Décision

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Date : 20220527

Dossier : T95521

Référence : 2022 CF 775

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 27 mai 2022

En présence de monsieur le juge Pentney

ENTRE :

ROGERS MEDIA INC.

ROGERS COMMUNICATIONS INC.

BCE INC.

BELL MEDIA INC.

CTV SPECIALTY TELEVISION ENTERPRISES INC.

THE SPORTS NETWORK INC.

LE RÉSEAU DES SPORTS (RDS) INC.

GROUPE TVA INC.

 

demanderesses

et

JEAN UNTEL 1

JEAN UNTEL 2

AUTRES PERSONNES NON IDENTIFIÉES QUI EXPLOITENT DES SERVEURS DE DIFFUSION NON AUTORISÉS DONNANT ACCÈS AUX MATCHS EN DIRECT DE LA LNH AU CANADA

défendeurs

et

 

BELL CANADA

BRAGG COMMUNICATIONS INC., faisant affaire sous le nom EASTLINK

COGECO CONNEXION INC.

DISTRIBUTEL COMMUNICATIONS LIMITÉE

FIDO SOLUTIONS INC.

ROGERS COMMUNICATIONS CANADA INC.

SASKATCHEWAN TELECOMMUNICATIONS

SHAW COMMUNICATIONS INC.

TEKSAVYY SOLUTIONS INC.

TELUS COMMUNICATIONS INC.

VIDÉOTRON LTÉE

tierces parties intimées

et

CLINIQUE DINTÉRÊT PUBLIQUE ET DE POLITIQUE

DINTERNET SAMUELSONGLUSHKO

BEANFIELD TECHNOLOGIES INC.

intervenants

 

ORDONNANCE ET MOTIFS

VERSION PUBLIQUE

(VERSION CONFIDENTIELLE PUBLIÉE LE 27 MAI 2022)

I.                    Introduction

[1]               Les demanderesses détiennent le droit dauteur pour les diffusions en direct des matchs de la Ligue nationale de Hockey (NHL) au Canada. Elles allèguent que certains défendeurs inconnus distribuent illégalement ces diffusions à des personnes au Canada, violant ainsi leur droit dauteur.

[2]               Les demanderesses affirment que malgré les mesures qui ont été prises jusquà présent, la piraterie se poursuit et il ny a pas dautres recours qui sont susceptibles dêtre efficaces pour y mettre fin. La raison est que ces défendeurs dissimulent leurs identités, la grande majorité de leurs activités se déroulent dans dautres pays et ils ont adopté des pratiques commerciales, ce qui fait en sorte quil devient irréaliste de les freiner en ayant recours aux voies judiciaires traditionnelles conçues pour composer avec une atteinte au droit dauteur. Pour cette raison, les demanderesses affirment quelles ne peuvent pas, de façon réaliste, faire respecter leur droit dauteur en coupant la source des contenus protégés par le droit dauteur distribués illégalement.

[3]               Au lieu de cela, les demanderesses cherchent à empêcher les personnes au Canada daccéder au contenu contrefait. Pour ce faire, elles demandent une ordonnance « de blocage de sites » contre les tierces parties intimées désignées nommément, qui contrôle la grande majorité de laccès à Internet au Canada. Lobjet de lordonnance quelles demandent consiste à empêcher les clients canadiens de visionner les diffusions de matchs de la LNH en direct portant atteinte au droit dauteur.

[4]               La présente espèce porte sur la question de savoir si un tel recours devrait être accordé et, le cas échéant, la façon de mettre en balance les intérêts concernés. Les intérêts pertinents sont ceux des demanderesses, qui détiennent le droit dauteur à légard de ces diffusions, les préoccupations légitimes de tierces parties intimées innocentes, de fournisseurs daccès Internet (FAI) qui devront mettre en œuvre lordonnance, ainsi que les intérêts de leurs clients, dont laccès à du contenu légitime pourrait être coupé par inadvertance. La réparation en lespèce est également dintérêt pour le grand public au Canada, en raison de la portée, de létendue et des répercussions éventuelles.

[5]               Lordonnance sollicitée par les demanderesses sappuie sur un précédent récent, dans lequel notre Cour a approuvé un type différent dordonnance de blocage de sites à lencontre dune entreprise qui fournissait accès à des émissions sur Internet (Bell Media Inc c GoldTV.Biz, 2019 CF 1432 [GoldTV CF]). Cette ordonnance a été confirmée en appel par la Cour dappel fédérale (TekSavvy Solutions Inc c Bell Média Inc, 2021 CAF 100 [GoldTV CAF]), et, le 24 mars 2022, lautorisation dinterjeter appel auprès de la Cour suprême du Canada a été rejetée (dossier de la CSC no 39876). On peut décrire lordonnance rendue dans laffaire GoldTV CF comme une ordonnance de blocage de sites « statique », car elle énumérait un nombre précis de sites à bloquer et elle prévoyait que de nouveaux sites pouvaient uniquement être ajoutés en vertu dune ordonnance de la Cour.

[6]               En lespèce, les demanderesses ont demandé une ordonnance de blocage « dynamique » de sites, qui comporte le fait de tenter de suivre et de bloquer la diffusion illégale au fur et à mesure quelle se déplace. Les demanderesses affirment que le type dordonnance délivrée dans laffaire GoldTV CF ne fonctionnerait pas en lespèce, car les pirates ont adopté de nouvelles mesures pour éviter la détection et vaincre le blocage de sites, y compris en déplaçant leur contenu contrefait dun site à lautre de façon régulière. Il serait impossible dobtenir lapprobation de la Cour avant chaque nouvelle étape de blocage, car ces efforts doivent se dérouler en temps réel pour être efficaces.

[7]               Les demanderesses affirment que cela est particulièrement pertinent en lespèce, car la plupart des partisans regardent les matchs de hockey en direct, plutôt que de les enregistrer et de les regarder ultérieurement. Cette combinaison de facteurs signifie que le blocage dune diffusion en continu illégale des diffusions en direct de la LNH doit survenir pendant que la diffusion de la LNH est en cours. Daprès les éléments de preuve quelles ont réunis ainsi que lexpérience dans dautres pays où des ordonnances de blocage de sites ont été délivrées, les demanderesses affirment quune ordonnance de blocage de sites dynamique est nécessaire pour suivre le rythme de lévolution dans le fonctionnement de la piraterie du droit dauteur en ligne. Par exemple, dans la présente espèce, les sites à bloquer pourraient changer pendant la diffusion dun seul match de hockey. Ce type dordonnance de blocage dynamique na jamais été accordée au Canada ou aux ÉtatsUnis. Cependant, des ordonnances similaires ont été accordées au RoyaumeUni et en Irlande, ainsi que dans certains pays européens.

[8]               Quelquesunes des tierces parties intimées sont prêtes à consentir à lordonnance. Dautres sy opposent pour des motifs multiples, sopposant à loctroi de linjonction ou sopposant aux modalités de lordonnance, ou les deux. Même si les tierces parties intimées en cause nadoptent pas des positions identiques, elles avancent des arguments largement similaires. Elles affirment que le processus suivi par les demanderesses a été inapproprié et inéquitable. Elles font valoir que les demanderesses ne sont pas parvenues à prouver le bienfondé de leurs allégations. Elles font valoir que lordonnance sollicitée leur imposerait des risques indus, des difficultés pratiques et des coûts, tout en observant quelles ne sont accusées daucun acte répréhensible en lespèce. Enfin, elles affirment que si une ordonnance doit être imposée, les demanderesses doivent être tenues de les indemniser intégralement pour les coûts associés à la conformité, y compris (pour celles qui seraient tenues de le faire) tous les coûts de mise à niveau de leur infrastructure réseau.

[9]               Jaccorde une injonction interlocutoire mandatoire aux demanderesses, bien quelle ne soit pas conforme aux modalités proposées par ces dernières. Je suis convaincu quelles ont établi une preuve prima facie très solide selon laquelle les défendeurs inconnus se livrent à une violation continue de leur droit dauteur à légard des diffusions de matchs en direct de la LNH. Je suis également convaincu que les demanderesses subiront un préjudice irréparable si cela est autorisé à se poursuivre. Enfin, jestime que les conditions appropriées peuvent être imposées afin de réduire au minimum le risque de bloquer de façon excessive le contenu légitime et de réduire les fardeaux imposés aux tierces parties intimées innocentes.

[10]           Les préoccupations soulevées par les tierces parties intimées et les intervenants à propos de la portée, de létendue et des répercussions de lordonnance de blocage dynamique de sites sollicitée en lespèce sont valides et méritent une attention sérieuse. Dans les circonstances particulières de la présente espèce, toutefois, ces préoccupations ne font pas pencher la balance en faveur du rejet de la réparation demandée par les demanderesses. Dabord, au moment où la présente décision sera rendue, les séries éliminatoires de la LNH seront en cours et par conséquent le nombre de matchs joués – et télédiffusés – est considérablement réduit, et continuera à diminuer jusquà ce quil ne reste que deux équipes à jouer pendant la finale de la Coupe Stanley. Ensuite, les tierces parties intimées nauront quà bloquer aux limites de leur capacité technique actuelle pour ce faire, et elles seront indemnisées (jusquà concurrence dun montant plafonné) par les demanderesses pour les coûts engagés par cellesci pour se conformer à lordonnance. Troisièmement, les demandeurs retiendront, à leurs frais, les services dun expert indépendant pour vérifier que les adresses IP identifiées aux fins de blocage correspondent aux critères stricts définis dans lordonnance, ainsi que pour surveiller la mise en œuvre par les tierces parties intimées pour relever toutes les difficultés pratiques éprouvées par cellesci. Cet expert fournira un rapport confidentiel à la Cour et aux parties, et un rapport public sera publié ultérieurement et affiché dans les sites Web des parties.

[11]           Lordonnance de blocage dynamique accordée en lespèce est sans précédent au Canada. Je suis convaincu que, dans les circonstances de la présente espèce, il est juste et équitable daccorder cette réparation, sous réserve des modalités et des restrictions très précises énoncées dans lordonnance.

[12]           La présente affaire soulève des questions juridiques nouvelles et complexes. Le fait que les parties ne salignent pas de façon nette des deux côtés de la question ajoute à la complexité de celleci. Par conséquent, il sera utile détablir le fondement de laffaire avant de passer à lanalyse.

II.                 Contexte

[13]           Pour situer la présente espèce dans son contexte, il est nécessaire de passer en revue plusieurs questions : a) les parties et leurs rôles dans la présente espèce; b) les droits de diffusion de la LNH qui sont visés par la revendication de droit dauteur; c) Internet et la piraterie en ligne; d) le fonctionnement du blocage de sites; et e) les décisions dans laffaire GoldTV qui établissent le fondement de la requête en lespèce.

A.                 Les parties

(1)               Les demanderesses

[14]           Les demanderesses sont des entités canadiennes qui possèdent un certain nombre de stations de télévision et de services dabonnement en ligne au Canada. Bien quelles diffusent une grande variété démissions de télévision, la présente espèce est axée sur les matchs en direct de la LNH.

[15]           Rogers Media Inc. (Rogers), une filiale en propriété exclusive de Rogers Communications Inc. (Rogers Communications), détient et exploite un certain nombre de stations de télévision, qui sont distribuées au Canada par lintermédiaire dentreprises de distribution de radiodiffusion (EDR), telles que la société affiliée de Rogers, Rogers Communications Canada Inc. (Rogers Cable), auxquelles les consommateurs canadiens sabonnent moyennant des frais.

[16]           BCE Inc. est la plus grande société de communications du Canada. Bell Media Inc. (Bell Media) est une filiale en propriété exclusive de BCE. Bell Media est une société canadienne qui, entre autres activités, se livre à la radiodiffusion. CTV Specialty Television Enterprises (CTV Television) est une filiale de Bell Media, alors que les stations de télévision spécialisées The Sports Network (TSN) et Le Réseau des Sports (RDS) Inc. (RDS) sont des filiales de CTV Television.

[17]           Bell Media détient ou exploite TSN, RDS et dautres stations de télévision quelle distribue par lintermédiaire dEDR, par exemple sa société mère Bell Canada et sa société affiliée BellExpressVu (qui font affaire sous le nom de Bell TV) et dautres. Certaines de ses stations sont également diffusées sur les ondes gratuitement.

[18]           Groupe TVA inc. (Groupe TVA) est un diffuseur qui détient ou exploite de nombreuses stations de télévision quelle distribue par lintermédiaire de plusieurs EDR, dont la société affiliée du Groupe TVA, Vidéotron Ltée (Vidéotron). Certaines de ses stations sont également diffusées sur les ondes gratuitement.

(2)               Les tierces parties intimées

[19]           Les tierces parties intimées sont des FAI qui ont deux choses en commun. Dabord, ils fournissent la grande majorité de laccès Internet aux entreprises et aux ménages canadiens. Ensuite, aucune dentre elles nest accusée dun acte répréhensible quelconque dans la présente espèce. Elles sont simplement les conduits par lintermédiaire desquels une violation illégale du droit dauteur survient.

[20]           À dautres égards, toutefois, les tierces parties intimées ne forment pas un groupe homogène et il est important de tirer des distinctions par rapport à leur relation avec les demanderesses et leurs positions concernant le présent litige. Il sera commode détablir une distinction entre trois groupes de tierces parties intimées.

a)                  FAI « liés »

[21]           Un certain nombre des tierces parties intimées sont des sociétés affiliées ou des filiales en propriété exclusive des demanderesses. Une autre façon de décrire cette situation est que ces FAI sont, ou ont conclu des ententes pour devenir, intégrés verticalement avec les titulaires de droit demanderesses. Cela comprend Rogers Cable et Fido Solutions inc., deux sociétés affiliées de Rogers; Bell Canada, une société affiliée des autres demanderesses Bell, et Vidéotron ltée, une société affiliée du Groupe TVA inc. et une filiale en propriété exclusive de Québecor Média inc.

[22]           Chacun de ces FAI « liés » est également lié avec des EDR qui distribuent le contenu de leurs sociétés demanderesses affiliées respectives. En termes généraux, cela tient compte du phénomène de « convergence » dans lindustrie des télécommunications canadienne (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes [CRTC], Naviguer dans les eaux de la convergence : Tableau des changements au sein de lindustrie des communications canadiennes et des répercussions sur la réglementation, février 2010).

[23]           Comme il est indiqué cidessus, ces FAI ont indiqué leur consentement à lordonnance sollicitée par les demanderesses. Ils ont besoin dune ordonnance de la cour afin dentreprendre le blocage des sites, car larticle 36 de la Loi sur les télécommunications, LC 1993, c 38 exige que les FAI obtiennent lapprobation du CRTC avant de prendre des mesures afin « de régir le contenu ou dinfluencer le sens ou lobjet des télécommunications quelle achemine pour le public ». Sans lapprobation du CRTC ou une ordonnance du tribunal, les FAI contreviendraient à larticle 36 de la Loi sur les télécommunications en se livrant au blocage de sites.

[24]           Shaw Communications Inc. (Shaw) se trouve dans une situation différente de celle des FAI « liés », car elle a conclu une entente avec Rogers Communications pour acheter ses parts, mais cette entente est assujettie à lapprobation des organismes de réglementation. Shaw na pas contesté la question à laudience, elle maintient en outre cette position, et ainsi, pour le moment, Shaw sinclut le mieux dans la catégorie des « FAI non contestants » établie ciaprès.

b)                  FAI non contestants

[25]           Plusieurs des FAI nont pas participé activement à ces procédures, bien que certains dentre eux aient fait part de préoccupations à légard des modalités du projet dordonnance qui sont largement similaires à celles exprimées par les FAI contestants. Cela comprend Shaw, Bragg Communications Inc. (Eastlink), Saskatchewan Telecommunications et TekSavvy Solutions Inc.

c)                  FAI contestants

[26]           Plusieurs des FAI contestent la requête des défenderesses, en faisant valoir ce qui suit :

  1. la procédure suivie par les demanderesses était inéquitable;
  2. les demanderesses nont pas établi leur preuve;
  3. les modalités de lordonnance sollicitée ne tiennent pas compte de la considération appropriée de leurs intérêts ou de ceux de leurs clients.

[27]           Ce groupe de FAI comprend Cogeco Connexion inc. (Cogeco), Distributel Communications Ltée (Distributel) et Telus Communications inc. (Telus). Telus na adopté aucune position à légard de la procédure suivie par les demanderesses ou à savoir si les demanderesses avaient établi le bienfondé de leurs allégations aux fins dune injonction. En revanche, Telus a mis laccent sur la difficulté à laquelle elle serait confrontée relativement à la mise en œuvre de lordonnance et de la forme particulière de celleci. La position avancée par ces FAI fera lobjet dune discussion plus détaillée ciaprès. Dans la discussion qui suit, les références aux arguments des tierces parties intimées renvoient aux positions avancées par Cogeco, Distributel ou Telus (concernant la difficulté liée à la mise en œuvre de lordonnance et la forme particulière de celleci), sauf indication contraire.

(3)               Les intervenants

[28]           La Clinique dIntérêt publique et de politique dInternet du Canada SamuelsonGuusko (CIPPIC) et Beanfield Technologies Inc. (Beanfield) ont été autorisées à intervenir dans la procédure en lespèce en vertu dune ordonnance datée du 13 octobre 2021 (2021 CanLII 107613). Les deux ont reçu lautorisation de déposer des observations écrites, bien que Beanfield ait été limitée à présenter des observations à légard de lordonnance uniquement. La CIPPIC a également présenté des observations orales pendant laudition de la requête.

[29]           La CIPPIC a cherché à situer laffaire dans son contexte général en mettant en évidence les intérêts et les enjeux associés aux ordonnances de blocage de sites dans le cadre de lapproche du Canada en matière de réglementation dInternet.

[30]           Beanfield est un FAI, mais se distingue des tierces parties intimées, car elle assure la prestation de ses services par lintermédiaire dun réseau indépendant doté dinstallations. Les observations de Beanfield étaient axées sur le fait de sassurer que toute ordonnance accordée en lespèce tenait compte du fait que tous les FAI ne sont pas exploités de la même façon et que lordonnance était limitée à la situation des FAI directement assujettis à celleci.

[31]           Les arguments des intervenants font lobjet dune discussion plus détaillée ciaprès.

[32]           Penchonsnous maintenant sur la revendication de droit dauteur qui soustend la présente procédure. Compte tenu de lensemble des complexités de laffaire, la revendication de droit dauteur est plutôt simple. Le fondement de la protection du droit dauteur est le contrôle sur le droit de produire ou de reproduire lœuvre, en lespèce les diffusions de matchs en direct de la LNH. Les demanderesses affirment que les défendeurs portent atteinte à leurs droits en organisant et en facilitant la diffusion en continu de copies non autorisées de ces œuvres à des téléspectateurs au Canada. Pour situer cette affirmation dans son contexte, il convient dexaminer la façon dont les droits de diffusion de la LNH sont octroyés.

B.                 Droits de diffusion de la LNH au Canada 

[33]           La LNH est une ligue professionnelle de hockey sur glace qui est exploitée au Canada et aux ÉtatsUnis. Elle est composée de 32 équipes, dont sept équipes établies au Canada : les Canadiens de Montréal, les Sénateurs dOttawa, les Maple Leafs de Toronto, les Jets de Winnipeg, les Flames de Calgary, les Oilers dEdmonton et les Canucks de Vancouver.

[34]           La saison de la LNH est divisée en trois phases. Il y a la présaison, qui se déroule habituellement sur deux semaines, comportant de six à huit matchs dexhibition; la saison régulière, qui a lieu habituellement du début octobre jusquau début avril, consistant en 82 matchs par équipe; et les séries éliminatoires et la finale de la Coupe Stanley, qui se déroulent habituellement de la miavril à la mijuin, et qui peuvent comporter entre 60 et 105 matchs au total. Ensemble, ces phases constituent la saison de la LNH.

[35]           Les radiodiffuseurs qui sont titulaires des droits à légard de matchs particuliers de la LNH les filment et les produisent (en ajoutant des éléments, tels que du texte, des images, des vidéos et des commentaires à lenregistrement vidéo). Le droit dauteur à légard de lenregistrement vidéo en direct et de la production est ensuite octroyé des diffuseurs à la LNH ou à léquipe locale de la LNH jouant le match; la LNH et les équipes délivrent de nouveau à leur tour une licence à légard de ces droits à ces mêmes diffuseurs.

[36]           Les droits de diffuser les matchs de la LNH dépendent de la question de savoir si les matchs sont désignés comme des « matchs nationaux » ou des « matchs régionaux ».

[37]           Certains matchs de la LNH entre des équipes canadiennes sont désignés comme des matchs nationaux, de même que les séries éliminatoires et la finale de la Coupe Stanley ainsi que certains autres événements, comme le Match des étoiles de la LNH. Tous les autres matchs sont des matchs régionaux.

[38]           Il nest pas nécessaire de décrire en profondeur les droits particuliers détenus par les différentes demanderesses. Les demanderesses détiennent collectivement les droits à légard de tous les matchs nationaux et régionaux au Canada, pour lesquels ils délivrent une souslicence à dautres diffuseurs.

[39]           Rogers est titulaire des droits de distribution, par lintermédiaire dune télédiffusion et dune diffusion en continu en ligne, de toutes les diffusions de matchs nationaux de la LNH en langue anglaise au Canada. Elle est également titulaire des droits de distribution de tous les matchs régionaux de certaines équipes canadiennes. Rogers Media délivre des souslicences à légard de certains matchs nationaux quelle produit aux fins de diffusion par la Société RadioCanada ainsi que par le Réseau de télévision des peuples autochtones (APTN).

[40]           Rogers diffuse les matchs à légard desquels elle est titulaire des droits par lintermédiaire dun certain nombre de stations de télévision, y compris les stations de la marque Sportsnet (Sportsnet East, Sportsnet Ontario, Sportsnet West et Sportsnet Pacific), ainsi que plusieurs stations conventionnelles et NHL Centre Ice (qui fournit un accès aux matchs régionaux hors marché). Rogers fournit un accès à certaines diffusions par lintermédiaire de services en ligne, dont Sportsnet NOW et NHL Live, qui sont exploités par Rogers. Rogers produit également plusieurs émissions relatives à la LNH, comportant généralement des commentaires qui précèdent et qui suivent les matchs en direct de la LNH, quelle diffuse dune manière similaire.

[41]           Bell est titulaire des droits exclusifs de distribuer tous les matchs régionaux de plusieurs équipes canadiennes. Elle diffuse les matchs de la LNH en direct par lintermédiaire de ses stations de la marque TSN (qui comprennent TSN1, TSN2, TSN3, TSN4 et TSN5), de même que par ses stations de la marque RDS (incluant RDS et RDS2) ainsi que par leurs services en ligne correspondants (TSN DIRECT et RDS DIRECT). Bell produit et diffuse également plusieurs émissions relatives à la LNH, en français et en anglais.

[42]           Le Groupe TVA est titulaire des droits exclusifs de distribution de certains matchs nationaux en français.

C.                 Internet et la piraterie en ligne

[43]           Internet est un réseau mondial composé dune collection de « nœuds » qui sont directement ou indirectement connectés. Les appareils, incluant les ordinateurs, les téléphones intelligents et les tablettes, chacun constituant un nœud distinct. Une adresse de protocole Internet (IP) est attribuée à chaque nœud, exprimée dans une forme numérique (p. ex. 172.217.164.228).

[44]           Les nœuds habituellement utilisés par les clients Internet ont tendance à être axés sur laccès à du contenu sur Internet. Dautres nœuds, utilisés par les exploitants de différents services Internet, hébergent et fournissent un accès à du contenu. Toute personne ayant utilisé Internet pour trouver ou partager de linformation a participé au processus, mais les utilisateurs ne sont généralement pas conscients du système de routage complexe qui connecte leur appareil à la source dinformation et qui gère le trafic entre les deux. Plusieurs éléments de ce système, décrit cidessous, sont essentiels à la compréhension de la réparation demandée en lespèce.

[45]           Les utilisateurs nutilisent habituellement pas ladresse IP associée à un nœud en particulier. En revanche, ils sappuient sur le système de noms de domaine (DNS) qui comble lécart entre les adresses IP et les domaines (p. ex. www.NHL.com/fr) ou les sousdomaines (p. ex. https://www.NHL.com/fr/scores). Essentiellement, le système DNS est lannuaire téléphonique dInternet; il jumelle chaque nom de domaine à son adresse IP correspondante. Lorsquun utilisateur tente de se connecter à un domaine reconnu, le DNS signalera automatiquement cette demande au nœud approprié associé à ladresse IP pertinente. Le DNS nest pas hébergé dans un seul référentiel; au lieu de cela, les FAI et les autres entités hébergent des serveurs DNS qui stockent les adresses IP utilisées pour acheminer le trafic.

[46]           Le transfert de données sur Internet comporte toujours deux actes miroirs : le téléchargement en aval, dans lequel le premier nœud obtient une copie des données dun deuxième nœud connecté à Internet et (simultanément), le téléchargement en amont, dans lequel le deuxième nœud qui transmet les données au premier nœud connecté à Internet.

[47]           Le type de téléchargement en aval pour la présente espèce est la « diffusion en continu » : des portions successives dune copie temporaire dune diffusion vidéo sont téléchargées en aval, lues au fur et à mesure que le téléchargement en aval progresse, et qui sont subséquemment ou progressivement supprimées de lappareil. Les demanderesses ont fourni une analogie pertinente : la diffusion en continu est similaire à une personne qui lit un livre à qui on remet quelques pages à la fois, cellesci étant jetées au fur et à mesure que les pages suivantes sont remises au lecteur. À la fin du processus, le lecteur a terminé le livre sans quune copie papier du livre réel prenne de lespace dans sa bibliothèque. Lune des raisons pour lesquelles le contenu diffusé en continu peut être visionné aussi rapidement sur lappareil dun utilisateur est que la diffusion nest pas téléchargée intégralement dun seul coup; en revanche, les quelques premiers segments sont téléchargés, puis le reste suit de manière séquentielle.

[48]           Les services illégaux de diffusion en continu nécessitent plusieurs composantes technologiques. Dabord, un « flux source » est nécessaire – en lespèce, la diffusion en direct est capturée et téléchargée en amont pour être prête aux fins de diffusion en continu. Ensuite, une « infrastructure de diffusion en continu » est requise pour distribuer le contenu piraté aux téléspectateurs. Cela comprend à la fois des composantes matérielles et logicielles, y compris un ou plusieurs « serveurs de diffusion en continu » et une « plateforme de diffusion en continu ».

