Décision

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Autorité des marchés financiers c. Massé

2024 QCTMF 76

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DES MARCHÉS FINANCIERS

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

MONTRÉAL

 

DOSSIER N° :

2023-022

 

DÉCISION N°  :

2023-022-008

 

 

DATE :                

Le 22 novembre 2024

 

 

DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF :

JEAN-PIERRE CRISTEL

 

 

 

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS,

Partie demanderesse

c.

JEAN-BERNARD MASSÉ,

et

8868760 CANADA INC.,

et

9332-0547 QUÉBEC INC.,

Parties intimées

et

BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE, ayant une succursale au 9050, boulevard Leduc, bureau 10, Brossard, (Québec) J4Y 0E6

et

TRUST BANQUE NATIONALE, ayant son siège social au 600, rue de la Gauchetière Ouest, 28e étage, Montréal, Québec, H3B 4L2

et

BANQUE TD, ayant une succursale au 9780, boul. Leduc, suite 5, Brossard, Québec, J4Y 0B3

et

CAISSE POPULAIRE DESJARDINS, ayant une succursale au 2400, boul. Gaétan-Boucher, Saint-Hubert, Québec, J3Y 5B7

et

BANQUE DE MONTRÉAL, ayant une succursale au 500, avenue Victoria, St-Lambert, Québec, J4P 2J5

et

BANQUE DE MONTRÉAL, ayant une succursale au 8245, boul. Taschereau, suite B20, Brossard, Québec, J4Y 1A4

et

GILLES BERGERON

et

GESTION SEGI LTÉE

et

ME MARIE-ANDRÉE MALLETTE

Parties mises en cause

 

 

DÉCISION

 

 

 

  1.    Dans le cadre de la présente affaire, le Tribunal administratif des marchés financiers a notamment prononcé le 1er septembre 2023, à la demande de l’Autorité des marchés financiers, une série d’ordonnances de blocage visant les fonds, titres et autres biens des intimés et ceux détenus pour eux par certaines mises en cause[1]. Par ailleurs, le 30 novembre 2023, le Tribunal a modifié la portée de l’ordonnance de blocage visant des immeubles détenus par l’intimée 9332-0547 Québec inc.[2].
  2.     Ces ordonnances de blocage ont été prononcées dans le cadre d’une enquête menée par l’Autorité à l’égard des intimés. Cette enquête porte sur des manquements graves allégués aux articles 11 et 148 de la Loi sur les valeurs mobilières[3].
  3.    Le 11 novembre 2024, Gilles Bergeron, partie mise en cause, a déposé au Tribunal une demande visant la levée partielle d’une ordonnance de blocage affectant un immeuble situé au Québec qui appartient actuellement à l’intimée 9332-0547 Québec Inc, et ce, afin que cet immeuble puisse être vendu et qu’il puisse être remboursé d’une créance reliée à cet immeuble.
  4.    Le 21 novembre 2024, le Tribunal a tenu une audience durant laquelle il a entendu, à son mérite, la demande susmentionnée du mis en cause Gilles Bergeron.
  5.    Durant cette audience les avocats de Gilles Bergeron et de l’Autorité ont informé le Tribunal qu’ils ont conclu, dans l’intérêt public, une entente contenant des modalités précises reliées à la vente de l’immeuble visé par la demande de Gilles Bergeron et ont recommandé au Tribunal de prononcer les ordonnances de levée partielle présentées au paragraphe 5 de cette entente. 
  6.    Lors de cette audience, l’avocate des intimés a indiqué au Tribunal que ses clients ne contestent pas la demande du mis en cause Gilles Bergeron ni les modalités de l’entente, incluant les ordonnances suggérées au Tribunal.
  7.    La question en litige est donc la suivante : Le Tribunal doit-il, dans l’intérêt public, accueillir la demande de levée partielle présentée par Gilles Bergeron, partie mise en cause, à l’égard des ordonnances de blocage qu’il a prononcées dans ses décisions du 1er septembre 2023 et du 30 novembre 2023[4], et ce, selon les termes décrits dans l’entente conclue entre Gilles Bergeron et l’Autorité le 21 novembre 2024 ?
  8.    Dans la présente affaire, le Tribunal répond « oui » à cette question en litige, et ce, pour les motifs ci-après exposés.

ANALYSE

Question en litige : Le Tribunal doit-il, dans l’intérêt public, accueillir la demande de levée partielle présentée par Gilles Bergeron, partie mise en cause, à l’égard des ordonnances qu’il a prononcées dans ses décisions du 1er septembre 2023 et du 30 novembre 2023, et ce, selon les termes décrits dans l’entente conclue entre Gilles Bergeron et l’Autorité le 21 novembre 2024?

