Décision

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Gabarit EDJ

Maher-Perron c. Primeau Vélo inc.

2017 QCCQ 11236

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

LAVAL

LOCALITÉ DE

LAVAL

« Chambre civile »

N° :

540-32-030021-164

 

 

 

DATE :

28 septembre 2017

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE

PIERRE CLICHE, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

WILLIAM MAHER-PERRON

Demandeur

c.

PRIMEAU VÉLO INC.

Défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]              Le demandeur réclame à défenderesse la somme de 943,91 $ en application de la garantie légale de qualité (vices cachés) à la suite de l’achat d’un vélo de route.

[2]              La défenderesse conteste le bien-fondé de cette réclamation soutenant que le bris de ce vélo résulte de sa mauvaise utilisation par le demandeur.

Les questions en litige

1.            Le vélo acquis par le demandeur auprès de la défenderesse était-il atteint d’un vice caché?

2.            Dans l’affirmative, quelle est la valeur de l’indemnité que le demandeur est en droit de recevoir?

LES FAITS

[3]              Sans reprendre l’ensemble des faits mis en preuve lors de l’audition, les plus pertinents retenus par le Tribunal se résument comme suit.

[4]              Le 18 juillet 2014, le demandeur fait l’acquisition, auprès de la défenderesse, d’un vélo de route à l’état neuf de marque Argon 18, modèle Crypton, au prix de 1 898,08 $, taxes incluses.[1]

[5]               Le demandeur est un jeune homme ayant accumulé des économies afin d’être en mesure de procéder, pour la première fois, à l’achat de ce type de vélo de qualité supérieure muni d’un cadre en fibres de carbone et de pédales à calles automatiques.

[6]              Le 16 juin 2015, il se rend avec des amis à Montréal dans le but de gravir, avec son vélo, la voie Camilien-Houde qui se situe à l’intérieur d’une partie du parc du Mont-Royal.

[7]               Après avoir amorcé son ascension et au moment de passer à une vitesse inférieure à l’aide de son dérailleur, celui-ci a soudainement cassé ou s'est détaché et est venu frapper et abîmer en partie le hauban de son vélo.[2]

[8]              Le demandeur dit avoir réussi à mettre un pied au sol et ne pas être tombé au moment de l’incident.

[9]              Son vélo est par la suite mis dans le coffre arrière du véhicule d’un de ses amis sans trop de précautions alors que d’autres objets s’y trouvent.

[10]           Le demandeur soutient qu’au moment de cet incident, il avait parcouru environ 600 km sur son vélo et qu’en aucun temps il n’a chuté, lors de ses diverses sorties, ni que son vélo a pu subir des dommages à l’exception d’égratignures à l’extrémité du pédalier droit suivant son frottement, à quelques occasions, sur la bordure de trottoirs.

[11]           Il ajoute qu’avant l’incident survenu le 16 juin 2015, son vélo n’a jamais été transporté à l’aide d’un support installé sur un véhicule ou autrement.

[12]           Durant la période hivernale, il dit l’avoir entreposé à l’intérieur de la résidence de ses parents, soit plus particulièrement dans leur salon, et ce, tel que confirmé par son père, monsieur André Perron.

[13]           Le 17 juin 2015, le demandeur laisse son vélo abîmé à la place d’affaires de la défenderesse.

[14]           Quelques semaines plus tard, un représentant de cette dernière l’avise qu’elle refuse d’assumer quelques responsabilités que ce soit à propos du   bris de son vélo et que celui-ci nécessite le remplacement de son cadre et de son dérailleur, pour une somme de plus de 1 000,00 $, ou des réparations qui peuvent être effectuées chez un tiers spécialisé dont les coûts ne lui sont pas estimés.

[15]           Le 24 juillet 2015, le demandeur avise par écrit la défenderesse qu’il la tient responsable des bris de son vélo.[3]

[16]           Au cours des jours suivants, le président de la défenderesse, monsieur Éric Primeau, lui répond par écrit, entre autres, ce qui suit :

« Après avoir examiné le vélo et ses composantes, nous arrivons à la conclusion que le bris du dérailleur ne résulte pas d’un défaut de fabrication et/ou d’assemblage, mais plutôt de l’utilisation faite par l’usager.

