Thibault et Ministère des Transports et de la Mobilité durable | 2024 QCCFP 18 |
COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE | ||
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CANADA | ||
PROVINCE DE QUÉBEC | ||
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DOSSIER No : | 1302283 | |
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DATE : | 3 septembre 2024 | |
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DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF : | Pierre Arguin, membre suppléant | |
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Andrée thibault | ||
Partie demanderesse | ||
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Ministère des transports et de la mobilité durable | ||
Partie défenderesse
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MARTIN ST-LOUIS | ||
Partie intervenante
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DÉCISION | ||
(Article 119, Loi sur la fonction publique, RLRQ, c. F-3.1.1 et article 81.20, Loi sur les normes du travail, RLRQ, c. N-1.1) | ||
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APERÇU
[1] La Commission de la fonction publique (Commission) est saisie d’une plainte de harcèlement psychologique déposée, le 1er octobre 2020, en vertu de l’article 81.20 de la Loi sur les normes du travail[1], par Mme Andrée Thibault contre son employeur, le ministère des Transports et de la Mobilité durable (ministère).
[2] Mme Thibault y allègue avoir subi du harcèlement psychologique de la part de son employeur au cours des années 2018 et 2019, alors qu’elle était enquêtrice‑informatique à la Direction des enquêtes et de l’audit interne (DEAI). Plus particulièrement, elle considère avoir subi du harcèlement psychologique de la part de Mme Isabelle Pipon, sa cheffe d’équipe, et de M. Martin S-Louis, son supérieur hiérarchique; dans ce dernier cas, par omission d’agir.
[3] Le 18 mai 2021, la Commission autorise M. St-Louis à intervenir au dossier en lui accordant divers droits procéduraux[2]. Quant à Mme Pipon, elle n’est pas intervenue au dossier[3].
[4] Le ministère nie que Mme Thibault ait été victime de harcèlement psychologique au sens de la LNT, que ce soit par l’agissement de ses préposés ou par leur omission d’agir.
[5] Quant à M. St-Louis, il nie avoir commis quelque geste hostile ou non désiré que ce soit, ou toute omission, qui soit susceptible de constituer du harcèlement psychologique à l’endroit de Mme Thibault.
[6] Il convient de déterminer en l’espèce si Mme Thibault a été victime de harcèlement psychologique au sens de la LNT.
[7] Pour les motifs qui suivent, la Commission conclut qu’il n’y a pas eu de démonstration, selon la prépondérance des probabilités, que Mme Thibault a subi du harcèlement psychologique en l’espèce.
[8] La Commission rejette donc le recours de cette dernière à cet effet.
CONTEXTE ET ANALYSE
[9] La présentation de la preuve et de l’argumentation des parties s’est échelonnée sur 35 jours d’audience répartis sur plusieurs mois[4]. Un peu plus de 230 documents ont été déposés en preuve.
[10] Bien entendu, la Commission a pris en considération l’ensemble des éléments de preuve au dossier, mais n’exposera dans la présente décision que ceux qui sont nécessaires afin de statuer sur le recours.
[11] Des versions divergentes de certains événements ont parfois été relatées par les différents témoins. La Commission présente donc ce qu’elle retient de la preuve après analyse, selon la règle de la prépondérance des probabilités, notamment en considérant la crédibilité et la fiabilité des témoignages, ainsi que ce qui est supporté par la preuve documentaire, le cas échéant[5].
[12] Mme Thibault est diplômée de l’École nationale de police du Québec, et détient un diplôme d’études collégiales en techniques policières (1983), ainsi qu’un certificat (universitaire) en informatique (2000).
[13] Au cours de sa carrière, elle ne travaillera toutefois pas en tant que policière en raison des contingentements de l’époque.
[14] De 1984 à 2002, elle exerce divers emplois, et ce, dans plusieurs domaines jusqu’à son entrée dans la fonction publique québécoise.
[15] De 2002 à 2003, elle occupe l’emploi d’inspectrice au ministère de la Santé et des Services sociaux dans le cadre de l’application de la Loi concernant la lutte contre le tabagisme[6]. À compter de mars 2003, elle est chargée de projet et pilote de système au Service de lutte contre le tabagisme de ce même ministère, et ce, jusqu’en 2010.
[16] À l’automne 2010, Mme Thibault est mutée au Centre de services partagés du Québec (CSPQ). Elle y exerce l’emploi de pilote de système pendant environ un (1) an, puis se joint à la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), où elle agit à titre de pilote de système jusqu’en octobre 2014. Elle joint alors les rangs du ministère de l’Éducation et y œuvre jusqu’en décembre 2016, pour intégrer à nouveau le CSPQ, toujours à titre de pilote de système.
[17] Le 21 août 2017, soit quelques semaines après avoir posé sa candidature, elle est mutée à la Direction des enquêtes et de l’audit interne (DEAI), une unité administrative du ministère, à titre d’analyste en informatique et des procédés administratifs, un poste non syndiqué appartenant à la classe d’emplois 108.
[18] À de nombreuses reprises au cours de son témoignage, Mme Thibault indique avoir décroché ce qu’elle croyait alors comme étant pour elle « un emploi de rêve », « une fin de carrière inespérée », tandis qu’elle se trouve « à quelques années de [sa] retraite ».
[19] Selon elle, un tel emploi, qu’elle qualifie de « très particulier et très rare dans la fonction publique », était susceptible de lui permettre de jumeler ses connaissances en informatique avec les techniques policières d’enquête apprises au cours de ses études.
[21] L’équipe des enquêteurs de la DEAI est alors composée de deux enquêteurs‑informatiques, à savoir M. Bruno Ouellet et Mme Thibault elle-même, ainsi que de deux autres enquêteurs dits « réguliers », soit Mme Gina Rochette et M. Louis Gamache. Le chef d’équipe des enquêtes est M. Claude Guérard.
[22] Entre l’arrivée de Mme Thibault en août 2017 et le mois de décembre de cette même année, M. Guérard lui confie quatre dossiers d’enquêtes informatiques.
[23] En vue de permettre un transfert de connaissances pertinentes à ce nouvel emploi, elle travaille ces dossiers de concert avec M. Ouellet, un enquêteur informatique d’expérience en poste depuis près d’une dizaine d'années qu’elle décrit à de multiples reprises comme étant son « mentor ». Toutefois, ce dernier affirme qu’on lui avait demandé d’agir plutôt à titre de « coach » de Mme Thibault, et ce, de façon provisoire.
[24] Quoi qu’il en soit, cette dernière mentionne qu’en arrivant à la DEAI, elle avait tout à apprendre dans le domaine des enquêtes informatiques en raison de la différence entre les tâches de cet emploi et celles de pilote de systèmes informatiques : « Tout était vraiment nouveau. J’avais l’impression que je n’avais jamais fait d’informatique de ma vie tellement la situation était nouvelle », témoigne-t-elle.
[25] Par ailleurs, elle se décrit comme une personne de défis, qui aime apprendre et qui est aidante, notamment.
[26] Entre janvier 2018 et mars 2018, elle se voit également attribuer quatre dossiers d’enquêtes informatiques portant sur de la consultation pornographique par des employés du ministère.
[27] Pendant cette période, elle effectue un certain travail à l’égard de ces dossiers, mais en avril 2018, M. Guérard lui demande, en compagnie de M. Ouellet, de rencontrer M. Martin Roy, qui est le répondant du ministère en matière de harcèlement psychologique, afin que ce dernier les instruise relativement à un nouveau dossier d’enquête relatif à du harcèlement psychologique présumé survenu au sein du ministère.
[28] Ce dossier, appelé « dossier du faux compte Facebook[7] », est ensuite attribué à Mme Thibault quelques jours plus tard par son chef d’équipe. Comme ce dossier est devenu prioritaire en raison des répercussions que comporte la conduite reprochée sur la victime alléguée, Mme Thibault comprend, à la lumière d’une consigne qu’elle aurait reçue de M. Guérard ou de M. St-Louis, qu’elle « doit mettre les quatre autres dossiers sur la glace[8] ».
[29] Toutefois, ce dernier nie catégoriquement être l’auteur d’une telle consigne, tout en ajoutant qu’il n’existe pas, au sein de la DEAI, une telle chose qu’un « dossier sur la glace ».
[30] Quoi qu’il en soit, Mme Thibault se consacre ensuite à ce nouveau dossier, de façon prioritaire, du moins pendant quelques semaines, et relate avoir « mis les quatre dossiers porno sur la glace ».
[31] Elle y travaille en étroite collaboration avec M. Roy, qu’elle ne connaissait pas jusqu’alors, mais qui deviendra au fil du temps son « confident ». Nous y reviendrons.
[32] À la mi-mai 2018, M. Guérard prend sa retraite de la fonction publique québécoise.
[33] À la suite de son départ, M. St-Louis désigne Mme Pipon pour occuper le poste de cheffe d’équipe de la DEAI par intérim et à temps partiel. Celle-ci travaillait auparavant à la DEAI, mais à la section des audits.
[34] Un processus de dotation est ensuite tenu afin de pourvoir le poste de chef d’équipe des enquêtes. Plusieurs personnes posent leurs candidatures, dont des enquêteurs de la DEAI et Mme Pipon. Durant l’été 2018, cette dernière est nommée de manière permanente, cheffe d’équipe de la section des enquêtes de la DEAI.
[35] M. St-Louis témoigne avoir nommé cette dernière à titre de cheffe d’équipe en raison de son expérience en matière d’enquêtes et d’audits[9], de sa « très grande rigueur », de sa capacité d’analyse, de son bon jugement pour identifier les éléments probants liés à une enquête et de sa qualité d’écriture supérieure, notamment.
[36] Il ajoute que dès sa propre embauche à titre de directeur de la DEAI en juin 2017, le sous‑ministre Lacroix lui avait fait part de certaines lacunes à corriger au sein de cette unité administrative, dont le manque de rigueur de certaines enquêtes, ainsi que du besoin d’améliorer la performance de l’unité en question. Plus particulièrement, le sous‑ministre se plaignait qu’un trop grand nombre de rapports d’enquête étaient jusque‑là remis aux autorités sans émettre de véritables conclusions.
[37] Quoi qu’il en soit, Mme Thibault témoigne qu’entre sa propre arrivée à la DEAI en 2017 et le départ à la retraite de M. Guérard en mai 2018, le climat de travail est irréprochable.
[38] Toutefois, elle estime que tel climat commence à se dégrader à compter de mai 2018, soit après l’assignation de Mme Pipon à titre de cheffe d’équipe. Mme Thibault ajoute que cette détérioration du climat de travail au sein de la DEAI s’aggravera de plus en plus selon le cours des événements.
[39] Plus particulièrement, elle évoque une série de circonstances survenues entre mai 2018 et son départ en congé de maladie en mars 2019 au cours desquelles Mme Pipon aurait adopté à son égard une conduite vexatoire équivalent à du harcèlement psychologique, et reproche à M. St-Louis d’avoir alors omis d’intervenir en vue d’y mettre fin.
[40] En outre, Mme Thibault allègue que la suite donnée par le ministère, et par certains autres intervenants, au signalement qu’elle a remis à M. Roy à la fin février 2019, est également parsemée de conduites vexatoires qui sont constitutives de harcèlement psychologique à son endroit.
[41] Au soutien de sa position, et hormis la preuve testimoniale et documentaire qu’elle présente, Mme Thibault produit également des notes personnelles journalières qu’elle consignera à compter de la mi-novembre 2018.
[42] Aussi, Mme Thibault allègue-t-elle avoir fait l’objet de harcèlement psychologique au travail à l’occasion des événements particuliers identifiés comme suit :
1) Le dossier d'enquête de St-Jérôme ;
2) La réunion d’équipe du 6 novembre 2018 ;
3) La réunion d’équipe du 13 novembre 2018 ;
4) La réunion d’équipe du 29 janvier 2019 ;
5) Les réunions d’équipe des 12 et 26 février 2019 et l’appareil Forensic ;
6) La formation du 18 février 2019 à l’Université Laval ;
7) La rencontre du 28 février 2019 avec M. St-Louis ;
8) L’enquête externe relative au signalement de Mme Thibault ;
9) L’« abolition » ou « dissolution » de la DEAI et l’ « abolition » du poste de Mme Thibault ;
10) L’intégration de Mme Thibault au sein du CGER ;
11) La rencontre avec le sous-ministre adjoint et le suivi de celle-ci.
La crédibilité des témoignages
[43] En l’occurrence, nous verrons que la version des événements présentée par Mme Thibault diffère à plusieurs reprises de celle d’autres témoins, et ce, sur divers aspects importants.
[44] Il s’ensuit qu’il y a lieu de bien soupeser la crédibilité et la fiabilité des divers témoignages rendus au cours de l’audience.
[45] À cet égard, la jurisprudence de la Commission dénombre plusieurs facteurs susceptibles d’être pris en compte dans l’évaluation de la crédibilité et de la fiabilité de témoignages contradictoires[10].
[46] Plus particulièrement, dans l’affaire Gosselin, la Commission, aux prises avec des versions contradictoires, cite avec approbation la décision de la Commission des relations du travail dans l’affaire A et Compagnie A[11], et énumère les critères généraux suivants qui permettent d’évaluer la crédibilité et la fiabilité d’un témoin :
[48] En conséquence, aux prises avec des versions contradictoires, la Commission doit déterminer laquelle est la plus probante en appréciant la crédibilité des témoins et de leurs témoignages :
[148] Pour évaluer la crédibilité d’un témoin, la Commission [des relations du travail] retient les critères présentés par Léo DUCHARME dans son ouvrage, Précis de la preuve, 6e éd., Montréal, Wilson Lafleur ltée, 2005, p. 537 à 540. Ces critères sont les suivants :
les moyens par lesquels le témoin a connaissance des faits;
son sens d’observation;
la fidélité de sa mémoire;
les raisons qu’il a de s’en souvenir;
son indépendance par rapport aux parties en cause.
[149] Selon l’auteur, il faut également tenir compte de sa manière de témoigner, soit son comportement, sa manière de répondre et ses sentiments manifestés durant l’instance. Enfin, un témoignage considéré faux sur un point ne doit pas être nécessairement rejeté en entier.
