaient posées par l’agente de la défenderesse, Mme Mingo, et visant à connaître si la résidence possédait un système de chauffage au bois. Elle a répondu par l’affirmative. Elle a même mesuré des distances et recontacté Mme Mingo pour fournir la réponse aux questions sur la distance de la plus proche borne- fontaine et de la plus proche caserne de pompiers. Elle a annoncé à Mme Mingo son intention d’installer un nouveau poêle à bois. Aucune autre question ne lui est posée au sujet du chauffage au bois. L’assureur lui dit que la résidence fera l’objet d’une inspection par un spécialiste en prévention des incendies qu’elle appelle préventioniste, à cause de la présence d’un système auxiliaire de chauffage au bois.

[26]            La demanderesse n’a pas parlé à Mme Mingo de la déclaration de la vendeuse faite sur l’annexe AG-36857. Elle avait signé cette annexe en février et l’acte d’achat notarié n’était pas encore signé à ce moment-là.

[27]            Le Tribunal a entendu la demanderesse témoigner, et même après un contre-interrogatoire bien mené, sa bonne foi ne peut aucunement être remise en doute. La défenderesse n’a pas renversé la présomption de bonne foi de la demanderesse et celle-ci a confirmé sa bonne foi en ce que :

-         son témoignage et son attitude à la Cour ont apparu au Tribunal comme étant honnêtes, sincères et francs;

-         si elle avait eu un doute au sujet de la dangerosité de la cheminée et du foyer, elle n’aurait pas installé un poêle ni utilisé le foyer : au moment de l’incendie, elle venait d’adopter un tout jeune enfant, en septembre 2005;

-         elle était assurée avec la défenderesse depuis 1997, y inclus pour son ancienne résidence et trois autres immeubles résidentiels à logements couverts par la même police d’assurance que sa résidence;

-         elle estimait de bonne foi que la vendeuse avait condamné la cheminée et décidé de cesser d’utiliser le système de chauffage d’appoint au bois (poêle à bois) suite à des choix personnels, et non suite à la détection d’un danger potentiel;

-         en effet, elle s’était fait déclarer que le système n’était plus fonctionnel, et non pas qu’il comportait des dangers d’utilisation;

-          le foyer était en activité lors de ses deux visites pré-achat, même si la vendeuse l’a déclaré non fonctionnel sur cette annexe : le document pré-achat comporte une clause qu’elle a comprise être une clause de style pour protéger la vendeuse, rien de plus, quitte à attendre une visite d’inspection;

-         cette clause est apparue à la demanderesse n’être alors qu’une simple formalité.

[28]            La demanderesse est en conséquence de bonne foi. Cependant, la déclaration doit être faite avec la plus haute bonne foi, ce qui signifie que l’oubli d’un fait pertinent, même de bonne foi, sera généralement sanctionné[1]. Examinons maintenant ce deuxième point.

- 2o  La déclaration de l’assuré normalement prévoyant :

[29]            La mauvaise foi dans la déclaration entraîne la nullité du contrat d’assurance. Or, ce n’est pas le cas ici.  Mais il y a plus. La simple bonne foi n’est pas suffisante. Il serait trop facile pour un preneur de feindre l’ignorance. Et il serait aussi trop facile pour l’assureur de refuser couverture à chaque fois que la déclaration du risque comporte une omission ou un oubli[2]. Chaque cas doit être analysé distinctement. En ce qui concerne l’assuré, ses déclarations doivent être « celles d’un assuré normalement prévoyant », au sens de l’article 2409 du Code civil du Québec.

[30]            L’assuré doit non seulement répondre aux questions qui lui sont posées, mais informer l’assureur de tout fait pertinent au risque.

[31]            Si la demanderesse n’a pas fait part à madame Véronique Mingo de l’existence des documents pré-contractuels, il faut cependant se situer dans le contexte où elle s’attendait à la visite d’un inspecteur préventioniste, envoyé par la défenderesse.

