Belmamoun c. Ville de Brossard
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2023 QCCS 3826 | |||
COUR SUPÉRIEURE (Chambre des actions collectives) | ||||
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CANADA | ||||
PROVINCE DE QUÉBEC | ||||
DISTRICT DE | LONGUEUIL | |||
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No : | 505-06-000019-138 | |||
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DATE : | Le 10 octobre 2023 | |||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE DOMINIQUE POULIN, J.C.S. | ||||
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MOHAMED BELMAMOUN | ||||
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GAËTAN L’HEUREUX | ||||
Demandeurs / Représentants | ||||
c. | ||||
VILLE DE BROSSARD | ||||
Défenderesse | ||||
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JUGEMENT (Sur le fond de l’action collective) | ||||
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APERÇU....................................................................3
CONTEXTE.................................................................4
Le groupe et les questions en litige...........................................4
Le Tronçon................................................................5
Les audiences du BAPE en 1999 et les mesures annoncées par la Ville à l’époque.7
La planification et le développement urbain avoisinant le tronçon.................9
Les mesures adoptées par la Ville...........................................11
ANALYSE..................................................................14
1. La responsabilité de la Ville pour les inconvénients anormaux de voisinage..14
1.1 Principes juridiques................................................14
1.1.1 Sur l’application au cas d’espèce.................................14
1.1.2 Sur la nature des inconvénients..................................16
1.1.3 Sur la question de l’antériorité d’un usage.........................16
1.1.4 Sur l’appréciation du préjudice...................................18
1.2 Faits pertinents....................................................21
1.2.1 La position des demandeurs.....................................22
1.2.2 Les versions d’autres membres du groupe.........................26
1.2.3 Les versions des résidents assignés par la Ville....................29
1.2.4 La classification fonctionnelle du chemin des Prairies................32
1.2.5 Le débit de circulation sur le tronçon..............................36
1.2.6 L’analyse comparative de la Ville.................................39
1.2.7 Les mesures sonores...........................................40
1.2.7.1 Les normes et politiques sur le bruit............................40
1.2.7.2 Les expertises et études de mesures sonores...................43
1.3 Discussion sur la responsabilité sans faute............................45
1.3.1 Les inconvénients anormaux de voisinage.........................45
1.3.2 L’Indemnité accordée...........................................48
2. Le recours en vertu de la Charte et de la LPC............................49
3. L’absence de faute extracontractuelle de la Ville.........................51
3.1 Principes juridiques................................................51
3.2 Faits pertinents....................................................53
3.3 Discussion sur la faute extracontractuelle.............................54
4. L’absence d’immunité et d’une décision de politique générale fondamentale.55
4.1 Principes juridiques applicables......................................55
4.2 Faits pertinents et discussion........................................59
5. La réclamation pour baisse de valeur marchande........................59
6. La demande d’injonction..............................................60
7. Le mode de recouvrement............................................62
CONCLUSIONS :...........................................................62
[1] Les demandeurs réclament une compensation pour eux-mêmes et pour les membres du groupe qu’ils sont autorisés à représenter, pour le préjudice et les inconvénients anormaux qu’ils subissent en conséquence de la circulation qu’ils estiment excessive sur un tronçon du chemin des Prairies aux abords duquel ils demeurent (le « tronçon ») dans la ville de Brossard (la « Ville »).
[2] La circulation des véhicules sur ce tronçon a augmenté au fil du développement urbain avoisinant. Des milliers de véhicules y circulent chaque jour.
[3] Plusieurs résidents se plaignent de la perte de la qualité de leur environnement et de la perte de jouissance de leur propriété. Ils se plaignent plus particulièrement du bruit, de la poussière, des vibrations et des risques pour leur sécurité et celle de leurs enfants.
[4] Pour remédier à la situation, les demandeurs demandent la création d’une impasse vers le milieu du tronçon, entre deux secteurs, pour réduire le débit de la circulation.
[5] Selon la Ville, le volume de circulation et les inconvénients qui y sont associés sont normaux, considérant la qualification fonctionnelle du tronçon en tant que collectrice principale. La Ville estime ne pas avoir d’obligation de mitiger le volume de circulation sur cet axe, qui dessert plusieurs résidents de rues avoisinantes.
[6] Elle fait valoir que le développement urbain aux abords du tronçon a toujours été exécuté de façon conforme et diligente et qu’elle est au surplus allée au-delà de ses obligations de moyens, en aménageant plusieurs mesures d’atténuation du volume, du bruit et de la vitesse de la circulation. Elle invoque également l’immunité qui l’exonère de sa responsabilité à l’égard de ses décisions politiques.
[7] En outre, pour diverses raisons, elle considère que la création d’une impasse n’est pas une solution envisageable.
[8] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal est d’avis que les demandeurs et les membres du groupe doivent être compensés, puisque la preuve démontre qu’ils sont victimes d’inconvénients anormaux de voisinage et que la responsabilité de la Ville est engagée en vertu du régime de responsabilité sans faute édicté par l’article
[9] Par contre, les demandeurs ne se sont pas déchargés de leur fardeau d’établir que la situation d’achalandage qui prévaut sur le tronçon découlerait d’une faute extracontractuelle de la part de la Ville.
[10] En l’absence même d’une faute, la réclamation à titre de dommages exemplaires est rejetée.
[11] De même, la preuve offerte ne suffit pas pour que le Tribunal puisse conclure que la solution proposée d’une impasse est réaliste et adéquate.
[12] Il est utile de décrire à ce stade :
- le groupe et les questions en litige;
- le tronçon du chemin des Prairies dont il est question;
- les faits révélés à l’occasion d’audiences du Bureau d’audience publique sur l’environnement (« BAPE ») tenues en 1999;
- le développement par la Ville des secteurs avoisinant le tronçon;
- les mesures adoptées par la Ville afin d’atténuer les impacts de son développement.
[13] L’action collective est autorisée pour les membres du groupe suivant[1] :
2280 à 4305 chemin des Prairies;
4355, 4405, 4435, 4445, 4455, 4465 et 4685 du chemin des Prairies (rue privée);
2460 et 2620 Place Olivine;
2400 et 2405 Outremont;
3625 rue Oslo;
3648 rue Orléans;
8800, 8805, 8810, 9165, 9180, 9182, 9184, 9186, 9188, 9190, 9192 et 9194 Croissant du Louvre;
9005 Le Corbusier. »
[14] Le groupe comprendrait environ 300 personnes.
[15] Les questions en litige ont été identifiées comme suit par la Cour d’appel[2] :
[8] […]
a) Les membres du Groupe sont-ils en droit de demander l'émission d'une injonction afin de forcer Ville de Brossard à prendre les mesures qui s'imposent pour que cessent l'atteinte à leur droit à la qualité de leur environnement et/ou les troubles et les inconvénients anormaux de voisinage?
b) Les membres du Groupe ont-ils subi une atteinte à leur droit à la qualité de l'environnement et/ou des troubles et des inconvénients anormaux de voisinage en raison du débit excessif des véhicules de tout gabarit sur le chemin des Prairies?
c) Les membres du Groupe sont-ils en droit de demander des dommages-intérêts compensatoires et des dommages exemplaires?
[16] Une brève description du tronçon en litige est indiquée.
[17] Le chemin des Prairies aux abords duquel résident les membres du groupe est une route historique qui apparaissait déjà sur une carte détaillée en 1815[3]. Sa tranquillité d’autrefois et son caractère patrimonial sont chers à plusieurs résidents.
[18] Il est utile de reproduire ici une carte qui décrit bien le tracé du tronçon:
Source : Imagerie ESRI et CMM, 2019. Traitement graphique BC2[4].
[19] Le tronçon traverse les secteurs O (à l’ouest) et L (à l’est). Ces secteurs sont séparés par deux voies ferrées au centre desquelles se trouve la pointe du secteur J. Une garderie se trouve dans ce dernier secteur. Le nom des rues d’un secteur débute par la lettre qui désigne ce dernier.
[20] Le voisinage aux abords du tronçon a vécu un développement urbain considérable au fil du temps, plus particulièrement dans le secteur L.
[21] Ce secteur, autrefois situé en zone agricole, compte aujourd’hui de nombreuses unités résidentielles en copropriété.
[22] À l’extrémité est du tronçon, à l’est du secteur L, se trouve le Quartier DIX30, ouvert au milieu des années 2000, auquel le tronçon donne accès par sa jonction au boulevard du Quartier.
[23] À l’extrémité ouest du tronçon se trouve le boulevard Taschereau, où plusieurs commerces et services d’intérêt se sont développés à la fin des années ‘90, dont un commerce d’épicerie important tout juste à l’intersection.
[24] Des autobus de transport en commun circulent sur le tronçon de façon régulière et à une fréquence considérable, à raison de sept jours par semaine entre 6 h et 23 h.
[25] Il découle de tout ce développement que le tronçon, autrefois plus paisible, dessert aujourd’hui une population accrue et est utilisé comme chemin de transit, dans une direction vers le boulevard Taschereau et dans l’autre vers le Quartier DIX30.
[26] Voici plus en détail l’historique de ce développement urbain.
[27] Un rapport du BAPE de septembre 1999[5] permet de comprendre certains enjeux soulevés à l’époque relativement au développement de la Ville de Brossard et des secteurs avoisinant le tronçon.
[28] En 1999, le BAPE s’est vu confier le mandat de tenir une enquête et une audience publique sur un projet de construction de boulevards (Chevrier, Lapinière, Rome et L-01) et l’élargissement du boulevard Matte dans les nouveaux secteurs en développement C, J et L, afin de desservir adéquatement ceux-ci.
[29] À l’époque, la Ville souhaite se départir de son image de ville dortoir et attirer des acheteurs de premières maisons. Son projet de construction de boulevards vise à rendre accessibles de nouveaux terrains dans ces trois secteurs non urbanisés, dont une moitié serait à vocation résidentielle, l’autre à vocation commerciale[6].
[30] Le secteur L, traversé par une partie du tronçon du chemin des Prairies, est alors bordé par 15 résidences[7]. Autrefois situé en zone agricole, le secteur L en a été exclu pour passer en « zone blanche » en 1990[8].
[31] Le rapport du BAPE décrit les usages projetés des boulevards. Les boulevards Rome, Matte et Lepage formeront les artères majeures tandis que les boulevards Lapinière, Chevrier et L-01 seront les collectrices principales des nouveaux secteurs[9].
[32] Le développement du secteur L est à l’époque reporté, vu la décision du Conseil de Ville d’y surseoir, au moins pour les cinq prochaines années, à moins qu’un projet novateur soit présenté[10].
[33] Abordant les impacts sur la communauté occasionnés par la circulation, le rapport résume que les boulevards proposés par la Ville constituent la trame sur laquelle la mise en valeur des nouveaux secteurs s’appuierait. Les déplacements intérieurs dans le secteur L emprunteraient principalement le boulevard Rome[11].
[34] On y lit que, selon le schéma d’aménagement de la municipalité régionale de comté (la « MRC ») de Champlain et le plan d’urbanisme de la Ville, c’est le boulevard Rome qui serait appelé à drainer la plus grande partie de la circulation générée par le secteur L. Le chemin des Prairies aurait une importance secondaire et la circulation n’augmenterait pas de façon significative en regard du volume actuel. De fait, une circulation relativement faible contribuerait à maintenir la qualité de vie des riverains du chemin des Prairies et à en préserver le caractère champêtre, un aspect que la commission aborde dans le chapitre 5 du rapport[12].
[35] Le caractère patrimonial du chemin des Prairies est abordé comme suit. On mentionne que cette route revêt un caractère historique[13]. On y lit que dans son étude d’impacts, la Ville reconnaît que le caractère champêtre du chemin représente un point d’intérêt important pour les résidents. Elle affirme toutefois que ce tronçon ne constitue plus depuis longtemps un modèle de développement ancestral vivant et bien conservé.
[36] Le BAPE constate la fragilité de cet espace dans une dynamique de développement qui lui est étrangère. Il envisage aussi que la construction d’un échangeur complet dans l’axe du boulevard Rome signifierait une augmentation de transit sur le chemin des Prairies[14].
[37] Selon les projections de l’époque, le rapport conclut que le développement du secteur L ne modifierait pas de façon significative l’environnement sonore des résidants du chemin des Prairies et de ceux du boulevard Rome, sauf temporairement lors des travaux de construction des boulevards[15]. Le BAPE retient qu’un ensemble de mesures sont proposées par la Ville, visant la protection du caractère patrimonial du chemin des Prairies[16].
[38] À la suite des recommandations du BAPE, la Ville apporte des modifications et des précisions à son projet en annonçant qu’elle définira des mesures de protection du caractère patrimonial du chemin des Prairies portant, entre autres, sur les aménagements à réaliser pour contrôler le volume de la circulation automobile dans les secteurs L et Y :
« Des mesures de protection du caractère patrimonial du chemin Des Prairies seront définies dans la mise à jour du plan d’urbanisme en 2000. Elles porteront sur l’évaluation des bâtiments qui sont situés en front sur le chemin dans le secteur L et dans le secteur Y, et sur les aménagements à réaliser pour contrôler le volume et la vitesse de la circulation automobile dans ces secteurs. Des rencontres seront tenues avec les résidents concernés afin d’évaluer l’opportunité de créer une zone d’aménagement concertée dans ce secteur[17]. »
[39] Les demandeurs reprochent à la Ville que le développement majeur du secteur L ait entraîné une augmentation de la circulation sur le tronçon.
[40] Connaître la séquence de ce développement permet de mieux comprendre les enjeux qui opposent les parties en l’instance.
[41] Le plan d’urbanisme de la Ville de Brossard de 1990[18] décrit que 48 % des terrains du secteur O sont vacants à cette époque et peuvent accueillir 687 logements. Quant au secteur L, il est entièrement occupé par un parc industriel.
[42] Le plan d’urbanisme d’alors identifie deux maisons historiques à protéger situées dans le secteur Y et mentionne que la Ville étudie avec le ministère des Transports du Québec la possibilité de déplacer l’échangeur de l’autoroute 30, prévu à l’époque dans l’axe du boulevard des Prairies, de façon à mieux les mettre en valeur[19].
[43] Parmi les orientations planifiées pour le secteur L, la Ville prévoit créer dans ce secteur un centre-ville articulé autour des fonctions de bureaux, commerces, industries de prestige et habitations de forte densité. Elle planifie utiliser au maximum le réseau autoroutier comme axe de support à ce développement.
[44] La figure 7 du rapport d’expertise de l’expert Michel Collins de BC2[20] (le « rapport BC2 ») présente une photographie aérienne qui illustre le chemin des Prairies en 1993. On y voit que l’ensemble résidentiel se confine alors à la zone à l’ouest de la voie ferrée, dans le secteur O. L’expert souligne que le chemin des Prairies est à l’époque la seule voie permettant une circulation est-ouest au-delà de la voie ferrée, situation qui prévaut jusqu’à ce que le boulevard Matte soit prolongé jusqu’à l’autoroute 30 en 1993. Il décrit que cette modification du réseau routier rétablit une hiérarchie mieux structurée. À l’est de la voie ferrée, le terrain est rural.
[45] En 2001, la Ville adopte un règlement de zonage qui permet un usage d’habitation dans les deux secteurs[21].
[46] La figure 8 du rapport BC2 présente une photographie aérienne de 2002, qui montre que le secteur O se développe vers le sud[22].
[47] À cette époque, des travaux d’élargissement de la rue entre le boulevard Taschereau et la rue Orléans (près de la voie ferrée) sont effectués, plus particulièrement entre l’automne 2004 et la fin de l’été 2005. La largeur du chemin des Prairies dans le secteur O passe alors de six à onze mètres[23].
[48] En 2009, le secteur O est pratiquement développé en entier. Les premières phases à l’est de la voie ferrée se développent. À l’époque, le boulevard du Quartier fait jonction avec le chemin des Prairies[24].
[49] En 2010, la Ville adopte deux règlements[25] élargissant l’aire résidentielle dans le secteur L afin d’assurer une concordance avec le schéma d’aménagement et de développement de la MRC et avec le plan d’urbanisme.
[50] La même année, alors que le secteur L poursuit son développement, la Ville retient l’expertise de la société Génivar afin de la conseiller relativement à la façon d’atténuer la circulation de transit et la vitesse sur le tronçon du chemin des Prairies entre le boulevard Taschereau et la voie ferrée[26]. Génivar considère qu’il n’y a pas lieu de proposer de restrictions ou de modification du plan de circulation.
[51] En 2012, des exigences sont imposées à la Ville relativement à la densification de son territoire par le Plan métropolitain d’aménagement et de développement[27]. Le plan prévoit le développement de quartiers de type « Transit‑Oriented‑Development » ou TOD autour des stations du réseau de transport en commun. Il s’agit de développements immobiliers de moyenne à haute densité qui offrent des opportunités de logement, d’emploi et de commerce. Une aire TOD est identifiée dans le secteur L aux abords du Quartier DIX30.
[52] Le secteur L poursuit son développement jusqu’en 2017[28].
[53] La Ville entreprend un processus de consultation publique en 2013. M. Guillaume Grégoire, chargé de projet à la division du génie, explique que la Ville fait à l’époque le constat qu’elle n’a pas mis en place des mesures d’apaisement de la circulation et de préservation du caractère champêtre du chemin des Prairies au moment des travaux entrepris pour l’urbanisation du chemin, contrairement à ce qui avait été annoncé à la suite des recommandations du BAPE.
[54] La Ville entend rattraper les choses et c’est dans ce contexte que s’inscrit une démarche de consultation auprès des résidents[29]. M. Grégoire est chargé de cette démarche de consultation.
[55] La Ville s’adjoint la collaboration du Centre d’écologie urbaine de Montréal. Les résultats d’une étude de circulation menée par la firme CIMA+ sont présentés aux résidents, de même que des scénarios de mesures d’apaisement. L’objectif est de recueillir l’adhésion à différentes options de mesures jugées adéquates par la Ville. Une centaine de résidents participent à la démarche.