[150] Pour apprécier leur témoignage, la Commission [des relations du travail] tiendra compte également des critères suivants :
la vraisemblance d’une version, en présence de versions contradictoires;
la constance et la cohérence des déclarations, bien qu’une cohérence parfaite ne soit pas un facteur de garantie absolue surtout si les faits sont survenus il y a longtemps;
la corroboration, particulièrement en présence de deux versions, sans toutefois que cela soit une garantie d’authenticité ou que la Commission soit tenue de croire un témoin qui n’est pas contredit;
l’absence de contradiction sur les points essentiels, même s’il est possible de retrouver des variations sinon des contradictions lorsque plusieurs témoins racontent un même fait.
[Référence omise]
[47] Dans l’affaire Gosselin, la Commission, ayant apprécié la preuve en s’appuyant sur de tels facteurs, conclut que la version de la plaignante, caractérisée par son manque d’introspection et de recul, sa perception faussée de la réalité et sa propension à se victimiser, notamment, est moins probante que la version plus cohérente des autres témoins.
[48] Or, en l’espèce, la Commission juge que la version des événements fournie par Mme Thibault sur divers aspects est altérée pour plusieurs motifs.
[49] En effet, sa version des faits n’est pas toujours supportée par la preuve, est largement empreinte de subjectivité et de manque de recul, s’avère fréquemment peu nuancée, et est caractérisée par une forte propension à exagérer l’importance ou la gravité de certaines situations, au point de miner l’évaluation qu’elle en fait.
[50] Par exemple, Mme Thibault fait un usage abondant de vocables du type « toujours/jamais » pour qualifier les événements qu’elle relate. Ainsi, à maintes reprises, Mme Thibault dépeindra-t-elle des situations comme suit :
- « Mme Pipon était toujours sur mon dos » ;
- « Elle était toujours contre moi » ;
- « Mme Pipon contredisait toujours les consignes de M. St-Louis » ;
- « Je devais toujours être sur mes gardes » ;
- « C’était toujours difficile, peu importe avec qui je faisais affaire » ;
- « Je devais toujours me battre » ;
- « Mes démarches n’aboutissaient jamais » ;
- « Peu importe ce que je faisais, ce n’était jamais retenu » ;
- « Tout ce que je faisais n’était jamais bon » ;
- Etc.
Le harcèlement psychologique
[51] À cet égard, les dispositions pertinentes de la LNT se lisent comme suit :
81.18. Pour l’application de la présente loi, on entend par « harcèlement psychologique » une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste. Pour plus de précision, le harcèlement psychologique comprend une telle conduite lorsqu’elle se manifeste par de telles paroles, de tels actes ou de tels gestes à caractère sexuel.
Une seule conduite grave peut aussi constituer du harcèlement psychologique si elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif continu pour le salarié.
81.19. Tout salarié a droit à un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique.
L’employeur doit prendre les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique et, lorsqu’une telle conduite est portée à sa connaissance, pour la faire cesser. Il doit notamment adopter et rendre disponible à ses salariés une politique de prévention du harcèlement psychologique et de traitement des plaintes, incluant entre autres un volet concernant les conduites qui se manifestent par des paroles, des actes ou des gestes à caractère sexuel.
81.20. Les dispositions des articles 81.18, 81.19, 123.7, 123.15 et 123.16 sont réputées faire partie intégrante de toute convention collective, compte tenu des adaptations nécessaires. Un salarié visé par une telle convention doit exercer les recours qui y sont prévus, dans la mesure où un tel recours existe à son égard.
En tout temps avant le délibéré, une demande conjointe des parties à une telle convention peut être présentée au ministre en vue de nommer une personne pour entreprendre une médiation.
Les dispositions visées au premier alinéa sont aussi réputées faire partie des conditions de travail de tout salarié nommé en vertu de la Loi sur la fonction publique (chapitre F‐3.1.1) qui n’est pas régi par une convention collective. Ce salarié doit exercer le recours en découlant devant la Commission de la fonction publique selon les règles de procédure établies conformément à cette loi. La Commission de la fonction publique exerce à cette fin les pouvoirs prévus aux articles 123.15 et 123.16 de la présente loi.
[…]
123.7. Toute plainte relative à une conduite de harcèlement psychologique doit être déposée dans les deux ans de la dernière manifestation de cette conduite.
[52] Il appartient à la partie plaignante, en l’occurrence Mme Thibault, de faire la preuve qu’elle a été victime de harcèlement psychologique au sens de cette loi.
[53] Pour ce faire, elle doit prouver, selon la règle de la prépondérance des probabilités, les cinq éléments cumulatifs mentionnés au premier alinéa de l’article 81.18 de la LNT, à savoir :
1) une conduite vexatoire ;
2) qui se manifeste par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés ;
3) hostiles ou non désirés ;
4) qui porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié ;
5) qui entraîne pour ce dernier un milieu de travail néfaste.
[54] Par ailleurs, le deuxième alinéa de l’article 81.18 de la LNT prévoit qu’une « seule conduite grave peut aussi constituer du harcèlement psychologique si elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif continu pour le salarié ».
[55] La conduite vexatoire reprochée, sous la forme de comportements, paroles, actes ou gestes, peut donc se manifester par son caractère répétitif, lequel réfère à une récurrence pendant une certaine période, ou par une seule conduite revêtant une gravité telle qu’elle entraîne un effet nocif continu pour le salarié.
[56] Dans l’une des premières décisions ayant fait suite à l’entrée en vigueur des dispositions de la LNT portant sur le harcèlement psychologique au travail, soit l’affaire Centre hospitalier régional de Trois-Rivières (Pavillon St-Joseph)[12], l’arbitre de griefs, Me François Hamelin, décrit comme suit les contours de chacun de ces cinq critères :
1) Une conduite vexatoire
[164] Dans le sens courant du terme, une « conduite » renvoie à une manière d’agir et se manifeste par des attitudes et des comportements objectifs, incluant des paroles, des actes ou des gestes, précise le législateur.
[165] La « conduite vexatoire » est plus subjective. Selon les dictionnaires courants, il s’agit d’une conduite qui entraîne des vexations, c’est-à-dire qui contrarie, maltraite, humilie ou blesse quelqu’un dans son amour-propre et qui cause des tourments.
[166] La conduite vexatoire est donc une attitude ou des comportements qui blessent et humilient la personne dans son amour-propre. Dans la loi, le législateur a mis l’accent sur les conséquences psychologiques qui en découlent pour la victime, d’où l’importance de définir des critères objectifs d’appréciation, comme nous le verrons plus loin.
2) Le caractère répétitif des comportements
[167] Sous réserve du second alinéa de l’article 81.18, le législateur précise ensuite que pour qu’il y ait harcèlement psychologique, les comportements, paroles, actes ou gestes vexatoires doivent être répétés, c’est-à-dire qu’ils doivent normalement se produire à plusieurs reprises, ce qui suggère l’idée d’un étalement dans le temps.
[…]
3) La nature hostile ou non désirée des comportements
[171] La disposition législative prévoit ensuite que les comportements, paroles, gestes ou actes répétitifs qui sont visés, doivent être soit hostiles, soit non désirés.
[172] Selon les dictionnaires courants, un comportement hostile est celui de quelqu’un qui manifeste des intentions agressives, qui se conduit en ennemi, de façon belliqueuse, antagoniste, adverse, défavorable ou menaçante.
[173] Quant au comportement non désiré, il s’agit d’un comportement qui n’a pas été recherché, voulu ou souhaité, ni explicitement, ni implicitement.
[…]
4) Une atteinte à la dignité ou à l’intégrité du salarié
[176] Dans sa définition, le législateur a prévu que pour être considérée comme du harcèlement psychologique, la conduite vexatoire résultant de la répétition de comportements hostiles ou non désirés doit entraîner deux conséquences précises : il doit d’abord porter atteinte soit à la dignité, soit à l’intégrité physique ou psychologique du salarié et ensuite, entraîner pour ce dernier un milieu de travail néfaste.
[…]
5) Un milieu de travail néfaste
[179] Il s’agit ici de la seconde conséquence préjudiciable rattachée au concept de harcèlement psychologique. Selon la définition prévue à l’article 81.18 de la LNT, la conduite vexatoire ne doit pas seulement porter atteinte à la dignité ou à l’intégrité d’une personne, mais également entraîner un milieu de travail néfaste pour cette dernière.
[180] Un milieu de travail néfaste pour un salarié est un milieu qui est nuisible et négatif, un environnement de travail psychologiquement défavorable.
[181] Un effet néfaste sur le milieu de travail est donc beaucoup plus large que la simple matérialisation d’un préjudice ou la perte d’une condition de travail qui existait avant la conduite vexatoire.
[Soulignements et caractères gras dans le texte original]
[57] Aussi, la situation doit être appréciée dans une perspective globale, de façon objective en fonction de la personne raisonnable, normalement diligente et prudente, placée dans les mêmes circonstances[13].
[58] En effet, « il y a une différence importante entre le fait de se sentir harcelé et celui de l’être véritablement, d’où l’importance de définir des principes fiables et objectifs d’évaluation »[14].
[59] Il est d’ailleurs bien reconnu que chaque individu, en raison de ses traits de personnalité, de son éducation, de sa culture, de sa religion, de son milieu de vie ou autres, peut réagir de façon différente à une même situation, voire à une même conduite[15].
[60] La preuve d’une conduite vexatoire doit reposer sur « [d]es faits qui affectent directement la victime » alléguée, et non « sur des perceptions ou des suppositions »[16].
[61] Il importe donc d’analyser la preuve administrée en se fondant sur le test de la personne raisonnable, qui aurait été placée dans la même situation que Mme Thibault, et non du seul point de vue de cette dernière.
[62] Par ailleurs, il n’est pas nécessaire de démontrer la mauvaise foi ou l’intention malveillante de la personne identifiée comme harceleur; la présence ou l’absence de son intention n’étant pas déterminante à ce stade[17].
[64] Qu’en est-il donc des événements identifiés plus haut où Mme Thibault allègue avoir fait l’objet de harcèlement psychologique au travail?
1) Le dossier d’enquête de St-Jérôme
[65] Ce dossier concerne une importante et délicate enquête confiée à la DEAI visant à déterminer si des « actes répréhensibles » ont été commis principalement en 2017 au sein d’une unité administrative du ministère, soit le Centre de services de St-Jérôme de la Direction générale des Laurentides‑Lanaudière[18].
a) La responsabilité du dossier
[66] Mme Thibault affirme qu’elle était « supposée être la leader du dossier » de l’enquête de St-Jérôme, ce qui ne s’est pas avéré dans la réalité puisque Mme Pipon aurait « constamment remis en doute toutes [ses] décisions, autant en interrogatoire qu’en période d’écriture », au point de n’avoir « eu aucun lead dans ce dossier ».
[67] D’emblée, la Commission retient de la preuve administrée que la responsable de ce dossier d’enquête n’était pas Mme Thibault, mais bien Mme Pipon.
[68] En effet, dès le départ, c’est Mme Pipon qui est désignée responsable de ce dossier par M. St-Louis, ce que Mme Thibault reconnaît[19].
[69] Dans son témoignage, M. St-Louis explique d’ailleurs, de façon logique et convaincante, que son choix de recourir à Mme Pipon, à titre de responsable de cet important dossier, était fondé sur la rigueur et la plus grande expérience de cette dernière en matière d’enquête, celle-ci étant d’ailleurs avocate de formation et membre en règle du Barreau, alors que Mme Thibault en était à ses premières armes en cette matière, tout en étant plutôt spécialisée en informatique.
[70] Dans une optique d’efficience, il a également décidé d’adjoindre Mme Thibault au dossier, à titre de collaboratrice en raison de son expertise informatique, ce qui pouvait par le fait même constituer pour elle une bonne occasion d’améliorer ses compétences en matière d’enquête.
[71] Plus particulièrement, outre le fait de confier à cette dernière la tâche de procéder à des extractions informatiques dans le dossier, il fut également décidé de lui confier la tâche de rédiger le premier jet de l’éventuel rapport d’enquête, ce qui avait le double avantage d’assurer la progression du dossier pendant une période où Mme Pipon devait se consacrer en urgence à d’autres dossiers, tout en permettant de contribuer à la formation de Mme Thibault au niveau rédactionnel.
[72] Bien que le nom de Mme Thibault ait pu apparaître à un certain moment dans le répertoire informatique de gestion des enquêtes (GDE) comme « responsable » de ce dossier, les explications, données à l’audience par M. St-Louis, voulant que telle inscription ne reflétait pas la réalité des choses quant aux tâches et responsabilités qui lui ont été véritablement confiées, sont logiques et convaincantes.
[73] En effet, non seulement ce dernier, indique-t-il, de façon persuasive, que toute décision de confier la responsabilité d’un dossier aussi important à Mme Thibault eût été, dans les circonstances, « absurde » de sa part, notamment en raison du manque d’expérience de cette dernière en la matière, mais il précise que telle inscription au GDE, le cas échéant[20], ne visait qu’à permettre à cette dernière d’accéder au dossier de façon à lui permettre d’y travailler.
[74] De l’avis de la Commission, telle explication des événements est plus probante, voire plus logique, que celle avancée ici par Mme Thibault, laquelle repose plutôt sur une croyance subjective et altérée de la situation.
[75] Toujours est-il qu’après la nécessaire opération d’extraction et d’analyse des courriels pertinents, de même que la préparation d’un plan d’enquête, l’équipe composée de Mme Pipon et de Mme Thibault, se déplace à St-Jérôme en septembre 2018 pour y interroger les personnes d’intérêt, dont la gestionnaire de l’unité concernée.
b) L’interrogatoire de la gestionnaire
[76] Deux journées entières sont prévues pour rencontrer les diverses personnes d’intérêt relativement à cette enquête.
[77] La première personne rencontrée le matin du 19 septembre 2018 est la gestionnaire de l’unité concernée.
[78] Elle reçoit les enquêtrices qui l’informent au préalable que l’entrevue est enregistrée sur support audio.
[79] Selon Mme Thibault, bien qu’elle se voyait être l’enquêtrice principale lors de cette rencontre, et malgré la promesse antérieure que lui aurait formulée par Mme Pipon, à l’effet « qu’elle n’y dirait pas un mot », cette dernière se serait plutôt comportée comme si elle était la véritable responsable du dossier « en s’imposant », « en coupant chacune de mes interventions », « en ne me laissant aucune latitude ou aucune place », tout en adoptant « des mimiques et une gestuelle qui dépassaient l’entendement » en vue de lui faire comprendre de ne pas intervenir.