[49]           De nombreux services de diffusion en continu légitimes donnent accès aux abonnés à du contenu protégé par le droit dauteur que le service de diffusion en continu a obtenu en vertu dune licence. Netflix en est un exemple. Cependant, de nombreux sites ou de nombreuses plateformes de diffusion en continu illégaux offrent un accès à du contenu piraté.

[50]           Deux types de plateformes de diffusion en continu illégales sont couramment disponibles : i) les sites de piraterie sur le Web ouvert qui sont habituellement gratuits et publics, qui tirent leurs revenus de la publicité, et ii) les services dabonnement non autorisés qui fournissent habituellement une copie de plus grande qualité du contenu piraté ainsi quun accès plus facile aux abonnés. Les abonnements aux services dabonnement non autorisés sont généralement beaucoup moins chers que les frais pour les services fournis par les FAI, car les pirates ne paient pas de droits de licence ou nengagent pas de coûts de production.

[51]           Comme je lai déjà indiqué, la diffusion en continu comporte la division dun fichier vidéo (ou audio) en petits fichiers médias, que lon appelle des segments (les « pages » mentionnées dans lanalogie des demanderesses). Tous les segments peuvent être situés sur un seul serveur de diffusion en continu, ou ils peuvent être dupliqués et distribués à léchelle de plusieurs serveurs de diffusion en continu différents à lintérieur de linfrastructure de diffusion en continu. Un avantage associé à la distribution du contenu piraté de cette façon est que les segments peuvent être fournis à lutilisateur final à laide des moyens les plus efficaces possibles, pour éviter de surcharger un élément, ce qui pourrait causer des retards ou des interruptions.

[52]           La preuve montre que, bien quune plateforme de diffusion en continu puisse être exploitée par le même pirate que linfrastructure de diffusion en continu, dans la plupart des cas, ce nest pas ce qui se passe. Cependant, un certain nombre de plateformes de diffusion en continu différentes peuvent accéder à une seule infrastructure de diffusion en continu.

[53]           Lutilisateur final – quil recherche un accès légitime ou du contenu de diffusion en continu illégal – nest habituellement pas conscient de la façon dont linformation est acheminée entre la source et son appareil. Cependant, un élément clé dans la présente espèce est la capacité des FAI à identifier et à bloquer laccès des utilisateurs aux plateformes de diffusion en continu qui diffusent en continu illégalement du contenu portant atteinte au droit dauteur et, par conséquent, une brève description de la façon dont le blocage des sites fonctionne simpose. Cela exige, dabord, une description plus détaillée de la façon dont le trafic est acheminé du client par lintermédiaire du FAI jusquà Internet.

[54]           Les FAI donnent accès à Internet en ayant recours à plusieurs types différents de connexions. On appelle la section de linfrastructure qui connecte le client résidentiel la connexion du « dernier kilomètre ». Au Canada, il y a habituellement deux types de FAI : ceux qui possèdent linfrastructure du dernier kilomètre (appelés « fournisseurs dotés dinstallations » ou « entreprises de télécommunications »), et ceux qui louent linfrastructure du dernier kilomètre (appelés « revendeurs »).

[55]           À un niveau élevé, linfrastructure utilisée par les FAI utilisées pour connecter les clients à Internet comporte quatre éléments :

  1. équipement du client – souvent un routeur domestique, qui connecte différents appareils dans la maison au réseau;
  2. dernier kilomètre/boucle daccès – la connexion du dernier kilomètre à partir de la résidence du client au réseau daccès/de transport détenu ou loué par le FAI;
  3. le réseau daccès/de transport – le système de routeurs qui regroupe et achemine le trafic reçu par les boucles du dernier kilomètre/daccès et qui transporte le trafic vers le réseau central;
  4. le réseau central – qui contient un autre ensemble de routeurs qui regroupe et achemine le trafic en provenance et à destination de réseaux daccès/de transport multiples. Ce réseau comprend les serveurs DNS et dautres infrastructures de services de haut niveau qui sont essentielles au fonctionnement dInternet en tant que système de systèmes.

[56]           Un réseau central de FAI se connecte ensuite à Internet, qui constitue en soi un système composé dune série dautres réseaux par lintermédiaire duquel le trafic est acheminé afin de permettre le téléchargement en aval et en amont simultané dinformation. Linfrastructure dun FAI comprendra des routeurs dagrégation et des routeurs de cœur. Cela est important, car il sagit des points centraux des efforts de blocage de sites. Même si le processus technique est quelque peu différent entre les FAI qui sont des entreprises de télécommunications et des FAI qui sont des revendeurs, les différences ne sont pas importantes aux fins de la présente espèce, car les deux types de FAI peuvent se livrer et se livrent effectivement au blocage dun certain trafic.

D.                 Blocage de sites

[57]           Comme il est indiqué cidessus, le blocage de sites est une méthode utilisée pour dissuader ou empêcher laccès aux plateformes de diffusion en continu qui offrent un accès à un contenu portant atteinte au droit dauteur ou autre, et pour empêcher le trafic entrant de causer des problèmes pour les utilisateurs ou davoir une incidence sur le réseau des FAI. Trois types principaux dapproches en matière de blocage de sites soffrent aux FAI :

  1. le blocage de DNS – qui déconnecte le lien entre un domaine (ou sousdomaine) et son adresse IP correspondante dans le service DNS;
  2. le blocage dadresses IP – qui bloque le trafic à destination et en provenance dune adresse IP précise;
  3. le blocage du chemin URL (localisateur de ressources uniforme)  – qui empêche le trafic à destination et en provenance demplacements très précis dans un site Web ou un autre service Internet.

(1)               Blocage de DNS

[58]           Le DNS (système de noms de domaine) agit comme un pont nécessaire entre un nom de domaine et ladresse IP correspondante, il est par conséquent possible pour un FAI hébergeant des serveurs DNS de bloquer laccès de ses abonnés à un site Web particulier. Les entreprises de télécommunications et les revendeurs canadiens qui ont des serveurs DNS possèdent déjà la capacité de procéder à ce type de blocage.

[59]           Cependant, il est important de souligner que même si un domaine ou un sousdomaine signalent habituellement une seule adresse IP à nimporte quel moment, de nombreux domaines ou sousdomaines peuvent signaler la même adresse IP, car un seul serveur peut héberger plusieurs sites Web.

(2)               Blocage dadresses IP

[60]           Cette technique est axée sur ladresse IP problématique, plutôt que le nom de domaine. Cette méthode peut être mise en œuvre dans la couche externe du cœur de linfrastructure dun FAI. Cela comprend la configuration des routeurs de cœur de façon à ce quils nacheminent pas le trafic dutilisateurs vers une adresse IP particulière. Au lieu de cela, lorsquun abonné tente daccéder à cette adresse, le routeur enverra la requête « nulle part » plutôt que de lacheminer à sa destination originale. On appelle cela le « black holing », car la requête est envoyée dans un « trou noir » plutôt quà ladresse IP. Le processus fonctionne également à linverse, pour empêcher le contenu malveillant datteindre ladresse IP dun abonné donné.

[61]           La preuve montre que lensemble des FAI tiers ont régulièrement recours à cette méthode pour protéger leur réseau contre une activité ou du contenu malveillants liés à des adresses IP données. Cela peut comprendre le blocage des transferts de données pendant des périodes pouvant atteindre quelques heures. Tous les FAI surveillent leurs réseaux dune façon continue pour détecter le trafic problématique et tenter de les empêcher daffecter le service des autres clients. Une situation typique est connue sous le nom dattaque par « déni de service distribué » (DDOS). Une attaque DDOS comporte un effort systématique pour submerger le service Internet dun client particulier afin de lui refuser laccès. Les FAI doivent gérer des telles attaques au quotidien et, dans certains cas, cela exige la désactivation de laccès dun client pour empêcher lattaque DDOS déliminer intégralement un nœud dans le système dun FAI.

[62]           Comme nous en discuterons dune manière plus détaillée ciaprès, les routeurs de cœur du FAI peuvent uniquement bloquer un certain nombre dadresses IP en même temps en raison des limites de capacité. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

(3)               Blocage du chemin URL

[63]           Le blocage de chemins URL permet un blocage du trafic plus précis que les deux autres méthodes; cette méthode permet à un FAI de refuser un chemin particulier à lintérieur dun domaine sans bloquer laccès à dautres pages dans le même domaine. Pour revenir à un exemple utilisé plus tôt, cela permettrait à un FAI de bloquer laccès des clients à www.NHL.com/fr/scores, sans couper laccès à www.NHL.com/fr ou à toute autre page à lintérieur de ce domaine.

[64]           Les FAI qui font partie du projet CleanFeed Canada utilisent le blocage dURL pour empêcher les abonnés au Canada daccéder à des sites Web non canadiens associés à la pornographie juvénile. Ce groupe de FAI comprend Bell, Rogers, Sasktel, Shaw, Telus et Vidéotron. La preuve montre que Bell met à jour quotidiennement la liste des URL qui sont bloquées dans le cadre du projet Cleanfeed.

[65]           Au moment de laudience, les FAI tiers navaient pas tous la capacité de mettre en œuvre le blocage des chemins URL.

E.                  Les décisions dans laffaire GoldTV

(1)               GoldTV CF

[66]           Comme je lai souligné plus tôt, les demanderesses cherchent à miser sur lordonnance accordée dans laffaire GoldTV CF et il sera utile de résumer cette décision à propos de larrêt de la Cour dappel qui a confirmé lordonnance. Les deux discussions font lobjet dune discussion plus détaillée ciaprès, dans le contexte de lanalyse des arguments particuliers des parties.

[67]           Dans laffaire GoldTV CF, une affaire qui concerne les mêmes demanderesses et tierces parties intimées que la présente espèce, les demanderesses ont demandé une injonction interlocutoire afin dobliger les tierces parties intimées à bloquer laccès des clients à des diffusions démissions de télévision protégées par le droit dauteur. Les demanderesses ont déposé une déclaration contre deux défendeurs non désignés nommément faisant affaire sous le nom de « goldtv.biz » et « goldtv.ca » (GoldTV). Compte tenu des mesures prises par ces défendeurs pour rester anonymes et pour éviter les procédures judiciaires, les demanderesses ont également demandé une injonction provisoire de 14 jours ainsi quune injonction interlocutoire. Les deux injonctions ont été accordées.

[68]           Malgré la délivrance de ces ordonnances, on a continué dexploiter certains des services de GoldTV. Les défendeurs non désignés nommément navaient présenté aucune défense ou par ailleurs navaient pas participé à laction sousjacente. Par conséquent, les demanderesses ont demandé une injonction interlocutoire mandatoire visant les FAI qui sont des tierces parties intimées, exigeant quelles bloquent laccès des clients canadiens à des diffusions non autorisées par lintermédiaire des services de GoldTV, à une liste précise dadresses IP et de noms de domaine Web.

[69]           Plusieurs des tierces parties intimées ont consenti à lordonnance, mais TekSavvy et Distributel sy sont opposées et ont toutes deux déposé des dossiers devant la Cour. Telus a également présenté des observations lors de laudience. TekSavvy a fait valoir que la Cour ne devrait pas exercer sa compétence pour accorder linjonction pour un certain nombre de raisons, y compris le fait que le législateur navait délibérément pas adopté un régime de blocage de sites lorsquil a modifié la Loi sur le droit dauteur, LRC 1985, c C42 en 2012. Elle a également fait valoir que le blocage de sites relevait de lexpertise spécialisée du CRTC, qui avait indiqué que de telles mesures ne devraient être disponibles que dans des circonstances extraordinaires.

[70]           TekSavvy a souligné que, dans une décision de 2018, le CRTC avait rejeté une demande de la coalition FrancJeu pour exiger des FAI quils bloquent laccès aux sites Web et aux services impliqués dans le piratage de droits dauteur (Décision de télécom 2018384). La position générale de TekSavvy était que la demande des demanderesses devait être examinée dans le contexte plus vaste du débat canadien sur le blocage de sites en cours à lépoque au Parlement et devant le CRTC. Elle a exhorté la Cour à laisser ces organismes trancher la question.

[71]           En outre, TekSavvy a fait valoir que les demanderesses navaient pas respecté le critère relatif à loctroi dune injonction interlocutoire mandatoire. Un très bref résumé de cet aspect de la décision suffira ici. La Cour a conclu quelle avait compétence pour accorder linjonction demandée en soulignant que les ordonnances contre des tiers étaient parfois disponibles en droit canadien. Elle a aussi souligné que des tribunaux au RoyaumeUni (R.U.) avaient accordé des ordonnances similaires fondées sur une disposition législative particulière liée au piratage en ligne et sur leur compétence plus générale pour accorder un redressement interlocutoire – une compétence conférée largement similaire à celle de la Cour fédérale.

[72]           La Cour a conclu que les demanderesses avaient respecté le critère en trois parties habituel en matière dinjonction interlocutoire.

[73]           En ce qui concerne le premier élément, la Cour a conclu que les demanderesses avaient démontré une forte apparence de droit datteinte au droit dauteur. En se penchant sur les deux éléments suivants, la question de savoir si les demanderesses avaient établi un préjudice irréparable et lendroit où repose la prépondérance des inconvénients, la Cour a appliqué lorientation de la jurisprudence du R.U. pour déterminer et évaluer les considérations importantes.

[74]           La Cour a conclu que les demanderesses avaient établi un préjudice irréparable. En premier lieu, latteinte au droit dauteur sest poursuivie même après la délivrance des injonctions provisoires et interlocutoires, et la preuve na pas montré que des moyens moins intrusifs de réparer le préjudice étaient susceptibles dêtre efficaces. En deuxièmement lieu, il y avait une apparence de droit datteinte continue au droit dauteur et les défendeurs étaient inconnus. La Cour a conclu que les répercussions financières sur les demanderesses constituaient par conséquent un préjudice irréparable.

[75]           En examinant le troisième élément, la Cour a jugé que la prépondérance des inconvénients penchait en faveur des demanderesses. En appliquant les facteurs énoncés dans la jurisprudence du R.U., décrit de manière plus détaillée ciaprès, la Cour était convaincue que lordonnance de blocage de sites serait efficace sans nuire à laccès des clients au contenu licite, et quelle nimposerait aucun fardeau excessif aux tierces parties intimées. La Cour était également convaincue que des mesures de protection adéquates pouvaient être mises en place pour empêcher un abus de lordonnance.

[76]           En conséquence, la Cour a accordé lordonnance, même si elle a apporté quelques modifications à la version proposée par les demanderesses. Essentiellement, selon les modalités de lordonnance, les tierces parties intimées étaient tenues de prendre des mesures afin de bloquer laccès à une liste précise qui comprend deux noms de domaine de site Web, dix sousdomaines et onze adresses IP. Lordonnance pourrait être modifiée à la requête de toute partie, et toute personne dont laccès a été bloqué pourrait présenter une demande en vue de la modifier. Les autres détails techniques inclus dans cette ordonnance font lobjet dune discussion ciaprès en lien avec lanalyse de lordonnance sollicitée en lespèce.

[77]           Depuis la décision initiale dans laffaire GoldTV CF, lordonnance a été modifiée à trois reprises, par des ordonnances datées du 20 décembre 2019, du 10 juillet 2020 et du 13 novembre 2020. Lorsque la présente affaire a été débattue, les demanderesses avaient présenté une requête pour demander une autre modification, mais la question navait pas été entendue.

(2)               GoldTV CAF

[78]           Dans une décision rendue le 26 mai 2021, la Cour dappel fédérale a rejeté lappel et a confirmé lordonnance accordée par le juge Gleeson. La Cour dappel a reconnu que lordonnance était sans précédent au Canada, mais a conclu quelle avait été validement délivrée et quelle devrait être confirmée.

[79]           La Cour dappel a répondu aux trois principales questions soulevées par TekSavvy dans lappel, à savoir : la Cour fédérale navait pas compétence pour octroyer une injonction de blocage de sites; la décision ciaprès omettait de sattaquer à la question selon laquelle lordonnance portait atteinte à la liberté dexpression; et la Cour fédérale naurait pas dû accorder lordonnance daprès les faits de laffaire.

[80]           Sur le premier point, la Cour dappel a conclu que les articles 4 et 44 de la Loi sur les cours fédérales, LRC 1985, c F7, conféraient à la Cour fédérale compétence pour octroyer une injonction de blocage de sites, laquelle était renforcée par le paragraphe 34(1) de la Loi sur le droit dauteur, qui comprend, parmi une panoplie dautres recours pour violation du droit dauteur, une réparation par voie dinjonction. À lappui de cette conclusion, elle a cité le passage suivant de larrêt Google Inc v Equustek Solutions Inc, 2017 CSC 34 [Google], au paragraphe 23 : « [l]es pouvoirs des tribunaux ayant compétence en equity pour accorder des injonctions sont, sous réserve de toute restriction législative pertinente, illimités. »

[81]           La Cour dappel a rejeté les arguments de TekSavvy voulant que les droits et réparations en vertu de la Loi sur le droit dauteur soient exhaustifs et que le choix du législateur dadopter un régime [traduction]°d« avis et avis » plutôt que lapproche [traduction]°d« avis et retrait » adoptée aux ÉtatsUnis indiquait quil ne souhaitait pas accorder aux titulaires de droit dauteur le recours le plus puissant de lordonnance de blocage de sites contre les FAI. La Cour dappel a également rejeté lallégation selon laquelle de telles ordonnances étaient interdites par larticle 36 de la Loi sur les télécommunications, car cette disposition garantit la neutralité du Net et interdit aux FAI de bloquer laccès à des sites Web sans une ordonnance du CRTC. La Cour dappel a conclu que « le libellé général de larticle 36 [...] ne lemporte pas sur les pouvoirs en equity de la Cour fédérale lui permettant daccorder des injonctions, y compris le pouvoir de rendre une ordonnance de blocage de sites » (para 36).

[82]           En ce qui concerne la deuxième question, la Cour dappel a rejeté largument selon lequel lordonnance devrait être annulée, car la Cour fédérale a omis de se pencher sur les questions relatives à la liberté dexpression soulevées par laffaire. En appliquant lapproche adoptée dans larrêt Google, la Cour dappel a jugé quil nétait « pas nécessaire que le juge [...] procède à une analyse détaillée des droits garantis par la Charte distincte de lanalyse de la prépondérance des inconvénients à laquelle il fallait procéder » (para 53). La Cour dappel a conclu que la décision visée par lappel avait adéquatement pris en compte les considérations en matière de liberté dexpression.

[83]           Pour ce qui est de la question de savoir sil était juste et équitable daccorder linjonction dans les circonstances de lespèce, la Cour dappel a tranché quil ny avait aucune erreur justifiant linfirmation de la décision et, par conséquent, la confirmée. Une fois de plus, les détails de cette analyse font lobjet dune discussion dans les prochaines sections, il nest donc pas nécessaire de les passer en revue ici.

III.              Questions en litige

[84]           Les questions dans la présente espèce peuvent être distillées en trois questions :

  1. Devraiton refuser linjonction interlocutoire parce que le processus était inéquitable pour les tierces parties intimées?
  2. Les demanderesses ontelles satisfait au critère relatif à loctroi dune injonction interlocutoire mandatoire pour une ordonnance de blocage dynamique de sites?
  3. Le cas échéant, selon quelles modalités lordonnance devraitelle être délivrée?

[85]           Un certain nombre dautres questions sont imbriquées dans les deuxième et troisième questions, et cellesci feront lobjet dune discussion ciaprès.

IV.              Analyse

A.                 La procédure était équitable pour les tierces parties intimées

[86]           Les tierces parties intimées ont fait valoir que les demanderesses ont délibérément eu recours à une stratégie pour les placer en situation désavantageuse pour répondre à la requête, elles ont donc exhorté la Cour à ne pas récompenser un tel comportement. Elles affirment que plusieurs solutions de rechange soffrent aux demanderesses, y compris lobtention dune ordonnance sur consentement qui se serait exclusivement appliquée aux FAI « liés », ou demander laccord de tous les FAI pour entreprendre un essai du système de blocage proposé afin dévaluer la faisabilité et lefficacité. Les tierces parties intimées ont exhorté la Cour à refuser daccorder la réparation en labsence dun effort de bonne foi avant le litige afin de poursuivre un processus opérationnel raisonnable sur le plan commercial avant dimpliquer des FAI tiers innocents dans un litige onéreux et manifestement urgent.

[87]           La discussion portant sur ce point commence par un bref examen de lhistorique procédural de laffaire, suivi par un résumé des arguments, puis une analyse du bienfondé de la demande en lespèce.

(1)               Historique des procédures

[88]           Les demanderesses ont présenté le 7 juillet 2021 un avis de requête demandant une injonction interlocutoire qui serait contraignante à légard des tierces parties intimées. Leur dossier de requête était volumineux, comprenant des documents publics et confidentiels, ainsi que plusieurs affidavits.

[89]           Le 17 août 2021, la Cour a tenu une conférence sur la gestion de linstance afin de discuter dun calendrier et dun horaire avec les parties. Les demanderesses ont souligné que leurs documents avaient dûment été signifiés aux parties et que, parce que la saison de la LNH devait commencer le 2 octobre 2021, elles ont affirmé que laudience devait avoir lieu sans tarder.

[90]           Plusieurs des tierces parties intimées sy sont opposées, faisant valoir que les demanderesses avaient choisi une stratégie relative à la signification dun énorme dossier de requête pendant les vacances dété, puis en demandant une audience urgente, car cela porterait atteinte aux tierces parties intimées qui cherchaient à sopposer à la demande. On a ordonné aux parties de discuter de la question et de se représenter devant la Cour pour énoncer leurs propositions particulières relatives à létablissement du calendrier. Cela a été fait à la fin août et, après avoir examiné les propositions respectives des parties, la Cour a délivré une ordonnance détablissement du calendrier le 14 septembre 2021, établissant un échéancier pour les requêtes en autorisation dintervenir, pour le dépôt déléments de preuve et dobservations par les parties, et mettant laffaire au rôle pour audition. Lordonnance détablissement a ensuite été modifiée et deux autres conférences de gestion de linstance ont été organisées afin de traiter plusieurs autres questions avant laudience.

[91]           Laffaire a été entendue sur trois jours, commençant le 23 novembre 2021. À la fin de laudience, les demanderesses et plusieurs tierces parties intimées ont présenté des observations concernant les modalités particulières dune ordonnance éventuelle. On a demandé aux parties de discuter des différentes modifications proposées pour déterminer si elles pouvaient sentendre sur certains points (comme on la fait dans GoldTV CF); faute de quoi, on a demandé aux FAI tiers de se présenter de nouveau avec une version consolidée de leur projet dordonnance, montrant les points sur lesquels elles sentendent et sur lesquels elles ne sentendent pas. Cela a été fait et laudience sest poursuivie le 7 janvier 2022, pour entendre les parties à propos des modifications quelles proposaient dapporter à lordonnance.

(2)               Les arguments des parties

[92]           Les arguments liés à liniquité concernent trois demandes liées, associées à la stratégie adoptée par les demanderesses, le fait que la réparation demandée constituera, en réalité, un recours définitif ainsi que les solutions de rechange qui étaient à la disposition des demanderesses.

[93]           En premier lieu, les tierces parties intimées répètent les arguments formulés lors de la conférence sur la gestion de linstance du 17 août 2021 : elles font valoir que la procédure suivie par les demanderesses était une stratégie délibérée conçue pour placer les parties intimées dans une situation intenable. Elles font valoir quil avait fallu de nombreux mois aux demanderesses pour réunir un dossier documentaire important, comme le prouve le fait que Rogers avait retenu les services dune société qui a commencé à assurer une surveillance en matière datteinte au droit dauteur à compter du 30 janvier 2021. Le dossier des demanderesses a ensuite été signifié et déposé au début de lété, de même quune demande daudience urgente. Les tierces parties intimées soulignent que cela reproduit lapproche adoptée par les demanderesses dans laffaire GoldTV CF et elles exhortent la Cour à ne pas la sanctionner.

[94]           Ensuite, les tierces parties intimées signalent que le recours demandé par les demanderesses correspond, en effet, à une ordonnance définitive, car il est très peu probable quelles poursuivent un jour les défendeurs non désignés nommément. Il sagit dune autre similitude avec laffaire GoldTV CF, dans laquelle, au moment de laudition de cette affaire, les demanderesses demandaient de proroger linjonction interlocutoire et de la rendre permanente, tout en suspendant les procédures sousjacentes à lencontre des défendeurs dans cette affaire. Les tierces parties intimées prétendent que cette réalité rend le processus de linjonction interlocutoire inapproprié, car il leur refuse les droits habituels en matière de communication de la preuve et dautres mesures de protection procédurales qui font partie de la procédure judiciaire habituelle.

[95]           À cet égard, les tierces parties intimées font valoir que le nouveau recours demandé par les demanderesses aurait pu être obtenu, sur consentement, auprès des « FAI liés », qui représentent environ 70 % du marché des services Internet résidentiels au détail au Canada. Si les demanderesses avaient suivi cette approche, elles auraient pu mettre à lessai les systèmes techniques quelles cherchent désormais à imposer aux tierces parties intimées, pour évaluer leur convivialité et leur précision. Cela aurait également permis aux demanderesses de recueillir des éléments de preuve à propos de lefficacité dune ordonnance de blocage dynamique de sites. Les tierces parties intimées soutiennent quil se serait agi dune procédure plus équitable qui aurait réduit limpact sur cellesci, car cela aurait permis une période dessai et de mise au point des procédures de blocage dynamique.

[96]           En sappuyant sur cette dernière observation, les tierces parties intimées affirment aussi que les demanderesses auraient dû proposer aux parties de travailler en collaboration afin de cerner des façons possibles de mettre en œuvre lordonnance nouvelle sollicitée par les demanderesses, y compris en élaborant des solutions techniques et en se livrant à une période dessais et de validation. Cette approche aurait permis de répondre à un grand nombre de préoccupations des tierces parties intimées, en plus de permettre aux parties de présenter un dossier de preuve solide à la Cour.

[97]           Les tierces parties intimées demandent à la Cour de rejeter le recours demandé par les demanderesses, afin de décourager leur stratégie relative à la production de documents volumineux, puis de réclamer la tenue dune audience urgente. Elles font également valoir que dautres approches efficaces étaient disponibles, lesquelles auraient permis aux demanderesses dobtenir plus que ce quelles demandent sans imposer de fardeaux indus sur les tierces parties intimées innocentes.