[56] Après une première rencontre, les professionnels de la Ville développent différents scénarios de mesures de restriction de la circulation, à la lumière des demandes soumises par les résidents. Quatre des cinq scénarios ne répondent pas aux incontournables ou aux balises d’aménagement de la Ville. Plus particulièrement, la Ville ne souhaite pas enclaver les secteurs et priorise l’accès du tronçon par les services d’urgence. La création d’une impasse et le prolongement d’une rue du secteur L à travers le parc industriel vers le boulevard Matte sont exclus[30].
[57] Ainsi, lors de la deuxième étape, on recherche l’adhésion des résidents à l’égard d’un seul scénario, soit celui d’interdire de continuer tout droit sur le tronçon à partir du boulevard du Quartier. Ce scénario recueille une bonne adhésion.
[58] Quant aux mesures d’apaisement, divers concepts sont présentés, auxquels l’adhésion des résidents est recherchée. Ceux-ci peuvent poser des questions et voter sur leur appréciation. Il s’agit de mesures destinées en grande partie à réduire la vitesse.
[59] On affiche des panneaux expliquant les raisons pour lesquelles les autres scénarios sont écartés et quels sont les aménagements proposés. Les résidents peuvent apposer leurs commentaires sur des collants.
[60] La dernière rencontre de la consultation est annulée lorsque la demande d’autorisation d’exercer l’action collective est déposée, puisque le dossier est dès lors judiciarisé[31].
[61] Par la suite, différents aménagements sont apportés. Ceux-ci sont résumés par WSP, expert de la Ville, comme suit[32] :
IMPACTS DES AMÉNAGEMENTS DU CHEMIN DES PRAIRIES | |
2014 | - Réfection du chemin des Prairies du chemin de fer le plus à l’ouest jusqu’à la rue de Londres; - Réduction de la largeur des voies de circulation et retrait de la voie de stationnement - Ajout d’intersections surélevées : - Rue de Louisbourg; - Face au 4405 à 4685 chemin des Prairies; - Rue de Lucerne; |
2015 | - Réfection du chemin des Prairies du boulevard Taschereau jusqu’à la rue Oslo; - Réduction de la largeur des voies de circulation et retrait d’une voie de stationnement; - Ajout d’un trottoir; - Ajout d’une piste multifonctionnelle entre Taschereau et Océanie; - Mise en place d’un radar pédagogique face au 2975, chemin des Prairies; - Ajout d’intersection surélevée : - Avenue Océanie ; - Rue Ontario/rue Outremont; - Ajout de traverse piétonne texturée: - Avenue Oligny - Face au 2975, chemin des Prairies; |
2017 | - Réfection du chemin des Prairies entre les voies de chemin de fer; - Réduction de la largeur des voies; - Ajout de pistes multifonctionnelles unidirectionnelles de chaque côté de la chaussée; |
Prévu en 2019 | - Réfection du chemin des Prairies entre la rue Oslo et le chemin de fer le plus à l’est; - Implantation de saillies de trottoir aux rues suivantes : - Orient; - Orléans. |
[62] Les représentants de la Ville expliquent comment ces aménagements sont exécutés pour répondre à diverses préoccupations.
[63] Des mesures d’atténuation sont requises du fait de la circulation accrue associée au développement du secteur L[33]. On ajoute un trottoir afin qu’il y en ait un de chaque côté dans le secteur O et on enlève une voie de stationnement dans une direction. La rue est recentrée. Elle devient plus étroite, passe de onze mètres à neuf mètres[34].
[64] On améliore la sécurité, vu l’augmentation de la circulation. On réduit la limite de vitesse, on ajoute de l’éclairage aux abribus, on installe des panneaux dynamiques aux traverses piétonnes, on construit des avancées et saillies pour limiter la vitesse des véhicules[35].
[65] Le caractère patrimonial est rappelé par la largeur réduite de la rue et les plantations. On aménage un bassin de rétention par l’ajout de flore et d’un petit observatoire pour profiter du paysage[36]. Des végétaux champêtres, des lampadaires contribuent à préserver le caractère champêtre. La Ville décrit que le calme est amélioré par des avancées de trottoir et des intersections surélevées qui permettent de réduire la vitesse et le bruit[37].
[66] Les feux de circulation à l’intersection du boulevard du Quartier sont programmés de façon à inciter les gens à utiliser les boulevards Matte et Rome plutôt que le tronçon[38].
[67] À la suite de plaintes de vibrations en 2016, au coin de la rue Outremont, une étude est demandée à la firme ABS[39]. Il est constaté que les vibrations excèdent légèrement le seuil recommandé. Des travaux d’adoucissement sont commandés[40].
[68] Essentiellement, la Ville fait valoir que les demandes formulées par les résidents dans leur pétition de 2009[41] ont été satisfaites, à part l’entrave à la circulation qui fait l’objet de la demande d’injonction.
[69] Les experts de la Ville affirment qu’ils ne peuvent effectuer de comparaison directe des conditions de circulation entre la situation avant et après les travaux d’aménagement[42].
[70] Le régime de responsabilité sans faute qui découle de l’application de l’article
[86] Malgré son caractère apparemment absolu, le droit de propriété comporte néanmoins des limites. Par exemple, l’art.
[71] Ce régime de responsabilité se fonde sur le caractère excessif des inconvénients subis par la victime du fait du comportement de son voisin. Cette responsabilité découle du résultat du comportement du voisin plutôt que de son comportement en soi. Ainsi, la responsabilité sans faute peut être engagée même si les normes applicables sont respectées[44].
[72] Dans Maltais c. Procureure générale du Québec[45], la Cour d’appel confirme que l’article
[73] L’article
[74] Comme la Cour d’appel l’énonce dans l’arrêt Granby Multi-Sports[48], le régime de responsabilité implique des obligations corollaires pour chacun des voisins :
[69] En effet, l’obligation d’endurer son voisin « dans les limites de la tolérance » comporte une obligation corollaire pour le voisin de ne pas générer d’inconvénients intolérables. L’auteur Michel Gagné, après avoir cité l’article 976, écrit :
A contrario, il en découle que l’on ne doit pas faire subir à ses voisins des inconvénients anormaux, excédant les limites de la tolérance que les voisins se doivent. Un manquement à ce devoir donne ouverture à un recours pour troubles de voisinage fondé sur l’article
De fait, dans Ciment du Saint-Laurent, cette entreprise a été condamnée à payer plusieurs millions de dollars de dommages-intérêts pour les troubles de voisinage pour son non-respect de cette obligation.
[Référence omise]
[75] Deux critères sont au centre de l’analyse, à savoir la gravité et la récurrence des inconvénients[49]. Les circonstances doivent faire valoir une certaine gravité et non seulement la privation d’un avantage[50].
[76] Divers facteurs sont soupesés dans l’analyse, dont la vocation et l’utilisation effective des fonds, l’environnement et les usages locaux, les mesures ou améliorations apportées pour limiter les inconvénients[51].
[77] L’analyse repose sur un critère objectif et non pas subjectif, selon un seuil de tolérance apprécié en fonction de celui d’autres voisins placés dans les mêmes circonstances[52].
[78] L’intérêt public de l’activité ou de l’ouvrage à la source des inconvénients ne constitue pas une fin de non-recevoir à une poursuite fondée sur des troubles de voisinage. Il s’agit « d’une circonstance pertinente pouvant avoir pour effet de hausser le seuil de tolérance attendu[53] ».
[79] La Cour d’appel dans l’arrêt Paspébiac[54] expose qu’un propriétaire ne bénéficie pas de droits acquis à l’immuabilité de son environnement et que les inconvénients « normaux » de voisinage doivent être tolérés, peu importe l’antériorité des usages par l’un ou l’autre voisin. Par ailleurs, l’appréciation du caractère normal ou anormal d’un inconvénient tient compte, entre autres facteurs, de l’environnement et du contexte factuel dont l’antériorité d’un usage fait partie :
[15] Le fonds de l’appelante ne bénéficie pas d’un droit acquis à ce que la situation du voisinage demeure inchangée. L’appelante n’a pas acquis le droit à la préservation intégrale de son environnement, du fait de l’antériorité de son établissement de santé et de thalassothérapie.
[16] L’article
[17] En revanche, « les inconvénients normaux du voisinage » ne doivent pas être déterminés dans l’abstrait, mais plutôt en tenant compte de l’environnement dans lequel un abus du droit de propriété se serait matérialisé. Les limites de la tolérance que se doivent les voisins seront tracées « suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux ».
[18] L’antériorité d’un usage fait partie intégrante de l’examen contextuel requis dans les circonstances. La personne qui décide de vivre à proximité d'une source d'inconvénients connue accepte, dans une certaine mesure, les inconvénients normaux de l'environnement où elle s’établit. À l’inverse, la personne qui crée une nouvelle source d’inconvénients dans un milieu résidentiel paisible pourra se voir reprocher de détériorer la qualité du milieu où elle s’installe et d’abuser de son droit de propriété.
[Références omises; soulignements du Tribunal]
[80] L’antériorité d’un inconvénient ne peut constituer un moyen de défense en soi. Il n’y a pas de droits acquis à occasionner des troubles de voisinage qui dépassent la mesure normale des inconvénients. Ce facteur est par ailleurs étudié par les tribunaux dans l’évaluation des dommages-intérêts[55]. Voici comment le juge de première instance avait énoncé ces principes dans l’affaire Maltais c. Procureure générale du Québec [56] :
[356] Le traité de Baudouin rappelle que la jurisprudence à ce sujet est nuancée et que « l’antériorité de l’établissement n’est pas un moyen de défense en soi et n’est pas constitutive de droits acquis, à partir du moment où le trouble de jouissance […] dépasse les inconvénients tolérables (références omises) ». Les auteurs précisent:
Toutefois, la connaissance qu’avait le demandeur, antérieurement à l’achat de sa propriété, de la situation, peut valoir mitigation des dommages en raison de la prévisibilité raisonnable qu’il pouvait avoir des inconvénients futurs.
[Références omises; soulignement du Tribunal]
[81] Les décisions Maltais[57] et Mont-Tremblant[58] sont des exemples dans lesquels différents inconvénients ont été établis pour tenir compte des moments où les victimes se sont installées dans un secteur et selon la prévisibilité de leurs dommages.
[82] Par ailleurs, la Cour d’appel explique dans l’arrêt Granby Multi-Sports[59] qu’un voisin n’a pas à prévoir que son voisin manquera à son devoir de ne pas lui faire subir des inconvénients anormaux de voisinage. Une personne raisonnable peut anticiper que ce devoir serait respecté et que les inconvénients demeureront tolérables.
[70] Les Voisins n’avaient pas à prévoir « un manquement à ce devoir » de la part de l’Intimée, qui deviendrait une source de troubles de voisinage. Certes, les inconvénients tolérables à l’époque pouvaient augmenter, mais une personne raisonnable aurait prévu que le Centre respecterait son devoir et – non le contraire – donc que les inconvénients demeureraient tolérables. Ce n’est pas parce qu’hier on était un bon voisin qu’on peut aujourd’hui cesser de l’être.
[71] À mon avis, l’antériorité n’est pas un moyen de défense ici, pas plus que les autres circonstances favorables à l’Intimée. Seul doit être considéré le résultat, un bruit agressant et incessant.
[83] Dans l’arrêt Location Jean Miller inc. c. Comité des citoyens pour la sauvegarde de notre qualité de vie (Val-David)[60], la Cour d’appel énonce qu’une expertise n’est pas indispensable pour apprécier le caractère objectif des inconvénients subis, lorsque les éléments de preuve apportés lors de l’audience démontrent le caractère anormal de ceux-ci[61].
[84] En première instance, le juge Mayer avait apprécié les témoignages, jugés ceux‑ci crédibles et sincères et estimé qu’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances trouverait ces inconvénients anormaux, à savoir : les odeurs de diésel chez soi; devoir laisser ses portes et fenêtres fermées l’été en raison du bruit des camions; cesser de parler lorsque les camions passent; nettoyer ses fenêtres plusieurs fois par année en raison de la poussière; se priver d’activités extérieures lorsque le bruit devient infernal; préférer quitter sa résidence plutôt que de rester chez soi et fondre en larmes face à la situation[62].
[85] Le juge Mayer répertorie plusieurs exemples jurisprudentiels de dommages-intérêts accordés par les tribunaux pour troubles de voisinage. Voici son résumé[63] :
[612] Il existe plusieurs exemples jurisprudentiels.
[613] Dans la décision Ciment du Saint-Laurent, la Cour suprême a jugé raisonnable la façon dont la Cour supérieure avait évalué que les membres de chaque zone avait subi un préjudice similaire et avait déterminé la somme qui serait accordée à chaque membre, selon une moyenne établie par zone.
[614] Dans la cause de 1996 Lessard c. Dupont Beaudoin, la Cour supérieure a fixé les dommages à 2 000 $ par année pour les inconvénients subis par la circulation de camions provenant d’une sablière.
[615] Dans la cause de 1998 Les Constructions Desourdy inc. c. Robitaille, les dommages pour les inconvénients causés par la poussière et le bruit ont été fixés entre 300 $ et 1 000 $, selon les trois sous-groupes visés.
[616] Dans la cause de 2009 Pièces d’autos usagées Léon Jacques et Fils inc. c. Bouchard, la Cour supérieure accorde la somme de 25 000 $ pour cinq années où les victimes de troubles de voisinage ont vécu une situation intolérable.
[617] Dans la cause de 2011 Larue c. TVA Productions inc., la juge Claude Dallaire accorde une somme de 2 000 $ pour la perte de jouissance des résidents d’une demeure qui se situe en plein milieu d’un plateau de tournage. Dans cette décision, la juge fait état des dommages et intérêts accordés dans la jurisprudence :
[215] À titre d'exemple, des troubles et inconvénients pour atteinte à la libre jouissance des biens qui ont duré 6 et 4 ans ont respectivement généré un quantum de 12 000 $ et de 10 000 $.
[216] Dans une autre affaire, un demandeur s'est vu accorder 4 000 $ par année pour chacune des deux années durant lesquelles il a été victime de troubles de voisinage constants qui l'ont empêché de dormir, à cause du bruit causé par 160 à 180 entrées et sorties de cour de camions qui utilisaient un frein moteur de type « Jacobs . »
[217] Plus récemment, la Cour d’appel a accordé des sommes variant entre 300 $ et 3 000 $ aux membres d'un groupe qui ont subi des troubles de voisinage dont la durée a été continuelle durant plus de 6 ans dans certains cas, les dommages étant occasionnés par l'accumulation de poussière sur les revêtements extérieurs de leurs résidences et sur leurs véhicules.
[218] Dans Brais c. Damico, la Cour d'appel a confirmé un quantum de 4 500 $ de dommages pour troubles de voisinage dû à la perte de jouissance paisible de la résidence des demandeurs qui s'est échelonnée sur une période minimum de 3 ans, la Cour ayant confirmé que la somme de 1 500 $ par année par le tribunal de première instance était conforme à l'état du droit.
[219] Dans le jugement de première instance rendu dans Ciment St-Laurent, des retombées de poussière ainsi que le bruit de wagons de trains qui s'arriment et se défont constamment ont généré des indemnités variant entre 200 $ et 2 500 $ par année, pour des dommages qui ont perduré durant 6 ans.
[618] La méthode de calcul des dommages par zone et en moyenne pour la période de couverture de l’action collective, utilisée dans Ciment du Saint-Laurent, est bien établie en droit québécois.
[Références omises]
[86] Le juge Hussain résume pour sa part comme suit la jurisprudence en matière d’évaluation des inconvénients[64] :
[115] Dans l’affaire Maltais de 2018, le juge Michaud note quelques précédents jurisprudentiels ayant quantifié la mesure d’inconvénients anormaux de voisinage :
[116] Après son survol de la jurisprudence, le juge Michaud fixe quatre valeurs annuelles des inconvénients résultant du voisinage immédiat de l’Autoroute 73, construite en 1963, stipulant les montants correspondants respectifs à un moment distinct dans la chronologie où les résidents se sont installés proches à l’autoroute :
[117] En 2020, la juge Mainville dans l’affaire Mont-Tremblant fixe quatre valeurs annuelles des inconvénients résultant du bruit de courses automobiles du Circuit Mont-Tremblant en tenant compte de divers facteurs, soit :
[118] Comme l’a fait le juge Michaud dans l’affaire Maltais, la juge Mainville prend en compte la date de résidence, divise le groupe des demandeurs en quatre périodes chronologiques et fixe les sommes suivantes selon l’arrivée des résidents :
[Références omises]
[87] Les inconvénients anormaux de voisinage que prétendent subir les demandeurs découlent de la circulation routière sur le tronçon, qu’ils estiment excessive.
[88] À cet égard, il est important de décrire plus exhaustivement la situation vécue par les demandeurs et par les membres du groupe qui sont venus témoigner, ainsi que la version de résidents assignés par la Ville.
[89] La Ville avance par ailleurs divers arguments afin de faire valoir que les inconvénients subis par les résidents sont des inconvénients normaux. Il importe, afin d’éclairer l’analyse que fait le Tribunal de ces arguments, de bien décrire quel est l’impact de la classification par la Ville du chemin des Prairies en tant que collectrice, d’apprécier la preuve du débit de la circulation sur le tronçon, d’apprécier l’analyse comparative que fait la Ville entre le chemin des Prairies et d’autres routes qu’elle estime semblables dans d’autres villes et finalement, de déterminer si les mesures sonores permettent de réfuter les plaintes des résidents.
[90] M. Belmamoun réside au 3810 chemin des Prairies, dans le secteur O. Il est propriétaire d’une maison jumelée sise à proximité de la voie ferrée, dans laquelle il a emménagé avec sa famille en juin 2008. Depuis les alentours de 2018, il travaille du sous-sol de la maison.
[91] Il a choisi ce quartier pour les services et la tranquillité.
