Décision

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Giroux c. Entrepôt The Brick

2022 QCCQ 1529

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

FRONTENAC

LOCALITÉ DE

THETFORD MINES

« Chambre civile »

 :

235-32-700369-213

 

 

 

DATE :

 25 mars 2022

 

 

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

HÉLÈNE CARRIER, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

RICHARD GIROUX

Demandeur

c.

ENTREPÔT THE BRICK SEC

Défenderesse – demanderesse en garantie

c.

LG ELECTRONICS CANADA INC.

Défenderesse en garantie

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

 

 

 

 

  1. L’APERÇU

[1]                Le 7 décembre 2014, monsieur Richard Giroux achète chez Entrepôt The Brick SEC (Brick) un réfrigérateur neuf Gold en acier inoxydable de marque LG pour le prix, avant taxes, de 2 610,99 $ ainsi qu’une garantie prolongée de cinq ans, pour le prix, avant taxes, de 299,99 $[1].

[2]                LG Electronics Canada inc. (LG) offre gratuitement pour ce réfrigérateur, une garantie conventionnelle de bon fonctionnement qui prévoit :

GARANTIE

LG ELECTRONICS CANADA, INC.

GARANTIE LIMITÉE DES RÉFRIGÉRATEURS LG – Canada

GARANTIE : Si, au cours de la période de garantie indiquée ci-dessous, votre réfrigérateur LG (‘‘Produit’’) tombe en panne suite à un défaut de fabrication ou de main d’œuvre dans le cadre d’une utilisation normale, LG Canada s’engage à réparer ou à remplacer le Produit à sa discrétion, sur présentation d’une preuve d’achat d’origine. Cette garantie ne s’applique qu’à l’acheteur initial du Produit et uniquement si celui-ci a été acheté au Canada auprès de LG Canada ou d’un distributeur agréé au Canada. La garantie ne s’applique que si le Produit est situé et utilisé au Canada.

PÉRIODE DE GARANTIE : (Remarque : dans le cas où la date d’achat initial ne peut pas être vérifiée, la garantie commence soixante (60) jours après la date de fabrication).

Réfrigérateur/Congélateur

Système scellé

(condensateur, sèche-linge, tuyau de raccordement, réfrigérant et évaporateur)

Compresseur linéaire

Un (1) an à compter de la date d’achat initial

Un (1) an à compter de la date d’achat initial

Sept (7) ans à compter de la date d’achat initial.

Dix (10) ans à compter de la date d’achat initial.

Pièces et main-d’œuvre

(pièces internes/

fonctionnelles uniquement)

Pièces et main-d’œuvre

Pièces uniquement

(la main-d’œuvre sera facturée au client)

Pièces uniquement

(la main-d’œuvre sera facturée au client)

[Reproduction conforme à l’original, pièce P-1]

[3]                Le 3 mars 2021, le réfrigérateur cesse de fonctionner. Monsieur Giroux retient les services de Jamerlu Inc/Le Vieux Grenier, réparateur accrédité par LG. Le technicien en réparation d’appareils électroménagers dépêché chez lui, examine le réfrigérateur. Il constate qu’il est chaud. Il effectue des tests « haute pression ». Après quelques interventions, il conclut et confirme à monsieur Giroux que le problème de refroidissement provient d’une fuite du réfrigérant dans le système scellé. Il n’y a rien à faire, le système s’avère impossible à réparer[2].

[4]                Le 31 mars 2021, monsieur Giroux met Brick en demeure de remplacer le réfrigérateur, le tout selon les termes décrits à la garantie conventionnelle offerte par LG[3]. Pour ce faire, il utilise le formulaire de mise en demeure fourni par l’Office de la protection du consommateur. Il désigne LG à titre de « Deuxième commerçant », mais n’indique aucune coordonnée. Conséquemment, la mise en demeure n’est pas acheminée à cette dernière.

[5]                Brick informe LG de la demande formulée par monsieur Giroux concernant le remplacement du réfrigérateur. S’enclenchent alors des discussions entre monsieur Giroux et une représentante de LG, mais aucune entente n’intervient entre eux[4].

[6]                Monsieur Giroux entreprend la présente demande à l’endroit de Brick.