[32]            Il faut aussi se situer dans le contexte où la demanderesse était accompagnée et assistée d’un agent d’immeuble pour sa visite des lieux, pour les discussions pré-contractuelles, et pour la préparation de tous les documents pré-contractuels : concernant la clause que l’assureur lui reproche de ne pas avoir dénoncée par téléphone à Mme Mingo, le Tribunal retient que la demanderesse s’est sentie pleinement rassurée par ce qu’elle a retenu des représentations de son agent d’immeuble : il s’agissait d’une simple clause pour protéger le vendeur. Bien plus, cette clause qui utilise les mots « non fonctionnel », avait été écrite par son propre agent d’immeuble. Enfin, la clause ne décrit pas les problèmes réels rencontrés par la vendeuse auparavant.

[33]            En effet, la vendeuse Mme Perron, ni directement ni par l’entremise de son agent d’immeuble ni par l’agent d’immeuble de la demanderesse, n’a jamais dénoncé qu’elle avait cessé de se servir du poêle et bloqué la cheminée, parce qu’elle avait connu des problèmes pendant son occupation des lieux et qu’elle avait certaines appréhensions : elle n’a jamais dénoncé ces problèmes et a cherché, même en Cour, à se réfugier derrière les clauses inscrites aux documents pré-contractuels pour la protéger, évitant de répondre aux questions et affichant une réticence perceptible. Elle avait connu un important problème de pénétration de fumée dans la maison, et savait que les tuiles de la cheminée étaient endommagées, pour en avoir entendue au moins une tomber. Cela ne fut pas indiqué dans les documents précontractuels ni dénoncé verbalement à Mme Trudel.

[34]            Recontactée en octobre 2005 par la demanderesse, alors qu’elle procédait à l’installation de son poêle à bois, la vendeuse n’a pas davantage dénoncé les problèmes qu’elle avait connus et les dangers qu’elle appréhendait : elle a seulement indiqué que la cheminée du poêle à bois avait été bouchée non seulement à l’entrée, mais aussi à la sortie de la cheminée. Au surplus, un ramoneur de l’entreprise Cheminette a aidé à l’installation du poêle. Et le ramoneur n’a rien détecté de dangereux dans l’installation, même si son expertise est dans le ramonage des cheminées et non dans l’inspection des installations.

[35]            Dans un tel contexte, la demanderesse n’avait aucune raison d’appréhender une situation de danger ou de non-conformité de ses installations. Elle se fiait à la visite à venir du préventioniste de la défenderesse pour lui signaler, le cas échéant, toute correction à ce système de chauffage au bois.

[36]            Le Tribunal retient de la preuve que la demanderesse se considérait en sécurité, d’où elle a commencé à utiliser le système de chauffage au bois en novembre 2005, et qu’elle a été normalement prévoyante en attendant la visite du préventioniste pour une inspection de conformité aux normes et non pour une vérification d’appareils potentiellement dangereux.

[37]            C’est ce qu’il faut retenir d’une déclaration de style qualifiant le foyer de « non fonctionnel » alors que le foyer, de très belle apparence, fonctionnait lors des deux visites pré-achat, et que la vendeuse disait utiliser régulièrement, ce qu’elle faisait d’ailleurs. Quant au poêle, il n’était plus là et la déclaration de la vendeuse faite sur l’annexe AG-36857, qualifie la cheminée de « non fonctionnelle », d’où elle avait été « condamnée » par la vendeuse. Les explications de la vendeuse lors de la visite pré-achat, sont à l’effet qu’elle avait vendu le poêle à bois cinq ans auparavant, parce qu’elle ne l’utilisait plus. La cheminée, inutilisée, avait été bouchée avec de la maçonnerie : la vendeuse n’a pas dénoncé que cette cheminée était endommagée à l’intérieur, ni dénoncé les problèmes qu’elle avait connus. Une telle déclaration, dans les circonstances, est faussement rassurante. Ne dénonçant aucun problème particulier ni la situation de bris de cheminée ou du foyer, cette clause n’est pas de nature à inciter un assuré « normalement prévoyant » à faire inspecter la cheminée immédiatement par un technicien qualifié détenteur d’une licence de la Régie du bâtiment du Québec (R.B.Q.) avant de commencer à utiliser le foyer, installer un poêle à bois et utiliser la cheminée, et ceci dans les circonstances qui suivent :

