Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Services ménagers Roy ltée et Miville

2013 QCCLP 4144

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Trois-Rivières

9 juillet 2013

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

Dossier :

445307-03B-1107

 

Dossier CSST :

138242722

 

Commissaire :

Diane Lajoie, juge administratif

 

Membres :

Guy Perreault, associations d’employeurs

 

Pierre de Carufel, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Les Services ménagers Roy ltée

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Marc-André Miville

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

[1]          Le 18 janvier 2013, le travailleur, monsieur Marc-André Miville, dépose une requête en révision ou révocation de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 8 novembre 2012 et rectifiée le 20 novembre 2012.

[2]          Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles accueille le moyen préalable soulevé par l'employeur, Les Services ménagers Roy ltée, déclare qu’elle n’a pas compétence pour statuer sur la requête déposée par l'employeur le 27 juillet 2011, déclare que le travailleur a consenti aux termes d’un accord le ou vers le 7 juin 2012, entérine l’accord ainsi intervenu entre les parties et déclare que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 3 juin 2011.

[3]           À l’audience tenue à Lévis le 16 mai 2013, le travailleur est présent et représenté par son procureur. L'employeur est représenté par son procureur. La CSST a avisé le tribunal de son absence à l’audience.

[4]           Un délai a été accordé au travailleur pour produire la transcription de l’enregistrement de l’audience tenue le 24 octobre 2012 devant le premier juge administratif. Un délai a aussi été accordé aux parties pour commenter cette transcription. Compte tenu de ces délais, l’affaire est mise en délibéré le 21 juin 2013.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[5]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision de déclarer recevable sa requête produite le 18 janvier 2013.

[6]           Le cas échéant, le travailleur demande au tribunal de révoquer la décision rendue le 8 novembre 2012 et rectifiée le 20 novembre 2012 parce qu’elle comporte une erreur de droit qui constitue un vice de fond de nature à l’invalider.

L’AVIS DES MEMBRES

[7]           Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis que le travailleur a démontré un motif raisonnable permettant de le relever de son défaut d’avoir produit sa requête dans un délai raisonnable. Sa requête est donc recevable.

[8]           Toutefois, ils estiment que la requête en révision ou révocation doit être rejetée. En effet, le travailleur n’a pas démontré que la décision du 8 novembre 2012, rectifiée le 20 novembre 2012, comportait une erreur manifeste et déterminante. Le travailleur, insatisfait de cette décision, souhaite en fait obtenir une nouvelle appréciation de la preuve, ce que le recours en révision ne permet pas.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[9]           Le travailleur demande la révocation de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 8 novembre 2012 et rectifiée le 20 novembre 2012. Il soumet que cette décision comporte des erreurs de droit manifestes et déterminantes équivalant à un vice de fond de nature à l’invalider, au sens du troisième alinéa de l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) :

429.56.  La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[10]        Le recours en révision ou révocation prévu à l’article 429.56 de la loi en est un d’exception, dans un contexte où les décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles sont finales et sans appel :

429.49.  Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

[Nos soulignements]

 

 

[11]        Conformément à l’article 429.57 de la loi, une requête en révision ou révocation doit être présentée dans un délai raisonnable suivant la décision visée et indiquer les motifs à son soutien.

[12]        La jurisprudence nous enseigne que le délai raisonnable prévu à l’article 429.57 de la loi est assimilable à un délai de 45 jours.

[13]        En l’espèce, la requête en révision ou révocation du travailleur a été produite le 18 janvier 2013. Il s’est donc écoulé 59 jours entre la décision rectifiée le 20 novembre 2012 et le dépôt de la requête. Le tribunal juge que la requête du travailleur n’a pas été présentée dans le délai raisonnable prescrit.

[14]        Toutefois, la loi prévoit qu’une personne peut être relevée de son défaut d’agir dans les délais légaux s’il est démontré un motif raisonnable l’ayant empêchée d’agir et si aucune partie n’en subit de préjudice grave :

429.19.  La Commission des lésions professionnelles peut prolonger un délai ou relever une personne des conséquences de son défaut de le respecter, s'il est démontré que celle-ci n'a pu respecter le délai prescrit pour un motif raisonnable et si, à son avis, aucune autre partie n'en subit de préjudice grave.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[15]        La notion de motif raisonnable n’est pas définie à la loi. Il convient donc de s’en remettre à la définition qu’en donne la jurisprudence selon laquelle cette notion est une notion large permettant de considérer un ensemble de facteurs susceptibles d’indiquer, à partir des faits, des démarches, des comportements, de la conjoncture, des circonstances, etc., si une personne a un motif non farfelu, crédible et qui fait preuve de bon sens, de mesure et de réflexion.

[16]        Le travailleur a témoigné à l’audience en révision. Il explique qu’il éprouve de la difficulté à lire et à écrire. Il peut toutefois signer des documents, par exemple, un chèque. Une voisine l’aide à s’occuper de ses affaires.

[17]        Le travailleur reconnaît avoir reçu la décision du 8 novembre 2012 et la décision rectifiée du 20 novembre 2012 par lesquelles la Commission des lésions professionnelles entérine l’accord et déclare qu’il n’a pas subi de lésion professionnelle, mais il ne peut pas dire à quelle date exactement il les a reçues.