 À l’achat d’un vélo, Primeau Vélo offre un service de garantie couvrant l’ajustement des freins et des vitesses valide pour un an suivant la date d’achat, et ce, tout à fait gratuitement. Après avoir vérifié votre dossier client, nous avons constaté que vous n’avez jamais fait faire ces ajustements de garantie, ce qui pourrait expliquer le problème survenu avec votre dérailleur.»[4]

[17]            Le 25 mai 2016, le demandeur met la défenderesse en demeure de lui verser la somme de 943,91 $ après avoir obtenu une estimation de la compagnie Quilicot à la suite de l’examen de son vélo.[5]

[18]           Au moment de l’instruction, le demandeur a reconnu que cette entreprise avait procédé aux réparations requises, et ce, à un coût moindre.

[19]           À la demande du Tribunal, le demandeur a fourni, dans le délai requis[6], la facture finale (reçu de vente) et la preuve de son paiement, le tout pour un montant de 789,83 $, taxes incluses.

[20]           Le demandeur a reconnu que sa réclamation doit être réduite à cette somme.

[21]           Sur le reçu de vente est émis par la compagnie Quilicot, on peut y lire le texte suivant :

 

« Description du problème : la patte de dérailleur devait être croche et lorsqu’il a remonter les vitesses le dérailleur a accrocher la roue et tout a arracher, le cadre à été réparé, il reste à complété la réparation.»

(Sic)

[22]           La défenderesse, par son président, monsieur Primeau et son assistant-gérant, monsieur Jérémie-Olivier Thibault, soutient elle aussi que le bris constaté sur le vélo du demandeur résulte du fait que son dérailleur était nécessairement croche ou désaligné, vers l’intérieur de la roue arrière, résultat d’une chute du vélo sur son côté droit.

[23]           Pour appuyer leurs dires, messieurs Primeau et Thibault réfèrent le Tribunal à diverses photographies du vélo en litige montrant des marques d’usure sur sa selle, son dérailleur et sur son pédalier se trouvant du même côté.[7]

[24]           Monsieur Primeau ajoute avoir constaté la présence de sable et de saleté dans les plateaux d’engrenage du vélo, mais il reconnait que ce seul fait ne peut être à l’origine du bris.

[25]           Le demandeur soutient que la selle de son vélo et d’autres parties ont pu être abîmées dans les instants suivant l’incident du 16 juin 2015, soit au moment de le mettre et de le transporter, sans précaution, dans le véhicule d’un de ses amis.

[26]           De plus, il souligne l’absence de dommages sur son guidon et ses manettes de vitesse, démontrant ainsi, selon lui, que son vélo n’a pas fait l’objet d’une chute sur son côté droit.

[27]           Enfin, il reconnaît ne pas avoir procédé à une mise au point de son vélo, avant le 16 juin 2015, croyant qu’il avait jusqu’au 14 juillet suivant pour ce faire, conformément à la garantie offerte par la défenderesse.

ANALYSE ET DÉCISION

1.         Le vélo acquis par le demandeur auprès de la défenderesse était-il atteint d’un vice caché?

[28]        Une réponse affirmative doit être donnée à cette question pour les raisons suivantes.

 

 

 

[29]           Le demandeur a le fardeau de prouver le bien-fondé de sa réclamation et les faits qui la soutiennent selon la balance des probabilités.[8]

[30]           La vente d’un vélo de route, par un commerçant en semblable matière, est soumise à la fois aux dispositions pertinentes prévues à la Loi sur la protection du consommateur[9] et celles du Code civil du Québec.

[31]           Par conséquent, la défenderesse est tenue à une obligation de garantie de qualité des vélos qu’elle vend, tant en vertu des articles 37 et 38 de la Lpc que de l’article 1726 C.c.Q. :

Article 37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.

