Décision

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Benalia et Ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale

2025 QCCFP 3

 

COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

DOSSIER No :

2000175

 

DATE :

10 février 2025

______________________________________________________________________

 

DEVANT LA JUGE ADMINISTRATIVE :

NOUR SALAH

______________________________________________________________________

 

 

 

RAMDANE BENALIA

 

Partie demanderesse

 

et

 

MINISTÈRE DE L’EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ SOCIALE

 

Partie défenderesse

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

(Article 33, Loi sur la fonction publique, RLRQ, c. F-3.1.1)

______________________________________________________________________

 

  1.                Le 20 janvier 2025, M. Ramdane Benalia dépose un recours à la Commission de la fonction publique (Commission) en vertu de l’article 33 de la Loi sur la fonction publique (Loi). Il conteste la décision de son employeur, le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (ministère), de lui réclamer une somme d’argent versée en trop pour du temps qu’il n’aurait pas travaillé.
  2.                Le 20 janvier 2025, la Commission soulève d’office son absence de compétence pour entendre ce recours puisque M. Benalia semble être un employé syndiqué.
  3.                Afin de rendre une décision sur dossier, la Commission demande aux parties de lui transmettre par écrit leurs arguments concernant sa compétence.
  4.                Le ministère répond que la Commission n’a pas compétence pour entendre le recours de M. Benalia. Pour sa part, M. Benalia ne transmet aucun commentaire.
  5.                La Commission juge qu’elle n’a pas compétence pour entendre le recours de M. Benalia.

CONTEXTE ET ANALYSE

  1.                L’article 33 de la Loi prévoit :

33. Un fonctionnaire non régi par une convention collective peut interjeter appel devant la Commission de la fonction publique de la décision l’informant :

1° de son classement lors de son intégration à une classe d’emplois nouvelle ou modifiée;

2° de sa rétrogradation;

3° de son congédiement;

4° d’une mesure disciplinaire;

5° qu’il est relevé provisoirement de ses fonctions.

Un appel en vertu du présent article doit être fait par écrit et reçu à la Commission dans les 30 jours de la date d’expédition de la décision contestée.

Le présent article, à l’exception du paragraphe 1° du premier alinéa, ne s’applique pas à un fonctionnaire qui est en stage probatoire conformément à l’article 13.

 

  1.                Dans son recours, M. Benalia conteste la décision de son employeur de récupérer une somme d’argent représentant 334 heures et 45 minutes pour lesquelles il n’aurait pas fourni de prestation de travail. Il en est informé dans une lettre transmise le 17 décembre 2024 dans laquelle l’employeur précise également qu’il n’y aura pas de sanction disciplinaire puisqu’il est à la retraite depuis le 27 août 2024.
  2.                     M. Benalia conteste donc la récupération d’un montant versé en trop et non une des décisions pouvant être visées par un recours en vertu de l’article 33 de la Loi.
  3.                     De plus, le ministère indique dans son argumentation que M. Benalia n’est pas un fonctionnaire nommé en vertu de la Loi, mais plutôt un employé syndiqué de la Ville de Montréal en prêt de service.
  4.            La Commission retient ainsi que M. Benalia, en plus d’être un employé syndiqué, n’est pas un fonctionnaire.
  5.            L’article 1 de la Loi prévoit son champ d’application et définit la notion de fonctionnaire :

1. La présente loi s’applique aux personnes qui sont nommées suivant celle-ci.

[…]

Toute personne visée dans le présent article est un fonctionnaire.