[18]        À la suite de cette décision, la CSST a cessé de lui verser l’indemnité de remplacement du revenu. Le travailleur n’a pas fait de démarches auprès de son syndicat, mais il est demeuré en contact avec son employeur. Il explique ne pas avoir fait de démarches auprès de son syndicat parce que selon lui, monsieur Devost, le représentant, voulait seulement fermer son dossier.

[19]        En octobre 2012, il a demandé l’aide juridique, mais sa demande a été refusée. Lorsqu’il a été admissible à l’aide sociale, il a de nouveau demandé l’aide juridique. Selon le livre des rendez-vous du bureau d’aide juridique (T-1) dont maître Patry, le procureur du travailleur en l’instance est le directeur, le travailleur a téléphoné au bureau d’aide juridique le 10 janvier 2013 et a obtenu un rendez-vous le 14 janvier 2013. Il a alors rencontré maître Patry, qui explique que l’aide juridique est accordée en fonction des revenus de l’année en cours, de sorte que le travailleur n’était admissible qu’à compter de janvier 2013.

[20]        Compte tenu du contexte particulier de la présente affaire, le tribunal comprend que le travailleur ne souhaitait plus faire affaire avec le représentant syndical puisque c’est ce dernier qui le représentait dans le cadre du recours concernant l’admissibilité de la lésion et qui a mené à l’accord entériné par la Commission des lésions professionnelles. De plus, le tribunal n’a pas de raison de mettre en doute la preuve selon laquelle le travailleur se trouvait, en novembre 2012, dans une situation financière difficile et qu’il a été admissible à l’aide sociale en fin d’année 2012. Dans ce contexte, il apparaît légitime qu’il ait attendu le début de l’année pour faire des démarches auprès de l’aide juridique dont l’admissibilité est en fonction des revenus de l’année en cours. Par ailleurs, il apparaît que ces démarches sont entreprises aussitôt que possible, considérant la période des Fêtes.  Aussi, le travailleur a le droit d’être représenté devant le tribunal et il apparaît qu’il lui aurait été difficile de rédiger lui-même le recours approprié à l’encontre de la décision du 8 novembre 2012.

[21]        Enfin, la requête en révision ou révocation a été produite rapidement après le rendez-vous du travailleur avec son procureur.

[22]        En tenant compte de ce contexte particulier et de l’ensemble des facteurs, le tribunal en vient à la conclusion que le travailleur a démontré un motif raisonnable justifiant son retard à agir. Le tribunal est également d’avis qu’aucune des parties en l’instance ne subit de préjudice grave du fait que le travailleur soit relevé de son défaut, du moins aucune preuve en ce sens  n’a été faite, ni par l'employeur ni par la CSST qui n’était d’ailleurs pas présente à l’audience.

[23]        Enfin, la requête en révision ou révocation expose les motifs à son soutien. La requête produite le 18 janvier 2013 est donc recevable. Il convient maintenant de décider si la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles doit être révoquée, comme le demande le travailleur.

[24]        Une décision ne peut être révisée ou révoquée que si l’un des motifs énumérés à l’article 429.56 précité est démontré.

[25]        En l’espèce, le travailleur réfère au troisième paragraphe de l’article 429.56 de la loi et fait valoir que la décision comporte un vice de fond, de nature à l’invalider.

[26]        Les notions de « vice de fond » et « de nature à l’invalider » ont été interprétées par la Commission des lésions professionnelles. L’interprétation retenue par le tribunal a par la suite été confirmée par la Cour d’appel. Le tribunal retient des enseignements de la jurisprudence que le vice de fond de nature à invalider la décision est une erreur manifeste de droit ou de faits ayant un effet déterminant sur l’objet de la contestation[2], une erreur qui est déterminante dans les conclusions atteintes[3].

[27]        L’interprétation d’un texte législatif ne conduit pas nécessairement au dégagement d’une solution unique. Ainsi, la simple divergence d’opinions quant à la façon d’interpréter une disposition législative ne constitue pas un vice de fond[4]. Par ailleurs, le fait d’écarter ou d’omettre une règle de droit applicable constitue une erreur de droit manifeste et déterminante[5].

[28]        Il faut aussi retenir que le pouvoir de révision ne peut être une répétition de la procédure initiale ni un appel déguisé sur la base des mêmes faits et arguments[6]. Dans le cadre d’un recours en révision, le juge administratif ne peut non plus substituer son opinion ou son appréciation de la preuve à celle de la première formation. Ce n’est pas non plus une occasion pour une partie d’ajouter de nouveaux arguments[7].

[29]        Dans l’affaire CSST c. Touloumi[8], la Cour d’appel écrit qu’une décision attaquée pour vice de fond ne peut faire l’objet d’une révision interne que lorsqu’elle est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision.

[30]        Enfin, la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision doit faire preuve d’une grande retenue puisque la première décision rendue fait autorité et ce n’est qu’exceptionnellement que cette décision pourra être révisée[9].

[31]        Ces principes étant exposés, qu’en est-il en l’espèce?

