Décision

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Turcotte c. Pelletier

2012 QCCS 2462

JG1462

 
 COUR SUPÉRIEURE

(Chambre civile)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

RICHELIEU

 

N° :

765-17-001044-116

 

 

 

DATE :

6 juin 2012

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

PIERRE-C. GAGNON, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

MARC TURCOTTE

et

ANNIE LAROUCHE

  Demandeurs principaux

c.

CLAUDE PELLETIER

et

DIANE JOSEPH

Défendeurs principaux

Demandeurs en garantie

Requérants

c.

LISE MEUNIER

et

JEAN-JACQUES STALGITIS

            Défendeurs en garantie

et       

LA PERSONNELLE, ASSURANCES

GÉNÉRALES INC.

            Intimée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT SUR REQUÊTE DE TYPE WELLINGTON

______________________________________________________________________

 

[1]           Les défendeurs principaux Claude Pelletier et Diane Joseph (« les Pelletier-Joseph ») réclament un jugement ordonnant à leur propre assureur, La Personnelle, assurances générales inc. (« La Personnelle ») d'assumer leur défense face à l'action de Marc Turcotte et de Annie Larouche (« les Turcotte-Larouche »), et de rembourser tous leurs frais de défense en conséquence.

[2]           Les Pelletier-Joseph considèrent que la réclamation formulée contre eux par les Turcotte-Larouche est couverte la police d'assurance habitation[1] que la Personnelle leur a délivrée et que, de toute façon, la Personnelle a renoncé à nier couverture.

[3]           La Personnelle conteste l'une et l'autre prétentions des Pelletier-Joseph.

1.         LES FAITS ESSENTIELS

[4]           Il s'agit d'une résidence familiale située au […] à Varennes.

[5]           Le 27 mai 1996, Jean-Jacques Stalgitis avec l'intervention de son épouse Lise Meunier, vend la résidence aux Pelletier-Joseph[2].

[6]           Le 30 mars 2010, les Pelletier-Joseph revendent la résidence aux Turcotte-Larouche[3].

[7]           Le 11 juin 2010, les Turcotte-Larouche transmettent aux Pelletier-Joseph un       « avis de dénonciation »[4] réclamant un montant d'environ 15 400 $ pour des vices constatés depuis la vente, soit de l'efflorescence et une infiltration d'eau au sous-sol.

[8]           Le 23 juin 2010, l'avocate Martine Tremblay écrit aux Pelletier-Joseph de la part de ses clients les Turcotte-Larouche. Me Tremblay réfère aux vices déjà dénoncés et invoque des moisissures provoquées par un taux d'humidité élevé. La réclamation est majorée à 42 322,52 $[5].

[9]           Le 22 juillet 2010, le Service d'indemnisation de La Personnelle, situé à Montréal, écrit à ses assurés les Pelletier-Joseph pour aviser qu'elle a mandaté le « fournisseur » Indemnipro inc., un bureau d'experts en sinistres chargé d'assurer le suivi du dossier[6].

[10]        Le 12 août 2010, M. Yves Gagnon écrit au nom d'Indemnipro aux Pelletier-Joseph pour divulguer son mandat « de procéder à une enquête sous réserve »[7]. Il explique qu'il doit faire enquête, adresser des recommandations à La Personnelle puis attendre les instructions, pour revenir ensuite aux Pelletier-Joseph.

[11]        Le 19 janvier 2011, M. Gagnon laisse un message dans la boîte vocale de Me Marie-Julie Croteau, avocate des Pelletier-Joseph. Il dit notamment :

Je sais que l'assureur, moi, m'avait confirmé, donc c'est sûr qu'il va prendre fait et cause pour son assuré du côté des dommages conséquentiels[8].

[12]        Le message téléphonique R-7 se termine en mentionnant à Me Croteau qu'on lui demande de transmettre sur réception, copie de la requête introductive d'instance : « La Personnelle attend la requête introductive d'instance pour procéder ».