[92] À l’époque de son acquisition, le chemin des Prairies est fermé en direction du secteur L, lequel est alors en voie de développement. Il sait aussi que le projet DIX30 est en cours et qu’un centre commercial est en voie d’y être développé. Mais jamais il n’envisage que ce centre attirera 60 000 visiteurs par jour et que sa rue deviendra un boulevard ou une autoroute.
[93] Dès la fin de l’année 2008, il sent un changement lorsque le tronçon est ouvert vers le secteur L. La circulation augmente significativement.
[94] Vers mai-juin 2009, il va de porte à porte avec une pétition qui est déposée au Conseil de Ville le 8 septembre 2009[65].
[95] La pétition décrit le calvaire quotidien vécu par les résidents dû au bruit dégagé par le flux de circulation de véhicules lourds et légers ainsi que les excès de vitesse qui compromettent la sécurité des enfants.
[96] Une douzaine de personnes sont prêtes à s’impliquer avec lui et le Comité des citoyens du chemin des Prairies (le « Comité ») est alors constitué. Depuis 14 ans, ce Comité travaille à améliorer la situation.
[97] De 2009 à 2013, le Comité travaille de concert avec la Ville. Plusieurs réunions se tiennent et la Ville commande différentes études pour effectuer le comptage de l’achalandage. Il comprend que ces études signalent une problématique de circulation et de vitesse.
[98] La Ville met en place certaines mesures d’atténuation, dont des bacs à fleurs, mais sans résultat. Il évoque l’inefficacité des discussions, vu que les représentants de la Ville changent fréquemment et que tout doit être réexpliqué.
[99] À l’automne 2012, le boulevard du Quartier est ouvert jusqu’au boulevard Matte, et on espère que la circulation sur le tronçon sera réduite.
[100] Il assiste aux deux rencontres du processus participatif organisé par la Ville en 2013. Dans le cadre de ce processus, le Comité présente un mémoire à la Ville et au Centre d’écologie urbaine de Montréal[66].
[101] En mai 2013, une rencontre se tient dans le cadre de la seconde étape du processus. Des pistes de solutions sont alors discutées.
[102] Plus tard en 2013, il constate que les discussions bloquent et qu’il a de la difficulté à obtenir les résultats des études de comptage menées par la Ville[67]. En juillet 2013, il demande d’avoir accès à un rapport sur un comptage entrepris en juin 2013 par la Ville. Le 19 août, il reçoit une réponse de refus[68].
[103] C’est à partir de ce moment qu’il approche de nouveau les résidents pour sonder leur soutien en vue d’entreprendre une action en justice. À l’époque, il dit qu’on était dans l’attente de nouvelles de la Ville relativement au processus de consultation en cours.
[104] Il obtient des signatures sur une nouvelle pétition[69]. Le texte de celle-ci vise à obtenir l’accord des résidents du chemin des Prairies pour entreprendre une action collective en dédommagement et pour forcer la Ville à prendre les mesures pour faire cesser les inconvénients causés par le volume de véhicules et de camions.
[105] Il précise que des camions lourds et légers circulent sur le tronçon. Il y voit circuler des véhicules de livraison pour les commerces du DIX30. Il a même vu un camion faisant la livraison de véhicules automobiles chez un concessionnaire du boulevard Taschereau.
[106] Malgré l’interdiction aux camions de circuler, ceux-ci circulent toujours. D’ailleurs, la limite de vitesse est souvent transgressée.
[107] Le 18 octobre 2013, la Ville annule la réunion de la troisième phase du processus participatif de consultation[70]. Le motif d’annulation repose sur l’introduction de la demande en autorisation d’exercer une action collective. Au jour du dépôt de la demande d’autorisation, il n’y avait pas encore eu divulgation des résultats de la consultation, ni d’annonce de la date de rencontre pour la troisième phase.
[108] En juillet 2022, il demande à la Ville certaines informations de comptage sur d’autres rues avec lesquelles il souhaite comparer les résultats. La réponse reçue[71] le laisse songeur, puisque certaines rues plus importantes selon le classement hiérarchique de la Ville présentent une plus faible circulation routière[72].
[109] Il décrit les inconvénients qu’il subit présentement comme suit. Il se plaint du bruit généré par les véhicules. Il explique que le bruit ne lui donne aucun répit. Il ne peut ouvrir les fenêtres de sa maison. Il a fait refaire la fenestration de sa maison et a acheté un climatiseur en 2011. Le bruit trouble son sommeil, puisque des voitures passent à toute vitesse à la fermeture des bars du Quartier DIX30. Le bruit se fait entendre même dans sa cour arrière, bien qu’il reconnaisse que ses enfants y jouaient.
[110] Il se plaint aussi de l’insécurité générée par la vitesse et le nombre de véhicules. Ses enfants ont grandi avec la crainte associée à la circulation. Il n’y avait pas de trottoirs de son côté de la rue jusqu’en 2018 et les enfants devaient traverser pour circuler à pied le long du tronçon. Il leur a toujours interdit de jouer aux abords de la rue.
[111] Il se plaint du temps d’attente pour entrer et sortir de son entrée charretière, vu le flux de circulation.
[112] Il se plaint de la poussière sur son mobilier de jardin.
[113] Il n’a pas subi de troubles de santé découlant de la situation.
[114] Malgré le calvaire qu’il dit subir, il n’a jamais songé à déménager, parce qu’il a un engagement envers les membres du groupe.
[115] Il croit que la valeur de sa propriété a baissé, mais n’a pas obtenu d’évaluation pour sa propriété en particulier. Il dit qu’il en existe toutefois pour le secteur.
[116] Un train passe quatre fois par jour près de sa résidence. Il ne s’en plaint pas et souvent ne l’entend pas.
[117] On lui fait remarquer en contre-interrogatoire que les revendications de la pétition de 2009[73] ont pour la plupart été satisfaites, sauf pour ce qui est de l’impasse et du sens unique demandé. Il en va ainsi pour sa demande dans dans lettre au maire en janvier 2010[74].
[118] Il reconnaît que des aménagements ont été effectués par la Ville en 2015 et 2018, mais selon lui, ceux-ci n’ont pas amélioré la situation, « absolument pas ».
[119] Il produit des photographies de trois accidents de la route survenus à proximité de chez lui[75].
[120] M. L’Heureux réside depuis 2002 au 2650 chemin des Prairies, entre le boulevard Taschereau et la voie ferrée, au coin de la rue Ontario.
[121] À l’époque où il se fait bâtir, on ne trouve que des terres agricoles à l’est de la voie ferrée. Il achète parce que l’environnement est champêtre.
[122] Au moment de son achat, il sait qu’il y aura du développement. Mais à l’époque, le secteur des L est destiné à un devenir secteur de technologie. L’entrepreneur qui développait les habitations résidentielles doit s’arrêter à la voie ferrée. C’est plus tard qu’il apprend à propos du projet du Quartier DIX30.
[123] En 2004, la Ville refait la rue. Il comprend que c’est en vue de développer le secteur des L. Le village Parisien dans ce secteur est construit en 2005.
[124] Il fait la connaissance de M. Belmamoun en 2009, alors que ce dernier fait du porte‑à‑porte dans le but d’exercer des pressions sur la Ville afin de réduire la circulation. Il lui offre son aide.
[125] Ses inconvénients se résument comme suit : il se plaint du bruit et des vibrations. Il ne peut ouvrir ses fenêtres. Il a versé 1 043,32 $ pour des fenêtres avec une meilleure insonorisation[76]. Il se plaint aussi de l’achalandage de la circulation et de la difficulté à entrer et sortir de son entrée charretière.
[126] Il se dit privilégié d’avoir un chalet où il passe l’été, mais sympathise avec les voisins.
[127] Il pense avoir développé un problème de surdité à cause du bruit, mais aussi sans doute à cause de l’âge. Notons qu’en 2009, il passait un test de dépistage auditif où il rapportait ne pas être exposé à des niveaux sonores importants[77].
[128] Aujourd’hui, moins de camions circulent sur la rue depuis que les projets de construction sont terminés. En 2013 la Ville a contacté les entrepreneurs. Il y a 75 % à 80 % moins de camions qu’avant.
[129] Mais il y a davantage d’autobus scolaires et de véhicules de livraison.
[130] Il pense que les gens qui se rendent au Quartier DIX30 empruntent le tronçon.
[131] Il reconnaît que certains aménagements ont été apportés par la Ville, mais n’est pas certain qu’on a répondu à leurs besoins.
[132] Le prolongement du boulevard du Quartier jusqu’au boulevard Matte n’a pas eu les effets escomptés parce qu’il y a eu ajout de constructions avoisinantes par la suite.
[133] Madame Danielle Gravel-Dumontet demeure dans une maison sise à proximité de la voie ferrée, dans le secteur O. Elle est née sur ce même tronçon. Elle décrit que la problématique d’achalandage a été mise en relief en 2009. Elle se plaint du trafic énorme, de ne pouvoir ouvrir ses fenêtres, des bruits de véhicules qui traversent la voie ferrée et des klaxons. Elle se plaint aussi de la vitesse des véhicules et du danger, vu que la route est rectiligne et dépourvue de feux de circulation. Le tout persiste de tôt le matin à tard en soirée à la sortie des bars. Elle a eu à faire l’installation d’air climatisé parce qu’elle ne peut ouvrir les fenêtres. Avant, ce n’était pas nécessaire. Elle se plaint de poussière sur ses fenêtres et meubles de patio. On ne s’entend pas lorsqu’on est devant la maison. Elle peut utiliser sa terrasse à l’arrière où elle a une piscine, qu’elle a installée un peu en retrait pour profiter du soleil. Quant au train, elle ne l’entend plus. Il passe deux à trois fois par jour, alors que les véhicules sont en continu.
[134] M. Gaétan Gravel habite au 2956 chemin des Prairies, dans le secteur O, depuis sa naissance il y a 73 ans. Lui aussi soulève que la situation problématique liée à la circulation et du bruit a été exacerbée en 2009. Il a procédé à insonoriser ses fenêtres et à installer des fenêtres à triples panneaux dans sa chambre. Il a fermé sa terrasse arrière pour une utilisation trois saisons, espérant couper le bruit. Il a fait le constat du passage de voiture aux 10 secondes et 272 en une heure. Il constate le passage de semi-remorques, de camions Brinks, de livraisons chez IGA. Selon lui, le nombre de camions n’a pas diminué. Il se plaint que la moitié des automobilistes excèdent 50 km/h. Les gens circulent vite, vu que la voie est rectiligne. Il ne se sent pas en sécurité pour marcher. Les concessionnaires automobiles situés à proximité font des essais routiers sur le tronçon. Il vit une agression continue. La situation l’irrite à un point tel qu’il a fait couper les arbres de sa cour arrière croyant qu’ils réverbéraient le son provenant de la rue.
[135] M. Gérard Hamel demeure entre les rues Orient et Taschereau. Il a trouvé les lieux relativement tranquilles à l’automne 2007 quand il a visité sa maison avant l’achat. Il n’a pas consulté le plan d’urbanisme de la Ville avant d’acheter et n’a pas visité le Quartier DIX30. Les inconvénients ont commencé à l’été 2008. Il a constaté de plus en plus de circulation et de bruit et de camions. Il a fait installer une thermopompe parce que le bruit l’empêchait de dormir. Il garde ses fenêtres fermées à l’année à cause du bruit et de la poussière. Il a aussi changé ses fenêtres en 2009 pour insonoriser. Son fils a déménagé sa chambre au sous-sol coté arrière parce qu’il lui était impossible de bien dormir du côté de la rue. Il ne laissait pas les enfants jouer dehors devant la maison. Il entend du bruit jusque dans la cour arrière. Il souligne les bruits des autobus scolaires, des voitures aux échappements modifiés qui causent aussi des vibrations. Il se plaint de poussière et de saletés sur son mobilier de patio et dans sa piscine . Il explique qu’il est difficile de sortir de son entrée charretière, vu le flux de la circulation. Selon lui, les travaux d’aménagement de 2015-2016 n’ont rien amélioré. Il a transmis une requête à la Ville qui a répondu que les mesures ne visaient pas à réduire le volume de circulation, mais à diminuer la vitesse, à dissuader le dépassement aux intersections et à inciter au respect des arrêts.
[136] M. Sylvain Nadeau habite le tronçon depuis 1999. À l’époque, le chemin des Prairies était une voie rurale, sans trottoirs et avec du gravier de chaque côté. La rue a été refaite en 2006 et à compter de ces travaux, le chemin est devenu plus achalandé. Il se plaint du bruit à partir de tôt le matin jusqu’à tard en soirée. Il est difficile de converser avec les voisins devant la maison. Il se plaint aussi de la poussière noire sur sa table extérieure et sur sa voiture. Il explique comment la circulation achalandée rend difficile de manœuvrer pour stationner sa remorque. Il s’inquiète de la sécurité aux abords de la rue. La Ville a installé des dos d’âne aux intersections, là où les véhicules s’immobilisent de toute façon. Le détecteur de radar est toujours « dans le rouge » parce que les gens vont trop vite. Les aménagements ne semblent pas avoir été faits dans le but de régler le problème de volume de trafic et de bruit. Il a changé les fenêtres de sa maison pour du verre triple afin d’améliorer l’insonorisation et a fait installer une thermopompe pour éviter d’ouvrir les fenêtres. Il mentionne le bruit d’accélération et de décélération des camions. Il sait que la rue est interdite aux camions de livraison. Il a d’ailleurs appelé la police plusieurs fois vu les infractions. Le « classique » est le camion de livraison de voitures neuves chez les concessionnaires. Il n’a pas consulté la réglementation entourant la planification du développement dans son quartier. Il relate un accident où une voiture a percuté un pommier sur sa propriété. Le train ne le dérange pas. Il croit qu’il passe 10 à 15 fois par jour. Il évoque un bruit de fond. Il confirme qu’il utilise sa cour arrière.
[137] M. Guy Bois est demeuré au 2575 des Prairies près du coin Olivine d’avril 2004 à août 2018, pendant 14 ans. Jusqu’en 2008, la voie était relativement tranquille, avec du trafic matin et soir. La circulation a augmenté à partir de 2008. Sa maison a été construite en 2002, bien construite et bien insonorisée. À partir de 2008, des camions ont circulé. Il a cessé d’ouvrir ses fenêtres vu la poussière et le bruit. Il devait nettoyer ses meubles de patio tous les jours. Le bruit des camions réveillait les enfants. Il ne marchait pas dans la rue avec la poussette; ne laissait pas les enfants sortir devant la maison. Il emmenait les enfants faire de la bicyclette sur les autres rues. Il s’est installé une piscine en 2011. C’était à nettoyer tous les jours. Les camions ont diminué quand les fondations et la structure du Quartier DIX30 ont été complétées. Mais le tronçon était devenu un raccourci pour plusieurs. En outre, plusieurs condos ont été construits dans le secteur L. Les nouveaux résidents empruntent le tronçon pour se rendre au IGA situés au coin du boulevard Taschereau. Il trouve la situation décourageante. Jamais il n’aurait pensé qu’il y aurait du trafic à ce point. La situation a continué malgré les aménagements effectués par la Ville.
[138] M. François Ste-Marie habite au coin de la rue Orient. Il a construit sa maison sur le terrain de ses parents en 1990. Il est né à cet endroit en 1962 et y a toujours vécu, sauf pendant ses études universitaires. En 1993, il a fait circuler une pétition[78], à l’époque où les résidents ne voulaient pas d’un lien entre le chemin et l’autoroute 30. Le but était alors d’éviter l’affluence sur le chemin des Prairies. En 2009, il a signé la pétition organisée par M. Belmamoun[79]. Il était d’accord avec lui que la circulation sur le tronçon était devenue trop intense. Des camions aussi circulaient. Il estime que le changement des secteurs s’est fait n’importe comment, malgré le rapport du BAPE qui préconisait de ne pas diriger le trafic vers le chemin des Prairies. Or, c’est justement ce qui s’est produit. Le problème s’est développé alors que le boulevard Matte n’était pas encore connecté avec le boulevard du Quartier. Le secteur L s’est développé et les gens se sont habitués à passer par le tronçon. Toute sa famille a signé la pétition en 2013. On voulait à l’époque que les choses progressent et que la Ville fasse plus de changements pour diminuer le débit de voitures. Il décrit que le débit a augmenté de façon « pharaonique ». On entend des klaxons, il est difficile de sortir de son entrée. Il ne reste jamais devant maison. Il se plaint de bruit et de poussière. Il estime que les inconvénients existent depuis le développement du Quartier DIX30. Il entend du bruit à l’heure de la sortie des bars. Les gens utilisent le tronçon comme transit. Il relate même que les GPS indiquent de passer par le chemin des Prairies parce que c’est plus rapide. Il y a encore des camions qui circulent, mais moins depuis qu’il n’y a plus de construction. Il se plaint aussi des autobus qui circulent et qui font trembler sa maison, dont le circuit 44, très populaire, qui mène directement au centre-ville de Montréal. Le train ne le dérange pas; il ne siffle pas et circule trois fois par jour. Il a une piscine et des meubles patio. Il utilise sa cour arrière.
[139] Mme Sonia Dion demeure dans le Secteur L, sur la rue Le Corbusier, où elle habite depuis 2005. Son condo longe le tronçon. Elle a un terrain et un balcon qui donnent de ce côté et une terrasse qui donne sur le stationnement. Elle n’est pas membre du Comité de résidents. Elle se plaint du bruit et de la poussière qui l’empêchent de profiter de son balcon. Elle n’utilise pas son balcon parce qu’elle doit nettoyer tous les jours. Elle ne peut ouvrir sa porte patio. Il y a un arrêt d’autobus devant chez elle et elle entend du bruit du matin au soir. Elle croit que tout le monde passe par là au lieu du boulevard Matte. Son terrain adjacent ne lui est d’aucune utilité, sauf pour ses petits chiens.Elle a ajouté une unité d’air climatisé parce qu’elle doit fermer ses fenêtres à cause de la poussière et du bruit. Quand elle a acheté, le tronçon était un chemin de campagne. Elle savait que le Quartier DIX30 était en développement. Mais jamais elle n’a envisagé que la circulation deviendrait aussi intense. Solidaire, elle n’utilise pas le tronçon à partir de chez elle pour aller au supermarché IGA sur le boulevard Taschereau. Elle passe par le boulevard Matte.