[98]           Dans un argument connexe, mais distinct, Distributel a prétendu que les demanderesses étaient informées du problème de piratage de droits dauteur depuis des années, mais quelles avaient attendu jusquà maintenant pour présenter la requête en lespèce. Distributel a soutenu que ce délai devrait suffire à priver les demanderesses du droit au recours interlocutoire extraordinaire quelles demandent.

[99]           Les demanderesses nient avoir suivi une procédure inéquitable. Elles prétendent que la question doit être interprétée à la lumière du contexte en rapide évolution, notamment les changements dans la façon dont le piratage en ligne de contenu protégé par le droit dauteur fonctionne dans le monde réel. Le fait que le contexte ait changé aussi rapidement a signifié que lapproche des demanderesses à légard de la protection de leur droit dauteur doit évoluer pour suivre le rythme. En lespèce, cela a voulu dire partir des efforts antérieurs en vue de faire respecter leurs droits (voir, par exemple : Bell Canada c 1326030, 2016 CF 612, confirmée dans 2017 CAF 55; Bell Canada c Vincent Wesley (MtlFreeTV.com), 2016 CF 1379, voir aussi 2018 CF 66, 2018 CF 861 [T-759-16, Roy J., ordonnance datée le 28 août, 2018 (C.F.) (non rapporté)]; Bell Canada c Red Rhino Entertainment Inc., 2019 CF 1460; Bell Canada c Lackman, 2018 CAF 42) pour demander et obtenir une ordonnance de blocage de sites statique en 2019, et demander maintenant une ordonnance de blocage de sites en 2021.

[100]       En réponse aux arguments des tierces parties intimées, les demanderesses reconnaissent quil a fallu un certain temps pour préparer leur dossier de requête, mais affirment que cela est approprié compte tenu de la nature technique de la preuve et du caractère nouveau du recours demandé. Leur dossier a été signifié au début juillet et les tierces parties intimées ont eu des mois pour préparer leurs dossiers. Les demanderesses soulignent que plusieurs des tierces parties intimées ont contreinterrogé les témoins des demanderesses, et quelles ont aussi produit une preuve très détaillée à propos de leurs entreprises et des difficultés associées à la mise en œuvre du type dordonnance sollicitée.

[101]       Les demanderesses font aussi valoir que les autres procédures proposées par les tierces parties intimées ne sont pas réalistes, car une action demandant un jugement par défaut contre les défendeurs Jean Untel naurait aucune incidence pratique sur des pirates Internet anonymes à létranger ayant pris de telles mesures élaborées pour dissimuler leurs identités et éluder des procédures judiciaires. Les demanderesses font valoir quelles ont suivi la procédure acceptée pour demander une injonction interlocutoire, un recours juridique dont elles peuvent certainement se prévaloir en droit canadien.

(3)               Discussion

[102]       Même si je conviens avec les FAI tiers que les demanderesses pourraient avoir opté pour une approche différente, en fin de compte, je ne suis pas convaincu que le processus – de la façon dont il sest déroulé en réalité – était inéquitable pour lune des tierces parties intimées ou quil a entravé leur capacité de préparer une réponse exhaustive à la requête.

[103]       Lhistorique des procédures décrit cidessus constitue une réponse exhaustive aux arguments des FAI tiers. La question de savoir si les demanderesses auraient pu ou auraient dû suivre une approche différente, plus collaborative, nest pas une question à laquelle la Cour doit répondre. En revanche, la seule question consiste à déterminer si lon devrait refuser daccorder aux demanderesses une injonction interlocutoire mandatoire, car le processus était inéquitable dans les circonstances (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 aux para 54 et 56).

[104]       En lespèce, les demanderesses ont présenté un dossier volumineux au début de juillet 2021. Laffaire na pas été entendue avant la fin novembre 2021 et, entretemps, les FAI tiers ont eu loccasion de recueillir et de présenter leurs propres éléments de preuve, et toutes les parties ont eu loccasion de procéder à un contreinterrogatoire à légard des affidavits qui avaient été déposés. Toutes les parties ont ensuite eu loccasion de présenter leurs observations à la Cour et de présenter dautres arguments détaillés concernant leurs positions respectives sur les modalités de lordonnance qui pourrait être délivrée. À tous les points de vue, cela satisfait aux normes déquité procédurale.

[105]       Il est vrai que la procédure dinjonction interlocutoire nenglobe pas toute la panoplie des droits procéduraux permis par une action suivie dun procès en première instance. Dautre part, cette procédure ne comporte pas non plus le délai et les coûts associés à la tenue dun procès complet dune affaire en première instance. En outre, aucune des tierces parties intimées na expliqué la façon dont les demanderesses pouvaient avoir poursuivi de manière réaliste les défendeurs non désignés nommément. Comme la souligné le juge Locke dans GoldTV CAF au paragraphe 42 :

Lorsque, dans une action intentée contre un défendeur anonyme, le tribunal peut être convaincu que ce défendeur est et demeurera anonyme et quil ne tiendra aucun compte de linjonction prononcée contre lui, il serait inutile et injuste dexiger que le demandeur franchisse certaines épreuves pour la forme et patiente un certain temps pour confirmer ce quil sait, et ce que le tribunal reconnaît déjà, avant de demander une injonction à lencontre dun tiers.

[106]       À mon avis, daprès la preuve dont la Cour est saisie, ces commentaires sappliquent à la situation à laquelle sont confrontées les demanderesses. Les moyens procéduraux supplémentaires, les coûts et les délais associés à la mise dune affaire en état nétaient pas nécessaires pour veiller à ce que le processus soit équitable pour les tierces parties intimées. La procédure réelle en lespèce, de la façon dont elle sest déroulée, leur a donné presque six mois pour obtenir et présenter des éléments de preuve et des arguments ainsi que pour mettre à lessai la preuve des demanderesses.

[107]       Étant donné que la présente affaire porte sur la diffusion en continu illégale de matchs en direct de la LNH, il était censé dinstruire laffaire à un moment où elle pouvait être entendue et tranchée pendant la saison de la LNH actuelle.

[108]       Enfin, je constate que plusieurs des tierces parties intimées ont formulé des commentaires sur les modalités du projet dordonnance provisoire et, en outre, dans ces commentaires, elles demandaient un préavis minimal de trois mois relativement à toute requête de prorogation de lordonnance accordée. Il sagit dune indication du temps que les parties estimaient nécessaire afin de préparer une réplique adéquate à une telle demande, il sagit dune autre confirmation quelles navaient pas été injustement lésées par la procédure suivie en lespèce.

[109]       Pour lensemble de ces motifs, je ne peux retenir largument des tierces parties intimées selon lequel la demande dinjonction devrait être rejetée parce que le processus était inéquitable à leur égard. Passons maintenant au bienfondé de laffaire des demanderesses.

B.                 Les demanderesses ont satisfait au critère relatif à loctroi dune injonction interlocutoire

[110]       Le critère juridique qui sapplique à la présente espèce a été confirmé dans larrêt GoldTV CAF :

[60] Le critère juridique applicable dans une affaire comme celle en lespèce a été examiné dans larrêt [Google] au paragraphe 25 :

Larrêt RJR — MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), 1994 CanLII 117 (CSC), [1994] 1 R.C.S. 311, établit le critère à trois volets suivant pour déterminer si un tribunal devrait exercer son pouvoir discrétionnaire doctroyer une injonction interlocutoire : existetil une question sérieuse à juger, la personne sollicitant linjonction subiraitelle un préjudice irréparable si cette mesure nétait pas accordée et la prépondérance des inconvénients favorisetelle loctroi ou le refus de linjonction interlocutoire? Il sagit essentiellement de savoir si loctroi dune injonction est juste et équitable eu égard à lensemble des circonstances de laffaire. La réponse à cette question dépendra nécessairement du contexte.

[61] En lespèce, il est pertinent de reproduire les observations suivantes formulées par la Cour suprême dans larrêt R. c. Société Radio‑Canada, 2018 CSC 5, [2018] 1 R.C.S. 196, au para. 13 [SRC], après quelle eut présenté le critère énoncé dans larrêt RJR — MacDonald :

Ce cadre danalyse nest toutefois que général. (En effet, dans RJR — MacDonald, la Cour a cerné deux exceptions qui pourraient commander un « examen plus approfondi du fond dune affaire » à la première étape de lanalyse.) Dans le présent litige, les parties ont convenu à chaque palier judiciaire que, lorsquune injonction interlocutoire mandatoire est sollicitée, la question à trancher à la première étape du test énoncé dans RJR — MacDonald était celle de savoir si les demandeurs ont établi une forte apparence de droit. Jobserve que ce seuil plus exigeant na pas été appliqué par la Cour lorsquelle a maintenu une telle injonction dans Google Inc. c. Equustek Solutions Inc. Dans cet arrêt, lappelante navait toutefois pas plaidé que la première étape du test énoncé dans RJR — MacDonald devait être modifiée. Elle avait plutôt reconnu qu’il suffisait de prouver l’existence d’une « question sérieuse à juger », de sorte que la Cour n’a pas été appelée à se pencher sur l’opportunité d’appliquer un seuil plus élevé. » En revanche, en lespèce, lapplication par les tribunaux dinstances inférieures dun seuil plus élevé pose pour la première fois la question du seuil qui devrait être effectivement appliqué à la première étape, lorsque le demandeur sollicite une injonction interlocutoire mandatoire.

[111]       La question fondamentale consiste à déterminer si l’octroi d’une injonction est « juste et équitable eu égard à l’ensemble des circonstances ». La question dépendra nécessairement du contexte (Google, au para 25).

[112]       Dans GoldTV CF, la Cour a accepté quil était approprié davoir recours à la jurisprudence du RoyaumeUni pertinente en matière dordonnances de blocage de sites, notamment les facteurs énoncés dans laffaire Cartier International AG v British Sky Broadcasting Ltd., [2016] EWCA Civ 658 [Cartier]. Ce recours a été endossé par la Cour dappel fédérale dans GoldTV CAF (aux para 76 et 77) et, ainsi, je me pencherai sur ces principes dans lanalyse qui suit.

[113]       Le résumé suivant des facteurs énoncés dans Cartier sinspire de la décision rendue dans laffaire GoldTV CF au paragraphe 52 ainsi que de larrêt GoldTV CAF, au paragraphe 74. Les facteurs à considérer sont :

  1. Nécessité : la mesure dans laquelle la réparation est nécessaire pour protéger les droits dun demandeur. La réparation na pas à être indispensable, mais la cour peut déterminer sil existe dautres mesures moins onéreuses.
  2. Efficacité : la question de savoir si la mesure de redressement demandée compliquera la contrefaçon et découragera les utilisateurs dInternet daccéder au service contrefait.
  3. Effet dissuasif : la question de savoir si dautres parties, qui nutilisent pas actuellement le service contrefait, seront dissuadées de le faire.
  4. Complexité et coût : la complexité et le coût de la mise en œuvre de la mesure de redressement demandée.
  5. Obstacles à lutilisation ou au commerce légitimes : la question de savoir si la réparation crée des obstacles à lutilisation ou au commerce légitimes en nuisant indûment à la capacité des utilisateurs des services des FAI daccéder légalement à linformation.
  6. Équité : la question de savoir si la réparation constitue le juste équilibre entre les droits fondamentaux des parties, des tiers et du grand public.
  7. Substitution : la mesure dans laquelle les sites bloqués pourraient être remplacés ou substitués et la question de savoir si un site bloqué pourrait être remplacé par un autre site contrefait.
  8. Mesures de sauvegarde : la question de savoir si la mesure de redressement demandée comprend des mesures de sauvegarde contre les abus.

[114]       Dans les circonstances de la présente espèce et à la lumière des questions générales de politique publique soulevée par lordonnance sollicitée, je conclus que lapplication de certains de ces facteurs doit être adaptée afin de tenir compte du contexte canadien concernant la réglementation dInternet.

[115]       En raison des décisions dans laffaire GoldTV, les parties conviennent essentiellement quil sagit du cadre juridique qui sapplique. Elles sont toutefois en désaccord sur la question de savoir si le critère a été satisfait. En outre, les FAI tiers et la CIPPIC préconisent la prudence à légard dun appui sur toute jurisprudence élaborée ailleurs à la lumière des contextes législatif et politique différents, et parce que dans plusieurs de ces autres affaires, les FAI ont soit consenti à loctroi de lordonnance, soit ne sy sont pas opposés.

[116]       Une observation préliminaire concernant la discussion ciaprès savère nécessaire. Certains des éléments de preuve présentés par les parties portent sur des affaires hautement confidentielles, se rapportant à la fois aux moyens par lesquels les demanderesses ont reconnu le piratage et ont déterminé que le blocage pouvait être fait, de même quaux opérations et plans commerciaux des FAI tiers. Même si jai attentivement examiné lensemble des éléments de preuve au dossier, la discussion ciaprès nexaminera pas un grand nombre des détails précis sur lun ou lautre de ces points, car il nest pas nécessaire de le faire. Cela permettra de protéger les renseignements sensibles sur le plan commercial ou déviter de fournir une feuille de route pour des personnes qui sont actuellement des acteurs dans lactivité de la diffusion en continu non autorisée, ou qui souhaitent le devenir.

[117]       Je reviens maintenant sur les éléments du critère relatif à loctroi dune mesure interlocutoire.

(1)               Question sérieuse

[118]       Il incombe aux demanderesses de démontrer quelles ont une « forte apparence de droit ». Cela comporte un examen plus exhaustif du bienfondé de laffaire quà lhabitude dans une procédure dinjonction interlocutoire. Selon les mots de la Cour suprême du Canada dans larrêt SRC : « le juge de première instance doit être convaincu quil y a une forte chance au regard du droit et de la preuve présentée que, au procès, le demandeur réussira ultimement à prouver les allégations énoncées dans lacte introductif dinstance » (para 17).

[119]       Il existe une preuve considérable concernant lallégation de Rogers Media selon laquelle les défendeurs non désignés nommément portent atteinte à son droit dauteur à légard des diffusions en direct de la LNH. Les FAI tiers contestent cependant cela et font valoir que même si on conclut que Rogers a satisfait au critère de lexistence dune question sérieuse, les autres demanderesses nont présenté aucun élément de preuve pour étayer leurs allégations datteinte au droit dauteur. Elles font valoir quil ny a aucun fondement pour extrapoler à partir des données démontrant les atteintes aux droits de Rogers pour conclure quune autre des demanderesses est victime datteintes similaires et que, par conséquent, il ny a aucun fondement pour conclure que les autres demanderesses ont établi lexistence d’une question sérieuse.

[120]       La preuve des demanderesses montre quelles sont titulaires dun droit dauteur à légard des diffusions de matchs de la LNH en direct, conformément à la description figurant dans le résumé présenté plus tôt. Les détails concernant les droits dont chacune des demanderesses est titulaire à légard des diffusions de la LNH en direct sont énoncés dans les affidavits et les pièces de leurs représentants, et cette question nest pas en litige, il nest donc pas nécessaire de décrire de manière détaillée la distribution du droit dauteur à légard des différentes diffusions. Après avoir examiné la preuve, je conclus quil ne fait aucun doute que les différentes demanderesses sont titulaires du droit dauteur à légard de pratiquement toute la distribution des diffusions de matchs de la LNH en direct au Canada, y compris les services de télédiffusion et de diffusion en continu en ligne. Cela étant établi, passons à la preuve datteinte au droit dauteur.

[121]       Rogers Cable, au nom de Rogers Communications, a retenu les services dune société appelée Friend MTS Limited (FMTS) pour surveiller Internet et identifier les sites et les services offrant un accès non autorisé à des diffusions en continu en direct de certaines des diffusions en direct de la LNH. FMTS a présenté des éléments de preuve concernant une surveillance similaire dans des affaires antérieures de blocage de sites au RoyaumeUni, en Irlande et en Argentine. FMTS offre différentes solutions technologiques aux télédiffuseurs et aux titulaires de droit dauteur afin de protéger et de faire respecter leurs droits par les pirates. Ses services comprennent la surveillance et létablissement de rapports sur les diffusions en continu non autorisées, ainsi que lenvoi davis de retrait et la fourniture de solutions de blocage de sites.

[122]       Dans la présente espèce, Rogers Communicationa a demandé à FMTS de surveiller les diffusions en continu non autorisées de diffusions en direct pour quatre stations de télévision appartenant à Rogers, à savoir Sportsnet One, Sportsnet Ontario, Sportsnet West et Sportsnet Pacific, à compter du 30 janvier 2021 ou aux environs de cette date.

[123]       FMTS a utilisé différents outils exclusifs pour identifier, capturer et analyser les serveurs de diffusion en continu offrant un accès non autorisé aux diffusions de la LNH en direct surveillées au Canada en temps réel. Entre le 30 janvier 2021 et le 30 mai 2021, FMTS a identifié un total de 53 433 cas (ciaprès appelés « incidents ») où des serveurs de diffusion en continu ont fourni un accès non autorisé à la diffusion de matchs de la LNH en direct sur les stations quelle surveillait. Presque |||| de ces cas provenaient de serveurs de diffusion en continu associés au piratage de droits dauteur.

[124]       Ces incidents provenaient de 3 957 serveurs de diffusion en continu non autorisée distincts, avec une moyenne de 822 adresses IP distinctes par semaine. La surveillance montrait que les adresses IP des serveurs de diffusion en continu non autorisée changent en moyenne toutes les trois semaines et demie, avec environ la moitié des adresses IP napparaissant que pour une seule semaine. Environ 95 % des serveurs de diffusion en continu étaient situés physiquement à lextérieur du Canada.

[125]       Il sagit dune preuve convaincante que les défendeurs non désignés nommément portent atteinte au droit dauteur de Rogers à légard de la diffusion de ces matchs de la LNH en direct.

[126]       Bell et TVA ont déposé des éléments de preuve supplémentaires, y compris laffidavit de Steven Rogers, un ancien policier offrant aujourdhui des services denquête sur Internet et danalyses judiciaires numériques. Laffidavit de M. Rogers présente de façon détaillée ses efforts en vue dobtenir un accès aux diffusions de matchs de la LNH en direct piratées et de les comparer avec les diffusions en direct sur lune des chaînes de sports spécialisées de la demanderesse. Bien que cette preuve ne couvre ni une période aussi longue ni autant dincidents de diffusion en continu illégale que celle de FMTS en ce qui concerne Rogers, elle démontre effectivement que des services de diffusion en continu illégaux donnent accès au contenu de Bell et de TVA (ainsi quà celui de Rogers). M. Rogers confirme quil a été en mesure davoir accès à des services de diffusion en continu qui donnaient accès à des versions non autorisées des diffusions en direct. Il explique à quel point il lui a été facile de le faire et il décrit la qualité du contenu piraté, soulignant quil ny avait quun court délai, voire aucun, dans le flux piraté (comparativement au flux légitime) et quune partie du contenu était accessible dans le même format haute définition que la diffusion autorisée.

[127]       En outre, de hauts dirigeants de Rogers, de Bell et de Vidéotron ont déposé des affidavits qui confirmaient que leurs clients respectifs accédaient à du contenu sur une ou plusieurs des plateformes de diffusion en continu non autorisées correspondant aux adresses IP relevées par FMTS pendant sa surveillance de la diffusion en continu non autorisée de matchs de la LNH en direct. Pour être clair, la surveillance assurée par les demanderesses na pas permis didentifier des clients particuliers, mais a plutôt confirmé que pendant les périodes pertinentes déterminées par FMTS, des milliers de leurs clients Internet réguliers accédaient à des flux non autorisés de matchs de la LNH en direct. Même si la preuve nest pas entièrement claire sur ce point, on présume que ces clients ont eu recours à des services de diffusion en continu non autorisés, car leur abonnement ne leur donnait pas accès aux matchs quils voulaient regarder.

[128]       Pour donner une idée de lampleur du problème, la preuve de Rogers montre que, entre le 16 mars et le 24 avril 2021, une moyenne de plus de 20000 abonnés à Internet par câble de Rogers a eu accès à des services de télévision par IP (TVIP) illégaux connus au quotidien. Entre le 10 mai et le 23 mai 2021, plus de 43000 abonnés aux services Internet de Rogers ont accédé à des services de TVIP non autorisés au quotidien. Le témoin de Bell Canada a signalé que pendant une soirée où un match des séries éliminatoires entre Montréal et Toronto était diffusé (un événement très populaire), au moins 25000 abonnés aux services Internet de Bell Canada avaient accédé aux services de diffusion en continu non autorisés relevés dans les rapports de FMTS. De manière similaire, Vidéotron signale que sa surveillance a démontré que pendant la diffusion de matchs de la LNH en direct entre le 14 mai 2021 et le 1er juin 2021, un grand nombre de ses abonnés ont eu recours aux serveurs de diffusion en continu non autorisés relevés par FMTS, ce qui a généré un important volume de trafic sur son système.

[129]       Ensemble, cette preuve démontre que chacune des demanderesses respectives éprouve une diffusion en continu illégale de ses diffusions de matchs de la LNH en direct. Il ne fait aucun doute que cela équivaut à une violation de leur droit dauteur.

[130]       Comme il est indiqué cidessus, les demanderesses sont les titulaires du droit exclusif de communiquer au public tous les matchs de la LNH en direct par lintermédiaire dune télédiffusion et dune diffusion en continu en ligne. En vertu de larticle 3 de la Loi sur le droit dauteur, les demanderesses sont titulaires du droit exclusif de diffuser ce contenu ou dautoriser sa communication au public. Selon le paragraphe 27(1) de la Loi sur le droit dauteur, toute personne qui communique ce contenu au public sans le consentement des titulaires viole le droit dauteur de la demanderesse.

[131]       La preuve montre que les défendeurs non désignés nommément sont responsables de la communication non autorisée au public au Canada des diffusions des matchs de la LNH en direct des demanderesses. Je conviens avec les demanderesses que les actions des défendeurs ne sont pas visées par lexception prévue par la loi limitant la responsabilité de ceux qui ne font que fournir les « moyens » de télécommunication, énoncée au paragraphe 2.4(1) de la Loi sur le droit dauteur. La preuve montre que les défendeurs ne sont pas que le conduit de la transmission du contenu protégé par le droit dauteur; ils lont plutôt piraté et ont pris des dispositions pour que des membres du public au Canada y aient accès par lintermédiaire de linfrastructure que les défendeurs ont installée. Cela comporte des efforts délibérés et élaborés – nécessitant des investissements importants – pour capturer et diffuser en continu le contenu protégé par le droit dauteur des demanderesses.

[132]       En résumé sur ce point, et revenant sur le critère déterminant, je suis convaincu, en mappuyant sur un examen attentif et détaillé de la preuve, que les demanderesses ont démontré une très forte probabilité quelles aient gain de cause au procès en établissant que les défendeurs ont porté atteinte à leur droit dauteur. Certes, la preuve démontre que les défendeurs violent le droit dauteur des demanderesses dune façon continue et flagrante.

[133]       Il convient de répéter que les FAI tiers ne sont que des conduits et quils ne participent aucunement aux activités assimilables à une violation du droit dauteur. Leur seule participation est que la diffusion en continu illégale est acheminée aux téléspectateurs au Canada par lintermédiaire des services quils offrent.

(2)               Préjudice irréparable

[134]       Lexpression « préjudice irréparable » a trait à la nature du préjudice subi plutôt quà son étendue; ce préjudice est généralement décrit comme celui auquel il ne peut être remédié ou pour lequel un dédommagement adéquat ne peut être obtenu (RJR – MacDonald, à la p 341). Il a souvent été affirmé que ce préjudice ne peut pas être fondé sur une simple hypothèse, il doit être établi au moyen déléments de preuve suffisamment probants (voir Glooscap Heritage Society c Canada (Revenu national), 2012 CAF 255 au para 31; Gateway City Church c Canada (Revenu national), 2013 CAF 126 aux para 15 et 16; Newbould c Canada (Procureur général), 2017 CAF 106 aux para 28 et 29). De plus, les éléments de preuve doivent démontrer une forte probabilité quun préjudice irréparable soit causé, pas quil est simplement possible. Cela dépendra évidemment des circonstances de chaque affaire (voir lanalyse faite dans la décision Letnes c Canada (Procureur général), 2020 CF 636 aux para 49 à 58).

[135]       Cependant, une réparation équitable doit conserver sa souplesse nécessaire et il doit être admis que certaines formes de préjudice nadmettent pas facilement la preuve, notamment dans le cadre de procédures interlocutoires où il est essentiel dagir rapidement et où la capacité de préparer un dossier de preuve complet est nécessairement limitée. Ce dont on a besoin, en fin de compte, cest dune « preuve solide » pour lévaluation du préjudice; de simples affirmations ou conjectures dun demandeur ne seront jamais suffisantes (voir Vancouver Aquarium Marine Science Centre v Charbonneau, 2017 BCCA 395 au para 60; Première Nation de Ahousaht c Canada (Pêches, Océans et Garde côtière), 2019 CF 1116 aux para 87 et 88).

[136]       Dans la décision GoldTV CF, le juge Gleeson a analysé le facteur de la nécessité établi dans laffaire Cartier dans le contexte de ce volet du critère, et la Cour dappel fédérale a jugé quil ne sagissait pas dune erreur. Par conséquent, je suivrai cette approche, même si je reconnais quil y a un degré de chevauchement entre lexamen de cet élément et les facteurs généraux de la prépondérance des inconvénients.

[137]       Je passerai en revue les observations des parties sur les préjudices financiers et la nécessité, puis je discuterai de la question de savoir si les demanderesses ont satisfait au critère relatif au préjudice irréparable.

a)                  Préjudice financier

[138]       Lessentiel de largument des demanderesses quant à ce motif est quelles perdent des abonnés et des revenus publicitaires éventuels en raison de la violation omniprésente, flagrante et continue de leur droit dauteur imputable à la diffusion en continu non autorisée de leur contenu protégé par le droit dauteur dans les matchs de la LNH en direct. Leur argument comprend plusieurs facettes liées entre elles.