Article 38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.

Article 1726. Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus.

 

Il n’est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l’acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

 

[32]           Les dispositions prévues à l'article 37 de la Lpc, traitent plus spécifiquement de la garantie d'usage normal alors que celles énoncées à l'article 38, concernent la garantie de durabilité raisonnable.

[33]           La garantie d'usage normal, implique que le consommateur doit pouvoir faire un usage normal du bien qu'il achète, c'est-à-dire qu'il doit être exempt de défaut qui empêche l'usage auquel il est normalement destiné.

[34]           Quant à la garantie de durabilité raisonnable, celle-ci implique qu'au moment de la vente, le vélo doit être utilisable pendant une durée raisonnable.

[35]           En ce qui concerne l'application des garanties prévues aux articles 37 et 38 de la Lpc, les auteurs Nicole L'Heureux et Marc Lacoursière, dans leur ouvrage intitulé «Droit de la consommation», [10] affirment ce qui suit : 

« Par les articles 37 et 38, le législateur veut empêcher que des biens qui ne procurent pas un usage normal ou qui sont invendables parce qu'ils ne répondent pas à leur finalité, ni à l'attente légitime du consommateur, soient mis en marché. La notion d'usage normal est très voisine de celle des défauts cachés. Les critères traditionnels nécessaires à la détermination d'un vice caché, soit que le vice soit caché et non apparent, inconnu de l'acheteur, antérieur à la vente et suffisamment grave, se retrouvent en droit de la consommation. Toutefois, vu la présence d'une présomption, la démonstration en preuve de certains de ces critères s'en trouve facilité.»[11]

[36]           Quant à la notion d’attente légitime du consommateur, ils ajoutent :

« (…) Il arrive que le bien ou le service ne soient pas conformes à l'attente légitime du consommateur sans pour cela être altérés ou détériorés. Le professeur Jean Calais-Auloy donne l'exemple d'un produit de qualité inférieure vendu comme un produit de qualité inférieure vendu comme un produit de qualité supérieure. L'attente légitime s'apprécie en fonction de divers facteurs : la nature du produit, sa destination, l'état de la technique, les informations données par le fabricant et le distributeur, et les stipulations du contrat. L'attente légitime est celle du consommateur; il n'appartient pas au commerçant ni au fabricant de la déterminer.  [12]

 (…) L'article 1726 du Code civil reprend les mêmes termes en plus d'ajouter: «[…] ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté ou n'aurait pas donné un si haut prix, s'il les avait connus».

 Ce principe, qu'énoncent le Code civil du Québec et l'article 37, a pour effet d'imposer au fabricant et au commerçant un résultat précis de ne pas fournir un produit qui ne répond pas à l'attente raisonnable du consommateur ou qui est défectueux.[13]»

[37]           De plus, le regretté Claude Masse, dans son ouvrage intitulé «La Loi sur la protection du consommateur, analyse et commentaires»,[14] fait le lien entre la garantie de qualité du Code civil du Québec et la protection accordée au consommateur par les articles 37 et 38 de la Lpc de la façon suivante:

La garantie que l’on trouve à l’article 37 L.P.C. à l’effet que le bien acheté doit pouvoir servir à l’usage auquel il est normalement destiné est une manifestation et l’une des applications les plus importantes de la notion de vice caché. On doit donc constater que l’on ne s’écarte pas ici de cette nation fondamentale en droit civil québécois, et ce, malgré une controverse à cet effet soulevée par certaines décisions que nous rapportons dans ce qui va suivre. La jurisprudence majoritaire est maintenant à l’effet que les articles 37 et 38 L.P.C. constituent des applications particulières de la notion de vice caché, concept que l’on retrouve d’ailleurs à titre de fondement de l’article 53 de la L.P.C.

