Tremblay c. Fortier-Perreault (Auto St-Hubert) Affaires Sous Le Nom Et Raison Sociale De Auto St-Hubert |
2013 QCCQ 170 |
JD2786
COUR DU QUÉBEC
« Division des petites créances »
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE LONGUEUIL
LOCALITÉ DE LONGUEUIL
« Chambre civile »
N° : 505-32-028654-110
DATE : 9 janvier 2013
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE MONIQUE DUPUIS, J.C.Q.
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JEAN-CLAUDE TREMBLAY
Demandeur
c.
CÉDRIC FORTIER-PERREAULT ET DAVID CARON-TESSIER faisant affaires sous le nom et raison sociale de Auto St-Hubert
Défendeurs
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JUGEMENT
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[1] Jean-Claude Tremblay (" Tremblay ")[1] réclame l'annulation d'un contrat de vente d'auto intervenu le 14 juillet 2011. Il réclame aux défendeurs faisant affaires sous le nom et raison sociale de Auto St-Hubert, la somme de 6 235,07$ en remboursement du prix payé pour une voiture et des dommages divers.
[2] Il allègue que la voiture achetée était affectée de nombreux vices cachés la rendant inutilisable.
[3] Les défendeurs contestent la réclamation parce que la vente a été faite sans aucune garantie et qu'un rabais de 1 000,00$ a été accordé sur le prix de vente en raison des réparations prévisibles au moment de la vente.
Question en litige
[4] Il s'agit de déterminer si Tremblay a droit à l'annulation du contrat de vente, au remboursement du prix et au paiement des dommages réclamés.
Le contexte
[5] Le 14 juillet 2011, Tremblay achète de Auto St-Hubert une voiture de marque Kia modèle Magentis 2003, dont l'odomètre indique alors 144 000 km.
[6] Selon le contrat (pièce P-1), le prix de vente de 2 800,00$ est réduit à 1 800,00$; le contrat indique " AUBAINE " et " RABAIS POUR RÉPARATIONS FUTURES ".
[7] Le paragraphe portant sur la garantie indique ce qui suit :
" Véhicule vendu sans aucune garantie et un rabais pour les réparations futures "
[8] Dès le 29 juillet 2011, Tremblay éprouve un problème sérieux : la roue avant droite s'est détachée et il doit faire remorquer le véhicule chez Auto St-Hubert.
[9] Selon Tremblay, c'est le cardan arrière qui s'est brisé et a causé le détachement de la roue. Il ajoute que d'autres problèmes affectent le véhicule, dont notamment l'absence de câble de frein à main.
[10] Il rencontre Cédric Fortier-Perreault (" Fortier-Perreault "), et exige l'annulation du contrat de vente, le remboursement de la somme de 3 300,00$ et l'indemnisation des dommages subis. Fortier-Perreault refuse.
[11] Le 14 août 2011, Tremblay lui adresse une mise en demeure réclamant l'annulation du contrat de vente, et le paiement de la somme de 6 235,07$ répartie comme suit :
- remboursement du prix payé pour le véhicule 3 300,00$;
- taxes 340,80$;
- remorquage 96,83$;
- réparations 447,24$;
- frais de déplacement 50,00$;
- perte de jouissance et inconvénients 2 000,00$.
Analyse et décision
[12] Tremblay allègue que le véhicule acheté de la défenderesse est affecté de vices cachés. Ce contrat de vente est régi par la Loi sur la protection du consommateur[2] (" L.p.c. "), et plus particulièrement les articles 37 et 38 qui stipulent que :
" Art. 37 Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à l'usage auquel il est normalement destiné.
Art.
38 Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien. "
[13] Au moment de la vente, il s'agit d'un véhicule de catégorie " D " au sens de l'article 159 L.p.c. : il n'est donc pas couvert par la garantie de bon fonctionnement prévue à cet article.
[14] Comme le rapporte Claude Masse, dans son traité sur la Loi sur la protection du consommateur-analyse et commentaires[3], les tribunaux s'accordent dans l'ensemble pour déclarer au sujet des articles 37 et 38 L.p.c. :
" 1. La garantie accordée au consommateur par ces articles s'applique aux biens neufs ou usagés;
2. Cette garantie est d'ordre public et ne peut être écartée par une exclusion conventionnelle;
3. Il s'agit d'une application particulière de la notion de vices cachés;
4. Le fait que le défaut qui rend l'usage normal difficile ou impossible ou manifeste après l'achat établit une présomption à l'effet que le vice existait lors de la vente.
5. Le consommateur a le fardeau de prouver que l'absence de durabilité raisonnable provient d'un vice caché antérieur à la vente. Dans le cas d'une preuve d'absence de durabilité raisonnable, le consommateur bénéficie toutefois d'une présomption à l'effet que le vice était antérieur à cette vente. Cette approche est reprise par l'article 1729 C.c.Q. il s'agit d'une présomption renversable par le commerçant. Les automobiles d'occasions peuvent faire l'objet de la garantie générale des articles 37 et 38 L.p.c. même si elles ne sont pas couvertes par la garantie légale dont la durée est clairement définie par les articles 159 et 160 L.p.c.
