Décision

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Gabarit de jugement pour la cour d'appel

Ville de Lorraine c. AXA Assurances inc.

2020 QCCA 1086

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-09-027327-188

(700-17-008286-113, 700-17-007100-109)

 

DATE :

 31 août 2020

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

MARIE-FRANCE BICH, J.C.A.

GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A.

MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A.

 

 

VILLE DE LORRAINE

APPELANTE - demanderesse

c.

 

AXA ASSURANCES INC.

INTACT COMPAGNIE D’ASSURANCE

INTIMÉES - défenderesses

et

ASPHALTE DESJARDINS INC.

INTIMÉE - défenderesse/demanderesse en garantie

et

KPMG INC., en sa qualité de liquidateur de Dessau inc. suivant l’Ordonnance de la Cour supérieure portant le numéro 500-11-056442-193

            INTIMÉE - défenderesse en reprise d’instance

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

MIS EN CAUSE - intervenant

et

INNOVEX PRODUITS TECHNIQUES INC.

MISE EN CAUSE - défenderesse en garantie/demanderesse en arrière-garantie

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           L’appelante se pourvoit contre un jugement rendu le 12 janvier 2018 par la Cour supérieure, district de Terrebonne (l’honorable Danielle Turcotte), qui, notamment, 1°accueille en partie l’action intentée contre elle par l’intimée Asphalte Desjardins inc. et 2°accueille en partie sa propre demande à l’encontre des intimées Asphalte Desjardins inc. et Dessau inc., mais la rejette à l’encontre des intimées Axa assurances inc. et Intact compagnie d’assurance inc.

[2]           Pour les motifs de la juge Hogue, auxquels souscrivent la juge Bich et, en partie, la juge Marcotte, LA COUR :

[3]           REJETTE l’appel quant aux intimées Asphalte Desjardins inc., Axa assurances inc. et Intact compagnie d’assurance, avec les frais de justice;

[4]           ACCUEILLE en partie l’appel quant à l’intimée Dessau inc., avec les frais de justice;

[5]           Remplace le paragraphe 237 du jugement de première instance par le paragraphe suivant :

[237]    CONDAMNE Dessau inc. à rembourser à Ville de Lorraine la somme, en capital et intérêts, qu’elle doit payer à Asphalte Desjardins inc. en vertu de la conclusion 233 du jugement de première instance, sans les frais de justice;

[6]           REMPLACE le paragraphe 241 du jugement par le suivant :

[241]    CONDAMNE Dessau inc. à payer à Ville de Lorraine la somme de 1 846 933,98 $ avec l’intérêt au taux légal à compter de l’introduction des procédures, avec les frais de justice en faveur de la Ville, incluant les frais d’expert, sauf ceux découlant de la préparation du rapport d’Aecom portant sur les coûts de reconstruction du talus;

[7]           De son côté, pour les motifs qu’elle expose, la juge Marcotte aurait plutôt rejeté l’appel quant à Dessau inc., sauf quant aux frais de justice qu’elle aurait également accordés à l’appelante. En ce qui concerne le calcul de l’intérêt et de l’indemnité additionnelle, elle les aurait fait courir sur la somme accordée par la juge de première instance à compter de la modification de la demande introductive d’instance du 17 août 2017.

 

 

 

MARIE-FRANCE BICH, J.C.A.

 

 

 

 

 

GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A.

 

 

 

 

 

MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A.


 

Me Eric Olivier

MUNICONSEIL AVOCATS INC.

Pour l’appelante

 

Me Julie C. Fortier

Me Patrice Morin

BORDEN LADNER GERVAIS

Pour Axa assurances inc. et KPMG inc. en reprise d’instance pour Dessau inc. en sa qualité de liquidateur de Dessau inc.

 

Me Julien Grenier

Me Mélissa Rivest

LAPOINTE ROSENSTEIN MARCHAND MELANÇON

Pour Asphalte Desjardins inc. et Intact compagnie d’assurance

 

Date d’audience :

14 janvier 2020

Date de mise en délibéré :

17 janvier 2020


 

 

MOTIFS DE LA JUGE HOGUE

 

 

[8]           L’appelante, Ville de Lorraine (« la Ville »), se pourvoit contre un jugement de la Cour supérieure, district de Terrebonne (l’honorable Danielle Turcotte), rendu le 12 janvier 2018, qui accueille en partie, et sans frais de justice, sa demande à l’encontre des intimées Dessau inc. (« Dessau ») et Asphalte Desjardins inc. (« Desjardins »), la rejette à l’encontre des intimées Axa assurances inc. (« Axa ») et Intact compagnie d’assurance inc. (« Intact ») et la condamne aux frais de justice encourus par Desjardins[1].

[9]           Le jugement comporte d’autres conclusions, mais celles-ci n’étant pas remises en question par le pourvoi, il est inutile d’en traiter.

***

[10]        Le litige découle de l’effondrement partiel et de la construction inachevée d’un talus antibruit le long de l’autoroute 640 à la hauteur de la Ville.

[11]        Voulant se prévaloir de la possibilité offerte aux municipalités par le ministère des Transports du Québec (« le  MTQ ») de faire construire un écran antibruit et d’en partager le coût avec lui[2], la Ville explore les options qui s’offrent à elle pour atténuer le bruit provenant de l’autoroute.

[12]        Souhaitant un écran « vert », qu’elle estime plus esthétique pour les citoyens, la Ville envisage la construction d’un talus en remblai renforcé avec un parement végétal.

[13]        Elle confie à Dessau la tâche d’analyser les sols sur lesquels elle envisage de l’ériger de façon à déterminer s’ils sont en mesure de le supporter.

[14]        C’est la société sœur de Dessau, LVM-Technisol inc. (« LVM »), qui procède à l’étude géotechnique préliminaire. Sur la foi des informations qui lui sont transmises par LVM, Dessau conclut que les sols devraient être excavés et remblayés par des matériaux ayant une capacité portante supérieure. Ces travaux rendraient toutefois le projet beaucoup plus onéreux[3].

[15]        Elle fait part de son opinion à la Ville qui, à son tour, en informe le MTQ, celui-ci, je le rappelle, devant assumer une partie des coûts.


 

[16]        La Ville et le MTQ étant soucieux d’éviter les coûts d’excavation et de remblaiement, et craignant que de tels travaux endommagent l’autoroute compte tenu de sa proximité, il est proposé qu’un employé du MTQ, en l’occurrence, M. Gilles Grondin, analyse le projet afin de déterminer s’il existe une option permettant de construire le talus sans excaver les sols.

[17]        Celui-ci se penche sur le projet, mais conclut que les données géotechniques fournies par LVM sont insuffisantes pour lui permettre d’émettre un avis valable. Il demande donc des informations additionnelles à la Ville.

[18]        Celle-ci choisit de le mettre en relation avec son consultant Dessau, qui procède alors à une caractérisation des sols afin d’en connaître l’indice de plasticité et de résistance au cisaillement. Dessau communique de nouvelles données à M. Grondin, qui, sur la foi de celles-ci, identifie alors une méthode de construction permettant de construire l’écran antibruit sans qu’il soit nécessaire d’excaver les sols existants. Cette méthode requiert toutefois que les travaux soient exécutés sur une plus longue période, en l’occurrence sur deux ans, puisqu’elle nécessite d’attendre entre l’étalement de chacune des couches du remblai dont sera constitué le talus, de façon à permettre aux sols de se tasser.

[19]        La méthode proposée par le MTQ fait notamment l’objet d‘une discussion lors d’une rencontre tenue le 4 février 2008 à l’Hôtel de Ville de Lorraine. Des représentants du MTQ, de la Ville et de Dessau y participent. Dessau confirme avoir envisagé cette solution, mais l’avoir écartée compte tenu des délais d’exécution qu’elle impliquait. Elle la juge toutefois acceptable et viable sur le plan technique. Aucune objection n’est alors formulée par l’un ou l’autre des représentants de Dessau.

[20]        La Ville décide donc d’aller de l’avant avec le projet en utilisant cette méthode. Elle confie à Dessau la tâche de concevoir les plans et devis du talus, de rédiger les documents d’appel d’offres, de procéder à celui-ci et de surveiller les travaux. Elle adopte également un règlement d’emprunt lui permettant d’obtenir les liquidités nécessaires pour les exécuter.

[21]        Ultimement, le contrat de construction du talus est confié à Desjardins, qui sous-traite une partie des travaux à Innovex Produits Techniques inc. (« Innovex »).

[22]        Les travaux débutent en juin 2008. Plus d’un an plus tard, soit dans la nuit du 27 au 28 juillet 2009, la partie du talus située entre les chaînages 0+420 et 0+505 s’effondre. La partie déjà construite est alors de 711 mètres sur les 944 mètres de longueur que devait compter le talus une fois terminé, et il reste environ 1,7 m de hauteur de remblai à mettre en place à certains endroits.

[23]        Ne connaissant pas la cause de l’effondrement, la Ville suspend les travaux.

[24]        Dans les semaines qui suivent, des fissures apparaissent également dans la crête du talus, entre les chaînages 0+010 et 0+170.

[25]        Sans avoir identifié les causes de l’effondrement, Dessau propose à la Ville trois options permettant de poursuivre les travaux : 1) excaver et reconstruire la partie affaissée 2) stabiliser les sols en place; ou 3) construire un mur de béton sur pieux en lieu et place du talus végétal (ce qui ne répond pas au désir de la Ville et des citoyens de bénéficier d’un écran végétal).

[26]        Quoique Dessau élabore ces options à ses frais, elle ne reconnaît aucune responsabilité et indique à la Ville que c’est elle qui devra assumer le coût de ces travaux additionnels, qu’elle estime de façon préliminaire à plus de 500 000 $ pour chacune des deux premières options[4].

[27]        La Ville n’accepte aucune de ces options et insiste pour que les causes de l’effondrement soient identifiées. Elle transmet d’ailleurs des mises en demeure à Dessau, à Desjardins et à LVM dès le 24 août 2009, des avis de sinistre à RSA, ING et AXA le 9 septembre 2009 et, à Axa, un avis de défaut en vertu du cautionnement d’exécution.

[28]        Le temps passe, les échanges entre les parties sont peu nombreux et le dossier s’enlise. Aucune des parties n’accepte d’assumer la responsabilité de l’effondrement partiel du talus.

[29]        La Ville retient 383 248 $ dus à Desjardins, à qui elle impute une part de responsabilité.

[30]        Cette retenue faite par la Ville incite Desjardins à retenir les services de Fondasol, et de son représentant M. Hosseini, à qui elle demande d’identifier les causes de l’effondrement et des fissures. Celui-ci remet un rapport daté du 27 octobre 2009 dans lequel on retrouve notamment les constats suivants :

15) Les calculs de stabilité de pente effectués en tenant compte des conditions réelles des sols en place, indiquent une instabilité générale pour le secteur du mur entre les chaînages 0+200 et 0+580, c’est-à-dire le secteur où un dépôt de tourbe suivie d’une mince couche d’argile molle sont présents sous le remblai du mur antibruit. Nous sommes d’avis que l’effondrement survenu est dû à un vice de conception résultant d’une instabilité générale du mur antibruit. L’effondrement observé est dû à une rupture par manque de capacité portantes des sols de fondation. Le renforcement de la partie supérieure du mur, remblai de sable renforcé, n’aurait aucun effet pour éviter de telles instabilités. Les calculs effectués par Quéformat supposent des sols de fondation compétents, ce qui n’est pas le cas;

[…]

En conclusion, nous sommes d’avis que l’effondrement du mur antibruit observé est causé par un vice de conception permettant la construction non contrôlée des remblais sur un dépôt de tourbe suivie d’argile molle. Compte tenu de la présence d’une couche d’argile molle sous la tourbe, la mise en place d’un remblai de hauteur dépassant la hauteur critique acceptable dans les circonstances a causé la rupture de la fondation argileuse. L’effondrement observé est indépendant de l’instabilité interne du mur : un renforcement accru du remblai n’aurait pas pu empêcher l’effondrement du mur. En ce qui concerne la partie du mur située entre les chaînages 0+000 et 0+200, les fissures observées sont dues à une instabilité générale du mur. La conception du mur antibruit n’a pas été effectuée en suivant les six vérifications de mécanisme de rupture exigées selon les règles de l’art.[5]

[31]        Desjardins communique ce rapport aux intéressés. La position de Dessau demeure inchangée, elle nie toujours toute responsabilité. La Ville, pour sa part, maintient son refus de payer la somme réclamée par Desjardins, malgré une recommandation en ce sens formulée par Dessau en novembre 2009.

[32]        La Ville décide également de retenir les services d’un expert indépendant, en l’occurrence Aecom, à qui elle demande d’identifier les causes de l’effondrement et des fissures et d’évaluer les coûts inhérents à la réparation du talus ou à sa reconstruction.

[33]        Elle obtiendra ce rapport (« le rapport Aecom ») en avril 2011. La conclusion est semblable à celle de Fondasol :

Les problèmes de stabilité interne du talus antibruit qui ont été identifiés à la suite de la fissuration observée entre les chaînages 0 + 010 et 0+ 170 sont généralisés à l’ensemble du remblai renforcé. Le coefficient de sécurité vis-à-vis la stabilité des pentes du talus antibruit pour des surfaces de rupture comprises dans la partie renforcée est trop faible en raison de la longueur insuffisante des inclusions métalliques horizontales. Des travaux correctifs sont requis pour la totalité du remblai renforcé (chaînages 0 + 000 à 0+ 580) afin d’obtenir un niveau de sécurité acceptable.

La conservation éventuelle d’une partie du remblai renforcé existant amènerait un problème important de responsabilité. Un fournisseur qui se verrait contraint de mettre en place son système de renforcement au-dessus d’un remblai renforcé existant construit par d’autres, ne pourrait pas garantir la stabilité de l’ensemble de l’ouvrage, surtout dans le contexte où celui-ci a déjà montré des signes de faiblesse. Afin de palier à ce problème et permettre à l’entrepreneur qui réalisera les travaux de confortement d’être en mesure d’offrir une garantie complète sur l’exécution de ses travaux, il est nécessaire de considérer que le remblai renforcé sera entièrement démoli.

