Décision

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Pillenière, Simoneau c. Ville de Saint-Bruno-de-Montarville

2021 QCCS 4031

 

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

LONGUEUIL

 

 

                                                                                                                                        

N° :

505-17-009877-178

 

 

 

DATE :

Le 23 septembre 2021

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

FLORENCE LUCAS, J. C.S.

______________________________________________________________________

 

 

PILLENIÈRE, SIMONEAU S.E.N.C.

-et-

9178-0932 QUÉBEC INC.

-et-

CORPORATION D'INVESTISSEMENT MONTARVILLE

Demanderesses

c.

VILLE DE SAINT-BRUNO-DE-MONTARVILLE

Défenderesse

-et-

OFFICIER DE LA PUBLICITÉ DES DROITS DE LA CIRCONSCRIPTION FONCIÈRE DE CHAMBLY

            Mis en cause

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           En décembre 2012, conformément aux objectifs du Plan d’aménagement et de développement de la Communauté métropolitaine de Montréal (PMAD) et du Schéma d’aménagement et de développement de l’agglomération de Longueuil (SAD), la Ville de Saint-Bruno-de-Montarville (Ville) adopte un nouveau Règlement de zonage URB-Z2017 et quatre autres règlements d’urbanisme dont certaines dispositions visent à contrôler les activités d’abattage d’arbres dans les milieux humides, et ce, afin d’atteindre les objectifs de conservation, de protection et de mise en valeur des milieux naturels d’intérêt sur son territoire[1].

[2]           Les promoteurs immobiliers Pillenière, Simoneau S.E.N.C. (Pillenière Simoneau), 9178-0932 Québec inc. (Québec inc.) et Corporation d’Investissement Montarville (Corporation) (conjointement promoteurs) sont propriétaires de terrains vacants dans la circonscription foncière de Chambly, situés sur le territoire de la Ville. Ils considèrent que par l’effet des règlements adoptés, interdisant l’abattage d’arbres dans les milieux naturels protégés et empêchant toute construction dans les milieux humides, la Ville s’approprie de facto leurs terrains et leur confèrent un usage public équivalent à une expropriation déguisée, sans leur avoir au préalable versé une indemnité (952 C.c.Q.).

[3]           Les promoteurs réclament un montant équivalent à l’indemnité à laquelle ils auraient droit dans le cadre d’une expropriation formelle, évaluée à 20 216 360 $, et ils offrent la propriété des terrains à la Ville en échange. À titre subsidiaire, les promoteurs demandent que les dispositions réglementaires en litige soient annulées ou leur soient déclarées inopposables.

[4]           La Ville conteste, fait valoir que la réglementation en litige n’a pas l’objet ni l’effet d’une expropriation déguisée et qu’elle impose des contraintes légitimes à leurs projets de développement et ce, pour protéger les milieux humides. La Ville considère que les propriétaires conservent une certaine jouissance de leurs lots et plaide enfin que les règlements adoptés ne leur causent aucun préjudice réel puisque les projets immobiliers ne peuvent être réalisés en l’absence des infrastructures, des autorisations et entente requises avec la municipalité.

[5]           Ultimement, la Ville soumet que le remède approprié consiste à déclarer les dispositions réglementaires nulles ou inopposables aux promoteurs, comme recherché dans les conclusions subsidiaires en demande.

[6]           Dûment signifiée, la procureure générale s’abstient d’intervenir dans cette affaire[2].

[7]           Cette demande en justice a fait l’objet d’une scission d’instance en deux étapes; le présent jugement porte sur la première étape destinée à décider des questions suivantes[3] : Est-ce que la réglementation attaquée est valide? Est-ce que les terrains des demanderesses font l’objet d’une expropriation déguisée ou de facto? Quel moyen de réparation est approprié dans les circonstances?

[8]           Ainsi, la quantification des dommages de même que la réclamation de dommages punitifs et des honoraires extrajudiciaires en demande[4], feraient l’objet de la deuxième étape, si nécessaire.

[9]           À l’issue de son analyse du droit applicable et de la preuve, pour les motifs exprimés dans le présent jugement, le Tribunal rejette le recours des promoteurs. En résumé, à la première question, il y a lieu de conclure que les dispositions réglementaires municipales contestées et leur effet prohibitif reproché sont autorisés par les dispositions habilitantes de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, et donc valides. Puis, à la lumière de l’ensemble des circonstances et faits mis en preuve, le Tribunal considère que les règles d’abattage adoptées sont légitimes et raisonnables aux fins de protéger les milieux humides visés par la réglementation et ne peuvent donc constituer une expropriation déguisée. Par ailleurs, si les promoteurs ne peuvent plus faire le développement résidentiel et commercial envisagé, il y a lieu de considérer que certains de leurs droits subsistent. Ultimement, en guise de moyen de réparation, le cas échéant, la jurisprudence ne reconnaît pas un recours alternatif visant à réclamer une indemnité et conserver les lots, mais elle confirme plutôt qu’il y a lieu de requérir à l’annulation des règlements problématiques, en temps opportun.

1.            LE CONTEXTE

1.1        Les démarches et développements des promoteurs

[10]        Les promoteurs sont propriétaires des terrains situés dans le secteur connu sous le nom du Boisé Sabourin sur le territoire de Saint-Bruno[5], dont les lots se trouvent au sud de la route 116, le long de la Montée Sabourin et du Grand Boulevard Ouest[6].

[11]        Situés dans des zones d’habitations et d’usage commercial[7], les promoteurs envisagent de réaliser, depuis plus de 15 ans, des projets de développement immobilier, résidentiel et commercial sur leurs lots, ce que la réglementation de zonage en vigueur[8] a permis jusqu’en 2014[9].

[12]        Ainsi, entre 2004 et 2007, Pillenière Sabourin travaille au développement de ses terrains à l’extrémité nord-est du secteur, sans rencontrer de difficultés particulières[10] :

 

[13]        Demeurent vacants les terrains en litige, soit les lots du cadastre du Québec, circonscription foncière de Chambly, décrits de la façon suivante[11] :

 

Numéros des lots

Propriétaires

Superficies en m2

2 114 326

Corporation d'Investissement Montarville

130 917,60

3 415 873 - 2 113 965 2 114 993 - 2 115 123 

Pillenière, Simoneau, S.E.N.C.

46 880,70

2 113 961 - 2 113 962 2 114 268 - 2 114 269 2 113 973 - 2 113 963 2 113 966 - 2 113 967 2 113 968 - 2 113 980 2 113 981 - 2 113 983

9178-0932 Québec inc.

9 418,00

Total en m2

187 216,30

[14]        À titre indicatif, le lot 2 114 326 de la Corporation occupe le centre du secteur et ceux de Pillenière Simoneau et Québec inc. se situent le long de la Montée Sabourin.

[15]        Par la suite, les promoteurs poursuivent leurs démarches pour concrétiser des projets de développement résidentiel et commercial sur ces lots.

[16]        En mai 2004, l’entreprise Géocom Recherche inc. réalise une étude favorable de positionnement et de potentiel de marché pour les projets immobiliers du promoteur Pillenière Simoneau[12]. Les promoteurs présentent un plan d’ensemble pour la construction résidentielle de ces lots, approuvé par la Ville le 25 mai 2004[13].

[17]        Des propriétaires du secteur (y compris les demanderesses en l’instance) mandatent la firme BPR inc. afin qu’elle prépare un plan directeur, produit en janvier 2005[14].

[18]        En juin 2008, le Centre d’information sur l’environnement de Longueuil et l’Équipe de rétablissement de la rainette faux-grillon de l’Ouest du Québec présente à la Ville un Plan de conservation de la rainette faux-grillon en Montérégie, dont les périmètres de conservation proposés touchent le secteur du Boisé Sabourin[15].

[19]        À cette même époque, les citoyens de la Ville manifestent déjà leurs préoccupations et un intérêt à conserver les milieux naturels de ce secteur[16].

[20]        De 2009 à 2010, Pillenière Simoneau développe le secteur ouest du Boisé Sabourin acquis de Bruno Bénard[17]. Le promoteur souligne que dans le cadre de ce développement, les réseaux municipaux d’égout pluvial, d’aqueduc et d’égout sanitaire sont amenés à la limite des lots et que ces réseaux devaient éventuellement être prolongés dans les lots des demanderesses[18].

[21]        En 2010, les promoteurs présentent un nouveau concept de développement résidentiel, commercial et institutionnel sur les lots, lequel comprend, notamment, une zone de conservation des milieux humides de 37 161 m2, une autre de 62 245 m2 ainsi que le don d’un terrain de 11 612 m2 afin de permettre le déménagement des locaux administratifs de la Commission scolaire des Patriotes[19].

[22]        En juin 2011, à la demande des promoteurs, la firme Biome réalise une étude du milieu naturel sur une partie des lots, mise à jour en 2013, laquelle confirme la présence de milieux humides[20].

[23]        Or, toute intervention effectuée dans un milieu humide nécessite l’obtention d’un certificat d’autorisation délivré par le ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC)[21]. Également à partir de 2012, la Loi concernant des mesures de compensation pour la réalisation de projets affectant un milieu humide ou hybride permet au ministre d’exiger une compensation lorsqu’il autorise une intervention dans un tel milieu[22].

[24]        Le 15 mai 2012, la Corporation adresse à la Ville une demande de certificat de conformité attestant que son projet de lotissement ne contrevient à aucun des règlements municipaux, requis pour demander le certificat d’autorisation du MDDELCC.

[25]        Le 13 juin 2012, le directeur du Développement urbain, Jean Larose, expose différentes raisons pour lesquelles la Ville ne peut recommander la délivrance d’un certificat du greffier[23].

[26]        Le 22 juin 2012, les avocats de la Corporation adressent une lettre à la Ville, estiment qu’elle bénéficie de toutes les informations requises pour émettre le certificat de conformité et s’attendent à ce que le projet soit soumis au Comité consultatif d’urbanisme à sa prochaine séance, pour qu’il soit ensuite soumis à l’approbation du Conseil municipal[24].

[27]        Le 12 juillet 2012, à défaut de répondre avant le 19 juillet, les avocats avisent la Ville qu’ils ont instructions d’entreprendre les recours judiciaires appropriés, sans autre avis ni délai[25].

[28]        Le 17 juillet 2012, la Ville reprend les motifs de sa position, demande des informations supplémentaires au promoteur et requiert des réponses, justifiant qu’elle ne peut déposer le plan soumis à la prochaine séance du Comité consultatif ou émettre le certificat demandé[26].

[29]        L’année suivante, la Ville met en place un comité de concertation, composé de différents intervenants du milieu y compris les promoteurs[27], afin de trouver une solution viable, de garantir la conservation des milieux naturels de qualité et la mise en valeur des terrains. À l’issue de quatre réunions en septembre et octobre 2013[28], les discussions vont bon train et les parties aspirent à un éventuel consensus[29].

[30]        En parallèle, dans le cadre de la compagne électorale des élections municipales 2013, certains candidats de l’équipe du maire Martin Murray font la promotion de la protection du Boisé Sabourin dans leur programme électoral[30].

[31]        Élu en novembre 2013, le maire Murray décide de ne pas continuer la table de concertation. Il explique que les études confirment que le Boisé Sabourin fait l’objet du plan suggérant une conservation intégrale et doit être protégé dans son intégralité. Ainsi, il considère qu’il n’y a pas de négociation possible, étant entendu que la table de concertation migrait vers la conservation d’une petite partie des terrains seulement[31].

