Décision

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Décision

Résidence Les  Jardins Gordon c. R.C.

2019 QCRDL 25602

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

299441 31 20160930 G

No demande :

2093302

 

 

Date :

06 août 2019

Régisseur :

Robin-Martial Guay, juge administratif

 

Résidence Les Jardins Gordon Limited Partnership

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

R... C...

 

Locataire - Partie défenderesse

D É C I S I O N

 

 

[1]      Par un recours introduit devant le tribunal de la Régie du logement, le 30 septembre 2016, le locateur demande la résiliation du bail et l’expulsion du locataire du logement.

[2]      Aussi, le locateur demande l’exécution provisoire de la décision malgré l’appel ainsi que les frais judiciaires.

[3]      Au soutien de sa demande, le locateur allègue essentiellement que le logement est insalubre, que le locataire est agressif verbalement et physiquement et qu’il ne respecte pas le règlement de l’immeuble; ce qui lui cause un préjudice sérieux.

Preuve et analyse

[4]      Il est établi que la demande du locateur a été signifiée personnellement au locataire. Pour preuve apparaissant au dossier du Tribunal, dans une demande de remise d’audience écrite formulée par le locataire et à laquelle le locateur a consenti, le locataire reconnaît que la demande du locateur concernant son dossier est une demande de résiliation de son bail.

[5]      La preuve non contestée révèle que les parties sont liées par un bail 1er juin 2019 au 31 mai 2020 au loyer mensuel de 1 051 $. Ce bail a été reconduit, année après année, depuis le 1er juin 2015.

[6]      Un règlement de l’immeuble ainsi qu’un document stipulant les limites d’accueil et de services du locateur ont été communiqués au locataire lors de la signature du bail, le 20 mai 2015 (Pièces P1 et P2).

[7]      Le logement concerné est situé au niveau du rez-de-chaussée d’un immeuble comportant 99 chambres pour personnes autonomes et semi-autonomes.

[8]      Le logement concerné est constitué d’une chambre sans salle de bain. Le bail stipule que le locataire a droit à un service d’entretien à raison d’une fois semaine.


[9]      Dans les faits que de témoigner la représentante du locateur, madame Sophie Boudreau qui exerce la fonction de Directrice adjointe de la résidence, c’est au quotidien que le service d’entretien doit se rendre au logement du locataire, monsieur R... C... et pour cause.

[10]   Madame Boudreau affirme que le locataire ne respecte pas ses obligations contractuelles et légales, dont notamment celle de maintenir les lieux en bon état d’entretien et de propreté en ce que le logement est insalubre; ce qui cause un préjudice sérieux.

[11]   Toujours selon madame Boudreau, le locataire ne collabore pas avec le service d’entretien qui, au quotidien, doit se rendre au logement qu’ils trouvent dans un état de grande malpropreté. Il y a des excréments partout au logement qu’il s’agisse de son mobilier, de sa literie ou de ses vêtements que de souligner la représentant du locateur.

[12]   Certains employés du service d’entretien ont même refusé de se rendre faire le ménage au logement de monsieur C... en raison de la présence d’excréments qui sont partout sur ses vêtements ou le mobilier. Et lorsqu’ils entrent, ils doivent portent des masques. D’autres ont vomi en entrant dans la chambre du locataire en raison de l’odeur répugnante des lieux; ce qui a valu au locateur de recevoir de la part d’employés des dénonciations formelles de divulgation en cas d’accident dans une résidence privée (Pièce P17).

[13]   C’est à maintes reprises depuis qu’il habite les lieux que le locateur dénonce au locataire le problème d’insalubrité dans sa chambre (Pièce P4, P5, P7).

[14]   En date du 7 décembre 2018, le locateur était informé par la directrice des soins infirmiers, Madel MuKendy d’une modification significative de l’état physique ou mental qui entraîne un dépassement de l’offre de service de la résidence alléguant que le locataire refuse tous les services offerts par la résidence, ne prend pas ses médications, insalubrité extrême, comportement agressif, détérioration de son état général, aucune collaboration. La dénonciation est accompagnée de photos montrant l’état du logement de monsieur C... (Pièce P-18).

