GIE Environnement inc. c. Pétrolière Impériale |
2009 QCCA 2299 |
COUR D'APPEL
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
No: |
500-09-019309-095 |
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(500-17-043189-086) |
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PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE |
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DATE: |
27 novembre 2009 |
CORAM: LES HONORABLES |
JACQUES CHAMBERLAND, J.C.A. |
FRANÇOIS DOYON, J.C.A. |
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NICHOLAS KASIRER, J.C.A. |
APPELANT(ES) |
AVOCAT(S) |
G.I.E. ENVIRONNEMENT INC. |
Me Émilie-Rachel Bannon SIMON & ASSOCIÉS
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INTIMÉ(ES) |
AVOCAT(S) |
PÉTROLIÈRE IMPÉRIALE |
Me Olivier Therrien GOWLING, LAFLEUR, HENDERSON
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MISE EN CAUSE |
AVOCAT(S) |
LE GROUPE CONSEIL G.I.E. INC. |
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En appel d'un jugement rendu le 2 décembre 2008 par l'honorable Pepita G. Capriolo de la Cour supérieure, district de Montréal. |
NATURE DE L'APPEL: |
Irrecevabilité - délai de prescription |
Greffier: Marc Leblanc |
Salle: Pierre-Basile-Mignault |
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AUDITION |
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Dossier continué du 24 novembre 2009 pour qu'arrêt soit déposé. |
Arrêt rendu - voir page 3. |
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Marc Leblanc |
Greffier |
PAR LA COUR
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ARRÊT |
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[1] Entrepreneur spécialisé dans la réhabilitation environnementale, l'appelante prend action contre l'intimée, sa cliente, le 23 mai 2008. Dans une requête introductive d'instance amendée le 30 octobre 2008, elle attribue à l'intimée la responsabilité de la « résiliation du contrat », d'une « faute » et d'un « vice de consentement » pour fonder son recours. L'intimée réplique en déposant une requête en irrecevabilité sous l’article 165 (4) du Code de procédure civile. La requête de l'intimée est accueillie par la Cour supérieure qui rejette alors la demande de l’appelante. La juge voit « une seule cause d'action recevable en droit » avancée dans la requête introductive d'instance (paragr. 47). En tenant les faits allégués dans la requête pour avérés, elle conclut que cette cause d'action est prescrite au plus tard le 20 février 2006.
[2] Le contrat d’entreprise à prix forfaitaire conclu le 13 juin 1997 prévoit que l’entrepreneur doit décontaminer le site d’une ancienne station-service appartenant à l’intimée. Dans sa requête introductive d’instance, l’appelante allègue que l’intimée a dissimulé la véritable étendue de la contamination du site qui provient, en partie, d’un foyer extérieur au terrain de la station-service. L’appelante dit que cela a pour effet de vicier le consentement de son auteur, la mise en cause Le Groupe conseil G.I.E. inc., au contrat de réhabilitation environnementale. La juge retient de sa lecture de la requête de l’appelante que cette dernière a eu connaissance de la faute alléguée, au plus tard en 2003. Citant la lettre envoyée par l’appelante à l’intimée le 20 février 2003, et portant sur une « Demande de compensation financière pour la phase libre d’hydrocarbures sur la partie sud du site d’ESSO », la juge retient la présence des deux autres éléments d’une éventuelle action en responsabilité contractuelle contre l’intimée, à savoir le préjudice subi par l’appelante et le lien causal entre ce préjudice et la dissimulation fautive de l’intimée.
[3] Le droit d’action de l’appelante a alors pris naissance au plus tard en 2003, dit la juge. Puisque l’action qui tend à faire valoir un droit personnel se prescrit, selon l’article 2925 C.c.Q., par trois ans, le recours de l’appelante est irrecevable.
[4] Si tant est que la faute décrite à la requête introductive d'instance amendée constituait le seul fondement du recours de l'appelante, il serait inutile de pousser l'analyse plus loin, mais tel n'est pas le cas ici. En effet, l’appelante fait aussi valoir que la résiliation du contrat par l’intimée le 6 juin 2006 peut servir de fondement à son action. L’article 2129 C.c.Q. prévoit que le client est tenu, lors de la résiliation du contrat, de payer à l’entrepreneur, notamment, les frais et dépenses actuelles, la valeur des travaux exécutés avant la notification de la résiliation, ainsi que tout autre préjudice que l'autre partie a pu subir.