[32]        Par la suite, le 27 novembre 2014, une partie du lot numéro 2 114 326 situé dans le Boisé Sabourin, propriété de la Corporation, soit une superficie totale de 21 440,00 m2  est affectée d’une servitude réelle et perpétuelle de non-construction et de conservation. La Corporation cède cette zone PC-181 à la Ville, une compensation autorisée par le MDDELCC pour permettre le développement d’un autre lot affecté de milieux humides, situé au nord de la route 116[32].

1.2        Le contexte législatif

[33]        En mai 1995 intervient le Sommet sur la forêt privée. À cette occasion, quatre grands partenaires, soit les propriétaires de la forêt privée, le monde municipal, l’industrie forestière et le Gouvernement du Québec, établissent les orientations fondamentales d’un régime de protection et de mise en valeur de la forêt privée[33].

[34]        Dans la foulée de ce Sommet, la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU) se trouve modifiée[34] et la Loi sur le développement durable[35] est adoptée.

[35]        En vertu de la LAU, une municipalité régionale de comté (M.R.C.) est tenue de maintenir en vigueur, en tout temps, un schéma applicable à l’ensemble de son territoire[36].

[36]        En l’occurrence, l’agglomération de Longueuil exerce la compétence d’une M.R.C. Située sur le territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal, l’agglomération de Longueuil doit faire approuver son schéma par la Communauté métropolitaine de Montréal, à savoir s’il est conforme au plan métropolitain[37].

[37]        De son côté, une municipalité, telle la Ville, est tenue d’adopter un plan d’urbanisme conforme aux objectifs du schéma d’aménagement et aux dispositions du document complémentaire[38], ainsi que des règlements de zonage, de lotissement et de construction en accord avec le plan d’urbanisme, le schéma d’aménagement et le document complémentaire[39].

[38]        En avril 2012, la Communauté métropolitaine de Montréal dépose son PMAD (Plan d’aménagement et de développement), lequel définit ses orientations, objectifs et critères aux fins d’assurer la compétitivité et l’attractivité du Grand Montréal dans la perspective d’un aménagement et d’un développement durable[40] du territoire métropolitain[41]. Notamment, le PMAD a l’ambitieux objectif de protéger et de mettre en valeur au moins 17 % du territoire du Grand Montréal à des fins d’espaces naturels et d’écosystème d’intérêt.

[39]        Dès lors, l’agglomération de Longueuil entame le processus de révision de son schéma d’aménagement et de développement, adopte le 10 juillet 2014 un règlement de contrôle intérimaire contenant notamment des dispositions relatives au contrôle de l’abattage d’arbres dans certaines parties de son territoire[42].

[40]        Le 1er avril 2014, Jean Larose, directeur du Développement urbain de la Ville, écrit à Jean Marcille, urbaniste de l’agglomération de Longueuil et responsable de rédiger l’ensemble du plan au niveau de l’agglomération. À la suite d’une rencontre, Monsieur Larose lui transmet les trois secteurs que la Ville désire identifier comme étant des boisés et des milieux naturels d’intérêt métropolitain et régional, dont le Boisé Sabourin[43].

[41]        En juin 2014, la Ville rend public son projet de Plan de conservation des milieux humides[44].

[42]        Le 20 octobre 2016, l’agglomération de Longueuil adopte son nouveau SAD (Schéma d’aménagement et de développement)[45], lequel poursuit l’objectif de protéger au moins 20 % du territoire à des fins d’écosystème d’intérêt. Elle identifie l’ensemble des composantes naturelles (milieux humides et superficies boisées) du territoire, dont certaines sont déjà protégées[46]. Le secteur du Boisé Sabourin, où se trouvent les lots en litige, est qualifié de « milieu à documenter », soit parmi les aires boisées qui n’ont pas fait l’objet d’une caractérisation complète et détaillée permettant de confirmer leur statut ou leur délimitation précise[47]. L’agglomération laisse ainsi à la municipalité la responsabilité de déterminer s’il s’agit d’un « écosystème d’intérêt confirmé » ou non[48]. Dans l’intervalle, afin d’assurer le maintien de ces aires boisées et de certains écosystèmes potentiels, le SAD prévoit une mesure de protection transitoire, soit que les mesures réglementaires du document complémentaire sur la coupe d’arbres s’appliquent jusqu’à ce qu’une caractérisation complète des composantes environnementales soit réalisée[49].

[43]        Ainsi, le document complémentaire du SAD identifie les coupes d’arbres autorisées dans les aires boisées d’intérêt du territoire, lesquelles excluent la coupe à des fins de développement résidentiel et commercial. Aussi, pour les coupes permises, le document complémentaire prévoit que la superficie maximale de coupe permanente autorisée par lot ne peut excéder 10 % de la superficie d’origine des aires boisées, sans toutefois dépasser 1,5 ha[50].

[44]        Entre-temps, le 16 mai 2016, la Ville adopte son Plan de conservation des milieux humides et autres milieux naturels (Plan de conservation)[51], lequel identifie le secteur du Boisé Sabourin parmi les secteurs prioritaires pour la conservation et qualifie les lots de « milieu humide » et de « milieu boisé terrestre », équivalents au terme « écosystème d’intérêt confirmé » dans le SAD.

[45]        Le même jour, la Ville adopte des règlements modifiant ses règlements existants :

-       le Règlement modifiant le Règlement de zonage URB-Z2009 remplace les normes d’abattage d’arbres dans les milieux naturels protégés en ajoutant l’article 523 au Règlement de zonage URB-Z2009 qui reprend la liste de coupes d’arbres autorisées et les restrictions du document complémentaire du SAD[52];

-       le Règlement URB-PIIA2009-005 modifiant le Règlement relatif aux plans d’implantation et d’intégration architecturale URB-PIIA2009 afin d’ajouter des dispositions relatives à l’abattage d’arbres dans un milieu naturel protégé[53]; et

-       le Règlement URB-ADM2009-04 modifiant le Règlement relatif à l’administration des règlements d’urbanisme URB-ADM2009 concernant les renseignements et documents additionnels requis pour une demande de certificat d’autorisation pour l’abattage d’arbres dans un milieu naturel protégé[54].

[46]        Le 4 décembre 2017, la Ville adopte les quatre règlements de concordance entrés en vigueur le 23 mars 2018 :

-       le Règlement de zonage URB-Z2017[55];

-       le Règlement relatif au plan d’urbanisme URB-PU2017[56];

-       le Règlement de lotissement URB-L2017[57]; et

-       le Règlement relatif à l’administration des règlements d’urbanisme URB-ADM2017[58].

[47]        Enfin, le 26 août 2019, la Ville procède à l’adoption du Règlement relatif aux plans d’implantation et d’intégration architecturale URB-PIIA2019[59].

[48]        Étant assujettis à l’obligation minimale de se conformer au document complémentaire du schéma d’aménagement[60], les règlements adoptés reprennent les dispositions du règlement de contrôle intérimaire de l’agglomération de Longueuil et des règlements modificateurs de la Ville en ce qui a trait à l’abattage d’arbres, ces derniers devenant caducs au terme du processus de conformité[61].

[49]        À compter de la délivrance des certificats de conformité, le plan d’urbanisme et tous les règlements afférents sont réputés conformes aux objectifs du SAD et aux dispositions du document complémentaire[62].

[50]        Évaluant que l’adoption des dispositions réglementaires relatives à l’abattage d’arbres contenues dans le Règlement de zonage URB-Z2017 et les quatre autres règlements d’urbanisme les empêchent de jouir de leurs propriétés et de réaliser leurs projets immobiliers, les promoteurs introduisent leur recours en expropriation déguisée le 16 juin 2017.

2.            LES QUESTIONS EN LITIGE

[51]        L’analyse des principes de droit applicable en matière d’expropriation déguisée (3.1) nous amène à confirmer que, tel que défini dans le jugement en scission d’instance, ce recours soulève les questions suivantes :

Est-ce que la réglementation attaquée est valide? (3.2)

Est-ce que les terrains des demanderesses font l’objet d’une expropriation déguisée ou de facto? (3.3)

Quel moyen de réparation est approprié dans les circonstances? (3.1.3)

3.            L’ANALYSE

3.1        Les principes de droit applicable

3.1.1       Le recours en expropriation déguisée

[52]        Le droit de propriété n’est pas absolu.

[53]        L’article 6 de la Charte des droits et libertés de la personne stipule que « [t]oute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens » mais confirme également la sujétion du droit de propriété individuel à la législation et réglementation collective[63].

[54]        Concurremment, le Code civil du Québec définit la propriété comme « le droit d’user, de jouir et de disposer librement et complètement d’un bien, sous réserve des limites et des conditions d’exercice fixées par la loi. Elle est susceptible de modalités et de démembrements.[64] »

[55]        Les municipalités sont dotées du pouvoir d’exproprier des immeubles à des fins municipales, moyennant de justes compensations[65]. C’est la Loi sur l’expropriation[66] qui régit toutes les expropriations permises par les lois du Québec.

[56]        L’article 952 C.c.Q. prévoit que « [l]e propriétaire ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est par voie d’expropriation faite suivant la loi pour une cause d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité. »

[57]        En s’attaquant à la réglementation adoptée en vertu de cette dernière disposition, les promoteurs demandent à la Cour supérieure d’exercer son pouvoir général de contrôle sur la Ville en vertu de l’article 34 C.p.c.[67] Dès lors, le Tribunal doit faire preuve de retenue dans son analyse des règlements contestés. Il ne peut intervenir que s’il conclut que l’acte municipal s’avère déraisonnable[68].

[58]        Plus particulièrement, dans le dernier arrêt important de la Cour suprême en matière d’expropriation déguisée, Lorraine (Ville) c. 2646-8926 Québec inc. en 2018, celle-ci réitère que lorsqu’une administration municipale exerce abusivement son pouvoir de réglementer les usages permis, « pour des motifs obliques, notamment afin d’éviter le paiement d’une indemnité, on dit alors qu’il s’agit d’une expropriation déguisée[69]» Puis, la Cour rappelle que «[c]onstitue un abus de pouvoir le fait pour un organisme public d’exercer illégalement son pouvoir de réglementation, c’est-à-dire en dérogation des fins voulues par le législateur dans la délégation de ce pouvoir» et cite son arrêt de principe Immeubles Port Louis[70]:

Une municipalité doit exercer ses pouvoirs en poursuivant les fins voulues par le législateur. Elle entache ses actes et décisions si elle abuse de son pouvoir discrétionnaire. Un acte municipal posé à des fins déraisonnables ou condamnables ou à des fins non prévues par la loi est nul. Cette illégalité ne résulte pas de la violation de textes précis mais dérive de limites imposées par les tribunaux au pouvoir discrétionnaire de l’administration et touche le fond de la décision contestée puisque ce sont les motifs de l’acte qu’il faut évaluer. C’est ainsi que les tribunaux vérifieront si l’acte est frauduleux, discriminatoire, injuste ou empreint de mauvaise foi. Auquel cas il sera qualifié d’abus de pouvoir...

[Soulignements ajoutés]

[59]        Plus récemment, dans l’arrêt Ville de Saint-Rémi c. 9120-4883 Québec inc., la Cour d’appel revient sur les deux conditions applicables, soit l'effet restrictif du règlement et l'absence d'habilitation législative d’enlever la possibilité d’exercer tout usage sur un terrain[71].

[60]        D’une part, pour conclure à l’expropriation déguisée, la restriction imposée par le règlement « doit équivaloir à une suppression de toute utilisation raisonnable du lot, une négation de l’exercice du droit de propriété ou encore, à une «véritable confiscation» ou à une appropriation de l’immeuble[72]. »

[61]        D’autre part, la partie qui invoque une expropriation déguisée doit établir que la municipalité n’avait pas le pouvoir habilitant lui permettant d’adopter la réglementation contestée ou qu’elle utilise son pourvoir de réglementation d’une manière déraisonnable ou abusive[73]. Ultimement, si la loi lui accorde spécifiquement ce pouvoir, une municipalité pourra validement adopter un règlement ayant pour effet de prohiber tout usage d’un terrain, sans indemniser son propriétaire[74]. Nous y reviendrons plus en détail dans l’analyse qui suit.