[139]       En premier lieu, le hockey de la LNH est très populaire auprès des téléspectateurs canadiens. Les matchs de la LNH sont les événements sportifs en direct les plus regardés au Canada, certains matchs peuvent attirer un très vaste public. Par exemple, on estime que 11 millions de personnes ont regardé le septième match des séries éliminatoires entre Montréal et Toronto pendant la première ronde des séries éliminatoires de 2021. Chacune des demanderesses a investi des sommes importantes pour obtenir les droits de diffuser ces matchs et continue deffectuer des investissements afin dentretenir linfrastructure nécessaire pour satisfaire aux besoins de leurs clients. Leur preuve montre que les abonnés à leurs chaînes sportives spécialisées souhaitent particulièrement avoir accès aux diffusions en direct dévénements sportifs, notamment les matchs de la LNH.

[140]       Ensuite, parce que presque tous les matchs de la LNH sont visionnés « en temps réel » (par opposition à dautres émissions qui sont souvent enregistrées et auxquelles on a accès à des heures différentes), les demanderesses ont dû effectuer des investissements dans linfrastructure nécessaire pour satisfaire aux heures de pointe dans la demande de services Internet pendant les diffusions en direct. En outre, étant donné que les abonnés ne peuvent pas effectuer une avance rapide pendant une diffusion en direct, les annonceurs savent exactement combien de téléspectateurs verront leurs annonces pendant les matchs de la LNH en direct, ce qui rend ces messages supplémentaires particulièrement rentables pour les demanderesses. Cela génère également des revenus pour la diffusion de leurs émissions liées aux sports avant et après les matchs de la LNH.

[141]       Troisièmement, les demanderesses allèguent que la diffusion en continu non autorisée de leur contenu cause une perte continue de clients et quelle modifiera en permanence le comportement des consommateurs si on nintervient pas. Les demanderesses reconnaissent quil leur est impossible de quantifier avec précision le nombre dabonnés quelles ont perdu (ou quelles nont jamais gagné) en raison du piratage continu de leur contenu, mais elles prétendent que la preuve montre que le piratage constitue un problème considérable au Canada qui a indubitablement un effet négatif sur elles.

[142]       En outre, les demanderesses signalent le fait évident que le préjudice découle dun contexte où un grand nombre de défendeurs impossibles à identifier, lesquels pourraient se trouver n’importe où dans le monde, ont activement pris des mesures pour demeurer anonymes. Au mieux, leurs chances de recouvrer un jour des dommagesintérêts auprès de ces parties sont minces (GoldTV CF, au para 66; GoldTV CAF, au para 71).

[143]       Les demanderesses signalent un certain nombre dautres décisions dans lesquelles on a jugé que la communication non autorisée dun contenu protégé par le droit dauteur au moyen dInternet constituait un préjudice irréparable, notamment : Gold TV CF et GoldTV CAF; Bell Canada c 1326030 Ontario Inc, 2016 CF 612; Welsey (Mtlfreetv.com) c Bell Canada, 2017 CAF 55 aux para 3 à 5; et Bell Canada c Lackman, 2017 CF 634 au para 47.

[144]       Pour lensemble de ces motifs, les demanderesses font valoir quelles ont établi quelles subiront des pertes financières équivalant à un préjudice irréparable.

[145]       Les FAI tiers prétendent que la preuve des demanderesses est insuffisante, car elles ne sont pas parvenues à démontrer quun acte de piratage quelconque fait réellement en sorte que les demanderesses perdent des clients ou dautres revenus. Ils signalent que le droit place la barre très haute en ce qui concerne létablissement dun préjudice irréparable et prétendent que, en lespèce, les demanderesses ne lont pas atteint.

[146]       Les tierces parties intimées ne contestent pas que les matchs en direct de la LNH sont largement regardés au Canada ou que les demanderesses ont investi une somme dargent considérable pour faire lacquisition des droits et développer linfrastructure pour les diffuser. En outre, elles ne contestent pas que le piratage nest pas souhaitable. Plusieurs des tierces parties intimées attestent de leur collaboration à dautres efforts pour freiner la distribution de contenu illégal sur Internet, y compris grâce à leur participation au projet CleanFeed. Cependant, les tierces parties intimées signalent que ces propositions générales ne suffisent pas à établir l’existence d’un préjudice irréparable selon la norme requise par la jurisprudence contraignante.

[147]       En ce qui concerne lallégation voulant que le piratage des matchs en direct de la LNH cause une perte de revenus, les tierces parties intimées font valoir quaucune des demanderesses na présenté déléments de preuve indiquant que leurs revenus publicitaires, paiements dabonnements ou autres sources de revenus ont diminué en raison du piratage. Elles signalent quil nexiste aucune preuve que les publicités diffusées sur les stations de la demanderesse ne sont pas aussi diffusées sur les flux en direct illégaux. Par conséquent, il ny a aucune preuve que le public des annonceurs pour leurs messages publicitaires est réduit en raison du piratage et, par conséquent, il ny a aucun fondement permettant de conclure que les demanderesses perdent des revenus en raison de la diffusion en continu illégale.

[148]       En outre, les tierces parties intimées soutiennent que les demanderesses intimées ne sont pas parvenues à lier toute baisse dans leur base dabonnés au piratage des diffusions de la LNH en direct. La preuve présentée par les demanderesses est soit générique – liée au piratage en général ou au piratage en Amérique du Nord – soit elle est fondée sur des opinions exprimées par des témoins qui nont pas tété adéquatement qualifiés en tant quexperts. Les tierces parties intimées signalent quaucune des demanderesses na procédé à des sondages ou pris dautres mesures pour recueillir des éléments de preuve plus précis pour établir un lien entre le piratage et leurs pertes. En labsence dune telle preuve, elles soutiennent que les demanderesses ne sont pas parvenues à satisfaire à un élément essentiel du critère relatif à loctroi dune injonction interlocutoire mandatoire.

b)                  Nécessité

[149]       Ce facteur énoncé dans laffaire Cartier est axé sur la question de savoir si une injonction interlocutoire mandatoire est nécessaire afin de protéger les droits des demanderesses. Comme il est résumé dans l’arrêt GoldTV CAF (au para 74) : « La réparation na pas à être indispensable, mais la cour peut déterminer sil existe dautres mesures moins onéreuses. »

[150]       Les demanderesses font valoir que lordonnance est nécessaire, car cest [TRADUCTION]°« le seul recours efficace et pratique qui soffre à elles pour mettre un terme à la violation répandue sur Internet de leur droit exclusif au Canada à légard des matchs de la LNH en direct quelles ont acquis au coût de milliards de dollars » (mémoire des demanderesses, au para 174). Elles sappuient sur la preuve établissant la nature et la portée du piratage ainsi que sur le fait que la grande majorité des pirates prennent des mesures pour dissimuler leur identité et mener leurs affaires à lextérieur du Canada. En outre, elles font valoir quétant donné la rapidité à laquelle les pirates modifient les adresses IP associées à la diffusion en continu illégale, il serait peu réaliste de prendre des mesures pour les arrêter en intentant des actions pour viol du droit dauteur.

[151]       Les demanderesses soulignent que dans larrêt GoldTV CAF, au para 42, la nécessité dentreprendre un processus aussi fastidieux a expressément été rejetée :

Lorsque, dans une action intentée contre un défendeur anonyme, le tribunal peut être convaincu que ce défendeur est et demeurera anonyme et quil ne tiendra aucun compte de linjonction prononcée contre lui, il serait inutile et injuste dexiger que le demandeur franchisse certaines épreuves pour la forme et patiente un certain temps pour confirmer ce quil sait, et ce que le tribunal reconnaît déjà, avant de demander une injonction à lencontre dun tiers.

[152]       De plus, les demanderesses signalent les efforts quelles et dautres ont faits pour contrer le piratage des diffusions de la LNH en direct.

[153]       La preuve montre que, depuis 2019, la LNH a travaillé en collaboration avec une société pour envoyer environ 46400 avis de retrait relatifs à des atteintes au droit dauteur. Pour la saison de la LNH 20202021, plus de 26300 avis de retrait ont été envoyés, desquels seulement environ 11 % ont mené au retrait rapide du contenu portant atteinte au droit dauteur.

[154]       Rogers a également demandé à FMTS denvoyer des avis de retrait et, au cours du mois de mai 2021, elle a envoyé 221 avis à des fournisseurs hébergeurs, y compris ceux hébergeant les serveurs de diffusion en continu non autorisée de Jean Untel no 2 et certains des serveurs de Jean Untel no 1. À la date de la présente audience, FMTS na reçu aucune réponse à ces avis.

[155]       La preuve montre que les demanderesses travaillent aussi en collaboration avec un tiers afin de surveiller des services publicitaires et des plateformes de médias sociaux classifiés pour identifier les personnes ou les entités annonçant des services dabonnement, et des milliers de demandes de retrait ont été délivrées relativement à de telles publicités et publications. Elles surveillent aussi des sites Web qui vendent des services non autorisés par lintermédiaire dun service de traitement de paiements tels que Paypal, Visa et MasterCard. Enfin, Rogers a relevé et signalé des flux non autorisés de matchs de la LNH en direct accessibles sur des sites de médias sociaux tels que YouTube, Facebook et Twitter, ainsi que des liens vers de tels flux publiés sur des sites dagrégation tels que Reddit. Des centaines de flux non autorisés ont été signalés à ces sites Web, avec des répercussions limitées.

[156]       Les demanderesses soutiennent que, bien quil soit difficile de quantifier lefficacité de ces mesures, la preuve dont la Cour est saisie montre que, malgré tous les efforts dapplication de la loi, les serveurs de diffusion en continu non autorisés fournissant accès à des flux de grande qualité de matchs de la LNH en direct demeurent répandus et facilement accessibles aux téléspectateurs canadiens. En outre, les demanderesses allèguent que les autres mesures proposées par les tierces parties intimées sont spéculatives et non éprouvées.

[157]       Pour lensemble de ces motifs, les demanderesses affirment que lordonnance est nécessaire.

[158]       Les tierces parties intimées avancent deux arguments sur ce point. Dans un premier temps, elles remettent en question lallégation des demanderesses selon laquelle lordonnance est nécessaire, car leurs efforts dapplication de la loi antérieurs nont pas réussi à empêcher le piratage de leur contenu protégé par le droit dauteur. Ils signalent les données présentées par le témoin des demanderesses, M. Demetriades, qui montre une diminution générale dans le nombre dadresses IP distinctes liées à des services de diffusion en continu non autorisés pendant la surveillance effectuée par FMTS. Les tierces parties intimées allèguent que cette preuve montre que les efforts des demanderesses avaient un effet et, par conséquent, que lordonnance sans précédent quelles sollicitent aujourdhui nest pas justifiée.

[159]       Relativement à cette question, les FAI tiers affirment que les demanderesses nont procédé à aucune évaluation ou enquête quant à la sécurité de leurs plateformes de diffusion pour déterminer la façon dont les pirates ont acquis leurs flux. Cependant, la propre preuve des demanderesses montre quau moins une partie des enregistrements piratés est obtenue à partir des services dabonnement légitimes des demanderesses. Cela donne à penser que les demanderesses auraient pu et auraient dû prendre des mesures pour empêcher le piratage par lintermédiaire de la gestion des droits numériques (GDN), notamment par lintermédiaire dune technique particulière (la « stéganographie ») qui aurait pu aider les demanderesses dans la détermination des sources dorigine du contenu non autorisé. En labsence dune telle preuve, les FAI tiers contestent que les demanderesses nont pas réussi à démontrer que lordonnance est nécessaire.

[160]       Dans lensemble, les FAI tiers font valoir que les demanderesses nont pas démontré de manière efficace quelles ont tout mis en œuvre pour empêcher le piratage des matchs de la LNH, que ce soit en déployant de plus grands efforts dapplication de la loi à laide dautres recours juridiques, ou en mettant en œuvre des mesures de GDN pour empêcher laccès non autorisé ou à tout le moins pour en identifier la source.

[161]       La CIPPIC na formulé aucune observation précise sur ce point, mais il vaut la peine de souligner un argument particulier. La CIPPIC soutient quà la lumière du contexte législatif, de la nature de la preuve des demanderesses et des intérêts en cause, la preuve à légard des droits de chacune des demanderesses doit être solide.

c)                  Discussion

[162]       Les demanderesses ont établi l’existence d’un préjudice irréparable. La preuve des demanderesses montre une diffusion en continu illégale continue et importante des diffusions de la LNH en direct à légard desquelles elles sont titulaires dun droit dauteur. Même sil y a une certaine indication que leurs différents efforts antérieurs en matière dapplication de la loi peuvent avoir réduit cette activité dans une certaine mesure, il ny a aucun fondement pour conclure quun effort accru en vue de faire respecter leurs droits grâce à un plus grand nombre de moyens traditionnels est susceptible davoir des répercussions importantes sur lampleur et la portée de la diffusion en continu illégale. En fait, la preuve générale présentée tend à démontrer que le piratage est un problème croissant.

[163]       Notre Cour a entendu un grand nombre des affaires portant sur les efforts antérieurs des demanderesses de mettre en application leur droit dauteur. Cela comprend les injonctions interlocutoires à lencontre de différentes parties et, dans certains cas, les procédures se sont intensifiées pour prendre la forme de requêtes pour que les parties soient reconnues coupables doutrage au tribunal en raison de leur nonrespect délibéré et répété des ordonnances de la Cour (voir : Warner Bros Entertainment Inc. c White (Beast IPTV), 2021 CF 53, confirmée dans White (Beast IPTV) c Warner Bros, 2022 CAF 34, et dans Warner Bros Entertainment Inc. c White (Beast IPTV), 2021 CF 989). En outre, la preuve relative au respect des avis envoyés en vertu de la Loi sur le droit dauteur indique que, bien que certaines sociétés sy conforment, dautres les ignorent. En lespèce, la preuve montre quune partie des sites ciblés informent leurs clients soit quils ignoreront de tels avis ou quils ne sattendent pas à ce que des mesures soient prises après les avoir communiqués à labonné.

[164]       Dans les circonstances de la présente affaire, le dommage découlant de la diffusion en continu non autorisée est principalement de nature financière et, habituellement, de tels dommages ne peuvent équivaloir à un préjudice irréparable, car ils sont recouvrables après le procès. Cependant, en lespèce, comme dans l’affaire GoldTV CF, le préjudice causé aux demanderesses survient « dans le contexte dun dossier solide prima facie de violation continue du droit dauteur des demanderesses par des défendeurs inconnus » (para 66). La Cour dappel a statué quil sagissait dun motif « tout à fait approprié » pour conclure à un préjudice irréparable (para 71).

[165]       La preuve montre effectivement avec précision le nombre dabonnés que les demanderesses ont perdus, ou les nouveaux clients quelles nont pas été en mesure dattirer, découlant directement de la diffusion en continu illégale. Cependant il est raisonnable de déduire de la preuve que cela fait partie des raisons pour lesquelles les gens soit choisissent de mettre fin à leur abonnement ou de ne pas sabonner en premier lieu. La preuve montre que le piratage dun droit dauteur porte atteinte au système de radiodiffusion canadien et que des préjudices similaires ont été reconnus dans dautres territoires de compétence.

[166]       Je conviens avec les demanderesses que les autres mesures proposées par les tierces parties intimées sont, daprès le dossier dont je suis saisi, conjecturales et non éprouvées. Même si toutes les parties devraient se pencher sur la question de la GDN, incluant la stéganographie, en ce qui a trait aux demandes futures dune nature similaire ou dune demande en vue de proroger lordonnance en lespèce, la preuve dont je suis saisi nétaye pas une conclusion voulant que de telles mesures constituent une solution de rechange viable. Plus particulièrement, la preuve ne suffit pas à montrer que la mise en œuvre est une option réaliste pour les demanderesses, pas plus quelle démontre que cette technique est un mécanisme efficace qui, en pratique, permettrait aux demanderesses didentifier la source des flux illégaux. Enfin, même si une telle identification est possible, on ne sait pas de quelle façon cela permettrait de mettre fin efficacement au piratage.

[167]       Enfin, daprès le dossier dont je suis saisi, il est impossible de conclure que lune des solutions de rechange proposées par les tierces parties intimées constituerait un moyen dempêcher le piratage.

[168]       Pour ces motifs, je suis convaincu que les demanderesses ont établi lexistence dun préjudice irréparable et que lordonnance est nécessaire pour mettre un terme ou, à tout le moins, pour réduire la diffusion en continu illégale de matchs de la LNH en direct à légard desquels elles sont titulaires dun droit dauteur.

(3)               Prépondérance des inconvénients

[169]       À la troisième étape, « il faut apprécier la prépondérance des inconvénients, afin détablir quelle partie subirait le plus grand préjudice en attendant quune décision soit rendue sur le fond, selon que la demande dinjonction est accueillie ou rejetée » (SRC, au para 12). On utilise souvent lexpression « prépondérance des inconvénients » (RJR – MacDonald, à la p 342). À ce stade de lanalyse, des considérations plus grandes en matière dintérêt public sont soulevées – et, comme il deviendra plus clair ciaprès, je suis davis que ces considérations sont importantes en lespèce.

[170]       Comme dans laffaire GoldTV CF, il convient dorganiser cette partie de la discussion en référence aux facteurs énoncés dans laffaire Cartier (abstraction faite de la nécessité, dont il a déjà été question). Cest ainsi que les parties ont débattu laffaire, et les facteurs offrent un moyen utile daborder la preuve et les arguments. Ce faisant, toutefois, jajoute deux mises en garde. En premier lieu, jadopte les mots de mise en garde de la décision GoldTV CF :

[54] Les facteurs restants seront utiles pour évaluer la prépondérance des inconvénients et déterminer ce qui est juste et équitable en examinant les intérêts légitimes, mais opposés, des demanderesses, des tierces parties intimées et du grand public. Jestime que les facteurs susmentionnés ne sont pas exhaustifs et quaucun facteur nest déterminant relativement au volet de la prépondérance des inconvénients du critère. Chacun des facteurs sera examiné, mais ils seront présentés de manière globale dans mon évaluation de la prépondérance des inconvénients.

[171]       En deuxième lieu, chacun des facteurs sera examiné selon lordre approprié compte tenu des arguments des parties et des circonstances de la présente espèce, plutôt que de suivre simplement lordre que le tribunal dans laffaire Cartier a jugé utile à ses fins. Une partie importante de largument dans cette affaire tournait autour des questions connexes relatives à la complexité et au coût, ce facteur fera donc lobjet dune discussion en premier.

[172]       Comme je le montrerai ciaprès, une part importante des éléments de preuve et des arguments en lespèce portait sur les éléments en question en lespèce, une différence importante entre la présente espèce et la décision GoldTV CF, dans laquelle il a été reconnu que les tierces parties intimées avaient la capacité de mettre en œuvre lordonnance sans que cela leur impose un fardeau important (voir GoldTV CF, aux para 86 et 87).

[173]       Pour situer la discussion qui suit et pour mieux comprendre les préoccupations des tierces parties intimées, il sera utile de commencer par une description de lapproche proposée par les demanderesses à légard du blocage dynamique de sites.

a)                  Blocage dynamique de sites

[174]       Les demanderesses proposent de retenir les services de FMTS pour surveiller la distribution illégale des diffusions de matchs de la LNH en direct protégées par le droit dauteur, en mettant laccent sur les adresses IP des serveurs de diffusion en continu par lintermédiaire desquels les défendeurs non désignés nommément distribuent ce contenu.

[175]       En ayant recours aux méthodes exclusives décrites dans les affidavits de MM. Demetriades et Friend, FMTS assurerait une surveillance pendant un intervalle de temps commençant avant la diffusion dun match de la LNH en direct et se poursuivant jusquà la fin du match : cest ce que lon a décrit comme la « fenêtre de match de la LNH en direct ». FMTS identifierait les flux en direct montrant les versions non autorisées des enregistrements protégés par le droit dauteur autorisés par les demanderesses, ciaprès les « enregistrements de matchs de la LNH », par lintermédiaire de sa technologie exclusive, qui sert à associer une partie du flux non autorisé à la partie correspondante dune diffusion autorisée. Une fois cette association faite, FMTS relèverait les adresses IP pertinentes associées à la distribution non autorisée, une fois de plus en ayant recours à lexpertise quelle a acquise en exécutant une surveillance similaire en vertu dordonnances de blocage de sites accordées au RoyaumeUni et ailleurs. ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[176]       Afin déviter le « surblocage » (c.àd. empêcher laccès au contenu légitime), FMTS propose un certain nombre de mesures, incluant :

  1. limiter la période pendant laquelle le blocage dynamique dadresses IP est actif;
  2. vérifier que lautre contenu disponible dans linfrastructure de diffusion en continu pirate pertinente consiste également en du contenu non autorisé;
  3. vérifier quil ny a aucun élément de preuve dune activité légitime importante quelconque;
  4. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |  |||||| | | | | ||||||||||
  5. signaler au fournisseur hébergeur chaque fois que lun ou plusieurs de ses serveurs sont bloqués de façon à ce quil en soit informé et quil puisse en informer ses clients.

[177]       Les demanderesses affirment que ces mesures feraient en sorte quun « sousblocage » (c.àd., le blocage dune partie, mais pas de la totalité du contenu portant atteinte au droit dauteur) serait plus susceptible de survenir quun surblocage, ce qui protégerait les intérêts des tierces parties intimées et du public en veillant à ce que laccès au contenu légitime ne soit pas bloqué.

[178]       Une fois ces conditions satisfaites, FMTS relèverait un certain nombre dadresses IP à bloquer pour empêcher la diffusion en continu non autorisée de chaque match de la LNH en direct. Cette liste serait stockée sur un serveur sécurisé auquel peuvent accéder les FAI. La liste serait mise à jour régulièrement et, à leur tour, on attendrait des FAI quelles mettent à jour les adresses IP à bloquer au moins toutes les heures pendant la fenêtre de match en direct de la LNH. Cette mise à jour pourrait être effectuée manuellement ou par la programmation de leurs systèmes afin dautomatiser le processus. Dune façon ou dune autre, cela comprendrait lobtention de la liste auprès dun serveur sécurisé et de la transmettre aux routeurs de cœur pendant la fenêtre de match en direct de la LNH.

[179]       Les tables de routage dans les routeurs de cœur des FAI seraient programmées afin dacheminer les requêtes daccès aux adresses IP inscrites dans la liste des abonnés vers un trou noir. Il sagit en fin de compte de la façon dont le blocage se déroulerait; le routeur serait programmé de façon à ne pas envoyer la requête à sa destination prévue. La requête serait acheminée nulle part, empêchant ainsi le client daccéder au flux non autorisé.

[180]       À la fin de la fenêtre du match de la LNH en direct, chaque FAI serait tenu de reconfigurer ses routeurs de cœur pour mettre un terme au blocage des adresses IP inscrites sur la liste.

[181]       Le processus serait ensuite répété lorsque la fenêtre de match en direct de la LNH aurait commencé, et ainsi de suite. Cest ce en quoi consiste essentiellement le blocage dynamique de sites que proposent les demanderesses.

[182]       Dans ce contexte, nous nous penchons sur lanalyse de la prépondérance des inconvénients.

b)                  Les facteurs énoncés dans laffaire Cartier

(i)                 Complexité et coût

[183]       Ce facteur tient compte de la complexité et du coût de la mise en œuvre du projet dordonnance de blocage dynamique. Une partie considérable de la preuve et de largument en lespèce porte sur ce point, y compris la question de savoir si les tierces parties intimées pourraient réellement mettre en œuvre le type de blocage dynamique de sites demandé par les demanderesses, le coût et la difficulté quelles devraient assumer pour ce faire et les risques auxquels elles sexposeraient. Liée à cela est la question de savoir qui paie, ce dont il est question ciaprès, sous le titre « Coûts de mise en œuvre ».

[184]       En vertu de cet élément, laccent porte sur le fardeau imposé aux tierces parties intimées si elles sont tenues de mettre en œuvre une ordonnance de blocage dynamique de sites. La raison est évidente et le point a été exprimé en ces termes dans laffaire Cartier, au paragraphe 120 (citant Scarlet Extended SA Societe Belge des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs Scrl (SABM), [2011] ECR I —11959 au para 48, citant à son tour la Directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur lapplication des droits de propriété intellectuelle (JO L 157, 30.4.2004) [directive de lUE]) :

[U]ne telle injonction entraînerait une atteinte caractérisée à la liberté dentreprise du FAI concerné puisquelle lobligerait à mettre en place un système informatique complexe, coûteux, permanent et à ses seuls frais, ce qui serait dailleurs contraire aux conditions prévues à larticle 3, paragraphe 1, de la [directive de lUE], qui exige que les mesures pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle ne soient pas inutilement complexes ou coûteuses.

[185]       Même si, dans laffaire Cartier, ce facteur était fondé sur larticle 3(1) de la directive de lUE – qui na aucune application au Canada – la justification sousjacente pour le facteur a été jugée pertinent dans ce pays (voir la décision GoldTV CF, aux para 48 à 50).

[186]       Les tierces parties intimées font valoir quon leur demande dassumer des obligations coûteuses supplémentaires qui bénéficieront à leurs concurrents et qui pourraient avoir une incidence négative sur la qualité et la fiabilité du service quelles offrent à leurs propres clients. Selon Cogeco, [TRADUCTION« [c]ela serait assimilable à être forcé de devenir associés en affaires avec les demanderesses » (mémoire de Cogeco, au para 57). De manière similaire, Telus a affirmé que, bien quelle sympathisait avec lobjectif déliminer le piratage, elle était en désaccord avec la proposition voulant que les demanderesses [TRADUCTION« aient droit à une ordonnance du tribunal qui impose des obligations, des fardeaux et des coûts à [Telus] en tant que concurrent, dans le seul but de renforcer la capacité de leurs divisions médias de faire plus dargent au moment doctroyer des licences à légard de leur contenu aux fins de distribution autorisée » (affidavit de Nazim Benhadid, au para 24).

[187]       Les tierces parties intimées sopposent aux déclarations générales formulées par les représentants des demanderesses selon lesquelles chaque FAI peut mettre en œuvre lordonnance, en faisant observer quaucune de ces personnes na de connaissances ou dexpérience concernant leur infrastructure réseau particulière. Je partage cette préoccupation et ce point général na pas fait lobjet dune contestation sérieuse de la part des demanderesses.

[188]       La preuve des tierces parties intimées montre que leurs situations concernant leur infrastructure réseau, leur organisation interne ainsi que leurs plans de mise à niveau de leurs réseaux sont propres à chacune. Par conséquent, elles font valoir quil nest pas approprié dimposer une ordonnance générale qui leur imposerait à chacune des obligations identiques, et soulignent quelles ne seraient pas dans une situation leur permettant de se conformer à une ordonnance quelconque sans consacrer du temps, de lénergie et des ressources (humaines et financières) à la tâche.