Le bien doit donc pouvoir servir les attentes raisonnables et normales du consommateur. Cette règle n’est pas nouvelle. On retrouve cette approche dans la formulation du nouvel article 1726 C.c.Q. lui-même (tout comme à l’ancien 1522 C.c.B.-C.) qui déclare que le vice caché est celui qui rend le bien « impropre à l’usage auquel on le destine ». Cette garantie légale a été invoquée devant nos tribunaux et utilisée à un grand nombre de reprises, comme on pourra le constater ici.

À propos de l’article 37 L.P.C., nos tribunaux s’accordent dans l’ensemble pour déclarer que :

[…]

3- Il s’agit là d’une application particulière de la notion de vice caché;

         […][15]

 

[38]           Pour sa part, le consommateur n'est tenu qu'à un examen ordinaire d’un vélo avant son achat, et ce, en vertu du premier alinéa de l'article 53 de la Lpc.[16], comme le ferait une personne faisant preuve de diligence moyenne.

[39]           Par conséquent, la loi n'exige pas du consommateur qu'il retienne les services d'un expert pour procéder à l'inspection préachat d’un vélo.

[40]           En ce qui concerne les dispositions pertinentes prévues au Code civil du Québec, le législateur a adopté un cadre juridique spécifique prévoyant des responsabilités pour le vendeur, et ce, afin qu'il assure à l'acheteur la pleine jouissance du bien vendu.

[41]           Une des garanties du droit de propriété, énoncée à son article 1726, est la garantie légale de qualité, communément appelée la garantie contre les vices cachés.

[42]           Pour répondre aux exigences de la garantie légale de qualité, le vice doit réunir les conditions suivantes :

1)           être caché;

2)           être inconnu de l'acheteur;

3)           être important;

4)           être antérieur à la vente et

5)          avoir fait l'objet d'une dénonciation écrite dans un délai raisonnable de la découverte du vice.

[43]           La jurisprudence reconnaît trois principales formes de vices qui compromettent l'utilité du bien vendu, soit:

1.         la défectuosité matérielle qui survient lorsque le bien livré est détérioré ou défectueux;

2.         une défectuosité fonctionnelle lorsque le bien est partiellement ou totalement incapable de servir à son usage usuel et normal;

3.         la défectuosité conventionnelle, soit lorsque le bien est incapable de servir à l'usage spécifique dont les parties avaient convenu lors de la conclusion du contrat de vente[17].

 

 

[44]        De plus, étant donné que la défenderesse est une vendeuse professionnelle de vélos, elle est présumée connaître les défauts cachés affectant ceux qu'elle vend, et ce, conformément l'article 1729 du Code civil du Québec et au troisième alinéa de l'article 53 de la Lpc:

Article 1729. En cas de vente par un vendeur professionnel, l'existence d'un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de mêmes espèces; cette présomption est repoussée si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l'acheteur.

 

Article 53 (3).  Ni le commerçant, ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu'ils ignoraient ce vice ou ce défaut.

 

(Soulignement ajouté)

 

[45]           Enfin, lorsqu’un commerçant manque à une obligation prévue à la Lpc, l’article 272 de cette loi prévoit ce qui suit :

Article 272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l'article 314 ou dont l'application a été étendue par un décret pris en vertu de l'article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:

 

 a) l'exécution de l'obligation;

 

 b) l'autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;

 

 c) la réduction de son obligation;

 

 d) la résiliation du contrat;

 

 e) la résolution du contrat; ou

 

 f) la nullité du contrat,

 

sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.

 

[46]           Dans le présent cas, la preuve démontre que le vélo vendu par la défenderesse au demandeur, après avoir seulement parcouru environ 600 km, a subi un bris important nécessitant des réparations d’une valeur de près de 800,00 $.

[47]            En vertu des articles 53 (3) de la Lpc et 1729 du Code civil du Québec, l’existence d’un vice affectant ce vélo, au moment de son acquisition par le demandeur en juillet 2014, est présumée.

[48]           De plus, la cause ou la nature du vice n’a pas à être démontrée par l’acheteur dans le cadre de l’application des garanties légales prévues à la Lpc et au Code civil du Québec.

