Cayer c. Syndicat de la copropriété du 7265 rue de Beaufort |
2021 QCCQ 8588 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
500-32-707561-181 |
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DATE : |
23 septembre 2021 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
DANIEL BOURGEOIS, J.C.Q. |
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Christian CAYER [...] Montréal (Québec) [...] |
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Demandeur |
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c. |
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SYNDICAT DE LA COPROPRIÉTÉ DU 7265 RUE DE BEAUFORT 7265, avenue de Beaufort Montréal (Québec) H1M 3W7 |
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Défendeur |
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JUGEMENT |
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INTRODUCTION
[1] Le demandeur, monsieur Christian Cayer (« Cayer »[1]), réclame du Syndicat de la Copropriété du 7265 rue de Beaufort (le « Syndicat »), 948,55 $, cette comme correspondant au coût de remplacement des vitres thermos de six fenêtres d’un condominium, en plus des frais d’envoi d’une mise en demeure au coût de 11,50 $.
[2] Le Syndicat conteste la demande au motif que le remplacement des vitres thermos n’a pas été autorisé, contrairement aux dispositions de la déclaration de copropriété (la « Déclaration »).
[3] Le Syndicat invoque également qu’il y a absence d’expertise quant à la nécessité de changer les vitres thermos et que le demandeur, bien qu’il connaissait le programme mis en place par le Syndicat pour le remplacement des fenêtres embuées, a fait fi des modalités existantes de ce programme. En vertu de ce programme, il incombe à chacun des copropriétaires d’assumer le coût des remplacements des fenêtres de son unité.
QUESTION EN LITIGE
[4] Le demandeur a-t-il droit, en tout ou en partie, à la somme de 948,55 $?
CONTEXTE
[5] Cayer est propriétaire des unités [1 et 2], cette dernière étant l’unité occupée par lui-même et l’autre, par sa mère. Il a acheté l’unité [1] en 2012 et l’unité [2] en janvier 2016. Il dit avoir vendu cette dernière par la suite.
[6] Cayer témoigne que peu après l’acquisition de l’unité [2], la question du changement des fenêtres a été soumise au Syndicat. Selon lui, le Syndicat ne voulait rien savoir de procéder au remplacement, les administrateurs l’invitant alors à soumettre cette question à l’assemblée des copropriétaires.
[7] Le 15 août 2016, Cayer demande au conseil d’administration que la question du remplacement de ses fenêtres soit à l’ordre du jour.
[8] Dans une demande exhaustive (P-12), Cayer explique au conseil d’administration que le coût des réparations des parties communes à usage restreint doit être supporté par le Syndicat, donc par l’ensemble des copropriétaires. Il soumet au Syndicat à cette occasion différentes décisions des tribunaux concernant cette question.
[9] Malgré ce qui précède, les administrateurs refusent que le coût des réparations soit à la charge du Syndicat.
[10] Le 23 octobre 2018, Cayer transmet une mise en demeure par laquelle il réitère que cette façon de faire est contraire au droit en vigueur.
[11] Il met en demeure le Syndicat de procéder aux travaux dans les dix jours, à défaut de quoi il verrait à effectuer les réparations lui-même.
[12] En réponse à cette mise en demeure, le Syndicat lui indique, le 11 décembre 2018, que la procédure adoptée par l’assemblée des copropriétaires du Syndicat, prévoit les étapes suivantes :
· Invitation à tous les copropriétaires à transmettre une demande de remplacement des vitres embuées;
· Enregistrement des demandes par le Syndicat;
· Demande de soumissions auprès de fournisseurs spécialisés;
· Regroupement des demandes afin d’obtenir un prix de volume et réduire les frais d’installation;
· Prise de mesures des vitres endommagées et commande auprès du fournisseur retenu par le Syndicat;
· Installation de l’ensemble des vitres sous la supervision du Syndicat;
· L’ensemble des frais sont assumés par le Syndicat et répartis par la suite auprès des copropriétaires qui en ont fait la demande en fonction des vitres remplacées.