[140] M. Major Singh demeure sur la rue Orléans, au coin du chemin des Prairies. Le côté de sa maison et sa cour donnent sur le tronçon. Il y habite depuis septembre 2016. Il a choisi ce secteur familial pour sa tranquillité et l’école à proximité. Il a commencé à réaliser ses inconvénients liés à la circulation en 2017, pendant été. Il se plaint du passage de plus en plus de véhicules, dont certains sont modifiés et bruyants, particulièrement les vendredis et les samedis soirs à la sortie des bars. Il décrit que sa maison vibre au passage de véhicules lourds. Il se plaint de bruit et de poussière. Il a acheté des filtreurs d’air et a installé des panneaux muraux dans les chambres qui donnent sur la rue pour atténuer le bruit. Il ferme ses fenêtres pour couper le son. Il a une table de patio pour manger à l’extérieur ainsi qu’une balançoire. Ils ne sortent pas énormément, vu le bruit et la poussière. C’était merveilleux pendant la pandémie puisqu’il y avait moins de véhicules. Il croit que c’est de plus en plus bruyant, même la semaine. Lors de ses visites avant d’acheter en été 2016, durant les fins de semaine, il n’avait pas remarqué la haute circulation et le bruit. Il est très rare qu’il entende le train. Il le remarque environ deux fois par jour. On peut sentir la vibration de chez lui. Il a fait une plainte à la Ville pour les klaxons et les véhicules bruyants.
[141] Mme Johanne Thibault demeure près de la rue Ontario depuis juin 1990. Elle est souvent à la maison; son conjoint est invalide et elle est retraitée. Elle a aussi signé la pétition de 1993. Elle se rappelle aussi une manifestation en 2013, alors que le Quartier DIX30 était ouvert et le secteur Parisien développé. C’est devenu invivable à cause du bruit. Elle ne voit pas d’amélioration depuis. Elle se plaint du bruit, du flux de voitures en continu, de la vitesse et de la poussière. Elle entend le bruit de la circulation de sa chambre à coucher, malgré un double vitrage installé pour atténuer le son. En particulier, la percussion d’un couvercle de trou d’homme l’empêche de dormir. Elle ne peut ouvrir les fenêtres en façade à cause du bruit, de la poussière et de l’odeur d’essence. Elle voit et entend passer beaucoup de poids lourds. Elle observe aussi des essais de véhicules par des concessionnaires. Elle ne peut jouir de l’extérieur de sa propriété; elle dit devoir crier pour tenir une conversation devant chez elle. Les aménagements apportés par la Ville ne contribuent pas à réduire la vitesse. Elle utilise néanmoins sa cour et fait du jardinage. À l’époque de son achat, il n’y avait rien à l’est de la voie ferrée. Elle n’a pas demandé à la Ville ce qui était projeté quant à ce secteur et n’a pas consulté de plans d’urbanisme.
[142] M. Maurice Charbonneau réside sur la rue Oxford, plus à l’intérieur du secteur O, pas sur le long du tronçon. Il est avocat et a son bureau sur le boulevard Lapinière. Il entend le train de chez lui, mais n’est pas dérangé. Il passe sur tronçon quatre fois par jour. Les matins de semaine, il circule vers la fin de l’heure de pointe, à 9 h - 9 h 30. Le soir, il quitte le bureau vers 6 - 7 - 8 heures. Il constate une circulation importante aux heures de pointe. Il trouve que le chemin était plus intéressant auparavant, parce qu’on roulait plus vite. C’est plus lent depuis les saillies. Selon lui, il est rare que les gens circulent à plus de 40 km. Il a filmé la circulation le lundi 22 mai, fête des Patriotes[80] et le vendredi 19 mai entre 15 h 30 et 17 h[81]. Il reconnaît avoir fait un certain montage. Au départ, il était inquiet des aménagements. Il a d’ailleurs adressé un courriel à la Ville le 22 octobre 2013[82]. Il décrit à l’époque que son cri du cœur spontané serait d’en faire un quatre voies sans intersection. Il souhaite que le tronçon demeure une voie de circulation efficace et pensée d’abord pour les automobilistes. Il donnerait sa voie à quiconque retirerait les pots de fleurs et lignes jaunes pour rendre cette voie pleinement fonctionnelle. Mais, finalement, il trouve que c’est une belle rue conviviale. Elle est bien achalandée et il s’est habitué au ralentissement de la circulation. Il n’observe pas de poussière et n’a pas constaté d’accident de la route.
[143] Mme Zinat Mebarkia est propriétaire de la garderie située au niveau de la voie ferrée depuis 2010. Cent douze enfants fréquentent la garderie. Ces enfants viennent de Brossard, La Prairie, Chambly, St-Hubert, St-Philippe et St-Jean-sur-Richelieu. Les heures d’ouverture sont entre 6 h et 18 h. Elle observe une circulation plus importante aux heures de pointe (entre 8 h et 9 h 30 le matin et entre 16h30 et 17h30 le soir). Le reste du temps, elle qualifie la circulation de « normale » et « calme ». Les enfants ne sont pas dérangés par le bruit provenant de la rue. Ils font la sieste entre 13 h et 15 h, parfois les fenêtres ouvertes. Ils jouent à l’extérieur de 9 h à 11 h 30-12 h et parfois pique-niquent dehors. Elle n’a rien de spécial à relater au sujet de la vitesse des véhicules. Au départ, lorsqu’elle a ouvert sa garderie, il n’y avait pas de condos autour. Maintenant il y en a et elle trouve normal qu’il y ait plus de circulation. Pour elle, ce n’est pas dérangeant. Elle trouve que la rue est calme. Ce n’est pas comme sur la rue où elle demeure où les gens excèdent la limite de vitesse. Elle ne voit pas de véhicules lourds, à par des autobus écoliers et des camions qui font la livraison aux résidents. Il est normal qu’on retrouve de la poussière. Elle lave les jouets des enfants les vendredis. Elle n’a jamais vu d’accident ni n’en a entendu parler.
[144] Mme Danica-Monica Gheorghe Radu est membre du groupe. Elle demeure dans le secteur L depuis 2010. Elle a trouvé le coin moderne, avec beaucoup de services, proche du Quartier DIX30 et du boulevard Taschereau. Elle habite dans le quartier du village Parisien, qu’elle a trouvé chic. Elle a une cour arrière, comme une maison. Elle travaille à côté du Quartier DIX30. Elle aime faire ses courses au coin du boulevard Tashereau et aussi au Quartier DIX30. Jusqu’en novembre 2022, elle prenait le chemin des Prairies chaque jour pour le travail; maintenant, elle l’emprunte trois à quatre fois par semaine. Sa cour arrière est entourée de cèdres. Sa terrasse, ses fenêtres font face au chemin des Prairies. Elle aime sortir chaque jour, sauf lorsqu’il pleut. Elle ne ressent pas d’impact lié à la circulation. Pour elle, la rue est normale, elle entend des oiseaux. Elle ne voit pas de difficulté à converser avec les amis qu’elle reçoit dans le jardin. Elle entend la circulation lorsqu’elle est à l’extérieur ou lorsque ses fenêtres sont ouvertes, mais pour elle, ce n’est pas dérangeant. Elle dort avec ses fenêtres ouvertes. Les camions sont interdits, les motos aussi. La limite de vitesse a été réduite à 40 km/h et un radar de vitesse est installé, qu’on peut voir de loin. Des dos d’âne aussi. Le boulevard Matte fait une différence, de même que le prolongement du boulevard du Quartier. Pour elle le tout rend la circulation fluide et dans la normalité. La limite de vitesse est respectée. Elle n’a pas vécu d’embouteillage dans le secteur O lorsqu’elle l’empruntait chaque matin en direction du boulevard Taschereau. Les automobilistes ne dépassent pas 50 km/h. La poussière est comparable à celle où elle demeurait auparavant. Les gens marchent, courent, se promènent avec leurs bébés le long du tronçon. La poussière n’est pas dérangeante. C’est comme partout à Brossard. À son avis, il faut suivre le progrès. Le secteur a pris de l’expansion, la rue a été mise en valeur et on ne peut s’opposer à la croissance. Elle a signé la pétition de 2014[83]. Elle ne s’est pas exclue de l’action collective, mais ne semble pas avoir reçu l’avis.
[145] M. Gilbert Killen demeure au 4515 chemin des Prairies, dans le secteur L et plus au sud par rapport au tronçon, à environ 200 pieds. Il y vit avec son épouse depuis 2012. Ils ont aimé ce quartier situé entre deux artères importantes. Il emprunte le tronçon et les boulevards Taschereau et Matte pour rejoindre la 132 et le pont Champlain quatre matins par semaine. Il observe une file de voitures le matin attendre à partir de la rue Louisbourg jusqu’au boulevard du Quartier. Il y a aussi beaucoup de voitures en direction du boulevard Taschereau. Le vendredi, il ne travaille pas et constate qu’il y a peu de véhicules aux heures de pointe; c’est « quand même assez tranquille ». Il n’entend pas la circulation, même les fenêtres ouvertes. Il n’entend plus le train non plus, sauf lorsqu’il est à l’extérieur. Il jouit d’une piscine commune de la copropriété. Il passe l’été dehors avec ses enfants et ses petits-enfants qui viennent le visiter. Il ne subit aucun impact de la circulation sur le tronçon, sauf quand le train passe et qu’il se trouve à l’extérieur. Selon lui, la grande majorité des automobilistes respecte la limite de vitesse. La rue est sécuritaire, vu les trottoirs et les traverses. Les aménagements sont jolis et contribuent à réduire la vitesse.
[146] M. John Kritikos est membre du groupe. Il demeure dans le secteur L depuis 2008. Il s’y est établi puisque ce secteur était en pleine expansion, dans l’expectative du développement du Quartier DIX30. Le secteur deviendrait le nouveau centre-ville de Brossard. Il travaille au centre-ville de Montréal et prend l’autobus 44, après une quinzaine de minutes de marche sur le tronçon. Il prend l’autobus le matin vers 7 h 20 et revient le soir vers 17 h 20. Il voit peu de véhicules le matin, plus en fin de journée. Pour lui, le secteur n’est pas bruyant. Il s’attend à ce type de bruit dans un secteur densément peuplé. Il n’est pas davantage incommodé par le train. Lorsque les fenêtres sont fermées, il explique qu’on doit tout éteindre dans la maison pour entendre la circulation. Quand les fenêtres sont ouvertes, on entend la circulation. C’est attendu. Il profite de son jardin normalement et n’est pas dérangé par le bruit de la circulation. Pas davantage par la poussière qui est comparable, selon son épouse, à son appartement dans Montréal-Est. Il fait des promenades dans son quartier, incluant le long du tronçon. Il apprécie les aménagements paysagers faits par la Ville. Selon lui, la vitesse est respectée et constante, sauf exception. Les dos d’âne contribuent à ralentir la circulation. Il s’agit d’un quartier et d’un chemin sécuritaire. Il a signé la pétition de 2014 lorsqu’on qu’on la lui a présentée sur la rue.
[147] Il ne s’est jamais exclu du recours et n’a jamais reçu l’avis aux membres
[148] La Ville fait valoir que le chemin des Prairies est classifié comme route collectrice, type de voie pour laquelle les standards prévoient que la circulation peut atteindre un débit allant jusqu’à 8 000 véhicules par jour. La Ville invoque cette classification comme argument principal pour avancer que les demandeurs et les membres du groupe ne subissent pas d’inconvénients « anormaux » de voisinage.
[149] Tant les représentants de la Ville que les experts attribuent cette qualification au chemin des Prairies.
[150] M. Jean-Pierre Richard, directeur adjoint de la Ville, qui a grandi à Brossard, explique que le chemin des Prairies a changé de vocation au fil du temps. Situé entre l’autoroute 30 et le boulevard Taschereau, le chemin est devenu une voie collectrice dont se servent les gens du secteur pour atteindre les boulevards avoisinants.
[151] Les experts de la Ville expriment aussi leur opinion sur cette question.
[152] L’expert en urbanisme Michel Collins décrit que le chemin des Prairies n’est pas et n’a jamais été une rue locale typique. Le chemin des Prairies a toujours eu un rôle de transit intermunicipal, lequel a évolué avec le rôle croissant de la ville elle-même. Cet axe joue le rôle de voie collectrice à partir du 18e siècle, depuis les rives du fleuve vers l’intérieur des terres. Ce rôle s’est atténué avec l’implantation de nouvelles voies de circulation et sa fonction a diminué par rapport à d’autres voies. Le chemin des Prairies dessert les secteurs en assurant que les résidents puissent accéder au réseau routier supérieur. La planification et les interventions mises de l’avant au cours des années lui décernent un rôle de collectrice résidentielle faisant le lien entre les quartiers qu’il dessert et le réseau artériel[84].
[153] L’expert en planification des transports et en circulation Pierre-Luc Grenon explique les normes applicables. Il explique que Transport Canada publie un guide de conception routière. Ce guide inclut un tableau des caractéristiques des routes. Il s’agit de critères pour définir à quelle classe une route appartient. Les critères sont souples et il ne s’agit pas de s’attendre à ce que la route concernée remplisse tous les critères. Une bonne classification est essentielle selon lui pour une meilleure planification du territoire. Hiérarchiquement, une rue locale n’est pas censée se connecter à une artère, mais à une collectrice, qui elle se connecte à une artère. L’artère amène à l’autoroute.
[154] Selon l’étude comparative qu’il a entreprise, le chemin de Prairies présente les caractéristiques d’une collectrice. Il explique qu’une rue collectrice a deux fonctions : donner accès au terrain et permettre l’écoulement de la circulation. Les deux fonctions seraient d’égale importance selon ce standard. Ceci l’amène à conclure que pourvu que le transit n’excède pas 50 % de la circulation, il n’existe pas de problème lié au transit. Il réfère au Lexique du ministère des Transports[85], lequel définit comme suit la circulation de transit : « Partie de la circulation qui emprunte une route à la hauteur d’un territoire donné, mais dont les points d’origine et de destination sont extérieurs à celui‑ci ».
[155] L’étude de CIMA+[86] considère que la portion résidentielle du tronçon se qualifie en tant que collectrice résidentielle. Elle qualifie la portion entre le boulevard Taschereau et la rue Océanie de collectrice commerciale, vu l’accès construit afin de permettre de rejoindre les divers commerces situés sur le boulevard Taschereau.
***
[156] Aux yeux du Tribunal, il n’est pas simple d’identifier à partir de quel moment la Ville a formellement identifié le chemin des Prairies en tant que collectrice.
[157] La première carte qui le désigne comme tel est une carte confectionnée par le service d’urbanisme, sous la supervision de son directeur Mario Verville, en octobre 2012[87].
[158] Le Tribunal constate que le plan d’urbanisme d’octobre 2001 n’identifiait pas le chemin des Prairies comme une route collectrice[88]. La carte de la hiérarchie routière de l’époque ne l’identifie pas comme telle, alors qu’elle identifie d’autres routes collectrices ainsi que des collectrices proposées.
[159] On voit par ailleurs que l’étude de modération de la circulation de Génivar de 2010[89] énonce qu’en raison du rôle joué par le chemin qui connecte les rues locales au réseau supérieur, la classification de la rue en tant que collectrice est appropriée.
[160] Le ministère des Transports établit un guide de classification fonctionnelle des routes. Cette classification a comme objet l’aménagement et la planification routière, selon le lexique applicable :
Classification fonctionnelle du réseau routier[90]
Conception routière. Hiérarchisation des routes à partir de la fonction exercée par chacune de celles-ci. Note : établie à partir de critères démographiques et économiques, cette classification constitue un outil précieux pour l’aménagement et la planification routière.
[161] Le guide de classification fonctionnelle établit les caractéristiques suivantes pour les routes collectrices et les routes locales en milieux rural et urbain[91] :
Tableau 1.5-4
Routes collectrices en milieux rural et urbain :
RURAL | URBAIN | |
Circulation | […] | Mouvements de circulation et accès aux propriétés d’égale importance |
Accès aux propriétés | […] | Circulation et accès d’égale importance |
Débit de circulation | […] | > 1000 véhicules par jour |
Écoulement de la circulation | […] | Interrompu |
Vitesse de base |
| 50 à 70 km/h |
Vitesse de marche moyenne […] | […] | 40 à 60 km/h |
Types de véhicules | […] | Tout type |
Raccordements habituels | […] | Routes nationales, régionales, collectrices, locales et artères urbaines |
Tableau 1.5-5
Routes locales en milieux rural et urbain :
CARACTÉRISTIQUES | RURAL | URBAIN |
Circulation | […] | Mouvements de circulation d’importance secondaire |
Accès aux propriétés | […] | Prioritaires |
Débit de circulation | […] | < 3000 véhicules par jour |
Écoulement de la circulation | […] | Interrompu |
Vitesse de base |
| 30 à 50 km/h |
Vitesse de marche moyenne […] | […] | 20 à 40 km/h |
Types de véhicules | […] | Principalement des automobiles et des véhicules de service |
Raccordements habituels | […] | Routes locales et collectrices |
[162] On observe que plusieurs caractéristiques d’une route locale se prêtent au tronçon. Sa fonction est prioritairement de donner accès aux propriétés, sa vitesse est limitée à 40 km/h et les véhicules autorisés sont principalement des automobiles et des véhicules de service. Par contre, son débit de circulation et son raccordement à des artères l’excluent de cette catégorisation.