[13]        Témoignant à l'audience du 20 mars 2012, M. Gagnon confirme qu'il transmettait alors un message fiable, mais ajoutant « dans la mesure où l'assureur accepte qu'il s'agit d'un vice caché » (restriction qui n'est pas énoncée dans son message téléphonique).

[14]        M. Gagnon précise à l'audience que c'est l'assureur qui décide (et qu'il se limite à relayer cette décision).

[15]        Le 4 mars 2011, M. Gagnon transmet un courriel à Me Croteau dans lequel il réfère au message téléphonique du 19 janvier 2011, rappelant que l'assureur :

·        prendrait fait et cause au niveau des dommages « conséquentiels »;

·        préférerait attendre de recevoir la requête introductive d'instance avant de procéder[9].

[16]        Le 21 mars 2011, M. Gagnon achemine un autre courriel à Me Croteau, demandant à celle-ci d'expliquer ce qui retarde la signification de la requête d'introduction d'instance et d'indiquer quelle proportion des honoraires juridiques et des frais d'expertise encourus à date, a trait aux dommages conséquentiels[10].

[17]        Le 11 mai 2011, les Pelletier-Joseph reçoivent signification de la requête introductive d'instance, qui réclame un montant de l'ordre de 154 000 $.

[18]        Le 18 mai 2011, Me Croteau écrit à M. Gagnon d'Indemnipro pour acheminer copie de la requête introductive d'instance et pour aviser d'un imminent recours en garantie contre les Stalgitis-Meunier, de qui les Pelletier-Joseph avaient acquis la résidence[11].

[19]        Puis le 27 juin 2011, le 7 juillet 2011 et le 11 juillet 2011[12], des courriels de           M. Gagnon avisent Me Croteau que la décision du réviseur de La Personnelle tarde mais est attendue sous peu. En particulier, le 7 juillet 2011, M. Gagnon écrit  :

Nous ne croyons pas qu'il sera nécessaire de procéder par voie de recours.

[20]        À l'audience, M. Gagnon explique qu'à l'époque Me Croteau s'impatientait et envisageait des procédures judiciaires contre La Personnelle.

[21]        Le 11 juillet 2011, M. Gagnon avise que La Personnelle mandate un avocat en vue de l'audience du 19 juillet 2011 (date de présentation de la requête introductive d'instance). M. Gagnon ajoute :

Le réviseur n'est pas encore en mesure de nous préciser quelle portion des frais encourus jusqu'à date l'assureur serait prêt à assumer. Cette information nous sera transmise prochainement.

[22]        Le 19 juillet 2011, M. Jacques Beaudet, employé au Services spéciaux de La Personnelle à Lévis écrit aux Pelletier-Joseph que la police d'assurance :

·        ne couvre pas le vice caché, le vice propre non plus que la correction ou la réparation d'un vice;

·        exclut la décontamination et les fausses représentations (par le vendeur);

·        ne s'applique que s'il y a sinistre, ce qui n'est pas le cas en l'espèce[13].

[23]        M. Beaudet conclut qu'aucune couverture d'assurance n'est applicable sur l'une quelconque des allégations de la requête introductive d'instance.

[24]        À l'audience, Mme Joseph témoigne de son désarroi sur réception de cette lettre R-14, car elle et son mari étaient certains d'être « supportés par l'assureur de janvier à juillet 2011 ».

[25]        Elle et son mari, explique-t-elle, ont dû jusqu'à ce jour se défendre par leurs propre moyens, car l'instance judiciaire se continue normalement[14].

2.         UNE OBJECTION SOUS RÉSERVE

[26]        Une objection surgit durant le témoignage de M. Claude Durocher, un des conseillers techniques de La Personnelle.

[27]        L'avocate des Pelletier-Joseph objecte à ce que celui-ci tente de contredire les écrits de l'expert en sinistres Yves Gagnon, concernant la position de La Personnelle avant l'envoi de la lettre R-4 du 19 juillet 2011.

[28]        Le Tribunal rejette l'objection.

[29]        M. Durocher ne contredit pas ce que M. Gagnon a écrit. Il affirme avoir dit à M. Gagnon autre chose que ce que celui-ci a relayé aux Pelletier-Joseph.