[15]   En date du 10 janvier 2019, en réponse à la demande de la directrice des soins infirmiers, le locateur, après évaluation, jugeait que la situation de monsieur C... qui était hospitalisé à l’hôpital de Verdun dépassait largement les limites d’accueil de la résidence et que celui-ci est un danger pour lui-même et pour les autres, ce qui justifiait sa relocalisation. C’est en ce sens que la résidence déposait un rapport détaillé, appuyé de photos et de commentaires à l’attention de Dalia J. Francois du CLSC (Pièce P-19).

[16]   Le 12 mars 2019, suite à une rencontre avec le locataire en date du 7 mars, le locateur faisait suivre au locataire un plan de service prenant en compte ses besoins et ses limites fonctionnelles en termes d’autonomie (Pièce P-21).

[17]   Le locataire a refusé le plan de services proposé par le locateur en raison des coûts supplémentaires en lien avec l’ajout de services quotidiens que nécessitait sa condition (Pièce P-21 annexe).

[18]   Qu’il suffise d’examiner les photos prises à différentes époques depuis l’année 2016 pour constater que la chambre du locataire est sale, malpropre et encombrée, avec présence d’excréments sur le mobilier et les vêtements du locataire (Pièce P3, P6, P-9 à P16).

[19]   Les photos obligent à conclure que le locataire n’a plus l’autonomie suffisante pour appliquer à sa personne et à son logement, les soins et gestes d’hygiènes les plus élémentaires.

[20]   Bien qu’en date du 31 janvier 2019, un cas de force majeure, une infiltration d’eau dans le logement, ait obligé le locateur a tout vidé la chambre du locataire et a remeublé celle-ci à neuf, sitôt que le locataire a réintégré sa chambre, celle-ci est redevenue dans un désordre indescriptible, malpropre et souillé d’excréments (Photos janvier- février 2019).

[21]   La même chose s’était déjà produite en mars 2018 que de souligner madame Boudreau. Alors qu’ils avaient, à leurs frais, tout remeublé à neuf le logement et acheté des vêtements neufs à monsieur C..., quelques jours ont suffi pour que sa chambre redevienne insalubre; partout souillé de selles (Photos du 22 mars 2018).

[22]   Et madame Boudreau de poursuivre en disant que son bureau est situé à proximité de la chambre de monsieur Boudreau et qu’il ne se passe pas une semaine sans qu’elle ne soit dérangée par l’odeur nauséabonde qui provient de la chambre du locataire.


[23]   De la même manière, il ne se passe pas une semaine sans qu’elle ne reçoive une plainte d’un voisin de monsieur Boudreau à propos de l’odeur forte et désagréable qui provient de sa chambre ou de ses vêtements.

[24]   Plus particulièrement, en raison de plaintes récurrentes de l’hygiène déficiente du locataire sur sa personne et de la forte odeur d’excréments qu’il dégage, le locateur a récemment requis de monsieur C... qu’il prenne ses repas dans une pièce attenante à la salle à manger des locataires de l’immeuble.

[25]   La preuve prépondérante révèle que sitôt que le service d’entretien fait le ménage du logement, le locataire est totalement incapable de maintenir le logement dans le même état de propreté que celui dans lequel les employés du service d’entretien lui rendent le logement après leur passage au logement.

[26]   En raison de l’incapacité de monsieur C... de voir à ses soins et à sa prise de médicaments sur une base quotidienne, son cas a été de nouveau déféré au CLSC par le locateur afin qu’il assigne au locataire une travailleuse sociale.

[27]   Madame Boudreau souligne que, par le passé, le CLSC s’est retiré du dossier à la demande du locataire mais que suite à cette nouvelle demande, une travailleuse sociale vient au logement mais uniquement pour s’assurer de la prise de sa médication.

[28]   Bien que monsieur C... ait requis de la travailleuse sociale qu’elle l’accompagne le jour de l’audience devant la Régie du logement, celle-ci avisait le locataire ainsi que madame Boudreau qu’elle n’accompagnerait pas le locataire à l’audience prévue pour le 16 juillet 2019; que sa fonction se limitait à s’assurer que monsieur C... prenne sa médication au quotidien.

[29]   Toujours selon madame Boudreau, le locataire est agressif. Tantôt, il lance au visage d’un autre occupant un pichet d’eau (Pièce P22), tantôt c’est un verre de lait qu’il lance. Il a même pourchassé une travailleuse sociale qui a dû se réfugier dans un bureau de l’administration pour se soustraire à la vindicte du locataire que d’affirmer madame Boudreau.