  1.    Le Tribunal répond positivement à cette question en litige, et ce, pour les motifs ci-après décrits.
  2.            Les intimés font présentement l’objet d’une enquête de l’Autorité.
  3.            Cette enquête porte sur des manquements graves allégués aux articles 11 et 148 de la Loi sur les valeurs mobilières[5].
  4.            Dans le cadre de cette enquête, le Tribunal administratif des marchés financiers a notamment prononcé le 1er septembre 2023, à la demande de l’Autorité, une série d’ordonnances de blocage visant les fonds, titres et autres biens des intimés et ceux détenus pour eux par certaines mises en cause. Par ailleurs, le 30 novembre 2023, le Tribunal a modifié la portée de l’ordonnance de blocage visant des immeubles détenus par l’intimée 9332-0547 Québec inc.
  5.            Gilles Bergeron, partie mise en cause, a déposé au Tribunal une demande visant la levée partielle d’une ordonnance de blocage affectant un immeuble appartenant à l’intimée 9332-0547 Québec Inc, et ce, afin que cet immeuble puisse être vendu et qu’il puisse être remboursé d’une créance reliée à cet immeuble. Cet immeuble est situé au Québec au 23 rue St-Pierre à Sainte-Martine.
  6.            Lors de l’audience durant laquelle le Tribunal a entendu, à son mérite, cette demande, les avocats de Gilles Bergeron et de l’Autorité ont informé le Tribunal qu’ils ont conclu, dans l’intérêt public, une entente contenant des modalités précises reliées à la vente de l’immeuble visé par la demande de Gilles Bergeron et ont recommandé au Tribunal de prononcer les ordonnances de levée partielle présentées au paragraphe 5 de cette entente. 
  7.            L’entente susmentionnée, intervenue entre Gilles Bergeron et l’Autorité le 21 novembre 2024, est présentée en annexe de la présente décision.
  8.            Les avocats de l’Autorité ont indiqué au Tribunal que le régulateur a eu l’occasion d’analyser le bien-fondé de la créance et de la sûreté de Gilles Bergeron à titre de créancier hypothécaire et d’effectuer les vérifications requises.
  9.            Ils ont précisé que les modalités contenues dans l’entente susmentionnée ont notamment pour objectif de préserver l’intérêt du public investisseur impliqué dans la présente affaire. Ainsi, la vente de gré-à-gré de l’immeuble mentionné au paragraphe 13 de la présente décision ne serait autorisée que selon les modalités prévues dans cette entente et cette vente permettrait de générer un reliquat net au bénéfice potentiel des investisseurs. Cette somme d’argent continuerait d’être assujetti à une ordonnance de blocage du Tribunal, et ce, jusqu’à ce qu’une décision finale soit éventuellement rendue par les instances juridiques appropriées.
  10.            Pour sa part, l’avocate des intimés a indiqué au Tribunal que ses clients ne contestent pas la demande du mis en cause Gilles Bergeron ni les modalités de l’entente, incluant les ordonnances suggérées au Tribunal.
  11.            La législation[6] prévoit que toute personne affectée par une ordonnance de blocage prononcée par le Tribunal peut en demander la modification ou la révocation.
  12.            Par ailleurs, la législation14 permet au Tribunal de révoquer ou de modifier les ordonnances de blocage qu’il a prononcées, en vue ou au cours d’une enquête.
  13.            L’article 93 de la Loi sur l’encadrement du secteur financier établit que le Tribunal exerce la discrétion que lui confère la loi en fonction de l’intérêt public. Enfin, l’article 97 al.1 et al. 2 (7o) de cette loi lui permet de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l’exercice de sa compétence et de rendre toute décision qu’il juge appropriée.
  14.            Le Tribunal souligne que les ordonnances qu’il a prononcées, à la demande de l’Autorité dans le cadre de la présente affaire, sont essentiellement de nature préventive, protectrice et conservatoire.
  15.            Par conséquent, après avoir dûment considéré l’ensemble de la preuve et de l’argumentation présenté par les avocats des parties, le Tribunal est d’avis qu’il est dans l’intérêt public d’accueillir la demande du mis en cause Gilles Bergeron en prononçant essentiellement les ordonnances décrites au paragraphe 5 de l’entente susmentionnée, et ce, afin de permettre aux transactions prévues dans cette entente de se réaliser selon les modalités établies par cette entente.

