Décision

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Décision

Syndicat 365 Saint-André c. Tahar Chaouche

2021 QCTAL 10041

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

560697 31 20210218 G

No demande :

3194344

 

 

Date :

16 avril 2021

Devant le juge administratif :

Luk Dufort

 

Syndicat 365 Saint-André

 

Syndicat de la copropriété - Partie demanderesse

c.

Lockmane Tahar Chaouche

 

Locataire - Partie défenderesse

et

Ping Dong

 

Locatrice - Mis en cause

 

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Le syndicat 365 St-André (ci-après le syndicat) demande au Tribunal de résilier le bail du locataire au motif que ceux-ci, par leurs comportements, troublent la jouissance des lieux des autres occupants de l’immeuble, ce qui cause un préjudice sérieux aux propriétaires-occupants de l'immeuble.

[2]      Le recours du Syndicat est fondé sur l'article 1079 du Code civil du Québec (C.c.Q.) qui énonce ce qui suit :

« 1079. Le syndicat peut, après avoir avisé le locateur et le locataire, demander la résiliation du bail d'une partie privative lorsque l'inexécution d'une obligation par le locataire cause un préjudice sérieux à un copropriétaire ou à un autre occupant de l'immeuble. »

[3]      La demande fut produite le 18 février 2021 et a été notifiée à la propriétaire de l’unité privative Ping Dong et au locataire.

[4]      Malgré cette notification et l’avis de convocation du Tribunal, la locatrice n’est pas présente à l’audience.

[5]      Le locataire est lié par un bail du 1er novembre 2020 au 31 octobre 2021 avec la locatrice. La preuve démontre qu’il occupait auparavant une autre unité de l’immeuble depuis 2017.

[6]      Il s’agit d’une importante copropriété qui compte plusieurs centaines d’unités.


La preuve

[7]      Au soutien de sa demande, le syndicat fait témoigner Patrick Sincennes qui est gestionnaire du syndicat depuis 2017 et qui habite un condo qui est lié à la copropriété.

[8]      Il témoigne d’une problématique de vol de colis qui s’est amplifié avec la pandémie. Des dispositifs ont été pris par le syndicat afin de corriger la situation, mais il continue tout de même d’avoir certains vols.

[9]      Plusieurs résidents de l’immeuble se sont plaints. Lorsqu’il reçoit une plainte suffisamment précise, il vérifie avec les caméras de l’immeuble pour voir ce qui est arrivé avec le colis. Les vérifications qu’il a faites lui ont permis d’identifier le locataire comme étant le responsable d’une partie des vols.

[10]   Il produit à l’audience des vidéos dans lesquels on aperçoit le locataire rôder autour de colis avant de partir avec ceux-ci. Dans un vidéo, il est permis de voir le locataire forcer la boîte postale afin d’avoir accès au courrier des autres occupants de l’immeuble.

[11]   Il déposera une plainte aux autorités policières à l’été 2020.

[12]   La sergente-détective Andréanne Picard du Service de police de Montréal est responsable de l’enquête depuis janvier 2021. La plainte du syndicat a été réunie à deux autres plaintes des autres occupants de l’immeuble. Elle a identifié le locataire comme étant le responsable des vols. Des accusations de vols pour moins de 5 000 $ ont été déposées contre le locataire. Son procès devrait se tenir au mois de mai 2021.

[13]   Le locataire témoigne qu’il n’est pas le responsable des vols de colis et qu’il a été lui-même victime de vol dans le passé.

[14]   Il croit faire l’objet de profilage en raison de son passé criminel qui est connu du syndicat. Il craint d’ailleurs qu’advenant qu’une résiliation de son bail de retomber dans sa vie passée, lui qui a repris en main sa vie et qui est maintenant un atout pour la société en étant sur la ligne de front dans le combat contre le Covid-19.

[15]   Il commente les vidéos produits en admettant qu’il a effectivement forcé la boîte postale dans le passé. Il l’a fait sans raison apparente et n’avait pas l’intention de voler des colis.

[16]   Pour ce qui est des colis qu’on le voit prendre sur les vidéos, ils lui appartiennent ou sont à des connaissances. Il souligne d’ailleurs que les enregistrements ne permettent pas de voir qui sont les propriétaires des colis.

[17]   Il affirme d’être mesure de faire la preuve des propriétés des colis, mais refuse de le faire dans la présente instance, voulant conserver cette preuve pour son dossier pénal.

Analyse et décision

[18]   La résiliation constitue en matière locative une sanction sérieuse puisqu'elle prive une partie de son droit au maintien dans les lieux. Le syndicat doit démontrer que le locataire ne se conduit pas en personne raisonnable et qu'il s’ensuit un préjudice sérieux.

[19]   L'article 1860 du Code civil du Québec prévoit que le locataire ne doit pas nuire à la jouissance des autres locataires.

« 1860. Le locataire est tenu de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires.