3.1.2       Le pouvoir de réglementer des municipalités

[62]              Les municipalités ne jouissent que des pouvoirs que leur délèguent les législatures provinciales[75]. Les dispositions habilitantes permettant à une municipalité d’adopter un règlement de zonage ainsi que le contenu de ce règlement sont regroupées à l’article 113 LAU. Les paragraphes les plus pertinents aux fins du litige se lisent ainsi :

113.   Le conseil d’une municipalité peut adopter un règlement de zonage pour l’ensemble ou partie de son territoire.

Ce règlement peut contenir des dispositions portant sur un ou plusieurs des objets suivants:

2°      diviser la zone en secteurs de manière que chacun de ces secteurs serve d’unité territoriale pour l’application des dispositions des sous-sections 1 à 2.1 de la section V qui sont relatives à l’approbation référendaire et de manière que, dans chacun de ces secteurs, les normes d’implantation autorisées dans la zone puissent faire l’objet d’une réglementation subsidiaire de la part du conseil, à condition cependant que les normes quant aux usages permis soient uniformes dans tous les secteurs d’une même zone;

3°       spécifier, pour chaque zone, les constructions ou les usages qui sont autorisés et ceux qui sont prohibés, y compris les usages et édifices publics, ainsi que les densités d’occupation du sol;

[…]

12.1° régir ou restreindre la plantation ou l’abattage d’arbres afin d’assurer la protection du couvert forestier et de favoriser l’aménagement durable de la forêt privée;

[…]

16°    régir ou prohiber tous les usages du sol, constructions ou ouvrages, ou certains d’entre eux, compte tenu, soit de la topographie du terrain, soit de la proximité de milieux humides et hydriques, soit des dangers d’inondation, d’éboulis, de glissement de terrain ou d’autres cataclysmes, soit de tout autre facteur propre à la nature des lieux qui peut être pris en considération pour des raisons de sécurité publique ou de protection de l’environnement; prévoir, à l’égard d’un immeuble qu’il décrit et qui est situé dans une zone d’inondation où s’applique une prohibition ou une règle édictée en vertu du présent paragraphe, une dérogation à cette prohibition ou règle pour un usage du sol, une construction ou un ouvrage qu’il précise;

[Soulignements ajoutés]

[63]        Plusieurs décisions rendues en matière d’expropriation déguisée jugent de la situation où une municipalité use de son pouvoir de zoner (paragraphes 2 et 3) strictement à des fins d’utilité publique, ayant pour effet de priver les propriétaires privés des attributs de leur droit de propriété sans les indemniser[76], ce qui déroge aux fins voulues par le législateur dans la délégation de ce pouvoir[77].

[64]        Dès 1969, dans l’arrêt Sula c. Duvernay (Cité de), la Cour d’appel reconnaissait qu’« [e]n zonant comme parc l'immeuble de Sula il a prétendu permettre l'usage du terrain par le public. Il n'a pas prescrit l'usage que Sula pourra faire de son bien. Il lui en a défendu l'usage. Il n'a pas plus de droit sur son terrain que toute autre personne. Il est impensable que le législateur ait eu l'intention de permettre à une municipalité, sous le couvert d'un règlement de zonage, d'exproprier le terrain de Sula sans l'indemniser, contrairement à l'article 407 C.C. [aujourd’hui 952 C.c.Q.] [78] » Dans ce contexte, la Cour conclut qu’ « [u]n règlement qui ne permet à un propriétaire aucun usage de son terrain n’est pas un règlement de zonage mais une expropriation[79] ».

[65]        Dans l’affaire Montréal (Ville) c. Benjamin, la Cour d’appel accorde une indemnité à titre d’expropriation déguisée au propriétaire d’un terrain suivant l’adoption de règlements ayant pour effet de transformer le zonage d’industriel à un zonage restreint à des utilisations publiques limitées, privant ainsi le propriétaire de tout usage de son terrain. La Cour conclut que la ville de Montréal commet ainsi un abus de droit. En l’occurrence, la ville empiétait d’autant plus sur la propriété qu’elle l’incluait dans un parc municipal[80], ceci étant dit bien que la dépossession physique ne soit pas nécessaire[81].

[66]        La Cour suprême explique ceci dans l’arrêt Ville de Lorraine précité :

[27]    Il est acquis qu’une expropriation dite déguisée, dans la mesure où elle s’effectue sous le couvert d’un règlement de zonage, constitue un abus commis dans l’exercice du pouvoir de réglementation confié à l’organisme en la matière […]. En restreignant la jouissance des attributs du droit de propriété sur un bien à un point tel que leur titulaire s’en trouve exproprié de facto, une administration municipale déroge alors aux fins voulues par le législateur lorsqu’il a délégué à cette dernière le pouvoir de « spécifier, pour chaque zone, les constructions ou les usages qui sont autorisés et ceux qui sont prohibés » (Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, art. 113 al. 2(3)).

[Références omises; soulignements ajoutés]

[67]        Dans de tels cas, comme la Cour d’appel le réitère dans l’arrêt Ville de Léry c. Procureure générale du Québec, «le règlement qui ne permet au propriétaire d’exercer aucun usage sur son terrain n’est pas un règlement de zonage, mais une expropriation. La question de la bonne ou mauvaise foi de la municipalité, ou de sa « faute », devient alors tout à fait secondaire, pour ne pas dire sans pertinence[82]

[68]        Cependant, ces décisions se distinguent de celles qui traitent de pouvoirs exercés en vertu de dispositions réglementaires dont les effets prohibitifs sur le droit de propriété sont spécifiquement autorisés par la loi habilitante[83].

[69]        Dans Corporation municipale de Wendover & Simpson c. Filion[84], la municipalité avait adopté en 1972 un règlement de zonage interdisant toute construction sur des lots non adjacents à des chemins publics afin d'éviter d'encourir des frais élevés pour y amener des services. La même interdiction est réitérée en 1982 à la suite de l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Le propriétaire de lots vacants invoquait l’existence d'une expropriation déguisée équivalant à un abus de pouvoir par l'interdiction de construire sur un terrain qui n'est pas adjacent à une voie publique. Dans une décision unanime, le juge Brossard de la Cour d’appel s’exprime ainsi :

[30]    La dernière question en litige sur le présent appel consiste à déterminer s'il s'agit d'une expropriation déguisée, comme devait le conclure le premier juge, équivalant à un abus de pouvoir créant oppression et injustice criante. Je ne saurais non plus conclure en ce sens. En effet, le texte du règlement reproduit Verbatim la disposition habilitante correspondante de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme (art. 116.4 et 116.5). Conclure au caractère oppressif du règlement équivaudrait à dire que c'est la loi elle-même qui est oppressive et qui attribuerait aux municipalités un pouvoir d'expropriation sans indemnité. Or, cette disposition habilitante de la loi n'est nullement contestée.

[31]    Quant à la validité in se d'une interdiction de construire sur un terrain qui n'est pas adjacent à une rue publique, notre Cour paraît l'avoir confirmée dans l'affaire Weitzman c. Cité de WestmountCe n'est pas non plus parce qu'une loi ou un règlement de zonage tend à stériliser une partie du droit de propriété ou de son exercice, même de façon draconienne, qu'il en devient abusif et inopposable.

[Références omises; soulignements ajoutés]

[70]        Ce dernier extrait est cité par la Cour d’appel dans son arrêt Frelighsburg (Municipalité) c. Entreprises Sibeca Inc., confirmé par la CSC[85], dans un contexte similaire. À l’égard de l’expropriation déguisée, la juge Louise Mailhot écrit ceci :

[67]    Or, de nos jours, le droit de propriété est soumis aux impératifs collectifs. Les tribunaux acceptent qu'un règlement d'urbanisme puisse, au nom de l'intérêt collectif, affecter défavorablement la valeur d'un immeuble. Mais, toutefois, le règlement ne doit pas être tellement sévère qu'il constitue en fait une forme déguisée d'expropriation.

[68]    Tel n'est pas le cas en l'espèce. La jurisprudence considère que le règlement qui reprend l'une des dispositions de l'article 116 de la LAU, ne peut constituer une expropriation déguisée car le législateur le permet spécifiquement. Ainsi, une municipalité a le pouvoir de prohiber la construction sur un terrain non borné par une rue publique sans que cela ne constitue une expropriation déguisée. Ainsi, le fait d'avoir modifié les conditions de délivrance d'un permis de construction, par le truchement d'une clause sur les chemins publics, n'est pas en soi un acte de mauvaise foi. Les dispositions réglementaires étant autorisées par la loi, il ne peut y avoir abus de pouvoir constituant une expropriation déguisée.

[Références omises; soulignements ajoutés]

[71]        Puis, toujours dans cette affaire, la Cour suprême écrit à cet égard :

38        Le règlement de zonage modifié a été déclaré conforme au schéma d’aménagement, et aucune contestation de cette décision n’a été déposée.  Même si la conservation de l’environnement fait l’objet de lois spécifiques, la protection de l’environnement naturel du territoire municipal ne peut constituer un but illégitime pour un conseil municipal.  Corollairement, un tel objectif ne devient pas illégitime parce qu’il est poursuivi par des conseillers publiquement identifiés à la conservation du mont Pinacle.

[Soulignement ajouté]

[72]        Plus récemment, dans le contexte d'un projet visant à exploiter son parc industriel, la Ville de Saint-Rémi, à la suite de négociations avec le MDDELCC, consent à protéger une superficie de 14,31 hectares de milieux humides situés en zone industrielle, à titre de compensation pour pouvoir utiliser 3,76 autres hectares pour son parc. On reproche à la Ville d’avoir bradé le terrain des propriétaires à leur insu, alors qu’elle adopte un règlement de zonage faisant passer le zonage d’industriel à récréatif. L'effet de ce règlement et les restrictions qu'il impose privent les propriétaires de toute possibilité raisonnable d’exercer tout usage de leur terrain.

[73]        Dans son arrêt, la Cour d’appel résume les principes applicables ainsi :

[25]      Il est bien établi que l’obligation d’une municipalité d’indemniser le propriétaire d’un immeuble trouve sa source dans l’article 952 C.c.Q. et n’est susceptible de naître que si Ie règlement est à ce point restrictif qu’il rend impossible l’exercice du droit de propriété. La restriction imposée par le règlement « doit équivaloir à une suppression de toute utilisation raisonnable du lot, une négation de l’exercice du droit de propriété ou encore, à une “véritable confiscation” ou à une appropriation de l’immeuble ».

[26]     C’est donc l’effet même du règlement et l’absence d’habilitation législative d’enlever la possibilité d’exercer tout usage sur un terrain qui importe, et non le fait que la municipalité peut avoir conduit ses affaires sans en aviser le propriétaire de l’immeuble visé.

[Références omises; soulignements ajoutés]

[74]        Remarquons que la Cour note : « Cela dit, le règlement pourra validement prohiber tout usage d’un ou d’une partie d’un terrain sans obligation d’indemniser son propriétaire si la loi lui accorde spécifiquement ce pouvoir[86] ».

[75]        Selon la position de la ville dans cette affaire, si le règlement a un effet prohibitif, elle avait le pouvoir de l’adopter en vertu de l’article 113(2) par. 16 LAU.