En raison des engagements de la Ville envers ses citoyens et tel que prévu lors de la conception initiale, l’écran anti-bruit doit correspondre à un écran « vert » avec un parement végétal. Un mur en béton ne peut donc pas être considéré pour compléter le projet. Le type d’écran antibruit retenu lors de la conception initiale, soit un écran comportant un talus en remblai renforcé avec un parement végétal incliné à 60 degrés de chaque côté de celui-ci, doit être considéré.

La géométrie initiale du talus antibruit est conservée telle quelle étant donné les contraintes d’espace reliées à l’emprise disponible. Les travaux correctifs doivent modifier uniquement la composition interne du talus antibruit et non pas la géométrie externe.

Les contraintes d’espace et de limitation de responsabilité pour un nouveau fournisseur de système de renforcement rendent difficilement envisageable l’ajout de renforcement externe tel que des ancrages sur les talus à 60 degrés, la conservation d’une partie du remblai renforcé ou encore l’ajout de bermes stabilisantes qui viendraient modifier la géométrie actuelle. La solution qui s’impose consiste à excaver entièrement le remblai renforcé et à le reconstruire avec un système de renforcement amélioré et sécuritaire.

Pour les segments 4 et 5 où les conditions de fondation posent problème, des travaux supplémentaires sont requis afin d’assurer la stabilité externe (ou globale) du talus antibruit. Le segment 5 correspond à la zone de rupture à laquelle quelques dizaine de mètres ont été ajoutés. Le segment 4 est localisé immédiatement à l’est du segment 5. Ces deux (2) segments, où la présence du dépôt argileux de faible résistance sous le dépôt de matières organiques est généralisée, totalisent une longueur d’écran antibruit de 305m. La revue des types de solutions possibles pour pallier à la présence de ces sols naturels problématiques pour la fondation a permis de constater que les deux (2) solutions les plus intéressantes sont l’insertion de remblai léger sous le remblai renforcé et l’amélioration des sols de fondation à l’aide de la technique de colonnes à module contrôlée (CMC).

L’analyse comparative des coûts de mise en œuvre de ces deux (2) solutions possibles a permis de constater que la technique des CMC est d’environ 30% moins onéreuse que la solution avec remblai léger. La technique des CMC a donc été retenue pour l’estimation complète des coûts de réfection de l’écran antibruit. Les coûts directs de réalisation des CMC sont évalués à un peu plus de 1 Million $.

Entre les chaînages 0+400 et 0+535 approximativement, le remblai non structural a perdu son niveau de compacité initial à la suite de la rupture et se trouve dans un état lâche inapproprié pour supporter le remblai renforcé. Pour augmenter la densité de ce remblai de façon adéquate, des travaux de compactage dynamique sont indiqués étant donné que ceux-ci pourront également être effectués par l’entrepreneur responsable de la réalisation des CMC.

Afin d’obtenir un écran antibruit stable et sécuritaire respectant les contraintes et critères de conception, le coût total des travaux de réfection requis est estimé à 4,6 Millions $ avant taxes. Selon les méthodes utilisées, la précision de cette estimation de coûts est de l’ordre de +/- 20%.[6]

[34]        L’évaluation qu’Aecom fait des coûts de reconstruction du talus présuppose toutefois qu’il sera difficile, voire impossible, de trouver un entrepreneur disposé à compléter des travaux ayant déjà montré des signes de faiblesse et à les garantir. Elle tient donc pour acquis que le talus devra être entièrement démoli pour ensuite être reconstruit.

[35]        Un tableau détaillé de ces coûts est contenu au rapport Aecom. Il permet, notamment, de constater qu’à eux seuls les travaux destinés à augmenter la capacité portante du sol entre les chaînages 0+230 et 0+535 sont estimés à 1 028 487 $, avant taxes et avant toute contingence.

[36]        Dans l’intervalle, soit en juin 2010, Desjardins introduit contre la Ville des procédures judiciaires pour obtenir le paiement de son solde contractuel. La Ville dépose une défense et appelle Dessau en garantie. En août 2011, elle introduit également une demande en dommages-intérêts contre Dessau, Desjardins, Axa et Intact, alléguant qu’elles sont solidairement responsables des dommages qu’elle a subis. S’appuyant sur l’estimation d’Aecom, elle réclame 5 220 000 $ de Dessau et de Desjardins, soit le coût pour reconstruire entièrement le talus, ainsi que 100 000 $ pour troubles et inconvénients. Les réclamations contre les cautions sont plus modestes, vu les limites de couverture prévues aux cautionnements qu’elles ont émis.

[37]        Chacune des défenderesses dépose une défense. Dessau nie toujours sa responsabilité et invoque à la fois l’immixtion du MTQ et de la Ville dans les travaux et l’acceptation par cette dernière des risques posés par la méthode de construction choisie. Elle maintiendra d’ailleurs cette position jusqu’au procès.

[38]        Desjardins, pour sa part, appelle en garantie Innovex, qui a conçu et installé les inclusions métalliques prétendument trop courtes.

[39]        La Ville modifie sa réclamation en dommages à quelques reprises pendant les procédures. En novembre 2016, elle y ajoute une réclamation de 1 020 000 $ contre Desjardins à titre de dommages liquidés pour le retard à livrer l’ouvrage. Elle l’amende de nouveau juste avant le procès, abandonnant sa demande d’être indemnisée pour les coûts de reconstruction du talus pour plutôt réclamer le remboursement des sommes qu’elle a payées pour sa conception et sa construction, soit 1 707 072 $, ainsi que le paiement d’une somme de 166 370 $ pour sécuriser les lieux et remettre en état les routes endommagées par l’effondrement. La réclamation de 100 000 $ pour troubles et inconvénients demeure, tout comme les réclamations contre les cautions et celle contre Desjardins pour le retard à livrer l’ouvrage.

[40]        Les dossiers sont réunis et une audition commune de 23 jours est tenue.

[41]        Au moment du procès, qui a lieu en 2017, les travaux n’ont pas repris et le talus n’a pas été démoli.

[42]        La Ville modifie de nouveau sa demande. Elle réduit à 1 608 668 $ sa réclamation pour le remboursement des sommes qu’elle a payées pour la conception et la construction du talus, mais ajoute une réclamation de 715 707 $ représentant la somme payée par le MTQ pour les mêmes fins. Ce chef de réclamation totalise donc dorénavant 2 324 376 $.

[43]        Les experts retenus conviennent que l’argile molle présente dans le sol est la cause de l’effondrement survenu entre les chaînages 0+420 et 0+505 alors que les fissures apparues dans sa crête, entre les chaînages 0+010 et 0+170, sont dues au fait que des inclusions métalliques trop courtes ont été installées par Innovex dans sa structure. Desjardins reconnaît d’ailleurs être responsable de la faute commise par son sous-entrepreneur Innovex et l’appel incident introduit par Desjardins, qui portait sur cette question, a été réglé. La partie du dossier relative aux fissures n’est donc plus en litige devant la Cour et j’en ferai abstraction.

LE JUGEMENT DE PREMIÈRE INSTANCE

[44]        La juge de première instance accueille la demande de la Ville, mais en partie seulement. Elle condamne Dessau et Desjardins, solidairement, à lui payer 50 000 $ représentant ce qu’elle estime être le coût pour corriger les malfaçons relatives aux inclusions métalliques trop courtes (ce qui n’est plus en litige devant la Cour), condamne Dessau à lui payer 312 423 $ représentant, en application d’une règle de trois, le coût de construction de la portion du talus s’étant effondrée, et rejette la demande formulée contre Axa et Intact. Elle condamne par ailleurs la Ville à payer à Desjardins 419 012 $ pour des travaux contractuels exécutés, mais demeurés impayés, 1 918 $ pour des travaux entrepris pour sécuriser les lieux après l’effondrement ainsi que ses frais de justice.

[45]        S’intéressant d’abord à la faute, la juge conclut que l’étude géotechnique réalisée par Dessau était incomplète, essentiellement parce que celle-ci a omis de vérifier et de déterminer le niveau réel de résistance de l’argile molle présente entre les chaînages 0+300 et 0+500, se contentant de lui attribuer une valeur hypothétique inexacte. Elle est ainsi d’avis que les vérifications faites par Dessau n’étaient pas conformes aux règles de l’art et que celle-ci est responsable du préjudice découlant de l’effondrement partiel du talus.

[46]        M. Grondin s’étant appuyé sur les données erronées fournies par Dessau et la Ville ayant pris soin d’obtenir l’assentiment de Dessau avant de faire préparer les plans et devis et d’entreprendre la construction du talus, elle rejette également l’argument voulant qu’il y ait eu immixtion de la Ville ou du MTQ et celui voulant que la Ville ait assumé les risques de construire sur les sols existants.

[47]        Après avoir conclu à la faute de Dessau, la juge analyse ensuite la responsabilité des cautions Axa et Intact.

[48]        Elle revoit d’abord les termes des cautionnements émis et conclut qu’il s’agit de cautionnements d’exécution sur lesquels la Ville ne peut s’appuyer pour réclamer des dommages. Ces cautionnements, selon elle, ne permettaient à la Ville que de demander aux cautions de terminer les travaux au prix initialement convenu, jusqu’à concurrence du montant cautionné, dans l’éventualité où Dessau et Desjardins auraient refusé de le faire.

[49]        Or, écrit-elle, « ni Dessau ni l’Entrepreneur n’ont refusé de compléter leur contrat ».

[50]        Selon elle, c’est la Ville qui a négligé de faire ce qui était nécessaire pour que les travaux puissent reprendre et être complétés :

[120]    De plus, le directeur général en poste à l’époque pertinente explique que la Ville ne s’est pas prévalue de cette option, car elle ne savait pas si des travaux étaient réalisables. Cette réponse confirme plutôt que la Ville est consciente qu’elle doit investir dans la réhabilitation du sol avant de continuer quoi que ce soit et que c’est cette décision qu’elle a tardé à prendre.[7] 

[51]        Puis, débutant son analyse des dommages auxquels la Ville a droit, elle souligne que celle-ci, forte de sa croyance qu’elle peut reprendre l’ouvrage, n’a pas fait la preuve des coûts de reconstruction de la portion du talus s’étant effondrée. Tout en lui reconnaissant le droit de faire ce qu’elle veut sur sa propriété, elle rappelle qu’elle a l’obligation de minimiser ses dommages.

[52]        Alors que la Ville réclame maintenant le remboursement de ce qu’elle a payé pour la conception et la construction du talus, elle lui accorde plutôt une compensation équivalente aux seules dépenses engagées pour construire la portion du talus s’étant effondrée, dont elle fixe le montant en utilisant une règle de trois. Retenant que la Ville a payé 2 613 324 $ pour 711 mètres de talus, elle établit que le coût par mètre est de 3 675 $. La portion effondrée étant de 85 mètres, elle multiplie ce coût de 3 675 $ par 85, ce qui totalise 312 423 $, qu’elle lui accorde à titre d’indemnité.

[53]        La ville n’ayant jamais repris les travaux, la juge oppose ensuite une fin de non-recevoir à sa demande de condamner Desjardins à payer la pénalité pour retard stipulée au contrat. Elle écrit :

[179]    Le retard n’est attribuable qu’à la Ville qui a choisi de judiciariser le débat alors que c’est elle et le Ministère qui sont responsables du sol qu’il faut, avant toute chose, réhabiliter. Il serait abusif de lui octroyer quoi que ce soit en vertu de la clause pénale pour retard.[8]

[54]        Elle rejette de la même façon la réclamation pour troubles et inconvénients, rappelant que la Ville n’a rien fait pour faire progresser la situation.

[55]        Puis, reprochant à la Ville la démesure de sa réclamation initiale, retenant qu’elle n’a pas engagé les coûts nécessaires pour réparer le talus et qu’elle n’a réclamé des intérêts que lorsqu’elle a amendé sa requête introductive d’instance peu de temps avant le procès (en l’occurrence en août 2017), elle choisit de ne faire courir les intérêts sur la somme qu’elle lui octroie qu’à compter de son jugement.

[56]        Invoquant de nouveau le caractère abusif de sa réclamation initiale, elle refuse ensuite de lui octroyer ses frais de justice et, étant d’avis qu’elle a eu un comportement particulièrement abusif envers Desjardins, qui a dû subir les procédures sans avoir commis de faute, elle la condamne à lui payer ses frais de justice et ses frais d’expertise.

[57]        En dernier lieu, elle condamne la Ville et la Procureure générale du Québec, qui est aux droits du ministre des Transports, à payer le solde contractuel dû à Desjardins, selon la portion du coût des travaux devant être assumée par chacun d’eux.

[58]        Seule la Ville se pourvoit en appel.

La position des parties

[59]        La Ville soutient que la juge a commis plusieurs erreurs manifestes et déterminantes l’ayant menée à des conclusions erronées. Alors qu’elle identifie cinq moyens dans son mémoire, à l’audience, elle choisit de les regrouper.

[60]        Elle soutient d’abord que la juge a mal évalué les dommages. Elle aurait dû reconnaître que le talus érigé est une perte totale et non partielle, qu’il n’a aucune utilité et, en conséquence, qu’elle a le droit d’être remboursée de l’entièreté des sommes payées pour sa conception et sa construction. La juge, dit-elle, ne pouvait lui reprocher de ne pas avoir minimisé ses dommages en ne permettant pas la reprise des travaux puisque le défaut de les compléter découle du refus de Dessau et de Desjardins de reconnaître leur responsabilité et de lui proposer d’exécuter, à leurs frais, les travaux correctifs nécessaires.

[61]        Elle ajoute que si la juge n’avait pas commis cette erreur, elle aurait nécessairement, par la suite, retenu la responsabilité de Desjardins, vu la perte totale de l’ouvrage, ainsi que celle des cautions Intact et Axa.