[163] Le ministère des transports fédéral publie aussi un guide de conception géométrique qui amène au même constat[92]. Détail intéressant, ce guide spécifie la largeur de l’emprise, qu’il établit entre 15 et 22 mètres pour une route locale et entre 20 et 24 mètres pour une collectrice. Le débit de circulation est aussi restreint à 3 000 véhicules pour une route locale et va jusqu’à 8 000 véhicules pour une collectrice. En vertu de ce guide, le chemin des Prairies, d’une emprise de 18 mètres, ne serait pas d’une largeur répondant aux caractéristiques d’une collectrice.
[164] Ces guides n’ont pas de valeur légale ni contraignante[93].
[165] La preuve ne permet pas de retenir comment ces guides auraient été considérés par la Ville dans sa planification du développement aux abords du chemin des Prairies et comment ils auraient servi à planifier le volume de circulation auquel elle s’attendait. On devine plutôt que ces guides sont considérés à rebours, de façon à justifier un volume de circulation en appliquant les caractéristiques qui le permettent. Le débit de circulation actuel apparaît davantage comme le résultat du développement urbain aux alentours plutôt que d’un résultat planifié et souhaité par la Ville.
[166] Il découle de ces constats que l’argument voulant que le volume de circulation soit normal en fonction de ces caractéristiques, pourvu qu’il demeure en deçà de 8 000, est peu convaincant.
[167] L’analyse amène au contraire le Tribunal à considérer que le chemin des Prairies, tenant compte de la largeur de son emprise, de sa fonction priorisée de desservir les résidents des secteurs O et L plutôt qu’une circulation de transit, de la limite de vitesse et du type de véhicules autorisés à y circuler, présente les caractéristiques d’un axe qui devrait idéalement recevoir une circulation d’un débit bien moindre que le débit actuel.
[168] De toute façon, les résultats de l’expertise commune de comptage de véhicules établissent que les débits journaliers dépassent les 8 000 véhicules.
[169] Une étude commune de comptage de véhicules sur le tronçon a été exécutée par AXOR Experts en juin 2019[94].
[170] Les relevés de comptage ont été obtenus une journée de semaine entre 6 h 30 et 9 h 30, de 11 h à 13 h et de 15 h à 18 h 30. Le comptage a aussi été effectué une journée de fin de semaine entre 11 h et 17 h. Les comptages ont été effectués à six intersections, trois de part et d’autre de la voie ferrée. Ils ont été réalisés le samedi 16 et mardi 19 mars 2019.
[171] Les résultats permettent d’identifier les heures de pointe, soit de 7 h 45 à 8 h 45 le matin, de 12 h à 13 h le midi et de 16 h 45 à 17 h 45 en fin de journée.
[172] Le débit journalier moyen varie selon le lieu du comptage[95] :
- approche Taschereau : 13 516;
- approche Ontario : 10 706;
- approche Orient : 10 324;
- approche Louisbourg : 10 323;
- approche Le Corbusier / Lucerne :10 819;
- approche du Quartier : 10 656.
[173] Avec les données répertoriées par AXOR Experts, la firme d’experts de la défenderesse WSP a aussi fait sa propre analyse et en vient à des résultats significativement moindres[96] :
Tableau 2-1 Débits actuels et DJMA sur le chemin des Priairies
Tronçon entre | Heure de pointe AM de semaine (2 directions) Véh/h | Heure de pointe PM de semaine (2 directions) Véh/h | Heure de pointe fin de semaine (2 directions) Véh/h | DJMA (2 directions) |
Tachereau – Océanie | […] | […] | […] | 8 800 |
Océanie - Ontario | […] | […] | […] | 4 800 |
Ontario - Orient | […] | […] | […] | 3 700 |
Orient - Louisbourg | […] | […] | […] | 4 500 |
Louisbourg - Lucerne | […] | […] | […] | 3 800 |
Lucerne - Du Quartier | […] | […] | […] | 5 000 |
[174] Ce volet de l’expertise de WSP a été préparé par un analyste en transport, validé par une ingénieure en circulation et autorisé par un chargé de projet. Aucun des trois individus n’était présent pour expliquer les différences de leurs calculs avec l’expertise commune d’AXOR.
[175] Ces résultats sont non seulement bien en deçà de ceux d’AXOR, mais également des résultats de l’étude obtenue par la Ville de la firme CIMA+ en 2013 et des débits anticipés à l’époque[97].
[176] À l’époque, CIMA+ a fait des relevés de comptage entre les 24 et 31 octobre 2012. Ce sont ces résultats qui ont été présentés aux résidents dans le cadre de la consultation de 2013[98] :
[177] Les débits mesurés sont les suivants[99] :
Entre Tachereau et Océanie : 10 967
Entre l’accès commercial et Océanie : 9 044
Entre Océanie et Oligny : 6 703
Entre Oligny et Ontario : 5 146
Entre Ontario et Orient : 4 873
Entre Orient et Louisbourg : 5 354
Entre Louisbourg et Corbusier : 5 284
Entre Corbusier et Quartier : 5 766
[178] En tenant compte des développements à venir dans le secteur L, comportant la construction de 1728 unités résidentielles additionnelles, l’étude anticipe les débits suivants[100] :
Entre Taschereau et Océanie : 13 848
Entre l’accès commercial et Océanie : 11 722
Entre Océanie et Oligny : 9 584
Entre Oligny et Ontario : 8 027
Entre Ontario et Orient : 7 753
Entre Orient et Louisbourg : 8 270
Entre Louisbourg et Corbusier : 8 165
Entre Corbusier et Quartier : 9 019
[179] Les débits anticipés par CIMA+ en 2013 se rapprochent davantage de ceux obtenus par AXOR en 2019 que de ceux calculés par WSP.
[180] Les résultats de l’analyse de WSP surprennent, puisque personne ne conteste que la circulation a augmenté sur le tronçon depuis le développement du secteur L et du Quartier DIX30. D’ailleurs, WSP reconnaît dans ses conclusions que les débits ont légèrement augmenté en référant à ce qui a été calculé par CIMA+ en 2013[101]. WSP conclut aussi que le nombre de véhicules en transit a augmenté légèrement.
[181] À défaut de plus amples explications justifiant l’écart entre les résultats de WSP et d’AXOR, le Tribunal retient que les débits de circulation sont ceux mesurés par l’expert commun AXOR. D’une part, Axor a interprété ses propres données. D’autre part, ses résultats sont davantage conséquents avec les études antérieures de CIMA+.
[182] Il en découle que l’argument de la Ville voulant que les aménagements qu’elle a exécutés aient contribué à réduire l’achalandage et reposant sur l’analyse de son expert WSP est écarté[102].
[183] D’ailleurs, la Direction du génie de la Ville écrivait au citoyen Hamel le 25 mai 2016[103] :
« Les mesures d’atténuation mises en œuvre sur le chemin des Prairies ne visaient pas à réduire le volume de circulation, mais bien à diminuer la pratique de vitesse excessive, le dépassement aux intersections et le respect des arrêts. »
[184] WSP a aussi effectué une analyse comparative[104], décrite comme une caractérisation de la situation actuelle du chemin des Prairies et une analyse comparative avec d’autres axes de circulation d’autres villes de façon à déterminer si la circulation sur le chemin des Prairies est normale pour un tel type de voie de circulation.
[185] Au terme de sa classification fonctionnelle, le rapport décrit que le tronçon a , dans sa forme actuelle, une fonction de collectrice principale[105]. Cet énoncé se fonde sur la carte de hiérarchie routière de la Ville (version du 23 octobre 2012). Il explique que la caractéristique principale d’une collectrice est l’écoulement de la circulation et l’accès aux propriétés, ce que fait le tronçon.
[186] Cinq axes de comparaison ont été retenus pour l’analyse comparative. Les critères les plus discriminants identifiés sont la longueur, la classification fonctionnelle, le DJMA (véhicules/j), le milieu, la densité résidentielle, les générateurs importants à proximité, la vitesse permise et le nombre de voies.
[187] Le caractère patrimonial de la voie n’a pu être retenu comme facteur discriminant, vu la rareté de cette caractéristique. Le critère principal de comparaison est le DJMA.
[188] Le bilan des caractéristiques des cinq axes retenus pour comparaison apparaît dans un tableau en page 9 de cette section du rapport. On note que la densité de population aux abords des axes n’est pas une donnée disponible. On remarque aussi que les données de comptage remontent à entre 2005 et 2009, sauf pour une des voies (rue Principale à St-Basile-le-Grand) pour laquelle le comptage de 2013 était de 4 000 DJMA, donc sensiblement inférieur à celui du tronçon.
[189] On observe aussi que la largeur de la rue n’est pas un critère considéré dans l’étude et que des mesures sonores ne sont pas considérées.
[190] Il n’existe pas de norme contraignante imposant des limitations sonores précises à la circulation routière dans la Ville de Brossard.
[191] Le Règlement 830 sur le bruit[106] précise certaines limites sonores pour ce qui est des bruits continuels. Il se lit comme suit :
« Article 5 Le Bruit
5.1 Le fait, par toute personne, d’occasionner tout bruit causé de quelque façon que ce soit, de nature à empêcher l’usage paisible de la propriété dans le voisinage, constitue une nuisance.
De façon non limitative, un bruit continuel dont l’intensité est équivalente à :
- 55 db. ou plus, entre 7 :00 heures et 21 :00 heures ;
- 50 db. ou plus, entre 21 :00 heures et 7 :00 heures,
est considéré comme étant de nature à empêcher l’usage paisible de la propriété dans le voisinage.
De plus et de façon non limitative, un bruit occasionnel dont l’intensité est équivalente à 75 db. ou plus est considéré comme étant de nature à empêcher l’usage paisible de la propriété dans le voisinage.
[…] »
[192] Une expertise commune des parties se fonde sur la Politique sur le bruit routier du ministère des Transports du Québec qui préconise un niveau de bruit de 55 dBA[107].
[193] La Société canadienne d’hypothèques et de logement (« SCHL ») considère que l’exposition au bruit variant entre 45 dB et 55 dB est normalement acceptable alors qu’au-delà de 55 dB, le bruit devient normalement inacceptable[108]. La remarque suivante est d’intérêt :
« Le bruit de la circulation routière à un endroit est en relation directe avec toute combinaison possible des conditions suivantes: la vitesse moyenne des véhicules, la densité de la circulation, la proportion des véhicules lourds par rapport aux voitures, le nombre de voies et la distance à l'endroit exposé à ce bruit.
Par conséquent, il n'est pas pratique d'utiliser les classifications des rues pour déterminer si un terrain adjacent aux routes convient à un developpement résidentiel[109]. »
[soulignement du Tribunal]
[194] Les recommandations de l’OMS[110] sont destinées à une application européenne. Elles recommandent fortement la réduction du bruit routier en deçà de 53 dB le jour, puisque le bruit au-dessus de ce niveau est associé à des effets secondaires sur la santé et à 45 dB durant la nuit, puisque le trafic routier de nuit est associé à des effets nuisibles sur le sommeil.
[195] Contrairement la politique de l’OMS et à celle de la SCHL, la politique du MTQ ne différencie pas le bruit prévalant le jour de celui prévalant la nuit.
[196] La jurisprudence de la Cour d’appel énonce que la politique du MTQ politique n’est ni un texte réglementaire ni une norme à caractère obligatoire. Elle énonce la position du MTQ à l’égard du bruit. Elle sert de guide et propose des critères indicatifs[111].
[197] Un avis public de l’Institut national de santé publique du Québec (l’« Avis INSPQ »)[112] indique que ses recommandations sont cohérentes avec plusieurs propositions prônées par l’OMS et bonnes pratiques utilisées ailleurs dans le monde[113]. L’avis énonce :
« Présent partout, le bruit est associé au quotidien de chacun. Il est en arrière-plan, souvent occulté de la perception consciente, mais il laisse peu de repos à l’audition et à tout l’organisme. Rappelons qu’il n’y a pas de « paupières à oreilles » et que le système auditif ne se repose jamais.[114] »
[198] L’Avis INSPQ relate également que Santé Canada considère qu’une augmentation dans la proportion de personnes fortement dérangées par le bruit est un critère pertinent pour estimer la sévérité des impacts d’un projet :
« Pour sa part, Santé Canada, s’appuyant sur les pratiques de l’agence américaine en environnement (US-EPA) de 1974 et les normes CSA et ISO « considère que les paramètres de mesure des effets du bruit sur la santé sont : la perte auditive due au bruit, les troubles du sommeil, l’interférence dans la compréhension du langage, les plaintes et la variation du pourcentage de personnes fortement gênées (% HA). » (p. 8). Ce dernier critère serait à utiliser lors des processus d’évaluations environnementales. Selon les chercheurs de Santé Canada, le pourcentage de personnes fortement incommodées par le bruit (% HA) est un paramètre d’utilisation à long terme, plus pratique que l’utilisation des plaintes. Son utilisation est justifiée parce que la nuisance causée par le bruit est un effet indésirable sur la santé qui concorde avec la définition de la santé de l’OMS. Ainsi, pour estimer la sévérité potentielle (potential severity) des impacts du bruit d’un projet, Santé Canada suggère de combiner plusieurs critères (aménagement, limites d’exposition, etc.) dont un concernant une augmentation de 6,5 % dans la proportion de personnes fortement dérangées par le bruit […][115] »
[Soulignement du Tribunal]
[199] L’avis INSPQ mentionne que ce critère, basé sur la nuisance, n’est pas retrouvé dans la Politique sur le bruit routier du MTQ[116].
[200] On comprend que les indicateurs utilisés ont aussi leur pertinence. L’avis mentionne:
« [e]n dépit de certaines faiblesses, le niveau de bruit continu équivalent pondéré « A » (LAeq, T) est un de ces indicateurs, lorsqu’il est basé sur une durée adéquate et qu’il peut être finement détaillé.
Le Lden tient compte de la plus grande nuisance ressentie et de la nécessité du repos en soirée ou pendant la nuit, intégrant une pondération différente pour chaque période. De plus, sa reconnaissance par la CE comme indicateur de base pour le bruit environnemental en fait un outil utile pour le suivi de politiques publiques comme celles des transports[117]. »
[201] L’avis INSPQ mentionne que la nuisance n’est pas uniquement tributaire des paramètres acoustiques[118]. Les indicateurs sont souvent complétés par d’autres tels le taux de plaintes pour bruit et la proportion de la population se disant affectée. Le traitement et le suivi des plaintes pour des problèmes de bruit sont des éléments importants pour atténuer les effets du bruit[119].
[202] L’aménagement et la planification du territoire sont présentés comme la première mesure efficace pour réduire le bruit routier[120] :
« Le plan d’urbanisme devrait identifier les espaces soumis à des niveaux de bruit élevés, notamment dans les secteurs déjà établis, et prévoir des mesures (aménagement) pour limiter ces problèmes. De cette analyse découlera une réglementation adaptée (zonage, lotissement, etc.). Dans le cas des plans particuliers d’urbanisme (PPU), le bruit devrait faire l’objet d’une attention particulière, notamment dans les centres-villes. Par exemple, le plan actuel d’urbanisme de la ville de Montréal qui remonte à 2004 identifie les zones les plus bruyantes. Ce plan prévoyait l’implantation d’une politique d’atténuation du bruit assortie de plusieurs mesures. Des actions sont en cours dans certains arrondissements de Montréal[121]. »
[203] Une expertise commune de mesure de bruit a été exécutée par la firme Soft dB (le « rapport Soft dB ») en avril 2019[122]. L’expert applique comme mesure de référence la politique sur le bruit routier du ministère des Transports du Québec[123]. Voici ce qu’il observe et conclut.
[204] L’objectif du mandat de Soft dB était de prendre des mesures de niveau de pression acoustique pour une durée de 24 heures et de comparer les résultats aux règlements en vigueur.
[205] Les mesures ont été prises à quatre endroits distincts, selon des positions susceptibles de se situer dans des zones où des changements de vitesse sont possibles, ainsi qu’aux intersections majeures où le nombre de véhicules est susceptible de varier fortement.
[206] Les résultats montrent que l’émergence dominante du bruit provient des véhicules. La mesure au point 1 indique un niveau sonore de 51,4 dBA, considéré comme un degré de perturbation acceptable. La mesure au point 2 tient compte de la perturbation sonore provenant du passage ferroviaire. La mesure est de 55,7 dBA, considérée comme un niveau faiblement perturbé. En écartant le train, la mesure baisse à 52,6 dBA et revient à un niveau de perturbation acceptable. Il en va ainsi pour la mesure au point 3 (54,7 dBA). Quant à la mesure au point 4, la mesure est de 56,2 dBA soit faiblement perturbée.
[207] En projetant sur 10 ans, tenant compte de l’hypothèse d’une augmentation annuelle du débit de circulation de 1,5 % par année, soit 15 % d’ici 2029, le niveau sonore augmenterait d’approximativement de 0,5 dBA.
[208] Le rapport conclut que selon les points de mesure, le degré de perturbation est qualifié d’acceptable à faiblement perturbé.
[209] L’expert commun fait cette appréciation en comparaison avec la politique sur le bruit routier du ministère des Transports du Québec qui préconise un niveau de bruit de 55 dBA, qu’il comprend être une limite généralement reconnue comme assurant un niveau acceptable pour les zones sensibles comme les aires résidentielles. Cette norme est selon lui le standard en matière de bruit routier. Il applique cette norme en matière de route municipale si aucun règlement municipal n’existe.
[210] On n’a pas demandé à l’expert commun de référer à d’autres politiques. Celle de l’OMS[124] est d’ailleurs selon lui trop contraignante et irréaliste. Les normes de l’INSPQ sont aussi très restrictives et inspirées de celles de l’OMS.
[211] L’expert est d’avis que les politiques applicables à des sources de bruit qui profitent au public, comme le transport routier, font montre de plus de tolérance que les sources privées telles les thermopompes visées par la réglementation municipale[125].
[212] L’expert explique que les lignes directrices de la SCHL[126] sont quant à elles utilisées pour de nouvelles constructions .
[213] Lors de son témoignage, l’expert constate que les mesures ont été prises sur 24 heures un dimanche, soit à partir de minuit le dimanche, jusqu’à minuit commençant la journée du lundi suivant.