[7]                Invoquant la garantie prolongée offerte par Brick ainsi que la garantie conventionnelle offerte par LG, monsieur Giroux exige que Brick honore lesdites garanties et demande de lui restituer le prix d’achat du réfrigérateur d’un montant de 3 001,99 $ comprenant les taxes afférentes. De plus, il lui réclame 300 $ en dommages-intérêts compensatoires pour perte de jouissance et pour les troubles et inconvénients subis. Sa demande en justice totalise 3 301,99 $.

[8]                Brick conteste la réclamation. Elle plaide que sa garantie prolongée de cinq ans est inapplicable puisqu’elle est expirée au moment où le réfrigérateur cesse de fonctionner.

[9]                Elle argue n’avoir aucune responsabilité concernant la garantie conventionnelle offerte par LG.

[10]           De plus, elle nie toute responsabilité, puisqu’à titre de vendeur, elle n’a fait que vendre le réfrigérateur de sorte qu’elle rejette sur LG toute responsabilité. Elle soutient notamment que dans la mesure où il est établi que le réfrigérateur n’a pu être utilisé pendant une période raisonnable, seul le fabricant, LG, doit être tenu responsable du préjudice subi par monsieur Giroux.

[11]           Ainsi, pour parer à l’éventualité d’une condamnation, Brick poursuit en garantie LG, requérant qu’elle soit condamnée à l’indemniser de tout jugement qui pourrait être prononcé contre elle, en capital, intérêts et frais dans le cadre de la demande principale.

[12]           Bien que dûment notifiée de la demande en garantie, LG fait défaut de la contester. La cause procède par défaut contre elle.

  1. LES QUESTIONS EN LITIGE

[13]           A) La garantie prolongée offerte par Brick est-elle applicable?

B) Brick est-elle tenue, en tout ou en partie, à la garantie conventionnelle offerte par LG?

C) L’expiration de la garantie prolongée offerte par Brick la dégage-t-elle, en l’espèce, de son obligation de garantir l’usage et la durabilité du réfrigérateur vendu?

D) À défaut, quelle est la réparation à laquelle a droit monsieur Giroux?

E) En cas de condamnation de Brick, l’appel en garantie formé par cette dernière à l’endroit de LG est-il bien-fondé?

III. L’ANALYSE

  1. La qualification du contrat

[14]           Le contrat de vente qui lie Brick et monsieur Giroux répond à la définition du contrat de consommation aux termes de l’article 1384 du Code civil du Québec (C.c.Q.) :

1384. Le contrat de consommation est le contrat dont le champ d’application est délimité par les lois relatives à la protection du consommateur, par lequel l’une des parties, étant une personne physique, le consommateur, acquiert, loue, emprunte ou se procure de toute autre manière, à des fins personnelles, familiales ou domestiques, des biens ou des services auprès de l’autre partie, laquelle offre de tels biens ou services dans le cadre d’une entreprise qu’elle exploite.

[15]           Par ailleurs, la Loi sur la protection du consommateur (L.p.c.)[5] s’applique à tout contrat conclu entre un consommateur et un commerçant dans le cours des activités de son commerce et ayant pour objet un bien ou un service[6].

  1. La garantie légale

[16]           Les articles 37 et 38 L.p.c. imposent une garantie légale de qualité, et ce, tant en ce qui a trait à son usage qu’à sa durabilité :

37. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à l'usage auquel il est normalement destiné.

38. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.

[17]           Cette garantie légale de qualité s’impose à la fois au fabricant du bien et au commerçant qui en fait la vente, tel que cela ressort des articles 53 et 54 L.p.c. :

53. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d'exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l'objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire.

Il en est ainsi pour le défaut d'indications nécessaires à la protection de l'utilisateur contre un risque ou un danger dont il ne pouvait lui-même se rendre compte.

Ni le commerçant, ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu'ils ignoraient ce vice ou ce défaut.

Le recours contre le fabricant peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.

54. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d'exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur une obligation résultant de l'article 37, 38 ou 39.

Un recours contre le fabricant fondé sur une obligation résultant de l'article 37 ou 38 peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.

