Décision

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Gabarit EDJ

Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Binette

2020 QCCDPHA 29

 

CONSEIL DE DISCIPLINE

 

ORDRE DES PHARMACIENS DU QUÉBEC

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

 

NO :

30-20-02084

 

 

 

DATE :

29 juillet 2020

 

 

 

 

 

LE CONSEIL :

Me MYRIAM GIROUX-DEL ZOTTO

Présidente

M. JÉRÔME LANDRY, pharmacien

Membre

Mme LISE HENRI, pharmacienne

Membre

______________________________________________________________________

 

 

 

Mme LYNDA CHARTRAND, en sa qualité de syndique de l’Ordre des pharmaciens du Québec

 

Plaignante

 

c.

 

Mme JULIE BINETTE, pharmacienne (membre 212642)

 

Intimée

 

______________________________________________________________________

 

 

 

DÉCISION SUR LA CULPABILITÉ ET LA SANCTION

 

______________________________________________________________________

 

 

 

APERÇU

[1]           Le Conseil de discipline est saisi de la plainte disciplinaire que Mme Lynda Chartrand (la plaignante), syndique de l’Ordre des pharmaciens du Québec (l’Ordre), porte contre Mme Julie Binette (l’intimée) lui reprochant d’avoir fait défaut de se comporter avec dignité, respect et intégrité envers l’Ordre en prétendant être l’unique propriétaire d’une pharmacie alors qu’elle a conclu une convention de prête-nom avec M. Jonathan-Yan Perreault (M. Perreault), anciennement pharmacien.

[2]           La plaignante blâme également l’intimée d’avoir illégalement accepté des avantages, autres que ceux relatifs à l’exercice de sa profession, en recevant des sommes d’argent totalisant plus de 139 000 $ d’un grossiste et de deux fabricants de médicaments génériques.

[3]           Le 18 juin 2020, l’intimée reconnaît avoir commis les infractions qui lui sont reprochées et les parties annoncent qu’elles présentent une recommandation conjointe au sujet des sanctions.

[4]           En conséquence, le Conseil déclare l’intimée coupable de l’ensemble des infractions contenues à la plainte après s’être assuré qu’elle a reçu les explications relatives au critère juridique applicable en matière de recommandation conjointe.

[5]           Par la suite, les parties exposent les sanctions qu’elles proposent d’imposer à l’intimée, à savoir les amendes respectives suivantes sur chacun des chefs d’infraction : 7 500 $, 8 000 $, 4 000 $ et 2 500 $, totalisant 22 000 $, en plus de l’adjudication des déboursés[1].

[6]           Elles suggèrent aussi qu’un délai de 12 mois soit accordé à l’intimée pour lui permettre d’acquitter le montant des amendes et des déboursés.

PLAINTE

[7]           La plainte disciplinaire visant l’intimée est ainsi libellée :

1.             Le ou vers le 4 décembre 2012, à Valcourt, district de Bedford, a fait défaut de se comporter avec dignité, respect et intégrité envers son ordre professionnel, laissant croire dans une déclaration sous serment transmis à la Secrétaire de l’Ordre des pharmaciens du Québec, qu’elle était l’unique propriétaire de la pharmacie située au 1038, rue St-Joseph à Valcourt, alors qu’elle avait conclu une convention de prête-nom avec M. Jonathan-Yan Perreault, anciennement pharmacien, par laquelle elle reconnaissait détenir uniquement 50% des actions de la pharmacie, contrevenant ainsi à l’article 79 du Code de déontologie des pharmaciens (RLRQ., c. P-10, r. 7);

2.             Entre le ou vers le 1er mars 2013 et le ou vers le 2 décembre 2015, alors qu’elle exerçait sa profession à sa pharmacie située au 1038, rue St-Joseph à Valcourt, district de Bedford, a illégalement accepté des avantages relatifs à l’exercice de sa profession en recevant des paiements totalisant environ 120 487,41 $ du grossiste McKesson Canada à titre de rabais sur l’achat de médicaments, contrevenant ainsi à l’article 50 du Code de déontologie des pharmaciens (RLRQ., c. P-10, r. 7);

3.             Entre le ou vers le 9 septembre 2014 et le ou vers le 8 mars 2016, alors qu’elle exerçait sa profession à sa pharmacie située au 1038, rue St-Joseph à Valcourt, district de Bedford, a illégalement accepté des avantages relatifs à l’exercice de sa profession en recevant des paiements totalisant environ 14 046,38 $ du fabricant de médicaments génériques Apotex Inc. en échange de la transmission de données statistiques concernant l’utilisation de produits pharmaceutiques et des renseignements sociodémographiques relatifs à la clientèle de la pharmacie, contrevenant ainsi à l’article 50 du Code de déontologie des pharmaciens (RLRQ., c. P-10, r. 7);

4.             Entre le ou vers le 15 septembre 2015 et le ou vers le 21 décembre 2015, alors qu’elle exerçait sa profession à sa pharmacie située au 1038, rue St-Joseph à Valcourt, district de Bedford, a illégalement accepté des avantages relatifs à l’exercice de sa profession en recevant des paiements totalisant environ 4 763,36 $ du fabricant de médicaments génériques Actavis à titre de rabais sur l’achat de médicaments, contrevenant ainsi à l’article 50 du Code de déontologie des pharmaciens (RLRQ., c. P-10, r. 7).

[Transcription textuelle]

QUESTION EN LITIGE

[8]           La question que soulève le présent recours est la suivante :

1)  Les amendes proposées par les parties sont-elles susceptibles de déconsidérer l’administration de la justice ou contraires à l’intérêt public?