[30]   À au moins deux occasions, ils ont dû faire appel à la force constabulaire. La première fois, le 2 juin 2016, après que le locataire ait pris par la gorge une infirmière; ce qui lui a valu de se voir servir une citation à comparaître devant la Cour (Pièce P-8); la seconde fois, plus récemment, le 9 juillet 2019, après qu’il ait administré un coup de poing à un autre locataire (Pièce P-23).

[31]   Conformément à la loi, la représentante du locateur, madame Sophie Boudreau, affirme avoir communiqué à l’autorité compétente, le CLSC, dès le 10 janvier 2019, un rapport complet, lequel inclus un avis écrit de limite d’accueil et de services faisant état de l’incapacité de monsieur C... à participer à ses soins et aux services d’assistance en ce que celui-ci :

·         Ne prend pas ses médicaments seuls et refuse lorsqu’on veut l’aider à les prendre et devient agressif;

·         Ne se lave pas, refuse l’aide agressivement;

·         Fait des selles partout dans sa chambre quotidiennement (dans son lit, dans son lavabo, par terre, sur ses vêtements, dans le placard);

·         Urine partout dans sa chambre;

·         Porte des vêtements souillés par l’urine et les selles. Refuse de se changer pour aller à la salle à manger.

[32]   L’avis fait aussi état de ce que monsieur C... comprend les consignes mais refuse de les appliquer, de la respecter et qu’il chute à répétition avec conséquences. Elle note que monsieur C... a fait un minimum de quatre chutes dans les deux derniers mois avec conséquences. Madame Boudreau fait aussi état dans son avis de l’incapacité de monsieur C... à s’alimenter seul et de son inaptitude à recourir aux mesures d’hygiène usuelles et nécessaires (Pièce P-19).

[33]   Par ailleurs, madame Boudreau souligne dans son avis que monsieur C... devient agressif lorsqu’on lui demande de respecter les consignes et lorsqu’on veut lui apporter de l’aide. Il y a eu des épisodes de comportements agressifs et de violence envers les autres résidents à la salle à manger.


[34]   Et celle-ci de conclure son témoignage que la chambre du locataire est extrêmement insalubre (selles, urine, nourriture, vêtements…); ce qui cause au locateur ainsi qu’aux autres locataires de l’immeuble un préjudice sérieux.

Le droit applicable

[35]   Les articles 1855, 1860, 1863, 1912, 1913, 1917, 1972 et 1973 du Code civil du Québec trouvent application au cas sous étude. Ces dispositions édictent ce qui suit :

« 1855. Le locataire est tenu, pendant la durée du bail, de payer le loyer convenu et d'user du bien avec prudence et diligence. »

« 1860. Le locataire est tenu de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires. 

Il est tenu, envers le locateur et les autres locataires, de réparer le préjudice qui peut résulter de la violation de cette obligation, que cette violation soit due à son fait ou au fait des personnes auxquelles il permet l'usage du bien ou l'accès à celui-ci.

Le locateur peut, au cas de violation de cette obligation, demander la résiliation du bail. »

« 1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.

L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir. « 

« 1912. Donnent lieu aux mêmes recours qu'un manquement à une obligation du bail:

1° Tout manquement du locateur ou du locataire à une obligation imposée par la loi relativement à la sécurité ou à la salubrité d'un logement;

2° Tout manquement du locateur aux exigences minimales fixées par la loi, relativement à l'entretien, à l'habitabilité, à la sécurité et à la salubrité d'un immeuble comportant un logement. »

« 1913. Le locateur ne peut offrir en location ni délivrer un logement impropre à l'habitation.

Est impropre à l'habitation le logement dont l'état constitue une menace sérieuse pour la santé ou la sécurité des occupants ou du public, ou celui qui a été déclaré tel par le tribunal ou par l'autorité compétente. »

« 1917. Le tribunal peut, à l'occasion de tout litige relatif au bail, déclarer, même d'office, qu'un logement est impropre à l'habitation ; il peut alors statuer sur le loyer, fixer les conditions nécessaires à la protection des droits du locataire et, le cas échéant, ordonner que le logement soit rendu propre à l'habitation. »

« 1972. Le locateur ou le locataire peut demander la résiliation du bail lorsque le logement devient impropre à l'habitation. »

«1973. Lorsque l'une ou l'autre des parties demande la résiliation du bail, le tribunal peut l'accorder immédiatement ou ordonner au débiteur d'exécuter ses obligations dans le délai qu'il détermine, à moins qu'il ne s'agisse d'un retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer.