[189]       Malgré les situations uniques de chacun des FAI tiers, leurs préoccupations sont similaires, et se rapportent à la fois à la nature et à la portée du blocage demandé ainsi quaux répercussions que cela aurait sur leurs réseaux et, en fin de compte sur leurs clients. Il y a plusieurs raisons à ces préoccupations.

[190]       Premièrement, il nest pas possible de déterminer le nombre dadresses IP qui devront être bloquées à lavance, car lordonnance est sans précédent, il ny a donc aucune expérience canadienne pertinente, et la portée des mesures prises en vertu des ordonnances de blocage dynamique ailleurs demeure confidentielle. Signalons que, pendant la saison régulière, il y a de cinq à dix matchs de la LNH diffusés chaque soir et le fardeau anticipé davoir à bloquer la diffusion en continu non autorisée de chaque match, de mettre à jour les adresses IP à bloquer pendant chaque match, puis de débloquer ces sites à la fin de chaque match semble titanesque.

[191]       Ensuite, les tierces parties intimées nont pas la capacité de vérifier que les sites à bloquer transmettent uniquement du contenu non autorisé et aucun contenu légitime, il existe donc un risque de bloquer par inadvertance du contenu bénin (surblocage).

[192]       Enfin, la nature, la portée et la vitesse des actions qui sont requises pour donner effet au blocage dynamique imposent des risques excessifs et injustifiés aux tierces parties intimées, qui, il convient de le répéter, ne sont accusées daucun acte répréhensible.

[193]       Pour les motifs énoncés ciaprès, je nestime pas nécessaire de parler longuement des renseignements commerciaux confidentiels déposés par les tierces parties intimées. Cela dit, je souhaite souligner que ce type délément de preuve peut constituer une considération importante dans toute affaire éventuelle portant sur des demandes visant à obtenir une ordonnance de blocage dynamique de sites et que, par conséquent, le fait que cette question ne soit pas abordée de manière détaillée en lespèce ne devrait pas être interprété comme une indication quelle nest pas pertinente. Au lieu de cela, il sagit simplement dune conséquence des circonstances actuelles et des limites à légard de lordonnance qui sera délivrée, comme je lexplique ciaprès.

[194]       La preuve et les arguments des tierces parties intimées portaient sur plusieurs aspects des coûts et de la complexité, en commençant par la question de savoir si elles peuvent – dun point de vue pratique – réellement mettre en œuvre lordonnance. Plusieurs de leurs témoins ont dit quelles navaient simplement pas la capacité de donner effet à lordonnance sollicitée. Il y a plusieurs raisons à cela. Certaines raisons concernent les limites de conception et pratiques de gestion actuelles quelles ont adoptées dans la gestion de leurs réseaux actuels. Dautres ont trait à la réalité du fait que le blocage dynamique de sites dun grand nombre dadresses IP de manière continue nécessite lutilisation dun système automatisé quaucune des tierces parties intimées nutilise à lheure actuelle. En outre, une préoccupation générale demeure les répercussions sur la stabilité, la fiabilité et la vitesse de leurs réseaux, et le potentiel de répercussions négatives sur leurs abonnés ainsi que la réputation de leurs sociétés.

[195]       Il convient de répéter que chacune des tierces parties intimées se trouve dans une situation légèrement différente. Par conséquent, je parlerai brièvement du type de preuve déposée.

[196]       Distributel exploite trois entités juridiques distinctes : Distributel, Navigata (formée en 2018 à la suite dune acquisition) et Primus (formée après avoir réalisé une acquisition en 2021). |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| les demanderesses ont précisé quelles sollicitaient uniquement une ordonnance qui obligerait Distributel à bloquer ses propres abonnés, pas ceux des autres sociétés acquises récemment.

[197]       |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||  |  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

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[198]       |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[199]       Cogeco |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| soulignait la planification scrupuleuse et la nature graduelle des modifications quelle apporte à son réseau, en raison de son engagement envers un service excellent et fiable. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| || |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Cogeco affirme que la mise en œuvre de lordonnance nécessiterait une démarche aussi prudente et graduelle.

[200]       ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| || ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[201]       |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[202]       Même si le témoin de Cogeco a présenté un affidavit long et détaillé, jestime quil a perdu de la crédibilité en contreinterrogatoire. Le témoin a fourni des réponses évasives ou incomplètes à de nombreuses questions, et il a refusé de reconnaître des points évidents, avant de concéder enfin plusieurs questions primordiales en ce qui a trait aux questions en litige en lespèce. Pour cette raison, jaccorderai un poids moindre au témoignage de ce témoin dans lévaluation générale de la question axée sur les coûts et la complexité.

[203]       |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[204]       Telus a signalé le fait que, bien quelle se livre dans une certaine mesure au blocage de sites pour se conformer à lordonnance prononcée dans la décision GoldTV CF, ou en raison de sa participation au projet Cleanfeed, |||||||||||||||||||| ||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||

[205]       Au fond, je dois en premier lieu déterminer si les tierces parties intimées peuvent, en fait, mettre en œuvre lordonnance. Dans laffirmative, cela soulève la question de savoir si lordonnance sollicitée leur imposerait un fardeau disproportionné.

[206]       Après avoir examiné amplement la preuve, je suis convaincu que les tierces parties intimées ont chacune la capacité de se livrer au type de blocage dynamique de sites demandé. Même si jaccepte que cela impose de nouvelles obligations à chaque FAI, de même que certains risques supplémentaires, je suis convaincu que les FAI possèdent la capacité technique de se livrer au blocage dynamique de sites et dadresses IP.

[207]       Comme il est indiqué cidessus, les demanderesses souhaitent obtenir une ordonnance qui exigerait que les FAI bloquent laccès aux serveurs de diffusion en continu non autorisés et à leur infrastructure connexe, recensés au moyen de leurs adresses IP respectives. Cela comprend plusieurs étapes de base : FMTS dresserait et tiendrait à jour une liste pour chaque fenêtre de matchs en direct de la LNH. Les FAI seraient ensuite tenus daccéder à cette liste et de configurer leurs routeurs de cœur de façon à ce que toutes les demandes daccès pour ces adresses IP soient acheminées vers un trou noir plutôt que vers leurs destinations prévues. La liste serait uniquement « active » pendant la fenêtre de matchs en direct de la LNH et serait mise à jour pendant chaque match. Les FAI seraient tenus de se livrer au blocage de différentes adresses IP pendant chaque fenêtre, puis de débloquer ces sites après chaque match. Ils auraient à répéter ce processus chaque fois quun match de la LNH serait diffusé, ce qui peut être plusieurs fois par jour et comprendre les diffusions simultanées de différents matchs. Cela pourrait être effectué manuellement ou par lautomatisation de leurs systèmes afin de télécharger automatiquement la liste des adresses IP à bloquer et de transmettre ensuite cette information dans leurs routeurs de cœur.

[208]       Je reviendrai dans des sections ultérieures sur les risques associés à lassemblage initial de la liste des adresses IP, ainsi que sur les contrôles et les mesures de protection qui devraient être mis en place pour atténuer ces risques. À ce stadeci, laccent porte sur le coût et la complexité imposés aux FAI par une telle ordonnance.

[209]       Je suis convaincu daprès la preuve dont je suis saisi que les réseaux de chacun des FAI possèdent des routeurs « de cœur » ou « de bordure de zone » qui représentent le point essentiel dans la chaîne par laquelle leurs clients peuvent avoir accès à du contenu sur Internet. Chacun des témoins convient que la fonction dun routeur est dacheminer le trafic – quil soit entrant ou sortant. Par conséquent, un routeur peut être programmé pour acheminer les requêtes entrantes ou sortantes vers leur destination prévue, ou les envoyer dans un trou noir, vers nulle part; tous les témoins sont daccord sur ce point. Certes, les FAI ont actuellement recours à cette technique pour leurs propres fins, principalement pour protéger lintégrité et la stabilité de leurs réseaux.

[210]       Par exemple, les tierces parties intimées protègent les abonnés individuels contre les attaques DDOS en se livrant au filtrage des trous noirs déclenché à distance et en surveillant continuellement leurs systèmes pour détecter de telles attaques et y répondre. La preuve montre que les FAI doivent parfois prendre de telles mesures plusieurs fois par jour. Plusieurs des tierces parties intimées le font grâce à une combinaison dinterventions automatisées et manuelles, et leur surveillance est continue.

[211]       Cependant, la preuve est également claire sur le fait que chaque tierce partie intimée est limitée quant à sa capacité de blocage, ces limites sont liées à la configuration de son réseau, aux limites des routeurs quelle utilise, ou les deux. Elles imposent des limites supplémentaires et des restrictions afin de réduire le risque derreur ainsi que de maintenir une certaine capacité de réserve pour être en mesure de répondre aux autres problèmes qui pourraient survenir, y compris les attaques DDOS. Jaccepte pleinement la preuve des tierces parties intimées selon laquelle leur infrastructure réseau ne peut pas bloquer un inconnu et (à ce stadeci) un nombre impossible à connaître dadresses IP. Les limites sont réelles.

[212]       Cependant, je naccepte pas que cela se traduise en une incapacité de la part de lune des tierces parties intimées de se livrer au blocage dynamique de sites à lintérieur des paramètres actuels de leur infrastructure réseau. Elles peuvent – et cest le cas actuellement – se livrer au blocage de sites par adresse IP et, par conséquent, en pratique, aucune dentre elles ne sera confrontée à une situation impossible en raison de lordonnance. Elles seront cependant confrontées à certains risques et il est important de les reconnaître et de chercher à les atténuer.

[213]       Les préoccupations exprimées par les tierces parties intimées relativement aux risques auxquels elles seraient confrontées en mettant en œuvre lordonnance sont principalement liées à la quantité et à la vitesse des mesures de blocage quelles devraient prendre. Ces préoccupations sont valides et doivent être prises en compte. Une considération importante est que lordonnance exigerait que les FAI modifient régulièrement la configuration des routeurs de cœur, et ce, à lintérieur de certaines contraintes de temps. La réalité est que, bien que les routeurs de cœur soient essentiels au blocage requis, ils sont tout aussi essentiels au fonctionnement des réseaux des FAI. Ces routeurs servent de principal point de jonction entre leurs clients et Internet en général, donc tout ce qui a une incidence sur leur capacité ou toute erreur ayant une incidence sur leur fonctionnement aura des répercussions importantes sur leurs clients. Il est pertinent de souligner que les FAI sont exploités dans un marché hautement compétitif, où les clients exigent un service de qualité, rapide et fiable et dans lequel ils peuvent faire affaire avec dautres fournisseurs sils deviennent insatisfaits.

[214]       Pour atténuer ces risques, les tierces parties intimées ont mis en œuvre un certain nombre de pratiques et de processus opérationnels internes, et il serait tout à fait approprié quelles suivent à tout le moins en partie quelquesunes de ceuxci pour prendre des mesures afin de mettre en œuvre lordonnance en lespèce.

[215]       M. Friend, un des témoins des demanderesses, affirme que du point de vue du routeur, le sens du trafic importe peu; le routeur peut soit ne pas envoyer les paquets entrants à leur destination prévue ou bloquer les requêtes sortantes. Même si cela est vrai du point de vue du routeur, jaccepte la preuve des tierces parties intimées selon lesquelles il existe une différence importante entre linterruption du service dun client pour les protéger et le système en général contre une attaque DDOS, comparativement au refus des requêtes sortantes dun grand nombre dabonnés. Comme |||||||| la expliqué, le risque de continuellement mettre à jour les tableaux de routeurs est quune erreur dans la saisie des adresses naffecte pas un seul abonné ou quelques adresses IP seulement. Si la mauvaise adresse IP est associée à un serveur de passerelle du réseau, leffet serait de démanteler toute une partie de leur réseau, ce qui aurait potentiellement des répercussions sur des milliers de clients.

[216]       Lordonnance qui doit être accordée doit tenir compte des risques et des difficultés ainsi que des limites relatives à la capacité pratique auxquels chacune des tierces parties intimées est confrontée.

[217]       Je suis cependant convaincu que, compte tenu  de la situation au moment de la délivrance de la présente ordonnance, la mise en œuvre de lordonnance nimpose ni complexité ni coûts excessifs à lune ou l’autre des tierces parties intimées. Plusieurs facteurs mamènent à cette conclusion.

[218]       En premier lieu, je peux prendre connaissance doffice du fait quau moment de la délivrance des présents motifs, les séries éliminatoires de la LNH sont en cours et que, par conséquent, le nombre de matchs diffusés chaque jour est considérablement réduit. Sur les 32 équipes qui jouent dans la ligue, seulement 16 se sont qualifiées pour les séries éliminatoires. Les séries éliminatoires de la LNH sont un tournoi éliminatoire de quatre rondes. Chaque ronde consiste en une série quatre de sept et, après chaque ronde, le nombre déquipes est réduit de moitié. Sur le plan pratique, cela réduira séquentiellement le fardeau sur chacun des FAI et le blocage prendra fin à lintérieur dun délai court et défini.

[219]       Deuxièmement, lordonnance à délivrer exigera que chaque FAI se livre au blocage uniquement selon létendue de sa capacité actuelle. Il y a plusieurs éléments importants en lespèce. En premier lieu, lensemble des parties conviennent que la demande de services Internet est en croissance constante; il existe des éléments de preuve selon lesquels certains des FAI prévoient une augmentation annuelle de 10 %. Compte tenu de cette information, chacun des FAI réalise régulièrement des investissements prévus importants pour accroître ou renforcer la capacité actuelle de son réseau, simplement pour être en mesure de continuer à servir ses clients. Lordonnance en cause en lespèce exigera que chaque FAI se livre au blocage selon sa capacité à ce moment. Donc, par exemple, si entre le moment de laudience et la publication de la décision, lun des FAI a acheté et installé un ou plusieurs nouveaux routeurs de cœur, et quil a ainsi accru sa capacité de se livrer au blocage, on attendra de lui quil bloque autant de sites que le lui permettra sa capacité nouvellement renforcée.

[220]       Troisièmement, les tierces parties intimées peuvent mettre en œuvre lordonnance au moyen de méthodes manuelles ou automatisées, selon leurs circonstances particulières. Même si elles estiment peutêtre quil est préférable de sappuyer sur un système automatisé, il ne sagit pas dune condition de conformité quun tel système soit mis en place.

[221]       Les coûts de mise en œuvre feront lobjet dune discussion ciaprès.

[222]       Enfin, il convient de souligner que les demanderesses sollicitent uniquement une ordonnance qui sappliquera jusquà la fin de la saison de la LNH actuelle. Étant donné que les séries éliminatoires sont déjà en cours, cela signifie que le fardeau sur les tierces parties intimées durera moins de deux mois, après quoi toutes les parties auront loccasion dexaminer les coûts et les avantages du blocage qui a été entrepris.

[223]       Pour lensemble de ces motifs, je ne suis pas convaincu que lordonnance imposera une complexité ou des coûts excessifs aux tierces parties intimées.

(ii)               Efficacité

[224]       Ce facteur comporte un examen de la question de savoir si la mesure de redressement sollicitée compliquera la contrefaçon et découragera les utilisateurs dInternet daccéder au service portant atteinte au droit dauteur. Il y a un certain niveau de chevauchement entre ce facteur, la dissuasion et la substitution, même si laccent de ceuxci porte sur les utilisateurs actuels ou éventuels des flux piratés.

[225]       Les demanderesses font valoir que lordonnance sera efficace selon la preuve concernant la façon dont survient la diffusion en continu illégale ainsi que selon lexpérience vécue avec ces types dordonnances dans dautres pays. Elles affirment que le blocage de laccès aux serveurs de diffusion est essentiel, car ils représentent la source de la communication de la diffusion non autorisée. Étant donné quun serveur de diffusion en continu peut héberger plusieurs plateformes de diffusion en continu non autorisées, le blocage de laccès à ce serveur désactivera toutes les diffusions continues qui sappuient sur cette plateforme.

[226]       Les demanderesses reconnaissent quelles ne peuvent pas présenter déléments de preuve empiriques quant à lefficacité du blocage dynamique de sites au Canada étant donné que la présente espèce est la première en son genre au Canada; toutefois, elles affirment que lefficacité des ordonnances pour contrer les effets du piratage du contenu sportif en direct a été reconnue dans dautres ressorts.

[227]       Les tierces parties intimées font valoir que les demanderesses ont omis détablir le bienfondé de leurs arguments sur ce point. Elles soulignent que les demanderesses auraient pu entreprendre des démarches avant dintenter le présent litige à des fins dessai et pour être en mesure détablir un rapport sur lefficacité de lordonnance sollicitée. Étant donné que les demanderesses fournissent plus de 70 % des services Internet aux clients résidentiels au Canada, ils auraient pu demander les approbations nécessaires pour être en mesure de se livrer à un essai quant aux répercussions du blocage dynamique de sites.

[228]       En outre, les tierces parties intimées font valoir que le témoignage des témoins des demanderesses devrait être écarté, car ils sont des employés de FMTS, la société retenue par Rogers pour procéder à la surveillance et sur laquelle les demanderesses proposent de sappuyer pour mettre en œuvre lordonnance. Compte tenu de leur intérêt financier dans lissue de laffaire, ces témoins ne sont ni indépendants ni objectifs, et ils ne devraient pas être reconnus comme étant des experts. Compte tenu de cet élément, les tierces parties intimées soutiennent que les demanderesses ne sont pas parvenues à démontrer que lordonnance sollicitée sera efficace.

[229]       En ce qui a trait à ce dernier point, je conviens avec les tierces parties intimées que MM. Demetriades et Friend ne peuvent pas être acceptés à titre de témoins experts en raison de leur intérêt financier en lespèce et de labsence dune explication quant à la raison pour laquelle une autre preuve, plus objective nétait pas disponible (White Burgess Langille Inman c Abbott and Haliburton Co, 2015 CSC 23 aux para 45, 50). Cela dit, toutefois, jestime quune part importante du témoignage des deux témoins était de nature factuelle, fondée sur leur expérience relativement à des ordonnances de blocage similaires dans dautres pays, sur les services quils ont fournis aux titulaires du droit dauteur dans ces affaires et sur le travail quils ont fait pour le compte de Rogers en lespèce. Aucun de ces éléments de preuve na été contredit ou sérieusement remis en question en contreinterrogatoire, et je suis davis que cette preuve est fiable et convaincante. Comme je lexpliquerai ciaprès, je conclus également que la surveillance et létablissement de rapports par des experts indépendants et objectifs sont justifiés dans la présente affaire, partiellement en raison de la relation contractuelle continue entre FMTS et les demanderesses.

[230]       En ce qui concerne le fondement de la question, daprès la preuve au dossier, ainsi que de lexpérience dans dautres pays, je suis prêt à reconnaître que lordonnance sera efficace pour ce qui est de rendre plus difficiles les activités portant atteinte au droit dauteur et quelle aura pour effet de décourager les utilisateurs daccéder aux services portant atteinte au droit dauteur. Je fais remarquer que le juge Gleeson a tiré la même conclusion dans la décision GoldTV CF, et ce, pour des motifs essentiellement similaires (voir les para 75 et 81).

[231]       La preuve montre que presque |||| des cas de violation relevés par FMTS pendant sa surveillance de la diffusion en continu non autorisée des diffusions de Rogers seraient visés par lordonnance sollicitée. Il sagit dune indication que les cibles de lordonnance représentent une source importante des diffusions en continu non autorisées auxquelles on accède pour visionner des matchs de la LNH en direct et, par conséquent, on peut sattendre à ce que la coupure de ces services ait des répercussions importantes.

[232]       Cela est compatible avec les témoignages présentés par les témoins des demanderesses, qui ont parlé de leur expérience ailleurs ainsi que des efforts visant à mesurer lefficacité des ordonnances accordées par dautres tribunaux. Plus particulièrement, M. Demetriades a déclaré : [TRADUCTION]°« Daprès notre expérience, le [blocage dynamique de sites] sest révélé beaucoup plus efficace que toutes les méthodes antérieures de lutte contre le piratage en ce qui a trait à la capacité davoir une incidence marquée sur l’accessibilité aux matchs de la Premier League sur les services pirates de diffusion en continu » (affidavit Demetriades, au para 111).

[233]       Au RoyaumeUni, une série daffaires ont accepté une preuve concernant lefficacité de cette technique, en concluant que [TRADUCTION]°« lexpérience passée laisse entendre que le blocage entraîne une réduction importante dans le nombre dutilisateurs du R.U. qui accèdent à des sites Web bloqués » (The Football Association Premier League Ltd v British Telecommunications Plc, [2017] EWHC 480 [Premier League] au para 49; voir aussi : Union des Associations Européens de Football v Eircom Ltd TéA Eir & Ors, [2020] IEHC 488 au para 11, et les affaires qui y sont citées).

[234]       Cette conclusion est également renforcée par une étude récente menée par lOffice de lUnion européenne pour la propriété intellectuelle, qui a conclu que les tribunaux au R.U. et dans certains autres pays, ont conclu que de telles ordonnances sont efficaces pour ce qui est de réduire le trafic vers les sites de diffusion en continu non autorisés (OUEPI, Study on Dynamic Blocking Injunctions in the European Union (2021), à la p 59).

[235]       Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les demanderesses ont établi que lordonnance sollicitée sera efficace.

(iii)            Le caractère dissuasif et la substitution

[236]       Ces facteurs sont essentiellement explicites. Le caractère dissuasif tient compte de la question de savoir si dautres personnes qui naccèdent pas actuellement aux services portant atteinte au droit dauteur seront dissuadées de le faire. La substitution examine létendue selon laquelle les sites Web bloqués peuvent être remplacés ou substitués par de nouveaux sites ou dautres sites portant atteinte au droit dauteur. Comme les autres facteurs, ces éléments concernent la proportionnalité de lordonnance envisagée. Si elle ne permet pas de détourner les gens des services non autorisés ou si les sites bloqués peuvent être facilement remplacés par dautres flux illégaux, alors limposition à des FAI innocents du fardeau de la mettre en œuvre pourrait ne pas être justifiée.

[237]       Les demanderesses font valoir que lexpérience vécue ailleurs montre que lordonnance sera dissuasive, car le refus daccès à du contenu non autorisé [TRADUCTION« aidera à éduquer… les consommateurs que laccès à des flux portant atteinte au droit dauteur nest ni légal ni une façon fiable daccéder [au] contenu ». (Premier League, au para 53). Elles font valoir que, bien quil existe certaines mesures de contournement sur lesquelles les utilisateurs pourraient potentiellement sappuyer, de tels outils ont des coûts importants et il a été reconnu que lajout de coûts à la diffusion non autorisée puisse rapprocher le total des coûts assumés par  lutilisateur pour accéder à du contenu portant atteinte au droit dauteur des coûts dun abonnement légal. Dans laffaire Twentieth Century Fox Film Corp v British Telecommunications Plc, [2011] EWHC 1981, au paragraphe 196, on a conclu que [TRADUCTION]°« [p]lus la différence entre les coûts est petite, plus il est probable quun certain nombre dutilisateurs seront prêts à payer un peu plus pour obtenir du contenu auprès dun service légitime ».

[238]       Les demanderesses affirment que cela est particulièrement approprié dans le contexte du piratage des événements sportifs tels que les matchs de la LNH, qui offrent une meilleure expérience en direct. Les utilisateurs dont laccès au flux non autorisé est bloqué de façon répétée sont plus susceptibles denvisager de sabonner à un service autorisé plutôt que de payer pour des moyens supplémentaires leur permettant de continuer à avoir accès au contenu illégal. En outre, les demanderesses prétendent que le type dordonnance en cause a un effet dissuasif sur les exploitants de serveurs de diffusion en continu non autorisés. La raison est que leurs opérations seront perturbées de manière continue, au fur et à mesure que les listes seront mises à jour et que de nouvelles adresses IP seront relevées à des fins de blocage.

[239]       Les demanderesses font aussi valoir quelles peuvent cerner et bloquer la grande majorité des services de diffusion en continu non autorisée et, par conséquent, la substitution sera limitée. Même si elles ne parviennent pas à bloquer tous les flux non autorisés, les demanderesses affirment que des solutions de rechange permettant de miner lutilité de lordonnance ne seront pas facilement accessibles. Ils font valoir que, parce que la liste dadresses IP à bloquer serait mise à jour régulièrement, lordonnance sera aussi exhaustive que possible et, par conséquent, la capacité de substituer dautres flux non autorisés à ceux qui sont bloqués sera limitée.

[240]       Les tierces parties intimées nont pas abordé ce sujet de manière détaillée, autrement que pour souligner que leffet dissuasif de lordonnance serait renforcé par une exigence voulant que des avis soient envoyés aux clients individuels après le blocage de leur accès. Elles font remarquer que les modalités de lordonnance proposée par les demanderesses nexigent pas la délivrance de tels avis; elles soulignent également quaucune delle na actuellement la capacité de mettre en œuvre une telle pratique et que, ce faisant, elles devraient procéder à de nouveaux investissements dans un système dinspection approfondie des paquets (IAP), en plus dassumer les coûts de mise en œuvre connexe.

[241]       Je suis convaincu que lordonnance est susceptible davoir à tout le moins un effet dissuasif et quune substitution ne minera pas son efficacité. Comme on a conclu, ailleurs, dans des affaires similaires (précitées), et comme la conclu le juge Gleeson dans la décision GoldTV CF, au paragraphe 84, le blocage de laccès au contenu autorisé est susceptible davoir des répercussions sur les personnes touchées, et cellesci seront confrontées à des coûts et à un niveau de complexité supplémentaires en cherchant à éluder les effets dune ordonnance de blocage. Cela pourrait les dissuader de continuer et en persuader dautres qui pourraient être tentés que cela nen vaut pas la peine.

[242]       En outre, je suis davis quune substitution permettant de faire échec à lobjet de lordonnance ou à la rendre disproportionnée par rapport à leffort requis par les tierces parties intimées naura pas lieu facilement. La preuve montre que presque |||| des diffusions en continu non autorisées de matchs de la LNH en direct seraient visées par lordonnance et, par conséquent, une proportion importante de laccès actuel sera coupée. On ignore si ces téléspectateurs peuvent être en mesure de remplacer ce contenu simplement en accédant aux sites qui demeurent non bloqués; par exemple, il nest pas évident que ces sites peuvent gérer une augmentation importante du trafic, ou quils donnent accès à un flux dune qualité et dune fiabilité similaires à celles des flux bloqués. La substitution ne représente donc pas un obstacle à lordonnance.