[62]        Finalement, elle lui reproche d’avoir conclu à un abus de sa part. L’obligation légale de minimiser ses dommages ne l’obligeait pas à procéder, à ses frais, à de coûteux travaux de réhabilitation des sols de façon à les rendre aptes à recevoir le talus antibruit envisagé et elle pouvait, légitimement, croire que la responsabilité de Desjardins était engagée. Ainsi, la juge aurait dû lui octroyer les frais de justice, incluant le coût des expertises, faire courir les intérêts sur l’indemnité accordée à compter de la mise en demeure et ne pas la condamner à payer quoi que ce soit à Desjardins.

[63]        Les intimées contestent chacun de ces moyens.

[64]        Desjardins et Intact soutiennent essentiellement que la juge n’a commis aucune erreur manifeste et déterminante dans son appréciation de la preuve et a eu raison de conclure que Desjardins n’a commis aucune faute en lien avec l’effondrement du talus.

[65]        Elle a également eu raison, ajoutent-elles, de conclure que la Ville était responsable du sol et de sa réhabilitation face à Desjardins et de lui reprocher de ne pas avoir minimisé ses dommages en ne permettant pas la reprise des travaux.

[66]        Selon eux, la conclusion de la juge voulant que la Ville ait agi abusivement, en refusant de payer à Desjardins ce qu’elle lui devait et en la poursuivant, est appuyée par la preuve, et sa décision, quant aux frais de justice et au point de départ des intérêts, constitue l’exercice d’une discrétion à l’égard de laquelle il n’y a pas lieu pour la Cour d’intervenir.

[67]        Dessau et Axa Assurances font valoir des moyens semblables.

[68]        Sans indiquer le fondement de leur affirmation, elles soutiennent que la Ville avait effectivement l’obligation de réhabiliter les sols dont elle est propriétaire pour, ensuite, permettre la reprise des travaux et la correction de la partie effondrée.

[69]        En refusant de discuter des propositions de Dessau et en confiant à un tiers le mandat d’identifier les causes de l’effondrement, la Ville, disent-elles, a suspendu indéfiniment le projet et a créé une situation où la reprise des travaux par Desjardins ou par Dessau devenait impossible.

[70]        Dans ces circonstances, la juge était justifiée, ajoutent-elles, de limiter l’indemnité au coût de construction de la partie du talus s’étant effondrée.

[71]        AXA et Intact ajoutent pour leur part que la juge a également eu raison, vu ces mêmes circonstances et la nature des cautionnements émis, de conclure qu’il n’y avait pas lieu de les condamner aux dommages réclamés.

[72]        Qu’en est-il?

Remarques préliminaires

[73]        Avant d’entreprendre l’analyse des moyens, il m’apparaît utile de rappeler que la présence d’argile molle sous les sols organiques est la cause de l’effondrement du talus entre les chaînages 0+420 et 0-505. D’ailleurs, l’expert retenu par Desjardins et celui retenu par la Ville identifient tous deux la présence d’argile molle sur une distance d’environ 300 mètres, soit au-delà des chaînages 0+420 à 0+505[9]. Cette argile molle diminue la capacité portante du sol, qui est alors insuffisante pour supporter le poids du talus.

[74]        Après avoir apprécié la preuve, la juge conclut que Dessau a contrevenu à ses obligations contractuelles et que sa faute a causé l’effondrement.

[75]        Cette conclusion n’étant pas contestée par Dessau, le fait que l’effondrement partiel du talus a été causé par sa faute est acquis, tout comme le lien causal entre celle-ci et l’effondrement du talus.

[76]        Je rappelle aussi que les dommages causés par les fissures apparues entre les chaînages 0+010 et 0+0170 ne font pas l’objet du pourvoi, cette partie du dossier ayant été réglée hors cour.

[77]        Finalement je note que la Procureure générale du Québec n’a pas appelé de la conclusion la condamnant à payer 297 730 $ à Desjardins, avec intérêts et indemnité additionnelle, ni du refus de la juge de lui octroyer ses frais de justice.

[78]        Je traiterai donc tour à tour 1) de la responsabilité de Desjardins, 2) des dommages causés à la Ville par la faute de Dessau, 3) du rejet des réclamations introduites par la Ville contre les cautions Intact et Axa, 4) de la conclusion de la juge voulant que la Ville ait eu un comportement abusif et 5) du moyen relatif au point de départ fixé pour le calcul des intérêts.

1)    La responsabilité de Desjardins

[79]        S’appuyant sur le premier alinéa de l’art. 2115 C.c.Q., la Ville soutient que Desjardins, qui était l’entrepreneur, doit être tenue responsable des dommages, solidairement avec Dessau, puisque la perte de l’ouvrage est totale et est survenue avant sa délivrance.

[80]        Cet argument, à mon avis, est mal fondé puisqu’il occulte entièrement le second alinéa de l’article 2115 C.c.Q :

2115. L’entrepreneur est tenu de la perte de l’ouvrage qui survient avant sa délivrance, à moins qu’elle ne soit due à la faute du client ou que celui-ci ne soit en demeure de recevoir l’ouvrage.

 

Toutefois, si les biens sont fournis par le client, l’entrepreneur n’est pas tenu de la perte de l’ouvrage, à moins qu’elle ne soit due à sa faute ou à un autre manquement de sa part. Il ne peut réclamer le prix de son travail que si la perte résulte du vice propre des biens fournis ou d’un vice du bien qu’il ne pouvait déceler, ou encore si la perte est due à la faute du client.

2115. The contractor is liable for loss of the work occurring before its delivery, unless it is due to the fault of the client or the client is in default for not receiving the work.

 

However, where the property is supplied by the client, the contractor is not liable for the loss of the work unless it is due to his fault or some other failure on his part. He may not claim the price of his work except where the loss of the work results from an inherent defect in the property supplied or a defect in the property that he was unable to detect, or where the loss is due to the fault of the client.

[81]        La perte du talus, qu’on la qualifie de partielle ou de totale, est due à la capacité portante insuffisante du sol sur lequel Desjardins devait l’ériger et que lui fournissait la Ville. Or, Desjardins n’avait aucune obligation de vérifier cette capacité, cette tâche ayant plutôt été confiée par la Ville à Dessau, et rien ne suggère qu’elle aurait pu en déceler l’insuffisance.

[82]        Desjardins devait construire le talus antibruit conformément aux plans et devis préparés par Dessau et rien dans la preuve ne permet de conclure qu’elle ne l’a pas fait (abstraction faite des insertions métalliques sur lesquelles il n’y a pas lieu de s’attarder vu le règlement intervenu).

[83]        Il est vrai qu’elle n’a pas achevé l’ouvrage, mais cela est dû d’abord à l’effondrement, ensuite à la décision de la Ville de suspendre les travaux et, finalement à leur abandon.

[84]        Aucune faute ou « autre manquement » ne peut, dans ce contexte, lui être reproché et la juge a eu raison de conclure qu’elle n’est pas responsable des dommages découlant de l’effondrement partiel du talus.

[85]        La réclamation de la Ville pour son retard à livrer l’ouvrage se bute d’ailleurs au même obstacle. La clause pénale n’ayant comme vocation que de fixer à l’avance le montant de l’indemnité payable en cas de retard à livrer l’ouvrage, son application présuppose que le débiteur de l’obligation est en défaut[10]. Or, lorsque l’exécution d’une obligation devient impossible du fait du créancier, le débiteur en est libéré[11]. Ainsi, la décision de la Ville de ne pas poursuivre les travaux a libéré Desjardins de son obligation de livrer l’ouvrage. La juge, encore ici, a donc eu raison de conclure que Desjardins n’étant pas en défaut, la clause pénale ne pouvait s’appliquer[12].

[86]        Finalement, la perte du talus résultant d’un vice du sol sur lequel Desjardins devait construire le talus, la juge a à bon droit condamné la Ville à lui verser le prix du travail exécuté, mais demeuré impayé.

[87]        En conséquence, je suis d’avis que l’appel de la Ville contre Desjardins devrait être rejeté tant en ce qui concerne la responsabilité de Desjardins qu’en ce qui concerne le solde contractuel qui lui est dû, celui-ci n’ayant d’ailleurs été retenu par la Ville que parce qu’elle lui imputait une part de responsabilité.

2)    La valeur des dommages subis par la ville

[88]        Tout en rappelant que la juge d’instance a un large pouvoir d’appréciation en cette matière et que la Cour ne doit intervenir que si elle a commis une erreur de droit ou une erreur manifeste dans l’indemnisation accordée[13], je passe maintenant à l’évaluation des dommages que la faute de Dessau a causés à la Ville.

[89]        Alors que celle-ci réclamait le remboursement des sommes payées pour la construction du talus (incluant la conception), la juge d’instance a plutôt choisi de lui accorder une indemnité équivalente au seul coût des 85 mètres s’étant effondrés. Alors que la preuve révèle que la partie effondrée du talus ne peut être valablement reconstruite que si le sol est d’abord réhabilité sur une longueur d’environ 300 mètres[14], elle ne se livre à aucune analyse destinée à identifier qui devait supporter les coûts de cette réhabilitation ou, encore, si même quelqu’un devait les supporter.

[90]        Je comprends de ses motifs que cette omission découle du fait qu’elle pose comme prémisse, sans toutefois expliquer pourquoi, que cette responsabilité incombait à la Ville. Elle semble en effet d’avis que la Ville fournissant les sols, il va de soi qu’elle avait l’obligation de les renforcer lorsqu’il est apparu que leur capacité portante était insuffisante, ce qui aurait permis à Dessau de faire reconstruire la partie effondrée. Ses motifs réitèrent à plusieurs reprises que cette responsabilité incombait à la Ville et ce tant lorsqu’elle décrit le contexte général de l’affaire que lorsqu’elle analyse la réclamation de la Ville contre Desjardins, celle contre les cautions ainsi que celle contre Dessau :

[16]      La Ville somme Dessau et l’Entrepreneur de trouver une solution, mais refuse toute contribution financière pour réhabiliter le sol argileux.

[…]

[120]    De plus, le directeur général en poste à l’époque pertinente explique que la Ville ne s’est pas prévalue de cette option car elle ne savait pas si des travaux étaient réalisables. Cette réponse confirme plutôt que la Ville est consciente qu’elle doit investir dans la réhabilitation du sol avant de continuer quoi que ce soit et que c’est cette décision qu’elle a tardé à prendre.

[…]

[137]    Elle a certainement le droit de faire ce qu’elle veut sur sa propriété, mais pas au détriment de son obligation de minimiser ses dommages. Dessau n’est tenue que du préjudice direct, relié à sa faute relative à la caractérisation des sols.

[…]

[174]    Afin que l’ENTREPRENEUR puisse terminer les travaux, il eût d’abord fallu que LA VILLE l’autorise à les continuer, en acceptant sa responsabilité face à la présence d’argile et en décidant de quelle manière il doit y être remédié.

[175]    La VILLE aurait dû reconnaître que nonobstant l’erreur de DESSAU, il lui appartient de traiter les sols porteurs. D’ailleurs, son propre expert le prévoit et estime les coûts à 1 028 487$. On se demande ce que la VILLE espérait que l’ENTREPRENEUR fasse à ce sujet alors qu’il n’est pas tenu de réhabiliter les sols argileux.

[…]

[179]    Le retard n’est attribuable qu’à la VILLE qui a choisi de judiciariser le débat alors que c’est elle et le MINISTÈRE qui sont responsables du sol qu’il faut, avant toute chose, réhabiliter. […]

[…]

[189]    Dans tous les cas, la Ville doit nécessairement payer les coûts de réhabilitation du sol argileux, mais elle prend la position qu’elle n’a pas à le faire. Elle refuse toutes les suggestions et s’adresse à un autre bureau d’ingénieurs-conseils pour établir sa stratégie.

[…]

[191]    Le Tribunal est d’avis que l’octroi d’intérêt rétroactivement à 2009 serait faire fi du fait que la Ville a agi de manière abusive. Moins d’un mois après les évènements, la Ville est déjà en mode « attaque » alors qu’il fallait simplement discuter de la solution à apporter au vice du sol dont elle n’a jamais, à tort, accepté la responsabilité.

[…]

[198]    Il est vrai que Dessau a commis une erreur dans son évaluation des caractéristiques du sol. Mais en dépit de celle-ci, il reste que le sol doit être restauré, tel que mentionné dans le rapport de l’expert de la Ville qui confirme qu’il doit y avoir réhabilitation des sols à un coût de plus de 1M$. Cela ne relève que de la VILLE et du MINISTÈRE.

[199]    La VILLE a impliqué les défendeurs dans un litige majeur alors qu’elle devait d’abord décider si elle traite le sol ou si elle abandonne le projet. La procédure introductive par laquelle elle réclamait plus de 5M$ solidairement à Dessau et l’ENTREPRENEUR était exagérée. LA VILLE n’a jamais pris en considération qu’une partie du sol ne pouvait recevoir l’ouvrage et qu’elle doit en porter le poids.[15]

                                                                                          [Caractères gras ajoutés]

[91]        Puis, dans la foulée de cette prémisse, la juge semble conclure que l’obligation qu’a toute victime de minimiser ses dommages empêche la Ville, qui a choisi de ne pas renforcer les sols et donc de ne pas compléter le projet, d’obtenir de Dessau plus que ce qu’il lui en a coûté pour l’érection de la partie effondrée.

[92]        En d’autres mots, elle semble d’avis que la Ville ne peut obtenir le remboursement des sommes payées pour la conception et la construction du talus tout entier puisque le fait qu’il ne soit pas complété n’est attribuable qu’à sa décision de ne pas poursuivre les travaux.

[93]        Ce raisonnement, quoique séduisant à première vue, est, à mon avis, vicié par une erreur de droit.

[94]        Contrairement à ce qu’affirme la juge d’instance à plusieurs reprises, j’estime en effet, dans les circonstances très particulières de la présente affaire, que la Ville, vu le cadre de la relation contractuelle la liant à Dessau, n’avait ni l’obligation de renforcer les sols ni celle de compléter le projet.

[95]        La réclamation de la Ville contre Dessau doit en effet être analysée à la lumière de la relation contractuelle qui les unit, sans égard à celle qui peut exister entre la Ville et


d’autres parties. Ainsi, l’obligation qu’avait la Ville envers Desjardins de fournir des sols aptes à recevoir l’ouvrage n’a aucune pertinence lorsqu’il s’agit d’identifier les obligations qu’avait la Ville envers Dessau (et vice versa).