[76]        La Cour d’appel ne lui donne pas raison. Elle constate qu’au moment de l’adoption du règlement attaqué, l’article 113(2) paragraphe 16 LAU en vigueur en 2011 permettait aux municipalités de «régir ou prohiber tous les usages du sol, constructions ou ouvrages, ou certains d'entre eux, compte tenu, […] de la proximité d'un cours d'eau ou d'un lac». Ainsi, la Cour a considéré que «l’objectif premier de cette disposition était la protection du cours d’eau lui-même, soit de ses rives et de son littoral», mais que tel que libellé à l’époque, le paragraphe 16 n’octroyait pas aux municipalités le pouvoir de prohiber sur les terrains couverts par un milieu humide[87]. La Cour conclut :

[39]      Ainsi, bien que la Ville possédait en 2011 le pouvoir d’adopter un règlement de zonage, elle ne possédait pas celui de prohiber tout usage et toute construction sur l’immeuble des intimées. En l’espèce, l’effet du règlement et les restrictions qu’il impose privent les intimées de toute possibilité d’utilisation raisonnable de leur terrain, ce que l’appelante a d’ailleurs admis lors d’une séance de gestion préalable à l’audition en première instance. Elle a donc confisqué leur propriété sans les indemniser.

[Référence omise]

[77]        Or, en 2017, le législateur a élargi ce pouvoir à la protection des milieux humides en modifiant le paragraphe 16[88] précité. Dès lors, la Cour d’appel souligne que le législateur réalise ainsi « l’importance de permettre aux municipalités d’étendre aux milieux humides la protection jusque-là limitée aux milieux hydriques[89] ».

[78]        En réalité, le paragraphe 16 de l’article 113(2) LAU confère expressément aux municipalités le mandat de réglementer, de régir et même de prohiber les usages, constructions ou ouvrages, en tenant compte de la nature des lieux, pour des raisons de sécurité publique et de protection de l’environnement. Un tel pouvoir est reconnu par les tribunaux, notamment dans les affaires Ville de Québec c. Galy, Wallot c. Québec (Ville de), Girouard c. Mont-St-Hilaire (Ville de) et Placements Mane Ltée c. Québec (Ville de).

[79]        Dans l’arrêt Galy, la Cour d’appel conclut que la décision de la Ville de Québec d’adopter un règlement modifiant une zone de fortes pentes dans le secteur de la rue de la Terrasse-Dufferin est raisonnable[90].

[80]        Dans l’affaire Wallot, la Cour d’appel confirme la validité du règlement de la Ville de Québec qui prévoit «qu’une construction, un ouvrage, des travaux ou l’abattage d’arbres sont interdits à moins de 20 mètres de la ligne des hautes eaux du lac Saint-Charles.[91]» Elle souligne que «[l]'analyse du règlement entrepris montre que celui-ci, selon les objectifs qu'il poursuit, participe aux valeurs fondamentales que sous-tendent les différentes législations et politiques de nature environnementale adoptées par le législateur québécois. La protection de l'environnement dans le respect du partage des compétences prévues à la Loi constitutionnelle de 1867 ne peut consister, pour un conseil municipal, en une fin illégitime[92]La Cour d’appel conclut que le règlement respecte les limites du pouvoir habilitant conféré par la loi. Par ailleurs, tout en reconnaissant que le règlement en cause n'est pas sans soulever chez les propriétaires certains inconvénients, la Cour maintient l’analyse du juge de première instance qui considère que leur immeuble n'a pas perdu toute sa valeur et que le règlement permet une multitude d'aménagements favorisant un usage raisonnable du droit de propriété.

[81]        Dans l’affaire Girouard[93], une nouvelle régle­mentation municipale adop­tée en décembre 2003 avait eu pour résultat d'inclure le lot des demandeurs dans une zone d'éboulis non constructible. La juge Geneviève Marcotte, alors à la Cour supérieure, rejette la requête en nullité des règlements municipaux et en indemnité pour expropriation déguisée, en l’absence d’abus de droit. Elle considère que la Ville ne peut être blâmée d’expropriation déguisée à l’endroit des propriétaires-demandeurs, jugeant que la prohibition de construire était légitime pour éviter les risques d’éboulis, dûment fondée sur des motifs de sécurité publique protégée par la LAU. La réglementation qui s’applique à l’ensemble des lots non construits dans le secteur visé n’est pas davantage jugée discriminatoire. La juge conclut que la Ville était justifiée d’adopter le règlement, aussi prohibitif soit-il[94].

[82]        En revanche, malgré la loi habilitante, il convient de souligner que l’exercice des pouvoirs réglementaires à des fins détournées demeure sanctionné par nos tribunaux, notamment si les contraintes particulières invoquées (la sécurité publique ou la protection environnementale) n’existent pas[95].

[83]        En somme, en matière d’expropriation déguisée, les tribunaux condamnent l’exercice du pouvoir réglementaire à des fins qui dérogent de celles voulues par le législateur, des fins déguisées pour priver le propriétaire de ses droits. Par contre, il y a lieu de reconnaître que des dispositions réglementaires peuvent validement prohiber tout usage d’un terrain sans indemnisation, si elles sont autorisées par une loi habilitante, et notamment en raison de l’état ou de la situation du terrain, pour des raisons légitimes liées à la sécurité publique et à la protection de l’environnement sous 113(2) par. 16 LAU.

[84]         C’est à  la lumière de ces principes que nous analyserons les questions en litige relatives à la validité de la réglementation municipale en litige (3.2) et à l’existence d’un abus menant à une expropriation déguisée (3.3).

[85]        Auparavant, il convient de répondre à la troisième question de droit soulevée par les parties eu égard au moyen de réparation approprié entre l’indemnité, la nullité et l’inopposabilité des règlements contestés.

3.1.3       Le moyen de réparation applicable

[86]        Jusqu’alors, les tribunaux donnaient le choix aux propriétaires de demander soit l’annulation ou la résolution de la réglementation municipale, soit une indemnité à titre d’expropriation déguisée[96].

[87]        Certains auteurs considèrent que la faculté de choisir entre les deux recours[97] est réitérée par la Cour suprême dans Ville de Lorraine en 2018, lorsqu’elle écrit ceci :

[2]        Dans les cas où une expropriation est effectuée en dehors de ce cadre législatif, pour des motifs obliques, notamment afin d’éviter le paiement d’une indemnité, on dit alors qu’il s’agit d’une expropriation déguisée. Ainsi, lorsqu’une administration municipale exerce abusivement son pouvoir de réglementer les usages permis sur son territoire dans le but de procéder à une expropriation sans verser d’indemnité, deux modes de réparation s’offrent alors au propriétaire lésé. Il peut demander que la réglementation qui a entraîné l’expropriation soit déclarée nulle ou inopposable à son égard. Dans l’éventualité où cette avenue ne lui était plus ouverte, il lui est loisible de réclamer le paiement d’une indemnité correspondant à la valeur du bien dont il est spolié.

[…]

[46]                          Cela dit, l’issue du présent pourvoi ne porte pas à conséquence sur les conclusions recherchées par la Société sur lesquelles le juge Emery n’a pas statué, y compris celle qui a trait à la réclamation d’une indemnité pour cause d’expropriation déguisée. Même si un demandeur ne satisfait plus aux conditions d’ouverture d’un pourvoi en contrôle judiciaire, il n’est pas pour autant privé du droit de solliciter, dans les cas qui le permettent et si la preuve étaye sa demande, le paiement d’une indemnité pour cause d’expropriation déguisée […].

[Références omises. Soulignements ajoutés]

[88]        Cependant, en 2020, dans son arrêt Ville de Québec c. Rivard[98], la Cour d’appel statue sur la question ainsi :

[62]        Dans l’arrêt Ville de Lorraine, la Cour suprême indique que l’on peut parler d’expropriation déguisée dans les cas où une administration municipale exerce abusivement de son pouvoir de réglementer les usages permis, dans le but de procéder à une expropriation sans avoir à verser d’indemnité. Dans ce cas, le propriétaire peut demander l’annulation du règlement ou le paiement d'une indemnité correspondant à la valeur du bien dont il est spolié.

[…] 

[70]        L’arrêt Ville de Lorraine, qui prévoit qu’un citoyen peut demander une indemnité lorsqu’il n’est plus en mesure de faire valoir son droit au contrôle judiciaire pour cause de tardiveté, n’a pas pour effet de permettre un recours alternatif visant à réclamer une indemnité et conserver les terrains, plutôt que de requérir l’annulation du règlement problématique.

[Référence omise; soulignements ajoutés]

[89]        Selon cette interprétation récente[99], il y a lieu de conclure que le propriétaire lésé n’a pas d’option et doit demander la nullité ou l’inopposabilité de la réglementation lorsqu’il est toujours dans le délai pour ce faire (art. 529 C.p.c.), mais s’il ne satisfait plus aux conditions d’ouverture, il peut toujours réclamer une indemnité et délaisser le terrain. Soulignons que cela lui impose de faire en plus la preuve de la négation de l’exercice du droit de propriété liée à l’expropriation déguisée, requise en vertu de l’article 952 C.c.Q.

[90]        Subsidiairement, la Ville fait valoir que les promoteurs ne subissent aucune perte, notamment parce qu’il n’y a aucune certitude qu’un éventuel projet immobilier obtienne l’assentiment du MDDELCC et le certificat afférent. Avec égards, le Tribunal estime que cet argument relevait de la deuxième étape du procès, celle de la quantification de l’indemnité, étant entendu que « [l]a valeur de cette indemnité ne s’établit […] pas en fonction de ce que l’acquisition du bien peut apporter à l’expropriant, mais bien afin d’indemniser l’exproprié de sa perte[100] ».

3.2        La validité de la réglementation municipale adoptée

[91]        Les articles 705 et 706 du Règlement de zonage URB-Z2017 entrés en vigueur en mars 2018[101] se lisent ainsi :

SECTION 4 PROTECTION DES BOISÉS

SOUS-SECTION 4.1 PROTECTION ET ABATTAGE D’ARBRES À L’INTÉRIEUR D’UN MILIEU NATUREL PROTÉGÉ

ARTICLE 705 INTERVENTIONS AUTORISÉES

Dans un milieu naturel protégé, tel qu’identifié au plan des contraintes joint à l’annexe C du présent règlement, seules les coupes d’arbres suivantes sont autorisées :

1°   La coupe d’amélioration;

2°   La coupe d’amélioration d’une érablière;

3°   La coupe d’assainissement;

4°   La coupe de dégagement;

5°   La coupe d’éclaircie;

6°   La coupe de jardinage;

7°   La coupe de nettoyage;

8°   La coupe de récupération;

9°   La coupe à des fins d’aménagement faunique, récréative extensive ou récréotouristique, telle que celle visant l’implantation de sentiers ou d’aménagements à des fins récréative, récréotouristique ou d’interprétation ou de constructions (bâtiment d’accueil, de services, d’interprétation, etc.), pourvu que la superficie coupée soit limitée à l’espace minimum requis pour leur implantation et utilisation adéquates;

10° La coupe permettant l’implantation de constructions et d’activités agricoles, pourvu que la superficie coupée soit limitée à l’espace minimum requis pour ces dernières et leur utilisation adéquate;

11° La coupe requise pour l’implantation d’une construction résidentielle autorisée en zone agricole en vertu de la LPTAA (résidence associée à une exploitation agricole, résidence privée dans un îlot déstructuré, etc.), lorsque la superficie coupée est limitée à l’espace minimum requis pour cette dernière et son utilisation adéquate;

12° La coupe requise pour l’aménagement d’une fenêtre ou d’un accès à un cours d’eau ou à un plan d’eau et autorisée en vertu du présent règlement;

13° La coupe requise pour la conservation, la protection et la mise en valeur d’habitats fauniques, incluant les travaux d’entretien et d’aménagement de cours d’eau;

14° La coupe requise pour l’implantation d’un chemin d’accès véhiculaire privé;

15° La coupe requise pour la mise en place et l’entretien d’équipements et d’infrastructures de transport d’énergie et de télécommunication;

16° La coupe requise pour éliminer un arbre représentant un danger pour les personnes, une construction, un équipement ou une voie de circulation et ses usagers.