1-      un autre document pré-contractuel, soit la déclaration du vendeur signée le 5 juillet 2004, ne comporte aucune restriction quant au foyer, au poêle et à la cheminée, qui est la section D-9 du document concernant le chauffage et la climatisation. Il n’y a aucune réponse à la question 9.6 concernant la fréquence d’utilisation du chauffage d’appoint, et la réponse à la question 9.7 demandant la fréquence des ramonages est : « aux deux ans maintenant habituellement ». Tout porte à croire à une utilisation normale du chauffage d’appoint, et à l’absence de problèmes, car il n’y a rien là de bien inquiétant pour le foyer et la cheminée;

2-      avant d’utiliser la cheminée, autant pour le poêle que pour la cheminée, la demanderesse a eu recours à l’assistance d’un ramoneur, M. Dubé, et d’un pompier, M. Beaucage;

3-      elle savait que l’inspection serait effectuée à court terme par un préventioniste qualifié à l’emploi de la défenderesse;

4-      alors pourquoi payer pour des services équivalents, quand l’assureur annonce qu’il procédera à une inspection, dans le contexte d’un assuré qui n’avait aucune raison de ne pas se sentir en sécurité, ce dont la demanderesse a fait la preuve prépondérante.

5-      Enfin, la demanderesse a accueilli chez elle, à partir de septembre 2005, une fillette adoptée, à laquelle elle n’avait évidemment aucune raison de ne pas fournir une sécurité sans faille;

6-      toutes ces circonstances, en particulier l’annonce de l’assureur qu’il va procéder à une inspection des installations pour le chauffage au bois, permet de considérer que les déclarations faites par la demanderesse à Mme Mingo, représentante de la défenderesse, sont celles d’un assuré normalement prévoyant, au sens de l’article 2409 du Code civil du Québec.

- Le risque aurait-il été refusé par l’assureur?

[38]             Si le risque impliqué est un « risque prohibé », l’assureur serait bien fondé de soutenir qu’il n’aurait pas accepté ce risque, au sens de l’article 2411 du Code civil du Québec. Dans l’affaire Sharma[3], la Cour d’appel du Québec a donné raison à un assureur victime d’une omission de déclarer, car l’assureur a prouvé qu’il n’aurait pas accepté ce risque. En l’espèce, il s’agissait d’un immeuble laissé vacant.

[39]            Il ne faut pas se limiter à la prétention de l’assureur qu’il n’aurait pas assuré ce risque s’il avait eu entre les mains la clause contenue dans l’annexe à l’offre d’achat AG-36857. Il faut aussi analyser toute la preuve, qui révèle la politique habituelle de la défenderesse lorsqu’elle reçoit les demandes d’assurances concernant des résidences dont le chauffage auxiliaire est au bois. Dès le mois de mai 2005, la représentante qui a accepté par téléphone la proposition d’assurance a indiqué à la demanderesse que le système de chauffage au bois ferait l’objet d’une inspection.

[40]            Celui qui devait procéder à cette inspection, monsieur Hugues Martel, a inspecté les lieux après l’incendie. Il a témoigné. Il était informé de la clause. Quand il agit comme préventioniste, son mandat est d’inspecter tout ce qui concerne le chauffage au bois, de faire des recommandations, et aussi de demander au besoin une inspection additionnelle par une entreprise détenant la licence de la R.B.Q. L’assureur soutient, avec raison, que l’incendie ne se serait probablement pas produit si l’inspection avait été effectuée plus tôt.

[41]            Là où l’assureur a tort, c’est de soutenir qu’il n’aurait jamais assuré le risque si la clause lui avait été déclarée, parce que ce n’est pas ce que la preuve a révélé. Si M. Martel était allé sur les lieux, il aurait probablement constaté le mauvais état du foyer. Avant novembre, M. Martel aurait vu que le conduit de la cheminée du sous-sol était bloqué. Après novembre, il aurait vu la nouvelle installation du poêle. Il aurait dès lors pu faire deux choses : émettre une interdiction de se servir du foyer et exiger une inspection par le technicien détenteur de la licence R.B.Q.. Il y aurait eu inspection du foyer, du nouveau poêle à bois et des deux conduits de la cheminée.