[96]        Le contrat conclu entre la Ville et Dessau est un contrat de service aux termes duquel Dessau s’engage à réaliser une étude géotechnique alors que la Ville, en contrepartie, s’engage à en payer le prix. Quoique je reconnaisse que des obligations implicites puissent en découler pour l’une et l’autre des parties, notamment celle d’agir de bonne foi, je suis d’avis que l’obligation pour la Ville de renforcer les sols, une fois qu’il est apparu qu’ils étaient inaptes à recevoir l’ouvrage envisagé, n’en est pas une.

[97]        Il est vrai que le coût des travaux de renforcement des sols (excavation et remblaiement) aurait dû être assumé par la Ville si, informée par Dessau de la nécessité de les exécuter pour pouvoir construire le talus, la Ville avait décidé d’aller de l’avant avec le projet initialement envisagé.

[98]        Elle aurait également dû supporter les conséquences financières de son imprudence si elle avait fait construire le talus sans d’abord demander qu’une étude géotechnique soit réalisée pour s’assurer de leur capacité portante et que celle-ci s’était par la suite avérée insuffisante.

[99]        Il ne s’agit toutefois là que d’hypothèses dont la preuve ne révèle rien et les circonstances de l’espèce sont tout autres.

[100]     La Ville, au contraire, a été prudente. Elle a demandé à Dessau de réaliser l’étude géotechnique nécessaire et a sollicité son avis quant à la capacité des sols de recevoir l’ouvrage à la lumière de la méthode envisagée. C’est ensuite forte de l’opinion exprimée par Dessau que l’ouvrage pouvait être érigé sans que le sol ne soit renforcé qu’elle a pris la décision d’aller de l’avant avec le projet et d’y investir des sommes importantes provenant d’un emprunt.

[101]     Je ne vois pas pourquoi, dans ce contexte, la Ville, qui a pris soin de retenir les services de professionnels avant d’entreprendre la construction de l’ouvrage, serait dans la même situation que si elle ne l’avait pas fait. Si telle devait être la règle, le recours à des professionnels pour analyser la capacité portante des sols serait bien peu utile.

[102]     J’estime au contraire que celle qui prend soin de faire vérifier la capacité portante des sols avant d’entreprendre la construction d’un ouvrage doit pouvoir se fier à l’opinion émise par le professionnel et ne peut être forcée de supporter des coûts additionnels importants et imprévus s’il s’avère, une fois la construction entreprise, que celui-ci s’est trompé. Elle doit demeurer libre de ne pas compléter les travaux s’il appert qu’ils ne peuvent être réalisés au coût prévu, vu l’erreur commise par le professionnel, du moins dans les cas où les coûts requis pour procéder aux correctifs préalablement nécessaires à la poursuite des travaux sont eux-mêmes considérables par rapport aux coûts initialement prévus de l’ouvrage. C’est le cas en l’espèce, comme on le verra.

[103]     Cela étant, peut-on, par ailleurs, soutenir que le principe voulant que toute victime ait l’obligation de minimiser ses dommages fait en sorte que la Ville avait ici l’obligation de réhabiliter les sols, quitte à demander que Dessau lui en rembourse le coût?

[104]     Je ne le crois pas.

[105]     La Ville avait certes l’obligation légale de « minimiser » ses dommages, mais celle-ci ne lui impose pas de faire exécuter de tels travaux.

[106]     Le talus ne peut être réparé et sa stabilité assurée que si le sol est d’abord renforcé. Les experts divergent d’opinion sur la longueur exacte des sols qui devraient ainsi être renforcés, mais, retenant l’hypothèse la plus favorable à Dessau, ceux-ci s’étendent sur un minimum de 305 mètres, c’est à dire des chaînages 0+230 à 0+535. Aecom évalue à 1 028 487 $ le coût des travaux nécessaires[16]. Le talus n’étant effondré qu’entre les chaînages 0+420 et 0+505, il faudrait, de plus, que le talus soit démoli entre les chaînages 0+230 à 0+420 et 0+505 à 0+535 et les débris retirés avant que les sols puissent être excavés. Bref, le coût de réhabilitation des sols afin de permettre que le talus soit réparé puis éventuellement complété est très élevé et représente plus du tiers du coût initial des travaux entrepris par la Ville.

[107]     Je rappelle les propos de ma collègue la juge Bich, qui quoiqu’écrits dans un autre contexte, m’apparaissent ici fort pertinents :

[5]        Je rappelle en effet que l’article 1479 C.c.Q. dit simplement que le débiteur de l’obligation de réparer (en l’occurrence, l’employeur) ne répond pas de l’aggravation du préjudice que le créancier (en l’occurrence, le salarié) pouvait éviter. Cette disposition ne dit pas que le créancier doit tout mettre en œuvre pour éviter ou neutraliser le préjudice et y remédier lui-même. Il y a une nuance entre les deux propositions [][17]

[108]     J’ajouterais à ces propos qu’on ne doit pas interpréter l’obligation imposée par l’article 1479 C.c.Q. de façon à faire supporter à la victime une partie des conséquences de la faute commise par le responsable puisque cela serait contraire au principe même de la responsabilité civile et au droit à la réparation qui en découle.

[109]     Or, c’est à mon avis exactement ce à quoi mène l’imposition à la Ville de l’obligation de renforcer les sols.

[110]     Je rappelle aussi qu’il est bien établi que cette obligation exige du créancier qu’il évite l’aggravation du risque « en prenant les mesures qu’aurait prises, dans les mêmes circonstances, une personne raisonnablement prudente et diligente » et que le coût des mesures de minimisation constitue un préjudice indemnisable que l’auteur de la faute doit éventuellement rembourser[18].

[111]     À mon avis, on ne peut affirmer qu’une personne raisonnablement prudente et diligente aurait accepté de débourser une telle somme pour renforcer les sols, et ainsi limiter le dommage en poursuivant le projet.

[112]     La Ville aurait certes pu choisir de le faire, mais elle n’y était pas tenue. Son choix ne peut lui être reproché et il ne permet pas de réduire les dommages auxquels elle a droit. Dans la mesure où Dessau refusait d’assumer sa responsabilité - ce qu’elle a fait jusqu’au procès - la Ville pouvait choisir d’abandonner le projet. La continuation de celui-ci aurait exigé la réhabilitation des sols à un coût excessif pour la Ville (même si elle pouvait éventuellement espérer les récupérer de Dessau), qui dépassait largement les sommes prévues et qui était exorbitant par rapport aux coûts originaux.

[113]     La juge devait donc identifier et quantifier les dommages causés par la faute de Dessau sans égard à une quelconque obligation de la Ville de renforcer les sols pour permettre que les travaux correctifs soient réalisés.

[114]     L’eût-elle fait qu’elle aurait, selon moi, conclu que la Ville avait le droit d’être indemnisée pour les coûts qu’elle a payés pour un talus qui ne remplit pas sa fonction.

[115]     La réclamation de la Ville est de nature contractuelle. L’indemnisation du préjudice à laquelle elle a droit (art. 1607 C.c.Q.) est donc essentiellement compensatoire, ce qui signifie qu’elle a le droit d’être indemnisée intégralement du préjudice causé par le défaut de Dessau sans toutefois pouvoir s’enrichir[19].

[116]     Le préjudice pour lequel elle a le droit d’être indemnisée doit toutefois satisfaire certaines exigences : il doit ainsi être une suite immédiate et directe de l’inexécution contractuelle de Dessau, et, vu l’absence de faute lourde, il doit avoir été prévisible (art. 1613 C.c.Q.).

[117]     Le coût payé par la Ville pour la construction du talus inutile satisfait selon moi à toutes ces exigences. La Ville, sur la foi des représentations de Dessau voulant que le sol puisse le recevoir, a dépensé des sommes importantes pour construire un talus antibruit.

[118]     Il est vrai qu’elle a reçu une partie de l’ouvrage, mais celui-ci demeure incomplet. Il n’a ni sa pleine longueur ni sa pleine hauteur et, surtout, il est effondré presque en son centre. Dans la mesure où le talus projeté avait pour mission de bloquer le bruit, ces faits suffisent, selon moi, pour présumer qu’il ne remplit pas sa fonction. Le fardeau de


 

démontrer le contraire, ou de démontrer que la Ville s’enrichit en étant remboursée tout en conservant le talus, incombait à Dessau dans les circonstances et celle-ci n’a offert aucune preuve en ce sens.

[119]     Le principe du droit à une réparation intégrale du préjudice subi fait donc en sorte que la Ville, selon moi, a le droit d’être remboursée de l’intégralité des dépenses qu’elle a faites pour concevoir et construire le talus antibruit. Il s’agit là d’un dommage immédiat et direct découlant de la faute de Dessau qui, au surplus, était prévisible.

[120]     La Ville, en appel, réclame sous ce chef 2 324 376,51 $, comme elle le faisait en première instance. Elle demande également que Dessau soit condamnée à l’indemniser de toute somme qu’elle pourrait devoir payer à Desjardins. N’ayant pas détaillé sa réclamation ni donné à la Cour les explications nécessaires pour lui permettre de comprendre comment elle a établi sa réclamation et quelle erreur la juge de première instance aurait commise à cet égard, j’estime qu’il y a lieu de déterminer la somme à laquelle elle a droit à la lumière des conclusions de fait de la juge.

[121]     Ainsi, celle-ci ayant conclu que des dépenses de la Ville totalisant 427 442,53 $ incluses dans la somme de 2 324 376,51 $ ne font pas partie des coûts de construction déjà payés[20], c’est plutôt la somme de 1 896 933,98 $ qu’il faut retenir à ce titre. Cela étant, il y a lieu d’y ajouter la somme en capital et intérêts que la Ville doit payer à Desjardins[21], vu le rejet de son appel de cette condamnation, et, finalement, d’en soustraire les 50 000 $ reçus de Desjardins et de Dessau au titre des malfaçons.

[122]     Je souligne en terminant cette partie de mon analyse que mon opinion aurait pu être toute autre si Dessau avait offert d’assumer le coût de renforcement des sols et que la Ville avait néanmoins refusé de compléter le projet. Ce n’est toutefois pas ce qui s’est passé.

[123]     Cela étant, j’estime qu’il n’y a pas lieu d’intervenir quant au rejet par la juge des deux autres réclamations de la Ville, soit celle pour les coûts encourus pour la remise en état du remblai et l’exécution de certains travaux ainsi que celle pour troubles et inconvénients.

[124]     Dans la mesure où l’erreur de droit que j’ai identifiée semble n’avoir joué aucun rôle dans la décision de la juge de les rejeter, j’estime que sa décision découle de son appréciation de la preuve. La Cour ne devrait donc intervenir qu’en présence d’une erreur manifeste et déterminante, que la Ville ne démontre pas.

3)    Le rejet des réclamations contre les cautions

[125]     Je ne vois pas davantage de motifs d’intervenir quant au rejet par la juge des réclamations de la Ville contre Intact et Axa.

[126]     Celles-ci ont émis des cautionnements d’exécution aux termes desquels elles se sont engagées à compléter les travaux dans l’éventualité où Desjardins ou Dessau, selon le cas, refusaient de les compléter.

[127]     Nous ne sommes pas dans un tel cas de figure et la juge a eu raison de rejeter les réclamations en dommages de la Ville. Ayant choisi d’abandonner le projet et, partant, n’ayant jamais demandé qu’il soit complété par les cautions, la Ville ne peut maintenant s’appuyer sur ces cautionnements pour réclamer des dommages.

4)    Le comportement de la ville

[128]     Reste le moyen voulant que la juge ait erré en concluant que la Ville a agi abusivement, ce qui l’a menée à ne faire courir les intérêts sur l’indemnité accordée qu’à compter de son jugement, à lui refuser ses frais de justice et à lui ordonner de payer ceux de Desjardins.

[129]     Le sort devant être réservé à ce moyen diffère, selon moi, selon qu’il s’agisse de la réclamation contre Desjardins ou de celle contre Dessau.

[130]     Dans le cas de Desjardins, la juge s’appuie sur l’article 341 C.p.c. pour condamner la Ville à payer les frais de justice.

[131]     En sus des commentaires qu’elle formule quant au comportement général de la Ville, elle traite de façon plus particulière de celui adopté envers Desjardins :

[202]    De façon plus particulière, il est inconcevable que [Desjardins] ait eu à subir cette procédure alors qu’on lui retenait suffisamment d’argent pour corriger les malfaçons et que dès le départ, on savait qu’il n’avait commis aucune faute liée à l’effondrement. La Ville a agi abusivement en ne révisant pas sa position, après réception du rapport de son propre expert qui n’a jamais remis en question sa non-responsabilité dans l’effondrement.

[203]    Quant aux malfaçons du talus, si la Ville avait permis à [Desjardins] de les corriger au lieu d’intenter un recours, cela aurait évité bien des frais, y compris tous les appels en garantie qui ont découlé de ce choix abusif.[22]

[132]     Le pouvoir conféré au juge par l’article 341 C.p.c. est discrétionnaire et la Cour ne peut intervenir que s’il est fondé sur des considérations erronées en ce qui concerne le droit applicable ou si le juge commet une erreur manifeste dans son appréciation des faits, ce qui n’est pas le cas ici[23].

[133]     Il en va toutefois autrement lorsque la juge évalue le comportement général de la Ville et conclut qu’elle a agi abusivement.

[134]     Sa conclusion à cet égard est en effet tributaire de sa conviction que la Ville avait l’obligation de réhabiliter le sol et de sa conclusion voulant que les dommages découlant de l’effondrement ne s’élèvent qu’à 312 423 $. Voici ce qu’elle écrit :

[197]    Le Tribunal estime que toute cette affaire a pris d’immenses proportions pour en somme peu de choses.

[198]    Il est vrai que Dessau a commis une erreur dans son évaluation des caractéristiques du sol. Mais en dépit de celle-ci, il reste que le sol devait être restauré, tel que mentionné dans le rapport de l’expert de la Ville qui confirme qu’il doit y avoir réhabilitation des sols à un coût de plus de 1M$. Cela ne relève que de la Ville et du Ministère.