[214] Il se montre relativement surpris que les tests aient été effectués un dimanche. Il vaut mieux, selon lui, prendre les mesures à un moment plus critique, plus représentatif. C’est la raison pour laquelle il est bon d’établir une moyenne sur une année. Ce qui a été fait en l’espèce correspond à une photographie dans le temps. Le bruit routier journalier moyen aux résidences n’a pas été calculé et devait faire l’objet d’une nouvelle offre de service à la demande du client.
[215] Une autre étude sonore avait été demandée par la Ville auprès de Génivar en juillet 2013[127]. Pour des raisons techniques, la Ville s’objecte à ce que le Tribunal considère la preuve d’opinion de ce document, ce qui inclurait les mesures sonores, lesquelles relèvent, selon elle, de l’expertise. Elle a par ailleurs admis la production du document en tant que pièce et en acceptant le témoignage de l’auteur. Dans sa plaidoirie, elle demande que le Tribunal ne considère pas les extraits qui relèvent de l’expertise. Cette distinction n’a été formulée que lors des représentations. Le Tribunal observe que la Ville invoque par ailleurs le volet analytique du rapport de CIMA+ pour soutenir ses arguments, lequel fait l’objet de la même objection[128]. Le Tribunal estime qu’il y a lieu d’écarter la distinction soulevée par la Ville et de retenir les résultats de mesures sonores de Génivar comme étant prouvées.
[216] Les résultats de ces mesures sonores varient entre 60 et 63 dBA. En distinguant les mesures du jour et de la nuit, on constate qu’elles varient entre 62 et 65 le jour et 56 et 59 la nuit. Les mesures sont prises entre 9h le 19 juin 2013 et 9h le 21 juin 2013 (mercredi à jeudi). Cette étude démontre que les mesures sonores réalisées à ces dates sont supérieures aux recommandations du MTQ. Les mesures sonores sont similaires pour les deux journées de mesures. L’étude énonce que le bruit provient essentiellement de la circulation routière.
[217] Le rapport fait également état des comptages routiers aux mêmes dates. Les résultats montrent un passage de camions lourds variant entre 113 et 262 selon la journée et le point de comptage. Quant au nombre d’automobiles, il varie entre 7 428 et 4 343.
[218] Ces différences de mesures sonores ne s’expliquent pas par les mesures d’atténuation en place depuis 2013.
[219] En effet, selon l’avis INSPQ, une réduction de vitesse de 10 km/h peut permettre de réduire le bruit des véhicules légers de 1 à 3 dB[129] si elle est accompagnée de mécanismes de contrôle de vitesse. Les dos d’âne peuvent aussi réduire le bruit jusqu’à 2 dB. Le bruit peut aussi être réduit de 1 à 2 dB avec une diminution de 10% du nombre de véhicules lourds[130]. Par contre, les dos d’âne allongés utilisés pour réduire la vitesse augmentent le bruit lorsque des camions ou véhicules lourds les franchissent, mais aussi lors de décélération/accélération des véhicules [131]. Il en va ainsi des arrêts obligatoires en série qui engendrent de pointes de bruit jusqu’à 10 dB de plus, en raison des démarrages et redémarrages[132].
[220] Le Tribunal a entendu 11 résidents crédibles, sincères, convaincants et découragés qui sont affectés de façon importante par la circulation qu’ils estiment excessive sur le tronçon, laquelle leur occasionne des inconvénients qui excèdent, aux yeux du Tribunal, par leur gravité et leur récurrence, les inconvénients normaux qu’ils doivent subir du fait d’habiter le long du tronçon.
[221] Leur témoignage démontre que le bruit généré par la circulation ne leur donne aucun répit et qu’ils le vivent de façon continue. Plusieurs ont dû faire des travaux d’insonorisation sur leur maison; ils ne peuvent ouvrir leurs fenêtres, ils ont dû acheter des climatiseurs ou thermopompes.
[222] Des véhicules circulent à grande vitesse la nuit à la sortie des bars du Quartier DIX30 et ce bruit trouble leur sommeil. Ils sont incommodés par le bruit à l’extérieur de leur résidence et ils ne peuvent converser normalement lorsqu’ils sont devant leur maison. Bien que certains profitent néanmoins de leur cour ou jardin, ils se plaignent néanmoins du bruit qui nuit à leur quiétude.
[223] L’achalandage est tel que plusieurs rapportent avoir du mal à sortir de leur entrée charretière.
[224] Ils observent des excès de vitesse, des concessionnaires qui font des essais routiers, ou encore des camions commerciaux effectuant la livraison de véhicules. Ils déplorent la circulation de camions de livraison de commerce, soit vers le Quartier DIX30 ou vers le supermarché IGA situé à l’intersection du boulevard Taschereau.
[225] Ils entendent l’accélération et la décélération des véhicules et camions aux intersections.
[226] Ils sont témoins d’accidents de la route sur leur rue résidentielle. Ils interdisent à leurs enfants de jouer devant la maison. Ils sont empreints d’un sentiment d’insécurité vu le flux important de la circulation.
[227] Ils décrivent que le tronçon est devenu un boulevard, une autoroute, que la circulation est « pharaonesque ».
[228] Cet environnement est celui de leur résidence principale, l’endroit où ils vivent avec leur famille et où ils passent leurs moments de détente. Pour certains, il s’agit de leur milieu de vie puisqu’ils sont à la retraite.
[229] Aux yeux du Tribunal, cette version des témoins en demande établit qu’ils sont victimes d’inconvénients anormaux de voisinage, dont la gravité et la récurrence imposent leur indemnisation.
[230] Par ailleurs, le Tribunal estime que la preuve de la défenderesse ne réfute pas cette appréciation.
[231] D’abord, le témoignage des résidents du secteur L appelés par la Ville ne permet pas de réfuter la version constante, homogène et persuasive des témoins de la partie demanderesse.
[232] Le Tribunal est d’avis que ces témoins de la Ville sont sincères, mais que leur perception des inconvénients est teintée par des intérêts ou par des attentes différentes de ceux des membres du groupe.
[233] L’action collective est clairement liée à la demande de créer une impasse sur le tronçon. La pétition fait grand état de l’opposition à cette impasse par plusieurs résidents. Pour ceux qui sont contre cette impasse, les impacts ressentis du fait de l’achalandage de la circulation sont de moindre importance par rapport à cet enjeu. Mme Mebarkia a subi une perte d’affaires (50 % de sa clientèle) du fait de la fermeture du tronçon durant les travaux d’aménagement de la rue. Mme Radu a vécu l’enfer et elle ressentait un sentiment de claustrophobie durant la fermeture de la rue.
[234] Quant aux résidents du secteur L qui ont choisi de s’y établir au fil du temps en raison de sa proximité au Quartier DIX30 et pour profiter des avantages associés au développement urbain, ils sont aussi enclins à mieux tolérer les inconvénients qui découlent de la circulation, lesquels sont prévisibles et intimement liés aux avantages qu’ils recherchent.
[235] L’expertise conjointe d’AXOR, discutée ci-dessus[133], convainc de l’importance de la circulation routière, laquelle excède d’ailleurs la balise de 8 000 véhicules par jour établie par le Ministère des transports fédéral pour une route collectrice.
[236] Le fait que la Ville qualifie le tronçon de collectrice ne permet pas de justifier un achalandage aussi important, alors que dès l’enquête du BAPE en 1999, la circulation sur le chemin des Prairies se présentait comme un enjeu à surveiller. D’autant plus que cette qualification ne semble pas avoir réellement servi à planifier le niveau de circulation sur le tronçon, comme nous l’avons conclu[134].
[237] L’analyse comparative de WSP avec d’autres voies collectrices ne convainc pas non plus que la circulation sur le chemin des Prairies est « normale ». Trop de données importantes ne sont pas considérées dans le cadre de cette analyse, dont la largeur des axes de circulation, les mesures sonores, la densité de la population et le comptage récent de circulation, sans oublier l’historique champêtre du tronçon[135].
[238] Quant à l’analyse sonore, l’expertise conjointe qui se fonde sur des données d’une seule journée, un dimanche, ne démontre pas que le bruit est acceptable et en ce sens, elle n’appuie ni ne réfute les plaintes des membres du groupe. D’autre part, le nombre de personnes incommodées par le bruit sur le tronçon ajoute aux éléments de preuve établissant que le bruit généré peut être considéré comme une nuisance[136].
[239] La preuve de la Ville ne convainc pas que ses travaux d’aménagement ont servi à diminuer les impacts de l’importance de la circulation. Les témoignages vont dans le sens contraire et l’expert de WSP ne peut faire cette comparaison[137].
[240] Il apparaît incontestable que la situation vécue par les membres du groupe découle de la gestion par la Ville de son développement urbain et de l’aménagement du tronçon pour accueillir la circulation de nouveaux propriétaires et permettre le transit des véhicules dans les deux directions. Par son développement urbain, la Ville a créé une source d’inconvénients anormaux dans l’environnement paisible du chemin des Prairies, alors que le rapport du BAPE en 1999 prévoyait plutôt qu’une circulation relativement faible contribuerait à maintenir la qualité de vie des riverains[138].
[241] Le nombre important de personnes concernées permet au Tribunal de conclure que les inconvénients décrits peuvent être appréciés d’un point de vue objectif.
[242] La preuve convainc que l’achalandage de véhicules occasionne aussi des inconvénients anormaux associés au sentiment d’insécurité découlant du flux de véhicules qui circulent sur cette rue résidentielle. Ce sentiment est bien décrit par les témoins et il apparaît objectif malgré que la Ville veuille rassurer par ce qu’elle estime être un faible nombre d’accidents sur le tronçon au cours des dernières années.
[243] Quant à la poussière toutefois, la preuve ne démontre pas que celle-ci provient de la circulation sur le tronçon plutôt que de la proximité d’autoroutes, du Quartier DIX30 et du développement urbain en général. La preuve ne convainc pas que la quantité de poussière est plus importante chez les membres du groupe que chez les autres résidents de la Ville.
[244] Finalement, l’existence de troubles pour la santé n’est pas établie par la preuve.
[245] L’antériorité des usages est un facteur dont le Tribunal tient compte pour pondérer l’indemnité accordée.
[246] À cet égard, le Tribunal considère deux périodes distinctes dans l’évolution des inconvénients anormaux de voisinage.
[247] L’année 2009 ressort comme une époque charnière lors de laquelle la situation est exacerbée. Les résidents qui vivent sur le tronçon à cette époque connaissent une aggravation anormale de leurs inconvénients. Ces membres du groupe méritent une indemnisation complète.
[248] En effet, bien qu’on ne saurait considérer que ces membres du groupe pouvaient s’attendre à ce que le tronçon demeure une voie champêtre peu achalandée, ils pouvaient raisonnablement espérer que le progrès et le développement urbain ne leur occasionneraient pas de tels inconvénients. Les recommandations du BAPE en 1999 et les mesures annoncées à l’époque par la Ville démontrent bien la préoccupation généralisée de contrôler la circulation sur le tronçon en vue du développement à venir. Les résidents riverains pouvaient raisonnablement s’attendre à ce que la Ville ne manque pas à son devoir de ne pas leur faire subir des inconvénients anormaux de voisinage ni ne détériore à ce point la qualité de vie de leur milieu résidentiel.
[249] Toutefois, pour ce qui est des résidents qui se sont établis sur le tronçon alors que la situation était déjà connue et dénoncée, il appert qu’ils doivent assumer une part de leurs inconvénients.
[250] En effet, ceux qui s’installent après 2009 le font dans un contexte où le secteur O est entièrement développé, le secteur L est en plein développement et les résidents se plaignent du bruit généré par la circulation. La situation est évolutive. Le boulevard du Quartier est prolongé jusqu’au boulevard Matte à l’automne 2012. Une consultation publique se tient en 2013 et les résultats sont insatisfaisants aux yeux des demandeurs, si bien qu’une action collective est déposée. Des travaux d’aménagement sont exécutés et on espère que la situation problématique sera résorbée. Elle ne sera pas.
[251] Le Tribunal est d’avis que les résidents qui s’établissent dans le secteur avoisinant le tronçon pendant cette période évolutive doivent être dédommagés à concurrence de 25 % de l’indemnité réclamée.
[252] Le Tribunal estime que la somme de 2 000 $ réclamée par année d’occupation est par ailleurs raisonnable et conforme à la tendance jurisprudentielle en matière de troubles de voisinage.
[253] La preuve ne permet pas de réduire de façon suffisamment objective et dans une mesure suffisamment précise la compensation accordée aux membres du groupe pendant la pandémie, comme le demande la Ville.
[254] Le Tribunal ne peut non plus faire droit à la demande d’accorder une indemnisation pour le futur.
[255] Les demandeurs font valoir que la Ville porte atteinte à des droits consacrés par les articles 6 et 46.1de la Charte des droits et libertés de la personne[139] qui se lisent comme suit :
6. Toute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi.
[…]
46.1. Toute personne a droit, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité.
[256] L’article 49 de la Charte prévoit le droit de réclamer des dommages pour une atteinte à un droit reconnu par celle-ci en présence d’une atteinte illicite, soit une atteinte qui résulterait d’une conduite fautive[140].
[257] L’intérêt de soulever un manquement aux droits consacrés par la Charte en présence d’une conduite fautive se rattache à la possibilité de réclamer des dommages exemplaires en cas d’atteinte intentionnelle.
[258] Les demandeurs font aussi valoir que la Ville est responsable pour des manquements à la Loi sur la protection de l’environnement[141], plus particulièrement son article 20 al.2 :
« 20. Nul ne peut rejeter un contaminant dans l’environnement ou permettre un tel rejet au-delà de la quantité ou de la concentration déterminée conformément à la présente loi.
La même prohibition s’applique au rejet de tout contaminant dont la présence dans l’environnement est prohibée par règlement ou est susceptible de porter atteinte à la vie, à la santé, à la sécurité, au bien-être ou au confort de l’être humain, de causer du dommage ou de porter autrement préjudice à la qualité de l’environnement, aux écosystèmes, aux espèces vivantes ou aux biens. »
[259] Cette disposition est susceptible de donner lieu à la responsabilité de la Ville sous le régime de la responsabilité extracontractuelle (1457 C.c.q,) , ou encore sous le régime de la responsabilité sans faute (976 C.c.Q.).
[260] En cas de conduite fautive donnant lieu à l’émission d’un contaminant comme le bruit susceptible de porter atteinte au bien-être ou au confort de l’être humain, la responsabilité extracontractuelle de la Ville en vertu de l’article
[261] La démonstration d’une telle émission sans conduite fautive sera quant à elle susceptible de donner lieu à sa responsabilité sans faute en vertu du régime de l’article
[262] La violation d’une norme législative ne constitue pas en soi une faute civile. Le juge Hussain résume le principe applicable comme suit[144] :
[46] Quant à ce dernier point, le Tribunal souligne le principe qu’en droit québécois, une conduite qui est illégale en vertu du régime législatif et réglementaire n’est pas systématiquement fautive sur le plan civil. Il faut établir que la disposition exprime elle-même une norme élémentaire de prudence ou de diligence, et que l’auteur du geste prétendument fautif n’a pas agi comme une personne raisonnable, prudente et diligente, le tout évalué selon la norme de l’obligation de moyens.
[Référence omise]
[263] En l’espèce, le Tribunal a conclu à la responsabilité sans faute de la Ville pour ce contaminant qu’est le bruit, portant atteinte au confort des demandeurs et des membres du groupe et constituant des inconvénients anormaux de voisinage.
[264] Il reste à déterminer si les demandeurs se sont déchargés de leur fardeau de démontrer une conduite fautive de la Ville qui donnerait lieu à sa responsabilité extracontractuelle pour un préjudice plus étendu que les inconvénients anormaux de voisinage.
[265] Le cas échéant, il faudrait apprécier si cette conduite fautive constitue une atteinte intentionnelle en vertu de l’article 49 de la Charte.
[266] Comme le résume récemment le juge Hussain dans Cabaret Music-Hall[145], deux régimes distincts régissent la responsabilité de la Ville pour les troubles de voisinage : 1) d’une part, le régime de droit commun de la responsabilité civile fondé sur le comportement fautif de leur auteur en vertu de l’article
[267] La Cour suprême dans Ciment du Saint‑Laurent[148] énonce comment le régime de la responsabilité civile extracontractuelle édicté par l’article
[31] La constatation d’inconvénients anormaux ne suffira donc pas pour établir la commission d’une faute dans l’exercice d’un droit. Cependant, si un propriétaire commet une faute, il pourra être tenu responsable des dommages causés, même s’ils n’atteignent pas le niveau des inconvénients anormaux. L’article
[Soulignement du Tribunal]
[268] Rappelons l’énoncé du devoir qu’impose à toute personne l’article
1457. Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.
Elle est, lorsqu’elle est douée de raison et qu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu’elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel.
Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’elle a sous sa garde.
[269] L’arrêt Ciment du Saint‑Laurent enseigne qu’en matière de troubles de voisinage, la faute civile peut refléter soit l’exercice abusif d’un droit de propriété, soit la violation de normes de comportement qui sont souvent inscrites dans des normes législatives ou réglementaires concernant l’usage des propriétés[149].
[270] Outre l’ensemble des faits relatés ci-dessus, il est essentiel à ce stade de résumer l’expertise urbanistique présentée par la Ville.
[271] La Ville soumet une évaluation urbanistique datée du 15 avril 2019 préparée par l’expert Michel Collins de la firme BC2[150].
[272] Ce dernier a été qualifié en tant qu’expert en urbanisme et en développement urbain et planification et développement des réseaux viaires municipaux.
[273] Il explique combien la Ville a vécu une croissance démographique importante et s’est développée pour devenir une ville à part entière qui offre des services d’envergure régionale .
[274] Il est d’avis que la Ville a toujours contrôlé de façon stable, cohérente, ordonnée et progressive son développement, conformément à un plan directeur adopté peu de temps après sa création dont les fondements, notamment le développement en secteurs, prévalent toujours.