[32]        Afin de bien comprendre le contexte dans lequel la requête en révision ou révocation est produite, il convient de rapporter les faits suivants. Le travailleur occupe un emploi à l’entretien ménager pour l'employeur lorsqu’il présente une réclamation à la CSST. Il prétend qu’à force de faire son travail, il s’est blessé aux deux épaules et au bas du dos. La date de l’événement retenue est le 3 juin 2011.

[33]        Le 22 juin 2011, la CSST refuse la réclamation du travailleur qui demande la révision de cette décision. Le 15 juillet 2011, la CSST rend une décision à la suite d’une révision administrative, par laquelle elle infirme celle du 22 juin 2011 et déclare que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 3 juin 2011 pour un diagnostic d’entorse lombaire. Elle déclare toutefois que le diagnostic de tendinite aux deux épaules n’est pas en relation avec l’événement. L'employeur conteste cette décision devant la Commission des lésions professionnelles.

[34]        Le 30 septembre 2011, monsieur Jean-Pierre Devost avise la Commission des lésions professionnelles qu’il représente le travailleur. Le 5 octobre 2011, la CSST intervient au dossier.

[35]        Une audience est fixée devant la Commission des lésions professionnelles le 24 janvier 2012. Toutefois, une demande de remise est accordée et l’affaire est reportée au rôle le 13 juin 2012.

[36]        La consultation du dossier électronique de la Commission des lésions professionnelles, accessible sur le site internet du tribunal, nous apprend que le 7 juin 2012, un règlement est à venir dans le dossier. L’audience du 13 juin 2012 est donc annulée. Par la suite, il y a une mention de fin de conciliation le 10 juillet 2012. Le représentant du travailleur, monsieur Devost, cesse d’occuper le 23 octobre 2012. L’affaire est remise au rôle le 24 octobre 2012.

[37]        Il appert du dossier constitué par la Commission des lésions professionnelles que le 19 octobre 2012, le procureur de l'employeur avise le tribunal qu’il soulèvera une objection préliminaire lors de l’audience du 24 octobre 2012, à savoir que le tribunal ne peut entendre cette affaire puisqu’une transaction mettant fin au litige est intervenue entre les parties.

[38]        Une audience est tenue le 24 octobre 2012 devant le premier juge administratif. La soussignée a pris connaissance de la transcription de l’enregistrement de cette audience produite par le procureur du travailleur et en retient ce qui suit.

[39]        Rappelons d’abord que c’est l'employeur qui a contesté devant la Commission des lésions professionnelles la décision du 15 juillet 2011, rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative. Par cette décision, la CSST reconnaît que le travailleur a subi une lésion professionnelle en lien avec un diagnostic d’entorse lombaire. Elle déclare que le diagnostic de tendinite aux épaules n’est pas en lien avec l’événement.

[40]        En début d’audience devant le premier juge administratif, l'employeur, tel qu’il l’avait annoncé, soulève une objection. Il prétend que la Commission des lésions professionnelles n’a pas compétence puisqu’un accord est intervenu entre les parties, lequel met fin au litige. Le procureur de l'employeur expose la chronologie des événements. S’appuyant entre autres sur le compte d’honoraires soumis à son client, il dit avoir eu une discussion avec monsieur Devost, alors représentant du travailleur, et le représentant de la CSST, en vue de régler le dossier. Il soumet qu’un règlement est intervenu le 7 juin 2012. Il a alors communiqué les modalités de cette entente à la conciliatrice de la Commission des lésions professionnelles. En conséquence, l’audience du 13 juin 2012 a été annulée.

[41]        Le procureur de l'employeur dit avoir reçu l’accord et la transaction pour signature le 14 juin 2012, date à laquelle son client et lui-même ont signé ces documents. Il a ensuite retourné les documents signés à la conciliatrice. Le 19 juillet 2012, le représentant de la CSST signe aussi l’accord.

[42]        Selon cet accord qui est déposé devant le premier juge administratif, le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 3 juin 2011. Une transaction est également intervenue, par laquelle l'employeur s’engage à rembourser le montant de l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur pour les 14 premiers jours.

[43]        L’accord et la transaction n’ayant pas été signés par le travailleur, l’affaire est remise au rôle, d’où l’audience tenue le 24 octobre 2012.

[44]        Monsieur Devost témoigne devant le premier juge administratif. Il a représenté le travailleur jusqu’au 22 octobre 2012. Il explique qu’il n’a pas signé l’accord parce que selon sa pratique, il signe toujours le dernier, après s’être assuré de la conformité de l’accord aux discussions et après l’avoir transmis à son client pour signature. Ce n’est qu’après cela qu’il retourne les documents au tribunal.

[45]        Dans le présent dossier, il a recommandé au travailleur de signer l’accord.

[46]        Monsieur Devost explique le contexte dans lequel cet accord est intervenu. Il a d’abord rencontré le travailleur en début d’année 2012. Il a analysé le dossier. Il relate que le diagnostic de tendinite aux épaules a été refusé par la CSST, mais que celui d’entorse lombaire a été accepté. Par la suite, le travailleur a été examiné par un membre du Bureau d'évaluation médicale qui a retenu le diagnostic de lombalgie. Monsieur Devost témoigne que cet avis du Bureau d'évaluation médicale a influencé son raisonnement, d’autant plus que la décision rendue à la suite de cet avis par la CSST n’a pas été contestée par les parties et que le délai de contestation était expiré. C’est dans ce contexte qu’il dit avoir commencé à envisager une entente et il en fait part au travailleur.