[199]    La Ville a impliqué les défendeurs dans un litige majeur alors qu’elle devait d’abord décider si elle traite le sol ou si elle abandonne le projet. La procédure introductive par laquelle elle réclamait plus de 5M$ solidairement à Dessau et [Desjardins] était exagérée. La Ville n’a jamais pris en considération qu’une partie du sol ne pouvait recevoir l’ouvrage et qu’elle doit en porter le poids.

[200]    Puis, la Ville modifie sa procédure en se justifiant qu’il est indécent d’investir l’argent des contribuables dans une réparation de 5M$. Pourtant, c’est bien ce qu’elle réclamait au départ de la partie adverse.

[201]    Il y a lieu de faire exception au principe que la partie qui gagne obtienne aussi les frais de justice. L’action de la Ville sera accueillie partiellement, mais sans frais de justice.[24]

[135]     La prémisse de son raisonnement comportant une erreur de droit, la Cour doit la corriger et, ensuite, apprécier elle-même la preuve. Il s’agit là, je le reconnais, d’un exercice délicat, particulièrement lorsque la décision de la juge semble avoir été influencée par plusieurs éléments. La Cour doit néanmoins s’y livrer.

[136]     Pour ma part, j’estime que la preuve administrée ne permet pas de conclure que la Ville a agi abusivement à l’égard de Dessau. Il est exact qu’elle a tergiversé et modifié sa position à quelques reprises, mais il faut tenir compte du fait qu’elle était placée dans une situation difficile vu les sommes importantes déjà engagées dans ce projet, les coûts additionnels que la poursuite de celui-ci impliquait et le refus persistant de Dessau de reconnaitre sa responsabilité. Bref, la valse-hésitation à laquelle elle s’est livrée me semble, dans les circonstances, insuffisante pour conclure à un abus et j’estime que la règle voulant que la partie qui succombe paie les frais de justice devrait s’appliquer.

[137]     La Ville ayant choisi de réclamer le remboursement des sommes dépensées, le rapport préparé par Aecom quant aux coûts nécessaires pour reconstruire complètement le talus a toutefois été inutile et ne doit pas faire partie des frais d’expert que la Ville pourra recouvrer.

5)    Le point de départ des intérêts

[138]     Finalement, l’indemnité accordée à la Ville devrait, à mon avis, porter intérêts à compter de l’introduction des procédures judiciaires. Encore ici, la décision de la juge de ne les faire courir qu’à compter de son jugement m’apparaît fondée surtout sur son appréciation du comportement de la Ville, sur la nature des dommages qu’elle lui octroie et sur l’évaluation qu’elle en fait. Dans la mesure où je conclus que la Ville n’a pas agi abusivement face à Dessau et qu’elle a le droit de récupérer l’intégralité de ses coûts de construction, il faut déterminer si les considérations restantes sont suffisantes pour faire échec au principe général voulant que les intérêts courent à compter de la mise en demeure.

[139]     La Ville, ici, a commencé par réclamer le coût de reconstruction du talus. N’ayant pas encore engagé ces dépenses, elle n’a pas, à bon droit, réclamé d’intérêts sur ceux-ci. Le temps ayant fait son œuvre, elle a toutefois jugé déraisonnable de maintenir cette réclamation et a choisi de la réduire en demandant plutôt le remboursement de ses coûts de construction. Ces coûts ayant déjà été engagés par elle, elle a réclamé les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue par l’article 1619 C.c.Q

[140]     Il ne s’agit pas là d’une situation où une partie augmente sa réclamation à la veille du procès et souhaite que les intérêts courent depuis l’introduction des procédures judiciaires sur l’entièreté de la somme réclamée. Il ne s’agit pas davantage d’une situation causant préjudice à Dessau.

[141]     Bref, je ne vois rien dans cette façon de faire qui puisse justifier de déroger à la règle générale voulant que les intérêts au taux légal courent à compter de l’introduction des procédures. Il est vrai qu’il eut été souhaitable que la réclamation soit modifiée bien avant la tenue du procès, mais cela, selon moi, ne justifie pas de refuser d’accorder les intérêts courus sur une somme déjà payée, sur laquelle, par surcroît, la Ville a vraisemblablement payé des intérêts puisqu’elle l’a obtenue par le biais d’un règlement d’emprunt.

[142]     Ce retard à modifier la réclamation justifie toutefois de ne pas majorer le taux légal de l’indemnité additionnelle.

[143]     Pour ces motifs, je suggère à la Cour de rejeter l’appel quant à Desjardins, Axa et Intact et de l’accueillir quant à Dessau afin que celle-ci soit plutôt condamnée à rembourser à la Ville la somme, en capital, intérêts, que celle-ci doit payer à Desjardins, sans frais de justice, ainsi qu’à lui payer la somme de 1 846 933,98 $ avec intérêts au taux légal à compter de l’introduction des procédures, avec les frais de justice en faveur de la Ville, incluant les frais d’expert, sauf ceux découlant de la préparation du rapport d’Aecom portant sur les coûts de reconstruction du talus.

 

 

 

MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A.


 

 

MOTIFS DE LA JUGE MARCOTTE

 

 

[144]     J’ai pris connaissance des motifs de ma collègue Hogue. Je souscris de manière générale à sa description des faits, sous réserve de certaines nuances que j’apporterai plus loin, et je partage entièrement son analyse à l’égard de la responsabilité de Desjardins et des cautions Intact et Axa. Je ne peux cependant me rallier à son interprétation des motifs de la juge de première instance en ce qui concerne la quantification des dommages découlant de la faute de Dessau, non plus qu’à l’erreur de droit qu’elle soulève et qui l’amène à proposer une intervention de la Cour pour, d’une part, modifier le montant de la condamnation de Dessau et, d’autre part, y ajouter l’intérêt à compter de l’introduction des procédures. En ce qui concerne les frais de justice, je souscris à l’idée d’intervenir pour les accorder en faveur de la Ville à l’endroit de Dessau, en limitant les frais d’experts à ceux qui concernent la détermination de la cause de l’effondrement.

Quantification des dommages accordés à l’endroit de Dessau

[145]     La juge de première instance débute son évaluation des dommages en énonçant que la réclamation de la Ville à l’endroit de Dessau et de l’entrepreneur Desjardins pour les montants investis dans le projet (soit 1 608 666 $, en plus des 715 707 $ payés par le Ministère [des Transports]) n’est pas recevable.

[146]     Elle procède ensuite à l’analyse de ce poste de dommages en deux temps, en examinant d’abord les dommages relatifs à la perte partielle du segment effondré du talus qu’elle attribue exclusivement à Dessau, avant de se pencher sur ceux qui découlent des malfaçons du talus renforcé pour lesquelles elle condamne solidairement Desjardins et Dessau à payer 50 000 $ à la Ville. Comme l’a souligné ma collègue, cette dernière condamnation ne fait pas l’objet d’un débat en appel.

[147]     En ce qui concerne les dommages relatifs à la perte partielle du talus, la juge condamne Dessau à indemniser la Ville pour une portion des montants investis dans la conception et la construction du talus correspondant à la zone de rupture située entre les chaînages 0+420 et 0+505, sur une distance de 85 mètres. Ayant déterminé que les coûts totaux s’élèvent à 2 613 324 $, la juge fixe la condamnation de Dessau à 312 423 $ en fonction d’une règle de trois.

[148]     Voici ce qu’elle dit au sujet du calcul de la compensation accordée à la Ville :

[139]    La VILLE a droit à une compensation équivalente aux dépenses encourues pour la construction de la portion du mur. Celles-ci consistent aux honoraires de DESSAU, de LVM (pour le suivi géotechnique en cours de réalisation) ainsi qu’aux factures de l’ENTREPRENEUR, y compris celles réclamées par les présentes.

[...]

[151]    Les sommes payables à l’ENTREPRENEUR doivent être incluses puisque celles-ci font partie des coûts de construction qui s’élèvent donc à 2 613 324 $.

[152]    Toutefois, c’est une portion de 85 mètres qui s’est effondrée et qui est perdue. L’ENTREPRENEUR a construit une longueur de 711 mètres. La perte moyenne par mètre linéaire serait de 3 675 $, soit un montant de 312 423 $.

[153]    Le Tribunal établit que ce sont là les dommages directs subis par la VILLE en raison de la perte de l’ouvrage et dont DESSAU est responsable.

[149]     Sa quantification des dommages est tributaire du lien causal entre la faute commise et le préjudice subi. Ayant d’abord déterminé que la faute de Dessau était celle d’avoir omis de déceler la présence d’argile molle dans le sol et ayant conclu à une perte partielle de l’ouvrage, elle tient Dessau responsable du préjudice correspondant à la portion effondrée du talus.

[150]     Sous le couvert d’une réparation intégrale du préjudice subi, ma collègue estime plutôt que la Ville doit se voir rembourser l’ensemble des sommes investies pour concevoir et construire le talus antibruit, qu’elle ajuste toutefois à la baisse en fonction du montant réclamé à la déclaration d’appel modifiée.

[151]     Je ne peux souscrire à cette conclusion. Voici pourquoi.

[152]     D’abord, à mon avis, cette proposition heurte de plein fouet la conclusion de fait de la première juge à l’égard de la perte partielle du talus, laquelle est fondée sur la preuve d’expert et ne comporte aucune erreur révisable. Reconnaître à la Ville le droit de réclamer l’entièreté des coûts engagés pour la conception et la construction du talus équivaut à reconnaître une perte totale qui n’a pas été démontrée.

[153]     De plus, ma collègue propose d’intervenir à l’égard des dommages subis par la Ville en raison de l’erreur de droit de la juge qui aurait selon elle « réduit » le montant des dommages octroyés à l’encontre de Dessau en raison du refus de la Ville de reconstruire le mur et d’assumer sa responsabilité à l’égard de la réhabilitation des sols. Elle reconnaît toutefois que la juge ne le dit pas expressément et que c’est ce qu’elle infère de ses motifs à la lumière de différents extraits tirés du jugement :

[90]      Je comprends de ses motifs que cette omission découle du fait qu’elle pose comme prémisse, sans toutefois expliquer pourquoi, que cette responsabilité incombait à la Ville. Elle semble en effet d’avis que la Ville fournissant les sols, il va de soi qu’elle avait l’obligation de les renforcer lorsqu’il est apparu que leur capacité portante était insuffisante, ce qui aurait permis à Dessau de faire reconstruire la partie effondrée. Ses motifs réitèrent à plusieurs reprises que cette responsabilité incombait à la Ville et ce tant lorsqu’elle décrit le contexte général de l’affaire que lorsqu’elle analyse la réclamation de la Ville contre Desjardins, celle contre les cautions ainsi que celle contre Dessau :

[16]       La Ville somme Dessau et l’Entrepreneur de trouver une solution, mais refuse toute contribution financière pour réhabiliter le sol argileux.

[…]

[120]     De plus, le directeur général en poste à l’époque pertinente explique que la Ville ne s’est pas prévalue de cette option car elle ne savait pas si des travaux étaient réalisables. Cette réponse confirme plutôt que la Ville est consciente qu’elle doit investir dans la réhabilitation du sol avant de continuer quoi que ce soit et que c’est cette décision qu’elle a tardé à prendre.

[…]

[137]     Elle a certainement le droit de faire ce qu’elle veut sur sa propriété, mais pas au détriment de son obligation de minimiser ses dommages. Dessau n’est tenue que du préjudice direct, relié à sa faute relative à la caractérisation des sols.

[…]

[174]     Afin que l’ENTREPRENEUR puisse terminer les travaux, il eût d’abord fallu que LA VILLE l’autorise à les continuer, en acceptant sa responsabilité face à la présence d’argile et en décidant de quelle manière il doit y être remédié.

[175]     La VILLE aurait dû reconnaître que nonobstant l’erreur de DESSAU, il lui appartient de traiter les sols porteurs. D’ailleurs, son propre expert le prévoit et estime les coûts à 1 028 487$. On se demande ce que la VILLE espérait que l’ENTREPRENEUR fasse à ce sujet alors qu’il n’est pas tenu de réhabiliter les sols argileux.

[…]

[179]     Le retard n’est attribuable qu’à la VILLE qui a choisi de judiciariser le débat alors que c’est elle et le MINISTÈRE qui sont responsables du sol qu’il faut, avant toute chose, réhabiliter. […]

[…]

[189]     Dans tous les cas, la Ville doit nécessairement payer les coûts de réhabilitation du sol argileux, mais elle prend la position qu’elle n’a pas à le faire. Elle refuse toutes les suggestions et s’adresse à un autre bureau d’ingénieurs-conseils pour établir sa stratégie.

[…]

[191]     Le Tribunal est d’avis que l’octroi d’intérêt rétroactivement à 2009 serait faire fi du fait que la Ville a agi de manière abusive. Moins d’un mois après les évènements, la Ville est déjà en mode « attaque » alors qu’il fallait simplement discuter de la solution à apporter au vice du sol dont elle n’a jamais, à tort, accepté la responsabilité.

[…]

[198]     Il est vrai que Dessau a commis une erreur dans son évaluation des caractéristiques du sol. Mais en dépit de celle-ci, il reste que le sol doit être restauré, tel que mentionné dans le rapport de l’expert de la Ville qui confirme qu’il doit y avoir réhabilitation des sols à un coût de plus de 1M$. Cela ne relève que de la VILLE et du MINISTÈRE.

[199]     La VILLE a impliqué les défendeurs dans un litige majeur alors qu’elle devait d’abord décider si elle traite le sol ou si elle abandonne le projet. La procédure introductive par laquelle elle réclamait plus de 5M$ solidairement à Dessau et l’ENTREPRENEUR était exagérée. LA VILLE n’a jamais pris en considération qu’une partie du sol ne pouvait recevoir l’ouvrage et qu’elle doit en porter le poids.

[91]      Puis, dans la foulée de cette prémisse, la juge semble conclure que l’obligation qu’a toute victime de minimiser ses dommages empêche la Ville, qui a choisi de ne pas renforcer les sols et donc de ne pas compléter le projet, d’obtenir de Dessau plus que ce qu’il lui en a coûté pour l’érection de la partie effondrée.