  1. La garantie conventionnelle

[18]           Alors que la garantie légale s’impose au fabricant et au vendeur, la garantie conventionnelle n’est due que par le fabricant et le vendeur qui la stipulent. Cette garantie est complémentaire à la garantie légale qui subsiste et elle ne peut l’exclure[7]. Le régime de la garantie conventionnelle se distingue de celui de la garantie légale, en ce qu’il est plus avantageux que celui de la garantie légale. Il couvre des aspects différents : le garant promet le bon fonctionnement du bien pendant une durée déterminée et non seulement, que le bien est exempt de défauts cachés. Le seul fait que le défaut ou la défectuosité ne soit pas imputable à l’acheteur et qu’il se révèle durant la période stipulée au contrat déclenche son application et donne ouverture à la réparation[8].

 

 

[19]           Concernant la garantie conventionnelle, l’article 45 L.p.c. énonce la règle suivante :

45. Un écrit qui constate une garantie doit être rédigé clairement et indiquer:

a) le nom et l'adresse de la personne qui accorde la garantie;

b) la description du bien ou du service qui fait l'objet de la garantie;

c) le fait que la garantie puisse ou non être cédée;

d) les obligations de la personne qui accorde la garantie en cas de défectuosité du bien ou de mauvaise exécution du service sur lequel porte la garantie;

e) la façon de procéder que doit suivre le consommateur pour obtenir l'exécution de la garantie, en plus d'indiquer qui est autorisé à l'exécuter; et

f) la durée de validité de la garantie.

[20]           Brick et monsieur Giroux ont conclu une entente par laquelle le réfrigérateur bénéficie d’une garantie conventionnelle, en plus de la garantie légale. Selon le contrat de vente, monsieur Giroux a d’ailleurs versé une somme de 299,99 $, plus les taxes afférentes, pour cette « garantie prolongée de 5 ans »[9].

[21]           De plus, avec l’achat du réfrigérateur, le fabricant, LG, offre gratuitement une garantie conventionnelle. Le « manuel d’utilisateur » respecte les exigences prévues à l’article 45 L.p.c., notamment en ce qui concerne « le nom et l’adresse de la personne qui accorde la garantie» et en ce que « la façon de procéder que doit suivre le consommateur pour obtenir l’exécution de la garantie» sont clairement indiquées[10].

[22]           Le Tribunal souligne que le législateur a jugé utile à l’article 45 L.p.c. de préciser qu’une garantie conventionnelle lie seulement la ou les personnes nommées qui accordent la garantie.

A)    La garantie prolongée offerte par Brick est-elle applicable?

[23]           Monsieur Giroux achète auprès de Brick une garantie prolongée de cinq ans et paie 299,99 $, plus les taxes afférentes. Il prend livraison du réfrigérateur le 8 janvier 2015, de sorte que cette garantie conventionnelle prend fin le 9 janvier 2020.

[24]           Conséquemment, la garantie prolongée qu’offre Brick ne peut pas être applicable, en l’espèce, puisque le délai de cinq ans est largement expiré au moment où le réfrigérateur cesse de fonctionner le 3 mars 2021.

[25]           Toutefois, comme mentionné, l’expiration de cette garantie prolongée ne dépossède pas monsieur Giroux de la garantie légale de durabilité dont il bénéficie aux termes de l’article 38 L.p.c.

B)    Brick est-elle tenue, en tout ou en partie, à la garantie conventionnelle offerte par LG?

[26]           En l’espèce, au moment où le système scellé connaît des ratés, en mars 2021, la garantie conventionnelle offerte par LG n’est pas expirée.

[27]           Durant la validité de cette garantie conventionnelle, LG a des obligations contractuelles[11] bien claires envers monsieur Giroux. Ainsi, puisque la garantie conventionnelle est de source purement contractuelle et non légale, elle n’est due que par celui qui la stipule, en l’occurrence LG.

[28]           La garantie conventionnelle de sept ans sur le système scellé n’est donc pas offerte par Brick, mais par LG. Puisque le recours, en vertu de la garantie conventionnelle, que peut exercer monsieur Giroux à l’endroit de LG est de nature contractuelle, il aurait fallu qu’il poursuive directement aussi LG, ce qu’il n’a pas fait.