[9]           Le Conseil répond par la négative à cette question pour les motifs exposés ci-après.

CONTEXTE

[10]        En juillet 2012, l’intimée devient membre de l’Ordre et exerce la profession de pharmacienne depuis ce temps[2].

[11]        Elle est actuellement l’unique pharmacienne-propriétaire de la Pharmacie Uniprix Julie Binette (la Pharmacie), située au 1038, rue Saint-Joseph, à Valcourt.

[12]        Peu de temps après l’obtention de son permis d’exercice, un dirigeant du groupe Uniprix communique avec l’intimée dans l’objectif de recruter des pharmaciens souhaitant devenir propriétaires de la Pharmacie.

[13]        Elle comprend alors que la bannière Uniprix verserait la mise de fonds pour l’aider à acquérir la Pharmacie.

[14]        Cette offre suscite un grand intérêt chez l’intimée qui espère devenir pharmacienne-propriétaire éventuellement, mais n’est pas en mesure de financer par elle-même ce projet, étant nouvellement graduée.

[15]        Toutefois, elle comprend rapidement qu’elle doit trouver un autre investisseur qu’Uniprix pour réaliser l’achat de la Pharmacie qu’elle convoite.

[16]        Elle poursuit ses discussions avec les dirigeants d’Uniprix pour tenter de trouver du financement et on l’invite à se rendre au siège social pour évaluer les différentes options qui s’offrent à elle.

[17]        Lorsque l’intimée s’y présente, elle rencontre un employé de M. Perreault qui lui fait part de l’intérêt de ce dernier à acheter la Pharmacie à parts égales avec elle.

[18]        Lors de cette rencontre, on explique à l’intimée qu’elle doit cependant signer une convention de prête-nom pour éviter de dévoiler son association avec M. Perreault aux autres pharmaciens d’Uniprix, puisque ce dernier est propriétaire de plusieurs pharmacies, ce qui risque de susciter des sentiments de jalousie.

[19]        Pendant sa période de réflexion, l’intimée consulte l’avocate recommandée par l’un des dirigeants d’Uniprix afin de valider la légalité de l’utilisation d’un prête-nom dans ce cas.

[20]        L’intimée, ignorant alors que l’avocate consultée est la fille d’un autre dirigeant d’Uniprix, est rassurée par l’avis que cette dernière lui formule et décide d’accepter l’offre de M. Perreault.

[21]        Le 29 novembre 2012, elle signe une entente confidentielle intitulée « Uniprix Inc. Programme de conformité Formulaire d’adhésion » prévalant entre un membre d’Uniprix et La Corporation McKesson Canada (McKesson).

[22]        En adhérant à ce programme de conformité, l’intimée s’engage notamment à acheter 90 % des produits offerts à la Pharmacie auprès de McKesson en contrepartie d’un versement mensuel d’une allocation professionnelle.

[23]        Le 6 décembre 2012, l’intimée produit à l’Ordre une déclaration sous serment concernant l’achat de la Pharmacie, en mentionnant que la société par actions « Pharmacie Julie Binette inc. » est l’unique propriétaire.

[24]        Le même jour, elle signe un engagement intitulé « convention de prête-nom et reconnaissance de droit de propriété » au bénéfice de M. Perreault.

[25]        Par cette convention, elle déclare que, malgré tout document lui attribuant 100 % des droits de propriété de la Pharmacie, elle n’en détient réellement que 50 %, et ce, tant qu’à l’égard de la partie commerciale qu’à celle de l’officine.

[26]        La convention précise qu’elle détient l’autre 50 % pour et au nom de M. Perreault, qui est l’autre véritable propriétaire de la Pharmacie à parts égales avec elle. L’intimée reconnaît aussi la somme d’argent que M. Perreault verse par le biais d’Uniprix dans le cadre de l’acquisition de la Pharmacie.

[27]        Enfin, elle s’engage à conserver l’existence et le contenu de la convention de prête-nom strictement confidentiels et à ne pas en divulguer la teneur à quiconque.

[28]        Entre le 1er mars 2013 et le 2 décembre 2015, l’intimée reçoit des paiements totalisant environ 120 487,41 $ du grossiste McKesson à titre de rabais sur l’achat de médicaments, dans le cadre du programme de conformité.

[29]        Le 1er avril 2014, M. Perreault signe au nom de la Pharmacie une « entente pour la prestation de services par une pharmacie » avec Apotex Inc., un fabricant de médicaments génériques.

[30]        Une entente similaire est également conclue entre la Pharmacie et Actavis, un autre fabricant de médicaments génériques.

[31]        Entre le 9 septembre 2014 et le 8 mars 2016, l’intimée accepte des avantages relatifs à l’exercice de sa profession en recevant des paiements totalisant environ 14 046,38 $ d’Apotex Inc., en échange de la transmission de données statistiques concernant l’utilisation de produits pharmaceutiques et des renseignements sociodémographiques relatifs à la clientèle de la Pharmacie.

[32]        Le 1er avril 2015, l’intimée signe avec Apotex Inc. une « entente pour la prestation de services avec une pharmacie ».

[33]        Entre le 15 septembre et le 21 décembre 2015, elle accepte des avantages relatifs à l’exercice de sa profession en recevant des paiements totalisant environ 4 763,36 $ d’Actavis à titre de rabais sur l’achat de médicaments.