[49]           Il revenait alors à la défenderesse de démontrer, par prépondérance de preuve, que ce bris résulte d’une mauvaise utilisation du vélo par le demandeur, soit du fait que celui-ci est soit tombé au sol ou fut abîmé autrement, occasionnant ainsi le désalignement de son dérailleur.

[50]           Cependant, il ne suffit pas à la défenderesse, pour se décharger de son fardeau de preuve, de soulever un simple doute à ce sujet.[18]

[51]           Quoique le bris du vélo du demandeur semble résulter du désalignement de son dérailleur, il revenait à la défenderesse de démontrer que ce fait est survenu après le 18 juillet 2014 et est dû à sa mauvaise utilisation par le demandeur.

[52]           Or, la partie qui assume le fardeau de la preuve doit démontrer que le fait litigieux est non seulement possible, mais probable.

[53]           La probabilité n'est pas seulement prouvée par une preuve directe, mais aussi par les circonstances et les inférences qu'il est raisonnablement possible d'en tirer.  

[54]           En d’autres termes, le Tribunal doit déterminer ce qui est le plus probable et vraisemblable qu’improbable ou invraisemblable.

[55]           Cependant, lorsque la preuve offerte de part et d’autre est contradictoire, le Tribunal doit examiner tous les éléments qui lui ont été présentés et c’est seulement lorsque cet examen s’avère infructueux qu’il peut trancher le litige contre la partie à qui incombait le fardeau de la preuve.

[56]           Enfin, le nombre de témoins entendus à l’audience, à propos de l’existence ou l’inexistence d’un fait, n’est pas en soi déterminant, mais constitue une assise sur laquelle le Tribunal peut se fonder pour faire pencher la prépondérance des probabilités d’un côté plutôt que de l’autre, et ce, lorsqu’il est confronté à des versions contradictoires.  

[57]           Dans le présent cas, le demandeur a rendu un témoignage sincère, crédible et sans faux-fuyants à propos de l’utilisation de son vélo, préalablement à son bris, incluant le fait que celui-ci ne soit jamais tombé ni subi de coups ayant pu désaligner son dérailleur.

[58]           Le Tribunal n’a pas de motifs lui permettant de rejeter son témoignage ni de favoriser ceux rendus par messieurs Primeau et Thibault.

[59]           Comme le souligne le juge de Gabriel de Pokomandy, c.Q., dans l’affaire Eustache c. La Compagnie d’assurance Bélair inc.[19], relativement à la qualité d’un témoignage rendu à l’audience :

«[40]   Les critères retenus par la jurisprudence pour jauger la crédibilité, sans prétendre qu’ils sont exhaustifs, peuvent s’énoncer comme suit :

1.      Les faits avancés par le témoin sont-ils en eux-mêmes improbables ou déraisonnables?

2.     Le témoin s'est-il contredit dans son propre témoignage ou est-il contredit par d'autres témoins ou par des éléments de preuve matériels?

3.     La crédibilité du témoin a-t-elle été attaquée par une preuve de réputation?

4.      Dans le cours de la déposition du témoin, y a-t-il quoi que ce soit qui tend à le discréditer?

5.      La conduite du témoin devant le tribunal et durant le procès révèle-t-elle des indices permettant de conclure qu'il dit des faussetés?

[41]  Ces critères d'appréciation de la crédibilité doivent être utilisés pour l’appréciation d’un témoignage en tenant compte non seulement de ce qui est dit devant le Tribunal, mais aussi en regard des autres déclarations que le témoin a pu faire ailleurs.»

[60]           Dans le présent cas, le Tribunal estime qu’en regard du témoignage rendu par le demandeur, appuyé en partie par son père et son ami, Leslie Phat Thanh Nguyen[20], une réponse négative doit être donnée à chacune des questions énoncées dans la décision ci-devant mentionnée.

[61]           Par conséquent, la défenderesse n’a pas réussi à se décharger du fardeau de preuve qui reposait sur ses épaules, soit de démontrer que le bris du vélo qu’elle a vendu au demandeur résulte de sa mauvaise utilisation par ce dernier.

