Décision

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Bourgault et Ministère de la Sécurité publique

2025 QCCFP 10

 

COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

DOSSIER No :

2000185

 

DATE :

20 juin 2025

______________________________________________________________________

 

DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF :

Denis St-Hilaire

______________________________________________________________________

 

 

 

patrick bourgault

Partie demanderesse

 

et

 

ministère de la sécurité publique

Partie défenderesse

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

(Article 127, Loi sur la fonction publique, RLRQ, c. F-3.1.1)

______________________________________________________________________

 

  1.                  Le 4 mars 2025, M. Patrick Bourgault dépose un recours à la Commission de la fonction publique (Commission) en vertu de l’article 127 de la Loi sur la fonction publique[1] (Loi).
  2.                Il se plaint de ne pas avoir été recommandé par son employeur, le ministère de la Sécurité publique (Ministère), pour l’attribution d’une décoration pour services distingués en milieu correctionnel. Il s’agit d’une mise en candidature pour la remise d’une médaille.
  3.                Plus précisément, il demande à la Commission que les informations contenues dans le formulaire d’« Évaluation d’un candidat - Décoration pour services distingués en milieu correctionnel », rempli par son employeur pour justifier sa décision de ne pas recommander sa candidature, soient déclarées invalides.
  4.                Selon lui, si cette évaluation avait été remplie par une firme indépendante qui aurait analysé son dossier, il aurait obtenu cette médaille.
  5.                Le 24 avril 2025, lors d’une conférence préparatoire, le ministère soulève l’absence de compétence de la Commission pour entendre le recours.
  6.                Afin de rendre une décision sur dossier, la Commission donne au ministère jusqu’au 21 mai 2025 pour lui transmettre par écrit des commentaires concernant sa compétence. Par la suite, M. Bourgault a jusqu’au 16 juin 2025 pour répondre.
  7.                Les deux parties soumettent leurs commentaires à l’intérieur du délai convenu.
  8.                Le ministère prétend que la Commission n’a pas compétence puisque toute la procédure relative au processus de recommandation par l’employeur, pour l’attribution de la médaille, ne constitue pas une condition de travail. Il s’agit plutôt d’une mesure de gestion qui est en soi un acte administratif ou une mesure administrative qui relève du droit de gérance de l’employeur.
  9.                Pour M. Bourgault, même si le formulaire d’« Évaluation d’un candidat - Décoration pour services distingués en milieu correctionnel » n’est pas une évaluation formelle pour l’avancement d’échelon ou pour l’évaluation du rendement en cours d’emploi, il a été rempli par son supérieur. Il ajoute qu’il s’agit d’une condition de travail puisque la médaille honorifique est portée sur l’uniforme et elle est à la vue de tous les collègues de travail.
  10.                 La Commission juge qu’elle n’a pas la compétence d’attribution requise pour se saisir du recours de M. Bourgault.

CONTEXTE ET ANALYSE

  1.            L’article 127 de la Loi prévoit :

127. Le gouvernement prévoit par règlement, sur les matières qu’il détermine, un recours en appel pour les fonctionnaires qui ne sont pas régis par une convention collective et qui ne disposent d’aucun recours sur ces matières en vertu de la présente loi.

Ce règlement établit, en outre, les règles de procédure qui doivent être suivies.

La Commission de la fonction publique entend et décide d’un appel. Le paragraphe 2° du premier alinéa de l’article 116, en ce qui concerne les règles de procédure, ne s’applique pas à cet appel.


                                                                             [Soulignement de la Commission]

  1.            L’article 2 du Règlement sur un recours en appel pour les fonctionnaires non régis par une convention collective[2] précise :

2. Un fonctionnaire qui se croit lésé peut en appeler d’une décision rendue à son égard en vertu des directives suivantes du Conseil du trésor, à l’exception des dispositions de ces directives qui concernent la classification, la dotation et l’évaluation du rendement sauf, dans ce dernier cas, la procédure relative à l’évaluation du rendement:

1° la Directive concernant l’ensemble des conditions de travail des cadres;

2° la Directive concernant l’ensemble des conditions de travail des cadres juridiques;

la Directive concernant l’ensemble des conditions de travail des cadres oeuvrant en établissement de détention à titre d’agents de la paix à l’exclusion des directeurs des établissements de détention;

4° la Directive concernant l’ensemble des conditions de travail des cadres œuvrant en établissement de détention à titre de directeurs des établissements de détention;

5° (paragraphe abrogé);

6° la Directive concernant la rémunération et les conditions de travail des médiateurs et conciliateurs;

7° la Directive concernant l’ensemble des conditions de travail des conseillères et conseillers en gestion des ressources humaines;

8° la Directive concernant les conditions de travail des fonctionnaires;

9° la Directive concernant l’attribution des taux de traitement ou taux de salaire et des bonis à certains fonctionnaires;

10° la Directive sur les frais remboursables lors d’un déplacement et autres frais inhérents;

11° la Directive sur le remboursement des frais de déplacement des cadres;

12° la Directive sur les frais remboursables lors d’un déplacement à l’extérieur du Québec;

13° la Directive sur les déménagements des fonctionnaires;

14° la Directive concernant les indemnités et les allocations versées aux fonctionnaires affectés à l’extérieur du Québec.