[47]        Monsieur Devost explique que compte tenu du dossier, il lui apparaissait difficile de contrer la position de l'employeur. Il a donc suggéré une entente au travailleur qui l’a acceptée, entente qui reflète les discussions intervenues entre les parties.

[48]        Après avoir reçu l’accord et la transaction, il les a transmis au travailleur. Il a fait quelques relances auprès de lui par la suite.

[49]        Quelques jours avant l’audience du 24 octobre 2012, il a rencontré le travailleur pour lui expliquer la situation. Le travailleur lui a dit qu’il voulait s’expliquer.

[50]        Le travailleur a aussi témoigné devant le premier juge administratif. D’entrée de jeu, le premier juge administratif lui explique le processus de conciliation en lui disant entre autres qu’il s’agit d’un processus étanche, confidentiel. Le premier juge administratif a demandé au travailleur pourquoi il ne voulait pas signer les documents, ce à quoi il répond que le contenu n’est pas vrai, qu’il est vraiment blessé.

[51]        Le premier juge administratif lui explique alors qu’il n’est pas remis en question que le travailleur est blessé, tel qu’en font foi les rapports médicaux. Le premier juge administratif explique au travailleur la procédure d’évaluation médicale et souligne que le Bureau d'évaluation médicale a retenu un diagnostic de lombalgie mécanique et syndrome facettaire qui est liant pour le tribunal. C’est d’ailleurs pour cette raison que le représentant du travailleur a recommandé l’entente, faisant preuve ainsi de prudence.

[52]        Le premier juge administratif ajoute que le tribunal peut renverser une décision d’admissibilité d’une lésion s’il juge qu’il y a incompatibilité entre les diagnostics de la lésion et l’événement allégué. Il explique au travailleur la mécanique de remboursement des 14 premiers jours, tel que prévu dans la loi.

[53]        Le travailleur reconnaît alors que les explications qu’il a reçues de monsieur Devost sont les mêmes que celles fournies par le premier juge administratif.

[54]        Il dit cependant qu’il a mal et que cela est relié aux mouvements répétitifs exécutés au travail.

[55]        Le premier juge administratif poursuit en expliquant que s’il fait droit au moyen préliminaire soulevé par l'employeur, cela met fin au litige. Il dit qu’il doit vérifier s’il y a eu échange de consentement et, s’adressant au travailleur, s’il a donné son accord à l’entente, ce à quoi le travailleur répond qu’il n’a rien signé.

[56]        Le procureur de l'employeur présente ensuite ses arguments au soutien de son objection. Il plaide notamment qu’aucune preuve de vice de consentement n’a été faite.

[57]        Le premier juge administratif résume, pour le bénéfice du travailleur, les arguments présentés par le procureur de  l'employeur et répète qu’il doit vérifier s’il y a eu accord entre les parties, que l’entente ait été signée ou non. S’il décidait qu’il y avait absence de consentement, il y aura reprise d’une audience. Si par contre il décide qu’il y a eu consentement et que le travailleur a changé d’idée par la suite, il conclura à un accord et le dossier suivra son cours selon les termes de l’accord et de la transaction.

[58]        Le travailleur répète alors que c’est arrivé le 3 juin 2011 au travail et que c’est pour cela qu’il n’a pas signé.

[59]        Le 8 novembre 2012, le premier juge administratif rend sa décision. Il y fait état de la preuve documentaire produite à l’audience :

[20]  Le document coté sous E-1 est un extrait de la note d’honoraire adressée par le procureur de l’employeur à sa cliente et faisant état de conversations téléphoniques multiples entre lui-même, monsieur Jean-Pierre Devost, alors représentant du travailleur, les procureurs de la CSST ainsi qu’avec Maître Nathalie Gélinas, conciliateur du tribunal.

 

[21]  Une note manuscrite rédigée le 7 juin 2012 par Maître Carl Lessard, procureur de l’employeur, faisant état d’un règlement intervenu en conciliation (cotée sous E-2).

 

[22]  Le procureur de l’employeur a également déposé une copie de l’ACCORD intervenu en conciliation, document qui comporte sa signature ainsi que celle de sa cliente. Ce document est accompagné d’une copie de la transaction (coté sous E-3 en liasse) intervenue entre les parties en vertu des articles 26 , 31 et suivants du Code civil du Québec.

 

[23]  Enfin, un dernier document fut produit par le procureur de l’employeur,soit la page arborant la signature du procureur de la CSST sur le document d’ACCORD précité (coté sous E-4).

 

[Référence omise]

 

 

[60]        Le premier juge administratif résume ensuite le témoignage de monsieur Devost, représentant du travailleur jusqu’au 22 octobre 2012. Il en retient que le dossier a été mis au rôle le 24 janvier 2012 puis remis au 13 juin 2012, que le témoin précise que le travailleur a été examiné par un membre du Bureau d'évaluation médicale le 25 octobre 2011 et qu’une décision a été rendue par la CSST en conséquence de cet avis du Bureau d'évaluation médicale, décision qui n’a pas été contestée.