[80] Mme Thibault ajoute « avoir donc cessé d’intervenir » au cours de cette entrevue afin de préserver « l’image du ministère », se disant « mal à l’aise » de voir Mme Pipon poser des « questions tendancieuses », « comme s’il s’agissait d’un contre‑interrogatoire ».
[81] En l’occurrence, la Commission a pu écouter l’enregistrement audio de l’entrevue en question.
[82] Or, s’il est exact que Mme Pipon y intervient davantage que Mme Thibault, au point d’y apparaître au bout d’un certain temps comme étant celle des deux qui maîtrise le mieux à la fois le dossier et l’art d’interroger un témoin, il est inexact, voire nettement exagéré, de prétendre que la première « a coupé chacune » des interventions de cette dernière ou qu’elle ne lui aurait laissé « aucune place ou aucune latitude ».
[83] L’écoute de cet enregistrement ne permet donc pas d’arriver à de telles conclusions.
[84] En effet, cette entrevue est le fait d’un travail d’équipe, composée de deux enquêtrices, et il n’y a pas lieu d’être étonné que l’une d’entre elles, au demeurant plus aguerrie, puisse intervenir davantage aux fins de tester la crédibilité et la fiabilité de la version donnée par la personne interrogée, sans qu’il soit nécessaire de mesurer, chronomètre à la main, le temps d’intervention de l’une et l’autre.
[85] En outre, l’affirmation de Mme Thibault selon laquelle elle a « cessé d’intervenir » au cours de l’entrevue est également erronée puisqu’elle y est intervenue jusqu’à la fin, bien qu’elle l’ait fait de façon moins fréquente, surtout à compter de la troisième heure de l’interrogatoire, et ce, à bon escient de l’avis de la Commission.
[86] En effet, au cours de cette dernière heure, il devenait manifeste que l’entrevue ne donnerait pas les fruits escomptés puisque la gestionnaire, quoique loquace sur des questions plus périphériques, esquivait certaines questions plus cruciales, ou y répondait par des généralités peu éclairantes, du moins aux yeux des enquêtrices au dossier.
[87] D’ailleurs, à plusieurs reprises, tant Mme Pipon que Mme Thibault lui ont spécifiquement reproché de ne pas répondre adéquatement à leurs questions, y compris lors de cette troisième heure. De l’avis de la Commission, toute intervention supplémentaire de Mme Thibault, dans les circonstances, aurait été ou bien vaine ou contre‑productive.
[88] Certes, l’écoute de l’enregistrement audio de cet interrogatoire démontre que Mme Pipon est rigoureuse, vive d’esprit, ainsi que dynamique au point d’interrompre à plusieurs reprises la gestionnaire lorsque les réponses de cette dernière sont jugées trop évasives ou insatisfaisantes.
[89] Toutefois, et pour les mêmes raisons, Mme Thibault, qui n’est pas en reste, interrompt également la gestionnaire à plusieurs reprises, quoique moins fréquemment.
[90] Quoi qu’il en soit, et si tant est que le style d’interrogatoire dynamique de Mme Pipon diffère de celui de Mme Thibault, chacune exerçait à sa façon son travail d’enquêtrice en vue de faire ressortir, comme il se doit, la vérité.
[91] En outre, bien que la gestionnaire ait pu se sentir déstabilisée pendant l’interrogatoire, notamment par les reproches que lui a servis Mme Pipon sur le caractère évasif de certaines de ses réponses, cette dernière est demeurée chaque fois courtoise à son égard, bien que persévérante dans son questionnement.
[92] Ce faisant, Mme Pipon n’exerçait que ses fonctions d’enquêtrice, toujours à la recherche de la vérité.
[93] De toute manière, et pour les motifs exprimés plus haut, notamment, l’enregistrement audio de cet interrogatoire ne démontre pas que Mme Pipon ait alors pratiqué un comportement vexatoire à l’égard de Mme Thibault elle-même.
[94] Que cette dernière déplore que le style d’interrogatoire utilisé par Mme Pipon ait davantage ressemblé à un « contre‑interrogatoire », ou qu’il ait été parsemé de questions dites « tendancieuses », est une chose, mais, prétendre qu’elle-même ait alors été victime d’une conduite vexatoire de la part de sa co‑équipière en est une autre.
[95] Quant aux mimiques qu’aurait faites Mme Pipon au cours de cet interrogatoire, il va sans dire que la Commission n’a pu les observer en raison des limites intrinsèques au support audio, d’une part.
[96] D’autre part, bien que Mme Thibault et la gestionnaire interrogée aient soutenu, lors de leurs témoignages respectifs[21], que Mme Pipon aurait esquissé certaines mimiques au cours de cet interrogatoire, notamment de dépit ou d’exaspération, de telles affirmations appellent à la plus grande prudence en raison de leur caractère hautement subjectif.
[97] Ainsi, plusieurs des affirmations de Mme Thibault visant à décrire certaines interventions verbales de Mme Pipon au cours de cet interrogatoire n’ont pas trouvé écho dans l’écoute de l’enregistrement audio.
[98] De l’avis de la Commission, de tels constats appellent donc à la plus grande réserve quant aux allégations de Mme Thibault relativement au comportement non‑verbal qu’aurait adopté Mme Pipon à son égard durant cet interrogatoire.
[99] En outre, en dépit de la disponibilité de l’enregistrement audio de l’interrogatoire, Mme Thibault n’a identifié, ni tenté d’identifier quelque moment spécifique que ce soit au cours duquel Mme Pipon aurait été susceptible d’adopter à son égard le comportement non‑verbal qu’elle lui reproche. Il en va d’ailleurs de même pour la gestionnaire interrogée.
[100] En d’autres mots, ni l’une ni l’autre n’ont référé à quelque moment précis qui soit susceptible de permettre à la Commission de conclure, par présomption de faits résultant de faits graves précis et concordants, que des paroles prononcées par Mme Pipon au cours de l’interrogatoire, perceptibles sur le support audio, auraient pu alors être logiquement accompagnées d’une mimique de nature vexatoire s’adressant, de surcroît, à Mme Thibault.
[101] De l’avis de la Commission, qu’un enquêteur parti à un interrogatoire long et ardu, voire improductif, puisse esquisser certaines mimiques dans le feu de l’action n’a en soi rien d’exceptionnel.
[102] Encore faudrait-il démontrer que ces mimiques aient été autres que celles pouvant raisonnablement relever d’un simple dépit ou d’une exaspération donnant suite à des réponses qualifiées, au demeurant, par les deux enquêtrices, d’insuffisantes.
[103] Or, le fardeau d’en faire la démonstration appartenait à Mme Thibault, et ce, par prépondérance des probabilités, ce qu’elle n’a pas réussi à faire en l’espèce.
[104] Quant à la gestionnaire interrogée, qu’elle n’ait pas apprécié sa matinée ce jour-là est peu surprenant dans les circonstances, elle qui a d’ailleurs vu son agenda quotidien chamboulé inopinément. Toutefois, en procédant à un interrogatoire serré à son égard, Mme Pipon n’exerçait alors que son devoir d’enquêtrice.
[105] Par ailleurs, à la fin de l’entrevue, la gestionnaire mentionne aux enquêtrices, en s’adressant à l’une plus que l’autre, vraisemblablement Mme Pipon, qu’elle considère ne pas avoir été traitée en toute impartialité. Elle s’en plaindra plus tard à l’association des cadres à laquelle elle appartient, mais cette plainte, visant surtout Mme Pipon, n’aura pas de suite concrète.
[106] Quoi qu’il en soit, selon Mme Thibault, Mme Pipon ressort de l’entrevue en colère, frustrée par les réponses jugées insuffisantes données par la gestionnaire interrogée. Mme Pipon souhaite même que les enquêtrices repartent toutes deux sur‑le‑champ à Québec, mais une brève conversation téléphonique tenue avec M. St-Louis et Mme Thibault l’en dissuadera. Les entrevues des employés prévues le lendemain ont donc lieu.
c) Les demandes contradictoires entourant la rédaction du projet de rapport d’enquête
[107] Peu après la tenue des interrogatoires, Mme Thibault rédige une première ébauche du rapport d’enquête.
[108] Une fois de plus, la preuve est contradictoire à savoir à quel titre Mme Thibault agissait réellement dans le cadre de la rédaction de ce document. Selon elle, elle le faisait à titre de « responsable » de ce dossier d’enquête. D’après M. St‑Louis, cette tâche lui a plutôt été confiée par lui-même à des fins d’efficience administrative, à savoir permettre à Mme Pipon de se consacrer, pendant ce temps, à des dossiers qui étaient alors davantage prioritaires, tout en favorisant, à la fois, l’acquisition par Mme Thibault de compétences dans la rédaction de rapports d’enquête.
[109] De l’avis de la Commission, cette dernière explication s’avère davantage persuasive et convaincante dans les circonstances.
[110] En effet, nous avons déjà conclu plus haut que la responsabilité première de ce dossier incombait à Mme Pipon. Or, la preuve administrée démontre que l’emploi du temps de cette dernière ne lui permettait pas de se consacrer à cette tâche à cette période et que Mme Thibault en était à ses premières armes dans la rédaction de rapports d’enquête de cette nature ou de cette importance, d’où la décision de confier à cette dernière la tâche de rédiger un premier jet du rapport d’enquête à venir. En outre, M. St‑Louis était alors préoccupé par les délais dans les dossiers d’enquête de la DEAI.
[111] En l’espèce, cette décision relevait donc manifestement du pouvoir de direction et de gestion de l’employeur.
[112] Quoi qu’il en soit, Mme Thibault se plaint qu’en cours de rédaction du document elle ait été aux prises avec des demandes contradictoires émanant de M. St‑Louis et de Mme Pipon.
[113] Ainsi, elle allègue qu’alors que M. St-Louis souhaitait qu’elle remette le projet de rapport rapidement, Mme Pipon lui disait de ne pas tenir compte de telle demande, car elle souhaitait que Mme Thibault procède au préalable à une analyse des verbatims des personnes interrogées, ce qui était susceptible d’allonger le délai de remise du document.
[114] Néanmoins, Mme Thibault témoigne « avoir écouté M. St-Louis, malgré la confusion », car ce dernier était son supérieur, et non Mme Pipon.
[115] De l’avis de la Commission, même à supposer que les consignes de la cheffe d’équipe et du directeur aient été contradictoires au point d’être irréconciliables, ce qui n’a pas été démontré en l’espèce, il eût été tout de même possible, voire souhaitable, d’en informer M. St-Louis, auquel cas ce dernier aurait pu ainsi arbitrer quelque conflit que ce soit portant sur les tâches à accomplir et les délais pour ce faire.
[116] Dans les circonstances, les demandes et remarques de Mme Pipon ne sauraient équivaloir à la commission d’une conduite vexatoire qui soit constitutive de harcèlement psychologique à l’égard de Mme Thibault.
[117] Par ailleurs, cette dernière soutient également que le traitement réservé par le ministère au projet de rapport d’enquête qu’elle a rédigé relève d’une conduite vexatoire qui soit constitutive de harcèlement psychologique à son endroit.
d) La suite donnée au projet de rapport d’enquête
[118] À ce sujet, Mme Thibault allègue que le projet de rapport d’enquête, qu’elle a préparé en septembre 2018, a fait l’objet de tant de commentaires de la part de M. St‑Louis, puis de modifications subséquentes par Mme Pipon, que son document d’origine s’en est trouvé méconnaissable au point de constituer du harcèlement psychologique à son endroit.
[119] Elle témoigne que ce traitement, accordé à son document, a non seulement accru la démotivation au travail qu’elle affichait déjà au cours de cette période, mais affirme que celui-ci l’a également « dévastée ».
[120] Or, l’analyse de la preuve documentaire produite au dossier, laquelle comporte le premier projet de rapport rédigé par Mme Thibault jusqu’au rapport final, ne démontre quelque conduite vexatoire que ce soit à l’endroit de cette dernière à cet égard.
[121] D’une part, M. St-Louis a révisé le projet en lui apportant des commentaires écrits strictement constructifs. Ce dernier s’est d’ailleurs dit préoccupé, tout au long de son mandat de directeur, par la qualité rédactionnelle des rapports d’enquête de la DEAI, ainsi que par leurs délais de production.
[122] D’ailleurs, lors de l’embauche de M. St-Louis, le sous-ministre du moment, M. Marc Lacroix, lui avait notamment fait part de la nécessité d’améliorer la qualité rédactionnelle des rapports d’enquête de cette unité administrative qu’il considérait déficiente[22].
[123] Plus particulièrement, M. Lacroix exprimait le souhait que les rapports d’enquête soumis au ministère comportent davantage d’analyses et de conclusions qu’auparavant en vue de faciliter la prise de décision subséquente des autorités.
[124] D’autre part, s’il est exact que Mme Pipon ait amplement retravaillé le projet de rapport en question, notamment en y supprimant plusieurs impressions, tout en y ajoutant plusieurs précisions factuelles et des analyses, il importe de rappeler qu’elle était la responsable de ce dossier.
[125] En outre, non seulement le projet de rapport rédigé par Mme Thibault a-t-il servi de toile de fond à l’élaboration éventuelle d’un rapport final de haute qualité[23], mais cette dernière a également été mise à contribution dans cette production.
[126] En l’espèce, il n’a pas été démontré, par prépondérance des probabilités, que la modification du projet de rapport préparé par Mme Thibault découle de la commission d’une conduite vexatoire constitutive de harcèlement psychologique à son égard.
[127] Au contraire, le traitement accordé au projet rédigé par Mme Thibault relève plutôt de la normalité de relations professionnelles dans le cadre de l’élaboration d’un produit final en milieu de travail.
[128] Par ailleurs, le rapport d’enquête final est émis le 30 octobre 2018, et est co‑signé par les deux enquêtrices. Néanmoins, Mme Thibault allègue que certains désaccords, préalables à sa signature, seraient constitutifs de harcèlement psychologique à son endroit.
e) Les désaccords entourant la signature du rapport d’enquête final
[129] À cet égard, Mme Thibault reconnaît avoir co-signé le rapport d’enquête final, mais ajoute qu’avant de ce faire, elle a proposé, alors qu’elle se trouvait dans le bureau de M. St‑Louis, la correction de quelques phrases de la version précédente, ce qui aurait suscité la colère de Mme Pipon qui y a fait irruption en menaçant de ne pas signer le rapport final « si une seule phrase du rapport était changée » [24].