[Soulignements de la Commission]

  1.            La Commission doit donc déterminer si le recours de M. Bourgault constitue un appel d’une décision rendue à son égard en vertu de la Directive concernant l’ensemble des conditions de travail des cadres œuvrant en établissement de détention à titre d’agents de la paix à l’exclusion des directeurs des établissements de détention[3] (Directive).
  2.            La Directive ne traite d’aucune manière du processus de recommandation pour l’attribution d’une décoration pour services distingués en milieu correctionnel. Son attribution relève d’une institution fédérale, soit la Chancellerie des distinctions honorifiques du Canada, qui est responsable de l'administration de l'octroi de toutes les distinctions honorifiques canadiennes au nom du gouverneur général.
  3.            Les seules références aux évaluations dans la Directive se retrouvent au Chapitre XVIII « Évaluation du rendement » et à l’Annexe 5 portant sur la « Révision des traitements des cadres œuvrant en établissement de détention à titre d’agents de la paix à l’exclusion des directeurs des établissement de détention au 2 avril chaque année » qui concernent la révision de traitement annuelle. Les dispositions de ce chapitre et de cette annexe n’ont pas de lien avec le formulaire d’« Évaluation d’un candidat - Décoration pour services distingués en milieu correctionnel ».
  4.            La Commission a déjà déclaré ne pas avoir compétence pour statuer sur un recours contestant une décision relative à la classe d’emplois attribuée à un employé parce que cette décision ne pouvait pas faire l’objet d’un appel, en vertu de l’article 127 de la Loi. En effet, elle n’a pas été prise conformément à une directive citée à l’article 2 du Règlement[4]  :

La Commission ne peut pas, en vertu de l’article 127 de la Loi, statuer sur la classe d’emplois que devrait détenir M. Verreault. En effet, le pouvoir de le nommer à un emploi et de lui accorder une classe d’emplois appartient au sous-ministre du ministère. Ces deux décisions ne peuvent faire l’objet d’un appel, en vertu de l’article 127 de la Loi, puisqu’elles n’ont pas été prises conformément à une directive citée à l’article 2 du Règlement, mais plutôt en vertu des articles 51 et 54 de la Loi. De plus, l’article 2 du Règlement exclut expressément la dotation et la classification de la compétence de la Commission.

[Soulignement de la Commission]

  1.            La Commission arrive à la même conclusion à l’égard d’un recours relatif à une transition de carrière[5] :

[34]      Le fait que la Directive concernant les conditions de travail, nommée à l’article 2 du Règlement, fasse mention de la transition de carrière n’accorde pas pour autant compétence à la Commission en cette matière. En effet, l’article 2 prévoit que l’appel doit viser une décision rendue en vertu d’une directive citée à cette disposition.

[35]      Or, la décision de mettre Mme Bouthot en transition de carrière ainsi que celle de lui attribuer un nouveau classement n’ont pas été prises en vertu de la Directive concernant les conditions de travail, mais conformément à la Directive concernant la classification et à l’article 101 de la Loi. Selon l’article 2 du Règlement, ces décisions ne peuvent donc pas faire l’objet d’un appel en vertu de l’article 127 de la Loi.

 [Soulignements de la Commission]

  1.            La Commission, en tant que tribunal administratif, n’a qu’une compétence d’attribution limitée et circonscrite déterminée par les dispositions législatives créant et encadrant un recours. Elle ne peut donc exercer que la compétence qui lui est accordée expressément par le législateur[6] :

À la différence du tribunal judiciaire de droit commun, un tribunal administratif n’exerce la fonction juridictionnelle que dans un champ de compétence nettement circonscrit. Il est en effet borné, par la loi qui le constitue et les autres lois qui lui attribuent compétence, à juger des contestations relatives à une loi en particulier ou à un ensemble de lois. Sa compétence ne s’étend donc pas à l’intégralité de la situation juridique des individus. [...]

La portée de l’intervention du tribunal administratif et par conséquent l’étendue de sa compétence sont donc déterminées par la formulation des dispositions législatives créant le recours au tribunal. […]

Il faut donc, aussi bien en droit québécois qu’en droit fédéral, examiner avec attention le libellé de la disposition créant le recours, pour savoir quelles décisions de quelles autorités sont sujettes à recours, sur quels motifs le recours peut être fondé, sous quelles conditions – notamment de délai – il peut être introduit […].

  1.            Ainsi, le fait de remplir, ou non, cette évaluation n’est pas une décision que M. Bourgault peut contester, en vertu de l’article 127 de la Loi, puisqu’elle n’a pas été prise conformément à une directive citée à l’article 2 du Règlement.

 

 

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE :

ACCUEILLE le moyen préliminaire présenté par le ministère de la Sécurité publique;

DÉCLARE qu’elle n’a pas compétence pour entendre le recours de M. Patrick Bourgault.

 

 

                                                      Original Signé par :

 

__________________________________

Denis St-Hilaire

 

 

 

 

 

M. Patrick Bourgeault

Partie demanderesse

 

Me Benoît Denis

Procureur du ministère de la Sécurité publique

Partie défenderesse

 

Date de la prise en délibéré :

12 juin 2025

 

 

 

 

 


[1] RLRQ, c. F-3.1.1.

[2]  RLRQ, c. F-3.1.1, r. 5.

[3]  C.T. 170451 du 11 avril 1989 et ses modifications (R.P.G. 7 1 3 5).

[4]  Verreault et Ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles, 2018 QCCFP 23; cette décision a été confirmée en Cour supérieure : Verreault c. Sous-ministre de l’énergie et des ressources naturelles, 2019, QCCS 389 et en Cour d’appel : Verreault c. Sous-ministre de l’énergie et des ressources naturelles, 2020, QCCA 1757.

[5]  Bouthot et Ministère de la Justice, 2018 QCCFP 5. 

[6]  Pierre Issalys et Denis Lemieux, L’action gouvernementale – Précis de droit des institutions administratives, 3e édition, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2009, p. 421-423.

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