[30]        De plus, l'article 2863 du Code civil du Québec (le « C.c.Q. ») ne prohibe la preuve testimoniale qu'aux parties à un acte juridique constaté par un écrit. La Personnelle n'est pas partie aux courriels de M. Gagnon, seule sa mandataire Indemnipro l'est. La prohibition de l'article 2863 C.c.Q. ne s'applique pas aux tiers[15].

[31]        Le Tribunal retient donc le témoignage général de M. Durocher qu'il recevait les rapports de M. Gagnon et a dit à ce dernier qu'il voulait attendre de connaître les allégations énoncées à la requête introductive d'instance avant de se prononcer.

[32]        Autrement dit, il a informé M. Gagnon que La Personnelle entendait couvrir les dommages conséquentiels et non la correction du vice lui-même, en autant qu'on vérifie au préalable la teneur de la requête introductive d'instance. « Ça s'est limité à ça », conclut-il.

[33]        M. Durocher n'a eu aucune communication directe avec les Pelletier-Joseph.

3.         L'ARGUMENT DE LA RENONCIATION

[34]        Les Pelletier-Joseph plaident qu'indépendamment de la couverture effective de la police d'assurance habitation R-2, La Personnelle s’est irrémédiablement engagée à les défendre face aux Turcotte-Larouche, et à payer l’indemnisation en cas de jugement défavorable.

[35]        Ils ont raison, dans les limites que M. Gagnon d'Indemnipro a exprimées en qualité de mandataire de La Personnelle : pour les dommages conséquentiels seulement.

[36]        Le problème s'analyse à ce stade sous l'angle de la renonciation par l'assureur aux stipulations strictes de la police d'assurance.

[37]        Il ne s'agit pas d'un cas où l'assureur invoque une clause d'inopposabilité qui serait énoncée à la police d’assurances, ni d'un cas où l'assureur aurait transmis une lettre de réserve énonçant les étapes précises à franchir avant qu'il reconnaisse être en présence d'un sinistre couvert par la police[16].

3.1       Le droit applicable

[38]        En 1976, dans l'arrêt Sinyor Spinners of Canada Ltd. c. Leesona Corp.[17], la Cour d'appel a refusé d’importer en droit civil québécois le principe de l'estoppel (principe de common law), mais a tenu néanmoins à énoncer un principe général :

 

Without complicating the matter by a discussion and comparison of the common law doctrine of estoppel and the civil law doctrine of «fin de non recevoir», it can be stated that there is a general underlying principle of our civil law that when a party by his words or conduct holds out and causes another to believe in and act upon the existence of a certain state of facts then that party will not later be allowed to affirm that such a state of facts did not exist. One example of the application of this principle in our law is Article 1730 C.C. which reads:

 

1730. The mandator is liable to third parties who in good faith contract with a person flot his mandatary, under the belief that he is so when the manciator has given reasonable cause for such belief.

[39]        En 1981, dans l'arrêt Banque nationale du Canada c. Soucisse[18], la Cour suprême a rappelé l'application de la fin de non-recevoir en droit civil. À cette occasion, la Cour suprême a approuvé la position  de la Cour d'appel dans l'arrêt Sinyor Spinners (précité)[19].

[40]        Dans l'arrêt Soucisse, la Cour suprême a indiqué ce qui suit :

L'un des fondements juridiques possibles d'une fin de non-recevoir est le comportement fautif de la partie contre qui la fin de non-recevoir est invoquée[20]

(Soulignement ajouté)

[41]        La Cour suprême a conclu que la Banque nationale ne pouvait tirer avantage de sa propre faute, soit de mal informer les héritiers de la caution éventuellement poursuivis en raison du défaut du débiteur principal.