Malgré le paragraphe 9° de l’alinéa précédent, seules les coupes visant à implanter des constructions, des installations et des aménagements légers visant la protection, la gestion ou la mise en valeur du milieu naturel protégé, tels un kiosque, un refuge, une capsule didactique, un mirador, une installation ou un aménagement d’accueil ou de services, une construction sur pilotis, un sentier pédestre, cyclable ou de ski de randonnée peuvent être autorisées.

ARTICLE 706 SUPERFICIES MAXIMALES DE COUPES AUTORISÉES

Les coupes d’arbres autorisées peuvent être permanentes (comme pour construction ou remise en culture d’une terre agricole, par exemple) ou temporaires (comme pour un chemin d’accès temporaire ou coupe sélective, etc., avec reboisement postérieur). Une coupe est donc permanente lorsque la perte en superficie boisée est définitive et temporaire lorsque la coupe est suivie d’un reboisement.

1° Coupes permanentes

La superficie maximale de coupe permanente autorisée par lot ne peut excéder 10 % de la superficie d’origine des aires boisées, sans toutefois dépasser 1,5 ha. Toute coupe permanente visant la remise en culture d’une terre agricole ou la construction de bâtiments agricoles doit être conditionnelle au dépôt d’un projet agricole conforme au présent règlement. […]  

[Soulignements ajoutés]

[92]        Les quatre autres règlements d’urbanisme harmonisent les définitions et règles applicables au plan d’urbanisme, à l’implantation et l’intégration architecturale et à l’obtention d’un certificat d’autorisation d’abattage d’arbres[102].

[93]        En l’espèce, les promoteurs font valoir que ces dispositions réglementaires les empêchent de faire toute coupe à des fins de développement résidentiel, ce qui va à l’encontre du zonage résidentiel des lots et les privent de toute possibilité d’utilisation raisonnable de leur propriété. Ils soutiennent que la Ville ne possède pas le pouvoir de prohiber tout usage et toute construction par l’entremise de restrictions en matière d’abattage d’arbres dans sa réglementation municipale.

[94]        Avec égards, au-delà du fait que les règlements en litige ont reçu l'approbation de l’agglomération de Longueuil et bénéficient de la présomption irréfragable de conformité, le Tribunal estime que la Ville était autorisée à les adopter en vertu des paragraphes 12.1 et 16 du deuxième alinéa de l’article 113 LAU. Voici pourquoi.

[95]        Ici, l’habilitation législative de la Ville se situe à deux niveaux : par son objet, soit l’abattage et la plantation, et par sa finalité, soit d’assurer la protection des milieux humides et de l’environnement.

[96]        D’abord, le paragraphe 12.1 de l’article 113(2) LAU permet à une municipalité de restreindre l’abattage d’arbres afin d’assurer la protection du couvert forestier et de favoriser l’aménagement durable de la forêt privée, ce qu’elle fait par l’adoption de son Règlement de zonage URB-Z2017, sans pour autant prohiber complètement la coupe d’arbres dans ce secteur

[97]        En effet, ce règlement restreint les coupes autorisées, intervient sur divers paramètres, notamment sur les fins recherchées, l’intensité et la superficie des coupes autorisées, à l’instar du règlement municipal dans l’affaire 9034-8822 Québec inc. c. Sutton (Ville de)[103]. Dans son arrêt, la Cour d’appel exprime les considérations suivantes :

[42]    Même si les articles 13.2.2 (fortes pentes) et 13.6.1 (coupe en altitude) énoncent des interdictions d’abattage, ils ne sont pas invalides pour autant. D’une part, comme l’a signalé avec justesse le juge, ces dispositions n’ont pas pour effet d’interdire toute coupe forestière sur l’ensemble du territoire municipal. Il aurait pu également ajouter qu’elles n’ont pas non plus pour conséquences d’empêcher toute exploitation forestière des propriétés des appelantes.

[43]    Par ailleurs, considéré dans son ensemble, le chapitre 13 relatif à l’abattage ne peut être considéré comme constituant un texte juridique purement prohibitif, même s’il contient des interdictions précises. Son interprétation globale permet de conclure qu’il ne contrevient pas au principe fondamental du droit municipal selon lequel un règlement ne peut être prohibitif et discriminatoire à moins que la loi habilitante ne l’autorise. Il est reconnu, en effet, que le pouvoir de réglementer une activité comporte le pouvoir d’en prohiber certains aspects sous peine de sanctions.

[Références omises; soulignements ajoutés]

[98]        En l’espèce, plusieurs coupes demeurent autorisées en vertu de la réglementation municipale, permettant des exploitations forestières, agricoles et à des fins d’aménagement faunique, récréative extensive ou récréotouristique, conformément aux fins voulues par le législateur lorsqu’il a délégué aux municipalités le pouvoir de restreindre l’abattage pour des raisons tout à fait légitimes.

[99]        Ensuite, dans la mesure où les règlements municipaux adoptés ont pour effet d’interdire toute construction résidentielle ou commerciale, le Tribunal est d’avis que la Ville avait la compétence de les adopter étant entendu que le paragraphe 16 de l’article 113(2) LAU lui accorde spécifiquement le pouvoir d’interdire tous les usages, constructions et ouvrages sur les milieux humides.

[100]     À ce sujet, pour rappeler l’importance et la légitimité des fins environnementales recherchées, on ne saurait mieux dire que la Cour d’appel dans l’arrêt Ville de Sutton[104] :

[50]    Aujourd’hui, la Cour suprême considère que la protection de l’environnement naturel du territoire municipal ne peut constituer un but illégitime pour un conseil municipal. En l’espèce, le législateur a même expressément confié aux autorités locales la responsabilité d’assurer la pérennité et le développement durable de la forêt privée par le moyen de l’insertion, au règlement de zonage, de normes pour régir et restreindre l’abattage.

[51]    L’octroi de responsabilités aux collectivités locales en matière de protection environnementale et de développement durable et l’utilisation à cette fin des techniques propres au droit de l’aménagement remonte aux années 80 et a débuté avec la protection des rives, du littoral et des zones inondables. Ce que le juge Baudouin écrivait à ce sujet en 1993 dans l’arrêt Abitibi (M.R.C.) c. Ibitiba ltée, en parlant des exigences d’un règlement de contrôle intérimaire en matière de protection des cours d’eau, s’applique avec tout autant de pertinence aux dispositions contenues dans un règlement de zonage en matière de contrôle de l’exploitation de la forêt privée :

La protection de l’environnement et l’adhésion à des politiques nationales est, à la fin de ce siècle, plus qu’une simple question d’initiatives privées, aussi louables soient-elles. C’est désormais une question d’ordre public. Par voie de conséquence, il est normal qu’en la matière, le législateur, protecteur de l’ensemble de la collectivité présente et future, limite, parfois même sévèrement, l’absolutisme de la propriété individuelle. Le droit de propriété est désormais de plus en plus soumis aux impératifs collectifs. C’est là une tendance inéluctable puisque, au Québec comme dans bien d’autres pays, la protection de l’environnement et la préservation de la nature ont trop longtemps été abandonnées à l’égoïsme individuel.

[…]

[Références omises; soulignements ajoutés]

[101]     Pour les fins qui nous occupent, faut-il le rappeler, le législateur a donné aux municipalités le pouvoir de régir, le pouvoir même de prohiber tout usage ou construction pour veiller à la protection des milieux humides.

[102]     Or, la Ville ne cache pas son intention de préserver intégralement les lots dans leur état naturel. La preuve révèle que les objectifs de préservation des milieux humides découlent du PMAD de la Communauté métropolitaine de Montréal, puis du SAD de l’agglomération de Longueuil et s’avèrent présents tout au long du processus d’adoption réglementaire, et notamment dans le Plan de conservation où la Ville explique ceci[105]:

5.1.2  Secteur du boisé Sabourin

Le secteur du boisé Sabourin comprend 13,44 ha de milieux humides situés sur des terrains privés, ce qui représente 15,2 % de tous les milieux humides visés par le plan de conservation.

Selon le SADR de l’agglomération de Longueuil, le boisé Sabourin est identifié comme un écosystème d’intérêt à documenter et est couvert par une affectation à dominance résidentielle. Des normes d’abattage d’arbre restrictives s’y appliquent d’ici à ce que ce milieu soit davantage documenté.

Le sous-secteur est abrite quatre complexes de milieux humides de superficie variable. Deux ont une valeur écologique élevée, alors que les deux autres ont une valeur écologique moyenne. Un de ces complexes a une superficie importante, soit 9,04 ha. La rainette faux-grillon de l’Ouest de la métapopulation du Grand bois de Saint-Bruno/Carignan (Angers et al. 2008) y a également été répertoriée (Tecsult, 2009).

Le sous-secteur ouest comprend six complexes de milieux humides et six milieux humides, tous de faible superficie. Un milieu humide a une valeur écologique élevée, alors que tous les autres ont une valeur écologique moyenne. Les milieux humides de ce secteur n’abritent pas d’espèces à statut précaire, mais plusieurs ont été répertoriées dans les milieux boisés avoisinants.

Le complexe de milieux humides CMH21 est isolé du reste du boisé Sabourin par la présence de la rue Gardenvale, bien qu’il fasse partie du même secteur.

L’ensemble du boisé Sabourin fait partie d’un corridor forestier liant le parc national du Mont-Saint-Bruno aux boisés longeant la limite municipale de Carignan. Il représente un maillon important de la trame verte et bleue identifiée au PMAD. De plus, ce secteur est situé en bordure du ruisseau Massé qui est un corridor essentiel à la faune, dont la sauvagine qui fréquente les étangs aérés de Saint-Basile-le-Grand et qui niche parfois le long du ruisseau Massé, en amont et en aval de ces étangs.

Le secteur comprend le 3e plus grand complexe de milieux humides à l’échelle du territoire. Les milieux humides y abritent une grande quantité d’habitats diversifiés, importants pour la faune et la flore. Ils sont connectés au ruisseau Massé et à sa branche 13 et contribuent ainsi au traitement des polluants et à la prévention des inondations en filtrant et en régulant l’eau qui se dirige vers ces cours d’eau.

Conservation de milieux naturels

Le plan prévoit la conservation de tous les boisés et friches du secteur afin de préserver l’intégrité des milieux humides et des fonctions qu’ils remplissent.

Ce secteur représente le quatrième plus grand massif boisé sur le territoire. Les milieux naturels de ce secteur forment une mosaïque diversifiée d’habitats et rendent plusieurs biens et services essentiels, dont la régulation du climat, l’amélioration de la qualité de l’air et le contrôle des eaux de ruissellement, de même que l’amélioration de la qualité de vie par la bonification des paysages. Un nombre important d’espèces y sont présentes incluant des espèces à statut précaire, dont la rainette faux-grillon de l’Ouest, espèce de statut vulnérable au Québec et menacée au Canada, dont le nombre de métapopulations dans le sud du Québec n’est plus que de neuf. Ces métapopulations subissent de grandes pressions anthropiques qui menacent leur viabilité (Équipe de rétablissement de la rainette faux-grillon de l’Ouest, 2010).