[5] Encore une fois, la Cour supérieure donne tort à l'appelante. Selon la juge, les faits allégués dans les actes de procédures ne peuvent pas soutenir une action fondée sur la résiliation du contrat. La requête, selon la juge, « ne contient aucune allégation ayant trait à la valeur des travaux fournis. Au contraire, G.I.E. admet que le site continue d'être contaminé et qu'elle n'a pas rempli ses obligations » (paragr. 29, souligné dans l'original). Elle poursuit ainsi :
[30] La réparation du « préjudice que l'autre partie a pu subir » est également exclue puisqu'un tel recours implique d'alléguer une faute et un préjudice en lien avec la résiliation du contrat. (W.M.I. Québec inc. c. Brasserie Lafontaine inc. (C.Q.), 97BE-361.) La requête introductive d'instance ne contient aucune allégation en ce sens.
[31] Les faits allégués ne peuvent pas soutenir une action fondée sur la résiliation du contrat. Qu'il s'agisse de réclamer le solde impayé, le coût des travaux supplémentaires ou quelque autre somme que ce soit, rien dans la procédure n'explique en quoi ces réclamations seraient liées à la résiliation survenue en 2006.
[6] La Cour ne partage pas cet avis. Les faits et réclamations formulés dans la requête introductive d'instance peuvent fonder une demande de compensation par l'appelante en vertu de l'article 2129 C.c.Q. à la suite de la résiliation du contrat.
[7] L’article 2125 C.c.Q. donne à l’intimée, en tant que client du contrat d’entreprise, un droit de résilier le contrat unilatéralement, que l'on a utilement qualifié de « faculté de répudiation » par opposition à une répudiation exercée de manière fautive ou pour sanctionner l'inexécution de l'autre partie[1]. Mais la résiliation ne peut pas se faire sans égard aux conséquences pour l’entrepreneur qui, quant à lui, a droit à une compensation pour certains frais encourus lors de l’exécution partielle du contrat.
[8] Bien entendu, le régime de compensation de l’article 2129 C.c.Q. n’en est pas un de responsabilité civile au sens fort du terme. Il ne s’agit pas de payer à l’entrepreneur des dommages-intérêts à titre d’« exécution par équivalent » de l’obligation du client à la suite d'une quelconque faute de sa part. Comme l’explique le professeur Jacques Deslauriers :
La résiliation unilatérale selon l’article 2125 C.c.Q. étant un droit, il n’y a pas lieu d’évaluer les dommages selon les articles 1611 et suivant C.c.Q., en accordant à l’entrepreneur les profits qu’il aurait faits si le contrat avait été exécuté, ni une indemnité équivalant au prix des travaux. L’entrepreneur ou le prestataire de services a néanmoins le droit d’être remboursé des dépenses encourues et des dommages effectivement subis [...][2].
[9] De plus, il ne s’agit pas nécessairement de dédommager l’appelante pour toutes les pertes qu’elle dit avoir subies - l’article 2129 C.c.Q. édicte que la compensation due à l’entrepreneur doit être fixée « en proportion du prix convenu ». L’appelante réclame divers montants dans sa requête (paragr. 142 et suiv.). Une partie de ces montants pourrait être compensée en vertu de la règle énoncée à l’article 2129 C.c.Q., notamment sous le poste « solde impayé du contrat P-1 », si la preuve du montant précis de la valeur des travaux effectués, des frais et dépenses actuelles ou autre préjudice subi par l'appelante était faite lors de l'enquête au fond.
[10] À ce stade du dossier, la Cour estime donc qu'il serait prématuré, voire imprudent, de mettre fin au recours de l'appelante.
POUR CES MOTIFS, LA COUR :
[11] ACCUEILLE l'appel, avec dépens;
[12] INFIRME le jugement dont appel; et,
[13] REJETTE la requête en irrecevabilité, frais à suivre le sort du litige en première instance.
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JACQUES CHAMBERLAND, J.C.A. |
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FRANÇOIS DOYON, J.C.A. |
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NICHOLAS KASIRER, J.C.A. |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.