[29]           Conséquemment, le recours contre Brick fondé sur la garantie conventionnelle offerte par LG est mal fondé et doit être rejeté[12].

[30]           Le Tribunal souligne que Brick appelle en garantie LG en vertu de la garantie légale de qualité[13] et non pas en vertu de l’application de la garantie conventionnelle puisqu’elle n’a aucun lien de droit à cet égard, la relation contractuelle reliée à la garantie conventionnelle étant uniquement entre LG et monsieur Giroux.

C)    L’expiration de la garantie prolongée offerte par Brick la dégage-t-elle, en l’espèce, de son obligation de garantir l’usage et la durabilité du réfrigérateur vendu?

[31]           Comme mentionné, Brick demeure tenu à la garantie légale de qualité.

[32]           Le réfrigérateur s’est brisé six ans et deux mois après sa livraison. Monsieur Giroux témoigne qu’il s’attendait à ce qu’un réfrigérateur de ce prix, qu’il qualifie d’électroménager de luxe, dure plus longtemps qu’à peine six ans. Brick ne conteste pas le fait que cette période d’utilisation est en deçà de la période normale d’utilisation reconnue par les tribunaux dans le cas d’application de l’article 38 L.p.c., laquelle varie entre 10 et 17 ans[14].

[33]           Par ailleurs, à l’audience, le représentant de Brick admet que, selon lui, un réfrigérateur de ce prix devrait avoir une durée de vie utile entre 15 et 20 ans.

[34]           Brick est un « vendeur professionnel » spécialisé dans la vente d’électroménagers. Ainsi, la présomption établie par les articles 53 L.p.c. et 1729 C.c.Q. lui est opposable :

53 L.p.c. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d'exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l'objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire.

Il en est ainsi pour le défaut d'indications nécessaires à la protection de l'utilisateur contre un risque ou un danger dont il ne pouvait lui-même se rendre compte.

Ni le commerçant ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu'ils ignoraient ce vice ou ce défaut.

Le recours contre le fabricant peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.

1729 C.c.Q. En cas de vente par un vendeur professionnel, l’existence d’un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce; cette présomption est repoussée si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l’acheteur.

[35]           Pour renverser cette présomption, il appartient au vendeur d’établir, par prépondérance des probabilités[15], que le consommateur a fait un usage abusif ou inapproprié du réfrigérateur de manière à l’endommager prématurément.

[36]           Or, cette preuve n’a pas été faite par Brick.

[37]           Le Tribunal conclut que l’attente légitime de monsieur Giroux correspond à celle du consommateur moyen et que celui-ci établit, conformément aux autorités jurisprudentielles, qu’un réfrigérateur, comme celui ici concerné, devrait durer normalement plus de sept ans[16].

[38]           Le réfrigérateur n’ayant fonctionné que six ans et deux mois, le Tribunal constate que monsieur Giroux a droit d’être compensé puisque le réfrigérateur n’a pas pu servir à un usage normal pendant une durée raisonnable eu égard à son prix et aux conditions d’utilisation[17].

D)    Quelle est la réparation à laquelle a droit monsieur Giroux?

[39]           Les recours dont bénéficie le consommateur en cas de manquement à la garantie légale de durabilité de l’article 38 L.p.c. sont énoncés à l’article 272 L.p.c. en ces termes :

272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l'article 314 ou dont l'application a été étendue par un décret pris en vertu de l'article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:

a) l'exécution de l'obligation;

b) l'autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;

c) la réduction de son obligation;

d) la résiliation du contrat;

e) la résolution du contrat; ou

f) la nullité du contrat,

sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.

[40]           Monsieur Giroux réclame le remboursement intégral du prix payé pour le réfrigérateur, ce qui équivaut à une demande de « résolution du contrat ».

[41]           Le premier alinéa de l’article 1606 C.c.Q. décrit en ces termes l’effet de la « résolution du contrat » :

1606. Le contrat résolu est réputé n’avoir jamais existé; chacune des parties est, dans ce cas, tenue de restituer à l’autre les prestations qu’elle a reçues.