[275] Il estime que la Ville a su préserver le caractère unifamilial des quartiers et que les développements de certains secteurs en matière commerciale et de services, notamment le Quartier DIX30, n’ont pas eu d’incidence drastique sur la voie pour laquelle un secteur était destiné.
[276] Il explique que la progression de l’urbanisation vers le chemin des Prairies a fait en sorte que l’achalandage sur cet axe a peu à peu augmenté. Il voit par ailleurs que l’organisation du réseau viaire, constitué entre autres des boulevards du Quartier, Rome et Matte, en limite l’accès.
[277] Il cite le projet de construction de ces boulevards à la fin des années 1990 comme démontrant la vision de la Ville en matière de développement en prévoyant les besoins en infrastructure routière des nouveaux secteurs.
[278] Il estime que le réseau routier local est bien hiérarchisé.
[279] Il réfère à diverses études de circulation entreprises par la Ville, lesquelles présentent à son avis des résultats cohérents avec la vocation du tronçon.
[280] Il estime que le tronçon est particulièrement bien aménagé et il dira au procès que peu de villes font les choses de cette qualité.
[281] Il écrit que la planification et les interventions effectuées au fil du temps ont permis de mitiger les débits et le transit sur cette voie de circulation, et ce, malgré l’augmentation persistante du nombre de déplacements automobiles à l’échelle métropolitaine, régionale et locale.
[282] Selon lui, l’accroissement de la circulation sur le tronçon s’inscrit dans une dynamique observée ailleurs à l’échelle métropolitaine, particulièrement sur l’autoroute 30, ajoutant que la concentration de la population et des services occasionnent une croissance des déplacements[151].
[283] En vertu de l’article
[284] La Ville n’avait pas d’obligation de résultat, mais seulement une obligation de moyens. Le fait que le développement urbain soit une source d’inconvénients, même anormaux, n’entraîne pas la démonstration d’une faute précise commise par la Ville.
[285] Pour établir la responsabilité extracontractuelle de la Ville, les demandeurs avaient le fardeau de démontrer en quoi leur préjudice serait la conséquence d’une faute ou d’une omission de sa part.
[286] Les demandeurs insistent sur le défaut de la Ville de faire cesser les inconvénients anormaux qu’ils subissent. Or, omettre de réparer un préjudice qui n’est pas occasionné par sa faute ne constitue pas en soi une faute extracontractuelle. Le fait que la Ville ait effectué certains aménagements qui ne seraient pas suffisants selon le jugement des demandeurs n’établit pas l’existence d’une faute extracontractuelle.
[287] Si le Tribunal ne retient pas les conclusions de l’expert de la Ville quant au résultat issu du comportement de la Ville, l’expertise soumise, non contredite, réfute les inférences avancées par les demandeurs quant à l’existence d’une faute génératrice de responsabilité civile.
[288] Les demandeurs ne réussissent pas à démontrer que les inconvénients dont ils sont victimes auraient été le résultat d’une planification fautive de la part de la Ville ou, de façon plus générale, d’une inexécution de ses obligations de moyens. Le Tribunal ne peut conclure de la preuve comment le développement du secteur L aux abords du tronçon et le développement du Quartier DIX30, plus à l’est, auraient dû être pensés autrement ni comment le réseau viaire aurait dû être structuré différemment dans le cadre du développement de ces secteurs. Le Tribunal ne peut non plus conclure qu’il était fautif de la part de la Ville de donner lieu à un tel développement.
[289] Les demandeurs ont témoigné de leur avis quant à l’opportunité qu’avait la Ville d’ouvrir d’autres voies pour permettre aux résidents de sortir des secteurs O et L sans avoir à passer par le tronçon. Toutefois, leur témoignage ne permet pas au Tribunal de statuer quant à la faisabilité, quant aux impacts ou quant au caractère réaliste de telles modifications.
[290] Les demandeurs font aussi valoir le retard de la Ville à exécuter les travaux requis pour prolonger le boulevard du Quartier jusqu’au boulevard Matte, travaux exécutés à l’automne 2012, alors que ces travaux étaient attendus depuis plusieurs années afin d’alléger la circulation de transit sur le tronçon. Or, si ce délai était fautif comme les demandeurs le font valoir, il aura occasionné un préjudice avant la période du recours. De toute façon, les demandeurs font valoir que le prolongement du boulevard du Quartier n’a pas apporté de solution à leurs inconvénients.
[291] La preuve ne démontre pas que la Ville aurait abusé de ses droits dans le cadre de ses projets de développement ni qu’elle aurait manqué à une obligation légale particulière.
[292] Le Tribunal conclut que les demandeurs ne se sont pas déchargés de leur fardeau de démontrer l’existence d’une faute extracontractuelle commise par la Ville.
[293] Il n’y a pas lieu de discuter plus longuement de la réclamation à titre de dommages exemplaires, laquelle est par le fait même rejetée.
[294] La récente décision de la Cour suprême dans Nelson (Ville) c. Marchi[152] clarifie les principes encadrant la question de l’immunité de l’autorité pour ses décisions politiques et plus particulièrement quant à la question de savoir à quel moment elle s’applique.
[295] D’emblée, il importe de rappeler que le fardeau de démontrer l’existence d’une immunité applicable repose sur la Ville en l’instance[153].
[296] La Cour suprême énonce quatre facteurs qui permettent d’évaluer la nature d’une décision gouvernementale : (1) le niveau hiérarchique et les responsabilités de la personne qui décide; (2) le processus suivi pour arriver à la décision; (3) la nature et l’importance des considérations budgétaires; et (4) la mesure dans laquelle la décision était fondée sur des critères objectifs[154].
[297] Ce sont les « décisions de politique générale fondamentale » qui sont couvertes par l’immunité. Ces décisions nécessitent la mise en balance de facteurs économiques, sociaux et politiques concurrents, ainsi que la réalisation d’analyses contextualisées de données. Ces décisions ne reposent pas uniquement sur des considérations objectives, mais elles requièrent également des jugements de valeur — car des personnes raisonnables peuvent légitimement diverger d’opinions et de fait le font[155].
[298] Citant l’arrêt Imperial Tobacco[156], l’arrêt Nelson réitère que ces décisions « se rapportent à une ligne de conduite et reposent sur des considérations d’intérêt public, tels des facteurs économiques, sociaux ou politiques, pourvu qu’elles ne soient ni irrationnelles ni prises de mauvaise foi ». Elles « forment un sous‑ensemble restreint de décisions discrétionnaires », en ce que « même les tâches courantes » peuvent nécessiter l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire, et le fait de protéger toutes les décisions gouvernementales discrétionnaires aurait pour effet de « donner une portée trop large à l’immunité »[157].
[299] Quant aux décisions qui sont exclues de la sphère des décisions de politique générale fondamentale, ce sont celles qui relèvent de « la mise en œuvre pratique des politiques ainsi formulées » ou de « l’exécution ou l’implantation d’une politique ». De telles décisions « opérationnelles » sont habituellement « le produit d’une directive administrative, de l’opinion d’un expert ou d’un professionnel, ou encore de normes techniques ou de la norme générale de ce qui est raisonnable »[158].
[300] La Cour suprême décline les facteurs d’analyse, complexes et reposant sur maintes considérations, comme suit[159] :
[62] Premièrement : le niveau hiérarchique et les responsabilités de la personne qui décide. Dans ce facteur, ce qui importe c’est la mesure selon laquelle cette personne a des liens étroits avec un représentant ou une représentante du gouvernement qui est démocratiquement redevable devant la population et responsable à l’égard des décisions de politique générale. Plus la personne qui décide se situe à un niveau élevé dans la hiérarchie du pouvoir exécutif, ou plus cette personne occupe un niveau hiérarchique élevé au sein de la direction, ou plus elle est près d’un représentant élu ou d’une représentante élue, plus grande sera la possibilité que le contrôle judiciaire de sa décision pour cause de négligence soulève des préoccupations relatives à la séparation des pouvoirs ou ait un effet paralysant sur la bonne gouvernance. Similairement, plus les responsabilités professionnelles de la personne qui décide incluent l’évaluation et la mise en balance de considérations d’intérêt public, plus il est probable que ce facteur militera en faveur de la reconnaissance de l’immunité accordée à l’égard des décisions de politique générale fondamentale. À l’inverse, des décisions prises par des membres du personnel qui ont des fonctions très éloignées de celles de représentantes gouvernementales ou de représentants gouvernementaux démocratiquement redevables devant la population, ou qui sont chargés d’activités de mise en œuvre, ne sont probablement pas des décisions de politique générale fondamentale, et sont davantage susceptible d’engager la responsabilité de leur auteur suivant les principes habituels de droit privé en matière de négligence (Just, p. 1242 et 1245; Imperial Tobacco, par. 87).
[63] Deuxièmement : le processus suivi pour arriver à la décision. Plus le processus décisionnel du gouvernement avait un caractère délibératif, a nécessité des débats (parfois publics), a impliqué la contribution de différents niveaux hiérarchiques, était censé être vaste et avoir une nature prospective, plus le principe de la séparation des pouvoirs entrera en jeu et tendra à indiquer qu’il s’agit d’une décision de politique générale fondamentale. En revanche, plus une décision peut être caractérisée comme étant la réaction d’un membre du personnel ou d’un groupe au sein du personnel à un événement particulier qui reflète le pouvoir discrétionnaire dont il dispose à cet égard et n’a pas été précédé d’une longue période de délibération, plus il est probable qu’elle donnera ouverture à révision pour négligence.
[64] Troisièmement : la nature et de la portée des considérations budgétaires. Une décision budgétaire peut être une décision de politique générale fondamentale, selon le type de mesure budgétaire dont il s’agit. Les décisions gouvernementales « concernant l’allocation de ressources budgétaires à des ministères ou organismes gouvernementaux seront rangées dans la catégorie des décisions de politique », parce qu’elles sont plus susceptibles de relever des compétences fondamentales des branches législative et exécutive (voir, p. ex., Criminal Lawyers’ Association, par. 28). Par contre, les décisions budgétaires quotidiennes prises individuellement par des membres du personnel ne soulèveront probablement pas de préoccupation liée à la séparation des pouvoirs.
[65] Quatrièmement : la mesure selon laquelle la décision était fondée sur des critères objectifs. Plus la décision gouvernementale implique la mise en balance d’intérêts concurrents et requiert des jugements de valeur, plus il est vraisemblable que le facteur de la séparation des pouvoirs entrera en jeu, car dans un tel cas le tribunal substituerait ses propres jugements de valeur (Makuch, p. 234‑236 et 238). Inversement, plus une décision est prise en fonction « de normes techniques ou de la norme générale de ce qui est raisonnable », plus il est probable qu’elle donne ouverture à une révision pour négligence. Il est également possible que ces décisions correspondent à des décisions analogues dans la sphère privée, décisions que les tribunaux ont déjà l’habitude d’examiner, parce qu’elles sont fondées sur des critères objectifs.
[66] Par conséquent, dans la mise en balance de ces facteurs, l’accent doit toujours être mis principalement sur l’objet qui sous‑tend l’immunité et sur la nature de la décision. Aucun des facteurs n’est nécessairement déterminant en soi, et davantage de facteurs et de caractéristiques des décisions de politique générale fondamentale peuvent être élaborés; les tribunaux doivent évaluer toutes les circonstances.
[Soulignement du Tribunal]
[301] La question de l’immunité de l’État en matière de nuisance occasionnée par la circulation de véhicules et par l’omission du MTQ d’adopter des mesures d’atténuation est discutée par la Cour d’appel dans Maltais. On y confirme que la défense d’immunité trouve application sous le régime de responsabilité sans faute prévu par l’article
[302] La Cour d’appel confirme également que l’État peut soulever son immunité en cas de contravention à la Loi sur la qualité de l’environnement ou d’atteinte illicite à un droit reconnu par la Charte des droits et libertés de la personne [162].
[303] Quant à la question de décider si les actes posés et les droits exercés par l’autorité à titre de propriétaire d’une route relèvent de la sphère politique ou opérationnelle, on retient que tout dépend de leur nature véritable et s’ils représentent ou non « une ligne de conduite fondée sur une mise en balance de considérations économiques, sociales et politiques[163] ».
[304] Dans l’affaire Maltais, la Cour d’appel considère que la Politique sur le bruit routier mis en application par le MTQ traduit une politique générale reposant sur des considérations d’ordre financier, économique, social et politique. L’omission du MTQ ne découle pas de sa passivité non motivée ou mal motivée, mais d’une décision politique générale fondamentale par l’adoption de la Politique sur le bruit routier.
[305] La Cour d’appel distingue la situation de celle discutée dans l’arrêt Laurentide Motels Ltd.[164], alors qu’aucune décision politique réelle n’avait été prise à l’égard de l’inspection et de la réparation des bornes-fontaines, omission à la source du préjudice occasionné. En l’absence d’une décision politique à laquelle l’omission d’agir pouvait être attribuée, celle-ci relevait du domaine opérationnel et demeurait assujettie au régime de responsabilité du droit privé.
[306] Il importait d’identifier de façon préalable la source de la responsabilité de la Ville afin de déterminer si la défense d’immunité peut être invoquée en l’espèce.
[307] La responsabilité de la Ville est engagée sous le régime de la responsabilité sans faute pour les troubles de voisinage occasionnés par l’achalandage excessif de véhicules et les inconvénients qui en découlent.
[308] Or, la preuve ne démontre pas que cette situation d’achalandage excessif découle d’une décision de politique générale fondamentale.
[309] En effet, la preuve ne démontre pas que le volume de circulation sur le tronçon découle d’une réelle planification de la part de la Ville. Même la qualification fonctionnelle du tronçon par la Ville n’apparaît pas comme le résultat d’une délibération suivie d’une décision politique. L’achalandage apparaît simplement comme le résultat du développement par la Ville des secteurs avoisinant le tronçon, mais non comme le résultat d’une décision portant de façon délibérée sur cette question.
[310] Quant à l’omission de la Ville de donner suite aux demandes des résidents de créer une impasse, la preuve démontre que cette opportunité n’a pas fait l’objet d’études approfondies, comme l’a révélé le directeur adjoint Jean-Pierre Richard dans le cadre de son témoignage.
[311] Devant l’absence de démonstration d’un processus décisionnel à la source des inconvénients anormaux subis par les membres du groupe, il ne peut être procédé à l’analyse qui se doit selon la grille établie dans l’arrêt Nelson précité.
[312] Le Tribunal conclut que la Ville ne s’est pas déchargée de démontrer que la situation de troubles de voisinage vécue par les membres du groupe découle d’une décision de politique générale fondamentale de la Ville.
[313] Les parties ont obtenu une expertise commune de la firme Altus datée du 31 mars 2019.
[314] L’étude visait à vérifier si la localisation d’une résidence unifamiliale située sur le chemin des Prairies à Brossard a subi une influence significative sur sa valeur marchande par rapport à une propriété localisée dans le même secteur.
[315] L’étude tient compte des ventes de propriétés résidentielles ayant eu lieu entre janvier 1998 et octobre 2018 pour lesquelles une fiche descriptive a été produite par les courtiers immobiliers affiliés à Centris. Une méthode d’analyse statistique a été appliquée, tenant compte de 1 776 ventes entre janvier 1998 et octobre 2018, dont 3.9 % sont adjacentes au chemin des Prairies.
[316] La modélisation confirme qu’il existait bel et bien un impact applicable aux résidences unifamiliales localisées sur le chemin des Prairies avant 2008, mais celle-ci n’est observable statistiquement qu’entre 2003 et 2007 (-4,53 %). Par la suite, l’impact négatif a augmenté à 7,59 %, mais seulement pour la période 2008 à 2012, pour disparaître à nouveau après 2012. Il attribue la baisse temporaire à la période de transformation dans le secteur.
[317] Ainsi, à défaut de vendre pendant la période de baisse du marché, aucune perte n’a été subie. L’expert souligne que la très grande majorité des maisons unifamiliales visées par le recours n’ont pas fait l’objet de transactions pendant la période à l’étude.
[318] Cette demande n’est pas soutenue par la preuve et doit être rejetée.
[319] Les demandeurs recherchent la conclusion mandatoire suivante :
« ORDONNER à la défenderesse d’installer dans le secteur O, à l’ouest de la voie ferrée, des panneaux de signalisation routière interdisant dans les deux directions toute circulation véhiculaire, incluant tout camion, à l’exception des véhicules d’urgence, des véhicules municipaux autorisés à se déplacer pour des fins municipales et des autobus du réseau de transport municipal et scolaires. »
[320] Cette demande d’injonction se fonde sur l’article
[321] Elle peut se également justifier en vertu de la responsabilité sans faute qui incombe à la Ville.
[322] La Cour d’appel énonce l’importance d’établir un équilibre entre les droits des parties dans Homans c. Gestion Paroi[166] :
[115] Or, l’article
[116] Ainsi, cette disposition sur laquelle est fondé le régime encadrant les troubles de voisinage contient, en son sein, l’idée même d’un équilibre entre les droits de chacun et impose aux tribunaux, lorsqu’on leur demande d’intervenir, la difficile tâche d’établir ce nécessaire équilibre. Ils doivent le faire en encadrant les activités, par ailleurs licites, de façon que les inconvénients qu’elles causent n’excèdent pas les inconvénients normaux de voisinage. Ils peuvent ainsi en réduire la fréquence, l’intensité, la durée, ou même, en certaines circonstances, les prohiber.
[Soulignement du Tribunal]
[323] Les demandeurs reposent leur demande sur une étude obtenue par la Ville auprès de SNC-Lavalin en juin 2013[167]. L’étude relate qu’à partir de comptages de circulation, la Ville a mis de l’avant trois concepts d’aménagement et a mandaté SNC‑Lavalin pour réaliser des analyses d’impacts. SNC propose un quatrième concept qu’elle estime très efficace, entre autres :
« […] de fermer le chemin des Prairies entre les quartiers O et L à la hauteur du chemin de fer pour les déplacements automobiles. Il y aurait lieu de laisser les autobus, services d’urgence, cyclistes et piétons libres de conserver un passage. Des mesures d’apaisement de la circulation et de signalisation devront être ajoutées également. »
[324] La fermeture du tronçon à la hauteur des voies ferrées demeure à ce jour une alternative qui n’est pas acceptable aux yeux de la Ville.