[61]        Le premier juge administratif retient aussi du témoignage de monsieur Devost que ce dernier a communiqué avec le travailleur et lui a recommandé de régler le dossier en conciliation étant donné que la décision rendue à la suite de l’avis du Bureau d'évaluation médicale pouvait avoir un impact défavorable sur sa réclamation, notamment sur la question du diagnostic.  Il retient que monsieur Devost a affirmé avoir expliqué au travailleur les conséquences du renversement de l’admissibilité d’une réclamation et qu’il serait plus avantageux pour lui de régler le dossier au moyen d’une entente comportant un accord et une transaction.

[62]        Le premier juge administratif écrit dans sa décision que selon le témoin, le travailleur a accepté cette proposition, d’où les échanges téléphoniques entre les parties. Le représentant du travailleur a reçu les documents, a vérifié leur conformité et les a transmis au travailleur pour qu’il les signe. Le travailleur n’a toutefois pas signé les documents et l’affaire a été remise au rôle.

[63]        Le premier juge administratif résume également le témoignage du travailleur qui a affirmé qu’il ne voulait pas signer les documents. Il a dit éprouver encore des douleurs et que celles-ci étaient liées à l’exercice de son travail. Le premier juge administratif écrit que le travailleur a reconnu que son représentant lui avait expliqué les conséquences de la décision rendue à la suite de l’avis du Bureau d'évaluation médicale ainsi que celles des documents faisant état de l’accord et de la transaction.

[64]        Dans les motifs de sa décision, le premier juge administratif écrit que la Commission des lésions professionnelles doit décider si elle a compétence pour entendre la requête de l'employeur par laquelle il conteste l’admissibilité de la lésion, et ce, considérant qu’un accord serait intervenu entre les parties.

[65]        Le premier juge administratif décrit le fardeau qui incombe à l'employeur, soit de démontrer, d’une part, qu’une transaction est intervenue entre les parties et que, d’autre part, les parties y ont donné un consentement libre et éclairé.

[66]        Le premier juge administratif conclut qu’il ressort des témoignages de monsieur Devost et du travailleur ainsi que des documents produits qu’une entente est intervenue entre les parties, par laquelle le travailleur reconnaît ne pas avoir subi de lésion professionnelle le 3 juin 2011. En contrepartie, l'employeur s’engage à payer toute somme éventuellement réclamée au travailleur par la CSST.

[67]        Le premier juge administratif estime que l’existence de l’entente et les termes qui la composent sont corroborés par les témoignages et la preuve documentaire. Il ajoute :

[58]  En outre, le travailleur a bien expliqué au tribunal qu’il ne voulait plus signer ces documents étant donné qu’il maintenait qu’il avait subi un accident du travail.

 

[59]  Or, il s’agit là d’une justification qui ne peut porter atteinte à l’entente intervenue entre les parties et à laquelle il avait clairement donné son accord libre et volontaire selon les termes d’usage en semblable matière.

 

 

[68]        Le tribunal conclut qu’une entente valide comportant un accord et une transaction est intervenue entre les parties en juin 2012, laquelle met fin au litige.

[69]       En conséquence, par sa décision et sa décision rectifiée, la Commission des lésions professionnelles déclare :

ACCUEILLE le moyen préalable soulevé par Les services ménagers Roy ltée, l’employeur;

 

DÉCLARE qu’elle n’a pas compétence pour statuer sur la requête déposée par l’employeur à la Commission des lésions professionnelles le 27 juillet 2011;

 

ET, par voie de conséquence,

 

DÉCLARE que le travailleur, monsieur Marc-André Miville, a consenti aux termes d’un ACCORD, le ou vers le 7 juin 2012;

 

ENTÉRINE l’ACCORD ainsi intervenu entre les parties;

 

DÉCLARE que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 3 juin 2011 et qu’il n’a pas droit aux indemnités prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles

 

 

[70]        Le 18 janvier 2013, le travailleur produit une requête en révision de la décision rendue le 8 novembre 2012, rectifiée le 20 novembre 2012. Il soumet que cette décision comporte un vice de fond de nature à l’invalider.

[71]        Dans sa requête, il reproche au premier juge administratif d’avoir procédé à l’interrogatoire de monsieur Devost, contrevenant ainsi à l’article 429.45 de la loi.

[72]        Il soumet de plus que devant le refus du travailleur de signer l’accord, le premier juge administratif aurait dû refuser de l’entériner ou, à tout le moins, il aurait dû s’assurer que le travailleur en comprenait les tenants et les aboutissants, ce qu’il n’a pas fait. De plus, puisqu’il conclut qu’il y a eu accord, il devait en vérifier le contenu afin de s’assurer qu’il rencontrait les fins de la justice et ne desservait pas les intérêts de l'employeur.

[73]        Le premier juge administratif devait, selon le travailleur, vérifier la validité des consentements à l’entente et s’assurer de la compréhension qu’en avait le travailleur, ce qu’il n’a pas fait. 

[74]        À l’audience, le procureur du travailleur réitère que le premier juge administratif devait analyser la validité de l’accord, et ce, en s’assurant notamment que le travailleur y a consenti et qu’il en comprenait le contenu, et ce, dans un contexte où le travailleur présente des difficultés à lire et à écrire.