[130] Si M. St-Louis reconnaît que Mme Pipon est entrée en colère dans son bureau, il précise toutefois que cette dernière craignait particulièrement que le rapport soit modifié à son insu, tandis qu’elle ignorait alors le caractère mineur des corrections suggérées. En outre, il signale que telle colère n’était nullement dirigée contre Mme Thibault, mais bien contre lui-même.
[131] Une fois informée de la nature des modifications suggérées, Mme Pipon a convenu que celles-ci pouvaient bel et bien être apportées au document, de sorte que le rapport final a donc pu être co-signé par chacune des enquêtrices.
[132] Toutefois, Mme Thibault reproche à Mme Pipon de ne s’être « jamais excusée » pour son emportement, mais précise l’avoir ensuite rencontrée afin de s’assurer de l’absence de quelque malentendu, ce à quoi cette dernière lui a mentionné « de ne pas s’en faire ». Mme Thibault témoigne s’être alors « sentie rassurée » et « fière de s’être tenue debout ».
[133] En l’espèce, la démonstration, au moyen d’une preuve prépondérante, de la commission d’une conduite vexatoire, constitutive de harcèlement psychologique à l’égard de Mme Thibault, dans le cadre de la production dudit rapport final, n’a pas été établie.
[134] En effet, la rédaction et la production d’un important document en milieu de travail, qui implique plus d’un signataire, entraînent nécessairement certains choix éditoriaux ou stratégiques, suscitent certains arbitrages, et peuvent même soulever certaines situations conflictuelles, sans pour autant constituer du harcèlement psychologique à l’égard d’une personne.
[135] En outre, selon M. St-Louis, jamais à l’automne 2018, Mme Thibault n’a remis en question le déroulement de l’enquête du dossier de St-Jérôme et la manière dont s’est déroulé l’interrogatoire de la gestionnaire, et incidemment, les conclusions de l’enquête.
[136] En effet, il ressort de la preuve administrée que cette remise en question de la part de Mme Thibault soit plutôt apparue en février 2019 à la lumière d’une formation externe, à la suite de laquelle elle mentionne être ressortie « avec une boule dans le ventre », après y avoir appris qu’une des techniques d’enquête, utilisée dans ce dossier plusieurs mois auparavant, n’aurait pas été la plus indiquée.
[137] D’ailleurs, dans le cadre de son témoignage, Mme Thibault atténue elle‑même la portée du dossier d’enquête de St-Jérôme en indiquant qu’il était « plutôt déclencheur de harcèlement psychologique et non le point tournant, car l’enfer débute le 6 novembre 2018 », selon elle, soit à l’occasion d’une réunion d’équipe hebdomadaire.
2) La réunion d’équipe du 6 novembre 2018
[138] À l’automne 2018, la direction de la DEAI décide de renouer avec la tenue de réunions d’équipe hebdomadaires en vue de faire le point avec les enquêteurs sur les différents dossiers d’enquête et d’échanger sur les meilleures façons de faire, notamment.
[139] La tenue de la première réunion est prévue le mardi 6 novembre 2018. Un avis de convocation est transmis par courriel le vendredi précédent, soit le 2 novembre, à tous les enquêteurs de l’unité. L’objet du courriel indique que la rencontre portera sur le « Suivi des mandats en cours ».
[140] Mme Thibault, qui est absente du travail le 2 novembre en raison d’un congé résultant du programme d’Aménagement et de réduction du temps de travail (ARTT), en prend connaissance à son retour au bureau le lundi suivant, soit le 5 novembre 2018.
[141] La veille de la réunion d’équipe, elle se prépare pour celle-ci. Toutefois, elle croit alors que l’expression « Suivi des mandats en cours » fait référence aux « dossiers d’urgence sur lesquels [elle] est en train de travailler ».
[142] Or, au début de la rencontre du 6 novembre 2018, M. St-Louis, muni d’un tableau de bord, indique souhaiter faire le tour de tous les dossiers ouverts de chacun des enquêteurs présents[25].
[143] N’ayant pas envisagé les choses ainsi, et « se sentant déjà mal », Mme Thibault se lève pour aller quérir les dossiers physiques encore ouverts sur lesquels elle n’a pas travaillé depuis quelques mois.
[144] Chacun des enquêteurs est ensuite questionné à tour de rôle par Mme Pipon sur l’état de situation de leurs dossiers respectifs.
[145] Au tour de Mme Thibault, Mme Pipon la questionne sur les quatre dossiers de consultations pornographiques ouverts au début de 2018.
[146] Toutefois, Mme Thibault éprouve de grandes difficultés à répondre adéquatement aux questions qui lui sont posées, faute, témoigne-t-elle, d’avoir travaillé dans ces dossiers au cours des semaines précédentes et d’en avoir révisé au préalable les informations pertinentes.
[147] Or, en dépit des difficultés affichées par Mme Thibault à donner des réponses adéquates au sujet de ces dossiers, cette dernière témoigne que Mme Pipon, inquiète du peu d’avancement de ceux-ci, persiste à la questionner sur les délais écoulés et les méthodes d’enquête utilisées, tout en lui « coupant la parole », « en ne l’écoutant pas » et « en insistant pour obtenir des réponses immédiates ».
[148] Hormis M. Louis Gamache, qui n’a pas gardé de souvenir spécifique de cette rencontre, les autres personnes présentes à la rencontre, ayant témoigné à l’audience, attestent à la fois de la persistance de Mme Pipon à questionner Mme Thibault, malgré les difficultés de cette dernière à répondre adéquatement aux questions, de même que de la préparation déficiente de celle-ci.
[149] Faute d’obtenir les précisions qu’elle requiert de Mme Thibault, Mme Pipon cesse de la questionner et poursuit la tournée des autres enquêteurs.
[150] Toutefois, avant que Mme Pipon ne s’exécute, M. St-Louis intervient pour souligner à Mme Thibault que « des choses comme cela, c’est inquiétant pour un gestionnaire ».
[151] Appelé à expliquer la signification de cette intervention, M. St‑Louis témoigne qu’il faisait allusion au peu d’avancement des quatre mandats en question, lui qui était particulièrement préoccupé par l’importance des délais de fermeture des dossiers d’enquête de l’unité.
[152] Mme Thibault estime la durée de cet épisode à environ cinq minutes, tout en ajoutant qu’elles lui en « ont paru 45 ». Au terme de celui-ci, elle indique s’être alors trouvée « écrasée sur sa chaise », « paniquée », et ajoute avoir pleuré en quittant la réunion, tout en s’efforçant de ne rien en laisser paraître.
[153] Après la réunion, M. St-Louis demande à Mme Thibault de lui fournir un état de situation de ses dossiers en suspens, dont les quatre dossiers de consultations pornographiques en question, ce qu’elle fait le jour même, et lui fixe une rencontre à être tenue deux jours plus tard, soit le 8 novembre 2018, afin qu’elle puisse, avec l’aide de M. Ouellet, lui présenter l’état de situation en question et un plan d’action visant à réactiver les quatre dossiers concernés. Nous y reviendrons.
[154] Au sujet de la réunion du 6 novembre 2018, Mme Thibault reproche à Mme Pipon d’avoir persisté à l’interroger sur ces dossiers, alors qu’elle ne pouvait répondre adéquatement à ses questions.
[155] Elle explique avoir éprouvé des difficultés à répondre convenablement aux questions de Mme Pipon, car elle a cru, à tort, qu’on ne la questionnerait que sur les dossiers sur lesquels elle travaillait de façon contemporaine.
[156] En outre, Mme Thibault mentionne qu’elle avait mis les quatre dossiers de consultations pornographiques « sur la glace », avec l’assentiment de l’ancien chef d’équipe, M. Guérard, afin de prioriser des dossiers plus urgents, dont celui de St‑Jérôme.
[157] Elle ajoute que l’événement du 6 novembre 2018 confirme les « craintes ou appréhensions » qu’elle avait développées à l’occasion du dossier de St‑Jérôme, à savoir que Mme Pipon allait un jour agir « pour lui nuire, et non l’aider », « pour la prendre en grippe », « en faire sa tête de Turc », et « se venger » d’elle.
[158] Mme Thibault tient également grief à M. St-Louis de ne pas être intervenu pendant qu’elle était questionnée afin de faire cesser l’interrogatoire qu’elle subissait. En outre, elle lui tient aussi rigueur d’avoir tenu, à la fin de celui-ci, la remarque décrite plus haut évoquant son inquiétude face à ce qu’il venait d’apprendre.
[159] Ce dernier reconnaît s’être excusé auprès de Mme Thibault, le jour même de l’événement, pour ne pas être intervenu au cours de cet interrogatoire. À cette occasion, il s’excuse aussi auprès d’elle au nom de Mme Pipon pour les agissements de cette dernière.
[160] La preuve administrée au dossier révèle également que, le même jour, M. St‑Louis fait part à Mme Pipon qu’elle aurait pu limiter le nombre de ses questions adressées à Mme Thibault dans les circonstances. Enfin, il reconnaît que l’avis de convocation aurait pu être davantage précis.
[161] Il va sans dire qu’en vertu de son droit de gestion, un employeur peut tenir des réunions avec ses employés et qu’il peut questionner ces derniers sur l’état d’avancement de leurs dossiers et sur les méthodes de travail qu’ils utilisent dans des circonstances données.
[162] Lors de cette réunion, M. St-Louis et Mme Pipon s’intéressent d’ailleurs plus particulièrement à la gestion efficiente des dossiers ouverts des enquêteurs de la DEAI, dont ceux de Mme Thibault.
[163] Bien qu’un employeur puisse avoir un intérêt légitime pour s’informer auprès de ses employés du développement des dossiers qu’il leur a assignés, la manière de s’en enquérir importe également.
[164] Certes, les difficultés vécues par Mme Thibault ce jour-là ont pour origine un avis de convocation insuffisamment précis. En effet, son interprétation de cet avis, partagée par certains de ses collègues, différait manifestement de celle de la direction. Néanmoins, cela ne relève jusque-là que d’un simple problème de communication propre à de nombreux milieux de travail.
[165] Toutefois, devant les difficultés manifestes de Mme Thibault à répondre avec précision à ses multiples questions, Mme Pipon aurait dû lâcher prise plus tôt qu’elle ne l’a fait.
[166] Cela dit, la conduite de cette dernière ne saurait toutefois constituer du harcèlement psychologique au sens de la LNT.
[167] En effet, aussi fâcheux qu’ait pu représenter ce barrage de questions pour Mme Thibault, les comportements, paroles, actes ou gestes reprochés à Mme Pipon ce jour-là ne sauraient équivaloir à une conduite « vexatoire », car il ne s’agit pas de « gestes répétés » qui se sont produits à plusieurs reprises dans le temps[26].
[168] À cet égard, l’exigence légale du caractère répété d’une conduite vexatoire, laquelle suggère un certain étalement dans le temps, ne doit pas être confondue avec le fait, comme en l’espèce, de poser, une ou plusieurs questions à une personne, même avec insistance, un jour donné.
[169] En l’occurrence, non seulement telle conduite n’a pas été répétée plus tard dans le temps par Mme Pipon, mais son supérieur, M. St-Louis, a prestement abordé cette problématique avec elle, précisément afin d’éviter qu’elle ne se reproduise.
[170] En outre, si tant est que Mme Thibault ait été questionnée ce jour-là avec insistance par Mme Pipon, la preuve administrée au dossier ne démontre pas qu’elle ait fait l’objet de cris, menaces, propos hostiles, insultes, reproches ou quolibets.
[171] Enfin, hormis le fait que la conduite reprochée à Mme Pipon ce jour-là ne soit pas répétitive au sens du premier alinéa de l’article 81.18 de la LNT, elle ne saurait non plus revêtir le niveau de gravité requis pour correspondre à l’exception prévue au deuxième alinéa de cette disposition législative, à savoir « [u]ne seule conduite grave » « qui porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié » et « qui produit un effet nocif continu » pour ce dernier.
[172] En effet, sur le plan objectif, telle conduite n’atteint pas le niveau de gravité requis par cette disposition et équivaut au mieux à un acte d’incivilité de la part de Mme Pipon.
[173] Or, les actes d’incivilité en tant que tels « ne répondent pas aux éléments essentiels de la définition donnée par le législateur » au harcèlement psychologique[27].
[174] Néanmoins, Mme Thibault considère cet épisode comme étant « le début [de son] calvaire ».
[175] Elle évoque également avoir fait l’objet de harcèlement psychologique lors de la réunion d’équipe suivante tenue le 13 novembre 2018.
3) La réunion d’équipe du 13 novembre 2018
[176] Plus particulièrement, Mme Thibault reproche à Mme Pipon et à M. St‑Louis d’avoir, à l’occasion de cette autre réunion d’équipe, modifié les consignes qui avaient été convenues préalablement, notamment lors d’une rencontre tenue le 8 novembre précédent, quant à la façon de documenter certaines enquêtes portant sur des consultations pornographiques.
[177] Le but de la rencontre du 8 novembre 2018 consistait à connaître l’état de situation des dossiers en suspens de Mme Thibault, incluant les quatre dossiers de consultations pornographiques mentionnés plus haut, afin d’examiner si les étapes suivies jusque-là correspondaient aux bonnes pratiques d’enquête informatique, et le suivi à leur donner.
[178] Ainsi, lors de cette rencontre présidée par M. St-Louis, à laquelle assistaient M. Ouellet et Mme Thibault, il fut convenu de permettre à cette dernière de se rendre à Sherbrooke afin de copier le disque dur de l’ordinateur d’un employé faisant l’objet de l’une des quatre enquêtes concernées.
[179] Toutefois, lors de la réunion du 13 novembre 2018, l’idée que Mme Thibault se rende en Estrie dans les jours suivants pour copier le disque dur en question ne tenait plus.
[180] À cet égard, il ressort de la preuve administrée qu’entre la rencontre tripartite du 8 novembre et la réunion d’équipe du 13, des conversations tenues informellement entre M. St-Louis, M. Ouellet et/ou Mme Pipon, ont mené à une nouvelle orientation relativement à ce dossier.