[34]        Le 1er mars 2016, l’intimée produit à l’Ordre une déclaration sous serment d’association ou ajout d’actionnaire modifiée, en identifiant M. Perreault comme propriétaire associé/actionnaire de la Pharmacie.

[35]        Le 3 mars 2016, le bureau du syndic de l’Ordre reçoit une demande d’enquête anonyme au sujet d’une formule de prête-noms que certains pharmaciens associés à M. Perreault utilisent et des programmes illégaux de conformité conclus entre les bannières Uniprix et des grossistes et des fabricants de médicaments.

[36]        Par la suite, le bureau du syndic ouvre une enquête disciplinaire concernant une quarantaine de pharmaciens-propriétaires, dont l’intimée fait partie.

ANALYSE

Les principes de droits applicables à une recommandation conjointe

[37]        Conformément à l’arrêt Anthony-Cook[3] de la Cour suprême du Canada, c’est le critère de l’intérêt public qui doit guider le juge lorsqu’il est saisi d’une recommandation conjointe des parties relativement à la peine à imposer à une personne déclarée coupable d’une infraction criminelle.

[38]        Dans l’affaire Génier[4], le Tribunal des professions confirme que ce critère s’applique en matière disciplinaire lorsqu’une suggestion commune des parties est présentée au sujet de la sanction.

[39]        Suivant le raisonnement exprimé dans l’arrêt Anthony-Cook, un conseil de discipline doit s’abstenir d’écarter une recommandation conjointe à moins que la sanction proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou d’être contraire à l’intérêt public.

[40]        Concrètement, cela signifie que le conseil de discipline ne peut adhérer à l’entente des parties si la sanction négociée est susceptible de faire perdre au public raisonnable et renseigné des circonstances de l’affaire sa confiance dans l’institution des tribunaux.

[41]        La Cour suprême du Canada énonce aussi que les juges du procès doivent aborder la recommandation conjointe telle qu’elle leur est présentée et qu’ils peuvent s’informer des circonstances à l’origine de la recommandation conjointe, en particulier tous les avantages obtenus par le ministère public ou toutes les concessions faites par l’accusé.

[42]        Puisque les juges du procès sont tenus de ne s’écarter que rarement des recommandations conjointes, la Cour suprême du Canada rappelle que les avocats ont l’obligation corollaire de s’assurer qu’ils justifient amplement leur position en fonction des faits de la cause. Les passages suivants de l’arrêt Anthony-Cook sont à cet effet :

[54]       Les avocats doivent évidemment donner au tribunal un compte rendu complet de la situation du contrevenant, des circonstances de l’infraction ainsi que de la recommandation conjointe sans attendre que le juge du procès le demande explicitement. Puisque les juges du procès sont tenus de ne s’écarter que rarement des recommandations conjointes, [traduction] « les avocats ont l’obligation corollaire » de s’assurer qu’ils « justifient amplement leur position en fonction des faits de la cause, tels qu’ils ont été présentés en audience publique » (rapport du comité Martin, p. 329). La détermination de la peine — y compris celle fondée sur une recommandation conjointe — ne peut se faire à l’aveuglette. Le ministère public et la défense doivent [traduction] « présenter au juge du procès non seulement la peine recommandée, mais aussi une description complète des faits pertinents à l’égard du contrevenant et de l’infraction », dans le but de donner au juge « un fondement convenable lui permettant de décider si [la recommandation conjointe] devrait être acceptée » (DeSousa, par. 15; voir aussi Sinclair, par. 14).

[55]       Cela ne veut pas dire que les avocats doivent informer le juge du procès [traduction] « des positions qu’ils ont adoptées lors des négociations ou du contenu de leurs discussions ayant mené à l’entente » (R. c. Tkachuk, 2001 ABCA 243, 293 A.R. 171, par. 34). Les avocats doivent cependant être en mesure d’expliquer au juge pourquoi la peine qu’ils recommandent n’est pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou n’est pas par ailleurs contraire à l’intérêt public. S’ils ne le font pas, ils courent le risque de voir le juge du procès rejeter la recommandation conjointe.

[Transcription textuelle]

[43]        Cela étant établi, comment le Conseil est-il en mesure d’apprécier la recommandation conjointe?

[44]        En plus de considérer les fondements de l’entente intervenue entre les parties au sujet de la sanction, l’examen des éléments pertinents à la détermination de la sanction peut aider le conseil de discipline à décider si la sanction que les parties proposent respecte le critère de l’intérêt public.

[45]        Sur quels éléments doit-il alors porter son attention?

[46]        C’est l’arrêt Pigeon c. Daigneault[5], de la Cour d’appel du Québec, qui fait état des critères d’imposition de la sanction disciplinaire. Voici les extraits pertinents à retenir :

[37]       La sanction imposée par le Comité de discipline doit coller aux faits du dossier. Chaque cas est un cas d’espèce.

[38]       La sanction disciplinaire doit permettre d’atteindre les objectifs suivants : au premier chef la protection du public, puis la dissuasion du professionnel de récidiver, l’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables et enfin, le droit par le professionnel visé d’exercer sa profession (Latulippe c. Léveillé (Ordre professionnel des médecins), 1998 QCTP 1687 (CanLII), [1998] D.D.O.P. 311; Dr J. C. Paquette c. Comité de discipline de la Corporation professionnelle des médecins du Québec et al, 1995 CanLII 5215 (QC CA), [1995] R.D.J. 301 (C.A.); et R. c. Burns, 1994 CanLII 127 (CSC), [1994] 1 R.C.S. 656).