POUR CES MOTIFS, le Tribunal administratif des marchés financiers, dans l’intérêt public et en vertu des articles 93 et 97 al. 2 (3o et 7o) de la Loi sur l’encadrement du secteur financier [7] ainsi que des articles 249, 250 et 255 de la Loi sur les valeurs mobilières[8] :

ACCUEILLE la demande de levée partielle des ordonnances de blocage présentée par le mis en cause Gilles Bergeron de la manière suivante, et ce, afin de permettre aux transactions prévues dans l’entente conclue le 21 novembre 2024 entre Gilles Bergeron et l’Autorité des marchés financiers - présentée en annexe de la présente décision - de se réaliser selon les modalités établies par cette entente, et

LÈVE PARTIELLEMENT les ordonnances de blocage prononcées le 1er septembre 2023 et le 30 novembre 2023, et ce, afin de permettre la mise en œuvre des ordonnances qui suivent :

ORDONNE, à la condition que la vente soit faite par le notaire des promettants-acheteurs selon les termes de la contre-offre d’achat CP 63721 acceptée le 29 février 2024, la levée partielle des ordonnances de blocage sur l'Immeuble tel que décrit comme suit;

DÉSIGNATION

« Un immeuble connu et désigné comme étant le lot numéro SIX MILLIONS SOIXANTE ET UN MILLE QUATRE CENT SOIXANTE-QUINZE (Lot 6 061 475) du Cadastre du Québec, circonscription foncière de Chateauguay.

Avec bâtisse construite portant l'adresse du 23 rue St-Pierre, Sainte-Martine, Québec, J0S 1V0 »

ORDONNE au notaire instrumentant de la vente de verser le Reliquat, après paiement des charges prévues à l’article 3 de l’Entente du 21 novembre 2024 (ci-après le « Reliquat Net »), dans le compte bancaire ouvert au nom de l'intimée 9332-0547 Québec inc. auprès de de la Banque Canadienne Impériale de Commerce située au 9050, boulevard Leduc, bureau 10, Brossard, QC, J4Y 0E6 et portant le numéro 01541 10-54317, lequel compte est affecté par les ordonnances de blocage du Tribunal administratif des marchés financiers ;

ORDONNE à la Banque Canadienne Impériale de Commerce de procéder au dépôt du Reliquat Net, dès réception de celui-ci, dans le compte bancaire ci-devant mentionné et d'aviser par écrit l'Autorité des marchés financiers de ce dépôt dans les cinq (5) jours de celui-ci ;

ORDONNE à l'Officier de la publicité des droits de la circonscription foncière de Chateauguay de procéder à la radiation des inscription publiées le 15 septembre 2023 sous le numéro 28 276 825 et le 6 décembre 2023 sous le numéro 28 430 136 à l'encontre de l’Immeuble, et ce, sur présentation par Gilles Bergeron de deux documents, à savoir la présente décision du Tribunal ordonnant la levée partielle du blocage et l'acte de vente de gré-à-gré à intervenir;

ORDONNE à Gilles Bergeron de ne pas déposer la présente décision du Tribunal auprès de l'Officier de la publicité des droits de la circonscription foncière de Chateauguay tant que l’acte de vente de l’Immeuble n'aura pas été complété par le notaire instrumentant des acheteurs, le cas échéant;

ORDONNE à Gilles Bergeron de ne pas déposer la présente décision du Tribunal auprès de l'Officier de la publicité des droits de la circonscription foncière de Châteauguay dans l'éventualité où la vente de gré-à-gré n'était pas complétée et ce, afin que les ordonnances de blocage demeurent publiées à l'encontre de l'Immeuble.

La présente décision ne doit pas être interprétée comme empêchant l’exécution de la décision de levée partielle des ordonnances de blocage rendue le 28 juin 2024[9].

 

 

 

 

 

 

 

 

Jean-Pierre Cristel

Juge administratif

 

 

Mes Jean-François Paré et Marie-Michèle Longchamps

(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers)

Pour l’Autorité des marchés financiers

 

Me Marie-Andrée Mallette

(Marie-Andrée Mallette, avocate)

Pour les intimés

 

Me Alain Houle

(Houle Légal inc)

Pour le mis en cause Gilles Bergeron

 

Date d’audience :

21 novembre 2024

 



[1]  Autorité des marchés financiers c. Massé, 2023 QCTMF 56; Autorité des marchés financiers c. Massé, 2023 QCTMF 63 et Autorité des marchés financiers c. Massé, 2023 QCTMF 82.

[2]  Autorité des marchés financiers c. Massé, 2023 QCTMF 82.

[3]  RLRQ, c. V-1.1.

[4]  Autorité des marchés financiers c. Massé, 2023 QCTMF 56 et Autorité des marchés financiers c. Massé, 2023 QCTMF 82.

[5]  RLRQ, c. V-1.1.

[6]  Loi sur les valeurs mobilières, art. 255.

[7]  RLRQ, c. E-6.1.

[8]  Préc., note 3.

[9]  Autorité des marchés financiers c. Massé, 2024 QCTMF 41.

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