[181] En effet, en fonction des renseignements alors disponibles, lesquels étaient fondés essentiellement sur le nombre de « hits » informatiques recensés[28], la direction a plutôt conclu qu’il valait mieux, à ce stade, étoffer davantage le dossier afin d’évaluer avec plus de justesse le temps réel de navigation compromettant de la personne visée par l’enquête, avant de copier le disque dur de son ordinateur.
[182] Mme Thibault, qui témoigne s’être mieux préparée pour cette réunion, s’en trouve alors non seulement déçue, mais également surprise puisqu’elle apprend ce changement d’orientation.
[183] Elle y voit là des « propos contradictoires », émanant de Mme Pipon, par rapport à ceux tenus par cette dernière lors de la réunion du 6 novembre précédent, quant aux consignes à adopter pour le suivi de ce dossier.
[184] Deux de ses collègues enquêteurs, présents à la fois les 6 et 13 novembre 2018, à savoir M. Louis Gamache et Mme Gina Rochette, interviennent lors de la seconde réunion pour abonder dans le même sens que Mme Thibault et relever cette apparente contradiction.
[185] Mme Pipon réplique en expliquant le bien-fondé de l’orientation visant à mieux étoffer un dossier d’enquête.
[186] En d’autres mots, la direction du ministère considère que la décision de copier le disque dur en question était prématurée à ce stade, et que des étapes, manquantes ici, devaient préalablement être franchies. La décision de ne pas aller à Sherbrooke afin de copier le disque dur en question n’était donc pas définitive, mais simplement reportée à plus tard.
[187] En outre, M. St-Louis témoigne que l’information, dont il disposait au moment d’autoriser la copie du disque dur le 8 novembre 2018, n’était pas suffisamment complète pour justifier une telle intrusion, ce qui est corroboré par M. Ouellet.
[188] Bien que les discussions aient pu être animées lors de la réunion du 13 novembre 2018, celles-ci relevaient néanmoins de questions professionnelles, car elles portaient sur les tenants et aboutissants des meilleures pratiques d’enquête à exercer dans certains types de dossiers.
[189] S’il est exact que le ministère ait apporté un changement d’orientation pour ce dossier d’enquête, telle reconsidération, faite après l’obtention de faits plus précis et une nouvelle analyse de la situation, ne saurait toutefois constituer une conduite vexatoire qui soit constitutive de harcèlement psychologique à l’endroit de Mme Thibault au sens de la LNT.
[190] En effet, un changement opérationnel de cette nature relève en soi du droit de direction d’un employeur. En outre, il n’est ni abusif ni déraisonnable.
[191] De plus, la preuve administrée au dossier ne démontre pas, selon la prépondérance des probabilités, quelque débordement que ce soit, de la part de Mme Pipon ou de M. St-Louis, qui soit assimilable à une conduite vexatoire à l’endroit de Mme Thibault.
[192] D’ailleurs, il ressort non seulement de la preuve administrée que Mme Thibault a pris une part active à ces discussions, mais M. Ouellet témoigne que « c’était Mme Thibault qui challengeait Mme Pipon », et non le contraire.
[193] Quant à M. St-Louis, il affirme que Mme Thibault avait même adopté un ton agressif envers Mme Pipon, sans qu’il y ait toutefois « de lancers de tomates ».
[194] Dans un monde idéal, il eût été souhaitable que la direction informe Mme Thibault de ce changement opérationnel avant la réunion hebdomadaire du 13 novembre 2018, mais telle lacune n’est toutefois pas constitutive d’une conduite vexatoire équivalant à du harcèlement psychologique à son endroit au sens de la LNT, mais relève plutôt d’un simple défaut de communication par trop souvent observé dans différents milieux de travail.
[195] Bien que Mme Thibault estime s’être trouvée dans une « situation écrasante et dénigrante » au point d’être sortie « démolie » de la réunion, il importe de rappeler que le test applicable à une situation donnée ne relève pas de la seule perspective de cette dernière, mais bien de la personne raisonnable qui aurait été placée dans les mêmes circonstances[29].
[196] Or, de ce dernier point de vue, la situation décrite plus haut ne saurait atteindre le niveau requis pour équivaloir à du harcèlement psychologique au sens de la LNT à l’endroit de Mme Thibault.
4) La réunion d’équipe du 29 janvier 2019
[197] Par ailleurs, une autre réunion d’équipe est tenue le 27 novembre 2018. Dans ses notes personnelles, Mme Thibault écrit qu’« [à] [sa] grande surprise, Isabelle [Pipon] était d’une gentillesse extrême ce matin-là », car « [e]lle ne coupait la parole à personne, elle écoutait les autres, elle ne tentait pas d’en faire plus que Martin St‑Louis, bref elle semblait sympathique ». Néanmoins, Mme Thibault ajoute qu’elle « réalisai[t] que ce n’était pas normal ».
[198] Plus tard dans la journée, Mme Pipon lui offre de travailler en collaboration avec M. Ouellet dans un nouveau dossier dit de « journalisation », ce que Mme Thibault accepte volontiers.
[199] Lorsqu’elle rencontre M. Ouellet ce jour-là, elle lui demande « s’il savait quand il allait y travailler », ce à quoi ce dernier, qui est alors affairé par plusieurs enquêtes simultanées, lui répond tout bonnement : « prochainement ».
[200] Mme Thibault demeure cependant sans nouvelles concrètes de ce dernier au sujet de ce dossier pendant plusieurs semaines, ce qui mènera à sa quatrième allégation relative à du harcèlement psychologique qui aurait été commis à son endroit.
[201] À cet égard, une autre réunion hebdomadaire de suivi de dossiers est tenue, le 29 janvier 2019, à laquelle M. Ouellet ne peut assister.
[202] D’emblée, M. St-Louis demande à Mme Thibault d’expliquer l’état d’avancement du dossier de journalisation, ce à quoi cette dernière ne peut répondre faute d’en avoir été verbalement informée par M. Ouellet.
[203] Bien que celui-ci ait amorcé un certain travail dans ce dossier dans les jours qui précèdent, et qu’il en ait verbalement fait part à M. St-Louis, ce dernier croyait à tort que Mme Thibault puisse en informer les personnes présentes à la réunion.
[204] Or, Mme Thibault reproche à Mme Pipon de lui « avoir coupé la parole » ou de l’avoir « constamment interrompue », alors qu’elle expliquait qu’elle n’avait pas été mise au parfum des derniers développements du dossier par M. Ouellet[30].
[205] Elle lui reproche également d’avoir pris la part de M. Ouellet, voire de l’avoir « protégé », en minimisant la portion de travail qu’il avait accomplie jusque-là, et en avançant qu’il n’avait probablement pas eu de raison de recourir à la collaboration de Mme Thibault dans ce dossier, à un stade aussi peu avancé.
[206] D’une part, l’affirmation de cette dernière relative au fait d’être constamment interrompue lors de cette réunion par Mme Pipon n’est ni corroborée par quiconque était présent à cette réunion, mais, au surplus, est fortement niée par M. St‑Louis.
[207] D’autre part, l’explication ou tentative d’explication avancée par Mme Pipon sur les raisons entourant le fait que Mme Thibault n’ait pas encore été appelée à collaborer à ce stade dans le dossier de journalisation ne saurait constituer une conduite vexatoire au sens de la LNT.
[208] En effet, d’un point de vue objectif, de telles paroles ne sont ni blessantes ni humiliantes, et relèvent de relations professionnelles normales dans un milieu de travail.
[209] Par ailleurs, Mme Thibault ne prétend pas que M. St-Louis ait adopté une conduite vexatoire à son endroit au cours de cette réunion.
[210] Son seul impair commis ce jour-là serait attribuable, une fois de plus, à un simple problème de communication.
[211] Quant à M. Ouellet, plusieurs reproches ont initialement été adressés à son endroit par Mme Thibault, notamment dans ses notes personnelles, mais cette dernière a réitéré à plusieurs reprises à l’audience ne plus lui tenir grief de quelque acte ou conduite vexatoire que ce soit commis par lui à son endroit.
[212] Elle vante plutôt ses compétences professionnelles, tout en prétendant toutefois qu’il aurait « changé » au contact de Mme Pipon, répondant depuis l’arrivée de cette dernière « à ce qu’on lui demandait ».
5) Les réunions d’équipe des 12 et 26 février 2019 et l’appareil Forensic
[213] Par ailleurs, à cette période, Mme Thibault anticipe, avec enthousiasme, de se rendre en covoiturage en Abitibi, en compagnie de M. Ouellet, dans le but d’interroger certains témoins dans chacun de leurs dossiers respectifs.
[214] Puisque les deux enquêteurs ont chacun la responsabilité d’un dossier d’enquête issu de cette région éloignée de leur port d’attache, l’idée qu’ils puissent s’y rendre en même temps est alors fondée sur une gestion efficiente et optimale des deniers publics.
[215] À cette même période, Mme Thibault est en attente d’un appareil d’investigation informatique lui permettant d’exécuter une analyse forensique dans le dossier d’enquête dont elle a la responsabilité. Or, telle analyse doit être réalisée préalablement à toute rencontre avec la personne à interroger.
[216] Elle ne peut toutefois se servir de l’appareil Forensic, car celui-ci est déjà monopolisé depuis un peu plus d’un mois par M. Ouellet pour son propre dossier abitibien. En effet, l’appareil dont dispose la DEAI ne peut être opéré qu’un seul dossier à la fois.
[217] Or, au moment de la réunion hebdomadaire du 12 février 2019, M. Ouellet n’a toujours pas terminé l’analyse forensique de son propre dossier, bien qu’il soit sur le point de la compléter.
[218] Au cours de la réunion, Mme Thibault exprime son appréhension de ne pouvoir terminer sa propre analyse forensique à temps pour se rendre en Abitibi avec M. Ouellet, alors que ce dernier envisage de s’y déplacer environ deux semaines plus tard.
[219] En effet, il souhaite s’y rendre le plus rapidement possible, car un des témoins qu’il doit interroger est sur le point de prendre sa retraite.
[220] Selon Mme Thibault, Mme Pipon lui rétorque alors qu’elle aura suffisamment de temps pour débuter et terminer son analyse forensique « puisque le dossier de Bruno [Ouellet] était beaucoup plus gros que le [sien] » et qu’elle n’aurait « pas à faire une aussi grosse analyse avant de partir ». Mme Thibault mentionne s’être alors « sentie prise au piège dans une analyse bâclée d’avance dans [son] dossier ».
[221] À cet égard, elle reproche non seulement à Mme Pipon d’avoir ainsi tenu des propos dénigrants ce jour-là, mais également de ne pas l’avoir écoutée et de lui avoir constamment coupé la parole.
[222] L’affirmation de Mme Thibault relative au fait d’avoir été constamment interrompue par Mme Pipon n’est pas corroborée par quelque témoin que ce soit présent lors de cette réunion. Au surplus, elle est contredite de façon convaincante par M. St Louis dans son témoignage.
[223] Quant aux dires exprimés par Mme Pipon au sujet de la durée probable et de la complexité des dossiers respectifs de M. Ouellet et de Mme Thibault, la Commission ne saurait y voir une conduite vexatoire susceptible de constituer du harcèlement psychologique au sens de la LNT à l’endroit de cette dernière.
[224] En effet, d’un point de vue objectif, de telles paroles ne sont ni blessantes ni humiliantes, et relèvent de relations professionnelles susceptibles d’avoir cours dans un milieu de travail normal.
[225] Quoi qu’il en soit, l’appareil est libéré par M. Ouellet, le 26 février suivant.
[226] Tel que mentionné plus haut, en raison de la retraite imminente d’un témoin à être interrogé, il prévoit donc se rendre en Abitibi les 4 et 5 mars 2019.
[227] Tôt le matin du 26 février 2019, soit avant l’arrivée au travail de M. Ouellet, Mme Thibault tente de débuter l’analyse forensique de son dossier abitibien, mais l’image est vide, rendant l’analyse impossible à ce moment.
[228] Au cours de la réunion matinale d’équipe qui suit, Mme Thibault décrit sa vaine tentative de début d’analyse, ce qui semble étonner M. Ouellet.
[229] M. St-Louis indique alors qu’il n’est plus question que Mme Thibault parte en Abitibi dans les jours suivants puisque, dans les circonstances, son dossier ne pourra manifestement être prêt à temps.
[230] Mme Thibault mentionne s’être trouvée « sous le choc », et « écrasé[e] », estimant qu’il s’agissait de la « seule et unique tâche intéressante et valorisante qui [lui] restait », laquelle « venait de s’envoler en fumée ».
[231] Elle allègue que la décision de M. St-Louis de ne pas lui permettre d’accompagner M. Ouellet dans son périple abitibien au début mars 2019 équivaut à une conduite vexatoire qui serait constitutive de harcèlement psychologique à son endroit.
[232] Or, non seulement cette décision administrative relevait-elle du droit de gestion de l’employeur, mais elle était également justifiée par le fait que son dossier ne pourrait vraisemblablement être prêt à temps.
[233] En outre, il ne s’agissait pas d’une décision permanente, mais temporaire, c’est‑à‑dire qu’elle n’empêchait aucunement Mme Thibault de se rendre en Abitibi plus tard, si nécessaire, une fois le niveau d’avancement de son dossier devenu propice à un tel déplacement.
[234] Par ailleurs, entre les réunions d’équipe des 12 et 26 février, soit le 18 février 2019, Mme Thibault allègue avoir été l’objet d’une conduite vexatoire de la part de Mme Pipon, à l’occasion d’une formation donnée à l’Université Laval.
6) La formation du 18 février 2019 à l’Université Laval
[235] À cette date, Mme Thibault assiste à une formation, dispensée à l’Université Laval, portant sur les techniques de rédaction des rapports d’enquête. Des collègues de la DEAI l’accompagnent, à savoir Isabelle Pipon, Louis Gamache, Stéphanie Morin et Maude Lacroix.
[236] Dans ses notes personnelles plus contemporaines, Mme Thibault relate en être revenue « bouleversée » après avoir alors compris que l’une des façons de faire utilisée lors de l’enquête de St-Jérôme aurait été « à l’opposé de la bonne pratique ».
[237] Ainsi, selon sa compréhension issue de cette formation, il importerait non seulement de mentionner, dans un rapport d’enquête, les points négatifs à l’appui des recommandations de l’enquêteur, mais également les points susceptibles d’être positifs ou atténuants pour la personne faisant l’objet de l’enquête.