[…]

[42]           Il est acquis que ce recours en résolution « est réservé à des cas d’une gravité particulière »[18].

[43]           Sans nier les difficultés vécues par monsieur Giroux depuis qu’il a fait l’acquisition du réfrigérateurremplacement du compresseur après 24 mois d’utilisation et bris de système scellé celles-ci ne sont pas d’une ampleur telle qu’elles justifient une mesure aussi radicale que l’anéantissement du contrat[19].

[44]           De plus, il importe de souligner que monsieur Giroux a utilisé le réfrigérateur pendant six ans et deux mois. Il est matériellement impossible pour monsieur Giroux de restituer à Brick le réfrigérateur dans l’état où il l’a reçu, vu la dépréciation résultant de son usage[20].

[45]           La réduction de son obligation constitue plutôt la réparation appropriée dans les circonstances.

[46]           Les dommages auxquels peut avoir droit monsieur Giroux sont de nature compensatoire et ont pour but de compenser le préjudice subi en lui permettant de revenir dans la situation dans laquelle il se serait trouvé s’il n’y avait pas eu contravention à l’obligation de durabilité prévue à la loi. La somme octroyée doit donc permettre de compenser tous les préjudices subis qui sont la conséquence directe et immédiate du manquement sans non plus excéder la valeur des préjudices ainsi subis et être, par le fait même, une source d’enrichissement[21].

[47]           En application de ces principes, le Tribunal accorde une valeur dépréciée en fonction de la période d’utilisation du réfrigérateur par rapport à sa durée de vie utile estimée, en l’espèce, à 17 ans[22].

[48]           Dans les circonstances, il y a lieu d’appliquer une dépréciation de 36 %[23] du prix d’achat de 3 001,99 $. La valeur du réfrigérateur après dépréciation est donc de 1 921,28 $[24].

 

[49]           Monsieur Giroux a également droit à une somme de 300 $ pour la perte d’usage du réfrigérateur ainsi que pour les troubles et inconvénients subis.

 

 

[50]           Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal accorde à monsieur Giroux la somme de 2 221,28 $ avec les intérêts calculés au taux légal de 5 % l’an et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à compter de la date de la demeure, soit le 31 mars 2021[25].

E)    En cas de condamnation de Brick, l’appel en garantie formé par cette dernière à l’endroit de LG est-il bien-fondé?

[51]           Comme mentionné, Brick appelle en garantie LG à titre de fabricant.

[52]           L’article 1 g) L.p.c. définit largement ce qu’il faut entendre par un « fabricant » au sens de la loi :

1. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

[…]

g) «fabricant»: une personne qui fait le commerce d'assembler, de produire ou de transformer des biens, notamment:

i. une personne qui se présente au public comme le fabricant d'un bien;

ii. lorsque le fabricant n'a pas d'établissement au Canada, une personne qui importe ou distribue des biens fabriqués à l'extérieur du Canada ou une personne qui permet l'emploi de sa marque de commerce sur un bien;

[53]           Ainsi, LG est le fabricant du réfrigérateur au sens de la loi.

[54]           À ce titre, LG est tenue d’honorer la garantie légale de qualité et de durabilité, comme le reconnaît l’article 1730 C.c.Q. :

1730. Sont également tenus à la garantie du vendeur, le fabricant, toute personne qui fait la distribution du bien sous son nom ou comme étant son bien et tout fournisseur du bien, notamment le grossiste et l’importateur.

[55]           D’ailleurs, l’article 54 L.p.c. affirme que la garantie de durabilité de l’article 38 L.p.c. est pleinement opposable au fabricant.

[56]           Le Tribunal retient que le réfrigérateur fabriqué par LG et vendu à monsieur Giroux était affecté d’un défaut caché qui en a compromis l’usage normal, faute d’une durabilité raisonnable.

[57]           À défaut d’une preuve contraire, Brick établit que ce défaut caché relève de la responsabilité du fabricant. Conséquemment, son appel en garantie à l’endroit de LG est bien-fondé.