[39]       Le Comité de discipline impose la sanction après avoir pris en compte tous les facteurs, objectifs et subjectifs, propres au dossier.   Parmi les facteurs objectifs, il faut voir si le public est affecté par les gestes posés par le professionnel, si l’infraction retenue contre le professionnel a un lien avec l’exercice de la profession, si le geste posé constitue un acte isolé ou un geste répétitif, …   Parmi les facteurs subjectifs, il faut tenir compte de l’expérience, du passé disciplinaire et de l’âge du professionnel, de même que sa volonté de corriger son comportement.   La délicate tâche du Comité de discipline consiste donc à décider d’une sanction qui tienne compte à la fois des principes applicables en matière de droit disciplinaire et de toutes les circonstances, aggravantes et atténuantes, de l’affaire.

[Transcription textuelle]

[47]        Dans l’affaire Chevalier[6], le Tribunal des professions ajoute ce qui suit quant aux critères applicables examinés dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault :

[18]       Le Tribunal note que le juge Chamberland a parlé « au premier chef » de la protection du public, puis la dissuasion du professionnel de récidiver, puis l’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession et enfin le droit par le professionnel visé d’exercer sa profession. Ainsi, ce droit du professionnel ne vient qu’en quatrième lieu, après trois priorités.

[Transcription textuelle]

[48]        Le Tribunal des professions dans l’affaire Chouinard[7] rappelle que l’imposition d’une sanction constitue le juste équilibre entre les différents objectifs énoncés par la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault[8].

[49]        Dans l’arrêt Mailloux c. Deschênes[9], la Cour d’appel du Québec souligne qu’il est opportun de considérer les sanctions tant de façon individuelle que dans le contexte du critère de la proportionnalité et de la globalité lorsque la plainte en contient plus d’une.

[50]        C’est dans la perspective des paramètres exposés précédemment que le Conseil répond à la question en litige.

L’application du droit aux faits particuliers du présent dossier

Les facteurs objectifs

[51]        L’intimée ayant enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’égard des quatre chefs d’infraction contenus à la plainte, elle reconnaît avoir enfreint les dispositions de rattachement suivantes du Code de déontologie des pharmaciens[10] (le Code de déontologie) invoquées au soutien de ceux-ci :

Le chef 1

79. Le pharmacien doit, dans ses rapports avec l’Ordre, se comporter avec dignité, courtoisie, respect et intégrité.

Les chefs 2 à 4

50. Le pharmacien ne doit accepter aucun avantage relatif à l’exercice de la pharmacie, en plus de la rémunération à laquelle il a droit. Il peut toutefois accepter un remerciement d’usage ou un cadeau de valeur modeste.

De même, il ne doit verser, offrir de verser ou s’engager à verser à quiconque tout avantage relatif à l’exercice de sa profession.

[52]        Ces deux catégories d’infraction seront abordées individuellement pour une meilleure compréhension.

Contravention à l’article 79 du Code de déontologie (chef 1)

[53]        L’article 32 de la Loi sur la pharmacie[11] exige que toute personne faisant l’acquisition d’une pharmacie envoie au secrétaire de l’Ordre, au plus tard à la date de la prise de possession de celle-ci, une copie de son titre et une déclaration faite sous serment mentionnant ses nom, prénom, qualité et résidence et la date de l’acquisition.

[54]        Dans le cas d’une société, comme la Pharmacie, l’alinéa 2 de cette disposition prévoit que la déclaration doit contenir les nom, qualité et résidence de chacun des associés ou actionnaires. Une telle déclaration doit être faite et remise au secrétaire, dans un délai de 30 jours, chaque fois qu’il survient quelque changement dans les noms des associés ou actionnaires.

[55]        En affirmant à l’Ordre et au Registraire des entreprises du Québec être l’unique propriétaire de sa Pharmacie alors qu’elle a conclu une convention de prête-nom avec M. Perreault, l’intimée induit volontairement l’Ordre et le public en erreur.

[56]        Il s’agit d’une faute objectivement grave considérant la mission de protection du public dévolue à l’Ordre[12] et les qualités personnelles requises pour exercer la profession de pharmacien.

[57]        Le Conseil fait sienne l’analyse suivante du conseil de discipline de l’affaire Dupont[13] :

[45]       L’article 79 du Code de déontologie des pharmaciens se retrouve sous la section « Relations avec l’Ordre » au sein du chapitre « Devoirs et obligations envers la profession ».

[46]       Afin de lui permettre d’assurer sa mission de protection du public, il est essentiel que l’Ordre connaisse l’identité de tous les propriétaires d’une pharmacie.

[47]       De plus, l’honnêteté et l’intégrité sont deux valeurs fondamentales que doit posséder un pharmacien. (…)

[Références omises]

[58]        Cela étant dit, on doit considérer que l’infraction reprochée à l’intimée en lien avec l’article 79 du Code de déontologie constitue un acte isolé en raison de l’unique déclaration sous serment visée par le chef 1.

[59]        Concernant les conséquences découlant de la conduite reprochée à l’intimée en lien avec cette disposition, il y a absence de preuve que le public ou un client en subit un préjudice.

[60]        Cependant, selon le Tribunal des professions dans Lemire c. Médecins[14] :

Il ne faut pas oublier cependant que même si la réalisation du risque n’a pas été démontrée ou constatée, il n’en demeure pas moins que la faute reprochée ne peut être envisagée qu’en relation avec les conséquences éventuelles d’un tel oubli, qu’elles se soient réalisées ou non.

