Lowe c. Plaisance |
2015 QCCQ 11835 |
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COUR DU QUÉBEC |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
LAVAL |
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LOCALITÉ DE |
LAVAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
540-22-015546-111 |
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DATE : |
20 novembre 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
JULIE MESSIER, J.C.Q. |
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ERIK LOWE |
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Demandeur |
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c. |
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JEAN-PHILIPPE PLAISANCE |
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Défendeur |
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JUGEMENT |
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[1] Erik Lowe (Lowe) poursuit Jean-Philippe Plaisance (Plaisance) en responsabilité civile pour l’avoir blessé au visage avec une bouteille de bière. Il lui réclame un dommage de 69 999 $.
QUESTIONS EN LITIGE
[2] Les faits mis en preuve permettent-ils de conclure que Plaisance a commis une faute?
[3] Quel est le quantum des dommages subis par Lowe?
[4] Lowe a-t-il contribué à ses dommages et, si oui, dans quelle proportion?
[5] Y a-t-il lieu d’accorder des dommages punitifs?
Introduction
[6] Le Tribunal a entendu trois personnes qui ont décrit la soirée du 12 au 13 février 2009. Le demandeur, le défendeur et la jeune fille au centre de l’altercation.
[7] Les trois témoignages étaient parsemés d’oublis, de réponses vagues et floues ou tout au contraire empreints d’une certitude surprenante lorsqu’il est le temps de décrire l’altercation. Chacun a cherché naturellement de façon trop évidente à se montrer à son meilleur jour, même madame Solneige Diaz (Diaz) qui pourtant n’avait rien à gagner ni à perdre dans la cause.
[8] Il est apparu clairement au Tribunal que le temps écoulé depuis l’événement (six ans), l’heure tardive de l’événement, la prise de boisson par tous, la courte durée de l’événement et naturellement comme le dit si bien le juge Daoust[1], la tendance humaine à chercher un autre coupable que soi, sont tous des éléments qui ont contribué à cette mémoire collectivement défaillante.
[9] La défense a soulevé en argumentaire que le témoignage du demandeur ne peut être retenu à cause de certaines contradictions. Le Tribunal a noté que chacun des trois témoins s’est contredit à un moment ou à un autre, et ce, de façon égale. Le Tribunal évaluera l’importance de ces contradictions afin de déterminer la version des faits à retenir.
[10] Les procureurs ont insisté parfois longuement sur des faits non pertinents à la résolution du litige comme, par exemple, le degré de connaissance entre Lowe et Diaz, entre Diaz et Plaisance, qui invitait qui et pourquoi, l’heure exacte d’arrivée, l’endroit spécifique au pied près où a eu lieu l’altercation. Seuls les faits jugés nécessaires sont repris du témoignage des trois témoins.
LES FAITS
[11] Le 12 février 2009, Lowe se trouve au bar Fuzzy en compagnie d’amis pour fêter l’anniversaire d’un de ceux-ci. Ils ont pris position au bar principal. Peu après son arrivée, il croise Diaz qui est en compagnie de deux amis. Diaz lui présente Plaisance, il y a échange de poignée de main.
[12] Diaz rejoint une troisième amie et tous ensemble, ils prennent position à côté d’une colonne de son et d’une cage de danse et occuperont cet espace durant la soirée. Il y a foule au Fuzzy ce soir-là, Diaz, Lowe et Plaisance peuvent, de leur emplacement réciproque, voir l’autre à travers la foule. Durant la soirée Diaz et Lowe se croiseront à quelques reprises.
[13] Lowe décrit les rencontres comme cordiales Diaz étant même venue boire des rasades offertes par Lowe au bar principal. Diaz ne se rappelle pas si elle a été le voir. D’ailleurs à part l’altercation que Diaz dit n’avoir d’ailleurs vu qu’en partie, n’ayant surprenamment pas vu le coup porté par Plaisance, sa description et sa mémoire pour tout le reste de la soirée est flou. Elle ne se souvient plus si elle a ou non pris des rasades avec Lowe, si elle le croise ou non, si c’est elle qui parfois l’a approché, tout cela est oublié.
[14] C’est au moment d’une de ces rencontres que survient l’événement en litige.
Version de Lowe de l’événement
[15] Lowe voit Diaz et la prend par le bras, il lui parle, mais ni Diaz ni Lowe ne se souviennent des paroles prononcées.