[42]        Au-delà de son comportement fautif, les tribunaux québécois ont, depuis, conclu à renonciation ou à fin de non-recevoir quand une partie contractuelle se comportait :

·        de façon volontaire, c'est-a-dire en connaissance de cause et non dans l'ignorance des faits lui procurant le droit répudié[21];

·        de façon non équivoque, que ce soit expressément ou tacitement, mais sans ambiguïté, au point de susciter une croyance sincère de renonciation chez l'autre partie[22];

·        de façon concrète, c'est-à-dire en renonçant non pas à un droit inexistant, futur ou éventuel, mais à un droit existant bel et bien à ce moment[23].

[43]        Il peut donc y avoir fin de non-recevoir même en absence de faute par celui qui renonce.

[44]        Dans l'arrêt Ezeflow (précité), la Cour d'appel a retenu contre l'assureur Lombard sa renonciation tacite et sa forclusion de soulever en temps utile une clause d'exclusion de la police d'assurance.

[45]        Dans le jugement Constructions Dutran (précité), la Cour supérieure a conclu qu'en précisant par écrit que certains éléments d'une réclamation n'étaient pas couverts par la police, l'assureur Lombard avait laissé croire que les autres éléments de la même réclamation étaient couverts. Dans cette affaire, l'assureur avait entretenu une               « position nébuleuse »[24], comportement retenu contre lui.

[46]        Dans l'affaire Di Capua (précité), un avocat était assuré par le Fonds d'assurance responsabilité professionnelle du Barreau du Québec. Le Fonds avait initialement nié couverture, seulement sur la base du défaut de collaboration de l'assuré, moyen rejeté par la Cour d'appel. Celle-ci a considéré que, ce faisant, le Fonds avait implicitement renoncé à invoquer quelque autre motif de non-couverture, dont les limites contractuelles de la police d'assurance et l'admission de responsabilité par l'avocat assuré.

3.2       Application du droit aux faits

[47]        En l'espèce, l'expert en sinistres Gagnon a indiqué clairement et catégoriquement que l'assureur acceptait de prendre fait et cause pour les dommages conséquentiels, par son message téléphonique du 19 janvier 2011.

[48]        Il est vrai que cinq mois plus tôt, il avait affirmé, dans sa lettre du 12 août 2010,  « procéder à une enquête sous réserve ». Mais rien le 19 janvier 2011 n'indiquait aux assurés que cette réserve était maintenue en raison d'une condition non encore réalisée.

[49]        M. Gagnon agissait alors en qualité de mandataire de La Personnelle, agissant alors dans l'exécution et les limites du mandat au sens de l'article 2160 du Code civil du Québec (le « C.c.Q.»).  M. Gagnon liait par conséquent son mandataire.

[50]        Les assurés Pelletier-Joseph sont ici des tiers par rapport aux mandats assureur-expert et n’ont pas à subir les conséquences juridiques des communications boîteuses entre l'assureur et l'expert en sinistre.

[51]        Les assurés n'ont pas à démontrer quelque « detrimental reliance » (attente préjudiciable), s'agissant d'une notion reliée à la défense d'estoppel, en common law.

[52]        Le Tribunal statue que La Personnelle est liée par l'affirmation volontaire, non équivoque et concrète de l'agent de sinistre Gagnon que la réclamation des Turcotte-Larouche était couverte quant aux dommages conséquentiels.

[53]        Vu sa renonciation implicite, La Personnelle ne peut désavouer cette prise de position et est forclose de soulever de nouveaux motifs de non-couverture, tel l'absence de sinistre.

4.         L'ARGUMENT DES DOMMAGES CONSÉQUENTIELS

[54]        Il s'agit de vérifier si la requête introductive d'instance réclame l'indemnisation d'un préjudice correspondant à des dommages conséquentiels.

[55]        Durant son témoignage, M. Gagnon distingue les dommages conséquentiels de la correction du vice lui-même. Il donne l'exemple de la fissure dans les fondations : l'assureur ne paiera pas pour la réparation de cette fissure, mais pour l'afflux d'eau à travers cette fissure, qui aura endommagé des biens (placés dans le sous-sol). Selon lui, un préjudice qui se manifeste graduellement, comme la moisissure et la pourriture, ne constitue pas un dommage conséquentiel.