[Transcription textuelle]

[61]        Suivant la logique exprimée par le Tribunal des professions, on ne peut ignorer qu’un tel comportement est susceptible de miner la confiance du public tant à l’égard de l’intimée qu’à l’égard des autres membres de la profession qui sont aussi pharmaciens-propriétaires.

[62]        Cette seule possibilité suffit à établir la gravité objective de l’infraction à l’étude.

Contraventions à l’article 50 du Code de déontologie (chefs 2 à 4)

[63]        Cette disposition se retrouve à la section « Indépendance, désintéressement et conflit d’intérêts » au chapitre intitulé « Devoir et obligations envers le patient ».

[64]        En acceptant illégalement des avantages relatifs à l’exercice de sa profession de la part d’un grossiste et de fabricants de médicaments génériques, l’intimée se place en situation d’apparence de conflits d’intérêts alors qu’elle a l’obligation de préserver son indépendance[15] et de subordonner son intérêt personnel, et celui de la société de pharmaciens dans laquelle elle exerce la pharmacie ou dans laquelle elle a des intérêts, à celui de son patient[16].

[65]        L’indépendance et l’apparence d’indépendance sont essentielles à l’exercice de la pharmacie.

[66]        Cela permet de maintenir la confiance du public envers la profession et la crédibilité que ce dernier accorde aux membres exerçant cette discipline.

[67]        À propos de la perception du public, dans l’arrêt Salomon[17], la Cour d’appel écrit ceci :

Protection du public

[75]       De fait, la mission première des ordres professionnels - et singulièrement celle de leur comité de discipline - est d’assurer la protection du public.  Je suis plutôt d’accord avec l’avocat de Salomon lorsqu’il plaide que l’article 55.1 C.p. vise à assurer une protection immédiate au public et que les autres critères, dont l’exemplarité, doivent demeurer l’apanage du Comité de discipline.  Par ailleurs, je ne suis pas certain, contrairement à ce que prétend l’avocat de Salomon, qu’on puisse tracer une cloison étanche entre la protection du public et la perception du public.  La dernière n’est-elle pas une composante de la première?

[Soulignements ajoutés]

[68]        Une conduite similaire à celles pour lesquelles l’intimée est déclarée coupable aux chefs 2 à 4 est certainement de nature à semer le doute dans l’esprit du public quant à la capacité du pharmacien à subordonner son intérêt personnel, et celui de la société de pharmaciens dans laquelle il exerce la profession et a des intérêts, à celui de son patient.

[69]        À l’évidence, l’exigence d’indépendance est d’autant plus nécessaire lorsque, comme en l’espèce, le pharmacien a un intérêt total ou partiel dans la pharmacie où il fournit des services au public.

[70]        À ces éléments s’ajoute l’impossibilité des patients à connaître l’existence d’ententes prévalant entre des grossistes ou des fabricants de médicaments et la pharmacie où ils se rendent.

[71]        L’inaccessibilité de ce genre d’information et le fait qu’ils n’ont pas les connaissances spécialisées du pharmacien placent inévitablement les patients dans une situation de vulnérabilité en ce qu’ils sont incapables d’apprécier totalement le service professionnel qui leur est rendu.

[72]        D’où l’importance que la conduite du pharmacien soit exemplaire à cet égard, tant en apparence que dans les faits.

[73]        Les seules exceptions à la prohibition de l’article 50 du Code de déontologie sont prévues de façon spécifique à l’article 51 du même Code qui doit se lire de concert avec le Règlement sur les avantages autorisés à un pharmacien[18]. Dans ces cas, le législateur limite le montant des allocations professionnelles qu’un pharmacien-propriétaire peut recevoir d’un fabricant de médicaments, pour des achats de médicaments assurés, à 15 % de la valeur totale de ces achats.

[74]        L’objectif principal d’un tel encadrement est d’éviter que le mercantilisme l’emporte sur le professionnalisme du pharmacien et nuise à la protection du public.

[75]        Dans le présent dossier, le fait que les infractions des chefs 2 à 4 soient fondées sur l’article 50 du Code de déontologie, combiné aux périodes de ces infractions et au fait qu’un grossiste et deux fabricants de médicaments sont en cause, établit qu’il ne s’agit pas d’un acte isolé.

[76]        Quant aux conséquences découlant de ces trois mêmes infractions, en dépit de l’absence de preuve à cet égard, tel qu’expliqué précédemment, ce genre de conduite est susceptible d’ébranler la confiance du public à l’égard de la profession.

[77]        En l’occurrence, cela sème le doute qu’à titre de pharmacienne-propriétaire, l’intimée s’abstient de privilégier ses intérêts pécuniaires au détriment de ses obligations professionnelles.

[78]        Au surplus, il ne s’agit pas d’une conduite permettant d’établir et de maintenir la relation de confiance prévalant entre le pharmacien et son patient.

[79]        Dans l’arrêt Marston[19], la Cour d’appel du Québec souligne la nécessité de s’intéresser d’abord à l’infraction comme telle avant d’individualiser la sanction en tenant compte des particularités du professionnel visé.

[80]        À cet égard, la Cour d’appel du Québec réfère à un article de l’auteur Me Pierre Bernard[20] discutant de l’affaire Avocats (Corp. professionnelle des) c. Schneiberg où le comité de discipline s’exprime ainsi relativement à la pondération des différents facteurs à examiner pour la détermination d’une sanction :

Les facteurs subjectifs doivent être utilisés avec soin. On ne doit pas leur accorder une importance telle qu’ils prévalent sur la gravité objective de l’infraction puisqu’ils portent sur la personnalité de l’intimé alors que la gravité objective porte sur l’exercice de la profession.