[16] Plaisance aurait alors dit à Lowe « décalisse, cette fille ne veut rien savoir de toi ». Lowe de rétorquer quelque chose du type : « t’es game de me dire ça, mais t’es pas game de me toucher. Allez frappe-moi. ». Il a alors tendu la joue et répété « Allez frappe-moi. »
[17] Plaisance lui a alors asséné un coup de bouteille de bière à la figure, la bouteille se brisant aux alentours de la démarcation front et tête, des tessons coupant le visage à deux endroits, soit à la joue et au menton.
Version de Diaz
[18] Lowe est venu la rejoindre à l’endroit où elle dansait avec ses amis, elle ne se souvient plus ce que Lowe lui a dit, sauf qu’elle est certaine qu’il était entreprenant et qu’il essayait de l’enlacer. Les deux filles qui accompagnaient Diaz auraient alors demandé à Lowe de s’éloigner, comme il demeurait en place c’est Plaisance qui lui a demandé.
[19] Selon Diaz, Plaisance s’est avancé en disant à Lowe de la laisser, il a tassé Diaz de côté prenant sa place à elle. Elle indique qu’à ce moment, Plaisance est à environ un bras de distance de Lowe.
[20] Le descriptif est surprenant, puisque Diaz dit que le problème débute avec le fait que Lowe est entreprenant et qu’il refuse de décoller et l’enlace, la touche, alors qu’elle lui demande d’arrêter, et que ses amies de fille lui demandent la même chose. Elle enchaîne en disant que Plaisance prend alors sa place.
[21] Comment concilier son témoignage : distance de bras, n’est pas la distance qu’on envisage lorsqu’on décrit quelqu’un qui se colle à nous. Veut-elle inconsciemment protéger Plaisance? Car si tel qu’elle l’a décrit, il a pris sa place auprès de Lowe, il s’est mis très proche de lui, soit à l’endroit où elle se trouvait préalablement, c’est.-à-dire un endroit assez proche pour être enlacé.
[22] Cette deuxième version serait plus rattachée avec les faits qu’elle décrit ensuite. Lowe aurait alors demandé à Plaisance s’il veut se battre, et Plaisance aurait alors reculé d’un pas ce qui maintenant le place à une distance d’un bras. Elle décrit le ton de Lowe comme agressif, celui de Plaisance comme calme et qu’il garde la tête haute.
[23] Lowe aurait avancé en montrant sa joue et en disant veux-tu me frapper et, à ce judicieux moment, Diaz s’est retournée et n’a pas vu le coup donné par Plaisance partir. Elle s’est retournée, à nouveau, pour voir la figure en sang de Lowe et Plaisance tenant la bouteille de bière brisée dans sa main.
Version de Plaisance
[24] Il voit Lowe s’approcher de Diaz, la prendre par la taille et vouloir danser avec elle, il la prend par le bras, lui parle. Diaz essaie de se défaire de son emprise, les deux autres filles demandent à Lowe de partir. Lowe ignore les deux filles. Alors, Plaisance s’approche de Lowe et lui demande de s’en aller en lui indiquant que Diaz ne veut pas danser avec lui. Il reste poli.
[25] Ici la version de Plaisance a différé de celle de Diaz. Aucune mention à l’effet qu’il aurait pris sa place après l’avoir tassée en arrière de lui. Donc, Plaisance s’est avancé, a parlé et alors Lowe serait immédiatement devenu très agressif, il aurait bombé le torse, serré les points et chercher à se battre. Les deux jeunes hommes sont très proches l’un de l’autre.
[26] Lowe prononce les paroles suivantes : « veux-tu te battre ». Plaisance aurait alors reculé d’un pas, car il ne veut pas de problème. Lowe se serait alors avancé, de nouveau, en tendant la joue en disant « t’es pas game de me frapper ».
[27] Plaisance dit avoir reculé une deuxième fois, ce qui ne correspond pas à la version donnée par Diaz qui indique avoir vu Plaisance reculer une fois. Plaisance dit que Lowe aurait alors fait un geste de la main, comme s’il s’apprêtait à le pousser ou le frapper.
[28] Cette version est aussi différente de celle rapportée par Diaz qui a dit avoir vu Lowe tendre la joue, mais n’a jamais dit qu’il a fait tout autre geste. Cette version de Plaisance est aussi différente de celle qu’il a versée à sa défense écrite où il écrit au paragraphe 23 : « Au même moment, votre demandeur a poussé le défendeur avec sa main, mais toujours en l’insultant ».
[29] La preuve prépondérante est plutôt à l’effet qu’aucune autre parole, que celles déjà énoncées. ne fut prononcée par Lowe avant qu’il ne reçoive un coup à la figure, et qu’en aucun temps, il n’a touché Plaisance, une main de Lowe étant même utilisée pour pointer sa propre joue.
