Décision

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Denommé c. Kia Canada inc.

2020 QCCQ 800

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

SAINT-MAURICE

LOCALITÉ DE

SHAWINIGAN

« Chambre civile »

N° :

410-32-700373-198

 

 

 

DATE :

 13 février 2020

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

PIERRE ALLEN, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

JOSÉE DENOMMÉ

Demanderesse

c.

KIA CANADA INC.

Défenderesse

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           La demanderesse allègue que le moteur de son véhicule, dont la défenderesse est le fabriquant, est affecté d’un vice caché couvert par les garanties légales des articles 37 et 38 de la Loi sur la protection du consommateur. Elle prétend par ailleurs que le type de moteur de son véhicule fait l’objet d’un rappel que la défenderesse refuse sans droit de reconnaître. Elle lui réclame le coût de remplacement du moteur et des dommages-intérêts.

[2]           La défenderesse conteste et nie responsabilité. Elle plaide comme premier motif que le type de moteur dont est muni le véhicule de la demanderesse n’est pas visé par la campagne de rappel et que, comme deuxième motif, les bris du moteur ne sont pas attribuables à un vice de fabrication, mais plutôt à un défaut d’entretien du véhicule par le propriétaire antérieur de qui la demanderesse a acheté le véhicule.

 

 

CONTEXTE

[3]           Le 19 avril 2017, la demanderesse achète d’un particulier un véhicule automobile KIA Sportage 2012 équipé d’un moteur de 2.4 litres et dont l’odomètre indique 160 000 km. Le prix de vente est de 10 250 $.

[4]           Au début du mois d’avril 2019, elle constate que le moteur claque et perd de la puissance. Elle se rend chez le concessionnaire KIA de Trois-Rivières qui conclut que les cylindres sont endommagés par des particules métalliques à un point tel que le moteur doit être remplacé.

[5]           Malgré les demandes de la demanderesse et du concessionnaire KIA de Trois-Rivières auprès de la défenderesse afin qu’elle assume le coût des réparations en vertu d’une campagne de rappel de Transports Canada concernant divers véhicules KIA, dont les modèles Sportage des années 2011 à 2013 équipés de moteurs 2.4 litres, la défenderesse refuse d’assumer le coût des réparations au motif que le type d’injection du moteur du véhicule de la défenderesse ne serait pas visé par la campagne de rappel.

[6]           Le 29 avril 2019, la demanderesse met la défenderesse en demeure de procéder sans frais au remplacement du moteur. La défenderesse n’y donne pas suite.

[7]           Au moment de sa dernière utilisation le 16 mai 2019, le véhicule avait accumulé 173 000 km au compteur. Au jour de l’instruction, la demanderesse est toujours propriétaire du véhicule et n’a pas fait faire les réparations.

ANALYSE

a.    Responsabilité de la défenderesse

i.     Garanties légales

[8]          La Loi sur la protection du consommateur (L.P.C.) prévoit des garanties légales applicables à la vente d’un bien à un consommateur par un consommateur dont celle de l’usage normal du bien vendu[1] et celle de sa durabilité eu égard à son prix, aux clauses du contrat et à l’utilisation qui en est faite[2]. Ces garanties ne sont qu’une application particulière de la notion de vice caché prévue à l’article 53 de cette même loi[3].

 

[9]          Les dispositions de la Loi sur la protection du consommateur sont d’ordre public de telle sorte que le commerçant ne peut pas, même par convention intervenue avec le consommateur, se dégager des obligations prévues à cette Loi. Ainsi, le fabricant ou le commerçant qui a vendu le bien peut accorder une garantie conventionnelle, mais celle-ci ne peut pas être moins avantageuse pour le consommateur que celle dont celui-ci bénéficie en vertu de la L.P.C.[4]

[10]        Le défaut d’usage ou de durabilité d’un bien vendu par un commerçant est présumé connu du vendeur s'il y a mauvais fonctionnement du bien ou détérioration prématurée par rapport à des biens identiques[5].

[11]        Lorsque le commerçant manque à son obligation, le consommateur qui a acheté le bien peut exercer les recours prévus[6] contre le commerçant qui lui a vendu le bien et contre le fabricant du bien[7]. Par ailleurs, un recours contre le fabricant fondé sur une obligation résultant des articles 37 ou 38 peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien[8].

[12]        L’acheteur qui prétend que le bien acheté est affecté d’un vice caché, d’un défaut de qualité ou d’un défaut de durabilité, a le fardeau de faire la preuve prépondérante des faits au soutien de ses prétentions et de sa réclamation[9]. Le consommateur doit démontrer qu’il y a déficit d’usage sérieux du bien ou qu’il y a une détérioration prématurée par rapport à des biens identiques, sans avoir cependant à démontrer la cause à l’origine du déficit d’usage[10].