[92]      En d’autres mots, elle semble d’avis que la Ville ne peut obtenir le remboursement des sommes payées pour la conception et la construction du talus tout entier puisque le fait qu’il ne soit pas complété n’est attribuable qu’à sa décision de ne pas poursuivre les travaux.

[93]      Ce raisonnement, quoique séduisant à première vue, est, à mon avis, vicié par une erreur de droit.

[94]      Contrairement à ce qu’affirme la juge d’instance à plusieurs reprises, j’estime en effet, dans les circonstances très particulières de la présente affaire, que la Ville, vu le cadre de la relation contractuelle la liant à Dessau, n’avait ni l’obligation de renforcer les sols ni celle de compléter le projet.

[Soulignements ajoutés]

[154]     Je ne fais pas la même lecture des motifs de la juge de première instance. Je constate par ailleurs que seul le paragraphe 137 du jugement entrepris, que ma collègue reproduit au soutien de son propos, figure dans l’analyse des dommages réclamés contre Dessau. En fait, on retrouve les paragraphes 174, 175 et 179[25] dans l’analyse de la réclamation pour pénalité de retard à l’endroit de l’entrepreneur Desjardins. La juge y signale alors avec raison, telle que le reconnaît d’ailleurs ma collègue lorsqu’elle analyse la responsabilité de Desjardins, que pour être en droit de réclamer une pénalité à l’entrepreneur Desjardins, la Ville devait d’abord réhabiliter les sols et poursuivre les travaux dont elle avait ordonné l’arrêt. Quant aux paragraphes 189 et suivants du jugement, ils figurent dans la discussion portant sur l’octroi des intérêts et de l’indemnité additionnelle dont je traiterai plus loin.

[155]     Ma collègue déduit néanmoins de ces extraits qu’il s’agit de la prémisse du raisonnement de la juge lorsqu’elle quantifie les dommages et que celle-ci impute à la Ville l’obligation d’exécuter les travaux lorsque vient le temps d’évaluer les dommages réclamés à l’endroit de Dessau en raison de son obligation de minimiser ses dommages. Elle indique :

[103]    Cela étant, peut-on, par ailleurs, soutenir que le principe voulant que toute victime ait l’obligation de minimiser ses dommages fait en sorte que la Ville avait ici l’obligation de réhabiliter les sols, quitte à demander que Dessau lui en rembourse le coût?

[104]    Je ne le crois pas.

[105]    La Ville avait certes l’obligation légale de « minimiser » ses dommages, mais celle-ci ne lui impose pas de faire exécuter de tels travaux.

[156]     Elle soutient que la juge aurait identifié et quantifié les dommages en tenant compte à tort de l’obligation de la Ville de renforcer les sols. Elle détermine qu’au contraire la Ville avait le droit d’être indemnisée pour l’ensemble des coûts engagés pour le projet du talus qui ne remplit pas sa fonction :

[111]    À mon avis, on ne peut affirmer qu’une personne raisonnablement prudente et diligente aurait accepté de débourser une telle somme pour renforcer les sols, et ainsi limiter le dommage en poursuivant le projet.

[112]    La Ville aurait certes pu choisir de le faire, mais elle n’y était pas tenue. Son choix ne peut lui être reproché et il ne permet pas de réduire les dommages auxquels elle a droit. Dans la mesure où Dessau refusait d’assumer sa responsabilité - ce qu’elle a fait jusqu’au procès - la Ville pouvait choisir d’abandonner le projet. La continuation de celui-ci aurait exigé la réhabilitation des sols à un coût excessif pour la Ville (même si elle pouvait éventuellement espérer les récupérer de Dessau), qui dépassait largement les sommes prévues par le règlement d’emprunt et qui était exorbitant par rapport aux coûts originaux.

[113]    La juge devait donc identifier et quantifier les dommages causés par la faute de Dessau sans égard à une quelconque obligation de la Ville de renforcer les sols pour permettre que les travaux correctifs soient réalisés.

[114]    L’eût-elle fait qu’elle aurait, selon moi, conclu que la Ville avait le droit d’être indemnisée pour les coûts qu’elle a payés pour un talus qui ne remplit pas sa fonction.

[157]     Je ne partage pas les inférences que tire ma collègue des propos de la juge de première instance non plus que le lien qu’elle fait entre les propos de la juge à l’égard de l’obligation de la Ville de minimiser ses dommages et son obligation de reconstruire en réhabilitant d’abord les sols à ses propres frais.

[158]     Il est vrai que la juge discute d’entrée de jeu des difficultés que pose l’évaluation des dommages subis par la Ville en indiquant que celle-ci « a omis de faire la preuve des coûts de reconstruction de la portion du mur [effondré] forte de sa croyance qu’elle peut tout reprendre l’ouvrage, sans nécessairement maintenir l’idée d’un talus végétal ». La juge réfère également à l’obligation de la Ville de minimiser les dommages lorsqu’elle signale que celle-ci « a certainement le droit de faire ce qu’elle veut sur sa propriété, mais pas au détriment de son obligation de minimiser ses dommages ». Cette entrée en matière semble avoir mené ma collègue à conclure que la juge de première instance a voulu pénaliser la Ville pour son choix de n’avoir pas reconstruit le talus alors qu’elle était tenu de le faire en vertu de son obligation de minimiser ses dommages. Les commentaires additionnels de la juge, émis dans un autre contexte, lorsqu’elle discute de la responsabilité de Desjardins et l’obligation de la Ville de réhabiliter les sols suffisent, à son avis, à sceller le sort du pourvoi, puisque la juge erre sur ce dernier point.

[159]     À mon avis, dans la mesure où la Ville ne réclame que les coûts engendrés inutilement sur le projet, les erreurs que soulèvent ma collègue, quant à l’obligation de reconstruire de la Ville et de réhabiliter les sols, n’ont aucune incidence sur la détermination des dommages.

[160]     La juge ne fait que quantifier le préjudice direct découlant de la faute de Dessau dans la caractérisation des sols en tenant compte des dimensions de la partie effondrée du talus qui s’avère la seule zone affectée par l’erreur de caractérisation, sans égard à une quelconque obligation de reconstruire ou de réhabiliter les sols.

[161]     On peut se demander ce qui motive néanmoins les commentaires de la juge concernant le défaut de la Ville d’évaluer le coût de reconstruction du talus ou de la réhabilitation des sols alors qu’il s’agit d’éléments qui sont sans conséquence sur la quantification des dommages ou le calcul proportionnel qu’elle propose.

[162]     Ses commentaires ne font toutefois que mettre en relief le fait que la Ville ne pouvait compter obtenir une compensation plus élevée en réclamant les montants qu’elle estimait avoir engagés inutilement pour la conception ou la construction d’un talus, que si elle avait complété la construction du talus en procédant aux correctifs requis. Or, dans ce cas, elle n’aurait pu réclamer de Dessau que les coûts additionnels engendrés par l’erreur de caractérisation des sols de Dessau, laquelle n’excédait pas la zone fragilisée par la présence d’argile molle, à la lumière des rapports d’expert préparés par AECOM à la demande de la Ville et de l’ensemble de la preuve administrée au procès.

[163]     La juge reproche à la Ville d’avoir omis de circonscrire le coût de reconstruction de la partie effondrée du talus et de s’être plutôt contentée de déposer un rapport d’expert qui proposait une démolition et une reconstruction complète du talus à grands frais (plus de 5,2 millions $) sans égard au fait que, suivant son propre expert, Luc Demers de la firme AECOM, seul le segment 5, d’une longueur de 135 mètres, situé entre les chaînages 0+400 et 0+535 (soit quelque 50 mètres au-delà de la zone de rupture de 85 mètres), comportait des sols de fondation problématiques en raison de la présence d’argile molle[26].

[164]     L’expert Demers a admis que le reste du talus (à l’extérieur du segment 5) ne comportait pas d’argile molle. Il a également reconnu que les sols argileux demeurés en place, en dehors de la zone de rupture, n’avaient pas à sa connaissance subi de tassements au moment où il a procédé à l’expertise en 2010 non plus que par la suite, à sa connaissance, et qu’il était tout à fait possible qu’ils se soient depuis consolidés. Il suggérait d’ailleurs de procéder à de nouvelles analyses des sols avant de procéder aux travaux suggérés dans le segment 4 (de 0+230 à 0+400). Voici ses explications :

R-  Oui, oui. Donc, on n’a pas d’intervention… si on regarde plus loin, là, on n’a pas d’intervention au niveau du secteur… du segment 3, de 170 à 230. Parce que, si on regarde plus loin, les analyses de… pour les solutions pour le renforcement des sols, l’amélioration des sols, on parle des segments 4 et 5. Donc, le segment 4, comme on voit plus loin, à la page 4, est défini comme entre les chaînages 230 à 400, et le segment 5, de 400 à 535.

Q-  Ça va. Puis, là - on va revenir sur ceux-là -, après ça, de 535 à 580, j’ai cru comprendre que vous gardez à peu près tout ce qu’il y a là, là.

R-  Oui.

Q-  Ça va.

R-  Je tiens à mentionner quand même que le découpage dont on parle ici, là, il est clairement mentionné dans mon rapport que c’est quand même des subdivisions qui sont préliminaires et qui pourraient être révisées lors d’ingénierie détaillée…

Q-  Mais…

R-  … par l’ingénieur en charge des travaux de conception. Parce que, évidemment, il y a des… il y a des transitions, là: il y a la zone où il y a eu la rupture qui est nécessairement la plus problématique, mais la présence des sols d’argileux, comme on a déjà parlé, déborde le secteur où il y a eu rupture et, à un moment donné, les propriétés des sols s’améliorent. Ça fait qu’il y a… il y a un ingénieur en charge des travaux à un moment donné qui devra trancher où se… où se situe la limite et quelles propriétés des sols considérer à tel ou tel endroit.

Q-  Bon. Ce que vous venez de dire, monsieur Demers, c’est que… j’ai cru comprendre… je suis juste avocat, là, mais j’ai cru comprendre que - et vous en avez un peu parlé tantôt -, selon l’historique que vit l’argile ou le sol en général, là, il va se consolider puis, à un moment donné, il va peut-être se renforcer. Ou, en tout cas, s’il tolère ce qu’on met dessus jusqu’à cette charge-là, il va toujours être capable de la tenir. Quand vous parlez de l’historique…

R-  Oui. Oui. En fait, un sol qui a été… exemple, un sol qui a eu dix (10) mètres de remblai, un sol argileux, bien, évidemment, il va être capable à nouveau… si ce sol s’érode puis, après ça, on revient remettre dix (10) mètres de sol argileux… de sol par-dessus, il va être capable de le… de le supporter.

Q-  Le supporter.

R-  Oui.

Q-  Alors, ce que vous être en train d’expliquer à la Cour, et je crois que c’est juste, c’est que, avant, par exemple, de démolir complètement la section 230 à 400, il y aurait lieu de retourner là puis voir si le sol s’est amélioré suffisamment pour compléter ou non.

R-  Bien, c’est sûr, éventuellement, depuis les nombreuses années qui se sont écoulées depuis la construction initiale, la consolidation s’est poursuivie au niveau des sols argileux et, oui, depuis ces années, ils ont peut-être gagné un peu de résistance.

Si on faisait un sondage immédiatement à côté d’un forage antérieur, ça pourrait arriver qu’on retrouve, oui, un peu plus… une résistance un peu plus supérieure à celle qui a été caractérisée en deux mille neuf (2009), deux mille dix (2010), c’est certain.

Q-  Puis ce serait d’autant plus justifié ici que, à notre connaissance, là, entre 200 et 400… entre 230 et 400, je comprends que, en deux mille neuf (2009), vous avez eu des mesures relativement faibles, mais il n’y a pas… il n’y a rien qui s’est passé, là, à date avec cette section de talus là, rien de…

R-  Bien, pas… pas à ma connaissance, là. Je suis pas retourné sur le site, honnêtement, depuis… depuis deux mille dix (2010), là, mais je pense que, s’il y avait eu un nouveau glissement, j’en aurais entendu parler.[27]

[Soulignements ajoutés]

[165]     Ce même expert a de plus concédé à l’audience que la reconstruction totale du projet préconisée dans son rapport découlait en fait de son appréhension non vérifiée qu’il serait difficile de retenir un entrepreneur pour compléter les travaux de construction du talus et en garantir la solidité. Il a reconnu au procès n’avoir jamais sondé d’entrepreneurs à ce sujet[28].

[166]     Voilà donc le contexte dans lequel la juge a jugé opportun de commenter la portée excessive de la réclamation initiale de la Ville, laquelle était fondée sur le rapport d’AECOM du 13 avril 2011, présentant le coût pour démolir et reconstruire le mur complet sans égard au fait que le mur n’était pas achevé au moment de l’effondrement et que l’étendue des travaux proposés excédait largement la zone affectée par la présence de sols argileux qu’on reprochait à Dessau d’avoir omis de déceler, en y ajoutant au surplus les frais de conception et de supervision, en sus des travaux d’aménagement paysager et des provisions, pour un grand total de 5,2 M$. Difficile de faire mieux au chapitre de la plus-value!

[167]     Soit, la juge aurait peut-être pu considérer, pour les fins de son calcul, l’entièreté de la zone de sol affectée par la présence d’argile molle, suivant l’évaluation de l’expert Demers correspondant au segment 5 (0+400 et 0+535) dans son rapport sur une distance de 135 mètres, plutôt que de limiter son calcul à la seule zone de rupture de 85 mètres. Mais il s’agit là, à mon avis, du seul reproche qu’on puisse lui opposer et qui n’a d’ailleurs pas été soulevé par la Ville. Dans ce cas, un calcul fondé sur le segment 5 aurait servi à hausser le calcul des dommages au montant de 496 125 $ (pour une distance de 135 mètres) plutôt que le montant fixé à 312 423 $ (pour une distance de 85 mètres). Cela étant, même en supposant que la présence d’argile molle (par opposition au dépôt argileux) ait été démontrée sur une distance de 305 mètres, correspondant aux segments 4 et 5, on obtient une indemnité de 1 024 337 $, montant largement inférieur à l’indemnité que ma collègue propose d’octroyer.