[30] Plaisance continue en indiquant qu’afin de parer, soit la poussée ou le coup à venir, il a fait instinctivement un geste du bras et c’est à ce moment que la bouteille qu’il tenait à la main se serait fracassée sur le visage de Lowe. Plaisance mime ce qu’il a fait, soit un geste du bas vers le haut en direction d’une paire de bras fictif.
[31] Le Tribunal lui a demandé de refaire le geste, mais avec cette fois-ci les bras de l’avocat de la demande mimant le geste décrit par Plaisance que Lowe aurait accompli. Il est alors clairement apparu que la description de Plaisance de ses gestes ne correspondait pas avec la blessure encourue par Lowe.
[32] Car, selon la trajectoire du bras de Plaisance il aurait, soit touché Lowe au bras au passage pour parer le coup ou au menton ou à la joue. Mais pas la lisière du front endroit indiqué par Lowe depuis le début à l’ambulancier et à l’hôpital, comme lieu d’impact initial. À ce moment, Plaisance a reconnu que son geste a pu être différent.
[33] La description des événements subséquents redevient commune, la bouteille de bière en se brisant a causé plusieurs blessures légères, et deux entailles plus importantes.
[34] Plaisance ira aux toilettes immédiatement. Diaz ira dehors.
[35] Lowe obtiendra du secours d’amis et personnel du bar. Les ambulanciers et policiers arriveront. Lowe est amené à l’hôpital ou des points de suture lui seront faits.
[36] Les policiers rencontreront Plaisance et Diaz. Une plainte sera déposée au criminel pour voies de fait. Plaisance a plaidé coupable, puis a obtenu une absolution conditionnelle.
[37] Lowe de son côté après les événements a manqué deux jours de travail. Il a eu des points de suture durant deux semaines. Durant cette période, il avait de la difficulté à sourire, à manger et à dormir. Aujourd’hui sa figure est toujours fragile, ses cicatrices sont sensibles au froid.
[38] L’IVAC lui a versé 4 000 $ de dommages et 1 550 $ pour perte matérielle. Il est resté avec deux cicatrices une sur la joue de 1 cm X 1.3 cm et l’autre sur le menton de 2.7 cm X 0.2 cm.
[39] La cicatrice sur le menton a été reprise par une chirurgienne plastique en août 2014. Après l’opération elle est restée de la même longueur, mais sa largeur est passée de 0.2 cm à 0.1 cm. En plus des deux cicatrices est apparu sur la joue un œdème (amas de peau) qui soulève la cicatrice en trappe de la joue.
[40] Au sujet des cicatrices, chaque partie a fait entendre un expert qui a évalué Lowe. Les deux ont un curriculum suffisant pour être qualifié d’expert. Les deux ont utilisé le même barème, mais ils n’arrivent pas à la même conclusion. Le préjudice esthétique fut évalué selon le barème de l’American Medical Association (AMA, Guides to the Evaluation of Permanent Impairment).
[41] Ce guide apparaît au néophyte comme laissant une très grande place à la subjectivité et comme étant imprécis dans son descriptif. Les deux médecins ont classé les blessures de Lowe à la classe 1. Cette classe permet ensuite une gradation du pourcentage de 1 %, 3 % ou 5 %. L’expert en demande a établi un 5 % et celui en défense un 1 %.
[42] La classe 0 indique: « Scar is either small or slightly larger with minimum width, may be in obvious locations, and has no physiologic defects ».
[43] La classe 1 indique: « Significantly visible scar and/or abnormal pigmentation or mild unilateral total facial paralysis or nasal distortion that affects physical appearance ».
[44] Les deux médecins ont examiné les mêmes cicatrices, mais l’opinion qualificative qui doit être donnée à leur apparence est différente.
[45] En demande, le médecin indique que le positionnement des cicatrices, la dysimétrie qu’elle créée, les rend « significally visible » à un degré 5 %. Cette position est maintenue même après qu’une chirurgienne ait réduit la cicatrice au menton, le médecin indiquant que c’est l’œdème à la joue qui justifie le maintien du plus haut pourcentage à cette classe.
[46] En défense, le médecin a témoigné à l’effet que les cicatrices incluant l’œdème étaient en réalité une classe 0, mais que par pitié pour ce que vivait Lowe, elle a décidé de mettre la classe 1 avec le plus petit pourcentage, soit 1 %.