[238] Or, ce constat aurait eu pour effet de lui faire ressentir un malaise physique sous la forme d’une « boule dans l’estomac », par crainte des répercussions possibles d’une plainte concernant ses rapports d’enquête, dont celui de St-Jérôme.
[239] Mme Thibault ne prétend toutefois pas qu’il s’agisse-là d’une conduite vexatoire commise à son endroit.
[240] Cependant, à l’audience, soit pendant son contre-interrogatoire, elle évoque avoir été l’objet d’une conduite vexatoire de la part de Mme Pipon ce jour-là, à savoir que cette dernière aurait ri au moment où Mme Thibault demandait à l’enseignante des précisions relatives à des exercices à faire.
[241] Or, cet incident est soulevé, pour la première fois, plus de trois ans après les faits. Mme Thibault témoigne elle‑même que son état d’esprit était alors troublé par ce qu’elle venait d’apprendre ou de réaliser au cours de cette formation. D’ailleurs, à plusieurs reprises au cours de son contre‑interrogatoire, elle évoque avoir été aux prises avec un tel état d’esprit, au point même « de ne plus arriver à raisonner ».
[242] De même, elle ajoute se questionner à savoir si Mme Pipon a ri à ce moment précis en raison même de sa question ou s’il s’agissait d’un « pur hasard ».
[243] En outre, la survenance de cet incident n’est corroborée par aucun témoin.
[244] Par conséquent, Mme Thibault ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve de démontrer, par prépondérance des probabilités, la survenance d’une conduite vexatoire commise à son endroit ce jour-là par Mme Pipon qui serait constitutive de harcèlement psychologique.
7) La rencontre du 28 février 2019 avec M. St-Louis
[245] Une autre allégation de conduite vexatoire formulée par Mme Thibault est relative à une rencontre informelle tenue le 28 février 2019 entre elle et M. St-Louis.
[246] Mme Thibault allègue que le contenu de leur conversation démontre que ce dernier a omis d’intervenir afin de prévenir ou de faire cesser le harcèlement psychologique commis précédemment à son endroit.
[247] Elle prétend également que M. St-Louis aurait aussi omis d’intervenir à compter du 28 février 2019, soit après qu’elle l’ait informé des différentes difficultés qu’elle a vécues au travail, et ce, en dépit d’un engagement pris en ce sens par lui à la fin de la rencontre.
[248] D’emblée, l’une des particularités de cette rencontre consiste dans le fait que Mme Thibault ait enregistré toute la rencontre sur support audio, et ce, à l’insu de M. St‑Louis.
[249] D’ailleurs, il ne s’agit pas de la seule occasion où Mme Thibault a enregistré des conversations qu’elle a tenues avec des collègues ou d’autres intervenants du ministère, toujours à leur insu[31]. Nous y reviendrons.
[250] Au cours des jours précédents, soit le 25 février 2019, Mme Thibault remettait ses notes personnelles au répondant ministériel en matière de harcèlement psychologique, M. Martin Roy, afin de valoir comme signalement permettant la prise en charge de sa situation alléguée de harcèlement psychologique. Bien entendu, M. St‑Louis n’est pas non plus au fait de cet élément au moment de sa rencontre avec Mme Thibault.
[251] Quoi qu’il en soit, la rencontre du 28 février 2019 est d’abord fixée à la demande de M. St-Louis afin de faire le point avec Mme Thibault sur une note de fermeture d’un de ses dossiers.
[252] À cet égard, l’écoute de la conversation révèle que M. St-Louis tente de bien comprendre les tenants et aboutissants relatifs aux motifs à l’appui du projet de note de fermeture du dossier en question, ainsi que le point de vue de Mme Thibault à ce sujet.
[253] Ce faisant, M. St-Louis a exercé un acte de pure gestion sans commettre quelque conduite vexatoire que ce soit à l’endroit de Mme Thibault.
[254] Par ailleurs, cette dernière fait rapidement dévier la conversation sur certaines difficultés auxquelles elle a été exposée au travail dans les mois précédents, dont le fait qu’il ne soit pas intervenu au cours des rencontres d’équipe des 6 et 13 novembre 2018[32]. Elle y évoque également la perte de motivation ayant résulté des différents irritants qu’elle a pu subir au fil du temps.
[255] Or, nous avons vu plus haut que même si M. St-Louis n’est pas intervenu pendant la rencontre d’équipe du 6 novembre 2018, il l’a ensuite fait auprès de Mme Pipon en lui rappelant qu’elle devait moins couper la parole pendant les réunions notamment, et en s’excusant auprès de Mme Thibault.
[256] Quant à la réunion du 13 novembre 2018, la preuve révèle plutôt que c’est auprès de Mme Thibault qu’il aurait pu intervenir, si tant est qu’une intervention de sa part eut été requise, afin qu’elle réfrène ses ardeurs à l’endroit de Mme Pipon, et non le contraire.
[257] Quant aux nombreuses autres récriminations soulevées par Mme Thibault lors de la conversation du 28 février 2019, ainsi que la perte de motivation qui en aurait découlée, la preuve administrée au dossier révèle qu’il s’agissait alors d’une première verbalisation de la part de cette dernière auprès de M. St-Louis.
[258] Lors de cette conversation, confronté aux récriminations de Mme Thibault dont il vient de prendre connaissance, M. St-Louis rétorque que certaines d’entre elles peuvent être attribuables à des problèmes de communication, tout en ajoutant qu’il devra les examiner une à une.
[259] Il suggère alors à Mme Thibault de fixer une rencontre de suivi avec elle, mais cette dernière, évoquant la prise prochaine de « vacances », convient avec lui d’une date à être fixée en avril 2019.
[260] Or, Mme Thibault n’est pas présente au bureau le lendemain, soit le vendredi 1er mars 2019, alors que M. St-Louis est absent le lundi suivant. Mme Thibault est également absente du travail le 5 mars 2019.
[261] Enfin, le 6 mars 2019, le sous-ministre Lacroix annonce la tenue d’une enquête externe en raison du signalement de harcèlement psychologique. Dès lors, des mesures d’apaisement sont également mises en œuvre.
[262] En outre, à compter du 18 mars 2019, Mme Thibault, se disant « au bout du rouleau », prend un congé de maladie, et ce, pour une durée d’environ quatre mois.
[263] Conséquemment, l’argument soulevé à l’audience par cette dernière, selon lequel M. St-Louis aurait également omis d’intervenir pour prévenir ou faire cesser le harcèlement psychologique à son endroit à compter du 28 février 2019, est également mal fondé.
[264] En somme, l’enregistrement de la rencontre du 28 février 2019 par Mme Thibault ne révèle pas l’existence d’une conduite vexatoire qui aurait été adoptée par M. St-Louis avant cette date, ce jour-là, ou après celui-ci.
[265] De l’avis de la Commission, tel enregistrement, fait à l’insu de M. St-Louis, semble davantage avoir été réalisé afin de bonifier le signalement déposé dans les jours précédents, voire dans le but de chercher à obtenir un aveu ou une admission de la part de ce dernier, mais en vain.
8) L’enquête externe relative au signalement de Mme Thibault
[266] À la suite du dépôt du signalement de Mme Thibault, le ministère confie à un enquêteur privé la tenue d’une enquête externe. L’enquête débute à la fin mars 2019.
[267] L’enquêteur rencontre Mme Thibault, ainsi que certains témoins, et obtient leurs déclarations respectives, mais ne peut faire de même avec la principale mise en cause par cette enquête, à savoir Mme Pipon.
[268] En effet, en mars 2019, cette dernière entame un long congé de maladie, dont la durée demeure toujours indéterminée.
[269] Ainsi, n’ayant pu rencontrer Mme Pipon en raison de son invalidité, l’enquêteur externe ne peut compléter son enquête.
[270] Celle-ci est donc suspendue pour une durée indéterminée, ce que Mme Thibault estime être une manifestation de harcèlement psychologique à son égard.
[271] Ce moyen est toutefois sans fondement.
[272] Bien qu’il soit souhaitable qu’une telle enquête puisse être complétée, à l’instar de la plupart des enquêtes externes confiées par des employeurs en pareilles matières, la longue invalidité de Mme Pipon justifie en l’espèce une telle suspension.
[273] Par ailleurs, Mme Thibault se plaint également qu’au cours de cette même enquête, soit à compter de la fin mars 2019, le ministère ait retiré la responsabilité de son dossier au répondant ministériel, M. Martin Roy, en qui elle avait « une confiance aveugle », pour plutôt la confier à Mme Mélanie Bessette.
[274] Ce moyen est également mal fondé, car il s’agit d’une pure décision de gestion interne qui se justifie dans les circonstances par le fait que le ministère souhaitait s’assurer que le processus d’enquête revête la plus grande apparence d’impartialité possible.
[275] En effet, en dépit de son excellente feuille de route à titre de répondant ministériel en matière de harcèlement psychologique, M. Roy, qui avait déjà travaillé avec Mme Thibault à titre de collaborateur dans un de ses dossiers, s’est aussi trouvé à devenir son confident avant la prise en charge de son dossier de harcèlement psychologique, et ce, à la faveur de certaines promenades qu’ils prenaient ensemble le midi.
[276] Par conséquent, Mme Thibault ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve de démontrer, par prépondérance des probabilités, la survenance d’une conduite vexatoire commise à son endroit qui serait constitutive de harcèlement psychologique relativement aux tenants et aboutissants de l’enquête externe.
9) L’« abolition » ou « dissolution » de la DEAI et l’ « abolition » du poste de Mme Thibault
[277] Tant dans sa plainte à la Commission qu’au cours de son témoignage, Mme Thibault allègue que la DEAI aurait été « abolie » ou « dissoute » et que son poste d’enquêteur-informatique aurait aussi été « aboli », ce qui équivaudrait à des conduites vexatoires constitutives de harcèlement psychologique de la part du ministère à son endroit.
[278] À cet égard, il convient de mentionner que la Commission est uniquement saisie d’une plainte de harcèlement psychologique.
[279] Elle n’est pas saisie d’un recours en matière de conditions de travail ou d’un recours en matière de mesures administratives ou disciplinaires en vertu des dispositions de la Loi sur la fonction publique[33].
[280] Il s’ensuit que Mme Thibault doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la « dissolution » de la DEAI et l'« abolition » de son poste constituent des conduites vexatoires de la part du ministère à son endroit.
[281] À cet égard, Mme Thibault fonde son assertion sur le fait qu’à la fin mai 2019[34], soit pendant son arrêt de travail et en cours d’enquête, elle a reçu un appel téléphonique de Mme Bessette, répondante ministérielle en harcèlement psychologique, et de Mme Julie Dumont, conseillère en gestion des ressources humaines du ministère, lui annonçant que le sous-ministre, M. Marc Lacroix, avait pris la décision d’« abolir » à la fois la DEAI, ainsi que son poste d’enquêteur-informatique, de même que les postes d’enquêteur de Kathy Couillard et de Louis Gamache.
[282] Au soutien de son argument, elle invoque une note évolutive apparaissant à son dossier qui résume l’appel téléphonique en question. Dans cette note, rédigée par Mme Bessette le 20 mai 2019, celle-ci écrit avoir fait part à Mme Thibault de « la décision des autorités de dissoudre l’équipe des enquêtes ».
[283] Or, la preuve administrée au dossier n’établit pas que la DEAI ait été abolie ou dissoute à cette période, mais démontre plutôt que cette unité administrative a alors fait l’objet d’une réorganisation ou d’une restructuration administrative.
[284] En effet, au printemps 2019, M. St-Louis s’apprête à quitter volontairement son poste de directeur de la DEAI. Son départ de la DEAI deviendra effectif le 31 mai 2019, et son poste ne sera pas pourvu en raison d’un surplus d’effectifs de gestionnaires au sein du ministère à cette période.
[285] De façon concomitante et préalablement à son départ, le sous‑ministre, M. Marc Lacroix, lui demande de préparer un plan de réorganisation de la DEAI à faire en relation avec l’entrée en vigueur imminente de la Loi sur l’autorité des marchés publics[35], laquelle instituait l’Autorité des marchés publics (l’AMP), un nouvel organisme gouvernemental chargé de surveiller les marchés publics et l’application des lois et règlements encadrant les contrats publics au Québec.
[286] Or, telle loi, adoptée par l’Assemblée nationale du Québec dans la foulée de la mise en œuvre de certaines recommandations de la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction, prévoyait notamment le transfert « de tous les employés du ministère des Transports qui, le 24 janvier 2019, occupent un poste de vérificateur interne affecté aux directions territoriales ou un poste d’enquêteur affecté plus particulièrement aux dossiers en lien avec la gestion contractuelle au sein de la Direction des enquêtes et de l’audit interne »[36].
[287] Conformément au plan de réorganisation de la DEAI préparé par M. St‑Louis, dix employés occupant un poste d’enquêteur ou d’auditeur au sein de la section d’audit de la DEAI ont donc été transférés à l’AMP.
[288] Par ailleurs, à la fin mai 2019, trois postes d’enquêteurs de la DEAI ont été transférés à une autre direction ministérielle, à savoir la Direction de l’allocation des règles contractuelles (DARC), laquelle devait assumer la nouvelle compétence du ministère, un « organisme public » au sens de la Loi sur l’AMP[37], consistant à recevoir et à traiter, en première instance[38], les plaintes relatives à un processus inéquitable ou non conforme d’adjudication d’un contrat public.
[289] En l’occurrence, ces trois postes d’enquêteurs, reçus par la DARC, correspondaient aux postes préalablement occupés à la DEAI par Mme Kathy Couillard, par M. Louis Gamache, ainsi qu’à un poste vacant.
[290] Or, la DARC, en tant que direction réceptrice des postes en question, et disposant donc d’un droit de regard sur le choix des employés susceptibles de lui être transférés, considérait que Mme Couillard et M. Gamache faisaient montre d’une expérience d’enquête en matière de gestion contractuelle, suffisante et appropriée, qui leur permettait de joindre ses rangs.
[291] Quant à Mme Thibault, étant une enquêtrice-informatique, elle ne disposait pas d’une expérience d’enquête liée à la gestion contractuelle justifiant un tel transfert à la DARC, selon la preuve administrée.
