Décision

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Robidas c. Constructions Raphaël Piuze inc.

2023 QCCQ 2389

 

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

LAVAL

« Chambre civile »

 :

540-32-702966-191

 

DATE :

3 mai 2023

______________________________________________________________________

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

PATRICK CHOQUETTE J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

DANIEL ROBIDAS

 

et

 

SUZANNE PRÉVOST

Demandeurs

c.

 

LES CONSTRUCTIONS RAPHAËL PIUZE INC.

Défenderesse

______________________________________________________________________

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]                Daniel Robidas et Suzanne Prévost (les demandeurs)[1] réclament 12 173,81 $ à Les Constructions Raphaël Piuze inc. (Constructions Piuze) en raison de la mauvaise exécution de travaux pour l’installation d’une entrée de garage en béton estampée. Il s’agit du remboursement du coût des travaux et des frais d’expertise.

[2]                Construction Piuze conteste la demande au motif qu’elle n’a pas commis de faute dans l’exécution des travaux et que la dégradation de la finition résulte de l’usage de sel de calcium par les demandeurs.

[3]                Constructions Piuze plaide que la demande est exagérée, seuls les travaux de finitions étant à refaire le cas échéant.

Les questions en litige

[4]                Les travaux de Constructions Piuze sont-ils mal exécutés ?

[5]                Le cas échéant, quels sont les dommages?

Le contexte

[6]                Daniel Robidas décide de remplacer l’entrée de garage asphaltée par une entrée en béton estampée. Il favorise la durabilité et l’esthétisme du procédé, ce qui apportera une plus-value à la propriété.

[7]                Ses recherches d’un entrepreneur qualifié l’amènent vers Constructions Piuze, une entreprise spécialisée en béton estampé. Constructions Piuze utilise à ce moment la dénomination Béton Raphaël.

[8]                Dans sa publicité, qui retient l’attention de Daniel Robidas, Constructions Piuze s’y décrit comme expert en installation et aménagement de béton estampé partout dans la grande région de Montréal, offrant une vaste gamme de services professionnels et de produits dans ce domaine. Chaque réalisation est fait (sic) sur mesure avec du béton estampé de qualité, reconnu pour sa durabilité et sa facilité d’entretien[2].

[9]                Les demandeurs retiennent les services de Constructions Piuze ce qui comporte l’enlèvement de l’asphalte, l’installation d’une membrane, l’excavation pour verser un lit de pierre nette de douze pouces (12’’) et la mise en place de cinq-cents quarantequatre pieds carrés (544p.c.) de béton estampé six pouces (6’’) à trente-deux (32) Mpa. Le contrat prévoit aussi un resurfaçage des marches, mais sans aucune garantie pour cette portion de l’ouvrage. Le contrant est conclu au coût de 9 158,91 $.[3]

[10]           Tous les travaux sont exécutés le 26 juin 2017 et la cure chimique est réalisée le lendemain[4].

[11]           Daniel Robidas est avisé de ne pas utiliser de sel déglaçant en hiver et de favoriser le sable ou les petits granulats.

[12]           Malgré qu’il suive les recommandations de Constructions Piuze, il constate une dégradation de la surface du béton estampé à la fin de l’hiver 2017-2018. Il en avise Constructions Piuze par courriel[5]. Raphaël Puize lui répond que la situation ne devrait pas se dégrader davantage.

[13]           À la fin de l’hiver 2018-2019, l’état de la surface s’est encore dégradé. Selon Daniel Robidas, une grande partie de la surface est désormais dans un état de dégradation avancé.

[14]           Après quelques tentatives infructueuses, Constructions Piuze ayant déménagé sa place d’affaires, Daniel Robidas mets Constructions Piuze en demeure le 25 mai 2019, de réparer ou faire réparer sans frais la surface de béton estampée ou de rembourser le prix du contrat[6].

[15]           Devant l’absence de suite favorable à la mise en demeure, Daniel Robidas retient les services d’expertises de ProspecPlus génie-conseil qui fait procéder à une analyse de béton dont l’échantillon prélevé s’avère conforme[7].

[16]           Par la suite, ProspectPlus continue son analyse afin de déterminer la cause probable de l’écaillement de la surface de béton et conclu que [d]e toute évidence la couche de surface possède une résistance inférieure au reste de l’ouvrage, qui selon nous est le résultat d’opérations de finition et/ou de cure inadéquates[8].

[17]           Daniel Robidas explique que la surface du béton estampé s’est détériorée davantage lors des derniers hivers et que l’ouvrage entier doit être repris. Il obtient dans cette optique l’estimation d’un entrepreneur spécialisé pour la reprise de l’ouvrage. Le coût des travaux est de 13 447,48 $[9]. Il s’agit de la seule estimation pour laquelle un entrepreneur a accepté de se commettre.

[18]           Dans sa contestation Constructions Piuze, soutient que ses travaux sont conformes et que la dégradation proviendrait de l’usage de sels de calcium, ce que nie Daniel Robidas.

[19]           Lors de l’instruction, Raphaël Piuze affirme qu’il prend part aux travaux chez M. Bourdages en juin 2017. Les travaux sont exécutés selon les mêmes techniques, recettes de béton et équipements que sur les ouvrages semblables dont aucun n’a connu de dégradation semblable.