[47] De tout ce que le Tribunal a entendu et des explications des experts, le Tribunal retient surtout les descriptifs du médecin en demande qui a suivi une formation spécifique sur le guide utilisé aux présentes et qui a basé sa décision finale sur des éléments plus concrets que le médecin en défense. Par contre, le Tribunal évalue qu’une réduction du pourcentage aurait dû être faite après la réduction par chirurgie d’une des deux cicatrices de 5 % à 3 %.
[48] Quant à la suggestion en défense que Lowe aurait dû faire aussi une chirurgie à la cicatrice sur la joue pour minimiser ses dommages, le Tribunal retient plutôt que les deux médecins ont reconnu que pour la cicatrice de la joue, il y a un risque présent et possible que la chirurgie ne change rien à la situation ou l’aggrave. Le Tribunal ne peut tenir rigueur à Lowe pour son choix de ne pas procéder à cette chirurgie.
Position des deux parties
Demande
[49] La faute a été reconnue, l’acte était disproportionné et intentionnel. En plus de dommages moraux, des dommages punitifs devraient être versés.
Défense
[50] Il y a eu faute, mais à responsabilité partagée, le demandeur ayant provoqué l’affrontement. Aucun dommage punitif ne devrait être accordé les critères d’attribution n’étant pas démontrés.
ANALYSE ET DÉCISION
[51] De la preuve le Tribunal retient que dans la soirée Lowe et Diaz se sont vu et qu’ils ont échangé amicalement, et ce, jusqu’au moment de l’événement ou, pour des raisons qui lui sont propres, Diaz devient mal à l’aise vis-à-vis les avances de Lowe.
[52] Devant ce malaise, Plaisance décide d’intervenir et demande à Lowe de quitter. Offusqué, ce dernier invite Plaisance à se battre et le nargue en lui tendant une joue. Plaisance réagit en cassant la bouteille qu’il tient à la main sur le front de Lowe à la naissance de la tête.
[53] Le Tribunal ne retient pas l’argumentaire de Plaisance à l’effet qu’il a accompli un geste de légitime défense. Il retient plutôt que Plaisance a réagi à la provocation de Lowe, et sa réaction a été disproportionnée et non raisonnable.
[54] D’ailleurs, même si le Tribunal avait retenu la prétention de Plaisance à l’effet qu’il croyait que Lowe allait, soit le pousser ou même le frapper, le comportement de Plaisance était contraire à celui d’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances.
[55] Il était dans un lieu public entouré de beaucoup de personnes dont, entre autres, des videurs. Lowe est plus petit que lui, ses mains étaient vides, une personne raisonnable aurait réagi différemment, repousser simplement l’autre aurait déjà été une gradation plus normale des événements que de chercher à l’assommer avec une bouteille de vitre.
[56] Quant à Lowe, il a été fanfaron, voire même baveux. Son attitude était certes désagréable, mais elle ne justifiait pas la réaction disproportionnée de Plaisance, ni un partage de la responsabilité.
[57] Le Tribunal trouve donc Plaisance responsable à 100 % des dommages encourus par Lowe. Reste maintenant à déterminer le quantum des dommages et, s’il y a lieu, d’accorder des dommages punitifs.
Quantum
Préjudice pécuniaires
[58] Lowe a démontré qu’il a manqué deux soirées de travail pour l’équivalent de 200 $.
Dommages non pécuniaires
[59] Lowe réclame 65 000 $ à ce titre, pour les douleurs et troubles soufferts, les désagréments, tels picotements au froid toujours présent, ou encore d’avoir à expliquer fréquemment les circonstances qui ont engendré les cicatrices. Et aussi, pour l’incapacité partielle permanente qu’il allègue être à 5 %, mais que le Tribunal a retenue être plutôt de 3 %.
[60] Le juge Beauregard ans Brière c. Cyr[2], écrit :
« […]
[11] Depuis l'arrêt Andrews[1], lorsqu'il s'agit de déterminer l'étendue d'un préjudice et qu'il n'existe pas de préjudice pécuniaire, il faut grouper tous les préjudices non pécuniaires en un seul poste. D'autre part, la méthode par laquelle on attribue une certaine somme par point d'incapacité n'est plus une méthode acceptée par la jurisprudence[2].