[13]        En l’espèce, la demanderesse a utilisé le véhicule pendant deux ans et parcouru 13 000 km. Il n’est pas normal que le moteur d’un véhicule doive être remplacé après avoir parcouru 173 000 km depuis sa mise en service sept ans plus tôt.

[14]        Par ailleurs, la défenderesse n’a pas réussi à repousser la présomption de responsabilité qui pèse contre elle. Elle ne présente aucune preuve documentaire et ses prétentions ne reposent que sur le témoignage de son représentant, Dominic Beaucage, gérant de district, pièces et services, pour la défenderesse depuis 2014.

[15]        Ses prétentions selon lesquelles les bris du moteur ne sont pas attribuables à un vice de fabrication, mais plutôt à un défaut d’entretien du véhicule par le propriétaire antérieur de qui la demanderesse a acheté le véhicule, ne sont appuyées par aucune preuve. Qui plus est, la description du vice de fabrication et de ses conséquences sur le moteur qui apparaissent au rappel 2017199 de Transports Canada (pièce P-10) correspond à la situation de la demanderesse et aux constatations et conclusions du rapport d’inspection du concessionnaire Kia Trois-Rivières.

[16]        Dans les circonstances, la preuve prépondérante amène le Tribunal à conclure que le bris du moteur est dû à un défaut de fabrication faisant en sorte que la garantie de durabilité de l’article 38 L.P.C. s’applique et que la responsabilité de la défenderesse doit être retenue.

[17]        Bien qu’ayant conclu à la responsabilité de la défenderesse en vertu de la garantie de durabilité, le Tribunal entend également adresser le deuxième motif de défense.

ii.   La campagne de rappel

[18]        La défenderesse prétend que le type de moteur dont est muni le véhicule de la demanderesse n’est pas visé par la campagne de rappel de Transports Canada. Monsieur Beaucage explique que seuls les véhicules munis de moteurs à injection externe sont visés par le rappel et que puisque le moteur 2.4 litres du véhicule de la défenderesse est plutôt de type à injection directe (GDI), le rappel ne s’applique pas à son véhicule. Or, aucune preuve documentaire ne supporte cette prétention.

[19]        D’une part, aucun des documents déposés en preuve par la demanderesse (Rapports d’entretien et rapport d’inspection mécanique) ne fait mention du type de système à injection du moteur dont est équipé le véhicule de la demanderesse. D’autre part, le rappel 2017199 de Transports Canada (pièce P-10) fait mention des moteurs 2.0 et 2.4 litres sans pour autant faire quelque précision ou distinction quant au type de système à injection visé ou exclu du rappel.

[20]        Dans les circonstances, la défenderesse n’a pas fait la preuve que le véhicule de la demanderesse n’est pas visé par la campagne de rappel de Transports Canada.

Les montants réclamés

[21]        La demanderesse réclame le coût de remplacement du moteur estimé à 12 321,73 $ par le concessionnaire Kia Canada. En l’absence de preuve contraire, le Tribunal accorde cette partie de la réclamation.

[22]        Le Tribunal considère par ailleurs que la preuve présentée démontre que la demanderesse est en droit d’être compensée pour les frais et dépenses ci-dessous qui sont des dommages découlant du refus injustifié de la défenderesse de reconnaître sa responsabilité et remplacer le moteur du véhicule :

 

 

 

-       Location de voiture pendant 60 jours :               600,00 $

-       Frais d’assurances :                                             370,00 $

-       Remorquage :                                                       160,97 $

-       Frais d’inspection du véhicule :                           218,33 $

 

                                                                                             1 349,30 $

[23]        Par ailleurs, la preuve ne démontre pas que la demanderesse puisse avoir droit aux frais d’entreposage et aux dommages pour usure du véhicule depuis l’entreposage.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[24]        ACCUEILLE en partie la demande;

[25]        CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 13 671,03 $ avec intérêts et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter du 9 mai 2019, date d’expiration du délai de la mise en demeure;

[26]        CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse les frais de justice de 205 $ correspondant aux droits de greffe exigibles pour le dépôt de la demande.

 

 

 

__________________________________PIERRE ALLEN, J.C.Q.

 

 

 

Date d’audience :

8 janvier 2020

 



[1]     Article 37 L.P.C.

[2]     Article 38 L.P.C.

[3]     Fortier c. Meubles Léon ltée, 2014 QCCA 195 (CanLII).

[4]     Article 35 L.P.C.

[5]     Article 53 L.P.C.

[6]     Article 272 L.P.C.

[7]     Article 54 L.P.C.

[8]    Article 54 al. 2 L.P.C.

[9]     Articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec.

[10]   Fortin c. Mazda Canada inc., 2016 QCCA 31 (CanLII). 

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