[168]     À mon avis, lorsque la juge traite de la reconstruction et de l’obligation de la Ville de minimiser ses dommages, elle le fait par souci de dresser un parallèle entre le droit de la Ville de réclamer des coûts de reconstruction et celui de réclamer les coûts engendrés inutilement qui, dans un cas comme dans l’autre, doit être limité à la seule zone affectée par la présence d’argile molle que Dessau a omis de déceler.

[169]     Ma collègue réfère au « refus persistant »[29] de Dessau de reconnaître sa responsabilité pour justifier l’intervention qu’elle propose. Elle insiste par ailleurs sur le fait que Dessau n’aurait pas reconnu sa responsabilité, deux semaines après l’effondrement, et qu’elle aurait nié sa responsabilité après la réception du rapport d’expert de Fondasol. Sa qualification du comportement de Dessau à cet égard m’apparaît contraire à la preuve. Cette dernière révèle qu’un peu plus de deux semaines après l’affaissement, soit le 14 août 2009, Dessau avait présenté trois options possibles auxquelles la Ville n’a pas voulu donner suite, non seulement parce qu’elles impliquaient des coûts que la Ville ne souhaitait pas engager, mais surtout parce que la Ville souhaitait maintenir un talus végétal, qu’aucune des solutions n’était en mesure d’envisager sans autre analyse.

[170]     Il faut, à mon avis, remettre les choses dans le contexte où les causes de l’affaissement n’étaient pas encore identifiées. Vouloir blâmer Dessau de n’avoir pas concédé sa responsabilité dans les semaines qui ont suivi l’affaissement m’apparaît inopportun et pour le moins injuste dans les circonstances. Ceci d’autant que les discussions entre les parties ont rapidement cessé à la suite à l’envoi de mises en demeure : d’abord le 24 août 2009, puis le 10 septembre 2009, alors que la Ville intimait aux entrepreneurs Desjardins et Dessau de soumettre des correctifs (bien que Dessau ait déjà soumis trois options qui n’auront pas de suite) et remettre en état le talus à leurs frais avant le 15 octobre 2009, avant d’avoir eu le bénéfice des conclusions des experts. De surcroît, à partir du 10 septembre 2009, la Ville insistait pour que tous les échanges aient lieu par écrit.

[171]     Le ton était donné. Dans ce contexte, on ne peut à mon avis reprocher à Dessau de ne pas avoir accepté d’exécuter à ses frais les correctifs sur lesquels les parties n’ont jamais réussi à s’entendre, d’autant que Dessau a tout de même fait preuve de transparence en transmettant à la Ville, dans les semaines qui ont suivi l’effondrement, un rapport de suivi géotechnique comportant tous les résultats des forages menés sur les lieux. Puis, le 11 novembre 2009, dans le cadre d’une réunion de chantier avec tous les intervenants, après avoir eu le bénéfice du rapport de Fondasol du 24 octobre 2009, la Ville a choisi de requérir l’opinion de ses propres experts sur la cause de l’affaissement.

[172]     À compter de cette date, la Ville n’a fait aucune autre démarche pour compléter les travaux ou rouvrir le chantier et a plutôt choisi d’attendre les conclusions de ses propres experts sur la cause de l’effondrement pendant près de deux ans, soit jusqu’en avril 2011. L’expertise de AECOM, datée du 13 avril 2011, comporte deux volets : le premier identifie l’erreur de caractérisation de Dessau à l’égard de l’argile molle pour la zone de rupture ainsi que le problème des tiges de longueur insuffisante dont Desjardins sera également tenue responsable; le second recommande la démolition et la reconstruction complète du talus à un coût de plus de 5 millions de dollars.

[173]     C’est sur la foi de ce second rapport que la Ville se met en « mode attaque », selon la qualification qu’en fait la juge de première instance et entame ses procédures pour réclamer 5,2 M$ à l’endroit de Dessau et de Desjardins, de même que 1,5 M$ de la compagnie de cautionnement de Desjardins.

[174]     Peut-on alors qualifier le comportement de Dessau de « refus persistant » ou lui reprocher d’avoir contesté une poursuite de cette envergure? J’estime que non. Il faut rappeler à cet égard que ce n’est qu’à la veille du procès, au mois d’août 2017, soit huit ans après les faits et six ans après le début des procédures, que la Ville modifiera celles-ci pour réclamer les coûts engagés inutilement sur le projet plutôt que les coûts de démolition et de reconstruction complète du talus.

[175]     Je me dois également de signaler mon désaccord à l’égard des propos de ma collègue sur l’inutilité du talus ou le fait qu’il ne remplisse pas sa fonction et qui l’amène à conclure que la réparation intégrale du préjudice de la Ville passe par le dédommagement complet de toutes les sommes engagées pour sa conception et sa construction.

[176]     D’abord, puisqu’au moment de l’affaissement et de l’interruption des travaux, il restait une hauteur de 1,7 m à compléter, de même que 233 des 944 mètres du talus (soit près d’un quart de la longueur prévue). Affaissement ou non, le talus ne pouvait nécessairement pas remplir sa pleine fonction.

[177]     Ensuite, parce que la zone effondrée représente seulement 12 % de la longueur construite du talus, la Ville a laissé le talus en place (hormis la portion affaissée qui a été excavée) et celui-ci a depuis été tranquillement envahi par la végétation. La Ville n’a soumis aucune preuve pour appuyer sa prétention que le talus ne remplit aucune fonction utile, de manière à constituer une perte totale. Elle n’a par ailleurs jamais prétendu qu’elle n’aurait pas procéder à la construction du talus si elle avait été au fait de la présence d’argile molle et de la nécessité de réhabiliter au préalable les sols en place.

[178]     En l’absence d’une telle preuve, la juge de première instance ne pouvait conclure à une perte totale et il ne m’apparaît pas davantage du ressort d’une cour d’appel de modifier la conclusion de la juge de première instance à l’égard de l’étendue de la perte ou de présumer de l’inutilité du talus, comme le suggère ma collègue.

[179]     J’ajouterai qu’il s’agirait d’un dangereux précédent en ce qu’il donne ouverture à une indemnisation qui dépasse ce qu’il aurait été possible à la Ville de réclamer si les travaux correctifs avaient eu lieu. Surtout dans un contexte où les propres experts de la Ville reconnaissent que leur thèse d’une démolition et d’une reconstruction entière du mur reposait, non pas sur la fragilité du talus qui demeurait en place (et qui représentait 88 % de la longueur érigée), mais sur une prémisse non vérifiée voulant qu’aucun entrepreneur n’accepterait de reprendre les travaux, alors qu’aucun entrepreneur n’a été consulté à cet égard. Je crains que d’autres donneurs d’ouvrage puissent voir là une invitation à se faire justice et abandonner un chantier quand les choses tournent mal, sans autre effort de minimisation des dommages ni démonstration.

[180]     En l’espèce, j’y vois par ailleurs une manière de récompenser l’inaction de la Ville. Sans dire que la Ville devait réhabiliter les sols à ses frais, il demeure qu’elle n’a rien fait sur une période de plus de huit ans (autrement que par l’introduction d’un recours judiciaire excessif remanié à la baisse à l’approche du procès). Elle a préféré abandonner les travaux et mandater des experts qui ont mis deux ans à établir les causes de l’effondrement, alors qu’ils bénéficiaient des résultats des forages menés dans les semaines suivant l’effondrement. Ces derniers lui ont proposé des correctifs qui allaient bien au-delà de la zone des sols fragilisés et que la Ville n’a jamais sérieusement envisagé de compléter, selon l’aveu de ses propres représentants à l’audience.

[181]     Les circonstances particulières de l’affaire m’amènent à conclure qu’il n’y a pas lieu de cautionner un tel comportement par l’octroi d’une indemnité qui m’apparaît contraire aux principes de causalité et de minimisation des dommages.

Intérêts et indemnité additionnelle

[182]     Ma collègue Hogue est d’avis que la juge a erré en qualifiant le comportement de la Ville comme étant abusif, puisque son raisonnement reposait sur la prémisse erronée en droit voulant que la Ville soit tenue de réhabiliter les sols. Ceci l’aurait menée à tort à ne faire courir les intérêts sur l’indemnité accordée qu’à compter du jugement, de même qu’à lui refuser ses frais de justice.

[183]     Il convient de reproduire l’entièreté des propos de la juge de première instance concernant l’octroi des intérêts et de l’indemnité additionnelle :

[187]    La VILLE a intenté un recours deux ans après les évènements, pour obtenir une indemnité couvrant la réfection totale du talus. Puis, elle modifie sa procédure le 17 août 2017 et demande de lui octroyer l’équivalent de son investissement, avec intérêt depuis le 24 août 2009, date où elle a avisé DESSAU et l’ENTREPRENEUR qu’elle les tenait responsables de l’effondrement partiel du mur.

[188]    Quant à DESSAU, elle lui demande de lui faire part des travaux correctifs jugés nécessaires, ce que DESSAU a fait en proposant trois solutions. La première consiste à effectuer un pompage intensif jusque sous le remblai; la seconde est d’installer un système de colonnes à modules afin de stabiliser la partie déficiente du sous-sol; et la troisième option est de construire un mur de béton précontraint.

[189]    Dans tous les cas, la VILLE doit nécessairement payer les coûts de réhabilitation du sol argileux mais elle prend la position qu’elle n’a pas à le faire. Elle refuse toutes les suggestions et s’adresse à un autre bureau d’ingénieurs-conseils pour établir sa stratégie.

[190]    La VILLE soutient que lorsque le quantum est modifié en cours d’instance, on doit calculer les intérêts à compter de la demande introductive d’instance initiale et non à partir de l’amendement. Cependant, la VILLE ne réclamait pas d’intérêt dans sa procédure initiale puisque aucuns travaux n’étaient exécutés pour réparer et parachever l’ouvrage.

[191]    Le Tribunal est d’avis que l’octroi d’intérêt rétroactivement à 2009 serait faire fi du fait que la VILLE a agi de manière abusive. Moins d’un mois après les évènements, la VILLE est déjà en mode « attaque » alors qu’il fallait simplement discuter de la solution à apporter au vice du sol dont elle n’a jamais, à tort, accepté la responsabilité.

[184]     Ma collègue estime que la juge commet une erreur en énonçant que les coûts de réhabilitation des sols incombaient à la Ville, alors qu’ils étaient imputables selon elle à Dessau. En fait, à mon avis, ce sont plutôt les coûts additionnels engendrés pour procéder à la réhabilitation des sols à contretemps, suite à l’affaissement du mur, qui sont susceptibles d’être imputés à Dessau en raison de son omission de déceler leur présence en temps opportun. Cela étant, la juge de première instance parle de coûts de réhabilitation sans faire cette nuance. S’il s’agit d’une erreur, celle-ci n’a eu selon moi aucune conséquence sur la détermination des dommages, comme je l’ai dit précédemment, et ne m’apparaît pas avoir été déterminante en ce qui concerne son refus d’octroyer les intérêts et l’indemnité additionnelle. Ceci, dans la mesure où le premier et principal motif soulevé par la juge, pour refuser l’octroi des intérêts et de l’indemnité additionnelle, m’apparaît plutôt découler du fait que la Ville a réclamé de manière prospective un coût de reconstruction excessif sans avoir procédé à la reconstruction du mur et qu’elle a attendu jusqu’en août 2017, à la veille du procès, soit six ans après l’introduction des procédures et huit ans après les faits, pour modifier sa procédure.

[185]     La discrétion accordée au tribunal de première instance, quant au point de départ des intérêts, constitue « une mesure d'équité destinée à éviter une surindemnisation de la victime, notamment lorsque le montant sur lequel s'appliquent les intérêts comporte une dimension prospective »[30], ce qui peut être le cas ici considérant que la somme de 5,2 M$ était initialement réclamée par l’appelante pour des travaux qu’elle n’a jamais exécutés[31].

[186]     Considérant que la détermination du point de départ de l’octroi de l’intérêt et de l’indemnité additionnelle découle de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire du premier juge, il me semble utile de rappeler que la norme d’intervention en appel, sur la question du point de départ des intérêts, est très exigeante[32] :

[…] le tribunal de première instance jouit d’un large pouvoir discrétionnaire au moment de déterminer la date de départ du calcul des intérêts aux termes de l’article 1618 C.c.Q. […] Par conséquent, notre Cour n’interviendra pour modifier la décision du tribunal de première instance que s’il est démontré que celle-ci résulte d’un exercice discrétionnaire déraisonnable.

[187]     En raison de la discrétion dont jouit la juge d’instance sur cette question et des circonstances de l’affaire, j’estime, en l’espèce, qu’il n’y a pas lieu d’intervenir, du moins suivant l’ampleur proposée.

[188]     À l’époque de la mise en demeure du 24 août 2009 et jusqu’à l’amendement, le débat portait sur la réparation et la reconstruction du talus antibruit. À compter de 2011, la Ville réclamait 5,2 M$. La nature de sa réclamation a changé drastiquement au mois d’août 2017 lorsqu’elle a opté pour la restitution des prestations, soit le remboursement des sommes payées pour la construction du talus, réduisant par le fait même sa réclamation de manière considérable par près de la moitié. Ceci, en soi, justifiait de reporter le point de départ du calcul des intérêts à la date de la signification de la demande introductive d’instance ré-amendée, sans qu’il soit nécessaire de recourir à une qualification « abusive » du recours.

[189]     En effet, dans Montréal (Ville) c. Benjamin, la Cour a reporté le calcul de l’indemnité additionnelle à la date du dernier amendement d’une demande introductive d’instance alléguant une expropriation déguisée, la même logique aurait pu, à mon avis, s’appliquer au calcul des intérêts. La Cour justifie le point de départ du calcul de l’indemnité additionnelle ainsi[33] :

[92]      Le premier juge, sans élaborer, mentionne qu'il y a eu des négociations entre Côte St-Luc et Benjamin; soit, je veux bien le reconnaître (cela a d'ailleurs lieu dans la majorité des dossiers de cour), mais avec les plus grands égards, on ne peut justifier ainsi un retard de neuf ans pour réclamer par la suite, en sus des intérêts, l'indemnité additionnelle.