La branche 13 du ruisseau Massé traverse le secteur du boisé Sabourin du nord au sud. Le ruisseau Massé, corridor de déplacement de la rainette faux-grillon, longe également la portion ouest du secteur. La conservation des boisés du secteur viendra, par le fait, même assurer la conservation des bandes riveraines qui sont importantes pour l’amélioration de la qualité de l’eau et le contrôle de l’érosion.

Certains travaux de restauration des milieux humides pourraient être requis afin d’assurer leur maintien en bon état. De plus, certains travaux d’amélioration, en respect de la capacité de support du milieu, pourraient y être effectués lors d’une phase de mise en valeur, telle que l’augmentation de l’accessibilité et l’amélioration de la circulation par le transport actif (vélo, marche à pied, raquette, ski de fond, observation de la nature, etc.).

[Reproduit tel quel. Soulignements ajoutés]

[103]     À propos de la mise en œuvre de son Plan de conservation, la Ville mentionne ce qui suit :

Le plan de conservation des milieux humides vise à assurer la pérennité des milieux humides à conserver. À cet effet, il propose à la fois la protection des milieux humides et des milieux naturels qui les environnent. Aussi, il propose la protection des bandes riveraines des cours d’eau qui jouent un rôle important dans la connectivité des milieux humides. Pour assurer la protection à long terme de ces milieux, la Ville devra entreprendre une stratégie de mise en œuvre s’appuyant sur divers moyens et s’échelonnant sur une période de 10 ans.

[Reproduit tel quel. Soulignements ajoutés]

[104]     Parmi ces moyens, elle identifie :

6.2     LES MESURES RÉGLEMENTAIRES

Afin d’atteindre ses objectifs de conservation, la Ville compte utiliser ses pouvoirs réglementaires afin de protéger et de mettre en valeur les milieux naturels d’intérêt sur son territoire. De plus, la Ville se doit d’adopter un plan et des règlements d’urbanisme conformes au SADR de l’agglomération de Longueuil, lequel identifie des territoires d’intérêt écologiques et des grandes affectations du territoire favorisant leur conservation.

[…]

 

 

6.2.2  Contrôle de l’abattage d’arbres

L’ensemble des milieux humides à conserver visés par le plan de conservation sont situés en milieux boisés. Par conséquent il devient primordial de contrôler les activités d’abattage d’arbres dans ces milieux pour assurer le maintien du couvert forestier. Ainsi, des normes sur le contrôle de l’abattage d’arbres seront prévues au règlement de zonage.

Dans les milieux naturels à conserver, seules les coupes sélectives permettant d’assurer le maintien d’un couvert forestier uniformément réparti seront autorisées. De plus, la superficie maximale de coupe permanente autorisée par lot ne pourra excéder 10 % de la superficie d’origine des aires boisées, sans toutefois dépasser 1,5 ha.

[…]

6.3     ACQUISITION DE TERRAIN

L’acquisition de parcelles de terrains est un moyen efficace d’assurer la protection à perpétuité des milieux naturels qu’il renferme. Par ailleurs, certains milieux présentent un potentiel intéressant de mise en valeur afin de les rendre accessibles au public, tout en respectant la capacité de support du milieu. Ce moyen s’avère cependant dispendieux, c’est pourquoi la Ville priorisera l’acquisition des parcelles offrant un fort potentiel de mise en valeur pouvant bénéficier à l’ensemble des citoyens.

Les acquisitions pourront se faire de gré à gré avec les propriétaires ou par le biais d’ententes de compensation pour la perte de milieu humide. […]

[Reproduit tel quel. Soulignements ajoutés]

[105]     Il ressort clairement de ce qui précède que la Ville utilise ses pouvoirs réglementaires pour assurer la pérennité des milieux humides à conserver, notamment, en contrôlant les activités d’abattage d’arbres dans ces milieux pour assurer le maintien du couvert forestier.

[106]     Or, le paragraphe 16 de 113(2) LAU lui donne le pouvoir habilitant d’adopter les dispositions afférentes du Règlement de zonage URB-Z2017 et des autres règlements visant la protection des milieux humides. À cette fin, la Ville peut donc établir des prohibitions quant à la coupe d’arbres s’appliquant à certaines parties du territoire à l’exclusion d’autres, notamment en tenant compte des caractéristiques propres aux lots des promoteurs[106].

[107]     Ce faisant, la Ville respecte ses obligations minimales conformément au SAD adopté par l’agglomération de Longueuil.

[108]     La simple diminution de valeur des lots résultant de l’imposition de ces restrictions à leur utilisation ne peut altérer la validité de la réglementation[107]. Dans son arrêt Venne c. Commission de protection du territoire agricole du Québec[108], la Cour suprême écrit :

La Loi est une loi de zonage. Or, les lois et règlements de zonage tendent pour la plupart à "stériliser" une partie du droit de propriété et certains le font de façon draconienne.  Les tribunaux ne peuvent pour autant refuser de s'y conformer et de les appliquer.

[109]     En définitive, les contraintes imposées par la réglementation attaquée ne s’appuient pas sur le pouvoir de zoner (art. 113(2) par. 3 LAU), mais sur les pouvoirs spécifiques de régir et restreindre l’abattage d’arbres (art. 113(2) par. 12.1 LAU) et de protéger les milieux humides (art. 113(2) par. 16 LAU). En adoptant des dispositions réglementaires qui restreignent l’abattage d’arbres et ont pour effet de prohiber certains usages et constructions dans les milieux humides, le Tribunal estime que la Ville exerce son pouvoir législatif délégué d’assurer la protection de l’environnement.

3.3        L’existence d’un abus menant à une expropriation déguisée

[110]     Ayant conclu qu’un pouvoir habilitant permet l’adoption des règlements entrepris, la question se pose si la Ville a exercé son pouvoir de manière abusive ou déraisonnable[109].

[111]     Les promoteurs insistent sur l’effet abusif de la réglementation contestée, équivalente à une expropriation déguisée, les privant de tout usage raisonnable de leurs lots. Ils font valoir que la réglementation municipale adoptée ne permet plus l’abattage ne serait-ce que d’un seul arbre à des fins de construction, ce qui anéantit les projets des promoteurs immobiliers. Les promoteurs qualifient le comportement de la Ville d’abus de droit, en application des principes de la Cour d’appel dans l’arrêt Benjamin précité, et plaident que «[c]’est le fait que la municipalité utilise ses pouvoirs délégués de façon déraisonnable, qui nie l’exercice du droit de propriété d’un citoyen  et qui supprime toute utilisation raisonnable du lot, qui permet de conclure à une expropriation déguisée[110]

[112]     Certes, lorsqu’une municipalité agit strictement en vertu d’un pouvoir qui ne lui donne pas la compétence de prohiber tout usage sur un terrain (par exemple lorsqu’elle exerce son pouvoir de zoner à des fins d’utilité publique comme dans les affaires Benjamin et Ville de Lorraine[111]), l’effet prohibitif, la négation du droit de propriété, sera à lui seul constitutif d’un abus.

[113]     Ici, l’analyse qui précède nous confirme qu’en adoptant la réglementation en litige, la municipalité exerce son pouvoir de «prohiber tous les usages du sol, constructions ou ouvrages[112]» à proximité des milieux humides. En quelque sorte, ce ne sont pas les règlements municipaux qui empêchent le développement immobilier résidentiel des lots, mais bien leurs caractéristiques particulières et la présence de milieux humides, lesquels sont protégés par la LAU mais également par la Loi sur la qualité de l’environnement, en vertu de laquelle un certificat d’autorisation du ministre est requis aux fins d’ériger une construction, rappelons-le[113].

[114]     Or, les promoteurs ne contestent pas la disposition habilitante, ni le SAD de l’agglomération de Longueuil qui force la Ville à réglementer, à protéger les milieux humides.

[115]     On ne peut nier que le SAD et la nouvelle réglementation de la Ville aient pour effet d’empêcher le développement résidentiel et commercial envisagé et d’affecter la valeur des propriétés des promoteurs. Cependant, cela ne suffit pas pour conclure à leur expropriation.

[116]     Dans la mesure où l’opportunité de protéger des milieux humides situés dans le Boisé Sabourin visé par la réglementation est démontrée et raisonnable à la lumière de la preuve, il y a lieu de conclure que les dispositions réglementaires étant autorisées par la loi, il ne peut y avoir abus de pouvoir constituant une expropriation déguisée[114].

[117]     Aussi, les promoteurs formulent certains reproches à l’endroit de la Ville.

[118]     D’abord, ils rappellent que l’ancien Règlement de zonage URB-2009 permettait la réalisation d’un développement immobilier résidentiel et commercial. Cependant, « celui qui étant propriétaire, n’a pas construit, n’a pas utilisé un terrain ni obtenu un permis sous l’empire de l’ancienne norme réglementaire n’a aucun droit acquis vis-à-vis le nouveau règlement plus restrictif[115]. »

[119]     Ensuite, ils plaident que l’administration en place fait preuve de mauvaise foi, alors que la protection du Boisé Sabourin était un objectif politique du maire Murray et donc, qu’il utilise le pouvoir réglementaire de la Ville pour faire des lots une zone de conservation au bénéfice de ses citoyens, sans changer le zonage et sans dédommager les propriétaires expropriés.

[120]     Ceci dit avec égards, bien qu'il soit manifeste que le nouveau conseil municipal n'était pas favorable au développement du Boisé Sabourin au moment de son élection en novembre 2013, il n'y a pas pour autant une preuve de mauvaise foi de la part de la Ville ou de son conseil[116].

[121]     D’emblée, la réglementation adoptée ne se démarque pas de son contexte législatif, au contraire. La Ville est soumise à une exigence de conformité stricte[117], elle doit se conformer au SAD et à son document complémentaire dont elle reprend strictement les dispositions imposées dans sa réglementation, conformément à la LAU et aux pouvoirs réglementaires que cette loi lui confère.

[122]     Également, de façon raisonnable et sur la base des études effectuées en temps opportun[118], la Ville identifie le Boisé Sabourin parmi les « boisés et milieux naturels d’intérêt métropolitain et régional »[119] aux fins du SAD en 2014.

[123]     Bien qu’ils insistent sur le rôle important joué par la Ville dans la classification des lots (et suggèrent son ingérence), les promoteurs n’administrent aucune preuve pour contredire cette caractérisation de leurs lots.

[124]     En réalité, loin d’être déraisonnable, la présence de boisés et de milieux humides apparaît être connue des promoteurs déjà en 2004, elle explique que le premier développement se réalise d’abord à l’est pour leur permettre de réfléchir sur le sort et le plan liés à la conservation des milieux naturels[120]. Puis, en 2014, la Corporation reconnaît dans le préambule de son acte de servitude que l’immeuble (le Lot 2 114 326) possède « des caractéristiques écologiques, biologiques, floristiques et fauniques qui justifient la conservation »[121].

[125]     Pour sa part, convaincu par les études obtenues, le maire Murray et son administration étaient en droit de ne pas donner suite à la table de concertation. Comme le rappelle la décision Développements Lorraine-Baron inc. c. St-Lazarre
(Ville de)
[122]:

[66]    Ce n’est pas parce qu’un promoteur travaille sur un projet depuis plusieurs années que les municipalités ne peuvent changer leur façon de gérer leur territoire. Comme le dit la Cour d’appel dans Domaine Clermont c. Ville de Charlesbourg [référence omise] : « Ceux qui cherchent le profit, par ailleurs légitime, dans les projets de développement domiciliaire sont exposés aux aléas de la politique municipale ».

[126]     La preuve ne permet pas de conclure que la réglementation attaquée est fondée sur des motifs autres que la protection de l’environnement ou autrement, que ces motifs sont déraisonnables, sans fondement ou frivoles[123].