[292] À la suite de cette réorganisation, la DEAI, désormais dessaisie de sa responsabilité de réaliser des enquêtes en matière de gestion contractuelle, se retrouve donc uniquement avec la responsabilité de réaliser les enquêtes sur les employés fautifs, alors que le nombre de dossiers à cet égard est déjà en baisse depuis quelques années.
[293] En juin 2019, la gestionnaire en poste à la DEAI est Mme Hind Belqorchi[39], qui en assume les fonctions de directrice par intérim à la suite du départ de M. St-Louis[40]. À l’audience, elle s’étonne d’ailleurs de l’assertion selon laquelle la DEAI aurait été « abolie » ou « dissoute » alors qu’elle a dirigé cette unité administrative à compter de cette période[41].
[294] En outre, Mme Bessette témoigne à l’audience du fait que la DEAI a bel et bien fait l’objet d’une réorganisation administrative, et ce, en dépit des termes, au demeurant mal choisis, qu’elle aurait pu employer en mai 2019 lors de l’appel téléphonique fait à Mme Thibault ou dans les notes évolutives du dossier.
[295] D’ailleurs, dans sa propre plainte, Mme Thibault reconnaît que « l‘organigramme du MTQ démontre que la DEAI n’a jamais cessé d’exister ».
[296] Il s’ensuit que la preuve administrée démontre que la DEAI n’a pas été abolie ou dissoute à l’époque pertinente, mais qu’elle a plutôt fait l’objet d’une réorganisation dans le cadre d’un transfert d’activités à d’autres unités administratives.
[297] Quant au poste d’enquêtrice-informatique de Mme Thibault au sein de la DEAI, la preuve administrée au dossier démontre qu’il n’a pas non plus été « aboli » à l’occasion de cette réorganisation.
[298] En effet, en juin 2019, outre le poste de directrice par intérim occupé par Mme Belqorchi, la DEAI est composée des postes d’enquêteurs suivants : M. Bruno Ouellet, Mme Andrée Thibault, Mme Isabelle Pipon et Mme Maude Lacroix[42]. Deux postes apparaissaient également au niveau du personnel de soutien, dont un vacant en raison d’un départ récent.
[299] Bien entendu, le poste d’enquêtrice-informatique de Mme Thibault est alors inoccupé en raison de son invalidité[43]. Cependant, il n’a pas été « aboli » à l’occasion de la réorganisation de la DEAI.
[300] Par ailleurs, lorsqu’elle est devenue apte à exercer un retour progressif au travail au début juillet 2019, Mme Thibault n’est pas réintégrée à son poste d’enquêtrice‑informatique à la DEAI, ce dont elle se plaint également.
[301] Or, il ressort de la preuve administrée au dossier que tel ne pouvait être le cas en raison des mesures d’apaisement encore applicables à ce moment, alors que l’enquête externe n’était toujours pas terminée.
[302] Ces mesures, adoptées par le ministère à la suite des recommandations du répondant ministériel en matière de harcèlement psychologique, impliquaient notamment que Mme Thibault se trouve le moins possible en présence des personnes alors visées par son signalement, à savoir, M. St-Louis, Mme Pipon et M. Ouellet.
[303] Or, bien qu’en juillet 2019, M. St-Louis avait déjà quitté le ministère et que Mme Pipon était en invalidité, M. Ouellet demeurait néanmoins en poste à titre d’enquêteur-informatique au sein de la DEAI, alors que plusieurs allégations de conduites vexatoires lui étaient reprochées par Mme Thibault.
[304] Plus particulièrement, à l’époque pertinente, Mme Thibault lui reprochait d’être de « connivence » avec Mme Pipon, de retarder volontairement son accès à l’appareil forensique, de tout faire pour l’empêcher de se rendre avec lui en Abitibi ou de ne pas collaborer avec elle, notamment.
[305] À la mi-mars 2019, M. Ouellet, étonné par les allégations portées contre lui par Mme Thibault, dont il vient alors de prendre connaissance, demande lui-même à M. St‑Louis de bénéficier d’une mesure d’apaisement à l’égard de cette dernière.
[306] Dans un tel contexte, Mme Julie Dumont, conseillère à la Direction générale des ressources humaines (DGRH) du ministère, après avoir effectué des démarches en vue de trouver un poste à Mme Thibault qui respecte les mesures d’apaisement adoptées, tout en conservant son classement et ses conditions d’emploi, communique avec Mme Belqorchi, qui assume par intérim la direction de la DEAI, afin de lui proposer la possibilité d’un transfert de poste avec crédit ailleurs au ministère.
[307] Après avoir examiné la nature et l’étendue des besoins de cette unité administrative à la suite de sa réorganisation, et tenant compte notamment de la baisse récurrente du volume de dossiers d’enquête portant sur des comportements fautifs d’employés du ministère, Mme Belqorchi conclut que la DEAI n’a désormais besoin que d’un seul poste d’enquêteur-informatique.
[308] M. Ouellet, étant l’enquêteur-informatique qualifié le plus ancien des deux, la décision du ministère de ne pas réintégrer Mme Thibault dans son poste d’enquêtrice‑informatique à la DEAI en juillet 2019, fondée notamment sur le respect des mesures d’apaisement encore alors applicables et sur les besoins de cette unité, était donc justifiée et ne relevait pas d’une conduite vexatoire constitutive de harcèlement psychologique à l’endroit de cette dernière.
[309] En outre, par opposition à un simple transfert de poste sans le crédit qui lui est rattaché, la proposition de la DGRH avancée en l’espèce d’un transfert de « poste avec crédit » était davantage susceptible de favoriser l’adhésion d’une nouvelle unité administrative.
[310] Or, après une entrevue favorable tenue le 11 juillet 2019, Mme Thibault accepte d’être mutée au Centre de gestion de l’équipement roulant (CGER), une autre unité administrative du ministère qu’elle intégrera à compter du 15 juillet 2019, de façon progressive, afin d’y occuper un poste d’adjointe exécutive.
[311] Toutefois, cette dernière allègue que son intégration au sein de cette unité administrative n’aurait pas été accomplie « dans les règles de l’art », ce dont elle se plaint également.
10) L’intégration de Mme Thibault au sein du CGER
[312] À cet égard, Mme Thibault, apte à un retour au travail de façon progressive à compter du 8 juillet 2019, allègue que son accueil au CGER, le 15 juillet suivant était mal planifié.
[313] Plus particulièrement, elle relate, notamment, qu’à son arrivée, le directeur du service à la clientèle de cette unité administrative, M. Étienne Rompré, a dû interrompre ses vacances pour l’accueillir, que le bureau qui lui était attribué ne disposait pas de tous les éléments nécessaires à l’accomplissement de son travail, qu’on lui ait interdit de se connecter à un ordinateur tant que son poste informatique de la DEAI n’était pas fermé ou qu’elle ait dû aller récupérer ses effets personnels à ce dernier endroit et y faire le ménage de ses dossiers en compagnie d’une conseillère en gestion des ressources humaines.
[314] En outre, elle mentionne que les autres employés du CGER semblaient surpris de son arrivée, certains craignant même qu’étant une enquêtrice-informatique, celle-ci y ait été transférée dans le but de « les infiltrer »[44].
[315] Témoignant à la demande de Mme Thibault, M. Rompré explique que c’est la DGRH qui l’a contacté en juillet 2019 pour lui offrir, à sa grande surprise, la possibilité d’obtenir, pour son unité, un poste d’employé à temps complet (ETC) susceptible d’être occupé par Mme Thibault.
[316] Comme le CGER ne pouvait plus embaucher d’employés à temps complet à cette période et qu’il ne disposait pas d’un adjoint exécutif, cette offre qu’il qualifie d’« exceptionnelle » lui paraît alors intéressante, tout en suscitant chez lui une « crainte initiale » : « s’agit-il d’une personne à troubles? », se demande‑t‑il.
[317] Après que la DGRH l’eût promptement rassuré que tel n’était pas le cas, le processus est rapidement enclenché.
[318] Il rédige d’abord une description de tâches, puis convoque Mme Thibault à une entrevue informelle, laquelle est tenue le 11 juillet 2019.
[319] À cette occasion, les rôles sont toutefois inversés puisque c’est cette dernière qui peut choisir l’endroit où elle travaillera, et non le contraire, de sorte que c’est le CGER qui est en mode « séduction », selon M. Rompré.
[320] La rencontre est mutuellement fructueuse, de sorte que le lendemain, soit le vendredi 12 juillet 2019, Mme Thibault accepte de joindre les rangs du CGER.
[321] Le protocole de retour au travail est transmis le même jour par la DGRH à M. Rompré. Il mentionne que le retour au travail de Mme Thibault débute le lundi suivant, soit le 15 juillet.
[322] M. Rompré témoigne qu’il devait prendre trois semaines de vacances à compter du 15 juillet 2019, mais précise s’être néanmoins présenté au travail le lundi matin en question afin d’accueillir Mme Thibault, de signer avec elle les formulaires d’usage, de lui présenter le personnel présent ce jour-là, tout en leur expliquant la nature du poste qu’elle occupera, et de lui assigner des mandats, notamment.
[323] Bien qu’il convienne que certains éléments n’étaient pas tous présents dans le bureau de Mme Thibault ce jour-là, il rappelle le caractère expéditif du processus entre la confirmation de la venue de cette dernière et son arrivée, soit deux jours non ouvrables en pleine période estivale[45], alors que son professionnel est en congé de maladie à cette période et que les techniciens informatiques sont en congé le vendredi.
[324] Néanmoins, il souligne avoir demandé à ces derniers d’installer un ordinateur générique au bénéfice de Mme Thibault le jour de son arrivée, mais précise que la tâche n’a pu être réalisée sur-le-champ en raison des droits d’accès informatiques particuliers que cette dernière conservait encore à la DEAI à cette date.
[325] La preuve au dossier démontre que le CGER a pris en l’espèce tous les moyens à sa disposition pour accueillir Mme Thibault du mieux possible, et ce, en situation d’urgence et en pleine période estivale.
[326] D’ailleurs, le fait que M. Rompré ait dû retarder le début de ses vacances pour faciliter cet accueil, loin de constituer un accroc, est plutôt illustratif d’une volonté de bien faire les choses.
[327] Au retour de leur congé estival respectif, M. Rompré constate que Mme Thibault est bien intégrée, à la fois dans ses mandats et dans l’équipe, bien qu’il l’ait vue pleurer à une ou deux reprises.
[328] Plus particulièrement, il relate que lors de l’une de ces occasions, elle est venue le voir à son bureau à la fin de l’année 2019, soit après qu’elle ait assisté à une présentation donnée au CGER par le sous-ministre adjoint de l’époque, M. Nikolas Ducharme, sur la politique du ministère de non-tolérance envers le harcèlement psychologique.
[329] S’étant dite « impressionnée » par la présentation de M. Ducharme, et souhaitant le rencontrer à ce sujet pour lui exposer sa situation, Mme Thibault a donc demandé à M. Rompré le feu vert pour ce faire, ce qu’elle a obtenu d’emblée.
[330] En somme, il ressort de la preuve administrée en l’instance qu’en dépit du fait que l’arrivée de Mme Thibault au CGER n’ait pas été optimale pour elle, aucune conduite vexatoire constitutive de harcèlement psychologique à son endroit ne peut être attribuée au ministère dans les circonstances.
11) La rencontre avec le sous-ministre adjoint et le suivi de celle-ci
[331] À la demande de Mme Thibault, une rencontre est donc tenue entre elle et M. Ducharme au bureau de ce dernier, le 29 janvier 2020.
[332] Mme Thibault entend alors y « faire ressortir l’importance de sa démarche » ayant consisté à dénoncer une situation problématique en milieu de travail, tout en espérant « une aide de dernier recours afin d’aboutir à quelque chose » dans son dossier.
[333] Fait particulier de la rencontre, celle-ci est enregistrée par Mme Thibault à l’insu de son interlocuteur.
[334] L’écoute de l’enregistrement en question montre que Mme Thibault fait état de certaines difficultés qu’elle a vécues au travail avant de faire son signalement, mais aussi après celui-ci, dont le fait que l’enquête externe perdure, de l’ « abolition » de son poste à la DEAI, de sa perte de confiance envers la répondante ministérielle en harcèlement psychologique, ou du non-remboursement de certaines séances de psychothérapie prises au-delà de la limite annuelle prévue par la politique applicable.
[335] Dans ce dernier cas, la responsable de son dossier du Programme d’aide aux employés (PAE) au CSPQ avait refusé à Mme Thibault dans les jours précédents de bénéficier de telles séances remboursables au-delà de la limite prévue par le programme, tout en la référant à Mme Bessette à ce sujet. Or, Mme Thibault s’y est alors refusée en prétextant ne plus avoir confiance en cette dernière, d’où sa rencontre avec M. Ducharme.
[336] Quant à ce dernier, il est alors manifestement en mode écoute, car il ne connaît pas le dossier, hormis ce que lui en rapporte Mme Thibault. Durant la rencontre, il lui demande des précisions et souhaite rapidement vérifier, auprès de la DGRH, certains aspects du dossier.
[337] Ainsi, il entend connaître les raisons pour lesquelles l’enquête externe n’est toujours pas terminée, voir s’il est possible que la répondante en harcèlement psychologique au dossier puisse être remplacée, vérifier qu’aucun autre employé de la DEAI n’exerce les anciennes tâches de Mme Thibault à sa place, et informer les autorités compétentes de la volonté de cette dernière de bénéficier exceptionnellement de séances supplémentaires de psychothérapie remboursables au-delà de la couverture prévue par le PAE[46].
[338] Toutefois, M. Ducharme informe Mme Thibault des limites de son rôle, celui‑ci n’étant pas l’autorité décisionnelle sur ces matières.
[339] Peu avant la fin de la rencontre, elle se dit « impressionnée » par lui, tout en le remerciant de l’avoir rencontrée. Ce dernier l’assure d’un retour prochain, soit personnel ou par le biais d’une autre personne, le cas échéant.
[340] Le 31 janvier 2020, Mme Thibault transmet un courriel à M. Ducharme pour lui réitérer son appréciation de l’avoir écoutée lors de leur rencontre, tout en l’informant qu’elle ne sera pas disponible avant le 13 février suivant en raison de la prise d’une semaine de vacances.
[341] À la mi-février 2020, Mme Bessette informe Mme Thibault qu’elle est autorisée à suivre trois autres séances de psychothérapie supplémentaires, remboursables à 50 %, jusqu’au 31 mars suivant, après quoi une nouvelle enveloppe budgétaire serait reconduite pour l’année financière à venir.