[Transcription textuelle]

[81]        Cela signifie que les facteurs subjectifs ne constituent pas des éléments suffisants pour occulter la gravité objective des fautes que l’intimée commet, leur impact sur l’intégrité et la dignité de sa discipline, sur le caractère dissuasif associé à une sanction disciplinaire et leur effet sur la protection du public.

[82]        Par ailleurs, le Conseil doit respecter la finalité du droit disciplinaire qui n’est pas de punir le professionnel, mais de corriger un comportement fautif, favoriser sa réhabilitation et susciter son adhésion au système professionnel afin de lui permettre d’exercer sa profession de façon sécuritaire pour le public[21].

[83]        Or, pour que la protection du public soit préservée, la sanction doit non seulement être proportionnelle à la gravité des actes reprochés, mais elle doit être individualisée, c’est-à-dire adaptée aux circonstances particulières du professionnel.

[84]        Quelles sont les particularités à considérer concernant l’intimée?

Les facteurs subjectifs pertinents aux quatre chefs d’infraction contenus à la plainte

[85]        À titre de facteurs atténuants, le Conseil retient que l’intimée reconnaît d’emblée la perpétration de l’ensemble des infractions qui lui sont reprochées et exprime des remords sincères devant le Conseil.

[86]        De plus, elle n’a pas d’antécédents disciplinaires et collabore avec la plaignante et le Conseil pour rendre le processus disciplinaire le plus efficace possible.

[87]        Pour expliquer ses fautes, l’intimée insiste sur son manque d’expérience professionnelle en matière d’acquisition et de gestion d’une pharmacie.

[88]        La preuve révèle effectivement que l’intimée est inscrite au Tableau de l’Ordre en juillet 2012 et qu’elle achète sa Pharmacie le 6 décembre 2012, donc très peu de temps après avoir obtenu son permis d’exercice.

[89]        Sans excuser sa conduite d’un point de vue déontologique, cela atténue significativement l’infraction qu’elle commet au premier chef.

[90]        Il en est de même pour le chef 2, puisque l’intimée signe l’entente avec McKesson le 29 novembre 2012.

[91]        Quant au chef 3, on ne peut passer sous silence le fait que c’est M. Perreault et non l’intimée qui conclut au nom de la Pharmacie une « entente pour la prestation de services par une pharmacie » avec Apotex Inc.

[92]        Ce constat amoindrit légèrement sa faute au moins jusqu’au 1er avril 2015, soit la date à laquelle l’intimée signe une nouvelle entente avec Apotex Inc.

[93]        En outre, bien que l’entente avec Apotex Inc. prévoit que la Pharmacie lui fournit la prestation de services de collecte de données mensuelles relatives aux activités de dispensaire, notamment des renseignements concernant l’utilisation de produits pharmaceutiques et des renseignements sociodémographiques de nature générale, cela exclut les informations protégées par la législation en vigueur pour assurer la protection de la vie privée des personnes concernées.

[94]        En conséquence, les informations que l’intimée transmet à Apotex Inc. ne compromettent pas la vie privée de patients. Il s’agit aussi d’une particularité permettant d’atténuer sa faute.

[95]        Relativement au chef 4, l’intimée accepte illégalement des avantages d’Actavis du 15 septembre au 21 décembre 2015. Elle a donc environ trois ans d’expérience professionnelle au moment des faits, ce qui constitue un délai de pratique relativement court pour une pharmacienne-propriétaire.

[96]        Pour les chefs 2 à 4, on ne peut faire abstraction des nombreux aspects que l’intimée doit intégrer à sa pratique à la suite de l’acquisition de sa Pharmacie et de l’impact de son manque d’expérience professionnelle et de connaissances, en général et spécifiquement dans la gestion d’une pharmacie, sur sa capacité à apprécier le caractère répréhensible des gestes qu’elle pose en dérogation à l’article 50 du Code de déontologie dans le contexte de l’emprise qu’exerce M. Perreault sur l’aspect financier de la Pharmacie.

[97]        Quant aux facteurs aggravants, mentionnons :

·      L’avantage que l’intimée tire de l’infraction qu’elle commet au premier chef, puisque sans l’investissement de M. Perreault, elle aurait été incapable d’acquérir la Pharmacie;

·      Pour les chefs 2 à 4, les avantages pécuniaires illégaux, autres que ceux relatifs à l’exercice de sa profession, dont elle bénéficie en recevant des sommes d’argent totalisant plus de 139 000 $ d’un grossiste et de deux fabricants de médicaments génériques;

·      La période relativement longue de près de deux ans pendant laquelle elle reçoit illégalement des sommes d’argent de McKesson et celle d’environ un an et demi durant laquelle Apotex Inc. lui en verse.

[98]        Le Tribunal des professions dans Chbeir[22] établit que le risque de récidive est un facteur pertinent à la détermination d’une sanction disciplinaire adéquate. Il appartient au Conseil de l’apprécier en fonction de la preuve dont il est saisi.

[99]        Que nous révèle la preuve à cet égard?

[100]     La plaignante estime que le risque est faible, voire nul, que l’intimée répète la première infraction fondée sur l’article 79 du Code de déontologie.

[101]     De son côté, l’intimée est d’avis qu’il n’y a pas de raison qu’elle adopte le même genre de comportement fautif. Elle explique sa faute professionnelle par son manque d’expérience et indique qu’elle n’hésitera pas dorénavant à prendre les moyens pour éviter de se retrouver dans une situation semblable, par exemple en retenant les services d’un avocat pour la représenter ou en consultant d’autres professionnels si nécessaire.