[127]     Soulignons que la réglementation adoptée n’est pas davantage discriminatoire puisqu’elle s’applique dans tout milieu naturel protégé du territoire, identifié dans le Plan de conservation puis dans l’Annexe C du Règlement de zonage URB-Z2017[124].

[128]     Enfin, les promoteurs déplorent que la Ville maintienne le zonage résidentiel des lots pour des raisons qualifiées de « loufoques[125] », et lui reprochent de ne pas effectuer un changement de zonage pour refléter ses objectifs de conservation, vraisemblablement pour ne pas s’exposer davantage dans ses poursuites en expropriation déguisée.

[129]     Or, contrairement à plusieurs autres pouvoirs énoncés à l’article 113 LAU, la Ville fait valoir que son pouvoir de régir afin d’assurer la protection du couvert forestier (par. 12.1) et celui de prohiber pour des raisons de protection de l’environnement (par. 16) ne sont pas des pouvoirs qui doivent être exercés « par zone ». Ces dernières dispositions lui permettent d’imposer des règles supplémentaires, ce que l’auteur Marc-André LeChasseur explique comme suit :

En second lieu, une variation de cette méthode est le zonage superposé ou dimensionnel (overlay zoning) où l’on conserve les zones existantes tout en y superposant certaines aires définies indépendamment des zones initiales et qui contiennent des exigences supplémentaires que les lots dans ces zones se doivent de respecter. Cette méthode est d’une grande utilité en matière de protection de l’environnement et du patrimoine, puisqu’on peut définir ainsi des zones de protection de manière flexible. On retrouve notamment ce genre de planification en matière de contraintes anthropiques ou naturelles suivant les paragraphes 16 et 16.1 de l’article 113 al. 2.[126]

[Soulignements ajoutés]

[130]     Cela rappelle l’analyse de cette question par l’auteur Jean-François Girard, publiée en 2007[127] :

Nous constatons ainsi que le paragraphe 12.1° n’impose pas de réglementer « par zone » comme le fait le paragraphe 12° et qu’il permet spécifiquement de viser « la forêt privée ». En fait, nous croyons que ce paragraphe, ajouté à la Loi en 1997, est révélateur de la volonté du législateur de voir les municipalités assumer un rôle important en matière de protection des boisés sur leur territoire. Volonté d’autant plus affirmée que le quatrième alinéa de l’article 113 prévoit que pour l’application de ce paragraphe 12.1o, « le règlement de zonage peut établir des règles qui varient selon les parties de territoire » de la municipalité. C’est donc dire qu’une municipalité peut édicter des mesures de protection visant directement les boisés et milieux forestiers privés sur son territoire, peu importe la zone où ils se trouvent. De plus, le libellé particulier de ce paragraphe indique que c’est véritablement la protection du couvert forestier, c’est-à-dire la canopée, qui est ici concernée contrairement, par exemple, à la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (L.R.Q., c. P-41.1 ; ci-après « L.P.T.A.A. ») qui ne prévoit que la protection des érables seulement.

Malgré la vraisemblable absence de jurisprudence au sujet du paragraphe 12.1°, nous sommes d’avis que c’est donc l’écosystème forestier qui peut être protégé par cette disposition, et ce, même sur les propriétés privées, sans que cela ne constitue de l’expropriation déguisée puisque le législateur accorde spécifiquement un tel pouvoir.

[Soulignements ajoutés]

[131]     Le Tribunal constate que l’article 113(2) par. 16 LAU ne contraint pas la municipalité à régir «par zone» lorsqu’il s’agit de protéger les milieux humides existants, de sorte qu’elle peut adopter un règlement de zonage pour l’ensemble de son territoire (art. 113(1) LAU), sans tenir compte de la ou des zones où ces milieux se trouvent. Ceci dit avec égards, rien n’oblige la Ville à modifier le zonage résidentiel du Boisé Sabourin vers une zone de conservation afin de tenir compte des caractéristiques particulières de la propriété des promoteurs. À juste titre, elle exerce son pouvoir délégué de réglementer pour protéger l’environnement, plutôt que celui de zoner (art. 113 (2) par. 2 et 3 LAU), dans des circonstances légitimes et raisonnables de le faire.

[132]     Remarquons que la Ville ne serait pas davantage forcée de changer pour une zone de conservation; elle pourrait notamment opter pour un zonage agricole, en permettant par exemple l’usage d’une érablière, compte tenu des constructions et coupes autorisées pour cette culture dans son Règlement de zonage URB-Z2017.

[133]     Par contre, dans l’éventualité où la Ville désire mettre en valeur les milieux naturels que les lots des promoteurs offrent, son Plan de conservation prévoit de les indemniser, comme elle a eu l’occasion de le faire avec certains propriétaires[128].

[134]     Dans les faits, jusqu’alors, la Ville n’a pas tenté de s’approprier indirectement les lots des promoteurs, pas plus qu’elle ne les a utilisés. Elle cherche essentiellement par sa réglementation à préserver l’intégrité des milieux humides sur ces propriétés, et ce, en conformité avec sa loi habilitante, le PMAD de la Communauté urbaine de Montréal et le SDA de l’agglomération de Longueuil, et ainsi à veiller à l'intérêt collectif[129].

[135]     À la lumière de ce qui précède, le Tribunal estime que la Ville interprète et exerce de façon raisonnable les pouvoirs qui lui sont délégués.

[136]     Enfin, les promoteurs contestent le fait qu’ils doivent payer des taxes sur des lots qu'ils ne pourront ni utiliser ni revendre[130]. Aucune conclusion particulière n’est recherchée à cet égard, mais les promoteurs pourront toujours faire valoir leurs droits, devant le forum approprié, notamment en contestant le rôle d'évaluation et le rôle de perception à la lumière des circonstances particulières du présent dossier.

[137]     En somme, le Tribunal considère que la réglementation adoptée par la Ville ayant pour effet de prohiber toute construction sur les lots des promoteurs rencontre les fins légitimes voulues par le législateur et est autorisée par la LAU. Les deman­deurs ne l’ont pas convaincu que la Ville a utilisé son pouvoir de réglemen­tation de mau­vaise foi ou à des fins illégitimes ou déraison­nables, ni qu'elle a agi de manière discri­minatoire à leur endroit. Dans les circonstances, la Ville ne peut être blâmée d’abus de pouvoir et d’expropriation déguisée à l’endroit des promoteurs.

[138]     Cela suffit pour rejeter le pourvoi des promoteurs.

[139]     Dans un souci d’exhaustivité, le Tribunal se prononce brièvement sur le deuxième critère lié à l’effet restrictif de la réglementation.

[140]     Certes, les promoteurs ne conservent qu’une jouissance limitée des lots, mais le Tribunal constate que certains de leurs droits subsistent.

[141]     D’abord, dans les faits, la Ville ne s’est pas appropriée réellement et matériellement la jouissance ou l’usage des terrains en litige. La preuve ne permet pas de conclure que les lots aient été mis de quelque façon que ce soit à la disposition de la municipalité ou de ses résidents.

[142]     Il n’est pas davantage démontré que les dispositions réglementaires amputent le droit de propriété de ses attributs fondamentaux, dont celui de l’usage exclusif[131]. D’ailleurs, les mêmes dispositions d’abattage d’arbres du règlement de contrôle intérimaire de l’agglomération de Longueuil[132] n’ont pas empêché la Corporation d’affecter une partie de son lot 2 114 326 d’une servitude réelle et perpétuelle de non-construction et de conservation, en compensation pour le développement d’un autre lot affecté de milieux humides[133].

[143]     Enfin, la Ville plaide que le libellé des dispositions réglementaires en vigueur prévoit spécifiquement certaines coupes autorisées liées à certains usages, de sorte que certaines formes d’exploitation forestières et agricoles ou à des fins d’aménagement faunique, récréative extensive ou récréotouristique demeureraient autorisées, mais aucune preuve n’a été administrée pour permettre au Tribunal d’en juger le potentiel.

4.            LES CONCLUSIONS

[144]     En somme, la réglementation municipale adoptée en mars 2018 atteint l’objectif législatif de protection des milieux humides, relève d’une interprétation raisonnable de la loi habilitante LAU, découle d’un processus conforme menant à son adoption et s’avère justifiée à la lumière de l’importance et de la valeur écologique des milieux humides sur les lots en litige. À défaut de démontrer le caractère déraisonnable de la réglementation municipale attaquée et l’expropriation déguisée, le recours des promoteurs doit être rejeté.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[145]     REJETTE la Demande introductive d’instance re-modifiée en date du
25 mai 2021
;

[146]     LE TOUT, avec les frais de justice en faveur de la Ville de Saint-Bruno-de-Montarville.

 

 

 

 

 

 

__________________________________

FLORENCE LUCAS, j.c.s.

 

 

 

Me Éric David

Me Olivier Beaubien

DSL, s.e.n.c.r.l./LLP

Pour les demanderesses

 

Me Marc Lalonde

Me Jeremy Dyck

Bélanger Sauvé S.E.N.C.R.L.

Pour la défenderesse

 

 

Dates d’audience :

31 mai, 1er, 2 et 3 juin 2021

 



[1]     Plan de conservation, section 6.2 Les mesures réglementaires, pièce P-25.

[2]     Art. 76 C.p.c.; pièce P-46.

[3]     Pillenière, Simoneau c. Ville de Saint-Bruno-de-Montarville, 2018 QCCS 488.

[4]     Procès-verbal du 31 mai 2021.

[5]     Photographies aériennes, pièces P-6A et P-6B.

[6]     Plans « Infolot », pièce P-5 en liasse.

[7]     Pièce P-18.

[8]     Règlement de zonage URB-Z2009, pièce P-18, notamment.

[9]     Pièces P-20.

[10]    Pièce P-6B; le Tribunal encercle en bleu le secteur développé entre 2004 et 2007.

[11]    Titres de propriété et des extraits de l’index aux immeubles du Registre foncier du Québec, pièces P-4A, P-4B et P-4C, en liasse.

[12]    Pièce P-7.

[13]    Pièce P-8.

[14]    Pièce P-9.

[15]    Pièce D-3.

[16]    Témoignage de Jean Larose, 1er juin 2021.

[17]    Pièces P-4B et P-4C.

[18]    Pièces P-8 et P-9; témoignage de Jean Larose, 1er juin 2021.

[19]    Pièce P-11.

[20]    Pièces P-4A et B et P-12.

[21]    Art. 22 de la Loi sur la qualité de l’environnement, chapitre Q-2 (LQE).

[22]    Loi concernant des mesures de compensation pour la réalisation de projets affectant un milieu humide ou hybride, chapitre M-11.4.

[23]    Pièce P-14.

[24]    Pièce P-15.

[25]    Pièce P-16.

[26]    Pièce P-17.

[27]    Des propriétaires de terrains du Boisé Sabourin, des propriétaires riverains, des représentants de la Ville, du Conseil régional de l'environnement de la Montérégie, du Comité consultatif en environnement, de la Fondation du Mont-Saint-Bruno, de Nature Action Québec et un expert biologiste.

[28]    Pièces P-41B à E.

[29]    Témoignages d’André Simoneau et Ernest Kuhnert, 31 mai 2021 et de Jean Larose, 1er juin 2021.

[30]    Témoignage de Jean Larose, 1er juin 2021.

[31]    Captation vidéo de la séance publique du Conseil de Saint-Bruno-de-Montarville du 16 mai 2016, pièce P-26, à partir de 1 : 57.

[32]    Témoignages d’Ernest Kuhnert, 31 mai 2021 et de Jean Larose, 1er juin 2021; Acte de servitude au Registre foncier du Québec sous le numéro 21 215 392, pièce P-36.

[33]    Pièce D-1.

[34]    Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, chapitre A-19.1 (LAU).