[342] Dans sa plainte à la Commission, Mme Thibault allègue que le fait qu’elle doive assumer 50 % du coût de ces trois séances supplémentaires n’est pas conforme aux « promesses » que lui aurait faites M. Ducharme, lequel « m’avait assuré un remboursement à 100 % ».
[343] Or, l’écoute de l’enregistrement de la rencontre en question ne démontre aucunement que ce dernier ait alors promis un tel remboursement complet.
[344] Ce moyen ne saurait donc non plus être retenu et aucune conduite vexatoire constitutive de harcèlement psychologique ne peut être attribuée au ministère à cet égard.
[345] À compter du 1er avril 2020, Mme Thibault bénéficie donc d’une nouvelle enveloppe budgétaire régulière dans le cadre du PAE, alors qu’elle continue de travailler pour le CGER, et ce, à la grande satisfaction de son directeur et de ses collègues de travail.
[346] Néanmoins, lorsqu’un poste d’enquêteur régulier devient disponible à la DEAI à la suite du départ de Mme Maude Lacroix vers la fin 2020, Mme Thibault y pose sa candidature, laquelle est retenue pour l’entrevue de sélection.
[347] Toutefois, la veille de l’entrevue, soit le 16 février 2021, elle écrit au sous‑ministre, M. Patrick Dubé, en insinuant que le ministère tente de la « mettre en situation d’échec » et en s’interrogeant sur la noblesse des intentions de l’employeur.
[348] Le même jour, elle soumet quelques demandes particulières à la gestionnaire de la DEAI, Mme Belqorchi, afin de connaître l’identité des membres du comité d’entrevue et en vue d’obtenir l’organigramme à jour de cette unité administrative.
[349] Insatisfaite des réponses qu’elle reçoit initialement, Mme Thibault réécrit à Mme Belqorchi, en utilisant une écriture empreinte de sarcasmes et d’ironie.
[350] Elle obtient malgré tout l’organigramme de la DEAI à jour. De même, Mme Belqorchi lui fournit, comme demandé, l’identité et les titres des personnes devant siéger avec elle sur le comité d’entrevue indépendant qu’elle a formé[47].
[351] L’entrevue se tient le 17 février 2021, sous l’égide de Mme Belqorchi, qui est assistée par deux membres indépendants.
[352] Une fois de plus, Mme Thibault enregistre la rencontre à l’insu de ses interlocuteurs.
[353] L’entrevue, que la Commission a pu écouter, s’avère désastreuse pour Mme Thibault, et ce, en raison de son propre comportement.
[354] En effet, au bout de quelques échanges de politesse et des questions d’usage, elle adopte soudainement un discours sarcastique, revanchard, véhément, voire agressif, tout en accusant Mme Belqorchi d’être de mauvaise foi.
[355] De l’avis de la Commission, loin d’illustrer une véritable volonté d’obtenir le poste en question, la conduite adoptée par Mme Thibault ce jour-là tend plutôt à faire étalage de son mécontentement envers son passage précédent à la DEAI ou à rechercher des renseignements ou des admissions susceptibles d’alimenter son dossier de plainte de harcèlement psychologique[48].
[356] Quoi qu’il en soit, Mme Thibault soutient, de façon peu convaincante, qu’elle n’était pas elle-même à ce moment en raison de sa grande nervosité, de sa confusion et de son mauvais état d’esprit.
[357] Bien entendu, sa candidature n’est pas retenue par la DEAI à cette occasion, alors que le poste d’enquêteur est obtenu par son ancien collègue, M. Louis Gamache.
[358] En dépit de cela, Mme Thibault écrit à Mme Belqorchi, le 10 mars 2021, afin d’accuser réception de la décision du comité de ne pas retenir sa candidature, mais ajoute se questionner « sur l’équité et l’impartialité de ce processus ».
[359] Depuis janvier 2022, Mme Thibault occupe un nouvel emploi ailleurs dans l’administration publique québécoise.
[360] En définitive, après analyse de la preuve documentaire et testimoniale au dossier, et pour l’ensemble des motifs discutés plus haut, la Commission conclut que Mme Thibault ne s’est pas déchargée du fardeau de preuve qui lui incombait de démontrer, par prépondérance des probabilités, qu’elle a fait l’objet de harcèlement psychologique, au sens de la LNT.
[361] En effet, les éléments dénoncés par Mme Thibault ne constituent pas des manifestations de harcèlement psychologique.
[362] Cela ne signifie pas pour autant que tout s’est déroulé de manière idéale ou parfaite au sein de la DEAI pendant la période où Mme Thibault y travaillait, ni que cette dernière n’ait pu ressentir les sentiments et les émotions qu’elle allègue avoir éprouvés, mais l’appréciation objective des événements ne permet pas de conclure à une conduite vexatoire à son endroit.
[363] En outre, dans les circonstances, la Commission juge que le ministère a pris les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique et pour faire cesser toute conduite susceptible de s’y apparenter.
[364] En conséquence, le recours de Mme Andrée Thibault est donc rejeté.
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE :
REJETTE le recours de Mme Andrée Thibault.
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| Original signé par Pierre Arguin | |
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Mme Andrée Thibault | ||
Partie demanderesse | ||
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Me Jean-François Dolbec BOUCHARD DOLBEC AVOCATS, S.E.N.C.R.L. | ||
Procureur du ministère des Transports et de la Mobilité durable
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M. Martin St-Louis Partie intervenante | ||
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Lieu de l’audience : |
Audiences tenues par visioconférence | |
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Dates de l’audience : | 11 mai 2021, 13 septembre 2021, 25 octobre 2021, 4 novembre 2021, 10 novembre 2021, 14 décembre 2021, 16 décembre 2021, 10 février 2022, 28 février 2022, 4 mai 2022, 16 mai 2022, 17 mai 2022, 19 janvier 2023, 20 janvier 2023, 1er février 2023, 2 février 2023, 7 février 2023, 8 février 2023, 9 février 2023, 21 février 2023, 22 février 2023, 23 février 2023, 27 février 2023, 23 mai 2023, 26 mai 2023, 13 septembre 2023, 18 septembre 2023, 20 septembre 2023, 22 septembre 2023, 2 octobre 2023, 26 octobre 2023, 7 novembre 2023, 15 décembre 2023, 31 janvier 2024 et 1er février 2024 | |
[1] RLRQ, c. N-1.1 (la LNT).
[2] Thibault et Ministère des Transports et de la Mobilité durable, 2021 QCCFP 9.
[3] Il appert qu’elle soit aux prises avec d’importants problèmes de santé. Mme Pipon n’a pas non plus témoigné à l’audience.
[4] Le soussigné a été assigné au dossier en juin 2022, soit après la 12e journée d’audience, en remplacement de la membre, Me Caroline Gagnon; celle-ci ayant quitté la Commission en raison de sa nomination à titre de juge administrative au Tribunal administratif du Québec.
[5] En outre, l’emploi plus fréquent du genre masculin dans la présente décision ne vise qu’à en alléger le texte.
[6] RLRQ, c. L-6.2.
[7] Un faux compte Facebook aurait été ouvert au nom et à l’insu d’un employé du ministère par un de ses collègues afin de lui nuire.
[8] Référence est faite ici aux quatre dossiers de consultations pornographiques qui lui ont été assignés au début de 2018.
[9] Il réfère à cet effet à un « solide » travail de documentation d’audit qu’elle a effectué à l’égard d’une problématique de fractionnement de contrats.
[10] Desbiens et Secrétariat du Conseil du trésor, 2018 QCCFP 15; Bouchard et Ministère des Transports, 2020 QCCFP 19; Tremblay et Directeur général des élections du Québec, 2020 QCCFP 30; Gosselin et Secrétariat du Conseil du trésor, 2021 QCCFP 20; Couillard et Ministère des Transports et de la Mobilité durable, 2023 QCCFP 32.
[11] A et Compagnie A, 2012 QCCRT 150, par. 148-150.
[12] Centre hospitalier régional de Trois-Rivières (Pavillon St-Joseph) et Syndicat professionnel des infirmières et infirmiers de Trois-Rivières (Syndicat des infirmières et infirmiers Mauricie/Cœur‑du‑Québec), (Lisette Gauthier), 2006 CanLII 91865 (QC SAT), par. 164-181. (Centre hospitalier régional de Trois-Rivières (Pavillon St-Joseph)).
[13] Centre hospitalier régional de Trois-Rivières (Pavillon St-Joseph), précité, note 12, par. 188‑189; Syndicat de l’enseignement de la Rivière-du-Nord et Commission scolaire de la Rivière-du-Nord (Frédéric Bacon), 2016 CanLII 58962 (QC SAT), par. 119; Syndicat de l’enseignement de la Rivière‑du‑Nord); Bangia c. Nadler Danino S.E.N.C., 2006 QCCRT 419, par. 95-102 (Bangia).
[14] Centre hospitalier régional de Trois-Rivières (Pavillon St-Joseph), précité, note 12, par. 186; Lefrançois et Ministère de la Cybersécurité et du Numérique, 2022 QCCFP 23, par. 58.
[15] V. notamment : Bangia, précité, note 13, par. 95-96.
[16] Syndicat de la fonction publique et Québec (Gouvernement du), (M.K.), 2010 CanLII 102249 (QC SAT), par. 290.
[17] Centre hospitalier régional de Trois-Rivières (Pavillon St-Joseph), précité, note 12, par. 188; Syndicat des salariées et salariés des Caisses populaires du Saguenay-Lac-St-Jean (CSN) et Caisses populaires du Saguenay-Lac-St-Jean-Caisse populaire de Laterrière (grief collectif), 2007 CanLII 90732 (QC SAT), par. 212; G.F. c. Dispro inc., 2014 QCCRT 0389, par. 157.
[18] Il est à noter que cette enquête ne portait pas sur une allégation de harcèlement psychologique au travail.
[19] Témoignage de Mme Andrée Thibault rendu le 11 mai 2021.
[20] Il mentionne l’avoir appris à l’audience.
[21] La gestionnaire interrogée, ayant également témoigné devant la Commission, à la demande de Mme Thibault.
[22] La réduction des délais de production des rapports d’enquête de la DEAI faisait alors également partie des préoccupations du sous-ministre.
[23] Plusieurs versions ont précédé la production du rapport final.
[24] À l’audience, Mme Thibault reconnaît que le ton de Mme Pipon était dénué de cris.
[25] Outre M. St-Louis et Mme Thibault, sont aussi présents à cette rencontre, Mmes Isabelle Pipon, Kathy Couillard et Gina Rochette, ainsi que Mrs Bruno Ouellet et Louis Gamache. Mme Stéphanie Morin, adjointe administrative à la DEAI, est également présente.
[26] Voir : Centre hospitalier régional de Trois-Rivières (Pavillon St-Joseph), précité, note 12, par. 167; Syndicat du personnel de soutien de Dawson c. Collège Dawson (Brian Rahilly), 2011 CanLII 7713 (QC SAT), par. 301.
[27] Centre hospitalier régional de Trois-Rivières (Pavillon St-Joseph), précité, note 12, par. 222.
[28] La plupart des témoins présents lors de cette réunion ont utilisé le terme « hits » pour référer au nombre de requêtes ou d’accès informatiques d’un usager à un serveur informatique.
[29] Lefrançois et Ministère de la Cybersécurité et du Numérique, 2022 QCCFP 23, par. 60.
[30] Mme Thibault ne fait pas de reproche à M. Ouellet ou à M. St-Louis à ce sujet.
[31] Certaines de ces conversations ont été conservées par Mme Thibault, tout en étant produites à titre de pièces. D’autres n’ont pu être retrouvées.
[32] Ces difficultés et irritants sont majoritairement exposés plus haut dans la présente décision.
[33] RLRQ, c. F-3.1.1, art. 127 et 33. Mme Thibault n’a pas intenté de recours en vertu de ces dispositions législatives.
[34] Elle reçoit cet appel le 21 mai 2019.
[35] RLRQ, c. A-33.2.1, (la Loi sur l’AMP).
[36] Loi sur l’AMP, art. 263 (2). Notre soulignement.
[37] L’article 20(2) de la Loi sur l’AMP définit un « organisme public » au sens de cette loi comme étant « un organisme visé à l’article 4 ou à l’article 7 de la Loi sur les contrats des organismes publics ou un organisme municipal ». Or, « les ministères du gouvernement » sont des organismes publics au sens de l’article 4(1) de la Loi sur les contrats des organismes publics, RLRQ, c. C-65.1.
[38] L’AMP ayant notamment compétence pour traiter la plainte à la suite de la décision rendue, le cas échant, par le ministère à l’égard de celle-ci. V. Loi sur l’AMP, art. 36 et s.
[39] De janvier 2019 à juin 2019, elle assume les fonctions de cheffe de service, soit responsable de la section d’audit de la DEAI.
[40] Ayant eu à diriger la DEAI à compter de cette période, elle ne peut que s’inscrire en faux, lors de son témoignage, que cette unité ait pu être « abolie » ou « dissoute ».
[41] Elle en assurait encore la direction au moment de son témoignage rendu le 15 décembre 2023.
[42] Les deux premiers étaient des enquêteurs-informatiques, tandis que les seconds étaient des enquêteurs réguliers.
[43] Tel était également le cas du poste de Mme Pipon.
[44] Le CGER faisait alors l’objet d’une enquête externe de harcèlement psychologique, d’où le sentiment de suspicion de ses futurs collègues, selon Mme Thibault.
[45] Il estime à 14 jours le temps normalement alloué aux unités administratives du ministère pour préparer l’accueil d’un nouvel employé.
[46] Le programme en question prévoit un nombre déterminé de séances par année financière, dont les frais pouvaient être remboursés. Une année financière débute le 1er avril et se termine au 31 mars suivant.
[47] Un comité indépendant a été formé par Mme Belqorchi en raison de l’existence de plaintes déposées devant la Commission de la fonction publique par certains candidats à l’entrevue, dont Mme Thibault. Les deux membres qui l’accompagnent proviennent respectivement de la Direction générale des ressources humaines et de la Direction de la gestion intégrée des risques organisationnels.
[48] La plainte de Mme Thibault à la Commission de la fonction publique ayant été déposée le 1er octobre 2020.
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