[243]       Daprès la preuve dont je suis saisi, jadmets que, bien que les modalités de lordonnance à accorder donneront lieu à un certain niveau de sousblocage (de façon à éviter davoir une incidence sur le trafic bénin de personnes innocentes), le type dordonnance de blocage en lespèce aura néanmoins pour effet de limiter considérablement laccès à la diffusion en continu non autorisée de matchs de la LNH en direct. Cest tout ce qui est demandé au titre de cet élément du critère.

[244]       Pour ces motifs, je conclus que les demanderesses ont satisfait aux éléments caractère dissuasif et substitution des facteurs énoncés dans laffaire Cartier.

(iv)             Obstacles à lutilisation ou au commerce légitimes

[245]       Ce facteur porte sur lexamen de la question de savoir si la réparation créera des obstacles à lutilisation ou au commerce légitimes en nuisant indûment à la capacité des utilisateurs des services des FAI daccéder légalement à de linformation. Comme pour lélément coût et complexité, cet élément est également issu de la directive de lUE, qui dispose que les recours « doivent [...] être appliqués de manière à éviter la création dobstacles au commerce légitime » (para 3(2), cité dans Cartier, au para 123). En termes pratiques, cela exige que les mesures adoptées par le FAI soient strictement ciblées pour quelles naffectent pas les utilisateurs qui cherchent à accéder légalement à du contenu. Lobjet de ce facteur est dempêcher un surblocage.

[246]       En lespèce, ce facteur revêt une importance particulière, en raison de la nature de lordonnance sollicitée et de labsence dune surveillance judiciaire continue dans son application quotidienne.

[247]       Les demanderesses font valoir que cet élément est satisfait de deux façons : la durée limitée du blocage réduit le risque dincidence sur le contenu légitime, et des mesures de protection sont en place, ce qui donnera lieu à un sousblocage, de façon à veiller à ce quil ny ait aucune incidence sur les activités légitimes.

[248]       Contrairement à lordonnance de blocage de sites accordée dans la décision GoldTV CF (laquelle exigeait un blocage continu), les demanderesses font valoir que le fait que le blocage dynamique ne sera requis que pendant la fenêtre de matchs de la LNH en direct signifie que toutes les répercussions éventuelles sur le contenu légitime ne seraient que temporaires. De plus, les demanderesses signalent les mesures de protection qui seraient mises en place pour veiller à ce que toutes les adresses IP relevées à des fins de blocage ne soient pas associées aux activités légitimes importantes. Ces mesures de protection comprennent le fait dexiger que les demanderesses (ou FMTS) relèvent uniquement une adresse IP à des fins de blocage dans les situations suivantes :

  1. il ny a aucun motif raisonnable de croire que le serveur connexe est utilisé à une fin légitime importante autre que la diffusion vidéo en continu non autorisée ou la facilitation dune telle diffusion en continu;
  2. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[249]       Les demanderesses font valoir que ces mesures de protection, combinées à lexploitation des outils exclusifs de FMTS décrits dans la preuve confidentielle, servent à réduire au minimum le risque de surblocage. Selon elles, leffet pratique de cela est que, dans léventualité où le contenu légitime continue puisse sembler disponible dans linfrastructure de diffusion en continu qui distribue également des diffusions non autorisées de matchs de la LNH en direct, les adresses IP ne seraient pas relevées à des fins de blocage. Pour reprendre les mots des défenderesses, [TRADUCTION]°« les mesures de protection sont conçues de façon à toujours pencher du côté du sousblocage afin déviter le surblocage » (mémoire des demanderesses, au para 217).

[250]       Les tierces parties intimées expriment de graves préoccupations quant aux répercussions potentielles de lordonnance sur leurs clients ainsi quen ce qui concerne le risque pour la réputation auquel elles sexposeraient si elles étaient obligées de la mettre en œuvre. Il nest pas nécessaire de répéter la discussion sur les risques dune erreur dans la configuration des routeurs de cœur dun FAI (voir les para 197 à 200 cidessus). Les tierces parties intimées affirment que ce risque est amplifié, car elles nauront pas la capacité de vérifier de manière indépendante que la liste des adresses IP satisfait aux critères énoncés dans lordonnance. Au lieu de cela, elles sont tenues de placer leur foi envers lentrepreneur embauché et payé par leurs concurrents. Elles soulignent que FMTS semble essentiellement établie au R.U. et qu’il ny a aucune indication quelle possède une expertise quelconque en matière de droit canadien sur le droit dauteur.

[251]       Les tierces parties intimées opposent cela aux contrôles et aux limites inhérentes à lordonnance de blocage statique accordée dans la décision GoldTV CF, dans laquelle la liste est assujettie à lapprobation de la Cour en fonction dune preuve particulière. Elles ajoutent quen vertu du projet Cleanfeed, les renseignements concernant les domaines à bloquer proviennent de sources objectives, incluant la police, et non pas dun entrepreneur embauché par une partie au litige, une partie qui est aussi un concurrent commercial.

[252]       Enfin, les tierces parties intimées sopposent à lexigence selon laquelle il ne doit y avoir aucun contenu légitime substantiel dans le site figurant sur la liste; elles font valoir que le critère pourrait être plus strict et, si le site à une adresse IP comprend du contenu légitime, cette adresse ne devrait pas figurer dans la liste.

[253]       La CIPPIC exprime également de sérieuses préoccupations voulant que le risque de surblocage soit accru avec une ordonnance de blocage dynamique de sites. Elle souligne que FMTS aura recours à des techniques exclusives qui sappuient fortement sur des outils dévaluation automatisés afin de déterminer les sources de la diffusion en continu non autorisée ainsi que pour confirmer quelles nhébergent pas aussi un contenu légitime substantiel. Dans de nombreux cas, les adresses IP associées aux services de diffusion en continu inscrits sur la liste seraient relevées et inscrites sur la liste sans aucune possibilité dintervention unique. En outre, les clients ainsi que les sites touchés pourraient ne pas être au fait de la raison de linterruption et, ainsi, être moins susceptibles de porter plainte. La CIPPIC fait valoir que [TRADUCTION]°« les [n]ouveaux outils judiciaires et, notamment ceux exploités par des sociétés privées, nécessitent une vérification indépendante et un examen par les pairs » (mémoire de la CIPPIC, au para 37). Il ny a aucun élément de preuve indépendant quant à lexactitude ou à la fiabilité des outils de FMTS et, par conséquent, la CIPPIC fait valoir que les demanderesses devraient être tenues de présenter à la Cour un rapport concernant les répercussions de la mise en œuvre.

[254]       Même si je conviens que les tierces parties intimées ont des préoccupations importantes à propos des risques auxquels elles seront confrontées si lordonnance est accordée, il convient de souligner que tous les FAI seront exposés à un risque similaire. Cela comprend ceux qui sont liés aux demanderesses. À la lumière de la preuve portant sur la portée combinée de toutes les tierces parties intimées, il ne sagit pas dune situation où lordonnance donnera lieu à un avantage concurrentiel.

[255]       Dans la décision GoldTV CF, le juge Gleeson était convaincu que la condition relative aux « obstacles à lutilisation ou au commerce légitimes » était satisfaite pour les raisons suivantes :

  1. lordonnance était limitée à une liste précise de domaines et de sousdomaines;
  2. tout ajout à la liste pourrait uniquement être effectué au moyen dune ordonnance du tribunal fondée sur une preuve selon laquelle lobjet principal ou prédominant des domaines nouvellement ciblés était aussi la distribution non autorisée;
  3. lordonnance prévoyait que le blocage pouvait être levé si le critère relatif à « lobjet principal ou prédominant » nétait plus satisfait ou afin de traiter des préoccupations techniques ou en matière de sécurité.

Cumulativement, ces contrôles et limites ont réduit au minimum le risque de surblocage et ont habilité les tierces parties intimées à y répondre dans une telle éventualité.

[256]       Même si la décision GoldTV CF portait sur une ordonnance de blocage statique limitée à une liste noire préapprouvée de domaines et de sousdomaines, je conclus que les considérations sur lesquelles sest appuyé le juge Gleeson sappliquent également, dans une certaine mesure, en lespèce. En premier lieu, seules les adresses IP associées à |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| || ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. En deuxième lieu, tous les ajouts |||||||||||||||||||| doivent être approuvés par la Cour, fondée sur la preuve |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||. En troisième lieu, les tierces parties intimées seront en mesure de mettre fin au blocage si on soulève des préoccupations relativement à la sécurité de leur réseau ou au surblocage.

[257]       En mappuyant sur tous ces éléments, je suis convaincu que les modalités de lordonnance qui sera accordée comprendront des mesures suffisantes pour atténuer le risque de surblocage.

[258]       Je conviens avec la CIPPIC que la nature non testée des techniques utilisées par FMTS est un motif de préoccupation. Le fait dexiger une surveillance en temps réel et une validation de la mise en œuvre de lordonnance par un expert tiers indépendant, jumelé à une exigence relative à létablissement de rapports sur les résultats, contribuera à soulager les préoccupations et à offrir un fondement probant plus solide pour toute affaire future.

(v)               Équité

[259]       Ce facteur appelle examen de la question de savoir si la réparation constitue le juste équilibre entre les droits fondamentaux des parties, des tiers et du grand public. Il sagit dun élément clé dans lévaluation de la proportionnalité générale du recours et il revêt une importance particulière en lespèce.

[260]       Une fois de plus, cet élément tiré de laffaire Cartier est ancré dans le droit européen, comme il est expliqué au paragraphe 125 :

[traduction]

125. Cela a amené le juge à la question de la proportionnalité. Il a soutenu, correctement selon moi, que cela exige détablir un juste équilibre entre, dune part, les droits de propriété intellectuelle garantis par le paragraphe 17(2) de la [Charte des droits fondamentaux de lUnion européenne, 2012/C 326/02] et, dautre part, la liberté des FAI de faire des affaires en vertu de larticle 16 de la Charte et de la liberté dinformation des utilisateurs dInternet en vertu de larticle 11 de la Charte.

[261]       Dans la décision GoldTV CF, le juge Gleeson sest penché sur les questions de la neutralité du Net, de la liberté dexpression et des répercussions sur la concurrence en vertu de cette rubrique, et je ferai la même chose dans la présente affaire.

[262]       Les demanderesses font valoir que la mise en balance en vertu de ce facteur penche fortement en leur faveur. En premier lieu, leffet de lordonnance quelles demandent se limite à restreindre laccès au Canada aux serveurs (qui sont presque exclusivement situés à létranger) qui violent de manière flagrante leurs droits exclusifs à légard des matchs de la LNH en direct. En outre, lordonnance exigera uniquement le blocage pendant une période de temps limitée. Lordonnance ne porte pas atteinte aux droits des tierces parties intimées, ou ne singère pas autrement dans les services quelles offrent à leurs clients.

[263]       Ensuite, les demanderesses font valoir que la liberté dexpression ne protège pas la capacité de diffuser du contenu portant atteinte de manière flagrante au droit dauteur ou dy accéder et soulignent que notre Cour délivre régulièrement des injonctions interdisant la distribution de contenus portant atteinte au droit dauteur sans incidence négative sur les valeurs protégées par la garantie relative à la liberté dexpression figurant dans la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant lannexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c 11 (R.U.) [la Charte].

[264]       En troisième lieu, les demanderesses font valoir que les droits économiques des tierces parties intimées sont protégés par les modalités de lordonnance sollicitée, car les demanderesses assumeront les coûts marginaux associés à la mise en œuvre. Ils font valoir que lordonnance sollicitée nexige pas des tierces parties intimées quelles fassent lacquisition dune nouvelle technologie, car elles mettent déjà en œuvre un blocage manuel.

[265]       Enfin, les demanderesses affirment que lordonnance naurait aucune incidence sur la neutralité du Net, car elle nentrave pas le caractère de contenu neutre des tierces parties intimées, mais demande simplement quelles bloquent laccès au contenu qui porte clairement atteinte au droit dauteur, conformément à une ordonnance de la Cour. Elles affirment que la neutralité du Net ne sapplique pas au contenu illégal et, puisquil sagit de lunique objet de lordonnance sollicitée en lespèce, il ny a aucune ingérence relativement à ce principe.

[266]       Les tierces parties intimées contestent cette affirmation pour plusieurs motifs, parmi lesquels de nombreux ont déjà été abordés. Leurs oppositions à la demande dentreprendre des fardeaux opérationnels importants qui bénéficieront uniquement à leurs concurrents ont été établies plus tôt, il nest donc pas nécessaire de les répéter. De manière similaire, les tierces parties intimées ont exprimé des craintes légitimes à propos de limpact sur leur réputation de tout faux pas dans la mise en œuvre de lordonnance, en soulignant leur incapacité à informer les clients particuliers dont laccès est bloqué quant à la raison pour laquelle cela sest produit et que, par conséquent, dans léventualité où lon priverait par inadvertance les abonnés de leur accès à du contenu bénin, ces derniers jetteront le blâme sur leur fournisseur de services plutôt que sur les demanderesses.

[267]       Enfin, les tierces parties intimées ont toutes fait valoir quelles engageraient des coûts supplémentaires associés à la mise en œuvre de lordonnance, incluant des investissements dans de nouveaux routeurs ou dautres équipements, en plus des logiciels et des coûts supplémentaires associés aux heures que devront consacrer les membres de leur personnel pour mettre en œuvre lordonnance. Certaines de ces estimations sélevaient à des millions de dollars, alors que dautres étaient plus modestes, tenant compte de la capacité actuelle de leurs réseaux respectifs et des demandes anticipées associées à la mise en œuvre de ce type dordonnance pour les matchs de la LNH en direct.

[268]       La CIPPIC a fait valoir que lapplication du critère énoncé dans laffaire Cartier devait tenir compte de deux considérations centrales : la nature de la réparation demandée et le contexte juridique et politique canadien général. Sur le premier point, la CIPPIC a fait valoir ce qui suit :

[traduction]

Plusieurs facteurs contextuels exigent une application plus rigoureuse de ces facteurs dans le contexte de linjonction de blocage dynamique de sites demandée en linstance : la réparation demandée est de nature mandatoire plutôt que prohibitive, le recours vise des tierces parties innocentes et sa mise en œuvre exige lapport de modifications importantes aux services de ces tierces parties; la réparation est demandée essentiellement à titre ex parte; et la réparation est effectivement de nature définitive. (Mémoire de la CIPPIC, au para 10).

[269]       En outre, la CIPPIC a soutenu que le contexte réglementaire et constitutionnel est une considération importante de lordonnance et de ses modalités. Elle signale les trois éléments principaux du cadre politique général. En premier lieu, la Loi sur le droit dauteur prévoit une mesure injonctive, mais le paragraphe 34(1) prévoit que cette réparation demeure « sous réserve de [cette] Loi » et, par conséquent, léquilibre entre les droits des utilisateurs et les intérêts du titulaire du droit dauteur énoncé dans la Loi sur le droit dauteur est une considération pertinente.

[270]       Ensuite, la CIPPIC a fait valoir que les principes de la neutralité du Net et limportance dassurer les services de FAI rentables et concurrentiels au Canada prévus dans la Loi sur les télécommunications sont également des considérations pertinentes en ce qui concerne lévaluation de la question de savoir sil convient daccorder lordonnance sollicitée en lespèce et, le cas échéant, détablir ses modalités.

[271]       Finalement, la CIPPIC a affirmé que le blocage dynamique de sites Web pose un risque particulier de surblocage (pour les motifs exposés précédemment) et, ainsi, fait intervenir la liberté dexpression garantie par la Charte dans une mesure encore plus grande que le blocage de sites de manière plus générale.

[272]       Particulièrement important pour le facteur lié à léquité, la CIPPIC fait valoir que le recours demandé par les demandes en lespèce équivaut à imposer un régime [TRADUCTION]°« davis et de retrait » aux FAI, en soulignant que cela va à lencontre du choix délibéré du Parlement lorsquil a adopté la Loi sur la modernisation du droit dauteur, LC 2012, c 20. La CIPPIC signale larrêt Rogers Communications c Voltage Pictures LLC, 2018 CSC 38, dans lequel la Cour suprême du Canada renvoie au choix de Parlement de ne pas imposer un régime davis et de retrait au Canada :

[26] Par exemple, le Parlement a cherché à établir un équilibre entre les intérêts des titulaires de droits dauteur et ceux des abonnés à Internet, respectivement, en choisissant un régime davis et avis plutôt quun régime « davis et de retrait » (voir Débats de la Chambre des communes, p. 2109, lhon. James Moore). Le régime davis et de retrait qua établi aux États‑Unis la Digital Millennium Copyright Act (1998), 17 U.S.C. § 512, exige que les [TRADUCTION]°« fournisseurs de services » en ligne, à la réception dun avis de prétendue violation du droit dauteur, prennent des mesures rapidement en supprimant ou en bloquant laccès au contenu qui fait lobjet de la prétendue violation Bien que ce soit évidemment un régime préférable du point de vue des titulaires de droits dauteur, lexigence de « retirer » a fait lobjet de critiques puisquelle mine la présomption dinnocence et limite inutilement la liberté dexpression […] En revanche, le régime davis et avis permet que les avis de prétendue violation soient transmis (assurant ainsi le respect des droits des titulaires de droits dauteur), tout en tenant compte des intérêts des abonnés à Internet grâce au maintien de la présomption dinnocence et en leur permettant de surveiller leur propre comportement (et, plus précisément, déviter la violation continue du droit dauteur) [citations omises].

[273]       Dans la présente affaire, la CIPPIC affirme que les demanderesses cherchent à obtenir, en vertu de lordonnance, quun régime davis et de retrait aux tierces parties intimées soit imposé, car elles seront obligées de bloquer laccès au contenu immédiatement après avoir reçu lavis de violation, ce qui sera fait sans une supervision judiciaire continue. Cela se démarque du blocage statique de sites ordonné par laffaire GoldTV CF, qui obligeait uniquement le retrait de laccès à la suite dune détermination judiciaire selon laquelle il existe un fondement factuel et juridique solide pour tirer la conclusion quun site Web cible précis et énuméré porte atteinte au droit dauteur.

[274]       Même si la CIPPIC ne prétend pas que cela devrait priver automatiquement les demanderesses de la réparation demandée, elle fait tout de même valoir que le contrôle judiciaire minime concerné dans lordonnance en lespèce constitue une considération pertinente dans lévaluation des facteurs relatifs à la prépondérance des inconvénients et, dans léventualité où une ordonnance serait accordée, dans létablissement des modalités de celleci.

[275]       De plus, la CIPPIC fait valoir que la neutralité du Net – une considération politique expressément intégrée au paragraphe 27(2) et à larticle 36 de la Loi sur les télécommunications – est sousentendue dau moins deux façons précises. En premier lieu, elle affirme que pour obliger les FAI à [TRADUCTION]°« transformer leurs réseaux en développant une nouvelle capacité didentification et de retrait du contenu qui nexiste pas actuellement » équivaut à une étape importante qui déclenche le principe de la neutralité du Net. La CIPPIC soutient que ce principe sapplique également au contenu licite et illicite, en faisant observer que plusieurs décisions du CRTC sur cette question imposent des limites à la capacité des FAI de ralentir ou de bloquer le contenu illicite (mémoire de la CIPPIC, aux para 56, 57, citant la Politique réglementaire de télécom CRTC 2009657, le 21 octobre 2009, aux para 121, 122; Décision de télécom CRTC 2016479, le 9 décembre 2016).

[276]       Deuxièmement, elle souligne que même si larticle 36 de la Loi sur les télécommunications interdit effectivement aux FAI de bloquer laccès à du contenu particulier sur leurs réseaux sans lapprobation antérieure, leffet de lordonnance en lespèce serait requis pour bloquer un contenu qui a été sélectionné unilatéralement par les demanderesses ou leur représentant. Cela se démarque de laffaire GoldTV CF. De lavis de CIPPIC, lordonnance en lespèce fait intervenir les principes de neutralité du Net dune manière plus rigoureuse et ces principes devraient servir de facteur compensatoire en évaluant si la prépondérance des inconvénients penche en faveur de loctroi de la réparation demandée par les demanderesses.

[277]       En ce qui concerne la liberté dexpression, la CIPPIC fait valoir que la supervision judiciaire minime qui aura lieu par rapport au choix des services à bloquer et au fondement probatoire pour la sélection de ceuxci porte atteinte à la liberté dexpression et à la politique publique.  Elle souligne que le CRTC a récemment rejeté une proposition en vue de créer un organisme expert indépendant pour déterminer les sites Web portant atteinte au droit dauteur pour le blocage obligatoire par les FAI canadiens (Décision de télécom CRTC 2018384, le 2 octobre 2018). En outre, un comité parlementaire examinant la Loi sur le droit dauteur a rejeté de manière similaire ladoption dun régime administratif accéléré semblable au modèle proposé au CRTC. Le comité a plutôt recommandé que les tribunaux demeurent en contrôle des décisions à savoir si une utilisation donnée constitue une violation du droit dauteur et, le cas échéant, de prononcer des ordonnances pour réparer le manquement (Examen prévu par la loi de la Loi sur le droit dauteur, rapport du Comité permanent de lindustrie, des sciences et de la technologie, Chambre des communes, 42e législature, 1re session, à la p 18, aux para 93 à 97).

[278]       Enfin, la CIPPIC fait valoir que les répercussions de toute ordonnance sur labordabilité et la concurrence sont une considération pertinente dans lévaluation de la prépondérance des inconvénients dans le contexte canadien, compte tenu des modalités de la Loi sur les télécommunications.  Entre autres considérations, la CIPPIC observe que le fardeau relatif associé à la mise en œuvre de lordonnance touchera plus durement les plus petits FAI comparativement aux FAI liés plus importants. La CIPPIC prétend que cela est pertinent, car la prépondérance des inconvénients doit être évaluée par rapport à chaque tierce partie intimée distincte.

[279]       Même si je suis daccord avec de nombreux arguments présentés par la CIPPIC sur ce point, après avoir examiné lensemble des arguments et des éléments de preuve, et à la lumière de lordonnance précise qui sera accordée, je suis convaincu que la prépondérance des inconvénients penche en la faveur des demanderesses.

[280]       Il est important de commencer en rappelant que jai déjà relevé une très solide preuve prima facie selon laquelle les défendeurs inconnus se livrent à une violation flagrante et continue du droit dauteur des demanderesses à légard des diffusions de la LNH en direct. Jai également conclu que ces défendeurs ont organisé leurs affaires dune façon qui fait en sorte quil est pratiquement impossible pour les demanderesses de se prévaloir des recours traditionnels en matière de violation du droit dauteur pour mettre fin à la diffusion en continu illégale. Ce point nest pas sérieusement contesté.

[281]       Jai aussi déjà conclu que le projet dordonnance serait efficace pour ce qui est de réduire la diffusion en continu illégale de matchs de la LNH en direct, que les modalités peuvent être établies de façon à ne pas imposer un fardeau excessif aux tierces parties intimées et que les risques de surblocage peuvent être atténués.

[282]       Leffet combiné de ces déterminations penche en faveur des demanderesses.

[283]       Je fais une pause pour souligner que je partage lavis des tierces parties intimées voulant que, si elles étaient tenues de réaliser des investissements importants pour mettre en œuvre lordonnance et si les demanderesses nétaient pas tenues de les indemniser pour ces coûts, le facteur relatif à la prépondérance des inconvénients penche davantage en faveur des FAI, même si lissue semblerait incertaine. Comme je lexplique ciaprès, à la lumière des circonstances en lespèce, les modalités de lordonnance répondent à ces préoccupations.

[284]       En ce qui concerne les arguments de la CIPPIC, je conviens quun grand nombre des considérations quelle met en évidence sont pertinentes et importantes pour évaluer de quel côté penche la prépondérance des inconvénients et, ultimement, pour évaluer les équités générales de lespèce.

[285]       Même si les dispositions de la Loi sur le droit dauteur ne prévoient pas la compétence de la Cour pour ce qui est dordonner la réparation demandée, je suis convaincu que la prépondérance des droits et des intérêts établie dans cette loi représente une considération pertinente dans lexercice de mon pouvoir discrétionnaire daccorder ou non la réparation et den établir les modalités. Il en va de même en ce qui concerne les dispositions de la Loi sur les télécommunications, notamment la neutralité du Net et limportance de la concurrence dans le marché.

[286]       Pour être clair, rien nempêche la Cour dexercer son pouvoir discrétionnaire en vertu de ces lois; en revanche, elles aident à établir le contexte dans lequel la Cour déterminera sil convient daccorder la réparation équitable demandée ainsi que les modalités de celleci. Cela est compatible avec la conclusion tirée dans larrêt GoldTV CAF, en plus de savérer particulièrement opportun en lespèce compte tenu de la nature sans précédent de la réparation demandée ainsi que des droits et des intérêts concernés.

[287]       En outre, lincidence de toute ordonnance sur la liberté dexpression est un facteur important. Cependant, son importance est limitée relativement à lissue en lespèce, compte tenu des contraintes dans lordonnance à accorder et du fait que lactivité vise la diffusion en continu illégale de diffusions quon a jugée constituer une forte preuve prima facie datteinte au droit dauteur. Les préoccupations exprimées par la CIPPIC concernant le manque de supervision judiciaire continue sont valides, mais seront traitées par dautres moyens, comme je lexplique ciaprès.

[288]       Compte tenu des répercussions de lordonnance qui sera accordée à légard des intérêts et des tierces parties intimées, ainsi que de ses répercussions sur les droits et les intérêts des téléspectateurs au Canada, je suis convaincu que ce facteur ne constitue pas un fondement pour rejeter lordonnance sollicitée. Les droits et les intérêts de toutes les personnes concernées peuvent, dans les circonstances très particulières dont la Cour est désormais saisie, être mis en balance et protégés dune façon qui satisfait aux exigences de lapplication du droit dauteur, sans nuire excessivement aux opérations ou aux intérêts des FAI, ou entraver de manière importante les intérêts en matière de liberté dexpression des téléspectateurs touchés.

[289]       Certaines de ces considérations ont été abordées précédemment. Il nest pas nécessaire de les répéter ici, jajouterai donc uniquement quelques points afin de traiter les éléments restants.