[62]           Il en résulte qu’elle doit être tenue responsable de ce bris suivant l’application des garanties légales prévues tant à la Lpc qu’au Code civil du Québec.

2.         Dans l’affirmative, quelle est la valeur de l’indemnité que le demandeur est en droit de recevoir?

[63]           Le demandeur a fait réparer son vélo pour un montant de 789,93 $, taxes incluses, somme qu’il réclame à la défenderesse.

[64]           Celle-ci, tout comme celle estimée au préalable par la compagnie Quilicot, n’a pas fait l’objet de contestation de la part de la défenderesse quant à son caractère juste raisonnable.

[65]           Étant donné l’absence de preuve que ces travaux de réparation ont contribué à donner une plus-value au vélo à litige, il n’y a pas lieu de réduire le montant réclamé par le demandeur afin d’éviter ainsi qu’il se retrouve ainsi avec un bien dont la valeur est augmentée.

[66]           Par conséquent, le demandeur est en droit d’être indemnisé pour la somme qu’il a payée à la compagnie Quilicot pour la réparation adéquate de son vélo de route.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[67]           ACCUEILLE en partie la réclamation du demandeur, monsieur William-Olivier Maher;

[68]           CONDAMNE la défenderesse, Primeau Vélo inc., à payer au demandeur, monsieur William Maher-Perron, la somme de 789,83 $ avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, et ce, à compter du 25 mai 2016, date d’envoi de sa mise en demeure;

[69]           CONDAMNE la défenderesse, Primeau Vélo inc., à payer au demandeur, monsieur William Maher-Perron, les frais de justice au montant de 100,00 $.

 

 

__________________________________

Pierre Cliche, J.C.Q.

 

 

 

Date d’audience :

31 juillet 2017. Dossier mis en délibéré à compter du 8 août 2017.

 



[1]     Pièce P-10.

 

[2]     Tel qu’il appert des photos déposées en pièces P-1.

[3]     Pièce P-3.

 

[4]     Pièce P-4; voir aussi pièce D-4.

 

[5]     Pièce P-8.

 

[6]     Soit avant le 7 août 2017 à 17 heures.

[7]     Photos # 4, 5, 9, 10, 11 et 12 de la pièce D-3.

 

[8]     Article 2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

 

Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.

 

Article 2804. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.

 

[9]     R.L.R.Q. c. P-40.1.

[10]    Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., 6e édition, 2011.

 

[11]    Ibid., page 101, paragraphe 83.

 

[12]    Ibid, page 98, paragraphe 80.

 

[13]    Ibid, page 99, paragraphe 81.

 

[14]    Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., 1999.

 

[15]    Ibid, page 259; Principes repris par la Cour d'appel du Québec dans les arrêts suivants : Martin c. Pierre St-Cyr Auto Caravanes Ltée., 2010 QCCA 420 et Fortier c. Meubles Léon Ltée., 2014 QCCA 195.

 

[16]   Article 53. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d'exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l'objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire.

 

 

[17]    ABB Inc. c. Domtar inc. [2007] CSC 50; Services techniques Claude Drouin inc. c. Ventilateurs TLT Co-Vent inc. (Ventilateurs Co-Vent inc.), 2008 QCCA 951; Immeubles Jacques Robitaille inc. c. Province canadienne des religieux de St-Vincent-de-Paul, 2005 CanLII 43250 (QC CS); (appel rejeté : 2007 QCCA 1184).

 

[18]  Axa Assurances inc. Chrysler Canada Ltée, 2001 CanLII 32781 (CAQC); Demilec c. 2539-2903 Québec inc. (Portes Garex), 2016 QCCS 1459 (décision portée en appel; requête en rejet d’appel rejetée : 2016 QCCA 1440).

[19]    2003 CanLII 3294 (QCCQ).

 

[20]    Suivant sa déclaration pour valoir témoignage datée du 26 septembre 2016.

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