[102]     Relativement aux chefs 2 à 4, à savoir les infractions en lien avec l’article 50 du Code de déontologie, la plaignante évalue le risque de récidive comme étant moyen à faible.

[103]     En revanche, pour établir qu’elle ne représente plus un risque pour le public pour ce genre d’infraction, l’intimée invoque avoir été sollicitée dans le cadre d’un autre programme de conformité sans par ailleurs y avoir adhéré.

[104]     Le Tribunal des professions dans Mailloux[23] est d’opinion que le comportement subséquent d’un professionnel peut être pris en compte pour évaluer le risque de récidive.

[105]     Dans le cas de l’intimée, la perpétration des contraventions a lieu entre 2012 et 2016. Entre 4 et 8 ans s’écoulent donc sans que d’autres incidents disciplinaires semblables ne surviennent.

[106]     Eu égard à ce constat et à la preuve, le Conseil a peu de craintes quant aux possibilités que l’intimée récidive à l’avenir, et ce, pour les deux catégories d’infraction dont elle est coupable.

[107]     D’une part, non seulement l'intimée semble comprendre les raisons à l’origine de ses fautes, mais d’autre part, le présent recours, jumelé à son expérience professionnelle acquise depuis les faits, supporte son affirmation qu’elle fera désormais preuve d’une plus grande vigilance.

La jurisprudence

[108]     Pour étayer leur recommandation conjointe, les parties soumettent plusieurs décisions à l’appréciation du Conseil pour les deux types d’infractions reprochées à l’intimée.

[109]     Elles seront abordées individuellement par souci de clarté.

Les décisions relatives à une contravention à l’article 79 du Code de déontologie (chef 1)

[110]     À cet égard, les parties citent huit décisions[24] visant des membres de l’Ordre.

[111]     Il ressort de la lecture de ces affaires qu’à l’exception de la décision Perreault[25], tous les autres professionnels se voient imposer une amende de 7 500 $ ou de 10 000 $.

[112]     De plus, hormis l’affaire Valiquette[26], les autres émanent de recommandations conjointes ayant suscité l’adhésion des conseils de discipline.

[113]     Cela peut expliquer la ressemblance des sanctions imposées en raison du critère juridique applicable dans ces circonstances.

[114]     Le Conseil note également que cinq des huit affaires données en exemple impliquent M. Perreault. La trame factuelle de ces recours disciplinaires est donc relativement similaire et invite à faire preuve d’une certaine cohérence quant aux sanctions imposées.

[115]     En outre, bien qu’une période de radiation temporaire de 60 mois soit imposée à M. Perreault, ce cas est très peu comparable à la situation de l’intimée en ce qu’il concerne un stratagème de prête-noms. Il est effectivement reproché à ce dernier d’avoir fait de fausses déclarations quant aux intérêts détenus dans 14 pharmacies.

[116]     Eu égard à l’analyse jurisprudentielle qui précède, l’amende de 7 500 $ proposée par les parties s’harmonise avec les sanctions disciplinaires imposées dans le passé pour une infraction à l’article 79 du Code de déontologie.

Les décisions relatives à une contravention à l’article 50 du Code de déontologie (chefs 2 à 4)

[117]     Pour cette catégorie d’infraction, les parties retiennent 13 décisions[27].

[118]     Trois des treize membres de l’Ordre visés se voient imposer une période de radiation temporaire jumelée à une amende, et les autres sont sanctionnés au moyen de l’imposition d’une amende dont le montant varie en partie en fonction de l’avantage pécuniaire versé par les fabricants de médicaments génériques ou le grossiste en cause.

[119]     Examinons d’abord les cas où une période de radiation temporaire est imposée.

[120]     Concernant M. Perreault[28], il est condamné à purger une radiation de 36 mois combinée à une amende de 12 500 $ en raison de l’obtention d’avantages pécuniaires totalisant plus de 174 000 $ en contravention à l’article 50 du Code de déontologie.

[121]     Dans l’affaire Kourdi[29], la professionnelle se voit radiée pendant un mois pour avoir exigé le paiement d’honoraires professionnels injustifiés, ceux-ci étant parfois plus élevés que le prix d’acquisition du médicament. Toutefois, dans ce cas, le conseil de discipline a tenu compte de la situation financière difficile de la professionnelle considérant qu’elle a déjà fait cession de ses biens et qu’elle présente une situation financière précaire, et ce, afin que la sanction n’acquière pas un caractère punitif.

[122]     À la suite d’un débat, le conseil de discipline de l’affaire Valiquette[30], impose des périodes de radiation d’un mois et une amende de 4 000 $ ou de 8000 $. Il appert que M. Perreault est le cousin de Mme Valiquette, et que cette dernière est en situation de récidive en raison d’une entente de conciliation qu’elle a conclue précédemment. Par cette entente, elle s’engage à payer 4 000 $ et reconnaît que cela tient lieu d’amende antérieure en cas de récidive pour des infractions de même nature.

[123]     Dans les dix autres cas étudiés[31], les professionnels sont condamnés à payer une amende dont le montant varie entre 3 000 $ et 12 500 $.

[124]     Les amendes de 8 000 $, 4 000 $ et 2 500 $ suggérées par les parties constituent donc des sanctions qui se situent dans la fourchette de celles imposées dans les décisions présentées par les parties.