(Notre soulignement)
[13] Tel que précisé plus haut, le litige entre les parties tient au fait que Cayer est d’avis que le coût du remplacement des vitres thermos doit être supporté par l’ensemble de tous les copropriétaires, alors que, pour le Syndicat, seuls les copropriétaires ayant des fenêtres embuées doivent supporter leur coût de remplacement.
ANALYSE
[14] La Déclaration stipule que les fenêtres extérieures, incorporées aux murs, constituent des parties communes à usage restreint (art. 14, paragr.1).
[15] En ce qui concerne les conditions relatives à la jouissance, à l’usage et à l’entretien des parties privatives et communes, l’article 96 (4) de la Déclaration stipule ce qui suit :
« 96. La jouissance et l’usage des parties privatives - unités d’habitation, des parties privatives - espaces de stationnement intérieurs et extérieurs et des parties privatives - espaces de rangement sont sujettes aux conditions suivantes :
[…]
(4) Les portes d’entrée des parties privatives, les fenêtres et persiennes, les garde-corps, balustrades, rampes et barres d’appui des balcons et fenêtres, même la peinture et, d’une façon générale, tout ce qui contribue à l’harmonie de l’ensemble, ne peuvent être modifié bien que constituant une partie à usage restreint sans l’autorisation du conseil d’administration du syndicat. »
[16] Quant aux conditions relatives aux parties communes à usage restreint, l’article 98 prévoit ce qui suit :
« 98. Chaque copropriétaire qui bénéficie d’un droit de jouissance exclusive dans les parties communes à usage restreint énumérées ci-dessus à l’acte constitutif de copropriété doit les maintenir en bon état de propreté, fonctionnement et réparation et est responsable de la réparation des dommages causés à ces parties réservées à sa jouissance exclusive ainsi qu’aux parties communes adjacentes à telles parties commune(sic) à usage restreint, que ce soit par son fait, par le fait d’un membre de sa famille, par le fait de son locataire, de son personnel ou des personnes se trouvant chez lui, et à son défaut, cet entretien et ces réparation peuvent être effectuées par le syndicat, mais à la charge du copropriétaire concerné. »
[17] Enfin, Il y a lieu de citer l’article 1064 du Code civil du Québec (« C.c.Q. ») concernant la contribution des copropriétaires :
« 1064. Chacun des copropriétaires contribue aux charges communes en proportion de la valeur relative de sa fraction. Toutefois, les copropriétaires qui ont l’usage de parties communes à usage restreint contribuent seuls aux charges liées à l’entretien et aux réparations courantes de ces parties.
La déclaration de copropriété peut prévoir une répartition différente de la contribution des copropriétaires aux charges relatives aux réparations majeures aux parties communes à usage restreint et au remplacement de ces parties. »
(Notre soulignement)
[18] Dans l’affaire Doucet c. Syndicat de la copropriété du 1286 à 1296 Notre-Dame de Fatima[2], ma collègue, la juge Monique Dupuis J.C.Q., qui était saisie d’un litige presque identique, a écrit ce qui suit :
« [18] La dernière phrase de l'article 1064 C.c.Q. n'implique pas qu'un remplacement ou réparation à une partie commune à usage restreint est de la seule responsabilité du copropriétaire qui l'utilise. C'est ce qu'a décidé la Cour d'appel dans un jugement récent1, qui fait la différence entre l'entretien des parties communes à usage restreint auxquelles seuls leurs copropriétaires sont tenus (par exemple, le lavage de ces fenêtres) et les réparations majeures de ces mêmes parties auxquelles tous les copropriétaires sont tenus :
" [18] Almaca soutient que les copropriétaires qui utilisent les parties communes à usage restreint doivent contribuer non seulement aux charges pour les réparations mineures et d’entretien, mais également être les seuls à payer pour les réparations majeures et le remplacement de celles-ci. C’est le sens qu’elle donne à la dernière phrase de l’article 1064 C.c.Q. Leur contribution au fonds de prévoyance doit être ajustée en conséquence.
[19] Avec égards, je ne partage pas ce point de vue. Comme le juge de première instance, je crois que le terme « charges », que l’on retrouve à la dernière phrase de l’article 1064 C.c.Q., vise seulement les réparations mineures et d’entretien." (Références omises) (Le Tribunal souligne) »
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1 Gestion Almaca c. Syndicat des copropriétaires du 460 St-Jean, 2014 QCCA 105.