6. La garantie légale de ces articles est de moindre durée que celle que l'on retrouve aux articles 159 et 160 L.p.c. en ce qui a trait à la vente de véhicules d'occasions. En pratique, bon nombre de décisions reconnaissent à l'acheteur d'un véhicule d'occasion un droit de recours fondé sur l'article 38 L.p.c. pour une défectuosité grave du véhicule (remplacement du moteur, transmission inopérante, risque de rupture du châssis, etc.), lorsque ces vices graves se manifestent dans les quelques jours ou, tout au plus, dans les quelques semaines qui suivent l'acquisition, donc en deçà de la garantie légale d'un mois et de 1700 km accordé par l'article 159 c) L.p.c.
7. La présomption de connaissance que l'on retrouve à l'article 53 L.p.c. peut s'appliquer dans un cas visé par les articles 37 et 38 L.p.c., notamment lorsqu'il s'agit d'accorder des dommages. "
[15] La preuve révèle que le 29 juillet 2011, à peine 15 jours après l'achat, la roue avant droite du véhicule se détache et Tremblay doit faire remorquer le véhicule chez un garagiste. La preuve est silencieuse quant au kilométrage effectué entre l'achat et la vente et quant aux conditions d'utilisation de la voiture.
[16] Tremblay ne présente pas de preuve d'expert permettant de déterminer la cause de ce bris. De son côté, Fortier-Perreault soulève l'hypothèse que si la roue s'est arrachée, c'est peut-être parce que Tremblay a heurté un nid de poule, ou un autre obstacle sur la route.
[17] De l'avis du Tribunal, ce dernier n'a pas repoussé la présomption à l'effet que le véhicule a subi un bris important et n'a pas servi à un usage normal pendant une durée raisonnable, suite à l'achat effectué 15 jours avant l'incident. Fortier-Perreault soulève une possibilité tout au plus, mais non une cause probable du bris.
[18] Même si le vendeur a réduit le prix de vente de 1 000,00$ pour des réparations prévisibles, cela ne peut constituer la dénonciation du vice affectant la roue, le cas échéant, et une acceptation par Tremblay de l'état du véhicule.
[19] Cependant, tenant compte du prix payé, de la réduction accordée, de l'âge du véhicule (2003) et de son kilométrage au moment de la vente (144 000 km), il n'y a pas lieu d'accueillir la demande d'annulation de vente et de remboursement du prix payé.
[20] Tremblay a tenté de contredire le contrat de vente qu'il produit lui-même (pièce P-1) et qu'il a dûment signé, à l'effet que le prix de vente est de 2 800,00$ réduit à 1 800,00$, ce rabais étant consenti pour des réparations futures. La production de son relevé bancaire ne lui permet pas de conclure, par preuve prépondérante, à des modalités différentes du contrat.
[21] Bien que la preuve ne révèle pas qu'au moment de la vente, il ait été prévu tant pour l'acheteur que pour le vendeur qu'une réparation était à prévoir en ce qui concerne la roue, il y a lieu néanmoins de tenir compte du fait que le prix de vente a été fixé en fonction de réparations éventuelles.
[22] Dès que Fortier-Perreault est informé du problème survenu, il offre à Tremblay de réparer à ses frais le cardan arrière qui s'est brisé et qui a causé le détachement de la roue. Le coût de ces travaux est estimé par le garagiste Centre Mécanique Sylvain Belisle à 447,24$ (pièce D-3).
[23] Tremblay accepte d'abord cette offre, puis informe Fortier-Perreault qu'il exige plutôt l'annulation de la vente et le remboursement intégral du prix de vente de 3 300,00$, et l'indemnisation pour les inconvénients subis.
[24] Compte tenu de toutes les circonstances entourant la vente, et eu égard à la preuve, le Tribunal est d'avis que l'offre faite par Fortier-Perreault de réparer le véhicule était suffisante. Tremblay n'a pas droit à l'annulation de la vente et au remboursement du prix de vente. Il a droit au prix de la réparation et au remboursement des dépenses reliées au bris de la roue, soit :
- réparations 447,24$;
- remorquage 96,83$;
- frais de déplacement 50,00$.
[25] La preuve présentée ne permet pas de conclure au bien-fondé de la réclamation quant à la perte de jouissance et aux inconvénients subis par Tremblay.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[26] ACCUEILLE en partie l'action du demandeur;
[27] CONDAMNE les défendeurs solidairement à payer au demandeur la somme de 594,07$ avec intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code Civil du Québec à compter de l'assignation.
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MONIQUE DUPUIS, J.C.Q.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.