[35]    Loi sur le développement durable, chapitre D-8.1.1 (LDD).

[36]    Art. 3 LAU.

[37]    Art. 57.4 LAU.

[38]    Art. 5 al. 1 (4) LAU.

[39]    Art. 102 al.1 LAU.

[40]    Art. 2 LDD : « Dans le cadre des mesures proposées, le « développement durable » s’entend d’un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Le développement durable s’appuie sur une vision à long terme qui prend en compte le caractère indissociable des dimensions environnementale, sociale et économique des activités de développement. »

[41]    Pièce D-2.

[42]    Pièces P-20, P-21 et P-23B.

[43]    Pièce P-41T.

[44]    Pièce P-41V.

[45]    Schéma d’aménagement et de développement, pièce P-24 (SAD).

[46]    Id., SAD, cartes 27 et 28, p. 3.94 à 3.99.

[47]    SAD, carte 29, dispositions 3.339, 3.346 à 3.347, pièce P-24.

[48]    Témoignage de Jean Larose, 1er juin 2021; Interrogatoire au préalable de Jean Larose, 21 février 2019, p. 102 et 103.

[49]    SAD, disposition 3.346, pièce P-24.

[50]    Document complémentaire, dispositions 5.218 et 5.219, pièce P-24.

[51]    Pièce P-25.

[52]    Pièce P-27.

[53]    Pièce P-28.

[54]    Pièce P-29.

[55]    Pièce P-40.

[56]    Pièce P-38.

[57]    Pièce P-43.

[58]    Pièce P-39.

[59]    Pièce P-44.

[60]    Ville de Québec c. Galy, 2020 QCCA 1130, par. 53.

[61]    Pièce P-45.

[62]    Art. 45 LAU; Galy, préc., note 60, par. 53.

[63]    Art. 6 et 8 de la Charte des droits et libertés de la personne, chapitre C-12; Wallot c. Québec (Ville de), 2010 QCCS 1370 (CS), par. 158 à 167, confirmé par la Cour d’appel : 2011 QCCA 1165 (CA); Municipalité Régionale de comté d'Abitibi c. Ibitiba ltée, 1993 CanLII 3768 (QC CA), p. 6 à 8.

[64]    Art. 947 C.c.Q.

[65]    Habitations Germat inc. c. Ville de Lorraine, 2018 QCCS 5781, par. 17.

[66]    Loi sur l’expropriation, RLRQ, c. E-24.

[67]    Ville de Québec c. Rivard, 2020 QCCA 146, par. 19 à 21, 24, 32 à 35; Municipalité de Saint-Colomban c. Boutique de golf Gilles Gareau inc., 2019 QCCA 1402, par. 46 à 49; Wallot (CA), préc., note 63, par. 18, 20 et s.

[68]    Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), 2012 CSC 2, [2012] 1 R.C.S. 5; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65.

[69]    Lorraine (Ville) c. 2646-8926 Québec inc., 2018 CSC 35, par. 3; dans cette affaire, voir également l’arrêt de la Cour d’appel sur les critères de l’abus de droit qui justifient l’intervention de la Cour : 2016 QCCA 1803, par. 9 et s.

[70]    Lorraine, Id., par. 26, soulignement ajouté; Immeubles Port Louis Ltée c. Lafontaine (Village), [1991] 1 R.C.S. 326, p. 349.

[71]    Ville de Saint-Rémi c. 9120-4883 Québec inc., 2021 QCCA 630, par. 26.

[72]    Ville de Saint-Rémi, id., par. 25; Rivard, préc., note 67, par. 63 et 64.

[73]    Vavilov, préc. note 68; Catalyst Paper Corp, préc., note 68; Galy, préc. note 60, par. 44 à 46; Lorraine, préc. note 69, par. 2, 26, 27 et 42; Wallot (CA), préc., note 63, par. 18 et s.; Ville de Saint-Rémi, id., par. 26; Girouard c. Mont-St-Hilaire (Ville de), 2011 QCCS 4273, par. 108; Placements Mane ltée c. Québec (Ville de), 2006 QCCS 3709 (appel rejeté : 2007 QCCA 1450); Rivard, id., par. 21, 32 à 35.

[74]    Ville de Saint-Rémi, id, par. 25, note 9; Rivard, préc. note 67, Municipalité de Saint-Colomban, préc., note 67, paragr. 64-66; Wallot (CA), préc., note 63, par. 47; Jean Hétu, Yvon Duplessis et Lise Vézina, Droit municipal, principes généraux et contentieux, édition sur feuilles mobiles, vol. 1, Brossard, Les Publications CCH Ltée, section 8.159.

[75]    Catalyst Paper Corp., préc., note 68, par. 11 et 15.

[76]    Habitations Germat, préc., note 65, par. 12 à 16; Sula c. Duvernay (Cité de), 1970 C.A. 234

[77]    Lorraine, préc., note 69, par. 27.

[78]    Sula, préc., note 76, p. 235, soulignements ajoutés.

[79]    Id.

[80]    Montréal (Ville) c. Benjamin, 2004 CanLII 44591 (QC CA); situation similaire dans Dupras c. Ville de Mascouche, 2020 QCCS 2538, par. 95 et s.

[81]    Rivard, préc., note 67, par. 65.

[82]    Ville de Léry c. Procureure générale du Québec, 2019 QCCA 1375; voir la permission de faire appel : 2018 QCCA 630.

[83]    Girouard, préc., note 73, par. 116.

[84]    Wendover & Simpson c. Filion, 1992 CanLII 2981 (QC CA).

[85]    Frelighsburg (Municipalité) c. Entreprises Sibeca Inc., 2002 CanLII 41283 (QC CA), confirmé par : Entreprises Sibeca Inc, c. Frelighsburg (Municipalité) 2004 CSC 61 (CanLII), [2004] 3 RCS 304.

[86]    Ville de Saint-Rémi, préc. note 71, par. 25, note 9; Rivard, préc. note 67, Municipalité de Saint-Colomban, préc., note 67, paragr. 64-66; Wallot (CA), préc., note 63, par. 47; Droit municipal, principes généraux et contentieux, préc. note 74, section 8.159.

[87]    Ville de Saint-Rémi, id., par. 33 à 35.

[88]    Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques, L.Q. 2017, c. 14, art. 42; Id., par. 34 à 40.

[89]    Id., par. 37.

[90]    Galy, préc., note 60.

[91]    Wallot (CA), préc., note 63, par. 5; Règlement R.A.V.Q. 88, article 6.

[92]     Id., par. 39, soulignement ajouté.

[93]    Girouard, préc., note 73.

[94]    Id., par. 59 à 70, 73, 74, 108 à 120.

[95]    Jetté c. Carignan, 2012 QCCS 607, par. 16 et 20; Ma Baie inc. c. Rigaud (Municipalité de), 2003 CANLII 23196 (QC CS), par. 7, 45, 58 à 64; Girouard, préc., note 73, par. 116 et 117.

[96]    Habitations Germat inc., préc., note 65, par. 18.

[97]    Simon Pelletier et Frédéric Côté, «Développements récents en matière d'expropriation déguisée: distinction entre les recours en nullité, en dommages pour responsabilité extracontractuelle d'un organisme public et en expropriation déguisée», dans Barreau du Québec, Service de la formation continue, Développements récents en droit de l'environnement (2019), volume 468, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2019, p. 339.

[98]    Rivard, préc., note 67.

[99]    Alexandre Thériault-Marois, Rita Masri et Marie-Hélène Juneau-Voyer, «Expropriation déguisée: la Cour d'appel hausse la barre», dans Barreau du Québec, Service de la formation continue, Développements récents en droit municipal (2021), volume 490, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2021, p. 25.

[100]   Ville de Saint-Rémi, préc., note 71, par. 43.

[101]   Pièce P-40.

[102]   Pièces P-38, P-39, P-43 et P-44 (art. 191 à 193).

[103]   9034-8822 Québec inc. c. Sutton (Ville de), 2010 QCCA 858.

[104]   Ville de Sutton, id.; voir également Ibitiba, préc., note 63, p. 1066 à 1068.

[105]   Pièce P-25.

[106]   Wallot (CS), préc., note 63, par. 116.

[107]   Municipalité de Saint-Colomban, préc., note 67, par. 64.

[108]   Venne c. Commission de protection du territoire agricole du Québec, (1989) 1989 CanLII 84 (CSC), 1 R.C.S. 880.

[109]   Galy, préc., note 60, par. 44 à 46; Girouard, préc., note 73, par. 108.

[110]   Plan d’argumentation de la demanderesse, 2 juin 2021, par. 191 et 192 notamment.

[111]   Par. 62 à 67 du présent jugement.

[112]   Art. 116(2) par. 16 LAU.

[113]   Art. 22 LQE, préc., note 21; par. 23 du présent jugement; Société en commandite Investissements Richmond c. Québec (Procureure générale) (Ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques), 2015 QCCS 313, par. 56 à 58.

[114]   Frelighsburg (Municipalité), préc., note 85, par. 67 et 68; voir également Ville de Saint-Rémi, préc. note 71, par. 25, note 9; Wallot (CS), préc., note 63, par. 166 à 168; Wallot (CA), préc., note 63, par. 59 et 60; Girouard, préc., note 73, par 108, 114 et s.; Placements Mane Ltée, préc., note 73, par. 33 et s.; Wendover & Simpson, préc., note 84, par. 30 à 32; Droit municipal, principes généraux et contentieux, préc., note 74, par. 8.159.

[115]   Yale Properties Ltd. c. Ville de Beaconsfield, 2019 QCCA 344, par. 35.

[116]   Art. 6 et 7 C.c.Q.; Rivard, préc., note 67, par. 28.

[117]   « L’articulation du régime d’aménagement établi par la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme », préc., note 95, p. 13 à 15; Galy, préc., note 60, par. 50 à 53.

[118]   Plan de conservation préparé par le Centre d’information sur l’environnement de Longueuil et l’équipe rétablissement de la rainette faux-grillon de l’ouest au Québec, juin 2008, pièce D-3; Étude du milieu naturel de la firme Biome environnement, juin 2011, mise à jour 2013, pièce P-12

[119]   Pièce P-41T.

[120]   Contre-interrogatoire d’André Simoneau, 31 mai 2021; pièces P-6, P-9 et P-11.

[121]   Témoignages d’Ernest Kuhnert, 31 mai 2021 et de Jean Larose, 1er juin 2021.

[122]   Développements Lorraine-Baron inc. c. St-Lazare (Ville de), 2013 QCCS 2228.

[123]   Girouard, préc., note 73, par. 67 et 101.

[124]   Pièce P-25, partie 2, p. 34 et P-40d; Girouard, id., par. 118 et 119.

[125]   Contre-interrogatoire de Jean Larose, 1er mai 2021.

[126]   Marc-André LeChasseur, « Chapitre 8 - L’urbanisme de performance », dans Zonage et urbanisme en droit canadien, 3e éd., Wilson & Lafleur, CAIJ, Juribistro eDoctrine, p. 8.

[127]   Jean-François Girard, « La protection des milieux naturels par les municipalités : effervescence d’un droit en développement », dans Développements récents en droit de l’environnement (2007), SFCBQ, Yvon Blais, La Référence, EYB2007DEV1311, p. 30.

[128]   Pièce P-25, section 6.3 Acquisition de terrain.

[129]   Wallot (CA), préc., note 63. par. 53; Ville de Sutton, préc., note 103, par. 51.

[130]   Benjamin, préc., note 80.

[131]   Wallot (CA), préc., note 63, par. 51.

[132]   Pièce P-20 (10 juillet 2014).

[133]   Par. 32 du présent jugement; pièce P-36 (27 novembre 2014).

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