Conclusion quant à la recommandation conjointe au sujet des sanctions

[125]     Sous l’éclairage de tout ce qui précède, le Conseil juge que les sanctions recommandées par les parties respectent le critère de l’intérêt public puisqu’elles ne sont pas susceptibles de déconsidérer l’administration de la justice ni contraires à l’intérêt public.

[126]     Il y a donc lieu d’y souscrire.

EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, UNANIMEMENT :

Sous le chef 1 :

[127]     A DÉCLARÉ l’intimée coupable d’avoir enfreint l’article 79 du Code de déontologie des pharmaciens.

Sous les chefs 2 à 4 :

[128]     A DÉCLARÉ l’intimée coupable d’avoir enfreint l’article 50 du Code de déontologie des pharmaciens.

ET CE JOUR :

[129]     IMPOSE à l’intimée la sanction suivante par chef d’infraction :

·      Sous le chef 1 : une amende de 7 500 $;

·      Sous le chef 2 : une amende de 8 000 $;

·      Sous le chef 3 : une amende de 4 000 $;

·      Sous le chef 4 : une amende de 2 500 $.

[130]     CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés.

[131]     ACCORDE à l’intimée un délai de 12 mois pour acquitter le paiement des amendes et des déboursés, et ce, au moyen de versements mensuels égaux.

[132]     ORDONNE que tout manquement par l’intimée dans l’acquittement de ses paiements mensuels entraîne l’exigibilité immédiate du solde impayé, sans autre avis ni délai.

 

__________________________________

Me MYRIAM GIROUX-DEL ZOTTO

Présidente

 

 

 

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M. JÉRÔME LANDRY, pharmacien

Membre

 

 

 

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Mme LISE HENRI, pharmacienne

Membre

 

Me Catherine Pariseault

Avocate de la plaignante

 

Me Stéphane Martin

Avocat de l’intimée

 

Date d’audience :

18 juin 2020

 



[1]     Pièce P-2.

[2]     Pièce P-1.

[3]     R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43, [2016] 2 RCS 204.

[4]     Notaires (Ordre professionnel des) c. Génier, 2019 QCTP 79.

[5]     2003 CanLII 32934 (QC CA).

[6]     Chevalier c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des), 2005 QCTP 137.

[7]     Chouinard c. Notaires (Ordre professionnel des), 2016 QCTP 89, paragr. 120.

[8]     Pigeon c. Daigneault, supra, note 5.

[9]     2015 QCCA 1619.

[10]    RLRQ c. P-10, r. 7.

[11]    RLRQ c. P-10.

[12]    Code des professions, RLRQ c. C-26, article 23.

[13]    Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Dupont, 2019 CanLII 88488 (QC CDOPQ).

[14]    2004 QCTP 59; Duguay c. Dentistes (Ordre professionnel des), 2019 QCTP 31, paragr. 180.

[15]    Code de déontologie des pharmaciens, supra, note 9, article 45.

[16]    Id., article 44.

[17]    Salomon c. Comeau, 2001 CanLII 20328 (QC CA).

[19]    Marston c. Autorité des marchés financiers, 2009 QCCA 2178, paragr. 68.

[20]    Pierre Bernard, « La sanction en droit disciplinaire : quelques réflexions », dans Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2004, p. 87-88.

[21]    Chen c. Médecins (Ordre professionnel des), 2015 QCTP 84, paragr. 124-125.

[22]    Médecins (Ordre professionnel des) c. Chbeir, 2017 QCTP 3, paragr. 90.

[23]    Mailloux c. Médecins (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 113, paragr. 64.

[24]    Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Perreault, 2017 CanLII 49532 (QC CDOPQ); Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Valiquette, 2019 CanLII 20194 (QC CDOPQ); Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Kouremenos, 2018 CanLII 69941 (QC CDOPQ); Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Lecompte, 2018 CanLII 127671 (QC CDOPQ); Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Cloutier, 2019 CanLII 24383 (QC CDOPQ); Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Dupont, supra, note 12; Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Deschênes, 2019 CanLII 42072 (QC CDOPQ); Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Ung, 2019 CanLII 100530 (QC CDOPQ).

[25]    Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Perreault, supra, note 24.

[26]    Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Valiquette, supra, note 24.

[27]    Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Perreault, supra, note 24; Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Kourdi, 2016 CanLII 84195 (QC CDOPQ); Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Valiquette, supra, note 24; Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Fortier, 2017 CanLII 35568 (QC CDOPQ); Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Cloutier, supra, note 24; Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. De La Bruère, 2019 CanLII 90070 (QC CDOPQ); Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Dupont, supra, note 12; Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Kouremenos, supra, note 24; Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Ung, supra, note 24; Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Ratté, 2016 CanLII 82211 (QC CDOPQ); Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Mallette, 2019 CanLII 103441 (QC CDOPQ); Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Di Genova, 2014 CanLII 40480 (QC CDOPQ), confirmé par Di Genova c. Pharmaciens (Ordre professionnel des), 2016 QCTP 144; Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Audette, 2013 CanLII 31826 (QC CDOPQ).

[28]    Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Perreault, supra, note 24.

[29]    Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Kourdi, supra, note 27.

[30]    Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Valiquette, supra, note 24.

[31]    Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Fortier, supra, note 26; Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Cloutier, supra, note 23; Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. De La Bruère, supra, note 26; Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Dupont, supra, note 12; Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Kouremenos, supra, note 23; Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Ung, supra, note 23; Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Ratté, supra, note 26; Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Mallette, supra, note 26; Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Di Genova, supra, note 26; Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Audette, supra, note 26.

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