[325] La Ville invoque que la solution de créer une impasse sur le tronçon entraînerait des inconvénients pour les résidents des secteurs O et L, qui se verraient imposer un long détour pour accéder au Quartier DIX30 et aux autoroutes ou pour accéder au boulevard Taschereau. On craint aussi des embouteillages aux sorties du tronçon ou des augmentations de l’achalandage sur les rues locales adjacentes. Les résidents ont exprimé leurs doléances lorsque le tronçon était fermé temporairement durant les travaux, entre autres pour accéder à la garderie. Plusieurs ont signé une pétition contre la création d’une impasse[168].
[326] La Ville soulève aussi que la circulation la plus importante est associée au déplacement des résidents des secteurs O et L[169]. Si on ferme le tronçon, ils circuleront davantage dans l’autre direction, tout simplement, contribuant à maintenir le même débit dans chacun des deux secteurs.
[327] L’expert de SNC n’a pas témoigné pour faire valoir son opinion. Les arguments soulevés par la Ville apparaissent fondés sur des considérations raisonnables. La preuve ne permet pas de conclure qu’il y a lieu d’imposer cette avenue à la Ville.
[328] Le Tribunal est d’avis que la Ville doit poursuivre ses travaux afin d’identifier une solution pour pallier aux troubles de voisinage vécus par les membres du groupe.
[329] La preuve ne permet pas d’estimer le nombre de membres du groupe appelés à faire valoir une réclamation selon l’une et l’autre des périodes de réclamation identifiées ci-dessus.
[330] Il y a lieu d’ordonner le recouvrement individuel des indemnités comme suit :
- les membres du groupe qui se sont établis aux abords du tronçon avant le 31 décembre 2009 : 2 000 $ par année d’occupation à compter du 12 février 2013;
- les membres du groupe qui s’y sont établis par la suite : 500 $ par année d’occupation à compter du 12 février 2013.
[331] ACCUEILLE en partie l’action collective sur la base de la responsabilité sans faute de la Ville de Brossard pour troubles de voisinage pour les membres du groupe suivants :
« Toutes les personnes résidant ou ayant résidé, depuis le 12 février 2013, à titre de propriétaire, de locataire ou d’occupant, en bordure du tronçon du chemin des Prairies délimité, à l’ouest, par le boulevard Taschereau, et à l’est, par le boulevard du Quartier, dans la Ville de Brossard, aux adresses suivantes :
2280 à 4305 chemin des Prairies;
4355, 4405, 4435, 4445, 4455, 4465 et 4685 du chemin des Prairies (rue privée);
2460 et 2620 Place Olivine;
2400 et 2405 Outremont;
3625 rue Oslo;
3648 rue Orléans;
8800, 8805, 8810, 9165, 9180, 9182, 9184, 9186, 9188, 9190, 9192 et 9194 Croissant du Louvre;
9005 Le Corbusier. »
[332] ORDONNE le recouvrement individuel des réclamations selon les modalités suivantes :
- 2 000 $ par année d’occupation pour les membres du groupe s’étant établis sur le tronçon jusqu’au 31 décembre 2009;
- 500 $ par année d’occupation pour les membres du groupe s’étant établi sur le tronçon après le 31 décembre 2009;
Étant entendu que le calcul des dommages-intérêt s’établit à compter du 12 février 2013 jusqu’au 12 février 2014 et ensuite pour chaque période d’une année débutant le 12 février.
Avec les intérêts et l’indemnité additionnelle à compter de l’assignation pour les dommages-intérêts dus depuis le 12 février 2013 jusqu’au 12 février 2014, puis à compter du 12 février de chaque année pour les dommages-intérêts dus pendant la période d’une année subséquente;
[333] DÉCLARE que la fin de la période d’indemnisation coïncide avec la date du présent jugement;
[334] REJETTE les autres chefs de réclamation;
[335] CONVOQUE les parties afin d’établir les autres modalités des réclamations et d’approuver l’avis aux membres du présent jugement;
[336] LE TOUT avec les frais de justice, incluant les frais d’expertise de la firme AXOR et de Soft dB[170].
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__________________________________DOMINIQUE POULIN, J.C.S. | |
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Me Marie-Elaine Guilbault | ||
GONTHIER AVOCATS | ||
Avocate des demandeurs / représentants | ||
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MILLER THOMSON SENCRL / LLP | ||
Avocates de la défenderesse | ||
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Dates d’audience : | 29 mai 2023 et 6, 7, 8, 9, 12, 13, 14, 19, 20, 21, 22 juin 2023 | |
[1] Description modifiée suivant le jugement de la Cour d’appel sur la prescription applicable au recours dans Ville de Brossard c. Belmamoun,
[2] Belmamoun c. Ville de Brossard,
[3] Pièce P-10, Rapport d’enquête et d’audience publique 135 - Élargissement et construction de boulevards à Brossard du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (le « rapport BAPE »), du septembre 1999, p. 67.
[4] Pièce D-29, Étude urbanistique du secteur du chemin des Prairies sur le territoire de la ville de Brossard, rapport préparé par BC2, 15 avril 2019, Figure 15 – Localisation du secteur à l’échelle locale, p. 27. À noter que R-134 correspond au boulevard Tachereau.
[5] Pièce P-10 .
[6] Id., p. 3, Les objectifs de la Ville.
[7] Id., p. 5.
[8] Id., p. 7.
[9] Id., p. 7.
[10] Id., p. 36.
[11] Id., p. 43.
[12] Id., p. 49.
[13] Id., p. 67.
[14] Id., p. 68.
[15] Id., p. 87.
[16] Id., p. 88.
[17] Pièce P-13, Modifications et précisions apportées au projet suite aux recommandations du rapport d’enquête et d’audience publique no 135 du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, p. 2, point 7.
[18] Pièce D-8, section 3.7.
[19] Id., section 7.2.
[20] Pièce D-29, p. 15, Figure 7 – Chemin des Pairies entre le boulevard Taschereau et la voie ferrée, 1993.
[21] Règlement de zonage #1642 de la Ville de Brossard, pièces D-3 (Copie certifiée conforme d’un extrait du Règlement 1642 à son entrée en vigueur le 30 octobre 2001, incluant la réglementation particulière à chacune des zones O et L) et D-5 (Codification administrative de la réglementation particulière du Règlement 1642 à la zone L, datée de 2016).
[22] Pièce D-29, Figure 8 – Chemin des Prairies entre le boulevard Taschereau et la voie ferrée, 2002, p. 16 à 20.
[23] Témoignage de M. Claude Déziel, chef de section – construction et inspection à la direction du génie à la Ville de Brossard (1971-2009), du 13 juin 2023.
[24] Pièce D-29, p. 20 et 21, figures 10 (Figure 10 – Chemin des Prairies entre le boulevard Taschereau et la voie ferrée, 2009) et 11 (Figure 11 – Chemin des Prairies entre la voie ferrée et l’autoroute 30, 2009).
[25] Pièce D-42, Règlement REG-171 modifiant le Plan d’urbanisme 1640 afin d’agrandir l’aire d’affectation « RES» dans le secteur «L» et REG-172 modifiant le Règlement de zonage 1642 afin de remplacer la zone et les dispositions particulières L04I par L14H, Ville de Brossard, 23 août 2010.
[26] Pièce P-21, Étude de modération de la circulation sur le chemin des Prairies à Brossard, Génivar 27 octobre 2010.
[27] Pièce D-37, Plan métropolitain d’aménagement et de développement, Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), avril, 2012.
[28] Village Parisien (2005); Quartier Sud (2009); Les portes de Londres (2011-2012); Faubourg Londonien (2013-2017).
[29] Pièce P-25, Lettre d’invitation du 16 janvier 2013, de la Ville de Brossard, Direction du génie à tous les riverains du chemin des Prairies.
[30] Selon Mme Isabelle Gaudette du Centre d’écologie urbaine de Montréal.
[31] Selon le directeur général de la Ville à l’époque M. Patrick Savard.
[32] Pièce D-30, p. 16 de l’étude de circulation. Voir également la liste des travaux réalisés, en pièce D-23 et les règlements d’emprunt, en pièce D-36.
[33] Selon M. Claude Déziel, chef de section, direction du génie.
[34] Témoignage de M. Claude Déziel du 13 juin 2023. Voir également les photographies en pièces D-24 et D-24 A-1. On y voit notamment des saillies de trottoir et des intersections surélevées.
[35] Selon Mme Marie-Chantal Verrier, directrice du génie entre août 2013 et le printemps 2016. La Ville a aussi déjà règlementé pour interdire les véhicules lourds et les motocyclettes, sauf pour ce qui est de la circulation et des livraisons locales pour l’ensemble de son territoire en 2010 (Règlement REG-175 relatif à la circulation des camions, des véhicules de transport d’équipement et des véhicules-outil, art. 5 et 6, (pièce D-17); Règlement REG-300 relatif à la circulation et au stationnement, art. 19, (pièce D‑18).
[36] Selon Mme Marie-Chantal Verrier.
[37] Selon Mme Rachel Laflamme, directrice adjointe à la direction de l’urbanisme entre 2011 et 2016.
[38] Selon M. Bernard Donato, directeur du génie entre septembre 2016 et avril 2022.
[39] Pièce P-68, Rapport d’expertise, prépare par le Groupe ABS, 12 décembre 2016.
[40] Selon M. Bernard Donato.
[41] Pièce P-16.
[42] Pièce D-30, p. 18.
[43] Ciment du Saint-Laurent inc. c. Barrette,
[44] Pincipes énoncés par la Cour suprême dans Ciment du Saint-Laurent et résumés par la Cour d’appel dans Entreprises Auberge du parc ltée c. Site historique du Banc-de-pêche de Paspébiac,
[45] Maltais c. Procureure générale du Québec,
[46] Id., par. 59.
[47] Id., par. 87.
[48] Lefebvre c. Granby Multi-Sports,
[49] Benoit c. Groupe CRH Canada inc.,
[50] Paspébiac, préc., note 44, par. 19.
[51] Id., par. 22.
[52] Id., par. 23, citant Louis-Paul Cullen, La responsabilité civile pour les troubles de voisinage, 10 mai 2006, texte d'une conférence prononcée dans le cadre des formations Insight, onglet 18 des autorités de l'appelante et Daigle c. Caron,
[53] Maltais, préc., note 45, par. 54.
[54] Paspébiac, préc., note 44, par. 15 à 18.
[55] Id., par. 56, citant le juge de première instance et les auteurs Jean Teboul, « Troubles de voisinage : l’article
[56] Maltais c. Procureure générale du Québec,
[57] Id., par. 353 à 360.
[58] Association des résidents de Mont-Tremblant pour la qualité de la vie c. Courses automobiles Mont-Tremblant inc.,
[59] Granby Multi-Sports, préc., note 48, par. 70.
[60] Location Jean Miller inc. c. Comité des citoyens pour la sauvegarde de notre qualité de vie (Val-David),
[61] Id., par. 13.
[63] Id., par. 612 à 618.
[64] Beaudoin c. Cabaret Music‑Hall inc.,
[65] Pièce P-16.
[66] Pièce P-27.
[67] En réponse à une demande d’accès, il n’a reçu que les annexes au rapport de CIMA+ (pièces P-52, p. 5 et P-23).
[69] Pièce P-28.
[70] Pièce P-53.
[71] Pièce P-54.
[72] Pièce D-20.
[73] Pièce P-16.
[74] Pièce P-17.
[75] Pièce P-50.
[76] Pièce P-56.
[77] Pièce D-41.
[78] Pièce P-7.
[79] Pièce P-16.
[80] Pièce D-45.
[81] Pièce D-44.
[82] Pièce P-65(1).
[83] Pièce D-28.
[84] Pièce D-29, p. 24.
[85] Ministère des Transports du Québec, Lexique, Collection Normes-Ouvrages routiers,Québec, juin 2021.
[86] Pièce P-23.
[87] Pièce D-20, Carte de la hiérarchie routière de la Ville.
[88] Plan d’urbanisme, pièce D-9, voir carte en p. 99 de la pièce D-9 (PDF).
[89] Pièce P-21.
[90] Lexique, préc., note 85.
[91] Pièce D-19, Transports Québec, Classification fonctionnelle - Norme, tome I, chapitre 1, p. 10, 15 juin 2005, (tableaux 1.5-4 et 1.5-5).
[92] Pièce P-14, Association des transports du Canada, Extrait du Guide canadien de conception géométrique des routes., septembre 1999, p. 1.3.4.3, tableau 1.3.4.2.
[93] Scene Holding Inc. c. Galeries des Monts inc.,
[94] Pièce D-31, Rapport d’expertise - Circulation sur le chemin des Prairies à Brossard, préparé par AXOR Experts‑Conseil inc. (le « rapport AXOR »), 21 juin 2019.
[95] Id., Figure 4 - Débit journalier moyen annuel (DJMA), p. 5; cumul des données dans les deux sens.
[96] Pièce D-30, Étude de circulation sur le chemin des Prairies, Ville de Brossard, rapport préparé par WSP, (le « rapport WSP »), 20 juin 2019, page 11, Tableau 2-1 Débits actuels et DJMA sur le chemin des Priairies.
[97] Pièce P-23.
[98] Témoignage de M. Guillaume Grégoire.
[99] Pièce P-23, Figure 2.1 - Débits journaliers moyens annuels (DJMA) actuels (relevés effectués du mercredi 24 octobre au mercredi 31 octobre 2012), p. 5.
[100] Id., Figure 4.1 - Débits journaliers moyens annuels (DJMA) anticipés, p. 11.
[101] Pièce D-30, p. 18.
[102] Plan d’argumentation de la défenderesse Ville de Brossard, par. 185.
[103] Pièce P-48, Extrait, (courriel du 18 mai 2016) et pièce P-48, page 3300 du Cahier des pièces – Représentants.pdf, (courriel de la Direction du génie de la Ville du 25 septembre 2018 en réponse à la Demande #34976 de M. Gérard Hamel).
[104] Pièce D-30.
[105] Id., p. 2.
[106] Pièce P-29, Extraits du règlement 830, Le Bruit, art. 5.1.
[107] Pièce P-30.
[108] Pièce P-31, p. 10.
[109] Id., page 11.
[110] Pièce P-41, World Health Organization, Environmental Noise Guidelines for the European Region, 2018, p. xvi.
[111] Groupe CRH Canada inc. c. Beauregard,
[112] Pièce P-33, Institut National de santé publique du Québec, Avis sur une politique québécoise de lutte au bruit environnemental : pour des environnements sonores sains, Avis scientifique, septembre 2015.
[113] Id., p. 5.
[116] Id.
[117] Id., p. 75.
[118] Id.
[119] Id., p. 76.
[120] Id., p. 48.
[121] Id., p. 73.
[122] Pièce D-32, Mesure de bruit routier, Chemin des Prairies, Brossard, rapport préparé par Soft dB, avril 2019.
[123] Pièce P-30.
[125] Pièce P-29.
[126] Pièce P-31.
[127] Pièce P-36.
[128] Plan d’argumentation de la défenderesse Ville de Brossard, par. 167.
[129] Pièce P-33, p. 45.
[130] Id., p. 46.
[131] Id., p. 48.
[132] Id.
[133] Voir chapitres 1.2.4 la classification fonctionnelle du chemin des Prairies et 1.2.5 Le débit de circulation sur le tronçon.
[134] Voir chapitres 1.2.4 la classification fonctionnelle du chemin des Prairies.
[135] Voir chapitre 1.2.6 L’analyse comparative de la Ville.
[136] Voir chapitre 1.2.7 Les mesures sonores, avis INSPQ, p.74.
[137] Pièce D-30, p. 18.
[138] Pièce P-10, p.49.
[139] RLRQ, c. C-12 (la « Charte »), art. 6 et 46.1.
[140] Aubry c. Vice-Versa,
[141] Loi sur la qualité de l’environnement, RLRQ c. Q-2
[142] Benoît c. Groupe CRH Canada inc., par. 313.
[143] Groupe CRH Canada inc. c. Beauregard,
[144] Cabaret Music‑Hall inc., préc., note 64, par. 46.
[145] Id., par. 39.
[146] L’article
[147] Ciment du Saint-Laurent, préc., note 43, par. 20, 36 et 86; Courses automobiles Mont-Tremblant inc. c. Iredale,
[148] Ciment du Saint‑Laurent, préc., note 43, par. 31.
[150] Pièce D-29.
[151] Pièce D-29, p. 33.
[152] Nelson (Ville) c. Marchi,
[153] Id., par. 35.
[154] Id., par. 3.
[155] Id., par. 44.
[156] R.c. Impérial Tobacco Canada Ltée,
[157] Nelson (Ville) c. Marchi,
[158] Id., par. 52.
[159] Id., par. 62 à 66.
[160] Maltais, préc., note 45, par. 86 à 90.
[161] Id., par .87.
[162] Id., par. 98.
[163] Id., par. 102, citant R. c. Imperial Tobacco Canada Ltée,
[164] Laurentide Motels Ltd. c. Beauport (Ville), 1989 CanLII 81 (CSC),
[165] Demande introductive d’instance en action collective remodifiée, 20 juin 2023, par. 109.
[166] Homans c. Gestion Paroi inc.,
[167] Pièce P-35, Ville de Brossard, Étude de circulation Chemin des Prairies, rapport préparé par SNC- Lavalin, 27 juin 2013, ch. 3.8, p. 30, quatrième scénario.
[168] Pièce D-28.
[169] WSP et CIMA+ concluent à une faible circulation de transit.
[170] Puisque le rapport de la firme Altus n’appuie pas la réclamation des demandeurs.
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