[19] Dans l’affaire Séguin c. Syndicat des copropriétaires du Sommet[3], mon collègue, le juge Benoit Sabourin J.C.Q., arrive à la même conclusion :
« [42] Dans une décision rendue par le juge Pierre Coderre, J.C.Q.9, ce dernier conclut que le syndicat des copropriétaires est responsable du remplacement des fenêtres. Il condamne le syndicat à rembourser un copropriétaire pour les frais de remplacement d'une vitre d'une fenêtre de son condominium. Il conclut que l'article 1064 du Code civil du Québec ne peut avoir pour effet de rendre un copropriétaire responsable du remplacement d'une partie commune à usage restreint. »
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9 Boulianne c. Syndicat de la copropriété Les Quartiers de l'académie, 2010 QCCQ 1719.
[20] En l’instance, le Syndicat admet que lorsqu’une fenêtre est complètement embuée et que son usage est rendu impossible, alors la charge de la remplacer revient au Syndicat, donc à l’ensemble des copropriétaires.
[21] Or, le représentant du Syndicat, monsieur Denis Marcouiller, soutient que la preuve n’a pas été faite par le demandeur que les fenêtres devaient être remplacées puisqu’il n’y a aucune expertise qui démontre l’état des fenêtres.
[22] En ce qui concerne le fardeau général de la preuve, il y a lieu de citer les articles 2803 et 2804 C.c.Q. :
« 2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu’un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
2804. La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante. »
[23] En vertu de ces principes, il appartient au demandeur de prouver, selon la balance des probabilités, les faits qui soutiennent sa prétention.
[24] Cayer a témoigné, photographies à l’appui, que les fenêtres étaient fortement embuées. Les photographies (P-9) démontrent d’ailleurs que les fenêtres étaient très embuées.
[25] Qui plus est, malgré l’avis au Syndicat et la mise en demeure, aucun représentant du Syndicat ne s’est déplacé pour vérifier l’état de la situation.
[26] En l’instance, et même si la Déclaration stipule que le Syndicat doit approuver les travaux, le demandeur a été laissé à lui-même et s’est vu refuser, à chaque fois, ses demandes eu égard au remplacement des fenêtres. Devant l’intransigeance du Syndicat, et le refus de mandater quelqu’un pour constater la situation, Cayer n’avait d’autre choix que d’agir.
[27] Dans ce contexte, le Tribunal arrive à la conclusion que preuve a été faite que l’état des fenêtres commandait leur remplacement.
[28] Dans l’affaire Séguin[4] précitée, mon collègue le juge Sabourin écrivait, en terminant, ce qui suit :
« [43] Le Tribunal est bien conscient du fait que plus de 80% des copropriétaires ont déjà procédé eux-mêmes au remplacement de leurs fenêtres et en ont assumé les frais, et ce, dans le cadre du programme de remplacement établi par le Syndicat en 2005.
[44] Ceci étant, le Tribunal ne peut tenir compte de cette réalité lorsque vient le temps de statuer sur les droits et obligations des parties au présent litige. De plus, le Tribunal ne peut ratifier ce qui a été fait depuis 2005. Il appartient au Syndicat de prendre les moyens nécessaires pour rectifier le tir, et ce, dans le respect de la Déclaration de copropriété. »
[29] Le Tribunal partage ces commentaires, lesquels sont applicables, mutatis mutandis, au présent dossier.
[30] PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[31] ACCUEILLE la demande;
[32] CONDAMNE le défendeur, Syndicat de la Copropriété du 7265 rue de Beaufort, à payer au demandeur, monsieur Christian Cayer, la somme de 948,55 $ avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, et ce, à compter du 18 janvier 2018;
[33] CONDAMNE le défendeur, Syndicat de la Copropriété du 7265 rue de Beaufort, à rembourser au demandeur, monsieur Christian Cayer, les frais de justice de 101 $.
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__________________________________ DANIEL BOURGEOIS, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
1er septembre 2021 |
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