  1.            Cette loi prévoit que les fonctionnaires sont recrutés et promus au moyen de processus de sélection conformément aux règles prescrites aux articles 42 à 54.1[1]. Pour qu’une personne soit nommée en vertu de la Loi, une disposition de la loi constitutive de l’organisme qui l’emploie doit le prévoir, ce qui n’est pas le cas dans la présente affaire.
  2.            En effet, les employés de la Ville de Montréal ne sont pas nommés en vertu de la Loi. Ils ne sont donc pas des fonctionnaires, comme le précise la Commission dans la décision Melaven[2] :

[9]         L’article 71 de la Loi sur les cités et villes[], ainsi que les articles 46 et 49.1 de la Charte de la Ville de Montréal, métropole du Québec[…] régissent les règles de recrutement des employés de la Ville de Montréal :

71. Le conseil nomme par résolution les fonctionnaires et employés qu’il juge nécessaires à l’administration de la municipalité, et fixe leur traitement.

 

Un vote à la majorité absolue des voix des membres du conseil est requis pour que ce dernier puisse destituer, suspendre sans traitement ou réduire le traitement d’un fonctionnaire ou employé qui n’est pas un salarié au sens du Code du travail (chapitre C-27) et qui, depuis au moins six mois, occupe son poste ou a occupé, au sein de la municipalité, un poste dont le titulaire n’est pas un tel salarié. Toutefois, dans le cas du vérificateur général, un vote à la majorité des deux tiers des voix des membres est requis. […]

 

46. Le conseil de la ville peut fixer des règles relatives à l’engagement et au congédiement des fonctionnaires et employés.

 

49.1. Le conseil de la ville définit le plan de classification des fonctions et des traitements qui s’y rattachent ainsi que les règles de dotation utilisées pour combler les emplois et il fixe les conditions et les modalités pour l’identification, la mise en disponibilité et le placement des fonctionnaires et employés permanents qui sont en surplus. […]

  1.            En conséquence, M. Benalia ne peut se prévaloir de l’appel qui est prévu à l’article 33 de la Loi. La Commission a souvent décliné compétence pour entendre tout recours d’un employé ne possédant pas le statut de fonctionnaire au sens de la Loi[3].
  2.            Au surplus, le ministère précise que le recours a été déposé au-delà du délai de 30 jours et qu’il est donc prescrit, argument auquel la Commission acquiesce.
  3.            En conclusion, la Commission rappelle qu’elle est un tribunal administratif qui n’a qu’une compétence d’attribution. Elle ne peut donc exercer que la compétence qui lui est accordée expressément par le législateur[4] :

À la différence du tribunal judiciaire de droit commun, un tribunal administratif n’exerce la fonction juridictionnelle que dans un champ de compétence nettement circonscrit. Il est en effet borné, par la loi qui le constitue et les autres lois qui lui attribuent compétence, à juger des contestations relatives à une loi en particulier ou à un ensemble de lois. Sa compétence ne s’étend donc pas à l’intégralité de la situation juridique des individus. [...]

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE :

DÉCLARE qu’elle n’a pas compétence pour entendre le recours de M. Ramdane Benalia.                                    

                                  Original signé par :

                                                 

__________________________________

Nour Salah

 

 

M. Ramdane Benalia

Partie demanderesse

 

Me Imane Benhacine

Procureure du ministère de l’Emploi et de la Solidarité Sociale

Partie défenderesse

 

Date de la prise en délibéré :  

4 février 2025

 

 

 


[1]  Voir également la Directive concernant la dotation des emplois dans la fonction publique, C.T. 225477 du 11 janvier 2022 et ses modifications (R.P.G. 1 4 1 5).

[2]  Melaven Vézina et Ville de Montréal, 2020 QCCFP 22.

[3]  Cool et Centre de services scolaire des Affluents, 2024 QCCFP 11; Villeneuve et Administration de pilotage des Laurentides, 2024 QCCFP 20; Boily et Société de développement de la Baie-James, 2020 QCCFP 18; Larochelle et Centre de la petite enfance La Marelle des Bois-Francs, 2020 QCCFP 15; Lessard et Directeur général des élections du Québec, 2018 QCCFP 22.

[4]  Pierre ISSALYS et Denis LEMIEUX, L’action gouvernementale – Précis de droit des institutions administratives, 3e édition, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2009, p. 421-423.

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