[42]            Il faut en effet présumer de la bonne foi de la demanderesse et de son conjoint, qui auraient montré à l’inspecteur ce nouveau poêle qu’ils venaient d’installer (déjà déclaré à Mme Mingo). Ils auraient aussi exposé qu’ils avaient dû faire déboucher la partie de la cheminée qui avait été bloquée par l’ancienne propriétaire. Car telle était exactement la situation des installations de chauffage au bois, soit le risque à assurer.

[43]            Donc, suite à cette inspection, l’inspecteur a dit qu’il aurait fait des recommandations à l’assuré et que celui-ci aurait dû exécuter ses recommandations dans un délai de 30 à 35 jours pour bénéficier de la couverture d’assurance avec chauffage au bois, et qu’en attendant, l’assuré aurait dû s’abstenir de l’utiliser. Il aurait ensuite procédé à une nouvelle inspection après ce délai pour vérifier si ses recommandations avaient été suivies. Si les réparations n’avaient pas été exécutées, après un nouveau rappel de 15 jours, le dossier serait alors retourné au service de souscription qui, alors seulement, aurait pu décider de ne plus assurer la résidence.

[44]            En aucun temps l’inspecteur Martel n’a dit qu’il s’agissait d’un « risque prohibé » ni d’un risque impossible à corriger ou d’un risque sur lequel il n’aurait pas pu faire de recommandations pour le rendre assurable. 

[45]            De plus il n’y a aucune preuve par la défenderesse qu’elle aurait effectivement, après une inspection, refusé d’assurer la situation décrite par M. Martel pour motif d’impossibilité d’apporter des correctifs. Autrement dit, nous ne sommes pas dans une situation où, comme dans l’affaire Paquette, un assureur serait justifié de refuser le risque d’un système de chauffage auxiliaire au bois non conforme, non sécuritaire, et au surplus non déclaré, où « aucune modification n’aurait rectifié la situation de façon satisfaisante[4] ».

[46]            Dans l’affaire Paquette, l’assureur « a affirmé, raisons à l’appui, que son choix n’aurait pas été d’exiger une surprime, mais de refuser le risque[5]. »

[47]            Or, une telle preuve n’a pas été faite en l’espèce. Même la représentante du service de souscription, qui a expliqué la possibilité de mettre en place des scellés temporaires empêchant de se servir du poêle et du foyer suite à une inspection d’où résulteraient des recommandations de modifications, n’a pas écarté l’acceptation du risque si les réparations résultant de ces recommandations étaient effectuées. Et ceci même si, tel qu’il existait, le système de chauffage au bois n’était pas assurable au départ. Le service de souscription a le droit d’exiger des modifications au système, résultant d’une inspection par un représentant de l’assureur. Si ces modifications rencontrent les recommandations de l’inspecteur, alors, la défenderesse assurera le risque. Appliqué à la présente situation, où l’inspecteur a finalement examiné le système, l’assureur n’a pas démontré de façon prépondérante que le risque était un risque prohibé ni qu’il n’aurait pas assuré le risque[6].

[48]            L’auteur Lamoureux rajoute ce qui suit :

«Cette preuve peut revêtir plusieurs formes. Il peut s’agir d’études statistiques, d’une preuve de ce que d’autres assureurs font dans les mêmes circonstances, etc. En fait, l’assureur doit pouvoir convaincre le juge du procès qu’il a des raisons sérieuses de demander la nullité de la police et que sa décision ne résulte pas simplement d’un caprice soulevé dans le simple but d’éviter le paiement d’une indemnité.»[7]

[49]            Le Tribunal, en s’inspirant de cette citation, ne désire pas qualifier de simple caprice la décision de l’assureur dans le présent dossier puisqu’il considère que le cas qui lui est soumis est une affaire sérieuse qui méritait d’être analysée. Cela étant dit, l’assureur doit convaincre le Tribunal, par une preuve prépondérante, que son refus est justifié. Et le Tribunal conclut ici que l’assureur n’a pas fait cette preuve face au risque réel à assurer, en l’espèce.