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[58]           ACCUEILLE en partie la demande;

[59]           CONDAMNE la défenderesse, Entrepôt The Brick SEC, à payer au demandeur, monsieur Richard Giroux, la somme de 2 221,28 $ avec les intérêts calculés au taux légal de 5 % l’an et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter du 31 mars 2021;

[60]           CONDAMNE la défenderesse, Entrepôt The Brick SEC, à payer au demandeur, monsieur Richard Giroux, la somme de 106 $ représentant les frais de justice déboursés pour déposer sa demande;

[61]           ACCUEILLE l’appel en garantie de la défenderesse, Entrepôt The Brick SEC, à l’endroit de l’appelée, LG Electronics Canada inc.;

[62]           CONDAMNE l’appelée en garantie, LG Electronics Canada inc., à payer à la défenderesse, Entrepôt The Brick SEC, la somme totale, en capital, intérêts et frais de justice, que cette dernière aura à payer au demandeur, monsieur Richard Giroux, en acquittement du présent jugement;

[63]           CONDAMNE l’appelée en garantie, LG Electronics Canada inc., à payer à la défenderesse, Entrepôt The Brick SEC, la somme de 158 $ représentant les frais de justice déboursés par cette dernière pour déposer sa contestation.

 

 

 

__________________________________

HÉLÈNE CARRIER, J.C.Q.

 

 

 

Date d’audience :

15 février 2022

 


[1]  Pièces P-1, P-2 et P-6.

[2]  Pièce supplémentaire déposée par monsieur Giroux après l’audience à la demande du Tribunal.

[3]  Pièce P-1.

[4]  Pièces P-3 et P-4.

[5]  RLRQ, c. P-40.1.

[6]  Art. 2 L.p.c.

[7]  Art. 35 L.p.c.

[8]  Nicole L’HEUREUX et Marc LACOURSIERE, Droit de la consommation, 6e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2011, p. 112 et 113.

[9]  Pièces P-1 et P-6.

[10]  Pièce P-1.

[11]  Art. 1458 C.c.Q.

[12]  Lavoie c. Vitrerie J.O. Dufour ltée, 2019 QCCQ 3714, par 9 à 11; Laforest c. Laforest, 2004 CanLII 18040 (QC CQ); Plourde c. Centre de portes et fenêtres St-Bruno ltee, 2007 QCCQ 5862 à contrario; Fortin c. Bricomat inc., 2010 QCCQ 363.

[13]  Art. 53 et 54 L.p.c.

[14]  Landry c. LG Electronics Canada Inc., 2021 QCCQ 10459, par. 10; Fortin c. Électroluxe Home Products Canada, 2009 QCCQ 7344; Licatése c. Brick Warehouse, I.p., 2009 QCCQ 13461; Lebrun c. Labbé (Rendez-vous des aubaines), 2009 QCCQ 15219; Lavoie c. Électroluxe, 2010 QCCQ 8969; Lefebvre c. Samsung Electronics Canada inc., 2018 QCCQ 4237; Nolet c. LG Électroniques Canada inc., 2020 QCCQ 805.

[15]  Art. 2803 et 2804 C.c.Q.

[16]  SSQ, société d’assurances inc. c. Whirlpool Canada, 2018 QCCQ 7170.

[17]  Art. 37 et 38 L.p.c.

[18]  Pierre-Gabriel JOBIN et Michelle CUMYN, La Vente, 4e éd., Montréal, Éditions Yvon Blais, 2017, p. 217 (note 352).

[19]  Didier LLUELLES et Benoît MOORE, Droit des obligations, 3e éd., Montréal, Éditions Thémis, 2018, p. 1850 (par. 2914) et p. 1840 (par. 2899)

[20]  Lapointe c. Surplus RD inc., 2016 QCCQ 6682.

[21]  Lefebvre c. Samsung Electronics Canada inc., 2018 QCCQ 4237, par. 14.

[22]  Le représentant de Brick ayant lui-même établi, à l’audience, la durée de vie utile entre 15 et 20 ans.

[23]  Six ans et deux mois d’utilisation (74 mois) divisé par 17 années de vie utile (204 mois) x 100 = 36,274 %).

[24]  3 001,99 $ - 1 080,71 $ (36 %) =1 921,28 $.

 

[25]  Pièce P-1.

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