Si le débiteur ne se conforme pas à la décision du tribunal, celui-ci, à la demande du créancier, résilie le bail. »

[36]   Les dispositions qui précèdent enseignent que le locataire est tenu, pendant toute la durée du bail, d’user du bien loué avec prudence et diligence ainsi qu’il doit maintenir le logement en bon état de propreté.

[37]   Une multitude de situations peut correspondre à un manquement du locataire à son obligation d’user du bien loué avec prudence et diligence et de le maintenir en bon état de propreté. Il peut s’agir d’odeurs nauséabondes, de nourriture à l’air libre, d’excréments sur le plancher ou encore d’un encombrement des pièces du logement.

[38]   Un mauvais état de propreté peut varier d’une situation à l’autre. Ce faisant, les éléments à considérer par le Tribunal vont diverger d’un cas à l’autre.


[39]   Les auteurs Rousseau-Houle et de Billy suggèrent à cet égard que l’analyse du Tribunal n’échappe pas à la prise en compte de l’âge, de l’usage des lieux et des autres conditions prévalant dans le logement :

« Il s’avérera alors possible pour les tribunaux d’accorder une certaine importance à l’état du logement compte tenu de l’âge de l’immeuble, des exigences du locataire eu égard à ses habitudes de vie et de santé, ainsi que de l’intention des parties lors de la signature du bail »[1].

[40]   Bien que le bon état de propreté vise généralement des situations autres que celles s’insérant dans les notions de bon état d’habitabilité et de bon état de réparation, il n’en demeure pas moins qu’un logement jugé en mauvais état de propreté pourra s’avérer aussi être un logement en mauvais état d’habitabilité voir même impropre à l’habitation au sens de l’alinéa 2 de l’article 1913 du Code civil du Québec.

[41]   Toujours selon les dispositions précitées, le locataire ne doit pas non plus agir de façon à détériorer le bien loué ou à nuire à sa conservation sans quoi, il s’expose à devoir répondre des pertes survenues au bien loué.

[42]   Le locataire, comme le locateur, ne peut contrevenir à ses obligations légales relatives à la salubrité ou à la sécurité du logement selon le paragraphe 1o de l'article 1912 du Code civil du Québec.

[43]   Quant à la notion de bon état d’habitabilité, il faut dire qu’il n’existe aucune définition dans le cadre législatif du louage résidentiel. Ce faisant, la tâche de circonscrire la notion de bon état d’habitabilité appartient aux autorités doctrinales et judiciaires.

[44]   À ce chapitre, la définition du logement impropre à l’habitation s’est révélée un élément important pour l’interprétation de l’expression de bon état d’habitabilité.

[45]   Un logement qui n’est pas en bon état d’habitabilité pourra, en certain cas, être jugé impropre à l’habitation. Pour autant, il vaut de souligner que ce ne sont pas tous les logements en mauvais état d’habitabilité qui sont impropres à l’habitation.

[46]   En effet, il peut s’avérer qu’un logement peut ne pas satisfaire à la norme généralement acceptée en matière d’habitation sans pour autant constituer un logement impropre à l’habitation du seul fait qu’il ne constitue pas une menace sérieuse pour la santé ou la sécurité de occupants ou du public, tel que l’exige l’alinéa 2 de l’article 1913 du Code civil du Québec.

[47]   Les critères qui doivent guider le Tribunal pour conclure au mauvais état d’habitabilité du logement sont certes plus souples et plus larges que ceux requis pour déclarer un logement impropre à l’habitation.

[48]   En plus de l’article 1913 C.c.Q., il importe de souligner la contribution de l’article 1912 C.c.Q. pour l’interprétation de la notion d’habitabilité.

[49]   Cette disposition démontre qu’il existe un régime sévère quant aux obligations que doit respecter le locateur et le locataire sur le bon état d’habitabilité du logement.

[50]   Les obligations des parties à propos de l’habitabilité du logement prennent naissance à la délivrance du logement et se poursuivent tout au long du bail. Il en va de même de l’obligation pour le locataire d’user du bien loué avec prudence et diligence et de celle de maintenir le logement en bon état de propreté.

[51]   Il vaut aussi de souligner que la notion de bon état d’habitabilité est intimement liée à l’obligation d’entretien du logement tout comme à celles d’user du bien avec prudence et diligence et de le maintenir en bon état de propreté.