[50]            Au surplus, et sans limiter ce qui précède, la déclaration de la demanderesse, même si elle était incomplète par l’omission de déclarer la clause restrictive contenue à l’offre d’achat, n’a aucunement privé l’assureur de la possibilité de procéder à une enquête plus poussée[8].

[51]            Si l’inspection n’avait pas encore été effectuée huit mois après l’émission de la police d’assurance, c’est que l’inspecteur de la défenderesse n’avait pas eu l’occasion ou le temps de l’effectuer. Faute d’avoir inspecté les installations de chauffage au bois, la défenderesse n’a pas pris les moyens raisonnables pour recueillir l’information qui lui était nécessaire[9].

[52]            La défenderesse n’a pas démontré que, même avec l’application de sa politique habituelle (inspection - recommandations - réinspection - deuxième avis), elle aurait refusé d’assurer le risque d’un système de chauffage au bois (dusse-t-il être réparé et/ou remplacé en tout ou en partie) dans cette résidence[10].

[53]            Évidemment, la défenderesse n’était pas obligée de faire enquête. Mais vu qu’elle s’était engagée à faire une inspection, elle a promis de faire cette enquête. Et si l’inspection avait été faite, elle aurait permis d’évaluer le risque à être assuré. Rien n’indique qu’elle ne l’aurait pas assuré, dans les faits. Voilà une première raison pour accueillir la réclamation.

- L’expert en sinistre contractuel liait-il la défenderesse par la remise d’un premier chèque, en acompte sur un règlement du sinistre?

[54]            La défenderesse a affecté au dossier un expert en sinistre indépendant, en la personne de monsieur Marcel Grégoire, qui n’était pas un employé. Il était engagé à contrat. Ce dernier a remis à la demanderesse un chèque de 15 000,00 $ le 27 février 2006 et promis à ce moment-là que la balance du règlement serait payée quand les travaux auraient été complétés. Le chèque est payable à la demanderesse, à l’entreprise de construction et au créancier hypothécaire.

[55]            Or, le lendemain, un représentant de la défenderesse appelait la demanderesse pour lui indiquer que le chèque n’aurait pas dû lui être remis et qu’il ferait d’un arrêt de paiement. Le chèque était déjà déposé au compte de l’entrepreneur.

[56]            La demanderesse soutient que la défenderesse s’était engagée à indemniser le sinistre. La défenderesse allègue que M. Grégoire, qui n’est pas son employé, ne pouvait pas la lier.

[57]            M. Grégoire n’a pas témoigné. La demanderesse admet aujourd’hui qu’il est un expert en sinistre indépendant, et qu’il n’est pas un salarié de la défenderesse. Mais elle affirme qu’il s’est toujours présenté comme représentant de l’assureur.

[58]            La demanderesse allègue que la défenderesse est responsable des actes de M. Grégoire en vertu du contrat de mandat qu’elle lui avait confié. Pour elle, il était le représentant autorisé de la demanderesse.

[59]            Lorsqu’il a remis un chèque à la demanderesse le 27 février 2006, M. Grégoire était déjà allé sur les lieux vers le 22 février et auparavant, il avait photographié le foyer sorti de son emplacement et constaté un trou percé par la rouille. Il avait été informé dès le 14 février par Serge Lemieux, expert en sinistre (pièce D-3), que le foyer était très pourri. Le rapport des pompiers avait situé la cause de l’incendie justement derrière le foyer. Dans les jours suivants, M. Grégoire avait rejoint l’ancienne propriétaire et obtenu copie des documents précontractuels (pièce P-9), dont la déclaration de la vendeuse concernant le foyer et la cheminée (AG-36857). Il a montré ce document à la demanderesse le 27 février au moment de lui remettre le chèque de 15 000,00 $. Il était donc au courant de toute la situation.

[60]            La défenderesse est liée par les actes de son mandataire, peu importe qu’il soit son employé ou son engagé contractuel dûment mandaté. Par M. Grégoire, elle connaissait l’existence des documents pré-contractuels qu’elle invoque maintenant pour refuser d’indemniser. Le chèque fut remis quand même à la demanderesse le 27 février et déposé le 28 février avant que la défenderesse ne fasse arrêter le paiement.