[93]      Je suis donc d'avis que l'indemnité additionnelle devrait être accordée à compter du 14 août 2001, date à laquelle Benjamin a enfin réamendé sa déclaration pour présenter vraiment sa réclamation.

[190]     J’ajouterai que les tribunaux reconnaissent qu’il est justifié de reporter le calcul des intérêts à la date de l’introduction du recours lorsque la mise en demeure n’est pas suffisamment particularisée[34]. Dans une affaire de responsabilité professionnelle, la Cour énonçait d’ailleurs[35] :

[35]      La jurisprudence considère qu’une mise en demeure extrajudiciaire peut déterminer le point de départ des intérêts et des dommages moratoires, mais seulement si elle est suffisamment particularisée et indique la somme au sujet de laquelle le débiteur est en retard.

[191]     De même, dans l’arrêt Ly c. Construction Sainte Gabrielle inc., la Cour se prononçait sur les intérêts en ces termes[36] :

[55]      La juge, fort probablement par inadvertance en raison du silence de la demande sur cette question, omet de se prononcer sur l’intérêt auquel M. et Mme Ly ont droit, selon l’article 1618 C.c.Q. La mise en demeure n’indiquant pas la somme réclamée au chapitre des dommages, l’intérêt sera accordé à compter de la date à laquelle Sainte Gabrielle est informée de la réclamation réellement formulée contre elle, soit lors de la modification de la demande introductive d’instance en date du 23 novembre 2015.

[Soulignement ajouté]

[192]     Les mises en demeure du 24 août 2009 et du 10 septembre 2009 référaient à des correctifs sans que leur coût ne soit identifié. Il l’a été par la suite en avril 2011, mais de manière prospective. En vérité, l’étendue réelle du préjudice subi par la Ville n’a été connue qu’à compter du 17 août 2017. Il m’apparaît injuste de vouloir faire courir l’intérêt et l’indemnité additionnelle avant cette date. Il ressort de cette lignée de jurisprudence le principe voulant que le calcul des intérêts à partir de la mise en demeure soit justifié uniquement si le débiteur connaissait, à tout le moins approximativement, l’étendue du préjudice pour lequel il est tenu responsable.

Frais d’experts

[193]     Un dernier mot sur les frais d’experts. Je partage l’avis de ma collègue qu’une intervention s’impose à l’égard de l’octroi des frais de justice (y incluant les frais d’experts) que la juge a refusé d’accorder à la Ville. J’estime que l’utilité de l’expertise de AECOM concernant la détermination de la faute de Dessau commandait d’accorder au moins une partie des frais d’experts engagés par la Ville, pour le seul volet traitant des causes de l’effondrement. Pour ce qui est du second volet visant à établir un estimé des coûts de reconstruction, qui s’est avéré aussi imprécis qu’inutile, et qui est à l’origine de la stratégie procédurale initiale de la Ville, que déplore, à raison, la juge de première instance, il n’y a pas lieu à mon avis d’y faire droit.

[194]     À la lumière de ce qui précède, je proposerais donc pour ma part d’intervenir à l’égard du jugement de première instance, mais uniquement de manière à faire courir les intérêts et l’indemnité additionnelle sur les dommages-intérêts accordés à la Ville à l’encontre de Dessau à compter de la date de la modification de la procédure introductive d’instance le 17 août 2017. Ces derniers seront calculés sur le montant initial de la condamnation établie par la juge de première instance. Pour le reste, je souscris à la proposition de ma collègue d’intervenir afin de rétablir les frais de justice en faveur de la Ville, incluant les frais d’experts en ce qui concerne seulement les coûts de préparation du premier rapport d’expert portant sur la cause d’effondrement et du témoignage de l’expert à l’audience.

 

 

 

GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A.

 



[1]     Asphalte Desjardins inc. c. Ville de Lorraine, 2018 QCCS 60 (« le jugement entrepris »).

[2]     Politique sur le bruit routier - ministère des Transports du Québec mars 1998.

[3]     Procès-verbal de la réunion no 2 daté du 30 août 2007 - pièce D-1.

[4]     Le témoin Sylvain Roy le reconnaît clairement lors de son contre-interrogatoire. MA, p. 3136/124-125.

[5]     Rapport d'expertise géotechnique par Mohammad Hosseini de Fondasol, p. 34-35.

[6]     Rapport d'expertise relatif aux travaux de réfection de l'écran antibruit, p. 12-13.

[7]     Jugement entrepris, paragr. 120.

[8]     Jugement entrepris, paragr. 179.

[9]     Expertise géotechnique, p. 34 et Rapport d’expertise relatif aux travaux de réfection de l’écran antibruit, p. 4.

[10]    Art. 1622 C.c.Q.

[11]    Jean Pineau et Serge Gaudet, Théorie des obligations, 4e éd. Montréal, Thémis, 2001, p. 805, no 476; Salvage Disposal Corp. c. C.P.R. Co., [1975] C.A. 692.

[12]    Art. 1622 C.c.Q.

[13]    M.G. c. Pinsonneault, 2017 QCCA 607, paragr. 240; Lebel c. 9067-1959 Québec inc., 2014 QCCA 1309, paragr. 70.

[14]    Expertise géotechnique, p. 34 et Rapport d’expertise relatif aux travaux de réfection de l’écran antibruit, p. 4.

[15]    Jugement entrepris, paragr. 16, 137, 174, 175, 179, 189, 191, 198-199.

[16]    La juge réfère d’ailleurs à ce coût, qu’elle ne remet pas en question, au paragraphe 198 de ses motifs.

[17]    Carrier c. Mittal Canada inc., 2014 QCCA 679, paragr. 5.

[18]    Jean-Louis Baudouin, Patrice Deslauriers et Benoît Moore, La responsabilité civile, vol. 1, 8e éd., Cownasville, Yvon Blais, 2014, no 1-624, p. 619.

[19]    J.M.O. Climatisation inc. c. Construction Abtech (1996) inc., J.E. 2004-1357 (C.A.).

[20]    Jugement entrepris paragr. 136 à 150.

[21]    La Ville s’étant limitée à demander d’être indemnisée de toute condamnation pouvant être prononcée contre elle en capital, intérêts et frais, la Cour ne peut inclure l’indemnité additionnelle dans l’indemnisation accordée.

[22]    Jugement entrepris, paragr. 202-203.

[23]    Colombie-Britannique (Ministre des Forêts) c. Bande indienne Okanagan, 2003 CSC 71, paragr. 43.

[24]    Jugement entrepris, paragr. 197-201.

[25]    L’extrait complet est reproduit ci-après :

3.8.5  Pénalité pour retard

[172]  De manière assez surprenante, la VILLE réclame de l’ENTREPRENEUR une pénalité de 1 020 000 $ pour retard.

[173]  Les travaux devaient être parachevés à l’automne 2009, mais il est en preuve que l’ENTREPRENEUR a reçu un ordre de les arrêter le 4 août précédant et que celui-ci n’a jamais été levé.

[174]  Afin que l’ENTREPRENEUR puisse terminer les travaux, il eût d’abord fallu que la VILLE l’autorise à les continuer, en acceptant sa responsabilité face à la présence d’argile et en décidant de quelle manière il doit y être remédié.

[175]  La VILLE aurait dû reconnaître que nonobstant l’erreur de DESSAU, il lui appartient de traiter les sols porteurs. D’ailleurs, son propre expert le prévoit et estime les coûts à 1 028 487 $. On se demande ce que la VILLE espérait que l’ENTREPRENEUR fasse à ce sujet alors qu’il n’est pas tenu de réhabiliter les sols argileux.

[176]  Dans une affaire en semblable matière, la juge Lucie Fournier écrit que le propriétaire doit trouver une solution à cette singularité du sol :

[57]  En présence d’un type de sol qui ne permet pas l’exécution des devis prévus et la construction envisagée, le MTQ, qui n’avait pas jugé utile de procéder à une étude géotechnique lors de l’appel d’offres, aurait pu, à tout le moins, faire face à la situation avec l’Entrepreneur et trouver une solution au caractère imprévisible de cette singularité des sols à proximité de l’excavation. La directive de chantier émise le 4 novembre 2010 est insuffisante pour compenser les difficultés rencontrées par l’Entrepreneur.

[…]

[61]  En l’espèce, la preuve ne révèle pas de connaissance réelle par le MTQ des conditions du sol et il apparaît aussi difficile de conclure à une connaissance présumée de ces conditions, compte tenu de la particularité rapportée par l’expert de l’Entrepreneur, sans compter le fait que les deux forages pratiqués par Solmatech ne l’ont pas révélée.

[62]  Les conditions du sol rencontrées ne permettent pas à l’Entrepreneur de se conformer aux devis, selon les méthodes approuvées par le MTQ, et ses efforts pour les compléter avec les informations dont il dispose au moment de l’appel d’offres demeurent vains en raison des conditions imprévisibles du sol. Ainsi, ce ne sont pas les méthodes utilisées par l’Entrepreneur qui sont la cause des difficultés, mais les conditions du sol et le recours à un godet sans dents et un pompage plus efficace n’auraient pas suffi à les écarter.

[63]  Dans ce contexte, le MTQ, l’un des plus grands donneurs d’ouvrage au Québec, y compris en matière de pont, manque à son obligation de renseignement envers l’Entrepreneur durant les travaux. Le MTQ dispose de ressources internes en plus de l’expertise de la firme Dessau, mandatée pour la conception et la surveillance des travaux, même si le représentant qu’il s’est choisi, Pierre Hébert, n’a jamais construit de pont.

[65]  Le MTQ a failli à son devoir de renseignement en laissant à l’Entrepreneur tout le poids des conditions imprévisibles du sol. Face à cette situation imprévue, il se devait de prendre l’initiative et trouver des solutions pour permettre à l’Entrepreneur d’exécuter son contrat, compte tenu de son expertise en la matière.      

[177]  L’ENTREPRENEUR ne pouvait terminer les travaux dans les délais prévus, en l’absence d’instructions de la VILLE concernant l’argile molle.

[178]  Le fait de ne pas avoir levé l’arrêt des travaux constitue une fin de non-recevoir à cette prétention de la VILLE voulant qu’il y ait retard dans la livraison.

[179]  Le retard n’est attribuable qu’à la VILLE qui a choisi de judiciariser le débat alors que c’est elle et le MINISTÈRE qui sont responsables du sol qu’il faut, avant toute chose, réhabiliter. Il serait abusif de lui octroyer quoi que ce soit en vertu de la clause pénale pour retard.

[180]  L’ENTREPRENEUR avait appelé DESSAU en garantie dans l’éventualité où il était condamné à payer cette pénalité. Cette demande doit être rejetée sans frais de justice, étant donné les conclusions auxquelles le Tribunal en vient.

[26]     Il a témoigné à l’audience sur le contenu de son rapport du mois d’avril 2011; Voir également les sections 3.1.5 et 3.1.6 du rapport qui offrent une description différente des sols en place selon qu’on se trouve dans les segments 4 ou 5, M.A., vol. 9, p. 2539.

[27]    Contre-interrogatoire de M. Luc Demers, M.A., vol. 11, p. 3572-3573.

[28]    Id., p. 3569-3570.

[29]    Au paragraphe 136 de ses motifs.

[30]    Pierre-Gabriel Jobin et Nathalie Vézina, Les obligations, 7e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2013, paragr. /1799.

[31]    Voir Roch Lessard 2000 inc. c. Saint-Augustin (Municipalité de), 2013 QCCA 1606, paragr. 105.

[32]    SNC-Lavalin inc. c. Société québécoise des infrastructures (Société immobilière du Québec), 2015 QCCA 1153, paragr. 95. Voir aussi : Spieser c. Procureur général du Canada, 2020 QCCA 42, paragr. 662; Homans c. Gestion Paroi inc., 2017 QCCA 480, paragr. 143; Multibond inc. c. Lasido inc., 2017 QCCA 1835, paragr. 21.

[33]    J.E. 2005-151, 2004 CanLII 44591, paragr. 92-93 (C.A.).

[34]    Pour des exemples, voir : Ly c. Construction Sainte Gabrielle inc., 2018 QCCA 1438, paragr. 55; Multipix Communications Inc. c. Midland Walwin Capital Inc., 2013 QCCA 2058, paragr. 137-139; Société immobilière du Québec c. Hervé Pomerleau inc., 2013 QCCS 6032, paragr. 361, confirmé sur ce point par la Cour d’appel dans SNC-Lavalin inc. c. Société québécoise des infrastructures (Société immobilière du Québec), supra, note 32; Hébert c. Centre hospitalier affilié universitaire de Québec — Hôpital de l'Enfant-Jésus, 2011 QCCA 1521, paragr. 99-100, demande d’autorisation d’appeler à la Cour suprême rejetée, 26 avril 2012, no 34460; Morel c. Tremblay, 2010 QCCA 600, paragr. 35; Genex Communications inc. c. Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, 2009 QCCA 2201, paragr. 139, demande d’autorisation d’appeler à la Cour suprême rejetée, 10 mars 2011, no 33535; Liberté TM inc. c. Fortin, 2009 QCCA 477, paragr. 59; Compagnie d'assurances Travelers du Canada c. Ville de Montréal, 2020 QCCS 1414, paragr. 260; Gravel c. Telus Communications inc., 2014 QCCS 3857, paragr. 87; Lessard c. Poulin, 2011 QCCQ 8876, paragr. 53.

[35]    Morel c. Tremblay, supra, note 34, paragr. 35. Voir aussi: Hébert c. Centre hospitalier affilié universitaire de Québec — Hôpital de l'Enfant-Jésus, supra, note 34, paragr. 99-100, demande d’autorisation d’appeler à la Cour suprême rejetée, 26 avril 2012, no 34460; Liberté TM inc. c. Fortin, supra, note 34, paragr. 59.

[36]    Ly c. Construction Sainte Gabrielle inc., supra, note 34.

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