[56]        M. Beaudet témoigne au même effet, ajoutant que les dommages au contenu sont couverts en tant que dommages conséquentiels. Il précise que réclamer la diminution du prix de vente dans les actes de procédure ne constitue pas réclamation de dommages conséquentiels.

[57]        Les Pelletier-Joseph ne contestent pas les distinctions qui précèdent.

[58]        M. Beaudet ajoute qu'il ne saurait y avoir de sinistre en absence d'un événement subit et accidentel. Mais le Tribunal a déjà statué que La Personnelle a implicitement renoncé à tel motif de non-couverture.

[59]        La requête introductive d'instance des Turcotte-Larouche comporte quatre pages de conclusions principales et subsidiaires, dont certaines sont détaillées par les allégations.

[60]        Les conclusions principales réclament l'annulation du contrat de vente et le remboursement du prix de vente. Elles réclament également des dommages-intérêts totalisant un peu plus de 100 000 $, dont 25 000 $ pour troubles, ennuis et inconvénients. Des tableaux au paragraphe 84 indiquent que les dommages-intérêts indemniseraient pour :

·        la réparation des vices découverts;

·        la remise des lieux en état après les réparations;

·        le coût des expertises pour diagnostiquer les vices et définir les travaux correctifs;

·        le coût du financement par la caisse populaire de ces dépenses;

·        le coût des taxes foncières payées durant l'occupation de la résidence.

[61]        Il ne s'agit pas de dommages conséquentiels.

[62]        Les conclusions subsidiaires des Turcotte-Larouche visent la réduction du prix de vente (d'un montant non spécifié). Elles réclament aussi des dommages-intérêts totalisant un peu moins de 154 000 $.

[63]        La majoration de 100 000 $ à 154 000 $ dépend surtout de travaux à réaliser dans le futur pour :

·        refaire l'aménagement extérieur (13 252,90 $);

·        remplacer la dalle de béton puis la remblayer (16 699,15);

·        reconstruire le sous-sol (37 606,36).

[64]        Même après l'ajout de ces éléments de réclamation, il ne s'agit toujours pas de dommages conséquentiel.

[65]        La Personnelle est donc justifiée de nier couverture parce que la réclamation à laquelle les assurés Claude Pelletier et Diane Joseph font face, ne réclame rien qui corresponde à des dommages conséquentiels.

5.         L'ARGUMENT DE LA COUVERTURE DE LA POLICE

[66]        Les Pelletier-Joseph ne sauraient avoir gain de cause sur la base de cet argument distinct, même en mettant de côté l'argument de la renonciation et celui des dommages conséquentiels.

[67]        Cela impliquerait que La Personnelle, n'ayant pas renoncé, puisse mettre de l'avant d'autres arguments pour nier couverture.

[68]        Parmi tels arguments, ceux invoquant les articles 2464 et 2465 C.c.Q. sont déterminant à eux seuls.

[69]        Voici, en ordre inversé, le texte de ces dispositions :

Art. 2465. L'assureur n'est pas tenu d'indemniser le préjudice qui résulte des freintes, diminutions ou pertes du bien et qui proviennent de son vice propre ou de la nature de celui-ci.


Art.
2464. L'assureur est tenu de réparer le préjudice causé par une force majeure ou par la faute de l'assuré, à moins qu'une exclusion ne soit expressément et limitativement stipulée dans le contrat. Il n'est toutefois jamais tenu de réparer le préjudice qui résulte de la faute intentionnelle de l'assuré. En cas de pluralité d'assurés, l'obligation de garantie demeure à l'égard des assurés qui n'ont pas commis de faute intentionnelle.

 

Lorsque l'assureur est garant du préjudice que l'assuré est tenu de réparer en raison du fait d'une autre personne, l'obligation de garantie subsiste quelles que soient la nature et la gravité de la faute commise par cette personne.

 

(Soulignements du Tribunal)

[70]        La majeure partie des conclusions recherchées par les Turcotte-Larouche se basent sur le vice propre de l'immeuble, ce que la police R-2 ne saurait indemniser[25].