[61]            Ayant pris cette décision malgré la prétendue mauvaise foi qu’elle impute maintenant à la demanderesse, la défenderesse ne plus retirer son offre, ni arrêter son chèque de 15 000,00 $, ni se dédire de sa promesse de régler la balance par un deuxième chèque. Elle y a renoncé par les actes de son mandataire, qui deviennent ses propres actes.

[62]            Le juge Carl Lachance de la Cour supérieure a d’ailleurs adopté, avec raison, le même raisonnement dans une affaire où les faits présentent une similitude avec la présente affaire[11]. Ce raisonnement s’applique d’autant plus que le Tribunal, dans les circonstances de la présente cause, a décidé que la demanderesse n’était pas de mauvaise foi. Le Tribunal a ici une deuxième raison pour accueillir la réclamation.

Décision :

[63]            Le risque ici en cause est celui d’un chauffage auxiliaire au bois. Il ne s’agit pas d’un risque prohibé ni d’un risque exclu. Cependant, la défenderesse pouvait décider de ne plus couvrir ce risque, et donc de ne plus assurer la résidence, si l’inspection à laquelle elle s’était engagée démontrait l’une ou l’autre des situations suivantes : les installations de l’assuré étaient non conformes, avec impossibilité de remédier à cette non-conformité, ou deuxièmement, elles pouvaient être rendues conformes par l’assuré, mais l’assuré n’aurait pas donné suite aux recommandations de corrections dans le délai donné.

[64]            L’assureur n’a pas prouvé qu’il n’aurait pas assuré la propriété dans les circonstances. Il s’était réservé le droit à une inspection, mais il n’a pas effectué cette inspection. De son côté, l’assuré était en droit de s’attendre à cette inspection, à laquelle s’était engagée la défenderesse. La défenderesse, malgré une ou quelques tentatives infructueuses, n’a pas fait diligence pour procéder à cette inspection.

[65]            La demanderesse n’a pas été de mauvaise foi. Cependant, malgré la bonne foi, l’omission de déclarer à l’assureur aurait pu être sanctionnée par la déclaration de nullité du contrat. Sauf que, dans les circonstances particulières à la présente cause, un assuré normalement prévoyant peut s’attendre à une inspection promise par l’assureur et oublier, en attendant, des documents pré-contractuels peu clairs, signés trois mois auparavant, faussement rassurants. Rédigés par son agent d’immeuble, la demanderesse a retenu de ces documents qu’ils comportaient une simple clause de style afin de protéger la vendeuse.

[66]            De plus, nous sommes en présence d’une demanderesse acheteuse qui ignorait les problèmes connus par sa vendeuse avec le système de chauffage au bois de sa résidence, mais que celle-ci, même à l’audience, persistait à éviter d’aborder clairement.

[67]            La demanderesse se sentait tellement en confiance qu’elle a utilisé le foyer et réinstallé un poêle dans la maison, même si la visite de l’inspecteur de la défenderesse n’avait pas encore eu lieu. Plus le temps passait, plus elle était fondée de croire que cette visite était une simple formalité. Si elle avait connu la situation de danger des installations, elle n’aurait pas risqué sa vie, celle de son conjoint et celle de son enfant.

[68]            C’est dans ce contexte bien particulier à la présente cause que le Tribunal estime que la demanderesse a fait les déclarations d’un assuré normalement prévoyant et sans commettre de réticence importante, au sens de l’article 2409 du Code civil du Québec

[69]            Au surplus, même au courant de toutes les circonstances, même celles connues en février 2006 seulement, le représentant de l’assureur, dûment mandaté, a décidé de régler la réclamation et de remettre la première tranche du règlement.

[70]            En conséquence, la demande de la défenderesse de considérer le contrat d’assurance comme nul « ab initio » sera rejetée et la défenderesse, assureur de la demanderesse, sera condamnée à payer l’indemnité d’assurance, dont le montant n’est pas contesté, soit 22 115,86 $.