(…)
[15] Toujours dans l'affaire Andrews, on enseigne qu'une indemnité pour un préjudice non pécuniaire n'est pas une compensation de la perte de quelque chose qui aurait une valeur en dollars, mais une consolation visant à rendre la vie de la victime plus supportable. À cet égard, il y a lieu de noter que le jeune Andrews n'avait que 21 ans et avait en conséquence une expectative de vie supérieure à celle de l'intimée qui, lors de l'incident, était au début de la quarantaine. Une personne de 40 ans aurait donc droit à une indemnité inférieure à celle à laquelle a droit une personne de 21 ans. Il faut aussi noter qu'en 1978, lorsque la Cour suprême a établi à 100 000 $ la somme maximale pour indemniser un préjudicie non pécuniaire, le rendement des placements était de l'ordre de 10 % et que, pour tenir compte de l'inflation, on a utilisé un taux d'actualisation de 7 %, alors qu'en l'espèce le taux à utiliser est de 3.25 %. Autant de raisons de ne pas faire une règle de trois précise pour arriver à la somme à laquelle l'intimée a raisonnablement droit.
[16] Si l'indemnité doit être une consolation qui vise à rendre la vie de la victime plus supportable, il me semble qu'il est préférable de déterminer, à la date où le préjudice non pécuniaire commence à être subi, le coût net de cette consolation pour une période donnée, disons pour une journée. Cette façon de faire n'est peut - être pas moins arbitraire qu'une autre, mais elle a la vertu d'être plus concrète.
[17] Ensuite on capitalise cette somme en se prémunissant contre l'inflation (le taux d'actualisation de 3.25 % prévu par la loi y pourvoit) et en tenant compte de l'expectative de vie de la victime afin qu'à la fin de cette vie le capital soit entièrement amorti.
[…] »
[61] Aux présentes, la demande établit l’âge de départ du calcul à 21 ans, il fut démontré que Lowe avait une expectative de vie à 80 ans, donc la réclamation est pour une durée de 59 ans.
[62] En considérant les troubles encourus par Lowe incluant la perte permanente évaluée à 3 %, le Tribunal considère qu’un montant de 3,60 $ par jour représente une consolation appropriée en l’espèce. Selon ce montant le dommage calculé devient :
3,60 $/ jour X 365 jours = |
1 314,00 $ par année |
1 314,00 $ X 59 années = |
77 526,00 $ |
à un taux d’actualisation de 3,25 % |
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Nous donne un dommage de |
34 561,09 $ |
[63] Y a-t-il lieu de réduire la durée des intérêts réclamés sur cette somme considérant que le défendeur était prêt à procéder dès janvier 2014?
[64] C’est le demandeur qui voulait procéder à la chirurgie au menton qui a demandé un report de la cause. Or, ce report fut tout à l’avantage du défendeur, puisque le Tribunal a considéré l’amélioration apportée à la cicatrice du menton dans l’’établissement du pourcentage. Il n’y a donc pas lieu dans les circonstances de modifier la date de début du calcul des intérêts.
Dommages punitifs
[65] Pour qu’il y ait octroi de dommages punitifs l’auteur de la faute doit avoir un comportement illicite et intentionnel, il faut que le résultat soit voulu. À ce sujet, la Cour suprême écrit :
« Il y a donc atteinte illicite et intentionnelle au sens du second alinéa de l’article 49, lorsque l’auteur de l’atteinte illicite a un état d’esprit qui dénote un dessein, une volonté de causer les conséquences fautives ou encore s’il agit en toute connaissance des conséquences, immédiates et naturelles ou au moins extrêmement probables que cette conduite engendrera. Ce critère est moins strict que l’intention particulière, mais dépasse la simple négligence. »[3][4]
[66] Aux présentes, la preuve est à l’effet que Plaisance n’a pas pensé, il a réagi. En conséquence, il a été négligent, mais on ne peut prétendre qu’il a prémédité son geste, qu’il a eu l’intention, le désir de causer les dommages qui s’en sont suivis.
[67] Le Tribunal déduit cela du fait que l’altercation ne dura que quelques secondes, qu’un seul coup ne fut donné, et qu’ensuite Plaisance s’immobilisa déboussolé par ce qu’il venait de faire pour se retirer immédiatement aux toilettes.
[68] En conséquence, aucun dommage punitif ne sera accordé. Quant aux frais d’expertise, une somme de 1 500 $ est accordée à ce titre considérant que la recommandation de l’expert ne fut pas suivie, mais que son rapport fut tout de même plus utile que celui de l’expert en défense à la résolution du litige.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE en partie la demande;
CONDAMNE le défendeur à payer au demandeur la somme de 34 561,09 $ avec l’intérêt au taux légal depuis l’assignation, ainsi que l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec;
Le tout avec dépens incluant 1 500 $ de frais d’expertise.
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__________________________________ JULIE MESSIER, J.C.Q. |
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Me Pierre Mayer / Me Mélanie Marcil |
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Procureurs du demandeur |
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Me Nicole Giguère |
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Procureur du défendeur |
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Date d’audience : |
Les 6 et 7 octobre 2015 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.