[75]        Le premier juge administratif aurait dû de plus demander au travailleur s’il souhaitait être représenté, étant donné le retrait de monsieur Devost quelque temps avant l’audience.

[76]        Pour le procureur du travailleur, le premier juge administratif n’a pas fourni au travailleur non représenté l’assistance requise, contrevenant ainsi à l’article 12 de la Loi sur la justice administrative[10].

[77]        Quant au procureur de l'employeur, il soumet que le représentant du travailleur l’a informé que ce dernier acceptait l’entente. Ainsi, il y avait entente dès ce moment, malgré l’absence de document écrit. Il n’y a aucune preuve permettant de conclure qu’à ce moment le travailleur n’était pas d’accord avec les termes de l’entente ou qu’il y a eu vice de consentement.

[78]        Il ajoute que le recours en révision n’est pas l’occasion pour une partie de parfaire sa preuve. Le travailleur a eu tout le loisir de s’expliquer et de témoigner devant le premier juge administratif.

[79]        Les parties déposent de la jurisprudence au soutien de leurs prétentions.

[80]        Le travailleur prétend que le premier juge administratif a commis des erreurs de droit. Le premier argument soumis dans sa requête vise le témoignage de monsieur Devost à l’audience. Il soumet que le premier juge administratif n’aurait pas dû entendre ce témoignage puisque les discussions intervenues en conciliation sont confidentielles, selon l’article 429.45 de la loi :

429.45.  A moins que les parties n'y consentent, rien de ce qui a été dit ou écrit au cours d'une séance de conciliation n'est recevable en preuve.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[81]        Le tribunal siégeant en révision ne retient pas cet argument. D’abord, aucune des parties ne s’est objectée au témoignage de monsieur Devost, laissant ainsi présumer qu’elles y ont consenti.

[82]        Par ailleurs, le témoignage de monsieur Devost a été requis pour démontrer l’existence d’une entente réglant le litige entre les parties. Comme le dit la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Entretien Paramex inc.[11], selon les principes généraux de preuve, le principe de confidentialité ne couvre pas la preuve de l’existence d’une entente réglant un litige existant entre les parties.

[83]        Enfin, à l’audience en révision, le procureur du travailleur ne reprend pas cet argument.

[84]        Le procureur du travailleur plaide que devant le refus du travailleur de signer l’accord, le premier juge administratif aurait dû refuser de l’entériner. Or, l’absence de signature n’est pas un empêchement automatique à l’entérinement d’un accord.

[85]        Dans l’affaire Transelec/Common inc. et Plouffe[12], la Commission des lésions professionnelles doit déterminer si un accord est intervenu entre l'employeur et le travailleur. Comme c’est le cas en l’instance, le travailleur n’a pas signé ni l’accord ni la transaction. De plus, comme c’est aussi le cas en l’espèce, il était reconnu par cet accord que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle. Par la transaction, l'employeur s’engageait à rembourser à la CSST le montant de l’indemnité de remplacement du revenu versée pour les 14 premiers jours. La Commission des lésions professionnelles décrit ainsi le fardeau de preuve de l'employeur :

[25]  La jurisprudence reconnaît qu’il appartient à la partie qui prétend qu’un accord est survenu d’en établir l’existence et le contenu. Cette partie doit notamment démontrer que l’autre partie a donné son consentement de façon libre et éclairée. À ce stade, l’écrit n’est pas requis. Le contrat peut intervenir oralement entre les parties. Il  est formé au moment où celui qui fait l’offre reçoit le consentement de l’autre partie. Cet échange de consentement peut donc survenir avant la rédaction d’un écrit. D’ailleurs, la rédaction ultérieure de l’accord n’est qu’une formalité en vue de l’entérinement par le tribunal. L’absence de signature d’une partie ne fait donc pas échec à la validité de l’accord  malgré l’article 429.46 de la loi. La transaction intervenue en même temps que l’accord est indivisible de celui-ci. Le fait pour la partie non signataire du document d’avoir changé d’idée après coup, ne porte pas atteinte à la validité de l’accord dans la mesure où cette partie avait donné son accord, de façon libre et éclairée, et qu’à l’époque un échange de consentement est intervenu entre les parties.

 

[Références omises]

 

 

[86]        Ainsi, le premier juge administratif n’avait pas à inférer du seul fait que le travailleur n’a pas signé l’entente et la transaction qu’il n’y a pas consenti ou que son consentement n’était pas libre et éclairé. Le premier juge administratif devait décider si l'employeur a démontré de manière prépondérante que le travailleur a donné son consentement de façon libre et éclairée, bien qu’il ait refusé par la suite de signer les documents. C’est ce qu’il a fait.

[87]        De l’avis du tribunal siégeant en révision, le premier juge administratif a analysé l’ensemble de la preuve pour  conclure que le travailleur a consenti à l’entente qui lui a été proposée. Pour en arriver à cette conclusion, il a tenu compte du témoignage de monsieur Devost, alors représentant du travailleur, du témoignage du travailleur et de la preuve documentaire. L’appréciation de cette preuve appartient au premier juge administratif. Le présent tribunal estime qu’il n’est pas démontré d’erreur de faits ou de droit manifeste et déterminante dans cette analyse de la preuve.