[290]       Concernant la question de la neutralité du Net, je ne suis pas convaincu par laffirmation des demanderesses voulant que lordonnance nait aucune incidence sur ce principe. Toute exigence selon laquelle les FAI doivent interrompre ou entraver consciemment laccès dun abonné à leurs services prima facie soustend le principe de la neutralité du Net, lequel signifie généralement « que tout le trafic sur Internet devrait être traité également par les [FAI]. Autrement dit, il ne devrait y avoir aucune manipulation, préférence ou discrimination, que ce soit par des moyens techniques ou économiques. » (Politique réglementaire de télécom CRTC 2017104, au para 10). Le fait que le contenu soit soidisant illégal nempêche pas le principe dêtre touché, cependant, il nest pas non plus totalement hors de propos que le contenu à bloquer ait été jugé comme une violation flagrante et continue du droit dauteur des demanderesses à légard des diffusions de la LNH en direct.

[291]       Chaque situation devrait être évaluée en fonction de son bienfondé et, en lespèce, je suis convaincu que la neutralité du Net ne devrait pas empêcher le blocage limité qui sera requis par lordonnance en lespèce. Jestime que les mesures de protection mises en place par lordonnance, y compris les exigences particulières imposées aux demanderesses concernant la sélection des services à identifier à des fins de blocage et létendue selon laquelle cela donnera lieu à un sousblocage plutôt quà un surblocage, protégeront suffisamment la neutralité du Net.

[292]       En outre, je ne suis pas non plus convaincu par largument des demanderesses voulant que lordonnance ne fasse pas intervenir la très forte protection de la liberté dexpression enchâssée dans la Charte. Comme dans laffaire GoldTV CF, je conclus que la liberté dexpression – notamment laspect de la liberté lié à laccès à linformation – est une considération importante dans lévaluation de la question de savoir sil convient daccorder ou de refuser le recours demandé; mais, en fin de compte, elle ne penche pas en faveur de  refuser la réparation.

[293]       En premier lieu, les demanderesses ont établi une forte apparence de droit que le contenu à bloquer constitue une violation continue de leur droit dauteur. Il ne sagit pas dune simple affirmation des demanderesses; jai déjà conclu que lactivité de diffusion en continu illégale est à première vue illégale. Comme il est énoncé dans larrêt Google, au paragraphe 49 : « [m]ême si on pouvait dire que linjonction soulève des questions relatives à la liberté dexpression, celles‑ci sont largement contrebalancées par la nécessité dempêcher le préjudice irréparable qui découlerait du fait que Google facilite la violation par Datalink des ordonnances judiciaires. »

[294]       Ensuite, la nature, la portée et la durée du blocage sont limitées et assujetties à une ordonnance précise et détaillée. Lordonnance a pour objet de limiter ses répercussions sur les intérêts des téléspectateurs qui souhaitent accéder à du contenu légitime et ne vise que les personnes qui souhaitent accéder à du contenu non autorisé qui est assujetti aux modalités précises de lordonnance de blocage. Je suis convaincu que les risques de surblocage sont minimes.

[295]       Enfin, un expert indépendant devra assurer une surveillance et une vérification des mesures prises aux termes de lordonnance. Même sil sagit dune mesure après les faits (c.àd. elle nempêchera aucune violation de la liberté dexpression), elle servira à encourager toutes les parties à accorder une attention scrupuleuse aux détails très précis établis dans lordonnance et elle assurera un niveau de transparence pour les parties, la Cour et le grand public.

[296]       Dans lensemble, je suis convaincu que toute violation éventuelle des garanties en matière de liberté dexpression prévues dans la Charte sera limitée, proportionnelle et justifiée.

(vi)             Garanties

[297]       Ce facteur exige que la réparation comprenne des mesures qui offrent des garanties contre labus. Comme il est indiqué cidessus, les demanderesses font valoir quun certain nombre de particularités de lordonnance quelles demandent équivaut à des garanties contre toute utilisation abusive ou portée excessive, alors que les tierces parties intimées et la CIPPIC contestent ce point et proposent chacune des ajouts et des mises au point aux modalités afin de mieux en limiter la portée.

[298]       Étant donné que plusieurs de ces arguments ont déjà été examinés et parce que dans la section sur les modalités de lordonnance énoncée ciaprès, jétablirai plusieurs exigences qui sont destinées à offrir des garanties contre les abus, il nest pas nécessaire de discuter de ce facteur de manière détaillée. Je conclus quil est possible dinclure des mesures qui protègent contre tout abus éventuel en vertu de lordonnance à accorder, y compris des mesures qui vont audelà de celles proposées par les demanderesses. Ces mesures sont incluses dans lordonnance à accorder en lespèce.

c)                  Résumé sur la prépondérance des inconvénients

[299]       En prenant du recul par rapport aux détails concernant les facteurs énoncés dans laffaire Cartier et en rappelant lorientation de la Cour suprême du Canada dans larrêt Google, je suis tenu dévaluer si, dans les circonstances de laffaire, il est juste et équitable daccorder la réparation équitable demandée par les demanderesses.

[300]       La question nest pas exempte de doute, et un grand nombre des mises en garde et des préoccupations exprimées par les tierces parties intimées et la CIPPIC sont dignes dun examen rigoureux. Cependant, je suis convaincu quà la lumière de la situation actuelle, et avec les limites et exigences établies ciaprès, il est juste et équitable daccorder aux demanderesses le type dinjonction demandée.

[301]       Il est particulièrement important et il vaut donc la peine de répéter quau moment où lordonnance sera mise en œuvre, les séries éliminatoires de la LNH auront commencé. Cela réduit considérablement le fardeau général imposé aux tierces parties intimées (comparativement au fardeau que lordonnance imposerait si la saison régulière était toujours en cours) et cela veut dire que lordonnance ne sera en place que pour une période très limitée. Il est important que les modalités de lordonnance, comme il est expliqué ciaprès, exigent que les demanderesses indemnisent les tierces parties intimées pour les coûts engagés par ces dernières, jusquà concurrence dun montant fixe. Il est également pertinent que lordonnance précise que les tierces parties intimées seront uniquement tenues deffectuer un blocage jusquà concurrence des limites de leur capacité actuelle, et aucune delles ne sera tenue de faire lacquisition dune nouvelle capacité pour sy conformer. Enfin, les modalités de lordonnance exigent également que les demanderesses retiennent les services dun expert indépendant, pour assurer la surveillance des mesures prises par FMTS pour assembler la liste, pour observer les efforts de blocage dau moins quelquesunes des tierces parties intimées, et de présenter un rapport aux parties et à la Cour, et ultérieurement au public, lorsque les séries éliminatoires de la LNH seront terminées.

[302]       Leffet combiné de ces éléments de lordonnance fait pencher la prépondérance des inconvénients en faveur des demanderesses. Je répète ici que si les circonstances étaient différentes, par exemple, si lordonnance était entrée en vigueur pendant la saison régulière de la LNH, lissue aurait pu être différente, daprès le dossier dont je suis saisi. Cela nempêche pas les demanderesses de solliciter dautres ordonnances similaires à lavenir, mais cela les informe des types denjeux et de préoccupations qui devraient être abordés dans toute future demande.

[303]       Sur ce dernier point, plusieurs tierces parties intimées ont exprimé des préoccupations selon lesquelles toute ordonnance accordée en lespèce ouvrirait les vannes, soulignant la preuve que Rogers Communications avait demandé à FMTS de surveiller dautres télédiffusions sportives en plus de la LNH. Je ne suis pas convaincu quil sagisse dune préoccupation actuelle en lespèce, mais je fais remarquer que le fardeau relatif au coût cumulatif et à la complexité qui pourrait être imposé par le chevauchement dordonnances de blocage dynamique couvrant plusieurs diffusions dévénements sportifs en direct est une considération pertinente.

[304]       Par conséquent, je conclus que la prépondérance des inconvénients penche en faveur daccorder une ordonnance du type demandé par les demanderesses. Avant de me pencher sur les modalités de lordonnance, je parlerai des coûts de mise en œuvre.

V.                 Coûts de mise en œuvre

[305]       La question de savoir qui doit payer pour la mise en œuvre de lordonnance a constitué un important point de divergence entre les parties, et une partie considérable des éléments de preuve et des arguments a été consacrée à ce sujet. Au cœur de la position des deux côtés, on trouve une préoccupation liée à lobligation, en vertu dune ordonnance de la Cour, de subventionner ses concurrents.

[306]       Les demanderesses ont proposé dindemniser les tierces parties intimées pour les coûts marginaux raisonnables associés à la mise en œuvre dun système permettant dautomatiser le processus de téléchargement des adresses IP et de les pousser vers leurs routeurs de cœur. Les tierces parties intimées ont fait valoir que cela était entièrement insuffisant et quon devrait leur rembourser lintégralité des coûts quelles engagent relativement à la mise en œuvre de cette réparation sans précédent. Daprès la preuve présentée, ces coûts sélèveraient à des sommes importantes, atteignant plus dun million de dollars dans certains cas. Lune des tierces parties intimées a indiqué quelle aurait à faire des investissements en capital importants pour remplacer lensemble de ses routeurs de cœur; une autre a indiqué quelle aurait à faire lacquisition de matériel en double pour être en mesure de surveiller le trafic sortant de ses clients et d’apporter les modifications nécessaires à la configuration à ses routeurs de cœur.

[307]       À la lumière de leurs positions, les deux parties ont consacré du temps et des ressources considérables à la question des coûts de mise en œuvre. Je naborderai pas ces éléments de preuve de façon détaillée. Deux raisons expliquent cette décision.

[308]       Premièrement, à la lumière de la position adoptée par les demanderesses lors de laudience, et compte tenu de la situation au moment où lordonnance sera délivrée, il nest pas nécessaire de parler de ces aspects.

[309]       Deuxièmement, je reconnais que les demanderesses pourraient très bien solliciter une autre ordonnance, visant la diffusion en continu illégale des matchs de la LNH en direct pour la prochaine saison, visant dautres diffusions dévénements sportifs en direct, ou les deux. Toute discussion portant sur la preuve présentée en lespèce ne pourrait que compliquer lévaluation future dune telle requête fondée sur de nouveaux éléments de preuve liés à cette question, il est donc préférable de léviter en lespèce.

[310]       Lors de laudience, les demanderesses se sont engagées à indemniser les tierces parties intimées pour leurs coûts de mises en œuvre jusquà concurrence de 50 000 $ chacune. Lordonnance comprendra une modalité à cet effet.

[311]       Même si cette somme pourrait ne pas avoir été suffisante pour couvrir les coûts de mise en œuvre dune ordonnance de blocage dynamique ouverte pendant une partie importante de la saison régulière de la LNH, je conclus daprès la preuve quelle suffit à permettre aux tierces parties intimées dentreprendre le blocage de sites manuel (ou automatisé) pour le reste des séries éliminatoires de la LNH. À la lumière de lengagement des demanderesses, il nest pas nécessaire de traiter des autres questions soulevées par les parties pendant laudience. Il est préférable de laisser ces questions pour un autre jour.

VI.              Modalités de lordonnance

[312]       Comme pour les coûts de mise en œuvre, il nest pas nécessaire de traiter les nombreux arguments portant sur les modalités particulières du projet dordonnance, car jen ai simplement incorporé un grand nombre dans lordonnance que je délivrerai. Une part importante de cellesci était axée sur les coûts de mise en œuvre et les coûts de linstance, dont il est question cidessus et ciaprès, respectivement. Il y a toutefois quatre points dont il convient de discuter afin de préciser les modalités et dexpliquer la justification sousjacente.

[313]       Dans un premier temps, les tierces parties intimées ont affirmé que le simple fait de publier des renseignements dans un site Web concernant lexistence de lordonnance de la Cour ne suffirait pas à informer leurs abonnés dont laccès a été bloqué des raisons pour lesquelles on leur refuse laccès. Elles font plutôt valoir que lordonnance devrait exiger delles de suivre les pratiques exemplaires de lindustrie en informant leurs clients dont laccès a été bloqué. Cependant, les tierces parties intimées en cause nont pas la capacité didentifier les clients précis, ce qui nécessite une technologie appelée système dinspection approfondie des paquets (IAP). Les tierces parties intimées ont répondu quelles devraient être indemnisées par les demanderesses pour leurs coûts dacquisition et de mises en œuvre dun tel système.

[314]       Je ne suis pas convaincu, à ce stade, quune telle exigence devrait être imposée. Je retiens que lordonnance établit le seuil minimal et que tout FAI qui possède la capacité didentifier des abonnés précis dont laccès a été bloqué pourrait vouloir le faire. Pour le moment, toutefois, je ne suis pas davis que lacquisition et la mise en œuvre dun système dIAP devraient être imposées à lensemble des tierces parties intimées, ou que les coûts connexes devraient être imposés aux demanderesses. Laccès des abonnés qui cherchent à avoir accès aux diffusions en continu illégales de matchs de la LNH en direct sera bloqué et, s ils se demandent pourquoi, des avis publiés dans des sites accessibles au public aideront à les informer. En outre, on peut sattendre à ce que, une fois que lordonnance deviendra publique, elle attire une certaine attention, à tout le moins chez ceux qui accordent une attention à ces types dactivités. Enfin, lordonnance comprendra des garanties visant à prévenir le surblocage, la préoccupation selon laquelle on pourrait bloquer laccès des clients des tierces parties intimées à du contenu légitime sera donc réduite au minimum.

[315]       Je partage lavis des tierces parties intimées et de la CIPPIC voulant que les demanderesses doivent être encouragées à prendre des mesures afin de publiciser lexistence de lordonnance, en plus détablir un point de contact unique consolidé afin de fournir des renseignements à propos de lordonnance. Toutefois, je nordonnerai pas expressément la prise de ces mesures supplémentaires, étant donné que lexigence de publier lordonnance et une explication de la raison pour laquelle on en a fait la demande, de ce quelle fait et de la personne à contacter en cas de questions ou de plaintes, sera incluse dans les modalités.

[316]       La prochaine question porte sur la question de savoir sil était nécessaire détablir les modalités de toute demande de renouvellement ou de prorogation de lordonnance. En sappuyant sur leur expérience dans laffaire GoldTV CF, les FAI tiers ont cherché à inclure un certain nombre de garanties pour veiller à ne pas être pris par surprise par une demande urgente formulée par les demanderesses. On ignore si cela sera pertinent, car lordonnance sera échue à la fin de la saison de la LNH. Il incombera aux demanderesses de décider si elles souhaitent renouveler lordonnance et, le cas échéant, une procédure qui est équitable pour toutes les parties sera suivie.

[317]       Plusieurs des tierces parties intimées et la CIPPIC ont formulé une proposition voulant que les demanderesses soient tenues de retenir les services d’un expert indépendant pour établir un rapport sur la mise en œuvre et lefficacité de lordonnance. Compte tenu de la nature sans précédent de la réparation, des préoccupations concernant à la fois la sélection des services à bloquer et les répercussions éventuelles sur les abonnés qui tentent daccéder à du contenu légitime, et compte tenu de lintérêt financier de FMTS à légard de lissue, on a proposé de retenir les services dun expert indépendant pour accomplir cette fonction.

[318]       Je partage les préoccupations soulevées à propos du manque de surveillance ou de vérification indépendante. La preuve de FMTS à propos de son expérience dans dautres ressorts, plus particulièrement sa preuve selon laquelle elle navait reçu aucune plainte et quelle nest informée daucun surblocage important, est importante, dans une certaine mesure. Cependant, compte tenu des intérêts concernés, labsence dune expérience quelconque de FMTS au Canada avec ce type dordonnance ainsi que de labsence de preuve au dossier relativement à toute vérification indépendante du travail de FMTS ailleurs, le conseil de prudence laisse entendre que la Cour adopte une attitude de « faire confiance, mais vérifier » dans la présente espèce. Il sagit dune approche similaire à lapproche [TRADUCTION]°« évaluer, mesurer et vérifier » proposée par Beanfield.

[319]       Pour cette raison, lordonnance exigera que les demanderesses retiennent les services dun expert indépendant, lequel sera sélectionné à laide des commentaires des tierces parties intimées et, au besoin, assujetti à une sélection parmi une liste de candidats présentée aux fins dapprobation par la Cour. Cet expert aura plusieurs tâches qui devront être achevées en deux étapes.

[320]       En premier lieu, lexpert passera en revue |||||||||||||||| pour sassurer que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||; examinera la mise en œuvre du blocage par au moins quelquesunes des tierces parties intimées; puis présentera un rapport confidentiel aux parties et à la Cour sur ces sujets.

[321]       Deuxièmement, lexpert examinera les renseignements présentés par lune des parties sur lefficacité de lordonnance, il remettra un rapport confidentiel sur ce sujet aux parties et à la Cour. Par la force des choses, il faudra un certain temps pour établir le deuxième rapport, lordonnance fixe donc des échéanciers différents pour chacun deux.

[322]       Une fois que ces rapports auront été présentés, les parties peuvent présenter des observations quant aux parties de lun ou lautre des rapports qui portent sur des questions confidentielles, et proposer des caviardages ou des suggestions de remplacement de texte afin de protéger ces renseignements. Une fois que la Cour les aura examinés, une version publique consolidée du rapport dexpert sera communiquée au public, en étant publiée dans les sites Web des parties.

[323]       Cette mesure permettra dassurer un certain degré de vérification et de supervision indépendantes, et les parties et la Cour seront en mesure dévaluer le degré selon lequel lordonnance était bien ciblée, les questions (le cas échéant) associées à sa mise en œuvre réelle ainsi que son efficacité. Cette mesure permet aussi daccroître la transparence du processus pour le public.

[324]       Enfin, la CIPPIC a exprimé une préoccupation quant à la portée de la confidentialité revendiquée par les demanderesses, en faisant valoir quelle était plus vaste que nécessaire et quelle ne tenait pas compte de la « forte présomption en faveur de la publicité des débats judiciaires » récemment confirmée dans larrêt Sherman Estate c Donovan, 2021 CSC 25, au paragraphe 2. Je partage ces préoccupations et, même sil ne fait aucun doute que le dossier comprendra une certaine quantité de documents qui sont hautement confidentiels, il est tout aussi certain que certaines parties des éléments de preuve et des arguments peuvent être rendus publics. Cest la raison pour laquelle la Cour a fourni une version confidentielle de lordonnance et des motifs aux parties, et la version qui est publiée tient compte de leurs arguments sur cette question. En outre, lordonnance de confidentialité demeurera en vigueur jusquà ce que des arguments soient reçus en ce qui concerne les parties du dossier qui peuvent et qui devraient être rendues publiques. Une autre ordonnance de confidentialité, plus précise, sera alors délivrée.

VII.           Dépens

[325]       Les demanderesses ont réussi à obtenir la réparation sollicitée, bien que selon des modalités considérablement différentes de celles quelles avaient demandées. De manière similaire, bien que les tierces parties intimées naient pas réussi à empêcher la délivrance de lordonnance, jai retenu un grand nombre de leurs arguments et dautres ont été dépassés par les événements (mais pourraient être soulevés éventuellement). Il est donc juste de dire que les deux parties ont eu partiellement gain de cause.

[326]       Une partie des tierces parties intimées ont demandé le recouvrement intégral de leurs dépens; certaines nont présenté aucune demande relative aux dépens. Selon moi, compte tenu de la nature sans précédent de lordonnance sollicitée, de la façon dont linstance sest déroulée et à la lumière du succès partagé, je naccorderai aucuns dépens à aucune partie. Chaque partie assumera ses propres dépens dans le cadre de la présente instance. Même si chaque affaire doit être évaluée en fonction de son bienfondé et, en tenant compte des facteurs énoncés à larticle 400 des Règles des Cours fédérales, DORS/98106, je souligne au passage que cela correspond également à lissue dans l’affaire GoldTV CF.

VIII.        Conclusion

[327]       La diffusion illégale de matchs de la LNH en direct est, daprès la preuve dont la Cour est saisie, une violation importante et continue du droit dauteur des demanderesses à légard de ces diffusions. Il sagit indubitablement, dune violation flagrante de leurs intérêts et elles ont droit à une réparation pour la contrecarrer.

[328]       Par ailleurs, les tierces parties intimées qui seront touchées par lordonnance sont entièrement innocentes de tout acte répréhensible, sont entraînées dans cette affaire simplement parce que leurs réseaux sont les conduits par lintermédiaire desquels la diffusion en continu illégale a lieu. Même si elles tirent un revenu de leurs abonnés, dont à tout le moins certains sadonnent vraisemblablement à lactivité illégale, il ny a aucun élément de preuve selon lequel les tierces parties intimées ont encouragé ou par ailleurs soutenu le comportement de leurs clients. Ayant été prises au piège dans tout cela, les tierces parties intimées ont aussi des droits et des intérêts légitimes quelles cherchent à protéger, et lordonnance est adaptée afin den tenir compte et pour tenter de réduire au minimum le fardeau imposé aux parties innocentes.

[329]       De plus, plus lintérêt public concerné est grand, y compris la mise en balance des droits et des intérêts pris en compte dans les lois qui régissent par ailleurs les affaires des parties en lespèce – à savoir la Loi sur le droit dauteur et la Loi sur les télécommunications  ainsi que la garantie fondamentale de la liberté dexpression établie dans la Charte.

[330]       Pour les motifs énoncés cidessous, jai conclu que la procédure – de la façon dont elle sest réellement déroulée – nétait pas inéquitable pour les tierces parties intimées et, par conséquent, la réparation nest pas rejetée pour ce motif.

[331]       En appliquant le critère à trois volets qui régit les injonctions interlocutoires obligatoires et, plus particulièrement, en suivant lorientation générale établie dans laffaire GoldTV CF et dans larrêt GoldTV CAF, je conclus que les demanderesses ont établi une forte preuve prima facie de violation du droit dauteur par des défendeurs inconnus qui mènent leurs activités presque exclusivement à létranger et qui prennent des mesures pour dissimuler leurs identités. Je conclus également que les demanderesses ont établi un préjudice irréparable en raison de la violation continue de leur droit dauteur par lintermédiaire de la diffusion en continu illégale de matchs de la LNH en direct, et que lordonnance du type sollicité par les demanderesses est nécessaire afin de tenter dy mettre fin.

[332]       Enfin, en appliquant les facteurs énoncés dans la jurisprudence, qui cherche collectivement à assurer que toute ordonnance imposée est proportionnelle au préjudice que lon cherche à empêcher, je conclus que la prépondérance des inconvénients penche en faveur des demanderesses, dans les circonstances particulières de lespèce au moment où lordonnance est délivrée.

[333]       Comme je lai expliqué dans les motifs énoncés cidessus, lordonnance proposée par les demanderesses a été modifiée pour tenir compte des intérêts des tierces parties intimées, ainsi que des considérations en matière de politiques publiques pertinentes pour lordonnance de blocage dynamique de sites accordée en lespèce et déterminées par la CIPPIC. Certaines limitations importantes ont été incluses, par exemple lexigence selon laquelle les FAI assurent un blocage correspondant à leur capacité à ce moment. Certaines limites ont été soulevées simplement en vertu de la situation, surtout que le nombre de matchs diffusés nimporte quel soir donné était considérablement réduit parce que les séries éliminatoires de la LNH avaient commencé au moment de la délivrance de lordonnance. En outre, certains éléments ont été ajoutés pour assurer une plus grande transparence, à la lumière des intérêts publics importants sousentendus par lordonnance.

[334]       Les parties ayant chacune obtenu partiellement gain de cause, il ny aura pas dadjudication des dépens.

[335]       En conclusion, je tiens à reconnaître la coopération des parties et les efforts du personnel de la Cour qui ont été nécessaires pour assurer la réussite de laudience. Laudience concernait plusieurs parties, et de nombreux avocats et observateurs étaient présents. Laudience sest déroulée dans un format hybride, certaines parties y participant en personne et dautres, par vidéoconférence Zoom. Laudience était bilingue, une traduction était donc requise. À loccasion, laudience a dû être « tenue à huis clos » pour traiter de documents confidentiels ou hautement confidentiels. Il y avait, comme on le dit, de nombreux rouages. Les efforts combinés des parties et du personnel de la Cour ont permis à laudience de se dérouler sans heurts, il convient donc de le reconnaître ici.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

  1. La requête des demanderesses en injonction interlocutoire est accordée, selon les modalités établies ciaprès.
  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

MODALITÉS DE LORDONNANCE

  1. Dans la présente ordonnance, lexpression « match de la LNH en direct » renvoie à lenregistrement en direct dun match de la Ligue nationale de hockey (LNH) ou dune émission de télévision en direct produite par lajout de texte, dimages, de vidéos, de commentaires ou danimations audit enregistrement, lequel est produit ou diffusé par les demanderesses au Canada en vertu dune licence de la LNH ou de ses équipes de franchises canadiennes.
  2. Sous réserve des modalités de la présente ordonnance, les tierces parties intimées doivent, pendant chacune des fenêtres de matchs en direct de la LNH (au sens de lannexe confidentielle no 2 de la présente ordonnance), précisée à lannexe no 1 de la présente ordonnance, bloquer ou tenter de bloquer laccès, à tout le moins à leurs clients de services Internet filaires résidentiels, à chacune des adresses IP pour les serveurs cibles (au sens de lannexe confidentielle no 2 de la présente ordonnance et pouvant être modifiée par la suite) que les demanderesses ou leurs représentants désignés ont signalés aux tierces parties intimées conformément à la présente ordonnance.

4,1 Moment de la mise en œuvre

a)               Les tierces parties intimées doivent commencer à bloquer laccès aux adresses IP précisées en vertu de la présente ordonnance immédiatement, si elles sont en mesure de le faire.

b)               Toute tierce partie qui nest pas en mesure de commencer immédiatement doit prendre des mesures pour se conformer à lordonnance sans tarder et, de toute façon, doit commencer à bloquer laccès en vertu de la présente ordonnance au plus tard dans les sept (7) jours suivant la date à laquelle elle est délivrée.

c)               Toute tierce partie intimée qui nest pas en mesure de se conformer aux modalités de la présente ordonnance dans les quinze (15) jours doit informer la demanderesse, en application des modalités du paragraphe 8.

  1. Les demanderesses doivent nommer collectivement un représentant unique pour sacquitter des fonctions décrites dans la présente ordonnance (le représentant).