- Troubles et inconvénients :

[71]            Quant à la réclamation de 1 000,00 $ pour troubles et inconvénients, elle sera rejetée parce que le présent litige est en matière contractuelle. Le refus d’indemniser portait ici sur une question sérieuse méritant d’être soumise à cette Cour, et ce refus ne peut pas être qualifié d’abusif. Le refus a été opposé de bonne foi. Cependant, après analyse, il appert que ce refus n’était pas fondé : ce qui est maintenant décidé après une audition marquée par la courtoisie et le grand professionnalisme des avocats au dossier.

- Remboursement de primes :

[72]            Par contre, la défenderesse offre dans sa défense de remettre les primes d’assurance, et cette offre devient pertinente dans la mesure où la défenderesse a annulé le contrat d’assurance qui la liait à la demanderesse, et ceci en date du 6 mars 2006. Il restait vraisemblablement une portion de la prime à courir; elle devra être remise, le cas échéant. Il convient de signaler que les deux parties avaient fait des offres relativement à ces primes. La défenderesse maintenait son offre de rembourser les primes si la police était annulée. De son côté, la demanderesse offrait de retourner les chèques de remboursement qu’elle n’avait pas encaissés, au cas où elle obtiendrait gain de cause. La situation ici soulevée par le Tribunal, - en tenant compte de l’annulation de la police le 6 mars 2006 -, n’a pas été prévue par les parties. D’où l’ordonnance rendue ci-après aux paragraphes 77 et 78 pourra être précisée suite à une réouverture d’enquête, si besoin en était.

[73]            POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[74]            ACCUEILLE la demande de la demanderesse.

[75]            CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de             22 115,86 $ avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation, plus l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec depuis l’assignation.  

[76]            CONDAMNE la défenderesse aux dépens, y inclus les frais de signification de subpoenas à Gaétan Pressé et à Guy Munger.

[77]            PREND ACTE de l’offre de remboursement des primes faite par la défenderesse, pour la partie non expirée de la police d’assurance annulée le 6 mars 2006, dans la mesure et dans la proportion où la situation est applicable.

[78]            RÉSERVE aux parties le droit à une réouverture d’enquête si un problème se posait avec l’application de l’ordonnance rendue au paragraphe 77 qui précède, ou pour la préciser. Une demande de réouverture d’enquête devra, le cas échéant, être formulée dans les 15 jours de la date du présent jugement.

 

 

__________________________________

CLAUDE BIGUÉ, J.C.Q.

 

Me Lucien Cliche Jr.

Cliche Lortie Ladouceur

Pour la demanderesse

 

Me René Martineau

Geoffroy Matte Kélada

Pour la défenderesse

 

Date d’audience :

30 août 2007

 



[1] Lamoureux, Jean-François, Le droit des assurances - Le risque, dans Contrats, sûretés et publicité des droits, Collection de droit 2007-2008, École du Barreau du Québec, volume 6, EYB 2007 CDD 112, page 5.

[2] Lamoureux, précité note 1, page 6.

[3] Sharma c. La Victoria compagnie d’assurance, 1997 R.E.J.B. 00077, C.A.Q. 1997-01-29, para. 22, 24 et 25.

[4] Paquette c. Société Nationale d’assurance, (1987) R.R.A. 772 , C.S. 1997-05-13, p. 776; aussi AZ-87025040 .

[5] Paquette, précité note 4, p. 777.

[6] Lamoureux, précité note 1, page 7.

[7] Lamoureux, précité note 1, page 7.

[8] Assurance-vie Desjardins - Laurentienne inc., c. Poirier - Wilson, (2003), R.R.A. 1098 ; AZ-50190280 ; J.E. 2003-1670 (C.A.Q. 2003-02-29), para. 25 à 27.

[9] Bitton c. Axa assurance inc., EYB 2006-104220 (C.S. 2006-04-11), para. 51.

[10] Assurance-vie Desjardins, précitée note 8, para. 28; Minville c. Assurance des Caisses Desjardins, EYB 2006-106485 (C.S. 2006-06-05), para. 42 et 48.

[11] Transport R. Larouche & Fils inc. c. ING, Compagnie d’assurance, 2007, QCCS 944, C.S. 2007-01-18; 2007 J.E. 671, para. 123.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.