Décision

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Bizier c. Pavage Estrie Beauce

2024 QCCQ 3924

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

FRONTENAC

LOCALITÉ DE

THETFORD MINES

« Chambre civile »

 :

235-32-700467-223

 

 

 

DATE :

18 juin 2024

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

FRANÇOIS LEBEL, J.C.Q.

 

______________________________________________________________________

 

 

SONIA BIZIER

Partie demanderesse

c.

PAVAGE ESTRIE BEAUCE

Partie défenderesse

et

JEANNOT DAIGLE INC.

Partie mise en cause

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

L’APERÇU

[1]                Insatisfaite des travaux de pavage de son entrée, la demanderesse, Sonia Bizier (madame Bizier) réclame à la partie défenderesse Pavage Estrie Beauce (Pavage) la somme de 11 478. 53 $[1].

[2]                Tout en reconnaissant que l’allée de madame Bizier est problématique, Pavage est d’avis que les problèmes vécus par la demanderesse s’expliquent par une déficience des travaux préparatoires à l’exécution du pavage, lesquels ont été exécutés par la compagnie d’excavation Jeannot Daigle Inc. (Daigle). Pavage appelle donc en garantie cette dernière.

[3]                Puisque la problématique de l’allée de madame Bizier n’est pas niée par Pavage et Daigle, il revient véritablement à déterminer qui en est responsable et quels seraient les dommages, le cas échéant.

LE CONTEXTE

[4]                À l’été 2021, madame Bizier a fait refaire le pavage de son entrée.

[5]                Dans un premier temps, Daigle s’occupe de l’excavation préparatoire au pavage.   Elle fait une excavation de 24 pouces en profondeur à la grandeur de stationnement existant et sous l’abri d’auto.

[6]                Le remblai de 12 pouces de granulats fut étendu et compacté au rouleau compresseur et à la plaque pour tous les endroits restants.

[7]                À la fin des travaux, madame Bizier est à même de constater que le remblai est très dur. Monsieur Daigle témoigne également qu’il n’y a eu aucune montée d’eau lors des travaux.

[8]                Pavage s’est présenté pour ses travaux environ deux semaines plus tard.  

[9]                Il affirme au moment des travaux, les employés de Pavage ont noté la présence d’une « panse de bœuf » qui s’est formée dans le bas de la cour suite à une montée d’eau.

[10]           Afin de pallier ce problème, les employés de Pavage ont refait une « patch » sur la surface de  la « panse de bœuf ».

[11]           Or, dès le printemps 2022, des vallons se sont créés dans l’allée, créant ainsi des trous d’eau. Madame Bizier témoigne également être insatisfaite de la finition du pavage, qui a une apparence granuleuse et rugueuse.

[12]           Incapable d’avoir un retour de la part de Pavage, madame Bizier envoie une mise en demeure par l’entremise de son avocat au mois de septembre 2022.

ANALYSE

[13]           Madame Bizier et Pavage sont liées par un contrat d’entreprise au sens des articles 2098 et suivants du Code civil du Québec. Le contrat conclu est de la nature d’une obligation de résultat, c’est-à-dire que Pavage doit fournir une entrée pavée de bonne qualité.

[14]           Les témoignages et les photos démontrent que ce résultat n’a pas atteint, ce qui est en fait n’est pas nié.

[15]           C’est donc dire que pour s’exonérer de sa responsabilité, l’entrepreneur (ici Pavage) doit prouver la faute du client lui-même, celle d’un tiers, ou un cas de force majeure. La preuve d’absence de faute ne suffit pas[2].

[16]           Or, Pavage n’a pas démontré que les travaux de Daigle, qui avait la charge de l’excavation, sont la cause des dommages. Voici pourquoi.

[17]           Comme mentionné, Pavage a expliqué à l’audience qu’au moment où son équipe est à faire la compaction de finition, une panse de bœuf s’est formée avec une montée d’eau.

[18]           De même, il mentionne qu’au moment de faire sa compaction de finition, « l’eau remonte partout » et il doit rajouter de la gravel partout.

[19]           Pour le Tribunal, la prétention de Pavage au fait de l’existence d’un problème de compaction constatée au printemps 2021 ou d’un surplus d’eau dans le sol n’est simplement pas crédible.

[20]           En effet, jamais Pavage n’informe madame Bizier ou son conjoint de cette situation au printemps 2021, moment des travaux. Ils sont pourtant présents. De même, aucune photo n’est prise pour documenter ce problème.