5,1 Le représentant peut informer les tierces parties intimées dune adresse IP à bloquer à titre de serveur cible, en application dun paragraphe de la présente ordonnance si :

a)                  le représentant a détecté que ladresse IP est utilisée :

(i)                 pendant une fenêtre de match de la LNH en direct pour communiquer un match de la LNH en direct au public à laide dun moyen de télécommunication sans autorisation;

(ii)               pendant la période de surveillance préalable (au sens de lannexe confidentielle no 2 de la présente ordonnance) pour communiquer au public à laide dun moyen de télécommunication sans lautorisation de lune des stations des demanderesses sur lesquelles la diffusion dun match de la LNH en direct est prévue pendant la fenêtre de matchs de la LNH en direct;

(iii)            dune façon qui satisfait à une ou plusieurs des conditions de détection précisées aux alinéas c) et d) de lannexe confidentielle no 2 de la présente ordonnance;

b)                  le représentant a conclu quau moment de la détection, ladresse IP satisfait aux exigences en matière de garanties des alinéas 2e) et f) de lannexe confidentielle no 2 à la présente ordonnance.

  1. À la conclusion de chaque fenêtre de matchs de la LNH en direct, le représentant doit aviser les tierces parties intimées conformément à la présente ordonnance afin de débloquer tous les serveurs cibles qui ont précédemment été désignés aux fins de blocage pendant la fenêtre de matchs de la LNH en direct. Les tierces parties intimées doivent mettre en œuvre des efforts raisonnables pour les débloquer dès quil est raisonnablement pratique de le faire après la fin de la fenêtre de matchs de la LNH en direct.
  2. Les tierces parties intimées nont aucune obligation de vérifier si les adresses IP à bloquer en tant que serveurs cibles désignés par le représentant en application de la présente ordonnance ont été bien identifiées, et dépendent entièrement du fait que les demanderesses ou leur représentant désigné identifient et communiquent précisément aux tierces parties intimées de telles adresses IP conformément à la présente ordonnance.
  3. Une tierce partie intimée sera réputée sêtre conformée au paragraphe de la présente ordonnance sil utilise un blocage dadresses IP manuel ou automatisé, ou un moyen technique autre ou équivalent (à condition que la tierce partie intimée communique un préavis raisonnable aux demanderesses dudit moyen autre ou équivalent). Si une tierce partie intimée nest pas en mesure de mettre en œuvre le blocage dadresses IP manuel ou automatisé, ou le réacheminement des adresses IP, ou un moyen technique autre ou équivalent, les tierces parties intimées doivent, dans les quinze (15) jours ouvrables suivant la présente ordonnance, informer les demanderesses, des mesures quelles ont prises et des raisons pour lesquelles elles ne seront pas en mesure de se conformer à lordonnance.
  4. Au moment de bloquer laccès à une adresse IP en application dun paragraphe de la présente ordonnance, les tierces parties intimées doivent mettre en œuvre des efforts raisonnables, sous réserve des limites de leurs réseaux et de leurs ressources, pour désactiver laccès à ladresse IP dès que possible après avoir été avisées par les demanderesses ou leur représentant désigné en application de la présente ordonnance. Une tierce partie intimée sera réputée sêtre conformée au paragraphe de la présente ordonnance si elle utilise les moyens techniques énoncés au paragraphe de la présente ordonnance dans les trente (30) minutes suivant le début dune fenêtre de matchs de la LNH en direct et à tout le moins chaque heure par la suite jusquà la fin de la fenêtre de matchs de la LNH en direct, ou conformément à tout autre horaire pouvant être convenu par écrit entre la tierce partie intimée pertinente et les demanderesses.
  5. Une tierce partie intimée ne doit pas être en contravention avec la présente ordonnance si elle suspend temporairement sa conformité par rapport au paragraphe, en tout ou en partie, lorsquune telle suspension est raisonnablement nécessaire :

a)                  pour corriger ou enquêter sur le surblocage éventuel qui est causé ou soupçonné dêtre causé par les mesures prises en application du paragraphe;

b)                  pour maintenir lintégrité ou la qualité de ses services Internet ou le fonctionnement de son réseau ou de ses systèmes;

c)                  pour mettre à niveau, dépanner ou entretenir ses services Internet ou ses systèmes de blocage, y compris en raison des limites techniques ou de la capacité de ses systèmes de blocage;

d)                  pour empêcher une menace réelle ou potentielle pour la section à légard de son réseau ou de ses systèmes, ou y répondre;

sous réserve de ce qui suit :

e)                  la tierce partie intimée avise les demanderesses dès quil est raisonnablement pratique de le faire, pendant ou après une telle suspension, et présente le motif dune telle suspension ainsi quune estimation de sa durée ou, si la durée de la suspension est dau plus 48 heures, elle fait des efforts raisonnables sur le plan commercial pour maintenir un dossier sur la suspension et remet ce dossier aux demanderesses sur demande;

f)                   la suspension dure plus longtemps quil est raisonnablement nécessaire.

Pour plus de certitude, une tierce partie intimée ne doit pas contrevenir à la présente ordonnance lorsquelle suspend en partie sa conformité à légard du paragraphe 2, car la capacité de son système de blocage est dépassée par le nombre dadresses IP pour les serveurs cibles désignés conformément à la présente ordonnance, à condition quelle continue de bloquer ou de tenter de bloquer laccès au nombre dadresses IP qui ne dépasse pas la capacité de son système de blocage. Une tierce partie intimée peut conserver une partie raisonnable de sa capacité en réserve si elle estime que cela est nécessaire pour répondre aux menaces pour ses abonnés et pour préserver lintégrité de son réseau et de ses services. Toute mesure du genre doit être justifiée par rapport à la capacité du réseau utilisée pour des fins similaires dans les 12 mois précédant la présente ordonnance.

Les demanderesses doivent traiter tous les renseignements reçus en application du présent paragraphe de façon confidentielle et doivent les utiliser exclusivement à des fins de surveillance de la conformité à légard de la présente ordonnance.

Avis concernant les adresses IP des serveurs cibles aux tierces parties intimées

  1. Tous les avis communiqués par le représentant en vertu du paragraphe de la présente ordonnance doivent :

a)                  être communiqués aux tierces parties intimées au moyen de la publication dune liste consolidée de toutes les adresses IP des serveurs cibles à bloquer pendant une fenêtre de matchs de la LNH en direct accompagnée par les heures de début et de fin prévues pour chaque fenêtre et chaque adresse IP sur une plateforme électronique sécurisée à laquelle chacune des tierces parties intimées a eu accès en vertu dun arrangement avec le représentant, de la façon précisée aux alinéas b) – d);

b)                  être dans un format de données déterminé, lequel est fourni au préalable aux tierces parties intimées;

c)                  être publiés dans ladite plateforme de manière continue pendant chaque fenêtre de matchs de la LNH en direct, et (sauf comme il est énoncé au paragraphe ciaprès) pas pendant dautres périodes;

d)                  être publiés dune façon telle quils sont portés activement à lattention de toutes les tierces parties intimées de manière aussi contemporaine quil est raisonnablement possible.

  1. Tous les avis communiqués par le représentant en vertu du paragraphe de la présente ordonnance doivent être transmis aux tierces parties intimées par les mêmes moyens que ceux précisés au paragraphe de la présente ordonnance et dans les quinze (15) minutes de lexpiration de la fenêtre de matchs de la LNH en direct pertinente, et doivent être communiqués en publiant une liste vide dadresses IP.

Avis aux serveurs cibles

  1. Lorsque le représentant communique un avis relatif à une adresse IP aux fins de blocage conformément au paragraphe de la présente ordonnance, le représentant doit, à lintérieur dune période raisonnable de la première occasion lorsque cette adresse IP est transmise (à savoir au plus tard à la fin de la journée le jour de la fenêtre de matchs de la LNH en direct en question), envoyer au fournisseur hôte associé à ladresse IP un avis électronique qui contient à tout le moins les renseignements ciaprès :

a)                  que laccès à ladresse IP a été bloqué au Canada en vertu dune ordonnance du tribunal;

b)                  lidentité des demanderesses qui ont obtenu la présente ordonnance;

c)                  un lien vers un emplacement Internet à partir duquel il est possible daccéder à la version publique de la présente ordonnance;

d)                  une déclaration selon laquelle les exploitants de serveurs touchés ont le droit de présenter une demande à la Cour en vue de révoquer ou de modifier lordonnance en application du paragraphe ciaprès.

Avis aux clients des tierces parties intimées

  1. Les demanderesses doivent publier la présente ordonnance, ainsi quune explication de lobjet de lordonnance, et les coordonnées pour toute demande de renseignements ou plainte, sur chacun de leurs sites Web, dune manière importante.
  2. Lorsque laccès à un serveur cible est bloqué par une tierce partie intimée en application de la présente ordonnance, que la tierce partie intimée doit mettre en œuvre tous les efforts raisonnables pour rendre les renseignements ciaprès immédiatement disponibles à ses clients des services Internet résidentiels qui tentent daccéder aux serveurs cibles et dont laccès est bloqué :

a)                  que laccès a été bloqué par cette ordonnance;

b)                  lidentité des demanderesses et le dossier de la Cour fédérale pour la présente espèce et les coordonnées des demanderesses, qui doivent être fournis par les demanderesses aux tierces parties intimées aux fins dutilisation par ces clients;

c)                  une déclaration voulant que les exploitants des serveurs cibles (c.àd. les défendeurs Jean Untel), tout tiers qui prétend être touché par la présente ordonnance et tout client du service Internet touché par lordonnance puissent présenter une demande à la Cour en vue de révoquer ou de modifier lordonnance en application du paragraphe ciaprès;

d)                  les coordonnées que le représentant des demanderesses doit fournir aux tierces parties intimées, et quil peut mettre à jour de temps à autre en vertu dun avis de 30 jours, qui permet au client touché de communiquer facilement avec la demanderesse ou à son représentant pour orienter toutes les plaintes, incluant tous les faux positifs.

Les dépenses raisonnables engagées par les tierces parties intimées en mettant en œuvre les efforts exigés par le présent article 12 doivent être assumées par les demanderesses.

15,1 Tous les renseignements personnels recueillis pour réaliser les objectifs de la présente ordonnance, recueillis au moyen dun système dinspection approfondie des paquets (IAP) ou dun autre système adopté pour réaliser les objectifs de la présente ordonnance, seront utilisés exclusivement aux fins de communiquer un avis aux clients, ne seront pas divulgués et seront uniquement conservés aussi longtemps quil est strictement nécessaire pour assurer lintégrité de lobligation en matière de notification des clients.

Modifications apportées à lannexe confidentielle no 2

  1. Aucune modification au contenu des alinéas a) à g) de la PARTIE 1 ou aux alinéas a) à e) de la PARTIE II de lannexe confidentielle no 2 ne peut être apportée sans être autorisée par une ordonnance de notre Cour. Aucun ajout à lalinéa f) de la partie II de lannexe confidentielle no 2 ne peut être effectué sans être autorisé par une ordonnance de notre Cour. Il est entendu que les suppressions à lalinéa f) de la PARTIE II peuvent être effectuées sans lautorisation de la Cour et quelles doivent être effectuées sans tarder dès que les demanderesses ou le représentant sont informés que les critères dinclusion ne sont plus satisfaits.
  2. Les demanderesses doivent signaler toutes les suppressions à la Cour, sur une base confidentielle, dans les 30 jours suivant la fin des séries éliminatoires de la LNH.
  3. Toutes les parties sont autorisées à présenter une demande par voie de requête en modification du contenu de lannexe confidentielle no 2, une telle requête doit être étayée par des éléments de preuve et être communiquée à lensemble des autres parties.

Permission de présenter une demande

  1. Les exploitants des serveurs cibles (c.àd. les défendeurs Jean Untel), toute autre partie qui prétend être touchée par la présente ordonnance, et tout client des services Internet des tierces parties intimées touchées par lordonnance, peuvent présenter une requête en modification de la présente ordonnance dans la mesure où la présente ordonnance a une incidence sur leur capacité daccéder au contenu non contrefait, ou de le distribuer, en signifiant et en déposant un dossier de requête dans les trente (30) jours suivant la première occurrence de lévénement qui les aurait touchés et qui découle de la présente ordonnance.
  2. La présente ordonnance ne doit aucunement limiter la capacité dune tierce partie intimée de demander le sursis, la modification ou lannulation de lordonnance, ou de sy opposer pour tout autre motif à toute autre ordonnance connexe ou similaire sollicitée par les demanderesses ou toute autre partie. Plus particulièrement et sans limitation, la présente ordonnance ne doit aucunement limiter la capacité dune tierce partie intimée de soulever des questions relativement à la mise en œuvre ou au renouvellement de la présente ordonnance pour des motifs liés à la mise en œuvre technique de la présente ordonnance, aux répercussions sur les services dune tierce partie intimée sur ses abonnés ou à lefficacité de lordonnance pour empêcher la diffusion en continu non autorisée pendant une fenêtre de matchs en direct de la LNH.

Mesure de temporisation

  1. La présente ordonnance doit prendre fin à la fin de la dernière fenêtre de matchs de la LNH en direct de la saison de la LNH 20212022 (c.àd. la finale de la Coupe Stanley), sauf si la Cour en décide autrement.

Confidentialité

  1. Les affidavits confidentiels déposés par lune des parties, tout contreinterrogatoire portant sur ces affidavits confidentiels ainsi que tous les arguments écrits par lune des parties qui renvoient à ces renseignements doivent demeurer confidentiels et être mis sous scellés dans le dossier de la Cour, sous réserve des parties abordées au paragraphe 23 ciaprès, car cela est nécessaire pour prévenir un risque grave pour lefficacité de la présente ordonnance et dordonnances similaires rendues par les tribunaux dans dautres territoires de compétence; et aucune autre mesure raisonnable nempêchera ce risque; et les avantages associés à la protection de cette efficacité lemportent sur les effets négatifs de la confidentialité.
  2. La Cour est convaincue que, même si certaines parties des documents énumérés ciaprès peuvent être rendues publiques, il est nécessaire de préserver la confidentialité dautres parties. Il est entendu que les parties ciaprès des documents énumérés cidessous seront traités comme étant confidentielles et quelles peuvent être mises sous scellés dans le dossier de la Cour afin de prévenir un risque grave pour lefficacité de la présente ordonnance et dordonnances similaires rendues par les tribunaux dans dautres territoires de compétence; et quaucune autre mesure raisonnable nempêchera ce risque; et que les avantages associés à la protection de cette efficacité lemportent sur les effets négatifs de la confidentialité :

a)                  certains paragraphes de laffidavit de M. George Demetriades assermenté le 28 juin 2021;

b)                  certains paragraphes de la pièce JF5 de laffidavit de M. Jonathan Friend assermenté le 15 octobre 2021;

c)                  certaines parties des contreinterrogatoires de M. Demetriades (qui a eu lieu le 25 octobre 2021) et de M. Friend (qui a eu lieu le 4 novembre 2021);

d)                  certains paragraphes de la version confidentielle des observations écrites des demanderesses à lappui de la présente ordonnance;

e)                  lannexe 2 de la présente ordonnance (ainsi que lannexe 2 au projet dordonnance présenté par les demanderesses);

f)                   toute partie des observations écrites présentées par les tierces parties intimées ou intervenants qui renvoie aux renseignements contenus dans les documents a) à f);

g)                  le point i) des rapports à présenter à la Cour en application du paragraphe 17 de la présente ordonnance.

(Collectivement, les renseignements confidentiels).

Les parties doivent fournir les caviardages proposés, en indiquant les parties précises des documents énumérés aux alinéas a) à d), et aux alinéas f) et g) qui doivent être traités comme des « renseignements confidentiels », dans les 30 jours suivant la délivrance de la présente ordonnance. Les caviardages approuvés par la Cour seront incorporés dans une ordonnance de confidentialité. Jusquà ce moment, lordonnance de confidentialité actuelle continue de sappliquer.

  1. Les renseignements confidentiels doivent être traités comme étant confidentiels par le greffe de la Cour et ne doivent pas être mis à la disposition de toute autre personne que les demanderesses, les tierces parties intimées, les intervenants et les membres du personnel de la Cour appropriés.
  2. Tout défendeur ou tout tiers présentant une requête en application du paragraphe de la présente ordonnance qui souhaite avoir accès aux renseignements confidentiels aux fins de la présente instance doit signifier et déposer un dossier de requête demandant lautorisation de la Cour pour avoir accès aux renseignements confidentiels.
  3. Toute partie qui est autorisée à avoir accès aux renseignements confidentiels en application de paragraphes ou de la présente ordonnance peut uniquement avoir recours aux renseignements confidentiels aux fins de la présente instance et ne doit divulguer aucun des documents confidentiels à quiconque (sauf à son avocat ou à des experts qui ont été informés de la présente ordonnance), sans autorisation de la Cour.

Rapports à la Cour

  1. Les demanderesses doivent retenir les services dun expert indépendant, sélectionné à laide de commentaires de tierces parties intimées. Si les parties ne sont pas en mesure de sentendre, elles peuvent proposer jusquà trois experts possibles, au moyen dune lettre adressée à la Cour, et la Cour informera les demanderesses de lexpert figurant sur la liste dont ils doivent retenir les services.
  2. Cet expert devra accomplir plusieurs tâches principales :
    1. passer en revue lapplication des critères par le représentant des demanderesses pour lidentification des adresses IP aux fins de blocage, y compris lapplication de tous les critères énoncés dans lannexe confidentielle no 2;
    2. communiquer à la Cour une liste (laquelle doit être préparée par le représentant) de toutes les adresses IP qui ont été désignées à des fins de blocage, les dates et les heures auxquelles elles devaient être bloquées, et les critères qui ont été appliqués et qui ont fait en sorte quelles ont été désignées à des fins de blocage;
    3. passer en revue la mise en œuvre du blocage par autant de tierces parties intimées que possible (pas moins de quatre) et établir des rapports sur celleci;
    4. établir un rapport sur la conformité des modalités de lordonnance, par les demanderesses et le représentant, ainsi que par les tierces parties intimées;
    5. compiler des renseignements sur toutes les plaintes reçues par lune des demanderesses ou des tierces parties intimées relativement à la mise en œuvre de la présente ordonnance (dont les renseignements doivent être compilés par les parties respectives);
    6. évaluer lévaluation de lexpert quant à lefficacité de lordonnance, y compris les critères pour mesurer la réussite, la raison pour laquelle ses services ont été retenus et les résultats de lévaluation, et établir des rapports sur celleci.

On doit accorder à lexpert laccès nécessaire aux installations, aux processus ou aux renseignements nécessaires pour sacquitter de ces responsabilités.

  1. Lexpert doit être assujetti à une obligation permanente en matière de confidentialité et ne doit divulguer aucun des renseignements obtenus en application de ce mandat, sauf dans la mesure où cela est autorisé par les modalités de la présente ordonnance.
  2. Lexpert préparera trois rapports :
  1. un rapport confidentiel initial – sur la mise en œuvre de lordonnance, conformément à ce qui est énoncé aux alinéas a) à e) cidessus, qui doit être préparé et communiqué aux parties et à la Cour, dune manière confidentielle, dans les trente (30) jours suivant la fin des séries éliminatoires de la LNH;
  2. un autre rapport confidentiel – sur lévaluation de lefficacité de lordonnance par lexpert, tel quil est indiqué à lalinéa f) cidessus, dans les soixante (60) jours suivant la fin des séries éliminatoires de la LNH;
  3. un rapport « public » – qui doit être préparé à la suite de consultations avec toutes les parties quant aux caviardages proposés ou lautre libellé nécessaire pour protéger les renseignements confidentiels. Si les parties ne parviennent pas à sentendre sur les caviardages proposés, lexpert peut demander laide de la Cour pour régler la question. Ce rapport doit être délivré dès que possible à la suite de lachèvement des rapports en vertu des alinéas a) et b) cidessus. Ce rapport doit être publié dans le site Web de chaque partie dans les trente (30) jours suivant son achèvement.

Coût de mise en œuvre

  1. Les demanderesses doivent indemniser et dégager de toute responsabilité les tierces parties intimées relativement à ce qui suit :
  1. le coût marginal raisonnable de la mise en œuvre de la présente ordonnance, jusquà concurrence de 50 000 $;
  2. toutes les pertes, obligations, demandes, et tous les dommagesintérêts et coûts (y compris les coûts de défense) ou toutes les dépenses engagées raisonnablement découlant de la plainte, de laction, de la réclamation ou de linstance similaire dun tiers, quelle soit de nature administrative, judiciaire ou quasi judiciaire, relativement aux tierces parties intimées en raison de leur conformité par rapport à lordonnance.
  1. En ce qui concerne les coûts mentionnés à lalinéa a) cidessus :
  1. les tierces parties intimées doivent fournir aux demanderesses une facture établissant les éléments de coûts demandés et le total des coûts demandés, dans les 30 jours suivant la fin des séries éliminatoires de la LNH;
  2. les demanderesses doivent, dans les trente (30) jours suivant la réception de la facture, (i) payer la facture; (ii) ou signifier et déposer une requête contestant le caractère raisonnable des coûts demandés dans la facture, faute de quoi les coûts doivent être réputés raisonnables.

Dépens

  1. Aucuns dépens ne seront adjugés à légard de la présente requête.

« William F. Pentney »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


ANNEXE no 1 : FENÊTRES DE MATCHS DE LA LNH EN DIRECT

  • La fenêtre de matchs de la LNH en direct pour lensemble des matchs de la LNH régionaux et nationaux diffusés au Canada par lune des demanderesses par lintermédiaire dune émission de télévision ou dune diffusion en continu en ligne pendant la saison régulière de la LNH 20212022 (à compter du 1er octobre 2021 ou aux environs de cette date), conformément au calendrier figurant dans le site Web de la LNH (https://www.nhl.com/fr/schedule), mis à jour de temps à autre.
  • La fenêtre de matchs de la LNH en direct pour la diffusion de lensemble des matchs de la LNH par lune des demanderesses par lintermédiaire dune émission de télévision ou dune diffusion en continu en ligne pendant les séries éliminatoires de la Coupe Stanley de 20212022 et de la série finale, conformément au calendrier figurant dans le site Web de la LNH (https://www.nhl.com/fr/schedule), mis à jour de temps à autre.

 


ANNEXE CONFIDENTIELLE NO 2 |||||| |||||| ||  || |  |

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a)                  ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |  | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | ||| |||

b)                 ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |  | |  | |  | |  | |  | |  | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |||||||||||  |||||||||||

c)                  ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |  | |  | |  | |  |

d)                 ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |  | |  | |  | |  | |  | |  |

e)                  ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | ||||||||||||||||||||||  ||||||||||||||||||||||

f)                   ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | ||  ||

g)                  ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |  | |  | |  | |  | ||  ||

  1. ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |  | |  | |  |

a)                  ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  |

b)                 ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |  | |  | |  | |  |

c)                  ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  |

d)                 ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  |

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e)                  ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  | |  |

f)                   ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |  | |  | ||||||||||||||  ||||||||||||||

g)                  ||||||||||||||||||  ||||||||||||||||||

h)                 |||||||||||  |||||||||||

i)                    ||||||||  ||||||||

j)                   |||||||||||  |||||||||||

k)                 |||||  |||||

l)                    ||||||||||||||||||||||||||||  ||||||||||||||||||||||||||||

m)               ||||||||||||||  ||||||||||||||

n)                 ||  ||

o)                  |||||  |||||

p)                 ||||||  ||||||

q)                 ||||  ||||

r)                  ||||||||||||||  ||||||||||||||

s)                   |  |

t)                   |  |

u)                 |  |

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w)                |||||||||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||||||||

x)                  |||||||  |||||||

y)                  ||||||||||||||||||||  ||||||||||||||||||||

z)                  |  |

aa)              |||||  |||||

bb)             ||||||||  ||||||||

cc)               |||  |||

dd)             |||||||  |||||||

ee)               ||||  ||||

ff)                |||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||

gg)              ||||  ||||

hh)             |||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||

ii)                 ||||||||||||||||||  ||||||||||||||||||

jj)                ||||||||||||  ||||||||||||

kk)             |||||||||||||  |||||||||||||

ll)                 |  |

mm)        ||||||||||  ||||||||||

nn)             ||||||||||||||||||||||||||||||||||  ||||||||||||||||||||||||||||||||||

oo)              |||||||||||||||||||||||||||||  |||||||||||||||||||||||||||||


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

T95521

INTITULÉ :

ROGERS MEDIA INC. ET AUTRES c. JEAN UNTEL NO 1 ET AUTRES

LIEU DE LAUDIENCE :

Tenue par vidéoconférence

DATE DE LAUDIENCE :

De 23 novembre 2021 au 26 novembre 2021 ET

LE 7 JANVIER 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PENTNEY

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

LE 27 MAI 2022

COMPARUTIONS :

François Guay

JeanSébastien Dupont

Olivier JeanLévesque

Guillaume Lavoie SteMarie

Kristina Milbourn

Daniel Pink

Patrice Sterkenburg

Mark Graham

Florence Chan

Zoé Foustokjian

Pour les DEMANDERESSES et les tierces parties intimées (bell canada, fido solutions inc., rogers communications inc., videotron ltée)

Timothy Lowman

Stephen Zolf

Pour la tierce partie intimée (distributel communications limitée)

Bob Sotiriadis

Cara Parisien

pour la tierce partie intimée

(cogeco connexion inc.)

Cynthia Rathwell

Cynthia Wallace

Julien Frigon

pour la tierce partie intimée

(shaw communications inc.)

Jessica Ruthledge

Andy Kaplan Myrth

pour la tierce partie intimée

(teksavvy solutions inc.)

Christopher Naudie

Sydney Young

pour la tierce partie intimée

(telus communications inc.)

Tamir Israel

pour les intervenants (samuelsonglushko (cippic))

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar LLP

Montréal (Québec)

POUR LES DEMANDERESSES ET TIERCES PARTIES INTIMÉES (BELL CANADA, FIDO SOLUTIONS INC., ROGERS COMMUNICATIONS INC., VIDEOTRON LTÉE)

Aird & Berlis LLP

Toronto (Ontario)

Pour la tierce partie intimée (distributel communications limitée)

Robic

Montréal (Québec)

pour la tierce partie intimée

(cogeco connexion inc.)

Shaw Communications

Ottawa (Ont.)

pour la tierce partie intimée

(shaw communications inc.)

TekSvvy Solutions Inc.

Ottawa (Ont.)

pour la tierce partie intimée

(teksavvy solutions inc.)

Osler, Hoskin & Harcourt LLP

Toronto (Ontario)

pour la tierce partie intimée

(telus communications inc.)

Université dOttawa

Ottawa (Ontario)

pour les intervenants (samuelsonglushko (cippic))

 

 

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.