[88]        De façon plus particulière, il appartenait au premier juge administratif de juger de la crédibilité du témoignage de monsieur Devost qui dit avoir reçu le consentement du travailleur, son client, pour régler le dossier au moyen d’une entente. Aussi, il faut dire que la conciliatrice du tribunal a rédigé les documents en fonction de l’entente intervenue. Comme le dit la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Transelec/Common inc. et Plouffe[13] :

[30]  Non seulement la conciliatrice fait les démarches pour annuler l’audience prévue le 17 mai 2012 mais elle rédige l’accord de conciliation et la transaction qu’elle transmet par télécopieur à Me Carrière avec un avis faisant état de « l’entente intervenue en conciliation entre les parties ». L’employeur dépose en preuve les copies précitées de l’accord de conciliation et de la transaction, signées par Me Carrière le 17 mai 2012 et par monsieur Dufour le 28 mai 2012.

 

[31]  De prime abord et, à moins d’une preuve prépondérante au contraire, le fait qu’un conciliateur ou une conciliatrice du tribunal, dans l’exercice de ses fonctions, effectue de telles démarches présuppose qu’il ou qu’elle a préalablement constaté qu’un accord est intervenu entre les parties.

 

 

[89]        Par ailleurs, une fois l’accord conclu, le fait que le travailleur change d’idée, pour toutes sortes de raisons, ne vient pas vicier le consentement déjà donné.

[90]        Le procureur du travailleur plaide aussi que le premier juge administratif devait, dans le cas où il en venait à la conclusion que le travailleur a consenti à l’entente, vérifier si elle rencontrait les fins de la justice et ne desservait pas les intérêts de l'employeur. Or, ce n’est pas ce que la loi prévoit en matière d’entérinement des accords. L’article 429.46 de la loi prévoit que le commissaire entérine l’accord dans la mesure où il est conforme à la loi :

429.46.  Tout accord est constaté par écrit et les documents auxquels il réfère y sont annexés, le cas échéant. Il est signé par le conciliateur et les parties et lie ces dernières.

 

Cet accord est entériné par un commissaire dans la mesure où il est conforme à la loi. Si tel est le cas, celui-ci constitue alors la décision de la Commission des lésions professionnelles et il met fin à l'instance.

 

Cette décision a un caractère obligatoire et lie les parties.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[91]        La loi ne demande rien de plus au commissaire dans le cadre de l’entérinement d’un accord. Il n’a pas à chercher si une partie est mieux desservie qu’une autre dans le cadre de cette entente. Le tribunal estime par ailleurs que le règlement d’un litige au moyen d’un accord et d’une transaction dessert habituellement les deux parties; c’est là l’avantage du règlement hors cour.

[92]        Le procureur soumet que le premier juge administratif devait s’assurer au surplus que le travailleur a bien compris les termes et les conséquences de l’entente. Il devait le questionner davantage à ce sujet, mais ne l’a pas fait.

[93]        Bien que le premier juge administratif dispose des pouvoirs d’un commissaire enquêteur[14], un rôle plus actif dans la recherche de la vérité s’impose lorsque les circonstances l’exigent. L’exercice de ce rôle demeure discrétionnaire et de manière générale le commissaire n’a pas l’obligation d’y recourir[15].

[94]        Le tribunal siégeant en révision est d’avis que le premier juge administratif n’avait pas à investiguer davantage, dans la mesure où il conclut que la preuve lui démontre, de manière prépondérante, que le travailleur a consenti de manière libre et éclairée à l’entente proposée. Aussi, le fait que le travailleur puisse avoir des difficultés à lire et à écrire n’a pas été révélé ou allégué devant le premier juge administratif.

[95]        Rappelons de plus qu’au moment de la conclusion de l’entente, le travailleur était représenté par une personne d’expérience et qu’il est permis de croire que ce représentant lui a donné toutes les explications requises et pertinentes avant qu’il ne prenne sa décision d’accepter de régler le dossier selon les termes de l’entente proposée. Il est donc permis de croire que c’est en toute connaissance de cause que le travailleur a accepté l’entente.

[96]        À l’audience tenue le 24 octobre 2012, le premier juge administratif a fourni au travailleur des explications concernant les conséquences du renversement de l’admissibilité de la lésion et le travailleur a reconnu que ces explications étaient les mêmes que celles fournies par son représentant.

[97]        En concluant que le travailleur a donné un consentement libre et éclairé, le premier juge administratif conclut que le travailleur avait une compréhension suffisante des termes de l’accord et de la transaction.

[98]        Le procureur du travailleur reproche enfin au premier juge administratif de ne pas avoir prêté assistance au travailleur qui n’était plus représenté au moment de l’audience du 24 octobre 2012. Il réfère en cela au devoir imposé par l’article 12 de la Loi sur la justice administrative :

12. L'organisme est tenu:

 

 1° de prendre des mesures pour délimiter le débat et, s'il y a lieu, pour favoriser le rapprochement des parties;

 

 2° de donner aux parties l'occasion de prouver les faits au soutien de leurs prétentions et d'en débattre;

 

 3° si nécessaire, d'apporter à chacune des parties, lors de l'audience, un secours équitable et impartial;

 

 4° de permettre à chacune des parties d'être assistée ou représentée par les personnes habilitées par la loi à cet effet.