[20]           Il ajoute que la cure chimique utilisée est la même que celle spécifiée dans les devis municipaux pour la mise en place des trottoirs.

[21]           Photos à l’appui[10], il exhibe d’autres ouvrages réalisés par Constructions Piuze qui ne montrent aucune dégradation malgré qu’ils soient exposés à des quantités non négligeables de sels de calcium.

[22]           Il admet ne pas avoir d’explication pour ce qui cause une telle dégradation du béton estampé chez les demandeurs. Il affirme qu’il existe un produit de resurfaçage efficace, mais que la Constructions Piuze n’a pas la compétence ni l’intention d’exécuter de tels travaux.

Analyse

[23]           Le contrat intervenu entre les parties est un contrat d'entreprise, au sens de l'article 2098 du Code civil du Québec (Code) :

2098. Le contrat d'entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l'entrepreneur ou le prestataire de services, s'engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer.

[24]           L'article 2100 du Code énonce les obligations de l'entrepreneur qui doit agir selon les règles de l'art avec prudence, diligence et dans le meilleur intérêt de son client:

2100. L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.

Lorsqu'ils sont tenus au résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure.

[25]           À ce sujet, Vincent Karim dans son ouvrage Karim Vincent, Les contrats d'entreprise, de prestation de services et l'hypothèque légale, explique que le débiteur d’une obligation de résultat est tenu non seulement d’accomplir un fait, mais aussi de fournir un résultat précis. L’absence de ce résultat fait présumer la faute de l’entrepreneur ou du prestataire de services[11].

A. Les travaux de Constructions Piuze sont-ils mal exécutés ?

[26]           En l’occurrence, Daniel Robidas retient spécifiquement les services de Constructions Piuze en raison de son expertise dans le domaine du béton estampé de qualité, reconnu pour sa durabilité et sa facilité d’entretien[12]. Il n’y a aucun doute pour le Tribunal, qu’il s’agit d’une obligation de résultat.

[27]           L’ouvrage réalisé par Constructions Piuze souffre d’une dégradation généralisée et prématurée.

[28]           Constructions Piuze ne peut se dégager de sa responsabilité qu’en prouvant la force majeure ou la faute de son client[13].

[29]           Raphaël Piuze l’admet, il ne peut expliquer la cause de cette dégradation, d’autant comme ses exemples le démontrent, qu’ils résistent aux sels de calcium.

[30]           Or le Tribunal retient le témoignage de Daniel Robidas qu’il n’en utilise pas. Il n’y a pas de faute du client.

[31]           Selon l’expert de ProspectPlus, le béton est conforme et la cause la plus probable de la dégradation est une finition ou une cure inadéquate, deux (2) opérations engageant la responsabilité de Constructions Piuze.

[32]           Les travaux de Constructions Piuze s’avèrent déficients et inutiles.

B. Le cas échéant, quels sont les dommages?

[33]           Daniel Robidas réclame le remboursement du prix du contrat, de la membrane et les frais d’expertises.

[34]           Selon Raphaël Piuze, il existe une méthode de resurfaçage qui donne de bons résultats.

[35]           Constructions Piuze a été mise en demeure de réparer la surface dès mai 2019 et n’a annoncé cette option, qu’elle n’offre pas d’exécuter à ses frais, que lors de l’instruction. Trop peu, trop tard.

[36]           Le résultat promis par Constructions Piuze n’a pas été atteint. Les travaux sont déficients et inutiles. Les demandeurs ont droit au remboursement du coût du contrat soit la somme de 9 158,91 $ moins 173,21 $[14] pour le resurfaçage des marches qui n’est pas en cause soit 8 985,70 $.

[37]           Quant au coût de la membrane de 162,40 $, la preuve ne permet pas de convaincre le Tribunal qu’elle soit en cause ou nécessite d’être remplacée.

[38]           Le Tribunal accorde les frais d’expertises qui sont utiles et proportionnés dans les circonstances où Constructions Piuze a laissé les demandeurs à eux-mêmes dans la recherche de la cause du problème. Le Tribunal accorde la somme de 747,34 $ pour l’expertise du béton, 1 607,93 $ pour les frais de laboratoire et le rapport et 459,90 $ pour l’avis d’expert.

[39]           POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[40]           ACCUEILLE la demande en partie;

[41]           CONDAMNE Les Constructions Raphaël Piuze inc. à payer àDaniel Robidas et Suzanne Prévost conjointement 10 881,07 $ avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle de l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la demeure le 9 juin 2019, les frais de poste de 37,33 $ et les frais de justice limités à 205 $ représentant le droit de greffe quant au dépôt de la demande.

 

 

 

__________________________________

Honorable Patrick Choquette, j.c.q.

 

Date d’audience :

14 avril 2023

 


[1]  La référence au patronyme des parties ou aux termes partie demanderesse/partie défenderesse a pour seul but d’alléger le texte et ne doit pas être considérée comme une marque de discourtoisie.

[2]  P-1.

[3]  P-2.

[4]  P-3.

[5]  P-4.

[6]  P-5 et P-6.

[7]  P-7.

[8]  P-8.

[9]  P-13.

[10]  D-1.

[11]  Montréal, Wilson & Lafleur, 2004, pages 54-55.

[12]  Idem note 2.

[13]  Hamelin c. Beaudry, 2013 QCCQ 1665.

[14]  150 $ plus les taxes selon P-1.

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