[52]   Quant à la notion d’impropre à l’habitation d’un logement, l’article 1913 C.c.Q. édicte qu’est impropre à l’habitation, un logement dont l’état constitue une menace sérieuse pour la santé ou la sécurité des occupants ou du public, ou celui qui a été déclaré tel par le Tribunal ou par l’autorité compétente.


[53]   Dans l'affaire Gestion immobilière Dion(1), le juge Jean-Guy Blanchette écrit :

« (...) pour évaluer si l'impropreté d'un logement à habitation constitue une menace sérieuse pour la santé, la Cour doit procéder à ladite évaluation d'une façon objective et se demander si une personne ordinaire peut vivre objectivement dans les conditions exposées lors de l'audition. Ce ne sont pas les appréhensions subjectives ni l'état psychologique du locataire ou des occupants qui doivent prévaloir mais bien la situation ou l'état des lieux compris et analysé objectivement lors de la prise de décision du déguerpissement (...) »(2).

[54]   En corolaire des obligations du locataire, l’article 1863 du Code civil du Québec édicte qu'en cas d’inexécution d’une obligation par celui-ci, le locateur peut, en outre, demander la résiliation du bail si l’inexécution de l’obligation lui cause un préjudice sérieux à lui-même ou aux autres occupants.

[55]   C’est ainsi qu’en présence d'un manquement du locataire à ses obligations, en plus de dommages-intérêts et de l'exécution en nature dans les cas qui le permettent, le locateur pourra notamment exiger la résiliation du bail, dans la mesure où il est établi que l'inexécution des obligations du locataire cause au demandeur même ou aux autres occupants de l'immeuble, un préjudice sérieux.

[56]   De la même manière, le fait pour un locataire de contrevenir à la règlementation municipale, à une clause du bail, ou d'en excéder les droits, ne donnera ouverture à la résiliation du bail que s’il est mis en preuve que cette contravention cause un préjudice sérieux au locateur ou aux autres occupants de l’immeuble.

[57]   Analysé sous cet angle et dans le contexte du présent dossier, pour réussir dans sa demande de résiliation du bail selon l’article 1863 du Code civil et fondée sur le manquement du locataire à une obligation découlant du bail ou de la Loi et du préjudice sérieux qui en découle, la preuve doit s’avérer concluante, à la fois, sur le manquement allégué et sur le préjudice sérieux qui en découle.

[58]   Quant au fardeau qui incombe au locateur en regard du second motif de résiliation du bail, encore une fois, il s’agit des deux éléments essentiels qui conditionnent le prononcé de la résiliation du bail en vertu de l’article 1863 C.c.Q. Sous ce rapport, le Tribunal aura également à apprécier si le manquement allégué existe toujours au moment de l'audience.

Discussion

[59]   Tel que susdit, le locataire a l’obligation de maintenir son logement en bon état de propreté et de ne pas contrevenir aux obligations légales prescrites en matière de sécurité ou de salubrité des lieux loués en vertu des articles 1911 et 1912 al.1 du Code civil du Québec.

[60]   C’est donc dire qu’en présence d'un manquement du locataire à ses obligations, en plus de dommages-intérêts et de l'exécution en nature dans les cas qui le permettent, le locateur peut notamment exiger la résiliation du bail, dans la mesure où il est établi que l'inexécution par le locataire des obligations qui lui incombent, cause un préjudice sérieux.

[61]   Le Tribunal souligne qu’en l’espèce, aucun rapport d’expert ou d’une quelconque autorité du domaine publique concluant que le logement concerné est dans un état tel qu’il constitue une menace sérieuse pour la santé ou la sécurité du locataire ou du public en général n’a été déposé en preuve.

[62]   Il vaut toutefois de souligner qu’un rapport du locateur appuyé de photos et de l’opinion de la directrice des soins infirmiers fait état de ce que le logement du locataire est au quotidien extrêmement insalubre, en ce qu’il y a des selles (excréments) partout sur le mobilier, la literie et les vêtements du locataire. S’agit-il d’éléments pouvant, a priori, se révéler nocifs pour la santé des occupants que le Tribunal l’ignore; faute de preuve d’un expert.