Il est tenu, envers le locateur et les autres locataires, de réparer le préjudice qui peut résulter de la violation de cette obligation, que cette violation soit due à son fait ou au fait des personnes auxquelles il permet l'usage du bien ou l'accès à celui-ci.

Le locateur peut, au cas de violation de cette obligation, demander la résiliation du bail. »

[20]   Cette disposition doit se lire conjointement avec l'article 1079 C.c.Q. qui prévoit le droit du syndicat de copropriété de demander la résiliation du bail d’une partie privative. Pour le Tribunal, bien que l’article 1860 C.c.Q fait référence à la jouissance normale des autres locataires, les autres occupants de l’immeuble qu’ils soient propriétaires occupants ou encore locataires ont le droit à l’usage paisible de leur propriété. Cette obligation du locataire se retrouve également au règlement de l’immeuble.


[21]   Le Tribunal conclut que le syndicat a rempli son fardeau de preuve et a démontré de façon prépondérante que le locataire est en partie responsable des vols de colis dans l’immeuble.

[22]   Les enregistrements vidéo déposés au dossier montrent très clairement le locataire examiner les colis et repartir avec ceux-ci. Le locataire semble sur ses gardes et les vérifications qu’il fait ne se limitent pas à examiner l’étiquette pour voir l’identification, mais bien pour voir si le contenu de ceux-ci justifie leur vol.

[23]   Les nombreux allers-retours et le comportement suspect du locataire ne peuvent se justifier par la consommation de drogue, comme il l’affirme dans son témoignage.

[24]   Le locataire admet avoir forcé la case postale, ce qui lui a permis d’avoir accès au courrier de ses voisins. L’enregistrement le montre d’ailleurs très clairement inspecté le contenu des casiers de ses voisins. Le locataire n’ayant aucune explication justifiant ce geste, le Tribunal ne peut que conclure qu’il agissait de la sorte dans le but de voler le courrier intéressant de ses voisins. S’il n’avait pas l’intention de voler comme il le prétend, il s’agit au minimum d’une violation de la vie privée.

[25]   De plus, l’argumentation invoqué par la locataire qu’il est en mesure de justifier l’achat des colis n’est pas crédible. Invité à le faire lors de l’audience, il prétend dans un premier temps ne pas avoir accès à son compte Amazon. Il affirme par la suite préférer ne pas vouloir faire cette preuve et de la conserver pour son dossier pénal qui est plus important.

[26]   Le Tribunal ne croit pas la version du locataire et est d’opinion que le syndicat a démontré qu’il avait commis des vols de colis dans l’immeuble.

[27]   Dans une décision récente ayant des faits similaires, la juge administrative Linda Boucher, conclut de la façon suivante :

« [22]      Le Tribunal ajoute que la sécurité dans la livraison des colis est primordiale à notre époque où les achats en ligne deviennent la norme.

[23]      Le locataire manque certes à son obligation de ne pas nuire à la jouissance paisible de ses voisins en se permettant de s’emparer sans droit des colis qui leurs sont destinés.

[24]      Ajoutons à cela la gestion exorbitante, par les agents de la locatrice, des plaintes que génèrent les actes illicites du locataire.

[25]      L’ensemble de la preuve démontre les faits fautifs dont le locataire est probablement l’auteur et le préjudice sérieux qu’en éprouvent les autres locataires de l’immeuble ainsi que la locatrice.

[26]      La preuve de ces manquements justifie la résiliation du bail qui en résulte.

[27]      Le Tribunal est aussi d'avis que l'émission d'une ordonnance en substitution de la résiliation du bail, en vertu de l'article 1973 du Code civil du Québec, est inutile en regard de la nature des manquements du locataire.

[28]      Sa présence sur place est incompatible avec l’obligation de jouissance paisible à laquelle est tenue la locatrice.

[29]      Le Tribunal retient que, malgré des avis affichés dans la salle de réception des colis, le locataire a persisté à voler les colis de ses voisins. Le Tribunal ne croit pas cela étant qu’une rédemption soit possible. »

[28]   Le Tribunal partage son analyse et est d’avis que l'importance des troubles occasionnés par le locataire aux autres occupants leur a causé un préjudice sérieux.

[29]   Considérant ce qui précède, le syndicat a établi son droit à la résiliation du bail et considérant la gravité des préjudices sérieux subis, il sera prévu l'exécution provisoire de la présente décision selon les termes de l'article 82.1 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[30]   ACCUEILLE la demande;

[31]   RÉSILIE le bail du locataire et ORDONNE l'expulsion du locataire et de tous les occupants du logement;


[32]   ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision, malgré l'appel, au 11e jour des présentes;

[33]   CONDAMNE le locataire à payer au Syndicat 365 St-André la somme de 102 $, représentant les frais judiciaires.

 

 

 

 

 

 

 

 

Luk Dufort

 

Présence(s) :

Me Renaud B. Paquin, avocat du syndicat de copropriété

le locataire

Date de l’audience :  

31 mars 2021

 

 

 


 

AVIS :
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