 

1996, c. 54, a. 12.



[99]        Le tribunal est d’avis que cette disposition doit être lue avec celles des articles 9 à 11 :

9. Les procédures menant à une décision prise par le Tribunal administratif du Québec ou par un autre organisme de l'ordre administratif chargé de trancher des litiges opposant un administré à une autorité administrative ou à une autorité décentralisée sont conduites, de manière à permettre un débat loyal, dans le respect du devoir d'agir de façon impartiale.

 

1996, c. 54, a. 9.

 

10. L'organisme est tenu de donner aux parties l'occasion d'être entendues.

 

 

Les audiences sont publiques. Toutefois, le huis clos peut être ordonné, même d'office, lorsque cela est nécessaire pour préserver l'ordre public.

 

1996, c. 54, a. 10.

 

11. L'organisme est maître, dans le cadre de la loi, de la conduite de l'audience. Il doit mener les débats avec souplesse et de façon à faire apparaître le droit et à en assurer la sanction.

 

 

Il décide de la recevabilité des éléments et des moyens de preuve et il peut, à cette fin, suivre les règles ordinaires de la preuve en matière civile.Il doit toutefois, même d'office, rejeter tout élément de preuve obtenu dans des conditions qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux et dont l'utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. L'utilisation d'une preuve obtenue par la violation du droit au respect du secret professionnel est réputée déconsidérer l'administration de la justice.

 

1996, c. 54, a. 11.

 

 

[100]     La lecture de la transcription de l’enregistrement de l’audience tenue le 24 octobre 2012 mène le tribunal à la conclusion que le premier juge administratif s’est acquitté de ses devoirs, et ce, dans un contexte de spécificité de la justice administrative.

[101]     Le premier juge administratif n’a d’aucune façon empêché le travailleur d’être assisté ou représenté à l’audience. Par ailleurs, le travailleur n’a pas demandé à être représenté ni à ce que l’audience soit reportée. Il doit assumer ce choix.

[102]     Le premier juge administratif a apporté au travailleur un secours équitable en lui expliquant de façon précise et claire les enjeux de l’affaire. Il l’a invité à s’exprimer et lui a permis de témoigner et de faire valoir ses prétentions.

[103]     Il faut aussi dire que l’obligation de l’article 12 de la Loi sur la justice administrative vaut pour toutes les parties. Cependant, cette obligation a ses limites. Un commissaire doit demeurer impartial, il ne devient pas le représentant d’une partie et il ne peut pallier aux lacunes de la preuve[16].

[104]     En somme, le tribunal comprend des arguments du procureur du travailleur qu’il souhaite obtenir une autre occasion pour présenter une meilleure preuve. Le recours en révision n’est pas l’occasion pour une partie de parfaire sa preuve. Il ne s’agit pas non plus d’un appel déguisé.

[105]     Le tribunal juge qu’il n’a pas été démontré que la décision du 8 novembre 2012, rectifiée le 20 novembre 2012, comporte une erreur manifeste et déterminante, compte tenu des faits et du droit applicable.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

DÉCLARE recevable la requête en révision ou révocation du travailleur, monsieur Marc-André Miville;

REJETTE la requête du travailleur.

 

__________________________________

 

Diane Lajoie

 

 

Me Carl Lessard

Lavery De Billy

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Michel Patry

Patry, Bernier & Martel-Simard, avocats

Représentant de la partie intéressée

 

 

Me Odile Tessier

Vigneault Thibodeau Bergeron

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve [1998] C.L.P. 733 .

[3]           Franchellini et Sousa [1998] C.L.P. 783 .

[4]           Tribunal administratif du Québec c. Godin [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.); Amar c. CSST [2003] C.L.P. 606 (C.A.); CSST c. Fontaine [2005] C.L.P. 626 (C.A.).

[5]           Champagne et Ville de Montréal, C.L.P. 236011-63-0406, 23 février 2006, S. Di Pasquale; Techno-Pro inc. (fermé) et A.C.Q. Mutuelle 3-R [2010] C.L.P. 587 .

[6]           Tribunal administratif du Québec c. Godin , citée note 4.

[7]           Bourassa c. CLP [2003] C.L.P. 601 (C.A.) requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 22 janvier 2004 (30009); CSST c. Fontaine, citée note 4.

[8]           [2005] C.L.P. 921 (C.A.).

[9]           Louis-Seize et CLSC-CHSLD de la Petite-Nation, C.L.P. 214190-07-0308, 20 octobre 2005, L. Nadeau (05LP-220).

[10]         L.R.Q., c. J-3.

[11]         Entretien Paramex inc. et Girard, C.L.P. 102696-63-9807, 30 juillet 1999, G. Tardif.

[12]         2013 QCCLP 2773 .

[13]         Précitée, note 12.

[14]         Article 378 de la loi.

[15]         Rosario Ramos De Parada et Wal-Mart Canada, C.L.P. 390664-62-0910, 12 mai 2011, J.-F. Martel.

[16]         Gagné et Irrigation & Éclairage Ms enr., C.L.P. 303602-64-0611, 18 janvier 2008, L. Nadeau.

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