[63]   Qu’à cela ne tienne, en l’espèce, qu’il suffise d’examiner les photos qui ont été prises au logement concerné pour se laisser convaincre par le témoignage de la représentante du locateur à propos de l’état de malpropreté généralisé du logement et de l’inertie du locataire en regard de son obligation de maintenir le logement dans un bon état de propreté ainsi que dans un bon état d’entretien mais aussi d’user, en tout temps, du logement avec prudence et diligence.

[64]   La preuve prépondérante révèle une insouciance sinon une incapacité claire du locataire de résoudre la problématique d’insalubrité qui caractérise son logement.


[65]   Bien qu’invité à maintes reprises et sur une base régulière tant par le locateur que par les employés dépêchés sur les lieux par le CLSC, d’avoir à nettoyer son logement et de le maintenir propre, exempt d’excréments, le locataire est incapable de maintenir son logement propre; exempt d’excréments et de détritus de toute sorte.

[66]   La preuve révèle que le locataire pose un grave problème d’hygiène dans son logement en raison du désordre et de son état permanent de malpropreté généralisé, souvent caractérisé par la présence, ici et là, d’excréments.

[67]   Par son manque d’hygiène, il nous apparaît que le locataire compromet la qualité de vie des autres locataires et occupants de l’immeuble qui doivent partager avec lui les espaces communs que sont les toilettes, les salles de bain, la salle à manger et la salle des loisirs.

[68]   Le Tribunal n’est pas non plus indifférent au fait que le locataire a reconnu son incapacité à maintenir son logement propre et salubre par sa demande d’ajout de services en lien avec son incapacité à maintenir propre son logement en raison de son âge avancé et de son faible niveau d’autonomie.

[69]   Par son refus ou sa négligence, le locataire cause un préjudice sérieux au locateur ainsi qu’aux autres locataires de l’immeuble qui comporte 99 unités de logements, constituées de chambre comme celle du locataire.

[70]   En l’instance, le locateur a démontré que le locataire est en défaut de respecter ses obligations légales de maintenir le logement dans un bon état de propreté ainsi que dans un bon état d’entretien mais aussi d’user, en tout temps, du logement avec prudence et diligence.

[71]   La preuve démontre que le locataire ignore et ne respecte pas les dispositions du Code civil du Québec relativement à son obligation de maintenir le logement dans un bon état de propreté et d’entretien, mais aussi de son obligation d'user des lieux loués avec prudence et diligence non plus qu’à l’article 27 du règlement de l’immeuble se rapportant à la salubrité.

[72]   La preuve démontre que le locataire a contrevenu et contrevient à ses obligations légales et contractuelles avec répercussions sérieuses, préjudiciables et actuelles pour le locateur et les autres locataires de l’immeuble.

[73]   Le locateur demande au Tribunal de sanctionner par la résiliation du bail, les manquements du locataire, issus du non-respect de ce dernier à ses obligations.

[74]   Dans le présent cas, il résulte de l’ensemble de la preuve tant testimoniale que documentaire que le locateur est en droit d’obtenir le remède prévu par l’article 1863 du Code civil du Québec et d’obtenir que soit prononcée la résiliation du bail compte tenu du préjudice sérieux que lui et les autres locataires subissent en raison des défauts du locataire de respecter ses obligations en matière de salubrité des lieux.

[75]   En effet, le Tribunal juge que le locateur s’est acquitté de son fardeau de preuve tant sur les manquements du locataire que sur le préjudice sérieux de sorte qu’il y a lieu, conformément à l’article 1863 du Code civil du Québec, de prononcer la résiliation du bail et d’ordonner l’expulsion du locataire.

[76]   Quant à la demande d’exécution provisoire de la décision, le Tribunal juge qu’en raison de l’âge du locataire et de sa situation particulière que celle-ci n’est pas justifiée conformément à l'article 82.1 de la Loi sur la Régie du logement, L.R.Q., c. R-8.1.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL

[77]   RÉSILIE le bail et ORDONNE l’expulsion du locataire et des occupants du logement;


[78]   CONDAMNE le locataire à payer au locateur les frais judiciaires et de signification de 79 $.

 

 

 

 

 

 

 

 

Robin-Martial Guay

 

Présence(s) :

la mandataire du locateur

Date de l’audience :  

16 juillet 2019

 

 

 


 



[1] T. Rousseau-Houle, Le bail du logement : analyse de la jurisprudence, Montréal (Qc.), 1989, Wilson & Lafleur, à la p. 57; voir plus précisément la section 3 de ce document portant sur l’inexécution des obligations.

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