[21]           Alors que monsieur Gendron de Pavage est conscient des risques de problèmes d’une lacune de la compaction de l’entrée, il ne cherche pas non plus à contacter Daigle en 2021 et poursuit les travaux, selon son dire.

[22]           Ce n’est qu’en 2022 que Pavage mentionne pour la première fois un problème de compaction par Daigle. Jamais Pavage ne dénonce un surplus d’eau dans le sol à madame Bizier.

[23]           Pour le Tribunal, la conduite de Pavage n’est pas celle d’une personne qui aurait constaté au printemps 2021 la présence d’un problème avec la compaction de l’allée ou de la présence d’eau.

[24]           C’est donc dire que la version des évènements de Pavage à l’audience est non crédible et non fiable.

[25]           En somme, Pavage n’a pas démontré que Daigle est responsable des problèmes de l’entrée de madame Bizier. De même, il n’a pas démontré que le problème découlerait de la quantité de l’eau dans le sol.

[26]           Si ce problème existait véritablement, Pavage aurait dû agir en entrepreneur responsable en informant sa cliente et si requis, lui expliquer pourquoi les travaux ne pouvaient être faits maintenant, le cas échéant.

[27]           Pavage doit donc assumer les travaux de reprise de l’allée. Mais quelles doivent être les montants alloués à titre de dommages ?

[28]           Madame Bizier réclame 11 478.53 $ pour les travaux de reprises. Le contrat entre Pavage et elle était d’une valeur de 6 000 $.

[29]           Dans un cas d’inexécution contractuelle, il faut évaluer la perte subie (1611 C.c.Q.). La partie défenderesse peut alors être tenue au-delà de la valeur de son contrat. Il est tenu de réparer tout préjudice causé. L’augmentation du coût de reconstruction est un dommage prévisible au moment où l’obligation a été contractée et une suite immédiate et directe de l’inexécution (1613 C.c.Q.).

[30]           Toutefois, le Tribunal doit tenir compte des travaux du coût des travaux qui dépassent la remise en état et qui entraînent une plus-value au bien[3]. 

[31]           La preuve démontre ici qu’il est nécessaire d’arracher le vieil asphalte, refaire la compaction finale et un nouvel asphaltage. Toutefois, à l’occasion de ces travaux, madame Bizier a choisi un nouveau type de pavage (type EB10-C), qui correspond plus à un besoin esthétique. Cet asphalte est différent de celui que devait poser Pavage, ayant une allure moins rugueuse et un fini plus lisse.

[32]           Le Tribunal est d’avis que le choix d’un nouveau type de pavage est une charge au nouveau contrat qui dépasse la simple remise en état.  La partie défenderesse n’a pas à supporter le coût lié à ce nouveau matériel qui implique aussi une technique de pose différente. Toutefois, la preuve n’est pas concluante sur le coût associé à cet autre type d’asphalte.

[33]           Dans les circonstances et usant de sa discrétion et tenant compte de la valeur initiale du contrat, le Tribunal va soustraire 2 500 $ aux coûts des travaux.

[34]           En conséquence, la partie demanderesse est condamnée à payer à la partie demanderesse la somme de 8 978.53 $

[35]           La demande en garantie est donc rejetée, puisque Pavage n’a pas démontré que les travaux de Daigle sont la cause des dommages.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[36]           ACCUEILLE en partie la demande;

[37]           CONDAMNE la partie défenderesse à payer à la partie demanderesse la somme de 8 978.53 $, avec intérêt légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à compter du 22 septembre 2022, date de la mise en demeure;

[38]           AVEC FRAIS DE JUSTICE de 217 $;

[39]           REJETTE LA DEMANDE EN GARANTIE, avec frais de justice de 346 $ en faveur de Jeannot Daigle Inc contre Pavage Estrie Beauce.

 

 

__________________________________

FRANÇOIS LEBEL, J.C.Q.

 

 

 


[1]  P-5.2.

[2]  Desmarteau c. Magasins Trévi inc. (Trévi et Piscines Trévi), 2014 QCCQ 10950, par. 7 et 8.

[3]   Rivard c. Asselin, 2019 QCCA 302; Vigeant c. Tremblay, 2014 QCCQ 5972; Lavigne c. Sirois, 2017 QCCS 3674; Flibotte c. Dion, 2016 QCCQ 8929.

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