[71]        Autrement, les Turcottes-Larouche allèguent dol de la part des Pelletier-Joseph, ce qui constituerait une faute intentionnelle non indemnisable[26].

[72]        Le Tribunal estime ici se conformer au précédent persuasif dans le jugement Pageau c. Leblanc[27], où la situation de faits était fort analogue.

[73]        Il n'est pas étonnant que l'analyse sous l'angle de la couverture, mène au même constat que seuls les dommages conséquentiels sont indemnisables, alors que les Turcotte-Larouche ne réclament rien de tel.

6.         GESTION DE L'INSTANCE

[74]        L'ordonnance du 27 septembre 2011 a suspendu l'instance jusqu'au présent jugement.

[75]        Respectueux du droit d'appel, le Tribunal veille néanmoins à ce que les avocats agissant dans l'action principale et dans l'action en garantie se conforment aux articles 151.1 et 151.2 C.p.c. et fassent approuver une nouvelle entente sur le déroulement de l'instance.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[76]        REJETTE la requête de Claude Pelletier et Diane Joseph visant à forcer La Personnelle, assurances générales inc. à assumer leur défense;

[77]        ORDONNE aux parties à l'action principale et à l'action en garantie de faire approuver par le tribunal une nouvelle entente sur le déroulement de l'instance conforme à l'article 151.1 et 151.2 C.p.c., au plus tard le 45e jour après la date du présent jugement;

[78]        AVEC DÉPENS.

 

 

__________________________________

L'HONORABLE PIERRE-C. GAGNON, J.C.S.

 

Me Marie-Josée Belhumeur

Lex-Innov Services juridiques

Avocats de Claude Pelletier et Diane Joseph

 

Me Yves Carignan

Bélanger-Sauvé

Avocats de La Personnelle, assurances générales inc.

 

Date d’audience :

le 20 mars 2012

 



[1] Pièce R-2.

[2] Acte de vente PG-2.

[3] Acte de vente P-1.

[4] Pièce R-3.

[5] Pièce R-4.

[6] Pièce R-5.

[7] Pièce R-6.

[8] Pièce R-7, transcription du message téléphonique.

[9] Pièce R-8.

[10] Pièce R-9.

[11] Pièce R-10, les procédures en garantie ont été instituées le 9 juin 2011.

[12] Pièces R-11, R-12 et R-13.

[13] Pièce P-14.

[14] En fait, une ordonnance du 27 septembre 2011 a suspendu l'instance jusqu'au présent jugement.

[15] Salomon c. Pierre-Louis, J.E. 2002-116 (C.A.)

[16] La clause d'inopposabilité et la lettre de réserve sont analysées à P. PAGÉ, « L'irrémissible "waiver" et le prix des sous-entendus », Développements récents en droit des assurances (2005), Service de la formation permanente du Barreau du Québec.

[17] [1976] C.A. 395 .

[18] [1981] 2 R.C.S. 339 .

[19] P. 362 de l'arrêt Soucisse.

[20] Idem.

[21] Lapointe-Boucher c. Mutuelle-Vie des fonctionnaires, [1996] R.R.A. 957 (C.A.); Lemay-Paquette c. L'Unique compagnie d'assurances générales, AZ-50252065 (C.S.); Constructions Dutran inc. c. Entreprises Alfred Boivin inc., [2004] R.R.A. 508 (C.S.) (désistement en Cour d'appel le 21 juillet 2004, n° 200-09-004793-045).

[22] Constructions Dutran (précité); Lombard du Canada Ltée c. Ezeflow, 2008 QCCA 1759 .

[23] Di Capua c. Barreau du Québec, [2003] R.R.A. 750 (C.A.).

[24] Paragr. [39] du jugement.

[25] Johnston c. Chubb Insurance Company of Canada, 2012 QCCA 1006; Basque c. Alpha, compagnie d'assurances inc., 2009 QCCA739.

[26] Caisse populaire des Deux Rives c. Société mutuelle d'assurance contre l'incendie de la Vallé du Richelieu, [1990] 2 R.C.S. 995 ; arrêt Héneault (précité).

[27] 2008 QCCS 5621 .

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